Language of document : ECLI:EU:T:2015:835

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

11 novembre 2015 (*)

« FEOGA – Section ‘Garantie’ – FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Délai raisonnable – Absence de contrôles clés – Extrapolation des constatations de défaillances »

Dans l’affaire T‑550/13,

République hellénique, représentée par M. I. Chalkias et Mme A. Vasilopoulou, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. D. Triantafyllou et Mme K. Skelly, en qualité d’agents, assistés de M. N. Korogiannakis, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision d’exécution 2013/433/UE de la Commission, du 13 août 2013, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 219, p. 49),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, E. Bieliūnas (rapporteur) et V. Kreuschitz, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 juin 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Correction financière appliquée aux dépenses dans le secteur des fruits et légumes

1        Dans le cadre de l’enquête FV/2007/316/GR, la Commission européenne a effectué des vérifications en Grèce, du 4 au 8 juin 2007, dans le secteur des fruits et légumes, notamment en ce qui concerne la transformation des pêches et des poires.

2        Par lettre du 2 octobre 2007, la Commission a informé les autorités grecques des résultats de son enquête. La Commission a reçu leur réponse le 3 décembre 2007.

3        Par la suite, la Commission a invité la République hellénique à une réunion bilatérale qui s’est tenue le 24 janvier 2008. Le procès-verbal de ladite réunion a été envoyé aux autorités grecques par lettre du 27 février 2008.

4        Par lettre du 29 avril 2008, les autorités grecques ont transmis leurs observations à la Commission.

5        Par lettre du 22 juin 2012, la Commission a adressé aux autorités grecques une communication officielle, établie sur la base de l’article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, et de l’article 16, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO 2006, L 171, p. 90), tel que modifié. Dans cette lettre, la Commission proposait d’appliquer une correction forfaitaire de 10 %, correspondant à un montant de 3 018 301,74 euros, en raison des lacunes constatées dans le système de contrôle au cours des exercices 2006 et 2007 dans le secteur des fruits et légumes, en ce qui concernait, en particulier, la transformation des pêches et des poires.

6        Par lettre du 31 août 2012, la République hellénique a saisi l’organe de conciliation qui a rendu son avis le 6 mars 2013.

7        Par lettre du 12 avril 2013, la Commission a communiqué aux autorités grecques sa position finale.

 Correction financière appliquée dans le cadre du régime d’approvisionnement des îles mineures de la mer Égée

8        Dans le cadre de l’enquête VT/2007/21, la Commission a, par lettres du 11 janvier 2007 et du 14 décembre 2008, communiqué à la République hellénique, conformément à l’article 11, paragraphe 1, du règlement n° 885/2006, son intention d’appliquer des corrections financières pour tous les exercices jusqu’à la mise en œuvre par cette dernière de mesures correctives adéquates dans le secteur du système intégré de gestion et de contrôle des aides à l’huile d’olive en Grèce. Les constatations de la Commission concernant les îles mineures de la mer Égée étaient fondées sur l’enquête VI/2004/06/GR qui reposait elle-même sur les enquêtes ΟΤ/2006/01 et NAC/2007/013 effectuées par la Commission dans le secteur de l’huile d’olive. Les conclusions de l’enquête VI/2004/06/GR ont été exposées en détail dans la lettre susmentionnée de la Commission, datée du 11 janvier 2007.

9        La République hellénique a répondu par lettre du 9 mars 2009.

10      Une réunion bilatérale a eu lieu le 9 septembre 2010 entre les services de la Commission et les autorités grecques, dont le compte rendu a été communiqué à ces dernières par lettre du 6 octobre 2010.

11      Les autorités grecques ont présenté leurs observations par lettre du 23 décembre 2010.

12      Par lettre du 23 janvier 2013, la Commission a adressé aux autorités grecques une communication officielle, établie sur la base de l’article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, et de l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 885/2006. Dans cette lettre, la Commission proposait d’appliquer une correction forfaitaire de 10 %, correspondant à un montant de 2 173 038,57 euros. La Commission a également informé la République hellénique que, si elle le souhaitait, elle pouvait adresser une demande de conciliation à l’organe de conciliation conformément à l’article 16 du règlement n° 885/2006.

13      La République hellénique n’a pas présenté de demande en ce sens.

 Décision attaquée

14      Par sa décision d’exécution 2013/433/UE, du 13 août 2013, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 219, p. 49, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a écarté dudit financement certaines dépenses effectuées par la République hellénique dans le secteur des fruits et légumes et dans le cadre du régime d’approvisionnement des îles mineures de la mer Égée.

15      Les motifs des corrections financières effectuées par la Commission sont résumés dans le rapport de synthèse du 25 janvier 2013, relatif aux résultats des inspections de la Commission dans le contexte d’apurement de conformité, conformément à l’article 7, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), et à l’article 31 du règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 209, p. 1) (ci-après le « rapport de synthèse »).

