Language of document : ECLI:EU:T:2016:6

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

14 janvier 2016 (*)

« Agriculture – Restitution à l’exportation – Viande de volaille – Fixation de la restitution à 0 euro – Obligation de motivation – Possibilité pour la Commission de se limiter à une motivation standard – Pratique habituelle de la Commission en matière de fixation des restitutions – Article 164, paragraphe 3, du règlement (CE) no 1234/2007 – Caractère non limitatif des critères prévus »

Dans l’affaire T‑549/13,

République française, représentée par MM. G. de Bergues, D. Colas et Mme C. Candat, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. D. Bianchi et Mme K. Skelly, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement d’exécution (UE) no 689/2013 de la Commission, du 18 juillet 2013, fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO L 196, p. 13),

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich (rapporteur), président, J. Schwarcz et Mme V. Tomljenović, juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 avril 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par le présent recours, la République française demande l’annulation d’un acte adopté par la Commission européenne, par lequel cette dernière a fixé à zéro le montant des restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille pour trois catégories de poulets entiers congelés.

2        Les principes gouvernant les restitutions à l’exportation sont régis par le règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement « OCM unique ») (JO L 299, p. 1), tel que modifié.

3        Le chapitre III, « Exportations », de la partie III, « Échanges avec les pays tiers », du règlement no 1234/2007 comprend une section II, « Restitutions à l’exportation », consacrée auxdites restitutions. L’article 162 de ce règlement dispose que, dans la mesure requise pour permettre la réalisation des exportations sur la base des cours ou des prix du marché mondial et dans les limites découlant des accords conclus conformément à l’article 218 TFUE, la différence entre ces cours ou ces prix et les prix de l’Union européenne peut être couverte par une restitution à l’exportation pour les produits relevant, notamment, du secteur de la viande de volaille.

4        Selon l’article 164, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007, les restitutions à l’exportation sont les mêmes pour toute l’Union. Selon le paragraphe 2 de ce même article, les restitutions sont fixées par la Commission et peuvent l’être de façon périodique ou, pour certains produits, par voie d’adjudication. Ce paragraphe prévoit également que, sauf dans les cas de fixation par voie d’adjudication, la liste des produits pour lesquels il est accordé une restitution à l’exportation et le montant de cette restitution sont fixés au moins une fois tous les trois mois.

5        L’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007 est libellé comme suit :

« Lors de la fixation des restitutions applicables à un produit donné, il est tenu compte d’un ou de plusieurs des éléments suivants :

a)      la situation actuelle et les perspectives d’évolution en ce qui concerne :

–        les prix du produit considéré et sa disponibilité sur le marché communautaire,

–        les prix du produit considéré sur le marché mondial ;

b)      les objectifs de l’organisation commune des marchés, qui consistent à assurer à ces marchés une situation équilibrée et un développement naturel sur le plan du prix et des échanges ;

c)      la nécessité d’éviter des perturbations susceptibles d’entraîner un déséquilibre prolongé entre l’offre et la demande sur le marché communautaire ;

d)      l’aspect économique des exportations envisagées ;

e)      les limites découlant des accords conclus conformément à l’article [218 TFUE] ;

f)      la nécessité d’instaurer un équilibre entre l’utilisation des produits de base communautaires dans la fabrication de produits transformés destinés à l’exportation vers des pays tiers et l’utilisation de produits originaires de pays tiers, admis au titre du régime de perfectionnement ;

g)      les frais de commercialisation et les frais de transport les plus favorables à partir des marchés de la Communauté jusqu’aux ports ou autres lieux d’exportation de la Communauté, ainsi que les frais d’acheminement jusqu’aux pays de destination ;

h)      la demande sur le marché communautaire ;

i)      en ce qui concerne les secteurs de la viande porcine, des œufs et de la viande de volaille, la différence entre les prix dans la Communauté et les prix sur le marché mondial pour la quantité de céréales fourragères nécessaire à la production dans la Communauté des produits de ces secteurs. »

6        Conformément à ces règles, la Commission a fixé périodiquement, par le biais de règlements d’exécution, le montant des restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille.

7        Depuis l’adoption du règlement (CE) no 525/2010 de la Commission, du 17 juin 2010, fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO L 152, p. 5), le montant de ces restitutions a fait l’objet d’une baisse progressive, en ce qui concerne trois catégories de poulets congelés. Le montant des restitutions à l’exportation a d’abord été ramené de 40 euros/100 kg à 32,50 euros/100 kg. Ce dernier montant, après avoir été maintenu par huit règlements d’exécution successifs, a ensuite été abaissé à 21,70 euros/100 kg en vertu du règlement d’exécution (UE) no 962/2012 de la Commission, du 18 octobre 2012, fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO L 288, p. 6).

8        Une nouvelle réduction, portant le montant des restitutions à 10,85 euros/100 kg pour les trois catégories de poulets congelés en question, a été opérée par le règlement d’exécution (UE) no 33/2013 de la Commission, du 17 janvier 2013, fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO L 14, p. 15). Ce montant a ensuite été maintenu par le règlement d’exécution (UE) no 360/2013 de la Commission, du 18 avril 2013, fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO L 109, p. 27).

9        Par le règlement d’exécution (UE) no 689/2013, du 18 juillet 2013, fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO L 196, p. 13, ci‑après le « règlement attaqué »), la Commission a notamment fixé à zéro le montant des restitutions à l’exportation pour trois catégories de poulets congelés, dont les codes sont 0207 12 10 99 00, 0207 12 90 9190 et 0207 12 90 9990.

