Language of document : ECLI:EU:T:2007:10

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

17 janvier 2007 (*)

« Marque communautaire – Marque tridimensionnelle – Motif gaufré – Refus d’enregistrement – Caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑283/04,

Georgia-Pacific Sàrl, établie à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Me R. Delorey, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Rassat, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 11 mai 2004 (affaire R 493/2003-1), concernant l’enregistrement d’une marque tridimensionnelle constituée par un motif gaufré,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme I. Labucka, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 9 juillet 2004,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 13 octobre 2004,

à la suite de l’audience du 4 octobre 2005,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 22 février 2001, la requérante a présenté une demande d’enregistrement d’une marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe, identifié comme « tridimensionnel » sur le formulaire de dépôt, reproduit ci‑après :

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3        Dans sa demande, la requérante a décrit la marque demandée comme suit : « La marque est constituée par l’aspect du produit, caractérisé par son dessin en relief. »

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 16 et 21 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

–        classe 16 : « Papier, rouleaux de papier à usage ménager, essuie‑tout, essuie‑mains en papier ; papier hygiénique ; mouchoirs en papier ; serviettes à démaquiller en papier ; linge de table, à savoir serviettes, nappes, napperons, sets de table en papier ; rouleaux de papier destinés à recouvrir des étagères, papier pour essuyage à usage industriel en format, en rouleaux ou en bobines ; serviettes de toilette en papier ; papier d’emballage en rouleaux ou en feuilles » ;

–        classe 21 : « Ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine (ni en métaux précieux, ni en plaqué) ; matériel de nettoyage, éponges, chiffons, assiettes et gobelets en papier ou en matières plastiques ; torchons en papier ».

5        Par lettre du 15 octobre 2001, l’examinateur a informé la requérante que la marque en cause, étant dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, n’était pas susceptible d’être admise à l’enregistrement en application de ladite disposition.

6        Par lettre du 21 mars 2002, la requérante a présenté ses observations sur les objections de l’examinateur. Elle soutenait, à titre principal, que la marque demandée avait un caractère distinctif intrinsèque. À cet égard, elle indiquait notamment que « la marque demandée [était] constituée de la forme des produits revendiqués (la marque est en effet un gaufrage), mais aussi de dessins (le gaufrage s’imprime selon un motif particulier) ». Elle précisait que « le gaufrage objet du dépôt [était] constitué de points répartis sous forme de cercles concentriques, chaque unité de cercles concentriques comportant en son centre un point et quatre unités de cercles concentriques adjacentes étant séparées par un losange également composé de points, dont les côtés [étaient] légèrement incurvés et comportant en son centre un point ». À titre subsidiaire, la requérante soutenait que la marque demandée avait acquis un caractère distinctif par l’usage.

7        Par lettres des 10 juin et 2 juillet 2002, la requérante a présenté des observations complémentaires. Dans la première lettre, elle commentait notamment les résultats d’un sondage auquel elle avait fait procéder dans dix États membres. Dans la seconde lettre, elle informait l’OHMI de sa décision de limiter le libellé de sa demande d’enregistrement aux produits de la classe 16 correspondant à la description suivante : « rouleaux de papier à usage ménager, essuie-tout, essuie-mains en papier ». Elle expliquait que ces produits étaient « ceux pour lesquels [avait] été établi un usage massif de la marque » et qu’ils constituaient, en outre, les produits « directement concernés » par le sondage susvisé.

8        Par décision du 19 juin 2003, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et qu’elle n’avait pas acquis un caractère distinctif par l’usage au sens du paragraphe 3 du même article.

9        Le 13 août 2003, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre de l’article 59 du règlement n° 40/94, contre cette décision.

10      Le 14 octobre 2003, elle a déposé un mémoire exposant les motifs de son recours.

11      Par décision du 11 mai 2004 (ci-après la « décision attaquée »), notifiée à la requérante le 14 mai 2004, la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Elle a estimé, en substance, que, au regard de l’impression d’ensemble qui se dégageait de la combinaison du gaufrage et de son motif, le signe sollicité ne permettait pas au consommateur moyen de distinguer les produits visés de ceux ayant une autre origine commerciale. Par ailleurs, la chambre de recours a considéré que la marque demandée ne pouvait pas non plus être enregistrée en application de l’article 7, paragraphe 3, du même règlement.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler et réformer la décision attaquée ;

–        dire que la marque demandée est distinctive.

