Language of document : ECLI:EU:T:2006:400

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

14 décembre 2006 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative MANŪ MANU MANU – Marque nationale verbale antérieure MANOU – Refus d’enregistrement – Portée et rectification de la décision de la chambre de recours – Limitation de la demande d’enregistrement – Retrait partiel de l’opposition – Intérêt à agir en opposition – Preuve de l’usage de la marque antérieure – Portée de la preuve de l’usage – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑392/04,

Salvatore Gagliardi, demeurant à Monsummano Terme (Italie), représenté par Mes A. Schmitt, P. Biavati, S. Corona, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. M. Buffolo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Norma Lebensmittelfilialbetrieb GmbH & Co. KG, établie à Nuremberg (Allemagne), représentée par Me S. Rojahn, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 15 juin 2004 (affaire R 154/2002-4), relative à une procédure d’opposition entre Norma Lebensmittelfilialbetrieb GmbH & Co. KG et Salvatore Gagliardi,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi et Mme E. Cremona, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 24 septembre 2004,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 28 février 2005,

vu les réponses des parties aux questions écrites du Tribunal,

à la suite de l’audience du 1er décembre 2005,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 8 (Motifs relatifs du refus), paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié, dispose ce qui suit :

« 1. Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement :

[...]

b)      lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. 

2. Aux fins du paragraphe 1, on entend par ‘marques antérieures’ :

a)      les marques dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire […] et qui appartiennent aux catégories suivantes :

[…]

ii)   les marques enregistrées dans un État membre […] »

2        En vertu de l’article 26, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, « [l]a demande de marque communautaire doit contenir […] la liste des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé ».

3        Aux termes de l’article 28 du règlement n° 40/94, « [l]es produits et les services pour lesquels des marques communautaires sont déposées sont classés selon la classification prévue par le règlement [(CE) n° 2868/95] ».

4        La règle 2 du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1, ci-après le « règlement d’exécution »), prévoit ce qui suit :

« 1. Pour les produits et les services, la classification appliquée est la classification commune visée à l’article 1er de l’arrangement de Nice [concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques, du 15 juin 1957] […]

4. La classification des produits et des services est effectuée à des fins exclusivement administratives […] »

5        L’article 43 (Examen de l’opposition), paragraphes 2, 3 et 5, du règlement n° 40/94 prévoit ce qui suit :

« […]

2. Sur requête du demandeur, le titulaire d’une marque communautaire antérieure qui a formé opposition apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque communautaire, la marque communautaire antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée […] À défaut d’une telle preuve, l’opposition est rejetée. Si la marque communautaire antérieure n’a été utilisée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée, elle n’est réputée enregistrée, aux fins de l’examen de l’opposition, que pour cette partie des produits ou services.

3. Le paragraphe 2 s’applique aux marques nationales antérieures visées à l’article 8, paragraphe 2, [sous] a), étant entendu que l’usage dans la Communauté est remplacé par l’usage dans l’État membre où la marque nationale antérieure est protégée.

[…]

5. S’il résulte de l’examen de l’opposition que la marque est exclue de l’enregistrement pour tout ou partie des produits ou des services pour lesquels la marque communautaire est demandée, la demande est rejetée pour les produits ou les services concernés. Dans le cas contraire, l’opposition est rejetée. »

6        La règle 22 (Preuve de l’usage) du règlement d’exécution, dispose ce qui suit :

« 1. Si l’opposant doit, en vertu de l’article 43, paragraphe 2 ou 3, du règlement, apporter la preuve de l’usage de la marque […], l’[OHMI] l’invite à le faire dans un délai qu’il lui impartit. Si l’opposant ne fournit pas cette preuve dans le délai imparti, l’[OHMI] rejette l’opposition.

2. Les indications et les preuves à produire afin de prouver l’usage de la marque comprennent des indications sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure pour les produits et services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ces indications devant être fournies, preuves à l’appui, conformément au paragraphe 3.

3. Ces preuves se limitent, de préférence, à la production de pièces justificatives comme, par exemple, des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 76, paragraphe 1, [sous] f), du règlement [n° 40/94].

[…] »

7        Aux termes de l’article 44 (Retrait, limitation et modification de la demande), paragraphe 1, du règlement n° 40/94, « [l]e demandeur peut à tout moment retirer sa demande de marque communautaire ou limiter la liste des produits ou services qu’elle contient ».

8        Conformément à l’article 45 (Enregistrement) du règlement n° 40/94, « [l]orsque la demande satisfait aux dispositions du présent règlement, et […] lorsqu’une opposition a été rejetée par une décision définitive, la marque est enregistrée en tant que marque communautaire ».

9        L’article 62 (Décision sur le recours), paragraphe 1, du règlement n° 40/94 prévoit ce qui suit :

« À la suite de l’examen au fond du recours, la chambre de recours statue sur le recours. Elle peut, soit exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision attaquée, soit renvoyer l’affaire à ladite instance pour suite à donner. »

10      L’article 74 (Examen d’office des faits), paragraphes 1 et 2, du règlement n° 40/94 dispose ce qui suit :

« 1. Au cours de la procédure, l’[OHMI] procède à l’examen d’office des faits ; toutefois, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties.

2. L’[OHMI] peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile. »

11      La règle 53 (Rectification d’erreurs dans les décisions) du règlement d’exécution dispose ce qui suit :

« Dans les décisions de l’[OHMI], seules les fautes linguistiques, les fautes de transcription et les erreurs manifestes peuvent être rectifiées. Elles sont rectifiées, d’office ou sur demande de l’une des parties intéressées, par l’instance qui a rendu la décision. »

 Antécédents du litige

12      Le 21 décembre 1998, le requérant, un agent commercial italien qui commercialise des chaussures ainsi que certains articles de maroquinerie et d’habillement, a présenté, en vertu du règlement n° 40/94, une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI). La marque dont l’enregistrement a été demandé (ci-après la « marque demandée ») est le signe figuratif représenté ci-après :

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13      Les produits pour lesquels l’enregistrement est demandé relèvent des classes 18, 24 et 25, au sens de l’arrangement de Nice, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune des classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie » ;

–        classe 24 : « Tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes ; couvertures de lit et de table » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

14      Le 4 octobre 1999, la demande d’enregistrement a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 78/99.

15      Le 21 décembre 1999, Norma Lebensmittelfilialbetrieb GmbH & Co. KG, qui gère un réseau commercial de solderie en Allemagne avec plus de 1 000 filiales vendant, notamment, des produits textiles, a formé une opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94, à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée. L’acte d’opposition indique que l’opposition est dirigée contre « tous les produits [relevant] de la classe 25 ».

16      Au soutien de son opposition, l’intervenante invoque le risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, entre la marque demandée et la marque verbale antérieure MANOU, enregistrée en Allemagne le 11 mars 1981 sous le numéro 1015278 et renouvelée le 23 mai 1990, pour certains produits relevant de la classe 25, à savoir les « [v]êtements, en particulier bas, collants ; chapeaux, bonnets, casquettes ; chaussures » (ci-après la « marque antérieure »).

17      Par lettre du 19 mai 2000, le requérant a contesté tout risque de confusion et a demandé à l’OHMI d’inviter l’intervenante à fournir la preuve de l’usage pour tous les produits couverts par la marque antérieure.

18      Par la suite, l’intervenante a soumis, à titre de preuve de l’usage de la marque antérieure pour les produits visés au point 16 ci-dessus, une série de pièces justificatives, dont des documents confirmant le paiement des taxes de renouvellement de cette marque, une déclaration du 9 août 2000 d’un de ses directeurs des achats, intitulée « déclaration sous serment » (Eidesstattliche Versicherung, ci-après la « première déclaration sous serment »), des dépliants publicitaires distribués entre 1996 et 1999 sur lesquels figurent la marque antérieure, des factures datant des années 1995 à 1997 relatives à la vente par la société allemande de distribution Seibold Textilvertriebs GmbH (ci-après « Seibold ») à l’intervenante de produits revêtus de la marque MANOU, et des emballages et étiquettes, non datés, de collants portant la marque MANOU.

19      Par lettre du 18 décembre 2000, le requérant a demandé à l’OHMI de limiter la portée de l’enregistrement en excluant de la classe 25 les produits suivants : « bas, chaussettes, collants, fuseaux et slips ».

20      En réponse à une question écrite du Tribunal, le requérant a confirmé, par lettre du 31 octobre 2005, que, d’une part, les produits « bas, chaussettes », tels que mentionnés dans ladite lettre, comprenaient les « mi-bas et chaussettes/socquettes » et que, d’autre part, les produits « slips » comprenaient les « culottes ». En réponse à des questions écrites du Tribunal, l’OHMI et l’intervenante ont indiqué, respectivement par lettres du 28 et du 31 octobre 2005, que cette analyse était également la leur.

21      Par lettre du 28 février 2001, l’intervenante a précisé que la marque antérieure était utilisée, notamment, pour désigner les collants, les mi-bas, les socquettes, les fuseaux et les culottes, produits relevant de la catégorie des « vêtements ». Dans les supermarchés, tous les produits inclus dans cette catégorie seraient regroupés de sorte que, du point de vue du consommateur, l’on ne saurait exclure un risque de confusion. Par conséquent, l’opposition a été maintenue pour tous les produits relevant de la catégorie des « vêtements ».