10      Le montant des restitutions pour les six autres produits – essentiellement des poussins – repris dans l’annexe du règlement attaqué, qui avait été fixé à zéro par le règlement d’exécution (UE) no 1056/2011 de la Commission, du 20 octobre 2011, fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO L 276, p. 31), n’a pas été modifié.

11      Selon l’annexe du règlement attaqué, les destinations concernées par les restitutions à l’exportation sont notamment des pays du Moyen‑Orient.

12      Le règlement attaqué a en outre abrogé le règlement no 360/2013, qui fixait jusqu’alors le niveau des restitutions pour le secteur en cause.

13      Les considérants 1 à 3 du règlement attaqué sont libellés comme suit :

« (1)      Conformément à l’article 162, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1234/2007, la différence entre les prix des produits visés à la partie XX de l’annexe I de ce règlement sur le marché mondial et les prix dans l’Union peut être couverte par une restitution à l’exportation.

(2)      Compte tenu de la situation actuellement observée sur le marché de la viande de volaille, des restitutions à l’exportation devraient être fixées conformément aux règles et critères prévus aux articles 162, 163, 164, 167 et 169 du règlement (CE) no 1234/2007.

(3)      L’article 164, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1234/2007 prévoit que la restitution peut être différenciée selon la destination, notamment lorsque la situation du marché mondial, les besoins spécifiques de certains marchés ou les obligations découlant des accords conclus conformément à l’article [218 TFUE] l’exigent. »

 Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 octobre 2013, la République française a introduit le présent recours.

15      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, a invité les parties à répondre par écrit à des questions. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

16      La République française conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

17      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        réserver les dépens.

 En droit

18      À l’appui de son recours, la République française soulève deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’obligation de motivation prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et, le second, d’une violation de l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007.

1.     Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE

19      La République française fait valoir que, dans le règlement attaqué, la Commission n’a pas fait apparaître son raisonnement de manière claire et non équivoque et, par conséquent, ne permet pas aux intéressés de défendre leurs droits et au Tribunal d’exercer son contrôle. Selon elle, il incombait à la Commission de développer son raisonnement de manière explicite dans la mesure où le règlement attaqué serait allé sensiblement plus loin que les règlements précédents.

20      La Commission conteste les arguments de la République française.

 Sur la jurisprudence concernant l’obligation de motivation

21      Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure adoptée et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 15 avril 1997, Irish Farmers Association e.a., C‑22/94, Rec, EU:C:1997:187, point 39 et jurisprudence citée). Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, Rec, EU:C:2003:125, point 55 et jurisprudence citée).

22      Il ressort également d’une jurisprudence constante que la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et que, s’agissant d’actes à portée générale, la motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre (voir arrêt du 9 septembre 2004, Espagne/Commission, C‑304/01, Rec, EU:C:2004:495, point 51 et jurisprudence citée).

23      De plus, le degré de précision de la motivation d’une décision doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles elle doit intervenir (arrêt du 1er décembre 1965, Schwarze, 16/65, Rec, EU:C:1965:117).

24      Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence qu’une décision se plaçant dans la ligne d’une pratique décisionnelle constante peut être motivée d’une manière sommaire, notamment par une référence à cette pratique (voir arrêt du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C‑350/88, Rec, EU:C:1990:71, point 15 et jurisprudence citée ; arrêt du 8 novembre 2001, Silos, C‑228/99, Rec, EU:C:2001:599, point 28). Dans l’arrêt Delacre e.a./Commission, précité (EU:C:1990:71, point 19), la Cour a relevé que, dans les circonstances de l’espèce, la référence de la décision attaquée aux bases juridiques applicables satisfaisait à l’exigence de motivation et que la modification du montant de l’aide en cause par rapport aux adjudications particulières précédentes ne devait pas faire l’objet d’une motivation spécifique. La Cour a constaté, au point 17 de cet arrêt, que la fixation des montants maximaux des aides « constitu[ait] une procédure uniforme qui se rép[était] environ tous les quinze jours, dans le cadre de laquelle les décisions interv[enaient] sur la base de critères explicites d’une réglementation d’ailleurs parfaitement connue des milieux concernés et ne diff[éraient] sensiblement les unes des autres ni quant à leur mode d’adoption ni quant à leur contenu ».

25      En revanche, il résulte de la jurisprudence qu’il incombe à l’autorité de l’Union de développer son raisonnement de manière explicite lorsque la décision va sensiblement plus loin que les décisions précédentes (voir arrêt Delacre e.a./Commission, point 24 supra, EU:C:1990:71, point 15 et jurisprudence citée ; arrêt Silos, point 24 supra, EU:C:2001:599, point 28).

26      Dans l’arrêt Silos, point 24 supra (EU:C:2001:599, point 29), qui est invoqué par la République française, la Cour a constaté que la motivation d’un règlement fixant à zéro le montant des restitutions à l’exportation dans le secteur des céréales ne satisfaisait pas à l’obligation de motivation. La Cour a constaté que la motivation de ce règlement, identique à celle du règlement précédent par lequel la Commission avait augmenté le montant des restitutions relatives aux produits en cause au principal en le portant à 74,93 écus par tonne, ne fournissait aucune explication particulière quant aux raisons qui avaient amené la Commission, une semaine après l’adoption de ce dernier règlement, à supprimer de fait lesdites restitutions en réduisant leur montant à 0 écu par tonne. La Cour a en outre relevé, au point 30 de cet arrêt, que la simple référence aux possibilités et aux conditions de vente sur le marché mondial, à la nécessité d’éviter des perturbations sur le marché de l’Union et à l’aspect économique des exportations ne saurait, contrairement à ce que soutenait la Commission, constituer une motivation suffisante pour un règlement qui rompait avec la pratique habituelle de la Commission consistant à fixer le montant des restitutions en fonction de la différence entre les prix des produits concernés sur le marché de l’Union, d’une part, et ces prix sur le marché mondial, d’autre part.