13      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Arguments des parties

15      La requérante soutient que la marque demandée possède le minimum de caractère distinctif requis, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Elle conteste le bien-fondé des arguments invoqués par la chambre de recours pour aboutir à la conclusion selon laquelle le signe sollicité ne permettra pas au consommateur moyen de distinguer les produits visés de ceux ayant une autre origine commerciale. Elle prétend que la « forme particulière » de ce signe non seulement permet d’identifier l’origine des produits, mais, de plus, « a été conçue et mise sur le marché » dans ce but.

16      À cet égard, en premier lieu, la requérante formule des observations au sujet de l’utilisation, dans le secteur du papier essuie‑tout, de formes géométriques imprimées. Renvoyant à des échantillons joints à sa requête, elle indique que ce dernier produit se répartit en deux catégories, à savoir, d’une part, les papiers essuie‑tout « banals », ne revêtant aucun signe distinctif, et, d’autre part, ceux revêtus de motifs de gaufrage. S’agissant des papiers essuie‑tout relevant de la deuxième catégorie, elle fait valoir qu’il est « une pratique établie dans le secteur » d’utiliser des agencements de forme géométrique imprimés afin d’identifier les produits et de les individualiser aux yeux des consommateurs. En d’autres termes, « [toutes] les entreprises ayant choisi d’apposer des signes sous forme de gaufrage sur le papier essuie‑tout [auraient] adopté des formes différentes de [celles retenues par] leurs concurrents ».

17      La requérante indique également que le papier essuie‑tout est vendu dans un emballage transparent afin de permettre au consommateur d’« appréhender dans les rayons des magasins les signes distinctifs qu’il identifie avec le produit employé quotidiennement à son domicile ». Elle relève que, afin de renforcer l’identification du produit, plusieurs fabricants de papier essuie-tout, dont elle-même, mettent fortement en avant les agencements de formes géométriques qu’ils ont adoptés en les reproduisant dans un encadré figurant sur l’emballage du produit, souvent associé à leur logo.

18      La requérante ajoute qu’il est « parfaitement logique et [justifié] » que les entreprises du secteur identifient et individualisent leur papier essuie-tout au moyen du signe imprimé sur celui-ci, puisque le consommateur, après avoir acheté ce produit, en ôte l’emballage d’origine, le rendant « nu » et « sans marque verbale visible ». Ce serait donc ce signe qui constituerait le « signe distinctif premier perçu puis mémorisé par le consommateur ».

19      Enfin, la requérante fait valoir qu’elle commercialise déjà dans une très grande partie de la Communauté du papier essuie-tout en utilisant le signe sollicité, mais sous des marques verbales qui diffèrent selon les pays. Ce signe permettrait au consommateur qui se trouve en dehors de son marché national d’identifier l’origine commerciale du produit, et ce quand bien même celui‑ci porterait une marque verbale différente.

20      En deuxième lieu, la requérante souligne qu’elle ne « revendique nullement la technique ni l’esthétique du gaufrage du papier essuie-tout de manière générale », mais qu’elle entend seulement obtenir la protection d’un « signe particulier constitué de l’agencement de formes géométriques spécifiques pour désigner des produits précis ».

21      Elle critique l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le public pertinent est amené à percevoir la présence de gaufrage comme la suggestion de la capacité d’absorption du papier essuie-tout (points 21 à 23 de la décision attaquée). Elle fait remarquer, à cet égard, que la capacité d’absorption de ce produit dépend de sa qualité et de son épaisseur, et non de la forme de son motif de gaufrage.

22      En tout état de cause, selon la requérante, le fait que le motif de gaufrage soit un « coussinet absorbant » et puisse, dès lors, avoir une fonction technique n’est pas exclusif de tout caractère distinctif. Au soutien de cet argument, elle invoque l’arrêt du Tribunal du 9 octobre 2002, Glaverbel/OHMI (Surface d’une plaque de verre) (T‑36/01, Rec. p. II‑3887, point 24).