22      Par décision du 19 décembre 2001, la division d’opposition a rejeté l’opposition sur le fondement de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 et de la règle 22 du règlement d’exécution et a accueilli la demande d’enregistrement concernant les classes 18, 24 et 25. La division d’opposition a motivé cette décision en indiquant, en substance, que les pièces présentées par l’intervenante ne suffisaient pas à démontrer que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux en Allemagne pendant les cinq années qui précédaient la publication de la demande d’enregistrement. À cet égard, la division d’opposition a constaté que certains des dépliants publicitaires n’étaient pas datés et que, partant, seuls les dépliants datés seraient pris en considération. S’agissant des factures de Seibold, elle a estimé que ces factures ne concernaient pas la vente au public de produits portant la marque MANOU, mais uniquement la vente, par cette société, de ces produits à l’intervenante. Concernant la première déclaration sous serment, la division d’opposition a considéré que, bien qu’il s’agisse d’un élément probatoire, cette déclaration aurait dû être confortée par des pièces complémentaires, qui faisaient défaut, notamment, quant aux chapeaux, bonnets, casquettes et chaussures. Enfin, le produit auquel se réfère la quantité de 500 000 pièces, vendues en 1996, ne ressortirait pas de cette déclaration.

23      Le 12 février 2002, l’intervenante a formé un recours devant la chambre de recours de l’OHMI, au titre de l’article 57 du règlement n° 40/94, contre la décision de la division d’opposition.

24      Par lettre du 11 avril 2002, l’intervenante a fait savoir que, « afin de simplifier la procédure d’opposition, l’opposition [était] limitée aux produits ‘collants pour femmes’ ». Elle a, en outre, précisé qu’elle « pourrait fournir [des] preuves pour les autres produits si [le requérant] devait ultérieurement limiter sa liste des produits ». L’intervenante a fait observer, ensuite, que les « collants pour femmes » relevaient de la catégorie générique des « vêtements », produits couverts par la demande d’enregistrement. Par conséquent, à supposer même que les « collants pour femmes » soient exclus de cette liste de produits, cela n’éliminerait pas l’identité existante entre certains produits couverts par la marque antérieure et ceux couverts par la marque demandée. L’intervenante a, dès lors, demandé d’annuler la décision de la division d’opposition et de rejeter la demande d’enregistrement « pour les vêtements ». À l’appui de son recours, l’intervenante a, enfin, soumis une série de pièces, notamment, une seconde déclaration sous serment de l’un de ses directeurs des achats, du 10 avril 2002 (ci-après la « seconde déclaration sous serment »), et la copie d’une annonce publicitaire.

25      Par décision du 15 juin 2004 (ci-après la « décision attaquée »), la chambre de recours a annulé la décision de la division d’opposition et a rejeté la demande d’enregistrement. En substance, la chambre de recours a constaté que les preuves fournies quant au caractère sérieux de l’usage, durant les cinq années précédant la publication de la demande d’enregistrement, de la marque antérieure pour les « collants pour dames » étaient suffisantes et qu’il existait un risque de confusion avec la marque demandée quant aux vêtements, à la chapellerie et aux chaussures. Concernant la preuve de l’usage, la chambre de recours a estimé que la seconde déclaration sous serment faisait référence à l’utilisation régulière de la marque antérieure depuis 1992 et à la vente de 400 000 collants revêtus de la marque, en 1996. De même, les factures fournies relatives à l’achat par l’intervenante de plus de 10 000 collants portant la marque en cause auprès de Seibold, entre décembre 1996 et août 1997, ainsi que certains documents publicitaires diffusés en grand nombre en 1998, seraient des preuves suffisantes pour établir l’usage de la marque antérieure.

26      En réponse à une demande de clarification du requérant, l’OHMI a envoyé, le 19 août 2004, une lettre signée par le rapporteur de la chambre de recours, dans laquelle il était précisé que le rejet de la demande d’enregistrement ordonné par la décision attaquée ne concernait « que la classe 25, c’est-à-dire, la seule classe objet de la controverse devant la chambre de recours » et que « [p]our les classes 18 et 24, il n’y a[vait] donc pas d’obstacle à l’enregistrement ».

 Procédure et conclusions des parties

27      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 septembre 2004, le requérant a introduit le présent recours.

28      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ainsi que « constater l’absence [...] de motifs [...] de refus [d’enregistrement] et juger que [la marque demandée] peut être enregistrée » ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

29      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en ce qu’il demande l’annulation totale de la décision attaquée ;

–        accueillir ce recours en ce qu’il demande l’annulation de la décision attaquée pour violation de l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 quant au rejet de la demande d’enregistrement pour les produits relevant de la classe 25 autres que les vêtements ;

–        condamner le requérant aux dépens.

30      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 26 octobre 2004, l’intervenante a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien de l’OHMI et que soit choisi l’allemand, à titre subsidiaire le français, comme langue de procédure.

31      Par lettre du 25 novembre 2004, le Tribunal a constaté, en vertu de l’article 131, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, que la langue dans laquelle était rédigée la requête, à savoir, en l’espèce, l’italien, constituait la langue de procédure et a imparti à l’intervenante un délai pour le dépôt de son mémoire en réponse. L’intervenante n’a pas déposé de mémoire en réponse dans le délai imparti.

32      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a posé par écrit des questions au requérant, à l’OHMI et à l’intervenante, en les invitant à y répondre par écrit.

33      Par lettres du 31 octobre 2005, le requérant et l’intervenante ont respectivement fait savoir, dans le cadre de leurs réponses aux questions écrites du Tribunal, qu’ils ne participeraient pas à l’audience fixée au 1er décembre 2005. Par courrier électronique du 25 novembre 2005, l’OHMI a informé le Tribunal qu’il ne participerait pas, non plus, à l’audience.

34      À l’audience du 1er décembre 2005, le Tribunal a constaté l’absence des parties.

35      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a ensuite posé par écrit des questions au requérant, à l’OHMI et à l’intervenante. Par lettres des 9, 10 et 11 janvier 2006, les parties ont chacune répondu auxdites questions.

 En droit

1.     Observation liminaire

36      Le requérant invoque trois moyens à l’appui de ses conclusions. Il estime que, premièrement, la chambre de recours a commis une erreur et statué ultra petita, que, deuxièmement, la chambre de recours a apprécié, de manière erronée, les preuves destinées à démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure et que, troisièmement, la chambre de recours a conclu, à tort, à la présence d’un risque de confusion.

2.     Sur le moyen tiré du caractère ultra petita de la décision attaquée

 Arguments des parties

37      Le requérant fait valoir que, en rejetant la demande d’enregistrement dans sa totalité, la chambre de recours a commis une erreur et statué ultra petita.

38      Le requérant précise que la chambre de recours a statué ultra petita, d’une part, en rejetant la demande d’enregistrement pour les produits relevant des classes 18 et 24 et, d’autre part, en étendant son appréciation du risque de confusion et sa décision de rejet aux produits inclus dans les catégories « chaussures » et « chapellerie », relevant de la classe 25, aspects qui ne faisaient pas l’objet de l’opposition. Dans ce contexte, il remet également en cause la validité de la lettre du 19 août 2004, dans laquelle l’OHMI déclare que la marque demandée peut être enregistrée pour les classes 18 et 24. Or, selon le requérant, en l’absence d’une faute linguistique, d’une faute de transcription ou d’une erreur manifeste au sens de la règle 53 du règlement d’exécution, il est douteux que la précision apportée par la lettre du 19 août 2004 constitue une rectification valable de la décision attaquée. En tout état de cause, ladite lettre ne serait pas de nature à lier l’OHMI, étant donné qu’elle est signée par un seul membre et non par l’ensemble du collège de la chambre de recours.

39      L’OHMI admet que l’intervenante avait limité son opposition aux « vêtements » et demandé à la chambre de recours de rejeter la demande d’enregistrement uniquement en ce qui concerne ces produits. Dès lors, en étendant l’analyse de risque de confusion à l’ensemble des produits de la classe 25, la chambre de recours aurait, en effet, statué ultra petita et ainsi violé l’article 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, selon lequel l’examen de l’OHMI est limité aux seules demandes présentées par les parties.

40      En revanche, selon l’OHMI, il n’y a pas d’erreur quant au prétendu rejet par la chambre de recours de la demande d’enregistrement pour les classes 18 et 24, dès lors que la décision attaquée aurait expressément limité l’analyse du risque de confusion aux seuls produits relevant de la classe 25 visés par l’opposition. À cet égard, l’OHMI soutient que la décision attaquée ne serait pas entachée d’erreur, mais qu’il s’agirait plutôt « d’une éventuelle lacune résultant de l’absence de référence explicite » aux produits de cette classe dans le dispositif de la décision attaquée, alors que cette référence se trouverait dans le corps de la décision. En ce qui concerne la lettre du 19 août 2004, signée par le rapporteur de la chambre de recours, l’OHMI estime qu’elle doit « être considérée comme appropriée » et comme ne nécessitant pas la signature des autres membres de la chambre de recours.

 Appréciation du Tribunal

 Observation liminaire

41      Dans le cadre de son premier moyen, le requérant invoque, en substance, une erreur qui consiste à dire que la chambre de recours a statué ultra petita, d’une part, en refusant l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits relevant de la classe 25, bien que l’intervenante ait limité son opposition à la seule catégorie des « vêtements » de cette classe, et, d’autre part, en rejetant la demande d’enregistrement pour les produits relevant des classes 18 et 24, ces classes n’ayant pas, non plus, fait l’objet de l’opposition.