27      Il y a toutefois lieu de constater qu’il résulte de la jurisprudence issue de l’arrêt Schwarze, point 23 supra (EU:C:1965:117), qu’en matière agricole, le recours à des motivations standard est, sous certaines conditions, acceptable.

28      En outre, il ressort de l’arrêt Delacre e.a./Commission, point 24 supra (EU:C:1990:71, points 15, 17 et 19), qu’une référence, dans la motivation d’un acte, « aux bases juridiques applicables » peut être suffisante pour autant que cet acte se place dans la ligne d’une pratique décisionnelle constante.

29      Ainsi que l’avocat général Geelhoed l’a relevé au point 52 de ses conclusions dans l’affaire Silos (C‑228/99, Rec, EU:C:2001:196), par pratique usuelle, il faut entendre le comportement que la Commission adopte de façon constante, à la lumière des circonstances régnant sur le marché.

 Sur le caractère suffisant de la motivation du règlement attaqué

30      En l’espèce, il y a lieu de constater que la motivation du règlement attaqué correspond à une motivation standard. Ainsi que la République française le souligne, cette motivation est identique à celle des règlements précédents, qui avaient fixé le montant des restitutions, respectivement, à 32,50 euros/100 kg, à 21,70 euros/100 kg et à 10,85 euros/100 kg (voir points 7 et 8 ci‑dessus).

31      Il convient de constater que, étant donné la nature périodique de la fixation du montant des restitutions à l’exportation et la procédure uniforme applicable pour l’adoption des règlements respectifs, une motivation standard est, selon la jurisprudence mentionnée au point 24 ci‑dessus, admissible pour autant que la Commission agisse en conformité avec sa pratique habituelle lors de la fixation de ce montant. La République française admet d’ailleurs, au point 31 de la requête, que le règlement attaqué se place dans une ligne décisionnelle constante et que, à ce titre, il peut en principe être motivé de manière sommaire. Elle estime néanmoins qu’il incombait à la Commission de développer son raisonnement de manière explicite dans la mesure où le règlement attaqué irait sensiblement plus loin que les règlements précédents.

32      Il convient donc d’examiner si la Commission a agi en conformité avec sa pratique habituelle, en fixant le montant des restitutions à l’exportation dans le règlement attaqué.

 Sur la pratique habituelle de la Commission

33      En réponse à une question écrite posée par le Tribunal, la Commission a expliqué en détail la pratique habituelle qu’elle suivait, au moment de l’adoption du règlement attaqué, en matière de fixation du montant des restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille.

34      La Commission a notamment relevé que sa pratique habituelle consistait à effectuer, d’une part, un calcul théorique du montant des restitutions à l’exportation, fondé sur la différence entre les prix sur le marché de l’Union et les prix sur le marché mondial et, d’autre part, une analyse de la situation du marché.

35      La Commission a en outre expliqué que, en ce qui concerne les poulets entiers congelés, la différence de prix est calculée, d’une part, sur la base de la différence entre le prix de revient en France calculé sur une base fob (franco à bord) et le prix de vente à destination (prix mondial retenu) qui est le prix transmis par les opérateurs et, d’autre part, sur la base de la différence entre le prix de revient en France calculé sur une base fob et le prix brésilien, lorsqu’il est disponible et à jour.

36      Elle a relevé que l’analyse du marché qu’elle effectuait consistait en une collection la plus complète possible des données économiques du secteur incluant notamment l’évolution du prix moyen hebdomadaire du poulet dans l’Union ; la variation en pourcentage des prix du poulet ; les cours à terme des graines de soja, du maïs et du blé fourrager ; les taux de change ; les prix des ingrédients de base ; les évolutions des aliments composés ; les prévisions de production et la production de poulets ; les importations et exportations.

37      La Commission a en outre expliqué que, sur la base de l’ensemble de ces éléments, il était possible de tirer des conclusions globales sur la situation du marché qui incluaient : la production dans l’Union, les prix de la viande de volaille sur le marché de l’Union, les marges des producteurs européens en fonction du coût des aliments, la situation des exportations et des importations pour le marché de l’Union y compris pour les exportations avec restitutions, la situation et les prix sur les marchés internationaux (Brésil et États‑Unis) en tenant compte des taux de change.

38      Selon les explications fournies par la Commission, cette dernière déduisait le montant de la restitution de la combinaison de ces deux éléments, à savoir le calcul théorique et l’analyse de marché.

39      En ce qui concerne les conséquences à tirer de l’arrêt Silos, point 24 supra (EU:C:2001:599), et en particulier du point 30 dudit arrêt, dans lequel la Cour a relevé, concernant le secteur des céréales, que la pratique habituelle de la Commission consistait à fixer le montant des restitutions en fonction de la différence entre les prix des produits concernés sur le marché de l’Union, d’une part, et ces prix sur le marché mondial, d’autre part, la Commission a relevé qu’elle fixait le montant des restitutions « en fonction de » cette différence de prix en ce sens que cette dernière constituait un élément qu’elle prenait en compte. Elle a relevé que sa pratique habituelle n’avait jamais consisté à prendre exclusivement en compte ce seul élément et à fixer les restitutions à l’exportation à hauteur de la différence entre le prix du marché de l’Union et le prix du marché mondial, mais qu’elle avait toujours pris en compte les autres critères pour la fixation des restitutions indiqués par la réglementation applicable.