16      La décision attaquée vise, notamment, dans le tableau qui lui est annexé, les corrections suivantes :

–        dans le secteur des fruits et légumes (aide à la transformation des pêches et des poires), au titre des exercices financiers 2006 et 2007, une correction forfaitaire à hauteur de 10 %, d’un montant total de 3 018 301,74 euros, a été imposée, en raison de lacunes dans les contrôles des documents conservés par les organisations de producteurs, de lacunes dans les contrôles administratifs et comptables des producteurs et des organisations de producteurs, de paiements en liquide non autorisés et d’absence de vérification des contrôles de concordance ainsi que des contrôles des stocks ;

–        dans le cadre du régime d’approvisionnement des îles mineures de la mer Égée, au titre des exercices financiers 2005 et 2006, une correction forfaitaire à hauteur de 10 %, d’un montant total de 2 173 038,57 euros, a été imposée, en raison de l’inadéquation du système d’information géographique dans le secteur oléicole.

 Procédure

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 octobre 2013, la République hellénique a introduit le présent recours.

18      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure du 2 mai 1991, de demander la production d’un document à la Commission. Il a été déféré à cette demande dans le délai imparti.

19      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 9 juin 2015.

 Conclusions des parties

20      La République hellénique conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle lui applique une correction financière d’un montant total de 5 191 340,31 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République hellénique aux dépens.

 En droit

22      À l’appui de son recours, la République hellénique soulève trois moyens dont les deux premiers concernent la correction appliquée aux dépenses dans le secteur des fruits et légumes. Le premier moyen est tiré de la violation des principes généraux de sécurité juridique, du délai raisonnable et de bonne administration. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur de fait et d’un défaut de motivation. Le troisième moyen, tiré d’une extrapolation illégale et d’un défaut de motivation, concerne la correction appliquée dans le cadre du régime d’approvisionnement des îles mineures de la mer Égée.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des principes généraux de sécurité juridique, du délai raisonnable et de bonne administration

23      La République hellénique fait valoir, en substance, que la décision d’appliquer, après plus de quatre années d’inaction de la Commission, des corrections financières en 2013, au titre des exercices financiers 2006 et 2007, concernant des lacunes dans le système de contrôle qui avaient déjà été constatées en 2008, viole les principes généraux de sécurité juridique, du délai raisonnable et de bonne administration, aux motifs que la durée excessive de la procédure administrative l’a prise entièrement au dépourvu sur le plan budgétaire et lui a porté préjudice dans le contexte budgétaire actuel.

24      La Commission estime qu’aucun des arguments de la République hellénique n’est fondé.

25      Il convient d’observer, à titre liminaire, qu’il ressort de l’ensemble de l’argumentation avancée par la République hellénique qu’elle n’invoque pas d’une manière autonome les principes de sécurité juridique et de bonne administration, mais qu’elle les invoque conjointement avec le principe du délai raisonnable.

26      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu d’un principe général du droit de l’Union européenne, la Commission est tenue de respecter, dans le cadre de ses procédures administratives, un délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec, EU:C:2002:582, point 179, et du 30 septembre 2003, Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis/Commission, T‑196/01, Rec, EU:T:2003:249, point 229).

27      L’obligation d’observer un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives constitue un principe général du droit de l’Union dont le juge de l’Union assure le respect et qui est repris comme une composante du droit à une bonne administration par l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (arrêt du 11 avril 2006, Angeletti/Commission, T‑394/03, EU:T:2006:111, point 162, et arrêt du 7 juin 2013, Italie/Commission, T‑267/07, Rec, EU:T:2013:305, point 61).

28      Il est de jurisprudence constante que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure administrative s’apprécie en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, du contexte dans lequel elle s’inscrit, des différentes étapes procédurales qui ont été suivies, de la complexité de l’affaire ainsi que de son enjeu pour les différentes parties intéressées (arrêts du 16 septembre 1999, Partex/Commission, T‑182/96, Rec, EU:T:1999:171, point 177, et Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis/Commission, point 26 supra, EU:T:2003:249, point 230).

29      En l’espèce, la Commission a effectué des vérifications en Grèce du 4 au 8 juin 2007 et la décision attaquée a été adoptée le 13 août 2013. La procédure administrative a donc duré six ans environ.

30      Par ailleurs, la Commission a laissé s’écouler une longue période, de quatre ans et un mois environ, entre la réception des observations des autorités grecques par lettre du 29 avril 2008 (voir point 4 ci-dessus) et l’envoi de la lettre du 22 juin 2012 par laquelle elle a adressé aux autorités grecques une communication officielle (voir point 5 ci-dessus). Il s’ensuit que la procédure administrative a incontestablement été très longue.

31      Par conséquent, il y a lieu de constater que la durée de la procédure d’apurement des comptes du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), prise dans son ensemble, c’est-à-dire entre l’envoi par lettre du 2 octobre 2007 des résultats de l’enquête et l’adoption de la décision attaquée, peut être considérée comme excessivement longue.