23      Par ailleurs, la requérante conteste l’argument de la chambre de recours selon lequel le public ne percevra que l’aspect décoratif et esthétique du motif de gaufrage en cause (point 23 de la décision attaquée). Le fait qu’un signe présente des qualités esthétiques ne saurait le priver de facto de caractère distinctif. Il faudrait encore démontrer que, compte tenu des pratiques commerciales sur le marché, les consommateurs ne peuvent percevoir ce signe que comme un élément décoratif. Or, tel ne serait pas le cas en l’espèce, les motifs de gaufrage étant utilisés par de nombreux fabricants pour identifier et individualiser leurs produits et faciliter l’association de ceux-ci, par le consommateur, à une origine commerciale déterminée.

24      En troisième lieu, la requérante conteste l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle les « motifs de relief » revendiqués ne se différencient pas substantiellement des motifs ornant le même type de produits trouvés communément dans le commerce (point 26 de la décision attaquée). Selon elle, il ressort d’une comparaison des différents échantillons de papier essuie‑tout joints à sa requête que la combinaison de formes géométriques qu’elle a choisie est véritablement spécifique.

25      L’OHMI soutient que la chambre de recours a correctement interprété et appliqué en l’espèce l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

26      L’OHMI fait, tout d’abord, valoir plusieurs considérations d’ordre général. Il affirme notamment que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu, d’une part, que le public pertinent était constitué de tous les consommateurs de l’ensemble de l’Union européenne et, d’autre part, que les produits concernés étant des produits de consommation courante qui se vendent à un prix relativement bas, le niveau d’attention que le consommateur moyen porte à l’aspect de ces produits était peu élevé.

27      Ensuite, l’OHMI commente l’appréciation par la chambre de recours du caractère distinctif de la marque demandée.

28      À cet égard, l’OHMI indique, en premier lieu, que, conformément à la jurisprudence, la chambre de recours a pris en considération l’impression d’ensemble produite par la marque demandée, bien qu’elle ait commencé par procéder à une analyse séparée de chacune des composantes de cette marque, à savoir le gaufrage et le motif de gaufrage (arrêts de la Cour du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑468/01 P à C‑472/01 P, Rec. p. I‑5141, point 45, et Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, Rec. p. I‑5173, point 45).

29      En deuxième lieu, l’OHMI prétend que la requérante reconnaît que le public concerné est habitué à la présence de gaufrage sur le papier essuie-tout et qu’il est courant que les motifs de gaufrage choisis soient constitués de formes géométriques.

30      En troisième lieu, l’OHMI admet que le fait qu’un signe remplisse plusieurs fonctions simultanées est sans incidence sur son caractère distinctif. En l’espèce, la chambre de recours ne se serait pas fondée sur le caractère fonctionnel du signe demandé pour refuser son enregistrement. Elle se serait bornée à constater que le gaufrage, en tant que tel, ne fait que désigner la finalité des produits en cause, en ce qu’il suggère une meilleure capacité d’absorption. L’OHMI affirme que la fonction d’absorption desdits produits est un « fait notoire » et que l’emploi d’emballages transparents dans le secteur concerné a pour « utilité première » de « suggérer » cette fonction. L’OHMI considère que c’est donc à bon droit que la chambre de recours a conclu que le gaufrage présent sur le papier essuie-tout ne pouvait servir d’indicateur d’origine.

31      En quatrième lieu, s’agissant du motif de gaufrage en cause, l’OHMI déclare partager la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le public n’en perçoit que l’aspect esthétique et décoratif.

32      Selon l’OHMI, la chambre de recours a suffisamment démontré que, du point de vue du public pertinent, ce motif de gaufrage n’apparaissait que comme une variante des motifs communément utilisés dans le commerce pour la présentation des produits concernés.

33      En cinquième lieu, l’OHMI considère que l’argument de la requérante tiré de ce que, le papier essuie-tout ne portant aucune marque verbale visible après avoir été retiré de son emballage d’origine, c’est le « gaufrage imprimé qui [remplit] la fonction distinctive » est dépourvu de pertinence. Il estime notamment qu’il s’agit là d’un « certain concept de commercialisation qui ne dépend que du choix des entreprises concernées » et qui, partant, est susceptible d’évoluer.

34      L’OHMI conclut en indiquant que l’impression d’ensemble qui se dégage de la combinaison du gaufrage et de son motif n’est nullement frappante et ne permet pas au consommateur moyen de distinguer les produits visés de ceux ayant une autre origine commerciale. Il prétend que ses conclusions sont confirmées par les résultats du sondage d’opinion présenté devant l’examinateur et la chambre de recours par la requérante en vue d’établir que la marque demandée avait acquis un caractère distinctif par l’usage.