 Sur le grief relatif au caractère ultra petita de la décision attaquée concernant les catégories « chapellerie » et « chaussures », relevant de la classe 25

42      S’agissant du premier grief, le Tribunal constate, à titre liminaire, que l’OHMI reconnaît que la chambre de recours a statué ultra petita en ce qu’elle a rejeté l’enregistrement de la marque demandée pour la « chapellerie » et les « chaussures », catégories de produits relevant de la classe 25, qui ne faisaient pas l’objet de l’opposition formée par l’intervenante. De surcroît, l’OHMI demande, à l’instar du requérant, l’annulation de la décision attaquée à ce titre pour violation de l’article 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94.

43      À cet égard, le Tribunal rappelle que, par dérogation à la règle de l’examen d’office régissant les procédures devant l’OHMI, l’article 74, paragraphe 1, in fine, du règlement n° 40/94, limite l’examen de l’OHMI, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, au sens de l’article 8 du règlement n° 40/94, aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties. Cette limitation du pouvoir d’examen de l’OHMI découle de la règle selon laquelle, dans le cadre d’une procédure opposant les intérêts divergents de deux ou plusieurs parties, notamment d’une procédure d’opposition, il relève, en principe, du seul pouvoir des parties de déterminer – sur le plan tant factuel que juridique et sous réserve du respect des dispositions d’ordre public – l’objet d’une procédure administrative ou juridictionnelle qui les oppose ainsi que la portée des moyens qu’ils entendent invoquer dans ce contexte. Dès lors, en l’absence d’un moyen fondé sur un motif relatif de refus soulevé par une partie ou dans l’hypothèse du retrait ou de la limitation par une partie d’un tel moyen, l’OHMI ne saurait – sauf présence d’un motif absolu de refus au sens de l’article 7 du règlement n° 40/94 – examiner d’office les éléments ainsi exclus de l’objet de la procédure et rejeter, sur le fondement de ces éléments, l’enregistrement de la marque demandée [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, Rec. p. II-287, points 21 et 22 ; du 25 mai 2005, TeleTech Holdings/OHMI – Teletech International (TELETECH GLOBAL VENTURES), T‑288/03, Rec. p. II‑1767, points 64 à 66, et du 27 octobre 2005, Éditions Albert René/OHMI – Orange (MOBILIX), T‑336/03, Rec. p. II-4667, points 32 à 34].

44      En outre, s’agissant de la détermination de la portée de la demande d’enregistrement, l’article 44, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 prévoit expressément la possibilité, pour le demandeur d’une marque communautaire, de retirer ou de limiter, avec effet obligatoire, a posteriori et à tout moment, ladite demande. Au regard des considérations exposées au point 43 ci-dessus, le Tribunal considère que cette règle s’applique mutatis mutandis lorsque, au cours de la procédure d’opposition, l’opposant limite la portée de son opposition ou lorsqu’il renonce à un moyen initialement soulevé à son appui.

45      Par ailleurs, il ressort d’une lecture combinée de l’article 43, paragraphe 5, première phrase, de l’article 62, paragraphe 1, première phrase, et de l’article 74, paragraphe 1, in fine, du règlement n° 40/94 que la chambre de recours, dans le cadre d’un recours formé contre une décision de la division d’opposition, ne peut rejeter la demande de marque communautaire que dans les limites des prétentions que l’opposante fait valoir dans l’opposition dirigée à l’encontre de l’enregistrement de cette marque. En effet, la chambre de recours ne saurait statuer au-delà de l’objet de l’opposition [arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips-Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II‑4335, point 24].

46      Il y a lieu de rappeler, ensuite, que, en l’espèce, d’une part, l’acte d’opposition visait initialement la totalité des produits relevant de la classe 25 et, d’autre part, dans sa lettre du 28 février 2001, l’intervenante a limité son opposition ainsi que les motifs relatifs de refus invoqués à son appui aux seuls « vêtements » au sens de la classe 25 et, partant, a exclu de l’objet de ladite opposition les produits inclus dans les catégories « chapellerie » et « chaussures », relevant de la même classe. Cette limitation de l’objet de l’opposition a été confirmée par l’intervenante, non seulement dans le cadre du recours qu’elle a introduit contre la décision de la division d’opposition mais aussi, expressément, dans sa lettre du 9 janvier 2006 en réponse à une question écrite du Tribunal, dans laquelle l’intervenante fait, en outre, part de son éventuel accord pour que la marque demandée soit uniquement enregistrée pour les « chaussures » et la « chapellerie », c’est-à-dire pour tous les produits à l’exclusion de ceux relevant de la catégorie des « vêtements ».

47      Il en résulte que, notamment au regard de l’article 74, paragraphe 1, in fine, du règlement n° 40/94, la chambre de recours n’était pas habilitée à rejeter l’enregistrement de la marque demandée pour toutes les catégories de produits relevant de la classe 25. En revanche, elle aurait dû limiter la portée de ce rejet, à supposer qu’il soit bien fondé, aux produits de la seule catégorie des « vêtements » couverts par la demande d’enregistrement au moment de la prise de décision (voir point 73 ci-après) et, en l’absence d’un motif absolu de refus, accueillir la demande d’enregistrement pour les catégories « chapellerie » et « chaussures ». Par conséquent, en étendant illégalement la portée de sa décision de rejet à des produits et à des motifs relatifs de refus non couverts par l’objet du litige, tel que déterminé par la demande d’enregistrement, d’une part, et par l’opposition, d’autre part, la chambre de recours a statué ultra petita et commis une erreur viciant la légalité de la décision attaquée.

48      Dès lors, le premier grief du présent moyen concernant la violation de l’article 74, paragraphe 1, in fine, du règlement n° 40/94 doit être accueilli et, conformément aux demandes concordantes des parties, il convient d’annuler la décision attaquée à ce titre.

 Sur le grief relatif au caractère ultra petita de la décision attaquée concernant les classes 18 et 24

–       Sur la portée de la décision attaquée

49      S’agissant du deuxième grief, tiré de l’erreur de la chambre de recours en ce qu’elle a statué ultra petita en rejetant la demande d’enregistrement pour les produits relevant des classes 18 et 24, le Tribunal constate, tout d’abord, que les deux classes en cause, à la différence des vêtements au sens de la classe 25, ne font pas l’objet de l’opposition formée par l’intervenante. En effet, à la suite de l’acte d’opposition, du 21 décembre 1999, le litige porté devant la division d’opposition était limité à la question de savoir s’il existait un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, entre la marque demandée et la marque antérieure, pour les produits relevant de la seule classe 25. Par conséquent, dans sa décision, la division d’opposition n’a pas tenu compte des produits relevant des classes 18 et 24 et a rejeté l’opposition pour défaut de preuve suffisante de l’usage sérieux de la marque antérieure pour les produits relevant de la classe 25.

50      Ensuite, il convient de relever que, en l’espèce, après avoir été saisie du recours formé par l’intervenante contre la décision de la division d’opposition et, partant, de l’opposition, conformément à l’article 62, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, la chambre de recours a exercé les compétences de la division d’opposition. Or, dans la mesure où la chambre de recours s’est substituée à cette dernière et a été saisie du litige, elle était tenue, tout comme la division d’opposition, en vertu de l’article 74, paragraphe 1, in fine, du règlement n° 40/94, de ne statuer que dans les limites de l’opposition. Dès lors, compte tenu de l’absence d’opposition pour les produits relevant des classes 18 et 24, la chambre de recours n’était pas habilitée à se prononcer sur la question de savoir si la marque demandée pouvait être enregistrée pour des produits relevant de ces classes.

51      Cependant, au regard du deuxième point du dispositif de la décision attaquée, il apparaît que la chambre de recours a néanmoins rejeté la demande d’enregistrement dans son intégralité, y compris pour les produits relevant des classes 18 et 24. Or, étant donné que ces classes ne faisaient pas l’objet de l’opposition et, partant, du litige porté devant la chambre de recours, il y a lieu de constater que celle-ci a, contrairement aux exigences de l’article 74, paragraphe 1, in fine, du règlement n° 40/94, statué ultra petita, également à ce titre, et commis une erreur viciant la légalité de la décision attaquée.

–       Sur la portée de la lettre du 19 août 2004

52      La constatation opérée au point 51 ci-dessus n’est pas infirmée par la lettre du 19 août 2004 par laquelle le rapporteur de la chambre de recours a informé le requérant que la décision attaquée ne concernait que la classe 25 et qu’il n’y avait pas d’obstacle à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits relevant des classes 18 et 24.

