Language of document : ECLI:EU:T:2006:399

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

14 décembre 2006 (*)

« Fonds européen de développement régional – Réduction du concours financier – Recours en annulation – Acte susceptible de recours – Acte préparatoire – Irrecevabilité »

Dans les affaires jointes T‑314/04 et T‑414/04,

République fédérale d’Allemagne, représentée par M. C.-D. Quassowski, en qualité d’agent, assisté de Me C. von Donat, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Wilms et L. Flynn, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet des demandes d’annulation des décisions qui seraient contenues dans deux lettres de la direction générale « Politique régionale » de la Commission des 17 mai et 9 août 2004, adressées à la requérante, relatives à la réduction des concours du Fonds européen de développement régional octroyés en faveur, respectivement, du programme d’objectif n° 2 1997-1999 Rhénanie-du-Nord-Westphalie et du programme opérationnel Resider II-Rhénanie du Nord-Westphalie 1994-1999 et au refus, en conséquence, de verser à la requérante, respectivement, le solde de 5 488 569,24 euros et de 2 268 988,33 euros,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de M. M. Jaeger, président, Mme V. Tiili et M. O. Czúcz, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 juin 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        De 1989 à 1999, les règles relatives à la mise en œuvre de la cohésion économique et sociale prévue à l’article 158 CE étaient définies par le règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil, du 24 juin 1988, concernant les missions des fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants (JO L 185, p. 9). Ce règlement constituait la principale disposition régissant les fonds structurels et notamment le Fonds européen de développement régional (FEDER). Il a été modifié par le règlement (CEE) n° 2081/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 5).

2        Le règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement n° 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents fonds structurels, d’une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants, d’autre part (JO L 374, p. 1), comportait également des dispositions relatives aux fonds structurels. Ce règlement a été modifié par le règlement (CEE) n° 2082/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 20).

3        Dans sa version applicable en l’espèce, l’article 24 du règlement n° 4253/88 était libellé comme suit :

« Réduction, suspension et suppression du concours

1.      Si la réalisation d’une action ou d’une mesure ne semble justifier ni une partie ni la totalité du concours financier qui lui a été alloué, la Commission procède à un examen approprié du cas dans le cadre du partenariat, en demandant notamment à l’État membre ou aux autorités désignées par celui-ci pour la mise en œuvre de l’action de présenter leurs observations dans un délai déterminé.

2.      Suite à cet examen, la Commission peut réduire ou suspendre le concours pour l’action ou la mesure concernée si l’examen confirme l’existence d’une irrégularité, et notamment d’une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en œuvre de l’action ou de la mesure et pour laquelle l’approbation de la Commission n’a pas été demandée.

3.      Toute somme donnant lieu à répétition de l’indu doit être reversée à la Commission. Les sommes non reversées sont majorées d’intérêts de retard en conformité avec les dispositions du règlement financier et selon les modalités à arrêter par la Commission, suivant les procédures visées au titre VIII. »

 Antécédents du litige

4        Par décision C(95) 1738 du 27 juillet 1995, la Commission a accordé un concours financier communautaire à un programme opérationnel, lancé dans le cadre de l’initiative communautaire Resider II, en vue de la reconversion économique des zones sidérurgiques dans le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie pour la période du 28 novembre 1994 au 31 décembre 1997 (le programme en cause dans l’affaire T‑414/04). Cette décision a été modifiée à plusieurs reprises. Dans sa version finale, la durée du programme est étendue jusqu’au 31 décembre 1999 et le montant total du concours financier à la charge du FEDER est fixé à 75 063 840 euros.

5        Par décision C(97) 1120 du 7 mai 1997, la Commission a approuvé le document unique de programmation de la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999 pour les interventions structurelles communautaires dans les régions du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie concernées par l’objectif n° 2 en République fédérale d’Allemagne (le programme en cause dans l’affaire T‑314/04). Cette décision a été modifiée à plusieurs reprises et octroie, dans sa version finale, un concours financier à la charge du FEDER d’un montant total de 324 534 806 euros.