40      Interrogée à cet égard lors de l’audience, la République française n’a pas contesté que la pratique habituelle de la Commission consistait à effectuer, d’une part, un calcul théorique du montant des restitutions à l’exportation et, d’autre part, une analyse de la situation du marché, conformément aux explications fournies par la Commission en réponse aux questions écrites qui lui ont été posées.

41      Il convient donc d’examiner la question de savoir si, lors de l’adoption du règlement attaqué, la Commission s’est écartée de sa pratique habituelle, telle qu’elle l’a décrite. En effet, dans l’hypothèse où la Commission se serait écartée, lors de l’adoption du règlement attaqué, de sa pratique habituelle, la motivation standard qu’elle a fournie dans le règlement attaqué ne serait pas suffisante, conformément à la jurisprudence citée aux points 25 et 26 ci‑dessus.

 Sur la question de savoir si la Commission s’est écartée de sa pratique habituelle

42      En réponse à une question du Tribunal posée lors de l’audience, la République française n’a pas contesté que, en l’espèce, la Commission avait effectué, d’une part, un calcul théorique du montant des restitutions à l’exportation et, d’autre part, une analyse de la situation du marché. La République française ne conteste pas que la Commission a suivi, d’un point de vue formel, la procédure habituelle aux fins de la fixation du montant des restitutions à l’exportation dans le règlement attaqué.

43      La République française s’appuie sur deux éléments pour affirmer que le règlement attaqué va sensiblement plus loin que les règlements précédents. Premièrement, elle affirme que la fixation à zéro du montant des restitutions constitue une mesure inédite pour les produits en cause. Deuxièmement, elle fait valoir que la Commission a rompu avec sa pratique habituelle en se fondant, lors de l’adoption du règlement attaqué, sur le contexte interne et sur le contexte international.

–       Sur l’argument quant à l’existence d’une mesure inédite

44      La République française soutient que la Commission a rompu avec sa pratique décisionnelle, car la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation constituerait une mesure inédite pour les produits en cause.

45      Il y a cependant lieu de relever que le seul fait que ce montant a été fixé pour la première fois à zéro pour les produits en cause ne signifie pas automatiquement que la Commission a rompu avec sa pratique habituelle.

46      La modification du montant des restitutions à l’exportation est inhérente au système de fixation périodique du montant de ces restitutions, de sorte qu’une même motivation peut couvrir des montants de restitutions à l’exportation très différents.

47      Il convient également de relever que, ainsi que la Commission le souligne, le montant absolu de la baisse a été de la même ampleur que celui des deux baisses précédentes (de 32,50 euros/100 kg à 21,70 euros/100 kg et ensuite à 10,85 euros/100 kg). En outre, pour d’autres produits du secteur de la volaille, essentiellement des poussins, le montant des restitutions à l’exportation avait déjà été fixé à zéro en 2011.

48      Dans la mesure où la République française fait valoir que la fixation du montant des restitutions à l’exportation dans les règlements antérieurs concernait des produits relevant de la catégorie des animaux vivants, qui ne sont pas comparables aux viandes de volaille qui font l’objet de la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation dans le règlement attaqué, et que les règlements antérieurs visaient les exportations vers toutes les destinations à l’exception des États‑Unis, il convient de relever que ces arguments reposent sur une interprétation trop large de la notion de « mesure inédite ». Il n’est pas possible d’affirmer que, à chaque fois que le montant des restitutions à l’exportation pour un produit et une destination déterminés est pour la première fois fixé à zéro, il s’agit d’une mesure inédite. Le secteur de la volaille a été caractérisé par une baisse progressive du montant des restitutions à l’exportation et, pour une partie des produits relevant de ce secteur, le montant des restitutions avait déjà été fixé à zéro.

49      Ainsi que le souligne la Commission, la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation ne saurait donc être qualifiée d’abrupte. La baisse du montant desdites restitutions de 10,85 euros/100 kg à 0 euro n’est pas structurellement différente des baisses précédentes de 32,50 euros/100 kg à 21,70 euros/100 kg et ensuite à 10,85 euros/100 kg.

50      Pour autant que la République française s’appuie sur l’arrêt Silos, point 24 supra (EU:C:2001:599), il convient de relever que, dans cet arrêt, la Cour ne s’est pas fondée sur la seule circonstance que le montant avait été fixé à zéro afin de constater que le règlement en cause rompait avec la pratique habituelle de la Commission, qui consistait à fixer le montant des restitutions à l’exportation en fonction de la différence entre les prix sur le marché de l’Union et les prix sur le marché mondial. Elle s’est également appuyée sur la circonstance que, une semaine seulement avant l’adoption du règlement en cause dans cette affaire, la Commission avait augmenté le montant des restitutions à l’exportation pour le porter à 74,93 écus par tonne. Dans cette affaire, il s’agissait donc d’une baisse abrupte du montant des restitutions à l’exportation, qui apparemment ne pouvait pas s’expliquer par une modification de la situation du marché.

51      En l’espèce, la baisse ne saurait être qualifiée d’abrupte, car elle s’inscrivait dans le cadre d’une baisse progressive du montant des restitutions à l’exportation et parce que le montant absolu de la baisse correspondait à celui des baisses précédentes.

52      La République française a d’ailleurs admis, lors de l’audience, qu’une fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation ne devait pas être spécialement motivée lorsqu’elle était commandée par les données économiques. Il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de l’examen de la première branche du second moyen (voir points 87 à 142 ci‑après), la Commission pouvait considérer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que, au vu de la situation du marché, il n’était pas nécessaire de fixer des restitutions à l’exportation d’un montant positif.

53      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter l’argument de la République française quant à l’existence d’une mesure « inédite » qui irait sensiblement plus loin que les règlements précédents du fait que le montant des restitutions a pour la première fois été fixé à zéro pour certains produits.