53      Le Tribunal considère, en premier lieu, que, quant à la forme de la lettre du 19 août 2004, il est, en tout état de cause, exclu que le seul rapporteur puisse révoquer ou rectifier a posteriori une décision arrêtée par l’ensemble du collège de la chambre de recours. En effet, conformément à la règle du parallélisme des formes et de l’actus contrarius, qui correspond à un principe général de droit (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 novembre 2002, Lagardère et Canal+/Commission, T‑251/00, Rec. p. II‑4825, point 130), une telle correction doit intervenir de la même façon que la décision initiale. Partant, il revenait à la seule chambre de recours de rectifier la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt BASS, point 45 supra, points 14 et 25). Par ailleurs, à supposer même qu’il soit possible d’assimiler la lettre du 19 août 2004 à la correction d’une erreur relevant de la règle 53 du règlement d’exécution (voir aux points 54 et 55 ci-après), cette règle exige, conformément au principe général énoncé ci-dessus, que ces erreurs soient rectifiées « par l’instance qui a rendu la décision », à savoir, en l’espèce, le collège de la chambre de recours et non le seul rapporteur. Par conséquent, en raison du caractère grave et évident de l’irrégularité dont elle est entachée, la lettre du 19 août 2004 n’a produit aucun effet juridique sur la décision attaquée et ne saurait, dès lors, être prise en compte par le Tribunal.

54      En deuxième lieu, quant au contenu de ladite lettre, ainsi que le fait observer le requérant, la précision apportée par ladite lettre ne constitue pas la rectification d’une faute linguistique, d’une faute de transcription ou d’une erreur manifeste au sens de la règle 53 du règlement d’exécution et, partant, ne vaut pas régularisation de l’illégalité qui découle de l’omission par la chambre de recours de statuer sur l’intégralité de la demande d’enregistrement, telle qu’elle ressort du dispositif et des motifs de la décision attaquée.

55      Compte tenu de l’importance du caractère contraignant du dispositif d’une décision définitive arrêtée par une autorité compétente et par respect du principe de sécurité juridique, la règle permettant d’apporter, à titre exceptionnel, des rectifications ultérieures à une telle décision est d’interprétation stricte et, dès lors, limitée à des erreurs manifestes d’ordre formel, telles que l’erreur de plume, dont le caractère erroné ressort clairement du corps de la décision elle-même. C’est pour cette raison que la règle 53 du règlement d’exécution prévoit, à titre exclusif (« seules »), à l’instar de la formulation restrictive de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, certaines fautes linguistiques et de transcription, lesquelles n’affectent pas la portée et la substance de la décision prise, telle que caractérisée par son dispositif et par ses motifs, mais uniquement sa forme. Dès lors, la notion d’« erreur manifeste » au sens de la règle 53 du règlement d’exécution ne saurait viser l’erreur viciant la légalité de la substance de la décision attaquée, qui relève, en l’espèce, du fait que la chambre de recours a statué ultra petita.

56      Par conséquent, le deuxième grief doit également être accueilli et il convient d’annuler la décision attaquée sur ce point.

57      Au vu des illégalités commises par la chambre de recours, il y a dès lors lieu d’accueillir le présent moyen et d’annuler la décision attaquée.

58      Eu égard aux demandes du requérant, le Tribunal considère nécessaire d’examiner également le deuxième moyen.

3.     Sur le moyen tiré de l’absence de preuves suffisantes concernant l’usage sérieux de la marque antérieure

 Arguments des parties

59      Le requérant estime, en substance, que l’intervenante n’a pas prouvé, à suffisance de droit, l’usage de la marque antérieure au sens de l’article 43, paragraphes 2 et 3, lu en combinaison avec le neuvième considérant du règlement n° 40/94 et avec la règle 15, paragraphe 1, du règlement d’exécution.

60      Le requérant soutient que les preuves présentées par l’intervenante ne sont pas suffisantes pour satisfaire à l’exigence de preuve de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Ce serait particulièrement vrai pour les deux déclarations sous serment, lesquelles seraient imprécises, partiellement contradictoires et ne fourniraient que des chiffres approximatifs de vente (« plus de 500 000 pièces des produits [portant la marque antérieure] » et « plus de 400 000 collants », pour l’année 1996). En outre, le requérant soutient que ces déclarations vagues seraient en contradiction avec les quantités substantiellement inférieures de collants pour dames facturées par Seibold durant la même année. Ensuite, le requérant conteste l’usage régulier par l’intervenante de la marque antérieure tel qu’allégué dans les déclarations sous serment. À cet égard, il fait observer que la première déclaration sous serment a porté sur des « vêtements, en particulier bas, collants ; chapeaux, bonnets, casquettes ; chaussures » sans mettre en exergue les collants, alors que la seconde déclaration sous serment ferait référence au fait que l’usage aurait concerné, principalement, des « collants pour femmes ».

61      En ce qui concerne les quantités de produits vendus sous la marque antérieure, le requérant invoque la jurisprudence selon laquelle il faut tenir compte, pour apprécier le caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure, du rapport entre le volume d’affaires réalisé par les ventes des produits avec la marque antérieure et le volume d’affaires global de l’entreprise [arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, Rec. p. II‑2787, points 49 à 51, et Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec. p. II‑2811, point 42]. Le requérant considère, en effet, que la puissance commerciale de l’intervenante – celle-ci étant un des plus grands réseaux commerciaux de « magasins de rabais » en Allemagne, avec plus de mille filiales et points de vente – serait difficilement conciliable avec l’usage restreint de la marque antérieure eu égard, notamment, au nombre important d’autres produits commercialisés et au chiffre d’affaires total de l’intervenante.

62      À cet égard, le requérant conteste la pertinence, pourtant reconnue par la chambre de recours, des apparitions de la marque antérieure dans des annonces publicitaires, qui seraient rares et uniquement pour des besoins de vente en offre spéciale de produits de lingerie, mélangés à d’autres produits. Il souligne, en outre, que seulement sept des annonces publiées durant une période de cinq ans font référence à la marque antérieure, alors que l’intervenante publie, selon ses propres dires, un total de plus de 170 annonces par semaine. Par ailleurs, les annonces contenues dans trois pièces jointes ne contiendraient aucune indication imprimée de l’année de référence, mais seulement des dates manuscrites.

63      En réponse à une question écrite du Tribunal, le requérant fait valoir, enfin, que l’intervenante, à la suite de la limitation par le requérant de la demande d’enregistrement, n’a, en tout état de cause, plus aucun intérêt à agir en opposition.

64      L’OHMI est d’avis que l’intervenante a satisfait à la charge de la preuve de l’usage de la marque antérieure, qui pesait sur elle, et que, à cet égard, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation.

65      En réponse à une question écrite du Tribunal, l’OHMI soutient, en outre, que, malgré la limitation par le requérant de la demande d’enregistrement, l’intervenante conserve un intérêt à agir en opposition « en raison de la permanence d’un risque de confusion avec les produits » faisant l’objet de la demande d’enregistrement.

66      En réponse à la même question écrite, l’intervenante, pour sa part, fait observer que la limitation par le requérant de la demande d’enregistrement ne saurait être considérée comme suffisante, dès lors que les produits inclus dans la catégorie des « vêtements », même avec la limitation introduite, et les produits de la marque antérieure seraient similaires. L’intervenante avance, ensuite, que, si la demande d’enregistrement était refusée pour les « vêtements » globalement, elle pourrait donner son accord à l’enregistrement de la marque demandée pour les autres produits « pour autant qu[e l’]on ne lui fasse pas supporter les coûts de la procédure », étant donné que, dans une telle hypothèse, l’opposition n’aurait plus d’objet et l’intervenante n’aurait plus d’intérêt à agir.

 Appréciation du Tribunal

 Observations liminaires

67      Dans le cadre de son deuxième moyen, le requérant fait valoir, en substance, que l’intervenante n’aurait pas prouvé, à suffisance de droit, l’usage sérieux de la marque antérieure au cours des cinq années qui ont précédé la publication de la demande d’enregistrement. À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la chambre de recours a reconnu que le caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure avait été prouvé et a annulé la décision de la division d’opposition sur ce point.

68      Il convient de constater, ensuite, qu’il découle du neuvième considérant du règlement n° 40/94 que la protection d’une marque antérieure n’est justifiée que dans la mesure où celle-ci a effectivement été utilisée. Ainsi, l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 prévoit que le demandeur d’une marque communautaire peut requérir la preuve que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire sur lequel elle est protégée au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque ayant fait l’objet d’une opposition [arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, Rec. p. II‑5233, point 34]. En outre, cet usage sérieux doit être prouvé « pour les produits ou les services pour lesquels [la marque antérieure] est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée ». Enfin, il ressort de l’article 43, paragraphe 2, dernière phrase, du règlement n° 40/94 que, si la marque antérieure n’a été utilisée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée, elle n’est réputée enregistrée, aux fins de l’opposition, que pour cette partie des produits ou services.

69      En l’espèce, à la suite de la demande de preuve du requérant, l’intervenante était appelée à démontrer l’usage en Allemagne, durant la période allant du 4 octobre 1994 jusqu’au 3 octobre 1999 – la date de la publication de la demande d’enregistrement au Bulletin des marques communautaires étant le 4 octobre 1999 –, de la marque antérieure concernant les « vêtements », relevant de la classe 25, produits à l’encontre desquels elle a formé et maintenu son opposition.

70      À cet égard, il y a lieu d’examiner, tout d’abord, l’argument du requérant selon lequel, à la suite de l’exclusion de sa demande d’enregistrement de certains produits de la catégorie des « vêtements », y compris les « collants pour femmes », pour lesquels l’intervenante a produit des pièces aux fins de prouver l’usage de la marque antérieure, l’opposition aurait perdu son objet et, partant, l’intervenante son intérêt à poursuivre son opposition.