6        Compte tenu de la clôture, le 31 décembre 1999, de la période de programmation 1994-1999 des fonds structurels, la Commission a adopté le 9 septembre 1999, les « lignes d’orientation pour la clôture financière des mesures opérationnelles (1994-1999) des fonds structurels » (ci-après les « lignes d’orientation ») et les a transmises aux États membres. Lesdites lignes d’orientation, dans leur version en langue allemande, prévoient notamment :

« 6. Plans de financement

6.1.      Le plan de financement ne peut pas faire l’objet de modifications après la date finale pour les engagements.

6.2.      La clôture financière des programmes doit être effectuée sur la base de la version du plan de financement en vigueur (il s’agit, en général, du plan de financement avec une ventilation à trois niveaux, soit programme, sous-programme, mesure). Les décomptes introduits par les États membres doivent présenter le même niveau de détail que les plans de financement annexés aux décisions portant approbation des interventions opérationnelles et, donc, doivent en général, présenter un état des dépenses effectives encourues ventilées au niveau des mesures.

Un dépassement de 20 % de la contribution de chaque fonds par mesure peut être accepté pourvu que le montant total du sous-programme, tel qu’établi dans le plan de financement en vigueur, ne soit pas augmenté.

Toutefois, les augmentations des mesures à l’intérieur d’un sous-programme ne peuvent pas dépasser 10 % de la contribution de chaque fonds du montant total dudit sous-programme, tel qu’établi dans le plan de financement.

Il est à noter que la clause de flexibilité n’est applicable qu’à l’intérieur du même fonds et que dans le cas où il n’y a pas de sous-programme, la flexibilité de 10 % est applicable au niveau du programme. »

7        Afin de réduire le nombre de demandes de modification des programmes ou des plans de financement, la Commission a invité les États membres à recourir davantage à la clause de flexibilité, contenue dans le point 6 des lignes d’orientation, lors de la réunion des 1l et 12 novembre 1999 du comité de suivi de l’objectif n° 2. La Commission aurait indiqué, en outre, que seules seraient examinées les demandes de modification qui lui seraient parvenues à la mi-octobre 1999. Les autorités allemandes chargées des programmes en cause n’ont présenté aucune demande de modification après le 15 octobre 1999.

8        Au vu des projets pour lesquels des demandes de financement avaient été présentées au cours du dernier trimestre de 1999, les autorités allemandes en charge des deux programmes ont remarqué qu’il y avait une demande de financement excessive pour certaines des mesures prévues par rapport aux fonds qui leur avaient été alloués dans les plans de financement alors que, pour d’autres mesures, il y avait une demande inférieure à ce qui avait été prévu. En conséquence, les autorités allemandes ont décidé d’admettre des transferts entre les différentes mesures de chaque programme de sorte que les fonds qui n’étaient pas utilisés dans le cadre des mesures pour lesquelles ils avaient été prévus puissent être utilisés pour le financement de projets relevant d’autres mesures. Ces transferts n’ont pas entraîné d’augmentation du montant total de chacun des programmes en cause dans les présentes affaires, mais ils ont eu comme conséquence d’augmenter le montant de certains axes et de réduire le montant d’autres axes.

9        Les sommes correspondant au concours financier du FEDER à ces programmes ont été versées sous la forme d’avances tout au long de la période d’exécution. Les 26 et 27 mars 2003, la requérante a demandé à la Commission le versement du solde restant dû dans chaque programme, s’élevant à 53 612 761,20 euros (affaire T‑314/04) et à 11 594 912 euros (affaire T‑414/04).

10      Par courrier du 3 juin 2003, le chef de l’unité compétente de la direction générale (DG) « Politique régionale » de la Commission, a indiqué à la requérante que la clause de flexibilité prévue au point 6 des lignes d’orientation ne permettait des transferts qu’entre mesures relevant d’un même axe et que les transferts entre axes étaient interdits. La requérante a répondu à cette lettre par courrier du 25 février 2004.