32      Toutefois, le dépassement d’un délai raisonnable, à le supposer établi, ne justifierait pas nécessairement l’annulation de la décision attaquée. En effet, pendant la procédure contradictoire, l’État membre doit disposer de toutes les garanties requises pour présenter son point de vue. Le dépassement du délai raisonnable ne peut constituer un motif d’annulation d’une décision de correction financière que dès lors qu’il a été établi qu’il a porté atteinte auxdites garanties. En dehors de cette hypothèse spécifique, le non-respect de l’obligation de prendre une décision dans un délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure contradictoire (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2009, Grèce/Commission, T‑33/07, EU:T:2009:195, point 240).

33      En l’espèce, la République hellénique soutient que, en raison de la durée excessive de la procédure administrative, ses droits de la défense ont été affaiblis. Elle indique, en substance, qu’il lui a été presque impossible de collecter des éléments de preuve additionnels au bout de tant d’années.

34      Or, il y a lieu de constater que la République hellénique a omis d’étayer cette allégation par des éléments concrets et, en particulier, de préciser quels éléments de preuve elle avait eu des difficultés à collecter ainsi que les raisons pour lesquelles il n’avait plus été possible d’obtenir lesdits éléments (voir, par analogie, arrêt du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, Rec, EU:T:2011:284, point 300).

35      Il en résulte que la République hellénique n’a pas démontré que la durée de la procédure administrative avait porté atteinte à ses droits de la défense.

36      Aucun des autres arguments invoqués par la République hellénique n’est de nature à remettre en cause cette conclusion.

37      En ce qui concerne l’argument de la République hellénique selon lequel le dépassement du délai raisonnable l’a prise au dépourvu sur le plan financier dans une conjoncture économique particulièrement défavorable pour elle, il y a lieu de considérer que cette argumentation revient à soutenir que, en raison du dépassement du délai en question, la République hellénique pouvait s’attendre à ce que la correction forfaitaire en cause ne soit plus imposée. Or, une telle argumentation est manifestement non fondée, dès lors que, en l’absence d’assurances précises fournies par la Commission, la durée d’une procédure d’apurement des comptes ne saurait faire naître des espérances fondées que des corrections financières ne seraient pas imposées à l’État membre concerné (arrêt du 7 avril 2011, Grèce/Commission, C‑321/09 P, EU:C:2011:218, point 46, et ordonnance du 15 juillet 2014, Grèce/Commission, C‑71/13 P, EU:C:2014:2119, point 102).

38      Quant à l’argument selon lequel la Commission se serait elle-même engagée à ce que la durée de la procédure d’apurement des comptes ne dépasse pas 645 jours, ainsi qu’il résulterait du document de la direction générale (DG) « Agriculture et développement rural » de la Commission intitulé « La procédure d’apurement des comptes », publié sur son site Internet, il convient de le rejeter dès lors que le tableau intitulé « Apurement de conformité : calendrier indicatif », qui comporte le seul passage de ce document faisant référence au délai de 645 jours, mentionne expressément que le calendrier est indicatif. En effet, force est de constater qu’il ne s’agit que d’une indication donnée dans le cadre d’une présentation, à titre purement informatif, de la durée d’une procédure d’apurement des comptes. En tout état de cause, la durée indiquée n’engage nullement la Commission et elle est dénuée d’effet juridique (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2012, Grèce/Commission, T‑588/10, EU:T:2012:688, point 503).

39      Il ressort des considérations qui précèdent que le présent moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de fait et d’un défaut de motivation

40      La République hellénique fait valoir, en substance, qu’en parvenant à la conclusion que deux contrôles clés n’ont pas été effectués et qu’en proposant une correction forfaitaire de 10 %, la Commission a commis une erreur de fait et a motivé sa décision de manière insuffisante. Selon elle, les lacunes constatées, même à les considérer avérées et fondées, ne pourraient pas conduire à un taux de correction forfaitaire supérieur à 5 %.

41      En premier lieu, s’agissant des contrôles prévus à l’article 28, paragraphe 1, sous d), du règlement (CE) n° 1535/2003 de la Commission, du 29 août 2003, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 2201/96 en ce qui concerne le régime d’aide dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes (JO L 218, p. 14), la République hellénique fait référence aux documents relatifs à des contrôles effectués dans six entreprises de transformation, en l’occurrence des entreprises autres que celles qui ont fait l’objet d’une inspection par la Commission, pour soutenir que les contrôles ont eu lieu normalement. Elle fait également valoir que le constat de la Commission porte, en substance, sur la traçabilité des contrôles, visant ainsi une faiblesse des contrôles, et non leur absence.

42      En deuxième lieu, en ce qui concerne les contrôles prévus à l’article 31, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 1535/2003, la République hellénique reproche à la Commission, d’abord, de ne pas avoir suffisamment motivé sa constatation concernant la fiabilité de certains éléments de preuve, ensuite, d’avoir ignoré une partie des éléments de preuve soumis par les autorités grecques et, enfin, d’avoir douté de l’authenticité de certains éléments de preuve.