 Sur l’intérêt de l’intervenante d’agir en opposition

–       Sur la portée de l’objet du litige

71      Le Tribunal constate, en premier lieu, que la marque antérieure avait été enregistrée pour, notamment, les « [v]êtements, en particulier bas [et] collants » et que l’intervenante a affirmé avoir utilisé cette marque pour, notamment, « les collants, les mi-bas, les socquettes, les fuseaux et les culottes ». Il y a lieu de rappeler, ensuite, que l’intervenante a soumis des éléments de preuve de l’usage de la marque antérieure pour lesdits produits devant la division d’opposition et que celle-ci les a déclarés insuffisants. Devant la chambre de recours, l’intervenante a précisé que, « afin de simplifier la procédure d’opposition », l’opposition serait limitée aux produits « collants pour femmes » aux fins de la production des preuves de l’usage, tout en affirmant qu’elle « pourrait fournir d’autres preuves pour les autres produits si le [demandeur] de la marque [demandée] devait ultérieurement limiter sa liste des produits ». L’intervenante a, enfin, conclu au rejet de la demande d’enregistrement quant à la catégorie des « vêtements » dans son ensemble.

72      Il en résulte que, si l’intervenante a pleinement maintenu son opposition à l’égard de l’ensemble des produits inclus dans la catégorie des « vêtements », relevant de la classe 25, elle a néanmoins renoncé à soumettre, au cours de la procédure devant la chambre de recours, des pièces justificatives établissant l’usage sérieux de la marque antérieure pour tous ces produits, en se bornant à fournir des éléments de preuve pour les seuls « collants pour femmes ».

73      Il convient de relever, en deuxième lieu, que, à la suite de l’opposition de l’intervenante, le requérant a expressément exclu de sa demande d’enregistrement les « bas, chaussettes, collants, fuseaux et slips », tout en maintenant sa demande concernant les autres produits relevant de la classe 25, y compris ceux inclus dans la catégorie des « vêtements ». À cet égard, les parties ont confirmé, en réponse à des questions écrites du Tribunal, que les produits dont l’intervenante a prétendu faire un usage régulier sous la marque antérieure, à savoir « les collants, mi-bas, socquettes, fuseaux et culottes », sont identiques à ceux exclus de la demande d’enregistrement.

74      Dès lors, il y a lieu d’examiner les conséquences juridiques de cette limitation de la demande d’enregistrement pour l’étendue de l’objet du litige qui oppose le requérant et l’intervenante.

–       Sur les effets de la limitation de la demande d’enregistrement

75      Le Tribunal relève d’abord que l’exclusion de la demande d’enregistrement des « bas, chaussettes, collants, fuseaux et slips » a eu pour effet de limiter, de manière juridiquement contraignante, conformément à l’article 44, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, la liste de produits couverts par la demande d’enregistrement.

76      Il est, cependant, constant que le requérant a maintenu sa demande d’enregistrement pour les autres produits inclus dans la catégorie des « vêtements », relevant de la classe 25. Dès lors, étant donné que l’opposition est dirigée contre l’enregistrement de la marque demandée pour les « vêtements » en général, la limitation de la demande d’enregistrement visée au point 75 ci-dessus ne saurait priver l’intervenante de son intérêt à agir en opposition. En effet, à supposer même que les articles d’habillement désignés par, d’une part, la marque demandée et, d’autre part, la marque antérieure ne soient pas identiques, l’on ne saurait exclure d’emblée un risque de confusion entre ces deux marques, risque qui est susceptible de résulter tant d’une éventuelle similitude entre les « collants pour femmes » et d’autres produits de la catégorie « vêtements », qui continuent à faire l’objet de la demande d’enregistrement, que d’une identité ou d’une similitude des signes en cause.

77      Cette appréciation est confirmée par une jurisprudence constante relative à la comparaison, dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion, des produits et services en cause, comparaison qui implique de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits ou services, en ce compris leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire [voir arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Institut für Lernsysteme/OHMI – Educational Services (ELS), T‑388/00, Rec. p. II‑4301, point 51, et la jurisprudence qui y est citée]. Or, à cet égard, selon la jurisprudence, ces produits ou services ne doivent pas nécessairement relever de la même classe, voire d’une même catégorie au sein d’une classe donnée, pour pouvoir faire valablement l’objet d’une comparaison et donner lieu de conclure à l’existence ou à l’absence d’une similitude entre ces produits ou services [voir arrêts du Tribunal du 15 mars 2006, Eurodrive Services and Distribution/OHMI – Gómez Frías (euromaster), T‑31/04, non publié au Recueil, points 3 à 5 et 31 et suivants, et du 13 juillet 2004, AVEX/OHMI – Ahlers (a), T‑115/02, Rec. p. II‑2907, points 24 à 27, concernant la similitude entre les chaussures et les vêtements].

78      Par conséquent, sans préjudice du caractère suffisamment homogène de la notion de « vêtements » (voir point 92 ci-après), doit être rejeté comme étant non fondé l’argument du requérant selon lequel, à la suite de la limitation de sa demande d’enregistrement, l’opposition aurait perdu son objet et, partant, l’intervenante son intérêt à agir en opposition.

79      Dès lors, il y a lieu de rechercher si, en produisant des pièces justificatives relatives aux « collants pour femmes », l’intervenante a prouvé, à suffisance de droit, l’usage de la marque antérieure.

 Sur la preuve de l’usage de la marque antérieure

–       Observations liminaires

80      À cet égard, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, les dispositions de la règle 22, paragraphe 2, du règlement d’exécution selon lesquelles « [l]es indications et les preuves à produire afin de prouver l’usage de la marque comprennent des indications sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure pour les produits et services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée ».

81      Selon une jurisprudence constante, la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure, au titre de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94, ainsi que de la règle 22, paragraphes 2 et 3, du règlement d’exécution, exige, notamment, que ladite marque, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur. L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par ladite marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de ladite marque [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita), T‑303/03, Rec. p. II‑1917, points 36 et 37, et la jurisprudence qui y est citée].

82      Quant à l’importance de l’usage de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part. En outre, à cet égard, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une certaine constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement. En outre, le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de produits vendus sous la marque antérieure ne sauraient être appréciés dans l’absolu mais doivent l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou services sur le marché concerné. De ce fait, il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque antérieure soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux (voir arrêt HIPOVITON, point 61 supra, points 35 et 36, et la jurisprudence qui y est citée).

–       Sur la preuve de l’usage de la marque antérieure pour les « collants pour femmes »

83      Le Tribunal rappelle que, devant la division d’opposition, l’intervenante a produit une série de pièces justificatives destinées à prouver l’usage de la marque antérieure pour les « vêtements, en particulier, bas [et] collants ; chapeaux, bonnets, casquettes ; chaussures » ainsi que la première déclaration sous serment. Cette première déclaration sous serment indique que l’intervenante utilise la marque antérieure pour lesdits produits, à tout le moins, depuis le 11 novembre 1992 et que, par exemple, durant l’année 1996 elle aurait vendu 500 000 pièces de ces produits revêtus de cette marque. En outre, ces pièces comprennent notamment des dépliants contenant des annonces publicitaires pour des collants, des slips et des bas pour femmes portant la marque MANOU, distribués durant les années 1996 à 1999. À cet égard, le Tribunal constate que, contrairement à l’avis du requérant et à celui de la division d’opposition, il ressort directement de ces annonces qu’elles ont été publiées durant les années en cause et que, dès lors, l’ajout de dates manuscrites sur deux pièces ne saurait remettre en doute leur caractère probant. Par ailleurs, l’intervenante a produit des factures émises par Seibold, concernant la fourniture à l’intervenante de produits portant la marque MANOU les 18 janvier, 3 avril et 19 juin 1995, 7 mars et 5 juillet 1996, 19 décembre 1996 ainsi que les 7 février, 12 mai et 7 août 1997. Enfin, l’intervenante a soumis trois emballages et des étiquettes non datés pour des collants pour femmes, qui portent la marque antérieure.

84      Devant la chambre de recours, l’intervenante a soumis la seconde déclaration sous serment précisant, notamment, que, pendant l’année 1996, plus de 400 000 collants pour femmes auraient été vendus dans les filiales allemandes de l’intervenante. En outre, l’intervenante a produit une annonce publicitaire pour des collants pour femmes, en date du 12 janvier 1998, parue dans le quotidien Nürnberger Nachrichten, ainsi que des pièces qui démontrent que l’intervenante, en tant que distributeur des marchandises au consommateur final par le biais de supermarchés dits « magasins de rabais », dispose, en Allemagne, d’un réseau de plus de 1 000 filiales et que 60 % des bas, mi-bas et collants pour femmes vendus en Allemagne sont écoulés dans le commerce des denrées alimentaires.

85      Au vu de ce qui précède, le Tribunal considère que, en ce qui concerne les collants pour femmes, l’intervenante a produit, au cours de la procédure d’opposition, une série d’éléments probants, au sens de la règle 22, paragraphes 2 et 3, du règlement d’exécution, qui suffisent à établir, conformément à l’article 43, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, l’usage sérieux de la marque antérieure durant les années 1995 à 1999 et que, à ce titre, l’appréciation de la chambre de recours n’est pas entachée d’erreur.