11      Par courrier du 5 décembre 2003, ayant pour objet le « programme d’objectif n° 2 1997-1999 de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, préparation de la clôture » et concernant le programme en cause dans l’affaire T‑314/04, le directeur général faisant fonction de la DG « Politique régionale » a fait connaître les éléments qui, en l’état de ses connaissances, justifiaient que la contribution du FEDER de 324 534 806 euros prévue dans la décision d’approbation du programme soit réduite à 319 046 236,76 euros. Cette lettre indiquait que, par conséquent, le solde qui devait être versé à la requérante n’était que de 48 124 191 euros et que la différence de 5 488 569,24 euros entre ce montant et celui réclamé par la requérante pouvait être libérée afin qu’elle puisse être utilisée pour d’autres programmes. En outre, la requérante était invitée à répondre aux arguments présentés dans ladite lettre dans un délai de deux mois, faute de quoi le solde de 5 488 569,24 euros serait libéré. La requérante a répondu à cette lettre par courrier du 4 février 2004 et a transmis à la Commission les observations des autorités du Land en charge du programme concernant la réduction du concours du FEDER proposée.

12      Par courrier du 2 mars 2004 ayant pour objet la « préparation de la clôture » et concernant le programme en cause dans l’affaire T‑414/04, le directeur général faisant fonction de la DG « Politique régionale » a communiqué à la requérante les éléments qui, à son avis, devaient être pris en considération pour le décompte financier et au regard desquels le concours financier du FEDER devait s’élever non pas à 75 063 840 euros, comme prévu dans la décision d’approbation du programme, mais à 72 794 851,67 euros. La lettre indiquait que, par conséquent, le solde qui devait être versé à la requérante n’était que de 9 325 923,67 euros et que la différence de 2 268 988,33 euros entre ce montant et celui réclamé par la requérante pouvait être libérée afin qu’elle puisse être utilisée pour d’autres programmes. En outre, la requérante était invitée à répondre à cette lettre dans un délai de deux mois, faute de quoi la Commission libérerait ce solde de 2 268 988,33 euros. La requérante a répondu par lettre du 10 mai 2004 et a transmis à la Commission un courrier du 29 avril 2004 des autorités du Land contenant leurs observations à propos de la réduction du concours du FEDER envisagée.

13      Par courrier du 23 mars 2004, relatif à l’ensemble des programmes pour lesquels un concours financier communautaire avait été accordé, le directeur général faisant fonction de la DG « Politique régionale » a indiqué à la requérante que ses objections concernant l’application de la clause de flexibilité ne pouvaient pas être retenues et que, en conséquence, la Commission libérerait le solde des crédits engagés au titre du FEDER. La requérante a répondu à cette lettre par courrier du 26 avril 2004 en demandant à la Commission de lui faire parvenir des communications de clôture pour chaque programme.

14      Par courrier du 17 mai 2004, ayant pour objet la « clôture du programme d’objectif n° 2 1997-1999 de Rhénanie-du-Nord-Westphalie […] » et concernant le programme en cause dans l’affaire T‑314/04, le chef de l’unité compétente au sein de la DG « Politique régionale » a porté à la connaissance de la requérante ce qui suit :

« [L]e Land déclare ne pas être d’accord sur deux points de notre proposition de paiement. Il s’agit, d’une part, de l’application du taux de change appliqué et, d’autre part, de l’application des règles de flexibilité selon le point 6 [des lignes d’orientation]. Nous vous avions déjà fait part de notre position quant à ces deux points par courrier du 23 mars 2004 […], auquel nous vous renvoyons. Selon la [DG ‘Politique régionale’], les objections émises par le Land ne peuvent pas être retenues. En conséquence, la Commission libérera, sur la base des calculs figurant dans notre courrier […] du 5 décembre 2003 concernant la préparation de la clôture, le solde des engagements du FEDER encore en suspens pour le programme précité, à hauteur de 5 488 569,24 euros.».