43      La Commission estime qu’aucun de ces arguments n’est fondé.

44      Tout d’abord, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 28, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1535/2003, les États membres prennent les mesures nécessaires pour vérifier les registres tenus pour chacun des produits livrés à la transformation par les organisations de producteurs, et ceux tenus par les transformateurs, ainsi que leur concordance avec la comptabilité imposée par la législation nationale aux organisations de producteurs et aux transformateurs.

45      De même, en vertu de l’article 31, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 1535/2003, pour les transformateurs de pêches et de poires, pour chaque usine, pour chaque produit et pour chaque campagne, « des contrôles physiques et comptables [sont effectués] sur la réalité des stocks, portant, au moins une fois par an, sur la totalité des stocks de produits finis afin de vérifier leur concordance avec les produits finis élaborés, les produits finis achetés et les produits finis vendus ».

46      Ensuite, en ce qui concerne le cadre juridique des sanctions financières imposées en l’espèce, il découle de l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005 que la Commission évalue les montants à écarter du financement de l’Union en tenant compte, d’une part, de la nature et de la gravité de l’infraction et, d’autre part, du préjudice financier causé à l’Union.

47      À cet égard, l’annexe 2 des orientations pour l’application des corrections financières telles qu’elles sont définies par la Commission dans le document n° VI/5330/97, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie », prévoit ce qui suit en ce qui concerne les taux de correction :

« Lorsqu’un ou plusieurs contrôles clés ne sont pas effectués ou sont si mal ou si rarement réalisés qu’ils sont inefficaces pour déterminer l’éligibilité d’une demande ou prévenir les irrégularités, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 10 %, car il est raisonnablement permis de penser qu’il existait un risque élevé de pertes importantes pour le FEOGA.

Lorsque tous les contrôles clés sont effectués, mais sans respecter le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés par les règlements, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 5 %, dans la mesure où il peut raisonnablement être conclu que ces contrôles n’offrent pas le niveau attendu de garantie de régularité des demandes et que le risque de pertes pour le FEOGA était significatif. »

48      Enfin, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante en matière de Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), il appartient à la Commission, aux fins de prouver l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles, non pas de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par elles, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. Cet allégement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (arrêts du 19 juin 2003, Espagne/Commission, C‑329/00, Rec, EU:C:2003:355, point 68, et du 15 décembre 2011, Luxembourg/Commission, T‑232/08, EU:T:2011:751, point 27).

49      Ainsi, en l’espèce, pour effectuer un contrôle juridictionnel de la correction forfaitaire litigieuse, il y a lieu de vérifier si la République hellénique a démontré qu’elle avait appliqué un système de contrôle fiable et efficace et que les griefs formulés par la Commission à la suite des vérifications matérielles effectuées par ses services n’étaient pas fondés (voir, en ce sens, arrêts du 24 février 2005, Pays-Bas/Commission, C‑318/02, EU:C:2005:104, point 36, et Grèce/Commission, C‑300/02, Rec, EU:C:2005:103, point 95).

50      À titre liminaire, il y a lieu d’observer que, dans le cadre de son argumentation, la République hellénique soutient à plusieurs reprises que tous les contrôles ont été effectués d’une manière conforme à la réglementation applicable, y compris les contrôles pour lesquels la Commission a constaté l’existence de faiblesses. Cependant, dans la requête, elle vise, en substance, les deux cas d’absence de contrôle constatés par la Commission, à savoir, d’une part, les contrôles prévus à l’article 28, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1535/2003 et, d’autre part, les contrôles prévus à l’article 31, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 1535/2003, dans le but de prouver qu’il s’agit, là aussi, d’une faiblesse des contrôles et non pas d’une absence de contrôle et, donc, de démontrer que la correction financière de 10 % aurait dû être fixée à 5 %.

51      En premier lieu, il ressort du rapport de synthèse que la Commission a constaté que la République hellénique n’avait pas effectué les contrôles prévus à l’article 28, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1535/2003, consistant à vérifier les registres des organisations de producteurs et ceux des transformateurs et leur concordance avec la comptabilité imposée par la législation nationale. Autrement dit, la République hellénique n’aurait pas effectué de contrôles de concordance. Il ressort également du rapport de synthèse que, lors de son inspection dans une première organisation de producteurs, la Commission aurait été informée qu’aucun contrôle de concordance n’avait été effectué en raison de la charge de travail. Dans une deuxième organisation de producteurs, l’exemplaire du système comptable qui aurait dû faire partie du registre aurait été imprimé sur place par le comptable de l’organisation de producteurs. Une troisième organisation de producteurs aurait fourni des informations contradictoires aux différents stades de la procédure et, en définitive, il se serait avéré que la comparaison entre les registres et les documents comptables n’avait jamais été effectuée au motif que, selon les autorités grecques, les contrôleurs n’avaient pas les connaissances de base en matière de comptabilité. Finalement, une quatrième organisation de producteurs n’aurait pas disposé de documents prouvant la réalisation de contrôles de concordance et les autorités grecques auraient expliqué sur place que les contrôles n’avaient jamais été effectués en raison de la charge de travail.