86      À cet égard, le Tribunal constate, tout d’abord, que les pièces justificatives soumises, notamment les annonces publicitaires, couvrent l’intégralité de cette période. De même, les factures émises par Seibold au cours des années 1995 à 1997 ont pour objet la vente à l’intervenante de quantités substantielles de produits portant la marque MANOU, qui confirment l’usage effectif, par cette dernière, de la marque antérieure durant ladite période. À ce titre, le fait que l’intervenante n’a pas produit de factures de Seibold pour les années 1998 et 1999 ne remet pas en cause cette constatation, étant donné qu’il convient d’apprécier les éléments probants dans leur ensemble. Le Tribunal considère, en effet, que les documents susvisés, en combinaison avec les échantillons d’emballages ou d’étiquettes pour collants pour femmes portant la marque MANOU, constituent un ensemble d’éléments suffisamment concrets et objectifs établissant, à suffisance de droit, l’utilisation effective et régulière, ainsi que la nature sérieuse de cette utilisation, par l’intervenante de la marque antérieure au cours de la période de cinq ans précédant la publication de la demande d’enregistrement. Enfin, le fait que l’intervenante a régulièrement offert ses produits revêtus de la marque MANOU, au moyen d’annonces publicitaires diffusées en nombre important (170 par semaine) dans des quotidiens régionaux, constitue un autre indice important de l’usage sérieux de la marque antérieure durant cette période.

87      Par ailleurs, compte tenu de la nature du commerce géré par l’intervenante, à savoir la vente au détail au consommateur final dans de nombreuses filiales de type supermarché ou « magasin de rabais », les pièces justificatives visées aux points 83 à 84 ci-dessus doivent être considérées comme des preuves tant appropriées que suffisantes.

88      De même, ne saurait prospérer l’argument du requérant selon lequel la part de produits vendus de la marque antérieure par rapport au chiffre d’affaires et la puissance commerciale de l’intervenante ne serait pas suffisante. Au contraire, les factures de Seibold indiquent que l’intervenante a commandé, à des intervalles réguliers, des quantités substantielles de produits (entre 1 400 et 3 000) portant la marque MANOU, la totalité de ces commandes s’élevant, sur le fondement des factures présentées, à environ 35 000 exemplaires, vendus de 1995 à 1997. En outre, la seconde déclaration sous serment produite par l’intervenante se réfère à une quantité totale de 400 000 collants pour femmes portant la marque MANOU vendus en 1996 et atteste l’utilisation régulière de la marque antérieure depuis 1992. En outre, ainsi que le reconnaît la jurisprudence relative à l’article 76, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 40/94 et à la règle 22 du règlement d’exécution, des déclarations sous serment ayant un caractère probant en vertu de la législation nationale constituent, en principe, des moyens de preuve recevables dans le cadre de la procédure d’opposition (voir, en ce sens, arrêt Salvita, point 81 supra, point 40), sans qu’il soit besoin, au regard de l’ensemble des pièces justificatives suffisantes disponibles, de vérifier leur portée exacte dans le cas d’espèce.

89      Par conséquent, l’usage sérieux de la marque antérieure pour les « collants pour femmes » doit être considéré comme prouvé.

–       Sur la portée de la preuve de l’usage

90      Le Tribunal considère, toutefois, que, en l’espèce, la preuve de l’usage de la marque antérieure pour les seuls « collants pour femmes » n’a pas pour conséquence de prouver, conformément à l’article 43, paragraphe 2, dernière phrase, du règlement n° 40/94, l’usage de la marque antérieure pour l’ensemble des produits couverts par la catégorie « vêtements », relevant de la classe 25, catégorie sur laquelle est fondée l’opposition.

91      Il ressort de la jurisprudence du Tribunal que, si une marque antérieure a été enregistrée pour une catégorie de produits suffisamment large pour que puissent être distinguées, en son sein, plusieurs sous-catégories susceptibles d’être envisagées de manière autonome, la preuve de l’usage sérieux de cette marque pour une partie de ces produits n’emporte protection, dans une procédure d’opposition, que pour la ou les sous-catégories dont relèvent les produits pour lesquels la marque a été effectivement utilisée. En revanche, si une marque antérieure a été enregistrée pour des produits définis de façon tellement précise et circonscrite qu’il n’est pas possible d’opérer des divisions significatives à l’intérieur de la catégorie concernée, la preuve de l’usage sérieux de cette marque pour lesdits produits couvre nécessairement toute cette catégorie aux fins de l’opposition. En effet, si la notion d’usage partiel au sens de l’article 43, paragraphe 2, dernière phrase, du règlement n° 40/94 a pour fonction de ne pas rendre indisponibles des marques non utilisées pour une catégorie de produits donnée, elle ne doit, néanmoins, pas avoir pour effet de priver le titulaire de la marque antérieure de toute protection pour des produits qui, sans être rigoureusement identiques à ceux pour lesquels il a pu prouver un usage sérieux, ne sont pas essentiellement différents de ceux-ci et relèvent d’un même groupe qui ne peut être divisé autrement que de façon arbitraire. À cet égard, il serait en pratique impossible au titulaire d’apporter la preuve de l’usage de la marque antérieure pour toutes les variantes imaginables des produits concernés par l’enregistrement. Par conséquent, la notion de « partie des produits » au sens de la disposition susvisée ne vise pas toutes les déclinaisons commerciales de produits analogues, mais seulement des produits suffisamment différenciés pour pouvoir constituer des catégories ou sous-catégories cohérentes [arrêt du Tribunal du 14 juillet 2005, Reckitt Benckiser (España)/OHMI – Aladin (ALADIN), T‑126/03, Rec. p. II‑2861, points 44 à 46].

92      Au regard de cette jurisprudence, le Tribunal constate que les groupes de produits couverts par la catégorie des « vêtements » ne sont pas suffisamment homogènes et, partant, susceptibles d’être couverts par une éventuelle preuve de l’usage de la marque antérieure apportée uniquement pour les « collants pour femmes ». En particulier, l’éventuelle preuve de l’usage de la marque antérieure pour les sous-vêtements « collants », y compris, le cas échéant, les « bas » et les « chaussettes » et, dans une moindre mesure, les « fuseaux » et les « slips » ne saurait être considérée comme une preuve suffisante de l’usage quant à l’ensemble des groupes de produits inclus dans la catégorie des « vêtements », notamment quant au groupe des vêtements de dessus, tels que les pantalons, les chemises, les pull-overs ou les vestes, a fortiori lorsqu’ils sont destinés à être portés par des hommes. Le Tribunal considère que ces derniers groupes de produits constituent, dans le cadre de la catégorie des « vêtements », des sous-catégories, suffisamment autonomes et distinctes au sens de la jurisprudence citée au point 91 ci-dessus.

93      Il en résulte que, aux termes de l’article 43, paragraphe 2, dernière phrase, du règlement n° 40/94, la marque antérieure n’est réputée enregistrée, aux fins de l’opposition, que pour la partie des produits pour lesquels l’usage sérieux de cette marque a été démontré, à savoir, en l’espèce, la sous-catégorie des « collants pour femmes », y compris, éventuellement, d’autres sous-vêtements destinés à être portés par des femmes, tels que les « bas », les « chaussettes », les « fuseaux » et les « slips ». En revanche, s’agissant des autres groupes de produits inclus dans la catégorie des « vêtements », l’usage sérieux de la marque antérieure n’est pas prouvé.

94      Dès lors, l’appréciation d’un éventuel risque de confusion entre la marque antérieure et la marque demandée doit être limitée, en ce qui concerne l’éventuelle similitude des produits en cause, aux produits pour lesquels la preuve de l’usage a été apportée [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal ELS, point 77 supra, point 50 ; du 1er mars 2005, Sergio Rossi/OHMI – Sissi Rossi (SISSI ROSSI), T‑169/03, Rec. p. II‑685, point 48, et du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, non encore publié au Recueil, point 35], à savoir, en l’espèce, les produits relevant de la sous-catégorie « collants pour femmes ».

95      Il s’ensuit que, sous réserve des précisions apportées aux points 90 à 94 ci-dessus, le deuxième moyen doit être rejeté.

4.     Sur le moyen tiré de l’absence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

96      Le requérant estime que la chambre de recours, en ayant, de façon erronée, retenu l’existence d’une similitude entre les marques et entre les produits en question et, partant, un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, a méconnu les exigences établies par la jurisprudence à cet égard. Le requérant invoque, notamment, les arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon (C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 29), et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer (C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 17), et les arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties) (T‑104/01, Rec. p. II‑4359, point 25), du 30 juin 2004, BMI Bertollo/OHMI – Diesel (DIESELIT) (T‑186/02, Rec. p. II‑1887, point 34), et Norma Lebensmittelfilialbetrieb/OHMI (Mehr für Ihr Geld) (T‑281/02, Rec. p. II‑1915, point 24), et du 6 juillet 2004, Grupo El Prado Cervera/OHMI – Héritiers Debuschewitz (CHUFAFIT) (T‑117/02, Rec. p. II‑2073, point 37).