15      Par courrier du 9 août 2004, ayant pour objet la « [c]lôture de l’initiative communautaire Resider II 1995-1999 Rhénanie-du-Nord-Westphalie […] » et concernant le programme en cause dans l’affaire T‑414/04, le chef de l’unité compétente au sein de la DG « Politique régionale » a porté à la connaissance de la requérante ce qui suit :

« Par le courrier du 29 avril 2004 […], l’administration du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie marque son désaccord sur deux points de notre proposition de paiement du 2 mars 2004. Il s’agit, d’une part, du taux de change appliqué et, d’autre part, de l’application de la clause de flexibilité selon le point 6 [des lignes d’orientation]. Nous vous avions déjà fait part de notre position quant à ces deux points par courrier du 23 mars 2004 […], auquel nous vous renvoyons. Selon la [DG ‘Politique régionale’], les objections émises par le Land ne peuvent être retenues. En conséquence, la Commission libérera, sur la base des calculs figurant dans notre courrier […] du 2 mars 2004, le solde des engagements du FEDER encore en suspens pour le programme précité, à hauteur de 2 268 988,33 euros.».

16      Cette lettre contenait, néanmoins, une erreur matérielle en ce que le programme mentionné n’était pas le programme en cause. Le lendemain, une version corrigée de cette lettre a été communiquée à la requérante par courrier électronique.

 Procédure et conclusions des parties

17      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal les 27 juillet et 11 octobre 2004, la requérante a introduit les présents recours enregistrés, respectivement, sous les numéros T-314/04 et T-414/04.

18      Par actes séparés déposés au greffe du Tribunal les 28 octobre et 3 décembre 2004, la partie défenderesse a soulevé des exceptions d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal. La requérante a déposé, les 20 décembre 2004 et 19 janvier 2005, ses observations sur ces exceptions d’irrecevabilité.

19      Par ordonnances du Tribunal du 25 avril 2005, les exceptions ont été jointes au fond et les dépens ont été réservés.

20      Par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 12 mai 2006, les affaires T‑314/04 et T‑414/04 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

21      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64, paragraphe 3, sous c) et d), du règlement de procédure, a invité les parties à déposer certains documents et a posé par écrit des questions aux parties, en les invitant à répondre avant l’audience. Les parties ont déféré à ces demandes dans le délai qui leur avait été imparti.

22      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 14 juin 2006.

23      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer les recours recevables ;

–        annuler la décision de la Commission contenue dans la lettre du 17 mai 2004 dans la mesure où elle réduit le concours communautaire du FEDER au programme en cause dans l’affaire T-314/04 à 319 046 236,76 euros et lui refuse le paiement d’un solde de 5 488 569,24 euros ;

–        annuler la décision de la Commission contenue dans la lettre du 9 août 2004, dans la mesure où elle ramène le concours communautaire du FEDER au programme en cause dans l’affaire T-414/04 à 72 794 851,67 euros et lui refuse le versement du reliquat de 2 268 988,33 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens.

24      La défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours comme irrecevables ;

–        subsidiairement, rejeter les recours comme non fondés ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Arguments des parties

25      La Commission fait valoir que les recours sont irrecevables au motif que les lettres des 17 mai et 9 août 2004 à l’annulation desquelles ils tendent (ci-après les « lettres attaquées ») ne sont pas des décisions au sens de l’article 230 CE, mais des mesures intermédiaires destinées à préparer les décisions finales de sorte qu’elles ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation. 

26      Elle rappelle que, d’après une jurisprudence constante, ne constituent des actes attaquables que les mesures produisant des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique. Elle rappelle également que pour déterminer si un acte ou une décision produit de tels effets, il y a lieu de s’attacher à sa substance.

27      Or, les lettres attaquées ne pourraient pas, par nature, constituer des décisions définitives, une décision définitive de réduction d’un concours communautaire ne pouvant être adoptée que par la Commission en tant qu’organe collégial ou par les personnes qu’elle a dûment habilitées à cette fin conformément à son règlement de procédure. Par conséquent, les lettres attaquées ne seraient que des prises de position du chef d’unité responsable de l’Allemagne au sein de la DG « Politique régionale », ce qui serait confirmé par le fait que les autres lettres envoyées par la Commission à la requérante avaient été signées par le directeur général et par le fait que les lettres attaquées ne contiennent pas la mention « par la Commission ».