52      En second lieu, il ressort du rapport de synthèse que la République hellénique n’avait pas effectué les contrôles physiques et comptables, prévus à l’article 31, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 1535/2003, sur la réalité des stocks, portant sur la totalité des stocks de produits finis afin de vérifier leur concordance avec les produits finis élaborés, les produits finis achetés et les produits finis vendus. Il ressort du rapport de synthèse que, lors de l’inspection de la Commission dans une organisation de producteurs, aucune preuve de la réalisation de ces contrôles n’a été trouvée et que les autorités grecques auraient affirmé que ces contrôles avaient été effectués régulièrement, mais auraient admis qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve dans le registre.

53      Il y a lieu d’observer, d’emblée, qu’aucun des arguments présentés par la République hellénique ne permet de démontrer que les constatations faites par la Commission dans le rapport de synthèse quant à l’absence de certains contrôles sont erronées ou manquent en fait.

54      En effet, en premier lieu, dans la requête, la République hellénique fait valoir, en substance, que les deux contrôles ont été réalisés, mais que leur traçabilité n’était pas immédiatement visible dans toutes les organisations de producteurs. Autrement dit, la République hellénique soutient qu’il s’agirait de faiblesses dans les contrôles clés et non d’une absence de ces contrôles.

55      À l’appui de cette argumentation, la République hellénique se réfère, en substance, aux documents relatifs à des contrôles effectués dans six entreprises de transformation de son choix, qui sont différentes de celles contrôlées par la Commission. Il ressortirait de ces six rapports, lesquels ont été également produits en annexe de sa demande auprès de l’organe de conciliation, que, dans les entreprises de transformation concernées par lesdits rapports, les contrôles nécessaires ont été réalisés.

56      Toutefois, il y a lieu de considérer que ces six rapports ne remettent pas en cause la conclusion de la Commission selon laquelle son enquête a fait apparaître que les contrôles dans les organisations des producteurs présentaient de sérieuses lacunes ou n’avaient pas du tout été effectués.

57      À cet égard, il ressort du rapport de synthèse que quatre des documents fournis par la République hellénique ne sont pas fiables. Cela jette un doute sur la fiabilité de tous les documents soumis par la République hellénique en ce qui concerne la question de traçabilité en cause. En effet, tout d’abord, les conclusions de ces quatre rapports, même si elles semblent manuscrites, sont photocopiées. Ensuite, ces conclusions se réfèrent aux pêches et aux poires, y compris pour les entreprises de transformation qui ne transforment que des poires. Par ailleurs, les quatre rapports portent la même date et les mêmes noms de contrôleurs. Enfin, bien que ces rapports contiennent des données brutes, ils ne fournissent ni la piste d’audit, ni des preuves de l’inventaire physique.

58      La République hellénique n’avance aucun élément de preuve ou aucune explication précise concernant les reproches de la Commission quant à la fiabilité de ces quatre rapports. En substance, la République hellénique soutient uniquement que les rapports sont authentiques au motif qu’ils sont signés à plusieurs endroits par les contrôleurs et qu’ils portent le visa et le tampon officiel des préfectures. Or, une telle explication ne saurait être suffisante pour dissiper les doutes concrets exprimés par la Commission dans le rapport de synthèse. La Commission souligne à juste titre qu’elle ne conteste pas l’authenticité de ces documents, mais leur force probante. En outre, les réponses de la République hellénique aux questions posées lors de l’audience n’ont pas permis de lever les doutes sur la fiabilité desdits rapports.

59      En deuxième lieu, l’argument selon lequel la Commission aurait commis une erreur de fait au motif que, dans le rapport de synthèse, elle se réfère aux quatre rapports des entreprises de transformation, qui font partie de l’annexe 2 de la demande de conciliation de la République hellénique, alors que, en réalité, cet État membre a soumis six rapports, doit être également rejeté. En effet, premièrement, dans le rapport de synthèse, s’agissant desdits rapports, il est indiqué, au début du point s’y référant, la mention : « ‘L’Annexe 2’ contient des rapports sur les contrôles effectués auprès de 4 [quatre] différents transformateurs ». Par ailleurs, la Commission a fait valoir à l’audience qu’il s’agissait d’une simple erreur de plume dans le texte du rapport de synthèse. Deuxièmement, il y a lieu de rappeler qu’il s’agit de six rapports sélectionnés et soumis par la République hellénique lors de la procédure administrative, lesquels ne concernent pas les entreprises qui figuraient dans l’échantillon contrôlé par la Commission lors de son inspection. Troisièmement, la Commission n’est pas obligée de faire référence, dans le rapport de synthèse, à toutes les pièces soumises par la République hellénique lors de la procédure administrative. Il ressort du dossier que ces six rapports avaient déjà été produits par la République hellénique lors de la procédure de conciliation et que le rapport final de l’organe de conciliation fait référence à ces rapports annexés à la demande de conciliation. Dès lors, il ne peut valablement être soutenu que la Commission a ignoré l’existence des six rapports ainsi que leur contenu.