97      En outre, le requérant relève que la chambre de recours n’aurait pas évalué le risque de confusion d’une manière globale en prenant en compte tous les facteurs du cas d’espèce, dont la possibilité de compenser un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement. À cet égard, le requérant invoque, notamment, l’arrêt Canon, point 96 supra (point 16), et l’arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS) (T‑162/01, Rec. p. II‑2821, point 32). La chambre de recours n’aurait pas, non plus, tenu compte de la jurisprudence selon laquelle le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure est important, et inversement. À ce titre, le requérant s’appuie, notamment, sur les arrêts du Tribunal du 15 janvier 2003, Mystery Drinks/OHMI – Karlsberg Brauerei (MYSTERY) (T‑99/01, Rec. p. II‑43, point 34), et du 4 novembre 2003, Díaz/OHMI – Granjas Castelló (CASTILLO) (T‑85/02, Rec. p. II‑4835, points 43 et 44).

98      Selon le requérant, d’abord, la marque antérieure non seulement est inconnue des consommateurs allemands mais également n’est pas repérable parce que cantonnée à un rôle très marginal dans l’activité commerciale de la grande chaîne de distribution de l’intervenante. Il fait observer, ensuite, qu’une hypothétique similitude entre les marques ou les produits en question n’est pas suffisante pour créer un risque de confusion compte tenu, d’une part, d’un public très attentif à la griffe et, d’autre part, d’un point de vue général, de l’interdépendance entre la similitude des marques et celle des produits.

99      Le requérant estime, en outre, que la chambre de recours aurait dû apprécier le risque de confusion des marques en cause en tenant compte de l’ensemble des critères pertinents, à savoir la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en conflit.

100    En ce qui concerne la similitude visuelle, la chambre de recours aurait relevé l’existence d’une telle similitude résultant du fait que, premièrement, quatre des cinq lettres de la marque antérieure feraient également partie intégrante de la marque demandée, que, deuxièmement, les trois premières ainsi que la dernière lettre des éléments verbaux en cause seraient identiques, que, troisièmement, la marque antérieure serait une marque verbale susceptible d’être utilisée sous toute forme graphique et que, quatrièmement, seul le premier des trois mots de la marque demandée attirerait l’attention du consommateur et serait mémorisé (point 18 de la décision attaquée).

101    Le requérant conteste, en particulier, que la triple répétition de l’élément verbal « manū » soit sans effet sur la perception du consommateur. D’après le requérant, c’est notamment la répétition de l’élément visuel du signe MANŪ MANU MANU qui serait l’élément le plus caractéristique attirant l’attention du consommateur et s’inscrivant dans sa mémoire.

102    En ce qui concerne la prétendue similitude phonétique, le requérant estime que la comparaison ne doit pas être faite entre les éléments verbaux « manou » et « manu » mais entre les éléments verbaux « manou » et « manū manu manu ». Il récuse, dès lors, la constatation de la chambre de recours selon laquelle l’habitude du consommateur de ne citer que le premier des trois termes répétés serait courante. En outre, le requérant conteste l’affirmation selon laquelle, en langue allemande, la suite de lettres « ou » se prononcerait comme la lettre « u » sans accent. Selon le requérant, il s’agit de mots étrangers à la langue allemande et, en tout état de cause, « dans aucun d’entre eux, la combinaison en question n’est placée à la fin du mot, ce qui permettrait de déterminer si le mot se prononce en allemand avec ou sans l’accent sur la dernière syllabe ». Le requérant ajoute que la marque demandée présente, à la fin du premier des trois termes répétés, un accent sur le premier « ū » et que, par conséquent, l’hypothétique prononciation de l’élément verbal « manou » sans accent en allemand contribuerait à exclure le risque de confusion. Enfin, le requérant estime que la chambre de recours n’a pas pris en considération le fait que le degré de similitude phonétique entre les deux marques est d’une importance moindre dans le cas de produits commercialisés de telle manière que, lors de l’achat, le public pertinent a une perception visuelle de la marque qui les désigne. À cet égard, il cite l’arrêt BASS, point 45 supra (point 55).

103    Ensuite, le requérant conteste l’appréciation de la chambre de recours quant à l’absence de différence conceptuelle entre les éléments verbaux « manou » et « manu » étant donné que le premier terme serait connu, également en Allemagne, comme un prénom féminin, diminutif de Manuelle et que le second exprimerait l’idée de « main », dérivée, notamment, de la locution latine brevi manu. En tout état de cause la chambre de recours aurait sous-évalué l’importance de la triple répétition du terme « manu » comme étant l’aspect le plus frappant du point de vue du consommateur.

104    S’agissant de la comparaison des produits, selon le requérant, c’est précisément la différence entre les produits et l’importance très faible de l’usage qui confirment l’absence de confusion. Le requérant considère que, nonobstant les éléments lexicaux communs entre les deux marques en question, aucun consommateur n’est amené trompeusement à penser, au regard de la marque MANŪ MANU MANU, que certains articles vestimentaires de mode, tels que les chaussures ou les chapeaux, pourraient être assimilés à des collants pour dames vendus dans les filiales de l’intervenante. Le requérant estime que, à cet égard, la chambre de recours a méconnu l’arrêt Canon, point 96 supra (point 23), selon lequel, pour apprécier la similitude entre les produits ou services en cause, il y aurait lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits ou services. Ces facteurs incluraient, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire.

105    Le requérant estime que, bien que la chambre de recours ait, à bon droit, rejeté l’identité des produits dans la mesure où les produits couverts par la marque antérieure étaient expressément exclus de la demande d’enregistrement, elle aurait, néanmoins, de façon erronée, considéré que les collants et la plupart des vêtements autres que ceux-ci seraient similaires, uniquement parce qu’il s’agirait, dans tous ces cas, de pièces de linge, composées de matière textile, répondant au besoin de couvrir le corps et visant une population commune de consommatrices.

106    En ce qui concerne la notion de « vêtements » au sens de la classe 25, le requérant soutient que celle-ci ne saurait être interprétée de manière large. À cet égard, il fait valoir que, premièrement, s’il en était ainsi, les spécifications et les limitations de la classe 25 n’auraient aucun sens, que, deuxièmement, tous les articles d’habillement ne seraient pas composés de matières textiles et que, enfin, dans la société moderne ces articles, par exemple les accessoires de mode, ne rempliraient plus la fonction primordiale de « couvrir le corps ». Par conséquent, la destination et l’utilisation des collants pour dames ne sauraient être assimilées, de manière générale et simpliste, à celles d’autres articles d’habillement, du seul fait qu’ils « couvrent le corps ».

107    Le requérant soutient, ensuite, que l’affirmation selon laquelle la clientèle potentielle serait identique n’est pas exacte. L’intervenante elle-même aurait insisté sur le fait que les collants portant la marque MANOU seraient vendus dans ses propres filiales et qu’il n’existerait aucune trace d’un autre réseau de vente. En outre, l’intervenante aurait déposé un document démontrant que plus de 60 % de tous les bas, mi-bas et collants vendus en Allemagne seraient écoulés par le canal de la distribution alimentaire.

108    En ce qui concerne la similitude entre les collants et les chaussures, le requérant estime que le comportement d’achat du consommateur relatif aux chaussures serait moins déterminé par le besoin de couvrir les pieds et de les protéger du froid que par des fonctions esthétiques. En outre, le requérant fait part de son manque de connaissance de l’existence d’une coutume commerciale en Allemagne selon laquelle les chaussures et les collants seraient vendus de manière complémentaire dans les mêmes points de vente. Le requérant relève, enfin, que, contrairement à ce qu’affirme la chambre de recours (point 23 de la décision attaquée), la différence entre la chapellerie et les collants serait encore plus évidente, compte tenu des différents tissus utilisés ainsi que des différentes parties du corps humain qui seraient recouvertes.

109    L’OHMI estime qu’il est évident que les deux conditions relatives à la similitude des signes et à la similitude des produits, énoncées à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, pour établir l’existence d’un risque de confusion auprès du public de référence, sont remplies en l’espèce.

 Appréciation du Tribunal

 Observations liminaires

110    Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, une marque est refusée à l’enregistrement, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux signes désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée.

111    Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement (voir arrêt GIORGIO BEVERLY HILLS, point 97 supra, point 30, et la jurisprudence qui y est citée).

112    Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou services en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou services désignés (voir arrêt GIORGIO BEVERLY HILLS, point 97 supra, points 31 à 33, et la jurisprudence qui y est citée).

113    Étant donné que les produits en cause, à savoir les vêtements relevant de la classe 25, sont des produits de consommation courante [arrêt du Tribunal du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T‑117/03 à T‑119/03 et T‑171/03, Rec. p. II‑3471, point 25], et que la marque antérieure n’est protégée que sur le territoire allemand, le public ciblé est le consommateur moyen allemand, qui est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Plus particulièrement, dès lors que la marque antérieure est réputée enregistrée uniquement pour la sous-catégorie de vêtements « collants pour femmes » et que ces produits ne sont commercialisés par l’intervenante que par ses filiales de « magasins de rabais », le groupe de consommateurs visé est, à titre principal, de sexe féminin et se trouve dans la situation typique de l’achat de biens de grande consommation dans des supermarchés pour les besoins de la vie quotidienne.

114    Eu égard aux considérations exposées aux points 90 à 94 ci-dessus, le Tribunal considère nécessaire de vérifier, d’abord, l’éventuelle existence d’une similitude entre les produits en cause.

 Sur la comparaison des produits en cause

115    Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits ou les services, incluant, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (voir arrêt Mystery, point 97 supra, point 39, et la jurisprudence qui y est citée).