–       Sur la prise en compte du contexte interne et du contexte international

54      La République française soutient que la Commission a rompu avec sa pratique habituelle en se fondant, lors de l’adoption du règlement attaqué, sur le contexte interne et sur le contexte international, c’est‑à‑dire sur la perspective de la future entrée en vigueur de la nouvelle politique agricole commune (PAC) et sur l’aboutissement prévisible des négociations internationales concernant les restitutions à l’exportation dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

55      La Commission soutient que la prise en compte du contexte interne et du contexte international ne relève pas d’un changement de pratique, car il s’agirait d’éléments qui font partie du contexte général et qui sont et doivent être pris en compte lors de chaque fixation du montant de restitutions en vertu de l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007.

56      En ce qui concerne cette dernière affirmation, la République française soutient que le raisonnement de la Commission est incohérent, dans la mesure où cette dernière affirmerait, au point 38 du mémoire en défense, qu’elle est obligée de prendre en considération le contexte interne et le contexte international, tandis que, aux points 59 et 61 du mémoire en défense, elle affirmerait uniquement que l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007 ne s’oppose pas à la prise en compte de ces éléments.

57      Il convient de constater qu’il n’existe aucune obligation pour la Commission de prendre en considération les négociations en cours au sein de l’OMC ou la finalisation de textes juridiques comportant des modifications d’orientations politiques. En effet, rien n’oblige la Commission à prendre en compte, lors de la fixation du montant des restitutions à l’exportation, le fait que des négociations concernant leur suppression sont en cours au sein de l’OMC, tant que ces négociations n’ont pas abouti à la conclusion d’un accord contraignant. En ce qui concerne l’évolution de la PAC, il convient de relever que c’est seulement le 17 décembre 2013 qu’un règlement a été adopté, prévoyant, avec effet au 1er janvier 2014, que les restitutions à l’exportation d’un montant positif sont seulement accordées en cas de crise [voir article 196, paragraphes 1 et 3, et article 232, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et no 1234/2007 du Conseil (JO L 347, p. 671)]. La Commission n’était nullement obligée de prendre en considération les nouvelles orientations politiques, lors de la fixation du montant des restitutions à l’exportation, avant le 1er janvier 2014, date de l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions en cause.

58      Cependant, il était tout à fait loisible à la Commission de prendre en considération, lors de la fixation du montant des restitutions, l’évolution future de la PAC et les négociations au sein de l’OMC, bien que ces éléments ne soient pas explicitement prévus par l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007 (voir, pour plus de détails, points 143 à 158 ci‑après).

59      Il y a toutefois lieu d’examiner la question de savoir si la Commission, lorsqu’elle prend en considération des éléments qui ne sont pas explicitement prévus par l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007, doit expressément mentionner ces éléments dans la motivation d’un règlement fixant le montant des restitutions à l’exportation.

60      À cet égard, il convient de relever que l’adoption d’actes de portée générale se situe toujours dans un contexte politique et économique général. Même si l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007 prévoit explicitement certains critères qui peuvent être pris en considération, il n’en demeure pas moins que l’adoption d’un règlement fixant le montant des restitutions à l’exportation a lieu dans un tel contexte, qui peut, le cas échéant, être pris en considération par la Commission.

61      Il convient de relever qu’il n’est pas toujours nécessaire de mentionner ce contexte général dans la motivation d’un règlement. En effet, étant donné qu’il est tout à fait normal que la Commission prenne en considération le contexte politique et économique général, le seul fait qu’elle le fasse n’implique pas qu’elle agisse en dehors de sa pratique habituelle. En outre, le contexte politique et économique général est normalement connu des opérateurs concernés.

62      En ce qui concerne, plus particulièrement, les éléments pris en compte par la Commission en l’espèce, il convient de relever ce qui suit.

63      En premier lieu, les négociations en cours au sein de l’OMC concernant une abolition ou une limitation des restitutions à l’exportation font partie du contexte général qui ne doit pas nécessairement être mentionné dans la motivation d’un règlement fixant le montant des restitutions à l’exportation.

64      En effet, lorsque le système des restitutions à l’exportation fait l’objet de critiques au niveau international et lorsque la Commission a pris l’engagement, conditionné par la conclusion d’un accord, de supprimer les restitutions à l’exportation, il s’agit d’un élément qui est susceptible d’exercer une influence sur les décisions de la Commission en matière de fixation du montant des restitutions à l’exportation. Il convient d’observer que l’engagement, conditionné par la conclusion d’un accord, de supprimer les restitutions à l’exportation pour la fin de l’année 2013 avait déjà été pris en 2005 dans le cadre du cycle de Doha de l’OMC.

65      En outre, ainsi que la Commission le relève, en substance, les négociations en cours au sein de l’OMC font partie du contexte qui est connu des opérateurs concernés. En effet, il est naturel que les opérateurs actifs dans le domaine de l’exportation de volaille vers des pays tiers suivent de près les négociations en cours au sein de l’OMC concernant les restitutions à l’exportation.

66      De telles négociations en cours font partie d’un contexte général qui peut amener la Commission à avoir tendance à se montrer plus réticente lors de la fixation du montant des restitutions à l’exportation.

67      Étant donné qu’il est normal que la Commission tienne compte du contexte général, la prise en compte des négociations en cours n’implique pas que la Commission rompe avec sa pratique habituelle.

68      En second lieu, en ce qui concerne la prise en compte des orientations politiques futures, il convient de relever ce qui suit.

69      Au moment de l’adoption du règlement attaqué, la réforme de la PAC avait fait l’objet d’un accord politique et les textes législatifs faisaient l’objet d’un peaufinage.