28      Il ne ressortirait pas non plus de l’objet ni du libellé des lettres attaquées qu’il s’agit de mesures définitives. Concernant l’objet, la Commission n’aurait fait que reprendre l’objet de la lettre de la requérante du 26 avril 2004 à laquelle elles répondaient. Concernant leur libellé, premièrement, les lettres attaquées n’indiqueraient pas qu’elles sont fondées sur les articles 23 et 24 du règlement n° 4253/88. Deuxièmement, la phrase aux termes de laquelle « la Commission libérera […] le solde des engagements du FEDER encore en suspens pour le programme précité […] » ferait clairement apparaître que les crédits n’ont pas encore été libérés. Les lettres attaquées indiqueraient, enfin, que les décisions définitives concernant les réductions des concours communautaires vont être adoptées.

29      La Commission fait valoir en outre qu’il ne peut pas lui être reproché d’avoir pris position sur les objections formulées par la requérante dans ses différentes lettres, dès lors que l’article 24, paragraphe 1, du règlement n° 4253/88 l’oblige à offrir à l’État membre concerné la possibilité d’échanges de vues exhaustifs.

30      Dans son mémoire en défense, la Commission ajoute que le caractère non décisionnel des lettres attaquées est confirmé par le fait que, d’une part, elles ne fixent pas, contrairement aux exigences de l’article 24, paragraphe 1, du règlement n° 4253/88, de délai pour la présentation des observations de la requérante sur la réduction envisagée et, d’autre part, des décisions sur d’éventuelles irrégularités peuvent encore être prises. Elle affirme, en outre, que la procédure relative aux programmes en cause n’est pas encore achevée comme le démontrerait le fait qu’elle a transmis à la requérante, les 29 avril et 31 mai 2005, deux lettres concernant la clôture desdits programmes évoquant explicitement la possibilité de clarifier encore certains points litigieux. Elle fait valoir qu’il résulte de la référence expresse à l’article 24 du règlement n° 4253/88 contenue dans ces lettres que les décisions définitives dans les dossiers en cause doivent encore être adoptées.

31      La requérante estime qu’il ressort sans ambiguïté des lettres attaquées que l’échange de vues entre les parties concernant la clôture des programmes en question est terminé et que la Commission n’adoptera pas d’autres décisions concernant les réductions des concours financiers octroyés. Elle considère que l’utilisation du futur (« la Commission libérera […] le solde des engagements du FEDER encore en suspens ») n’implique pas qu’il ne s’agit pas de décisions de clôture. Elle fait valoir à cet égard que la Commission ne fait pas la différence entre, d’une part, la décision de réduire la participation du FEDER et de ne pas verser le solde aux autorités allemandes et, d’autre part, l’exécution de cette décision. La libération des soldes dans le futur fait référence, d’après la requérante, à l’exécution des décisions déjà adoptées et non à l’adoption de décisions définitives.

32      La requérante ajoute qu’il est courant dans la pratique de la Commission de clore les programmes du FEDER par des décisions qui ne sont pas adoptées conformément aux règles régissant la prise des décisions au sein de la Commission. Elle estime que la Commission ne peut pas, cependant, faire valoir, dans le cadre d’un recours en annulation, que les décisions auraient dû être adoptées selon d’autres formes. Elle indique à cet égard que les lettres attaquées ont l’effet de décisions formelles en ce que les demandes de paiement adressées à la Commission les 26 et 27 mars 2003 n’ont pas été honorées complètement.

33      La requérante considère, en outre, que le caractère définitif des décisions contenues dans les lettres attaquées est confirmé, premièrement, par le fait que lesdites lettres ont été envoyées en réponse au courrier du 26 avril 2004 par lequel elle avait demandé à la Commission de lui faire parvenir des communications de clôture pour chaque programme. Deuxièmement, concernant l’affaire T‑414/04, il résulterait du corrigendum que la Commission a envoyé le 10 août 2004 que la lettre attaquée avait un caractère définitif.