60      En troisième lieu, en ce qui concerne l’argument de la République hellénique selon lequel la Commission a motivé d’une manière insuffisante sa conclusion selon laquelle les rapports de contrôle des entreprises de transformation ne constituaient pas des éléments de preuve fiables, il ressort du rapport de synthèse, comme cela est déjà exposé au point 57 ci-dessus, que la motivation de la Commission portant sur la fiabilité des quatre rapports présentés par la République hellénique lors de la procédure administrative a été très détaillée. En effet, il ressort du rapport de synthèse que la Commission a indiqué, notamment, que les rapports présentés par la République hellénique mentionnaient les pêches et les poires même pour les entreprises de transformation qui ne transformaient que des poires, que ces rapports portaient la même date, mentionnaient les mêmes contrôleurs et ne fournissaient ni la piste d’audit, ni des preuves de l’inventaire physique.

61      En quatrième lieu, quant à l’argument de la République hellénique relatif aux contrôles prévus à l’article 28, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1535/2003, selon lequel il ressortirait du document de la Commission (voir point 2 ci-dessus) que cette institution a elle-même indiqué que lesdits contrôles avaient eu lieu, il ne peut davantage être accepté, des contrôles sporadiques n’étant pas susceptibles de remettre en cause le bien-fondé de la conclusion générale de la Commission quant au caractère sérieusement lacunaire desdits contrôles. En effet, le fait que les contrôles effectués dans quelques entreprises de transformation ont été jugés partiellement suffisants ne contredit pas cette conclusion, mais, au contraire, confirme son appréciation selon laquelle le contrôle de concordance a été effectué de manière seulement partielle et inefficace.

62      En cinquième lieu, doit également être rejeté l’argument de la République hellénique selon lequel, en ce qui concerne l’organisation de producteurs dans laquelle aucune preuve de la réalisation des contrôles n’a été trouvée, l’omission d’imprimer un document comptable n’impliquerait pas l’absence d’un contrôle clé mais uniquement la faiblesse dudit contrôle. En effet, la circonstance que les documents pertinents ont été imprimés uniquement après la découverte de l’omission montre, au contraire, que les contrôles nécessaires n’avaient pas été effectués au moment auquel ils auraient dû l’être.

63      Il découle de l’ensemble de ces considérations que le deuxième moyen doit également être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une extrapolation illégale et d’un défaut de motivation

64      La République hellénique soutient, en substance, que la correction appliquée aux îles mineures de la mer Égée, fondée exclusivement sur des constatations qui concernent la Grèce continentale, est dépourvue de motivation suffisante, tant en ce qui concerne le fondement des irrégularités retenues, qu’en ce qui concerne la méthode de détermination du taux de correction forfaitaire.

65      La Commission estime qu’aucun des arguments avancés par la République hellénique n’est fondé.

66      Il convient de rappeler que le régime d’aide à l’approvisionnement des îles mineures de la mer Égée est régi par le règlement (CE) n° 1405/2006 du Conseil, du 18 septembre 2006, arrêtant des mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des îles mineures de la mer Égée et modifiant le règlement (CE) n° 1782/2003 (JO L 265, p. 1).

67      Le système de géolocalisation des parcelles oléicoles est prévu par le règlement (CE) n° 2366/98 de la Commission, du 30 octobre 1998, portant modalités d’application du régime d’aide à la production d’huile d’olive pour les campagnes de commercialisation 1998/1999 à 2000/2001 (JO L 293, p. 50). Le système d’information géographique (ci-après le « SIG ») oléicole est prévu par le chapitre 6 du règlement n° 2366/98, tandis que le système de contrôle du SIG est visé au chapitre 7 dudit règlement.

68      À titre liminaire, il convient d’observer que les résultats des enquêtes ΟΤ/2006/01 et NAC/2007/013 (voir point 8 ci-dessus) ainsi que les corrections financières appliquées par la Commission ont été contestés par la République hellénique et que les griefs de cette dernière ont été rejetés en bloc par le Tribunal dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 mai 2013, Grèce/Commission (Τ‑294/11, EU:T:2013:261).

69      Toujours à titre liminaire, il y a lieu de souligner que, bien que le présent moyen soit tiré d’un défaut de motivation, la République hellénique conteste également, en substance, le droit de la Commission d’extrapoler les résultats d’un contrôle effectué dans une région géographique spécifique d’un État membre à une autre région du même État membre.

70      Il y a lieu de considérer le bien-fondé de l’extrapolation en cause, puis la motivation de cette extrapolation.

71      À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que l’extrapolation d’une constatation relative à des défaillances dans le système de contrôle d’un État membre de certaines régions à d’autres régions n’est pas interdite par principe, mais qu’elle doit cependant toujours être justifiée par les faits (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2004, Allemagne/Commission, C‑344/01, Rec, EU:C:2004:121, point 61).