70      Selon cet accord politique, les restitutions à l’exportation d’un montant positif devaient seulement être accordées en cas de crise (voir, en ce qui concerne le règlement en ce sens qui a été adopté le 20 décembre 2013, point 57 ci‑dessus).

71      Or, un accord politique sur les orientations futures de la PAC fait partie du contexte politique et économique général qui peut être pris en considération par la Commission. En effet, s’il est prévisible que le montant des restitutions à l’exportation sera dans un proche avenir fixé de manière permanente à zéro, sauf en cas de crise sur le marché, cela peut amener la Commission à avoir tendance à baisser le montant des restitutions à l’exportation.

72      Il convient en outre de relever que les orientations politiques futures font partie du contexte général qui est connu des opérateurs concernés.

73      La prise en compte des négociations en cours au sein de l’OMC et des orientations politiques futures ne nécessitait donc pas une mention explicite dans la motivation du règlement attaqué, sauf si ces éléments avaient non seulement fait partie du contexte politique et économique général, pris en compte lors de la fixation des restitutions à l’exportation, mais avaient été la raison d’être du règlement attaqué.

74      En l’espèce, la République française a admis, lors de l’audience, que la Commission avait procédé au calcul du montant théorique des restitutions à l’exportation. Il ressort en outre de l’analyse du second moyen que la Commission a procédé à une analyse de la situation du marché qui lui a permis de considérer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que la situation sur le marché était stable et qu’il n’était pas nécessaire de fixer des restitutions à l’exportation d’un montant positif (voir points 87 à 142 ci‑dessus).

75      Dans ces circonstances, il n’y a aucune raison de penser que les négociations en cours au sein de l’OMC et les orientations politiques futures avaient été la raison d’être du règlement attaqué.

76      Lors de l’audience, la Commission a confirmé que la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation s’expliquait par l’analyse de la situation du marché et que ni les négociations en cours au sein de l’OMC ni les orientations futures de la PAC n’avaient été des éléments clés lors de cette fixation.

77      La République française a affirmé, lors de l’audience, que la Commission était sortie de l’analyse économique en imposant la mise à zéro du montant des restitutions à l’exportation pour être en conformité avec sa position dans les négociations en cours au sein de l’OMC, quel que soit le résultat de l’analyse économique.

78      La République française n’a cependant pas soulevé d’arguments permettant de confirmer cette thèse. Pour autant que la République française affirme que la Commission l’aurait elle‑même admise, il suffit de constater que cette dernière a seulement indiqué que les négociations en cours au sein de l’OMC et les nouvelles orientations de la PAC avaient été prises en compte lors de l’adoption du règlement attaqué, mais qu’elle n’a jamais affirmé qu’elles avaient constitué soit la raison d’être soit des facteurs principaux de la fixation à zéro du montant des restitutions. S’agissant de l’argument de la République française selon lequel, d’un point de vue économique, une restitution était nécessaire, il suffit de constater que cet argument n’est pas fondé, ainsi qu’il ressort de l’analyse de la première branche du second moyen. Le seul fait que le calcul théorique du montant des restitutions à l’exportation a donné lieu à un résultat positif n’exclut nullement que l’analyse du marché amène la Commission à fixer à zéro le montant des restitutions (voir points 94 à 99 ci‑après). La circonstance qu’il existait une divergence entre le résultat du calcul théorique et le montant qui a été fixé dans le règlement attaqué ne permet donc pas de considérer que les négociations en cours au sein de l’OMC ou les orientations futures de la PAC ont constitué soit la raison d’être soit un élément clé de la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation.

79      Il résulte de tout ce qui précède que, lors de l’adoption du règlement attaqué, la Commission ne s’est pas écartée de sa pratique habituelle et qu’elle pouvait donc se limiter à fournir une motivation standard, conformément à la jurisprudence citée au point 24 ci‑dessus, et que la prise en compte des négociations en cours au sein de l’OMC et des orientations politiques futures ne nécessitait pas une mention spécifique dans la motivation du règlement attaqué.

 Sur les autres arguments soulevés par la République française

80      La République française reproche à la Commission de s’être limitée à énumérer les éléments sur lesquels, en application de l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007, elle est tenue de se fonder lors de la fixation du montant des restitutions à l’exportation, sans préciser sur lesquels de ces éléments elle s’était plus particulièrement fondée ni l’appréciation qu’elle avait pu en faire. À cet égard, il convient de relever que la Commission observe à juste titre qu’elle n’est pas tenue de lister par ordre d’importance les critères sur lesquels elle a fondé plus particulièrement sa décision ni d’indiquer les hypothèses factuelles qu’elle a retenues à l’appui de son analyse.

81      La République française considère en outre que, dans le règlement attaqué, la Commission n’a aucunement précisé les éléments sur lesquels elle avait fondé son appréciation et qu’une telle motivation équivaut à une absence de motivation.

82      Il y a lieu de relever qu’il résulte du point 19 de l’arrêt Delacre e.a./Commission, point 24 supra (EU:C:1990:71), que, lorsqu’une motivation standard est suffisante, car la Commission s’est située lors de l’adoption de l’acte en cause dans une pratique décisionnelle constante, la référence dans l’acte en cause « aux bases juridiques applicables » satisfait à l’obligation de motivation. En l’espèce, la Commission a mentionné les bases juridiques applicables pour la fixation des restitutions à l’exportation dans les considérants du règlement attaqué, notamment au considérant 2.

83      La République française fait en outre valoir que, dans le cas où les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives, notamment l’obligation de motiver la décision de façon suffisante, revêt une importance d’autant plus fondamentale.