34      En réponse aux arguments avancés par la Commission dans son mémoire en défense, la requérante fait valoir, premièrement, que le fait que les lettres attaquées ne lui fixent pas de délai pour présenter des observations sur une éventuelle réduction du concours prouve, contrairement à ce que prétend la Commission, qu’elles sont des décisions définitives au sens de l’article 24 du règlement n° 4253/88, dès lors que le délai pour la présentation d’observations auquel fait référence la Commission avait déjà été accordé, antérieurement, par les lettres des 5 décembre 2003 et 2 mars 2004.

35      Elle soutient, deuxièmement, que le fait qu’il serait encore possible de procéder à des rectifications en raison d’irrégularités n’empêche pas de considérer que les lettres attaquées constituent des décisions définitives, puisque des rectifications peuvent être apportées même après une décision finale de clôture des comptes, sur la base de nouvelles informations relatives à des irrégularités.

36      Troisièmement, le fait que la Commission ait rouvert la procédure administrative à la suite de l’introduction des présents recours n’affecterait pas la recevabilité de ceux-ci, dès lors que la recevabilité doit être appréciée au jour de l’introduction des recours et que rien ne permettrait de penser que la Commission avait déjà prévu, à ce moment-là, de reprendre la procédure. Elle soutient à cet égard qu’une communication de la Commission aux États membres concernant l’existence ou l’inexistence de droits pécuniaires ne peut être considérée, indépendamment de sa forme, comme provisoire que lorsqu’il apparaît qu’une décision définitive de la Commission doit encore être adoptée.

 Appréciation du Tribunal

37      Il résulte d’une jurisprudence constante qu’il ne suffit pas qu’une lettre ait été envoyée par une institution communautaire à son destinataire, en réponse à une demande formulée par ce dernier, pour qu’elle puisse être qualifiée de décision au sens de l’article 230 CE, ouvrant ainsi la voie du recours en annulation (arrêt du Tribunal du 22 mai 1996, AITEC/Commission, T‑277/94, Rec. p. II‑351, point 50 ; ordonnances du Tribunal du 4 octobre 1996, Sveriges Betodlares et Henrikson/Commission, T‑5/96, Rec. p. II‑1299, point 26 ; du 5 novembre 2003, Kronoply/Commission, T‑130/02, Rec. p. II‑4857, point 42, et du 29 avril 2004, SGL Carbon/Commission, T‑308/02, Rec. p. II‑1363, point 40).

38      En effet, selon une jurisprudence également constante, seuls les actes produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci, peuvent faire l’objet d’un recours en annulation au titre de l’article 230 CE. Plus particulièrement, lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, ne constituent, en principe, un acte attaquable que les mesures qui fixent définitivement la position de la Commission au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale (voir ordonnance du Tribunal du 2 juin 2004, Pfizer/Commission, T‑123/03, Rec. p. II‑1631, points 21 et 22, et la jurisprudence citée).

39      Pour déterminer si un acte ou une décision produit des effets juridiques obligatoires, il y a lieu de s’attacher à sa substance (ordonnance de la Cour du 13 juin 1991, Sunzest/Commission, C‑50/90, Rec. p. I‑2917, point 12, et ordonnance Kronoply/Commission, précitée, point 44).

40      S’agissant, d’abord, du contenu des lettres attaquées, force est de constater que la phrase, selon laquelle « la Commission libérera […] le solde des engagements du FEDER […] », est susceptible d’être interprétée soit dans le sens que la décision est déjà adoptée et qu’elle demeure seulement à exécuter, soit dans le sens que la Commission, en tant qu’organe collégial, doit encore prendre la décision formelle concernant les montants litigieux. Or, force est de constater également que les lettres attaquées, telles que reproduites aux points 14 et 15 ci-dessus, indiquent que les objections émises par le Land ne sauraient, « selon la [DG ‘Politique régionale’] », être retenues. Il ressort de cette formulation que, malgré l’imprécision regrettable qui affecte la rédaction des lettres attaquées, les affirmations qu’elles contiennent ne reflètent que la position de la DG « Politique régionale » concernant les points y mentionnés et qu’elles ne constituent pas une décision définitive de la Commission, mais une simple prise de position de la part de ses services.