72      Les données sur lesquelles la Commission s’appuie, en décidant d’appliquer le principe d’extrapolation dans le cas d’espèce, doivent constituer des éléments de preuve du doute sérieux et raisonnable que la Commission peut éprouver à l’égard des contrôles ou des chiffres relatifs aux régions non contrôlées (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2007, Finlande/Commission, T‑230/04, EU:T:2007:259, point 160).

73      Il appartient à l’État membre de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres, afin de démontrer que les doutes de la Commission n’étaient pas fondés. La simple référence au fait que la situation serait différente dans chaque région ne saurait suffire. Il appartient à l’État membre de prouver concrètement que les systèmes de contrôle dans les régions non contrôlées n’étaient pas affectés par les mêmes défauts que ceux que la Commission avait constatés dans les régions contrôlées (voir, en ce sens, arrêts Allemagne/Commission, point 71 supra, EU:C:2004:121, point 65, et du 9 septembre 2004, Grèce/Commission, C‑332/01, Rec, EU:C:2004:496, point 97).

74      En l’espèce, la Commission reconnaît que les contrôles effectués dans le cadre des enquêtes ΟΤ/2006/01 et NAC/2007/013, sur lesquelles reposait l’enquête VI/2004/06/GR, ne se sont pas déroulés dans les îles mineures de la mer Égée, mais en Grèce continentale, et que la Commission a extrapolé ses conclusions aux îles mineures de la mer Égée.

75      Or, conformément aux principes reconnus par la jurisprudence mentionnée aux points 71 à 73 ci-dessus, en cas de non-adoption, par un État membre, d’un système de contrôle approprié, le document n° VI/5330/97 prévoit la possibilité pour la Commission d’extrapoler une correction forfaitaire à toutes les dépenses auxquelles ce système de contrôle était applicable, ce qui vaut pour la totalité des départements et des régions dudit État. En effet, selon ce document, ce n’est que dans l’hypothèse où cet État membre démontre que la carence est limitée à la non-application dudit système de contrôle dans un département ou une région que la correction ne doit être appliquée qu’aux dépenses gérées par ledit département ou ladite région.

76      Par lettre du 14 décembre 2008 (voir point 8 ci-dessus), la Commission a, en substance, informé la République hellénique que, en dépit de ses recommandations, le SIG oléicole utilisé en Grèce, d’une part, présentait des lacunes si graves que, pour la période 2003/2004, il ne pouvait être considéré comme conforme aux conditions posées par la réglementation pour son établissement (articles 22 à 26 du règlement n° 2366/98) et, d’autre part, n’avait pas été mis à jour pour la période 2004/2005. Elle a, par ailleurs, fait expressément référence aux problèmes qui avaient déjà fait l’objet de l’enquête VI/2004/06/GR, en particulier l’ancienneté des orthophotographies, la qualité des informations du SIG, l’utilisation effective du SIG oléicole aux fins des contrôles administratifs et physiques, l’absence de contrôles croisés, l’absence de contrôles de cohérence entre les déclarations de culture et les données de la base de référence graphique, le contrôle inefficace des rendements et l’absence de contrôles dans les oliveraies complémentaires non déclarées.

77      Dans sa lettre du 23 janvier 2013 (voir point 12 ci-dessus), la Commission a de nouveau clairement identifié des lacunes relatives à un contrôle clé, liées notamment à l’obligation de disposer d’un SIG oléicole intégré et permanent et à l’obligation de réaliser des contrôles de compatibilité.

78      Conformément à la jurisprudence citée aux points 71 à 73 ci-dessus et au document n° VI/5330/97, la Commission était donc en droit d’extrapoler les constatations de carence relevant de l’existence d’un système de contrôle lacunaire et inefficace en Grèce continentale et, partant, les corrections forfaitaires afférentes à ladite carence aux îles mineures de la mer Égée. Cette appréciation est confirmée par le fait, souligné dans les lettres en question et par la Commission en cours d’instance, que, en ce qui concerne les lacunes du SIG oléicole, aucune différence n’existait entre les îles mineures de la mer Égée et la Grèce continentale au motif que, au cours des périodes en cause, ces lacunes étaient, par nature, structurelles et globales et ne différaient pas d’une région géographique de Grèce à l’autre. La correction forfaitaire de 10 % du montant de l’aide versée au titre des exercices financiers 2005 et 2006 était donc justifiée.

79      Par ailleurs, en l’espèce, eu égard aux éléments de preuve nourrissant des doutes sérieux et raisonnables quant au caractère approprié des contrôles effectués dans l’ensemble du territoire grec, la République hellénique n’est pas parvenue à démontrer concrètement que le SIG oléicole concernant les îles mineures de la mer Égée n’était pas affecté par les mêmes défauts que ceux concernant la Grèce continentale.