84      À cet égard, il suffit de constater que les arrêts cités aux points 24 et 28 ci‑dessus, selon lesquels il est loisible à la Commission de recourir à des motivations standard lorsqu’elle se place dans le cadre d’une pratique décisionnelle constante, concernaient des affaires relevant du domaine de l’agriculture. Cette jurisprudence ne saurait donc être remise en cause au motif que la Commission dispose généralement, dans ce domaine, d’une grande marge d’appréciation.

85      Il résulte de tout ce qui procède que la motivation du règlement attaqué était suffisante. Il y a donc lieu de rejeter le premier moyen.

2.     Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007

86      Le second moyen se divise en deux branches, tirées, la première, d’une appréciation manifestement erronée de la situation du marché et, la seconde, de ce que la Commission aurait manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation en tenant compte, pour l’adoption du règlement attaqué, d’éléments non prévus à l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007.

 Sur la première branche, tirée d’une appréciation manifestement erronée de la situation du marché

87      La République française estime que, en considérant que la situation du marché justifiait une fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation.

88      La Commission conteste les arguments de la République française.

89      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le législateur de l’Union dispose dans le domaine de l’agriculture d’un large pouvoir d’appréciation, qui correspond aux responsabilités politiques que les articles 40 TFUE à 43 TFUE lui attribuent. Par conséquent, le contrôle du juge doit se limiter à vérifier si la mesure en cause n’est pas entachée d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir ou si l’autorité en question n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (voir arrêt du 14 mars 2013, Agrargenossenschaft Neuzelle, C‑545/11, Rec, EU:C:2013:169, point 43 et jurisprudence citée).

 Sur certaines prémisses sur lesquelles se fonde le raisonnement de la République française

90      Il convient de relever que l’argumentation de la République française est fondée sur une prémisse erronée concernant la raison d’être des restitutions à l’exportation.

91      La République française soutient, dans la réplique, qu’il ressort de l’article 162, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007 que la raison d’être des restitutions à l’exportation est de couvrir la différence entre les cours ou les prix du marché mondial et les prix de l’Union.

92      Cependant, il y a lieu de relever que la raison d’être des restitutions à l’exportation est de permettre à l’Union d’écouler ses excédents, présents sur le marché intérieur, du produit en cause vers les pays tiers (voir ordonnance du 26 septembre 2013, Tilly‑Sabco/Commission, T‑397/13 R, EU:T:2013:502, point 31 et jurisprudence citée). Le but du régime des restitutions à l’exportation n’est pas de subventionner un exportateur quel qu’il soit, mais de faciliter, si besoin est, les exportations dans le cadre de la réalisation des objectifs de la PAC, tels que prévus à l’article 39 TFUE, c’est‑à‑dire, notamment, de stabiliser les marchés et d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole ainsi que des prix raisonnables aux consommateurs (ordonnance Tilly‑Sabco/Commission, précitée, EU:T:2013:502, point 30).

93      Le fait de couvrir la différence entre les cours ou les prix du marché mondial et les prix de l’Union n’est donc pas la raison d’être des restitutions à l’exportation, mais seulement un moyen qui sert à permettre à l’Union d’écouler ses excédents vers les pays tiers, afin d’assurer notamment la stabilité de son marché. Ainsi, l’article 164, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1234/2007 prévoit que la Commission peut tenir compte « [d]es objectifs de l’organisation commune des marchés, qui consistent à assurer à ces marchés une situation équilibrée et un développement naturel sur le plan du prix et des échanges ».

94      L’argumentation de la République française est en outre fondée sur la prémisse selon laquelle l’évolution des prix du produit considéré au sein de l’Union et sur le marché mondial constitue un facteur primordial lors de la fixation des restitutions à l’exportation.

95      Lors de l’audience, la République française a ajouté que le calcul théorique du montant des restitutions à l’exportation, fondé sur la différence entre les prix sur le marché de l’Union et les prix sur le marché mondial, constituait un facteur primordial lors de la fixation des restitutions à l’exportation et que le montant de la restitution résultant du calcul théorique pourrait seulement être « ajusté » en raison de l’analyse de la situation du marché. Elle considère en outre que c’est seulement en cas de crise grave sur le marché que l’analyse du marché prime le résultat du calcul théorique. Selon elle, l’analyse du marché peut toujours « faire varier un petit peu » le montant de la restitution, mais la seule hypothèse, dans laquelle il serait loisible à la Commission de ne pas octroyer de restitution alors qu’une restitution est « nécessaire », serait l’hypothèse d’un déficit en viande de volaille sur le marché de l’Union.

96      Ces prémisses sont cependant erronées. En effet, selon le libellé de l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007, la Commission doit tenir compte « d’un ou de plusieurs » des éléments prévus par cette disposition. Selon ce libellé, il est même loisible à la Commission de se fonder sur un seul des éléments prévus par cette disposition. Cette disposition n’établit pas davantage une hiérarchie entre ces différents éléments. Rien n’exclut que la Commission puisse accorder une importance particulière, par exemple, à l’élément figurant à l’article 164, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1234/2007, à savoir « les objectifs de l’organisation commune des marchés, qui consistent à assurer à ces marchés une situation équilibrée et un développement naturel sur le plan du prix et des échanges ». La Commission peut donc, lors de la fixation du montant des restitutions à l’exportation, accorder plus d’importance au résultat de l’analyse du marché qu’au résultat du calcul théorique.

97      L’affirmation de la République française selon laquelle l’analyse de la situation du marché permet seulement d’« ajuster » le résultat du calcul ne trouve aucun appui dans le règlement no 1234/2007. Il en va de même de la thèse de la République française, selon laquelle la seule hypothèse dans laquelle il est loisible à la Commission de ne pas octroyer de restitution alors qu’une restitution est « nécessaire », serait l’hypothèse d’un déficit en viande de volaille sur le marché de l’Union.