 Appréciation du Tribunal

35      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement les « marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ».

36      Le caractère distinctif d’une marque au sens de cette disposition signifie que cette marque permet d’identifier les produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ces produits ou services de ceux d’autres entreprises (arrêts de la Cour du 18 juin 2002, Philips, C‑299/99, Rec. p. I‑5475, point 35, et du 8 avril 2003, Linde e.a., C‑53/01 à C‑55/01, Rec. p. I‑3161, point 40).

37      Selon une jurisprudence constante, ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [arrêts du Tribunal du 3 décembre 2003, Nestlé Waters France/OHMI (Forme d’une bouteille), T‑305/02, Rec. p. II‑5207, point 29, et du 29 avril 2004, Eurocermex/OHMI (Forme d’une bouteille de bière), T‑399/02, Rec. p. II‑1391, point 19, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 30 juin 2005, Eurocermex /OHMI, C‑286/04 P, Rec. p. I‑5797].

38      En l’espèce, les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé sont les « rouleaux de papier à usage ménager, essuie‑tout et essuie‑mains en papier ». Il convient de relever que, pour l’essentiel, les arguments que la requérante fait valoir dans sa requête ne concernent, toutefois, que le papier essuie‑tout.

39      La marque demandée se confond avec l’aspect extérieur des produits, à savoir un gaufrage constitué de points répartis sous forme de cercles concentriques, chaque ensemble de cercles concentriques comportant en son centre un point et quatre ensembles de cercles concentriques adjacents étant séparés par un losange, également composé de points, dont les côtés sont légèrement incurvés et comportant en son centre un point.

40      En ce qui concerne le public pertinent, c’est à juste titre que la chambre de recours a indiqué, au point 17 de la décision attaquée, que les produits précités étaient des biens de consommation largement répandus et que le public pertinent était celui de tous les consommateurs dans l’ensemble de l’Union européenne. Il y a donc lieu d’apprécier le caractère distinctif de la marque demandée en tenant compte de l’attente présumée d’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [arrêt du Tribunal du 30 avril 2003, Axions et Belce/OHMI (Forme de cigare de couleur brune et forme de lingot doré), T‑324/01 et T‑110/02, Rec. p. II‑1897, point 31]. Cependant, il convient de tenir compte de la circonstance que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différents signes, mais doit se fier à l’image imparfaite qu’il a gardée en mémoire [arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, Procter & Gamble/OHMI (Forme d’un savon), T‑63/01, Rec. p. II‑5255, point 41].

41      Il convient également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie des produits en cause [arrêt du Tribunal du 5 mars 2003, Unilever/OHMI (Tablette ovoïde), T‑194/01, Rec. p. II‑383, point 42, et arrêt Forme d’une bouteille, précité, point 34]. En l’espèce, la chambre de recours a considéré, à juste titre, que, s’agissant de produits de consommation quotidienne qui se vendent à un prix relativement bas, le niveau d’attention du consommateur moyen à l’égard de leur aspect extérieur était peu élevé (point 18 de la décision attaquée).

42      Par ailleurs, il convient de relever que, selon la jurisprudence, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques constituées par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques [arrêt du Tribunal du 10 novembre 2004, Storck/OHMI (Forme d’un bonbon), T‑396/02, Rec. p. II‑3821, point 35, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑24/05 P, non encore publié au Recueil].

43      Toutefois, il y a lieu de tenir compte, dans le cadre de l’application de ces critères, du fait que la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque constituée par l’apparence du produit lui‑même que dans le cas d’une marque verbale ou dans celui d’une marque figurative ou tridimensionnelle, qui n’est pas constituée par cette apparence. En effet, alors que le public a l’habitude de percevoir immédiatement ces dernières marques comme des signes identificateurs du produit, il n’en va pas forcément de même lorsque le signe se confond avec l’aspect extérieur du produit lui‑même (voir, en ce sens, arrêt Surface d’une plaque de verre, précité, point 23, confirmé sur pourvoi par ordonnance de la Cour du 28 juin 2004, Glaverbel/OHMI, C‑445/02 P, Rec. p. I‑6267, et arrêt Forme d’un bonbon, précité, point 36, et la jurisprudence citée).