41      Cette appréciation est confirmée par le fait qu’il ressort du dossier ainsi que des documents déposés par la Commission lors de l’audience que la procédure administrative n’est pas encore terminée, que, postérieurement à l’envoi des lettres attaquées, les parties ont continué à s’échanger des courriers concernant la clôture des programmes en cause et qu’une réunion a été organisée à ce propos en novembre 2005 à Bruxelles. En outre, il ressort de la lettre du 29 avril 2005, annexée par la Commission au mémoire en défense dans l’affaire T‑314/04, que ce n’est que par courrier du 1er mars 2005 que la Commission a annoncé sa décision d’engager la procédure d’examen prévue à l’article 24 du règlement n° 4253/88 dans ce dossier. Ladite lettre du 29 avril 2005 fait référence à la possibilité de discuter les points litigieux entre les parties, et cela, le cas échéant, dans le cadre d’un entretien. De même, la lettre du 31 mai 2005, annexée par la Commission au mémoire en défense dans l’affaire T‑414/04, indique que la procédure administrative n’est pas close et qu’une décision formelle sera prise par la Commission. Enfin, la lettre du 27 octobre 2005, convoquant la requérante à la réunion de novembre 2005, indique que cette réunion, organisée dans le cadre de la procédure prévue à l’article 24 du règlement n° 4253/88, devra porter sur les points pour lesquels les parties soutiennent des positions différentes tels que ceux concernant l’application de la clause de flexibilité ou l’interprétation des règles juridiques applicables aux présentes affaires.

42      Le Tribunal constate, dès lors, qu’il ressort des lettres attaquées ainsi que des circonstances de l’espèce que la position définitive de la Commission concernant les deux demandes de paiement en cause dans les présentes affaires n’avait pas encore été arrêtée au moment de l’envoi des lettres attaquées. Dans ce contexte, force est de constater que les lettres attaquées n’avaient qu’un caractère informatif et qu’elles s’inscrivaient dans le cadre de l’examen prévu à l’article 24, paragraphe 1, du règlement n° 4253/88 pouvant mener à l’adoption d’une décision de réduction du concours communautaire aux termes de l’article 24, paragraphe 2, du même règlement.

43      De surcroît, il convient de relever que ce n’est qu’au terme de cet examen et à la suite de la réunion de novembre 2005 que la Commission pouvait être en mesure d’arrêter sa position définitive sur les points litigieux mentionnés dans les lettres attaquées, concernant notamment l’interprétation et l’application des lignes d’orientation, ainsi que sur certains autres points non discutés lors de la procédure informelle ayant précédé l’envoi des lettres attaquées, tels que la détermination de l’autorité compétente pour autoriser les transferts réalisés, la qualification des transferts réalisés au regard des dispositions de l’article 24 du règlement n° 4253/88 ou le caractère nécessaire de la réduction du concours.

44      Les arguments avancés par la requérante à l’appui de ses allégations quant à la recevabilité des recours ne sont pas de nature à affecter cette appréciation. S’agissant, en premier lieu, de l’argument selon lequel ce serait la pratique de la Commission de clore les programmes bénéficiant de concours communautaires par des décisions qui ne sont pas adoptées conformément aux règles de forme et de procédure applicables, il y a lieu de relever que la Commission a affirmé à l’audience, sans être contredite par la requérante, que, dans les affaires mentionnées par celle-ci dans ses observations sur les exceptions d’irrecevabilité, il n’y avait plus de différend entre les parties, de sorte qu’une décision formelle n’était pas nécessaire. Concernant le seul programme mentionné par la requérante à l’appui de son affirmation selon laquelle les programmes seraient clos par une lettre du chef d’unité même lorsque les autorités nationales contestent la proposition de paiement faite par la Commission, il y a lieu de constater que le programme en question n’est pas l’objet des présentes affaires et que le dossier ne contient pas suffisamment d’informations à cet égard permettant au Tribunal d’apprécier si la lettre jointe en annexe par la requérante constituait ou non la décision finale de la Commission concernant ce programme.