116    En l’espèce, il est constant que, à la suite de la limitation par le requérant de la demande d’enregistrement, il n’existe pas d’identité entre, d’une part, les « collants pour femmes » et les produits appartenant à la même sous-catégorie, à savoir les « bas », les « chaussettes », les « fuseaux » et les « slips », pour lesquels la marque antérieure est réputée enregistrée et, d’autre part, les vêtements pour lesquels l’enregistrement de la marque communautaire a finalement été demandé. En outre, au regard des considérations exposées aux points 90 à 94 ci-dessus, ces produits ne relèvent pas d’une sous-catégorie de produits suffisamment homogène mais de groupes de produits distincts, à savoir, d’une part, les sous-vêtements destinés, à titre principal, à être portés par des consommateurs de sexe féminin et, d’autre part, toutes sortes de sous-vêtements pour hommes et de vêtements de dessus ciblant tant les femmes que les hommes.

117    Il n’en reste pas moins qu’il s’agit dans tous ces cas d’articles d’habillement composés de matière textile et destinés à couvrir, à tout le moins en partie, le corps, soit pour protéger contre le froid, soit pour répondre à des besoins esthétiques, soit pour atteindre ces deux objectifs en même temps. De ce fait, selon la jurisprudence, des produits inclus dans la catégorie des « vêtements », relevant de la classe 25, sont considérés comme étant similaires aux fins de l’examen du risque de confusion [arrêts du Tribunal NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE ET NLCollection, point 113 supra, point 26 ; du 7 juillet 2005, Miles International/OHMI – Biker Miles (Biker Miles), T‑385/03, Rec. p. II‑2665, points 35 à 37, et du 5 octobre 2005, Bunker & BKR/OHMI – Marine Stock (B.K.R.), T‑423/04, Rec. p. II-4035, point 56].

118    En tout état de cause, ainsi que le fait valoir l’intervenante, le Tribunal considère que, en l’espèce, la perception d’une certaine similitude entre les produits en cause est renforcée par le fait que, à la différence des grands magasins à plusieurs étages avec des surfaces distinctes destinées à la vente de groupes ou de certaines sous-catégories de vêtements, tels que les vêtements pour femmes et ceux pour hommes, lesdits produits sont généralement offerts ensemble et sont regroupés dans les mêmes rayons ou dans le même secteur des filiales de supermarché de l’intervenante.

119    Dès lors, il y a lieu de conclure que, du point de vue du public pertinent, les produits en cause sont similaires et que l’appréciation de la chambre de recours, à cet égard, n’est pas entachée d’erreur.

 Sur la comparaison des signes en cause

120    Il est de jurisprudence constante que l’appréciation globale du risque de confusion, qui doit être effectuée en tenant compte de tous les facteurs pertinents, doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les signes, en tenant compte notamment de leurs éléments distinctifs et dominants. En effet, le consommateur moyen du type de produits ou de services en cause, dont la perception des marques joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de confusion, perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen des différents détails (voir arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 23).

121    Sur le plan visuel, le Tribunal considère que la chambre de recours a relevé, à bon droit, qu’il y avait une identité entre quatre des cinq lettres composant la marque verbale antérieure MANOU et celles composant l’élément verbal déterminant de la marque figurative demandée, à savoir « manū », les trois premières lettres (« man ») de ces deux termes coïncidant complètement et leurs dernières lettres (respectivement « u » et « ū ») étant presque identiques. À cet égard, le public pertinent est, en effet, incité à n’appréhender attentivement que l’élément verbal prédominant – mis en relief en gras – à savoir « manū » sans tenir nécessairement compte de la triple superposition dudit élément verbal dans le signe figuratif de la marque demandée.

122    À cet égard, il convient de prendre en considération, également, la situation particulière de commercialisation invoquée par l’intervenante, celle-ci étant le libre-service du consommateur final dans les rayons de vêtements des supermarchés. Dans une telle situation, le choix du vêtement se fait, généralement, de manière visuelle, ce qui confère une importance particulière à la perception visuelle des marques en cause dans l’appréciation globale du risque de confusion. En outre, dans le secteur de l’habillement, il est fréquent que la même marque présente différentes configurations selon le type de produits qu’elle désigne et que la même entreprise de confection utilise des sous-marques, à savoir des signes dérivant d’une marque principale et partageant avec elle un élément dominant commun, pour distinguer ses différentes lignes de production (voir, en ce sens, arrêt NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection, point 113 supra, points 50 et 51, et la jurisprudence qui y est citée). Il s’ensuit que le consommateur de référence pourrait être amené à croire que la marque demandée désigne une ligne de production de vêtements particulière de l’entreprise qui commercialise déjà la marque antérieure pour les sous-vêtements pour femmes. C’est d’autant plus vrai que, ainsi que le fait observer l’OHMI, le consommateur de référence, de langue allemande, n’associe aucun contenu sémantique aux éléments verbaux « manou » ou « manū » qui serait susceptible de créer un élément distinctif dans son esprit et que, en l’absence d’affirmations contraires des parties à cet égard, il y a lieu de constater qu’aucune des marques en conflit ne jouit d’une renommée en Allemagne.

123    Dès lors, la chambre de recours a correctement constaté que les deux marques en cause sont visuellement similaires.

124    Par ailleurs, sur le plan phonétique, les éléments verbaux composant la marque demandée et celui de la marque antérieure sont très similaires, voire presque identiques. À ce titre, la chambre de recours a correctement constaté que le consommateur moyen de référence de langue allemande, bien que le vocabulaire allemand connaisse très peu de mots incluant la combinaison de voyelles « ou », tels que « boutique » ou « cousin », a tendance à prononcer les termes « manou » et « manū » de la même manière, tout en mettant les accents sur les mêmes syllabes (point 19 de la décision attaquée). De même, compte tenu du caractère prédominant de l’élément verbal « manū » mis en exergue en gras dans le signe figuratif demandé, le Tribunal considère que, contrairement à l’avis du requérant, ledit consommateur n’est pas normalement incité à répéter ce terme conformément à sa triple superposition, étant donné la tendance naturelle du consommateur à minimiser les efforts et à éviter des répétitions inutiles.

125    Dès lors, il convient de conclure que, sur le plan tant visuel que phonétique, les signes en conflit présentent des similitudes significatives.

 Sur le risque de confusion

126    Au regard de tout ce qui précède, compte tenu de la similitude des produits en cause ainsi que de la ressemblance significative de la marque antérieure et de la marque demandée sur le plan tant visuel que phonétique, il y a lieu de conclure qu’il existe, du point de vue du consommateur de référence, un risque de confusion entre lesdites marques.

127    Dès lors, l’appréciation de la chambre de recours concernant le risque de confusion n’est pas entachée d’erreur dans la mesure où elle porte, d’une part, sur les « vêtements » et, d’autre part, sur les deux marques en conflit.

128    Par conséquent, le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur les dépens

129    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Dans les circonstances de l’espèce, compte tenu du fait que le requérant a succombé sur les deuxième et troisième moyens et que l’OHMI a succombé sur le premier moyen relatif à des illégalités graves commises par la chambre de recours, en raison du caractère ultra petita du rejet de la demande d’enregistrement, qui a amené l’OHMI à demander lui-même l’annulation partielle de la décision attaquée, il y a lieu de décider que, d’une part, l’OHMI supportera ses propres dépens ainsi qu’un tiers de ceux exposés par le requérant et que, d’autre part, le requérant supportera les deux tiers de ses propres dépens.

130    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante supportera ses propres dépens. En l’espèce, la partie qui est intervenue au soutien de l’OHMI supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles (OHMI) du 15 juin 2004 (affaire R 154/2002-4) est annulée pour autant qu’elle rejette la demande d’enregistrement de la marque MANŪ MANU MANU, d’une part, pour les produits « chaussures » et « chapellerie », relevant de la classe 25, et, d’autre part, pour ceux relevant des classes 18 et 24.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi qu’un tiers de ceux exposés par le requérant.

4)      Le requérant, Salvatore Gagliardi, supportera les deux tiers de ses propres dépens.

5)      L’intervenante, Norma Lebensmittelfilialbetrieb GmbH & Co. KG, supportera ses propres dépens.

Jaeger

Azizi

Cremona

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger

Table des matières

Cadre juridique

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Observation liminaire

2.  Sur le moyen tiré du caractère ultra petita de la décision attaquée

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Observation liminaire

Sur le grief relatif au caractère ultra petita de la décision attaquée concernant les catégories « chapellerie » et « chaussures », relevant de la classe 25

Sur le grief relatif au caractère ultra petita de la décision attaquée concernant les classes 18 et 24

–  Sur la portée de la décision attaquée

–  Sur la portée de la lettre du 19 août 2004

3.  Sur le moyen tiré de l’absence de preuves suffisantes concernant l’usage sérieux de la marque antérieure

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Observations liminaires

Sur l’intérêt de l’intervenante d’agir en opposition

–  Sur la portée de l’objet du litige

–  Sur les effets de la limitation de la demande d’enregistrement

Sur la preuve de l’usage de la marque antérieure

–  Observations liminaires

–  Sur la preuve de l’usage de la marque antérieure pour les « collants pour femmes »

–  Sur la portée de la preuve de l’usage

4.  Sur le moyen tiré de l’absence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Observations liminaires

Sur la comparaison des produits en cause

Sur la comparaison des signes en cause

Sur le risque de confusion

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.