44      Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 (arrêt de la Cour du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, Rec. p. I‑9165, point 31).

45      En l’espèce, ainsi qu’il est constaté au point 20 de la décision attaquée, la marque demandée combine deux éléments, à savoir, d’une part, le gaufrage et, d’autre part, le motif de ce gaufrage. Pour apprécier si cette combinaison peut être perçue par le public comme une indication d’origine, il y a lieu d’analyser l’impression d’ensemble qu’elle produit, ce qui n’est pas incompatible avec un examen successif des différents éléments la composant [arrêts du Tribunal Tablette ovoïde, précité, point 54, et du 9 juillet 2003, Stihl/OHMI (Combinaison d’orange et de gris), T‑234/01, Rec. p. II‑2869, point 32].

46      En ce qui concerne, d’une part, l’aspect de gaufrage des produits concernés, celui‑ci résulte de la présence, sur ces produits, de suites de points faisant apparaître une alternance de reliefs et de creux et formant des cercles concentriques et des losanges. Ainsi qu’il ressort du dossier et que la requérante l’admet d’ailleurs expressément, les consommateurs sont habitués à la présence de gaufrage sur le papier essuie‑tout, les fabricants de ce produit utilisant communément un gaufrage pour sa présentation.

47      En fait, comme le relève, à juste titre, la chambre de recours aux points 21 à 23 de la décision attaquée, le public pertinent perçoit avant tout la présence de gaufrage sur le papier essuie‑tout non comme l’indication de l’origine commerciale de ce produit, mais comme la suggestion de certaines de ses qualités et, notamment, de sa capacité d’absorption, laquelle est sa fonction première et la caractéristique la plus recherchée par les consommateurs. Force est d’ailleurs de constater que, ainsi qu’il ressort de certaines pièces annexées à la requête et du point 40 de la décision attaquée, la publicité réalisée par la requérante associe invariablement le gaufrage présent sur ses produits à la grande capacité d’absorption de ceux‑ci. Ainsi, son papier essuie‑tout portant la marque OKAY est présenté comme comportant des « coussinets absorbants » et comme étant « super absorbant grâce à son gaufrage spécial ». De même, dans un dossier de presse distribué en mai 1997 à l’occasion de la mise sur le marché de l’un de ses nouveaux produits, elle indique notamment que, « [avec] ses coussinets absorbants lancés en septembre 1996, OKAY de LOTUS a largement satisfait la première attente des consommateurs qui est l’absorption ».

48      À cet égard, il est indifférent que, sur le plan technique, la capacité d’absorption du produit soit, comme le soutient la requérante, davantage fonction de la qualité et de l’épaisseur du papier que du fait qu’il comporte un gaufrage, dès lors que, dans l’esprit du consommateur, la présence de gaufrage sur ce type de produit évoque clairement cette capacité. Aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, il convient de tenir compte de la perception par le consommateur moyen du produit en cause, laquelle est susceptible de diverger des réalités techniques.

49      Il convient d’ajouter que, contrairement à ce que laisse entendre la requérante, la chambre de recours n’a nullement estimé que le fait que le signe sollicité ait une fonction technique excluait qu’il puisse avoir un caractère distinctif. Ainsi qu’il ressort des considérations exposées aux points 46 à 48 ci‑dessus, la chambre de recours s’est – à juste titre – fondée sur l’analyse selon laquelle le consommateur moyen ne percevra pas d’emblée l’aspect extérieur de gaufrage que ce signe confère aux produits concernés comme une indication de leur origine commerciale, mais comme la suggestion de certaines de leurs qualités et, notamment, de leur capacité d’absorption. Si, certes, selon la jurisprudence, le fait qu’un signe remplisse plusieurs fonctions simultanées est sans incidence sur son caractère distinctif, il n’en reste pas moins, toutefois, que, parmi ces fonctions, doit figurer celle d’indicateur de l’origine commerciale des produits concernés (voir, en ce sens, arrêt Surface d’une plaque de verre, précité, point 24).

50      Concernant, d’autre part, le motif imprimé sur les produits de la requérante, c’est à bon droit également que la chambre de recours a considéré, au point 23 de la décision attaquée, qu’il apparaissait plutôt comme étant dû à une finition esthétique ou décorative que comme devant indiquer l’origine commerciale des produits.