80      En effet, premièrement, la République hellénique n’apporte pas une telle preuve et n’explique pas davantage quelles seraient les spécificités de ces îles mineures de la mer Égée que la Commission aurait prétendument méconnues en procédant à une telle extrapolation (voir, en ce sens, arrêt Grèce/Commission, point 38 supra, EU:T:2012:688, point 523). En effet, la République hellénique fait simplement valoir, de manière générale, qu’il n’est pas possible que des insuffisances constatées dans le cadre d’une enquête soient transposées telles quelles dans le cadre d’une autre enquête, sans être préalablement traitées, eu égard au cas concret dans lequel elles sont transposées. Elle soutient également de manière générale que la Commission n’a pas tenu compte des conditions particulières prévalant dans les oliveraies situées dans les îles mineures de la mer Égée.

81      Deuxièmement, quant à l’argument selon lequel la jurisprudence mentionnée aux points 71 à 73 ci-dessus, concernant l’extrapolation des constatations relatives à des défaillances dans le système de contrôle d’un État membre de certaines régions à d’autres régions, est applicable uniquement dans le contexte de la même enquête, mais n’est toutefois pas possible lorsqu’il s’agit d’une enquête différente, il y a lieu de considérer que cette jurisprudence n’opère pas une telle distinction. En tout état de cause, il ne s’agit pas d’une extrapolation automatique d’un constat de défaillance. En effet, pour mettre en œuvre une extrapolation, la Commission doit présenter des éléments de preuve d’un doute sérieux et raisonnable et il revient à l’État membre de démontrer le contraire. Ainsi, l’interprétation restrictive proposée par la République hellénique ne saurait être retenue.

82      Troisièmement, ne saurait davantage prospérer l’argument, développé dans la réplique, selon lequel il existe une différence essentielle quant aux motifs exposés dans la notification officielle de la Commission et dans le rapport de synthèse. En effet, il ressort des pièces du dossier que la Commission a exposé clairement les griefs, notamment les lacunes significatives du SIG oléicole, et a proposé, dans la communication officielle mentionnée aux points 12 et 77 ci-dessus, de fixer la correction forfaitaire à 10 %.

83      Ainsi, la République hellénique n’est pas parvenue à remettre en cause les conclusions de la Commission en ce qui concerne le système de contrôle grec et, notamment, le SIG oléicole dans les îles mineures de la mer Égée.

84      Enfin, en ce qui concerne l’argument de la République hellénique tiré d’un défaut de motivation, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’exigence de motivation au titre de l’article 296 TFUE doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 15 décembre 2005, Italie/Commission, C‑66/02, Rec, EU:C:2005:768, point 26, et du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, Rec, EU:C:2009:742, point 77). Il ressort également d’une jurisprudence bien établie que la Commission n’est pas obligée, dans la motivation de ses décisions, de prendre position sur tous les arguments invoqués par les intéressés pendant la procédure administrative. Il suffit, en effet, à la Commission d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (arrêt du 4 juillet 1963, Allemagne/Commission, 24/62, Rec, EU:C:1963:14, p. 143 ; voir, également, arrêt du 29 juin 1993, Asia Motor France e.a./Commission, T‑7/92, Rec, EU:T:1993:52, point 31 et jurisprudence citée).

85      Dans le contexte particulier des fonds structurels et, notamment, dans celui de l’élaboration des décisions relatives à l’apurement des comptes, la motivation d’une décision doit être considérée comme suffisante dès lors que l’État destinataire a été étroitement associé au processus d’élaboration de cette décision et qu’il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge du fonds la somme litigieuse (arrêts du 20 septembre 2001, Belgique/Commission, C‑263/98, Rec, EU:C:2001:455, point 98 ; Grèce/Commission, point 73 supra, EU:C:2004:496, point 67 ; du 16 décembre 2011, France/Commission, T‑488/10, EU:T:2011:767, point 68, et du 26 septembre 2012, Italie/Commission, T‑84/09, EU:T:2012:471, point 17).

86      En l’espèce, il ressort clairement du dossier que la République hellénique a été étroitement associée à la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée et qu’elle a pris connaissance des griefs, formulés par la Commission en ce qui concerne les lacunes du SIG oléicole dans les îles mineures de la mer Égée, y compris en ce qui concerne l’extrapolation des résultats des enquêtes précédentes, dans le cadre de nombreuses communications et de la réunion bilatérale entre la Commission et les autorités grecques (voir points 75 et 77 ci-dessus). Ainsi, s’agissant du contexte dans lequel la décision attaquée a été adoptée, les autorités grecques ont été conscientes de la nature des griefs avancés par la Commission et ont donc été capables de contester utilement la légalité au fond de la décision attaquée, de sorte qu’une motivation plus avancée dans la décision attaquée n’était pas nécessaire.

87      Partant, il convient de constater que la Commission a rempli son obligation de motivation.

88      Il s’ensuit que le troisième moyen doit également être rejeté, ainsi que, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

89      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République hellénique ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République hellénique est condamnée aux dépens.

Papasavvas

Bieliūnas

Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 novembre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : le grec.