45      Concernant, en deuxième lieu, l’argument tiré du fait que la Commission aurait envoyé le 10 août 2004 une version corrigée de la lettre attaquée dans l’affaire T‑414/04, il convient de relever qu’il est légitime et dans l’intérêt d’une saine gestion administrative que la Commission cherche à rectifier les erreurs contenues dans une lettre envoyée à un État membre ou à une personne et que cette circonstance est sans effet sur le caractère décisionnel ou non de la lettre faisant l’objet d’une correction.

46      S’agissant, en troisième lieu, de l’argument selon lequel les lettres attaquées ont été envoyées en réponse à la demande de la requérante, contenue dans la lettre du 26 avril 2004, tendant à ce que la Commission lui adresse des décisions de clôture pour chaque programme, il y a lieu de rappeler qu’il ne suffit pas qu’une lettre ait été envoyée par une institution communautaire à son destinataire, en réponse à une demande formulée par ce dernier, pour qu’elle puisse être qualifiée de décision au sens de l’article 230 CE.

47      Concernant, en quatrième lieu, l’argument selon lequel la prétendue réouverture de la procédure n’affecterait pas la recevabilité des présents recours, il convient de relever que l’examen des lettres attaquées ne permet pas d’affirmer que la procédure administrative était terminée et que d’autres éléments des présentes affaires montrent que les discussions entre les parties ont continué après leur envoi. Dans ces circonstances, il ne s’agit pas, en l’espèce, d’une réouverture de la procédure administrative.

48      En dernier lieu, s’agissant du fait que la Commission n’aurait pas encore honoré totalement les demandes de paiement qui lui ont été transmises, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que la Commission n’est pas autorisée à perpétuer un état d’inaction et qu’elle est, au contraire, obligée d’adopter une décision définitive sur les demandes de paiement qui doit, conformément aux principes de bonne administration, intervenir dans un délai raisonnable (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 30 septembre 1999, UPS Europe/Commission, T‑182/98, Rec. p. II‑2857, point 46). Dès lors, si la Commission méconnaissait cette obligation, la requérante pourrait introduire un recours en carence. Au cas où ce recours serait déclaré bien fondé, il incomberait à la Commission, en application de l’article 233 CE, de prendre les mesures que comporterait l’exécution de l’arrêt (ordonnance UPS Europe/Commission, précitée, point 46).

49      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que les lettres attaquées ne constituent pas des mesures qui fixent définitivement la position de la Commission, de sorte qu’elles ne produisent pas d’effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante et, partant, ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 230 CE.

50      Il convient dès lors de rejeter le recours comme irrecevable sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres arguments soulevés par la Commission.

 Sur les dépens

51      Selon l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes du paragraphe 3, premier alinéa, de cette disposition, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

52      En l’espèce, il y a lieu de relever que, si la requérante a succombé en sa demande, la Commission, pour sa part, a contribué à la naissance du litige par sa rédaction ambiguë des lettres attaquées. En outre, il ressort de l’examen qui précède que la Commission n’a pas été en mesure de prouver qu’elle avait indiqué clairement à la requérante, avant l’introduction des recours, que la procédure administrative était encore en cours.

53      Dans de telles circonstances, il y a lieu de décider que la Commission supportera ses propres dépens ainsi que la moitié des dépens exposés par la requérante. La requérante supportera la moitié de ses dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés comme irrecevables.

2)      La Commission supportera ses propres dépens et la moitié des dépens exposés par la requérante. La requérante supportera la moitié de ses dépens.

Jaeger

Tiili

Czúcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’allemand.