51      À cet égard, il doit être constaté que, ainsi que la requérante le reconnaît elle‑même expressément à plusieurs endroits de sa requête, il est courant, dans le secteur du papier essuie‑tout, d’utiliser des signes composés d’agencements de formes géométriques pour la présentation de ce produit. Ainsi que la chambre de recours l’a indiqué au point 26 de la décision attaquée, il ressort d’ailleurs clairement des échantillons de papier essuie‑tout annexés par la requérante à sa requête que ses concurrents impriment également sur leurs produits des motifs géométriques simples, tels que des cercles, des rectangles ou des losanges, seuls ou en combinaison. Ces échantillons démontrent également que le motif revendiqué par la requérante n’apparaît que comme une variante de ceux communément utilisés, dans le commerce, pour la présentation du papier essuie‑tout.

52      Quant à la perception du signe sollicité dans son ensemble, il y a lieu de rappeler que ce signe est constitué par la combinaison de deux éléments, à savoir, d’une part, un motif constitué d’un agencement de figures géométriques et, d’autre part, le marquage en relief dudit motif, donnant ainsi au produit un aspect de gaufrage.

53      À cet égard, il convient de relever que, ainsi qu’il est indiqué aux points 24 et 26 de la décision attaquée et qu’il ressort des échantillons de papier essuie‑tout annexés à la requête, les concurrents de la requérante, eux aussi, combinent habituellement de tels éléments pour la présentation de leurs produits. Pareille combinaison vient naturellement à l’esprit du consommateur moyen comme forme de présentation typique desdits produits.

54      Ces échantillons établissent également que la combinaison revendiquée par la requérante – soit le motif de gaufrage en cause – ne s’écarte pas de façon significative des motifs de gaufrage utilisés par ses concurrents, mais apparaît plutôt comme une variante de ces derniers motifs.

55      Certes, le motif de gaufrage de la requérante n’est pas strictement identique aux motifs de gaufrage de ses concurrents. Toutefois, ainsi que la chambre de recours l’a souligné au point 26 de la décision attaquée, il ne présente pas de caractéristiques suffisamment spécifiques et arbitraires susceptibles de retenir l’attention du consommateur moyen et de permettre à ce dernier de distinguer les produits de la requérante de ceux ayant une autre origine commerciale. Il en va d’autant plus ainsi que, comme il a déjà été indiqué aux points 40 et 41 ci‑dessus, ledit consommateur garde en mémoire une image imparfaite des différentes marques et que son niveau d’attention à l’égard de l’aspect extérieur du papier essuie-tout n’est pas élevé.

56      Il résulte des considérations qui précèdent que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, au point 28 de la décision attaquée, que, au regard de l’impression d’ensemble qui se dégageait de la combinaison du gaufrage et de son motif, la marque demandée ne permettait pas au public pertinent de distinguer les produits visés de ceux ayant une autre origine commerciale.

57      Il convient de noter que cette appréciation est confirmée par certains résultats du sondage d’opinion présenté par la requérante au cours de la procédure administrative, qui établissent que, dans la plupart des États membres visés par ce sondage, la majorité des personnes interrogées n’associent pas le motif de gaufrage en cause à une marque particulière de papier essuie‑tout (point 43 de la décision attaquée).

58      Quant à l’argument que la requérante tire de ce que, lorsqu’il n’est plus dans son emballage d’origine, le papier essuie‑tout est « nu » et « sans marque verbale visible », il est dénué de pertinence, dès lors qu’il relève de l’usage du produit par l’utilisateur dans la vie quotidienne et non de la perception du signe par le consommateur lors de l’acte d’achat. En outre, la décision de ne pas apposer de marque verbale sur ce produit résulte d’un choix commercial de la requérante, susceptible d’être modifié postérieurement à l’enregistrement de la marque.

59      Il résulte des considérations qui précèdent que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en estimant que la marque demandée, prise dans son ensemble, était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

60      Par conséquent, le recours doit être rejeté comme non fondé.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

62      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante, Georgia-Pacific Sàrl, est condamnée aux dépens.

Cooke

García-Valdecasas

Labucka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 janvier 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      J. D. Cooke


* Langue de procédure : le français.