98      Il convient de relever que, lorsque la République française se réfère, dans ce contexte, à une « restitution nécessaire », il s’agit du résultat du calcul théorique du montant de la restitution. Ce calcul théorique concerne uniquement la question de savoir si une restitution à l’exportation d’un montant positif est « nécessaire » pour les exportateurs de viande de volaille afin d’être en mesure de vendre leurs produits dans les régions concernées par ces restitutions. Cependant, dans le cadre de l’analyse globale de la situation du marché, la Commission n’est pas obligée de considérer la situation particulière des entreprises exportatrices. Même si une restitution à l’exportation est « nécessaire » pour les exportateurs afin d’être en mesure de vendre leurs produits, cela ne signifie pas qu’il soit « nécessaire », au vu de la situation globale du marché, de fixer des restitutions à l’exportation d’un montant positif.

99      Il est possible que l’analyse de la situation du marché permette à la Commission de considérer que la situation sur le marché de l’Union est stable et qu’il n’est pas nécessaire de fixer des restitutions à l’exportation d’un montant positif afin d’assurer la stabilité du marché et d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole. Dans une telle situation, il est loisible à la Commission de ne pas accorder de restitutions à l’exportation ou de fixer leur montant à zéro, même si le résultat du calcul théorique du montant des restitutions à l’exportation est positif. Une telle hypothèse n’est pas limitée à des situations dans lesquelles il existe un déficit en viande de volaille ou une crise grave sur le marché de l’Union.

100    Il convient d’analyser maintenant les éléments sur lesquels la Commission s’est appuyée lors de la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation, au regard de ses explications fournies lors de la présente procédure, et, ensuite, d’examiner les arguments concrets soulevés par la République française à l’appui de son argumentation selon laquelle la Commission a apprécié la situation du marché de manière manifestement erronée.

 Sur les éléments sur lesquels la Commission s’est appuyée lors de la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation

101    La Commission a relevé, dans le mémoire en défense, que, lors de la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation dans le règlement attaqué, elle avait notamment pris en compte les éléments suivants :

–        les prix des viandes de volaille sur le marché intérieur étaient élevés, portés par une demande intérieure solide ;

–        les marges des producteurs en fonction du coût des aliments étaient au‑dessus de la moyenne historique malgré un prix des aliments élevé depuis plusieurs mois ; de plus, le coût des céréales, après avoir atteint des niveaux historiques, devait baisser ;

–        les exportations avec restitutions continuaient d’augmenter malgré trois baisses successives du montant des restitutions (de 7 % pour les cinq premiers mois de l’année 2013) ;

–        les exportations de viande de volaille augmentaient (de 0,6 % en volume et de 1 % en valeur pour les cinq premiers mois de l’année 2013), y compris celles de produits sans restitutions qui représentaient la majeure partie des exportations, montrant la compétitivité du secteur ;

–        les perspectives d’évolution du marché étaient bonnes avec des prévisions de croissance de la production de viande de volaille européenne de 0,7 %, poussée par l’augmentation de la demande sur le marché intérieur et sur le marché international ;

–        en revanche, compte tenu des prix élevés du poulet sur le marché intérieur, du coût élevé des aliments et de la dévaluation du réal brésilien (BRL), le différentiel de prix avec les volailles originaires du Brésil était estimé à 44,73 euros/100 kg ;

–        l’évolution du taux de change a été prise en compte.

102    La Commission a en outre relevé que, compte tenu de la situation du marché et de son évolution, les restitutions à l’exportation n’étaient pas nécessaires pour assurer l’équilibre du marché, notamment dans l’Union, ainsi qu’un développement naturel sur le plan du prix.

103    Il ressort des explications fournies par la Commission que, bien que le résultat du calcul théorique du montant des restitutions ait été positif, elle a considéré que la situation sur le marché de l’Union était stable et qu’il n’était pas nécessaire de fixer des restitutions à l’exportation d’un montant positif afin d’assurer la stabilité du marché et un développement naturel sur le plan du prix. Elle a donc accordé une importance particulière au critère figurant à l’article 164, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1234/2007.

104    Il convient de relever que des éléments tels qu’une hausse des prix sur le marché de l’Union, l’existence de marges des producteurs de l’Union supérieures à la moyenne historique et une augmentation des exportations sont des éléments qui permettaient en principe à la Commission de considérer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que la situation sur le marché de l’Union était stable et qu’il n’était pas nécessaire de fixer des restitutions à l’exportation d’un montant positif afin d’assurer la stabilité du marché.

105    Il convient donc d’examiner les arguments concrets soulevés par la République française relatifs à des erreurs manifestes d’appréciation que la Commission aurait commises.

 Sur les arguments concrets soulevés par République française concernant l’appréciation manifestement erronée de la situation du marché

106    La République française soutient que, en ce qui concerne l’évolution des prix au sein de l’Union et des prix sur le marché mondial du produit considéré, l’analyse avancée par la Commission lors de la réunion du 18 juillet 2013 du comité de gestion de l’organisation commune des marchés agricoles sur la base d’un document intitulé « EU Market situation for poultry » (Situation du marché avicole de l’Union, ci‑après le « document soumis au comité de gestion ») est manifestement erronée.

107    La République française relève que la Commission a considéré que les prix de la viande de volaille sur le marché avaient augmenté. Elle affirme que, ce faisant, la Commission n’a pas pris en compte la variable tenant au taux de change entre l’euro et le dollar des États‑Unis (USD) et qu’une prise en compte de cette variable aurait conduit la Commission à constater que les prix mondiaux de la viande de volaille étaient globalement restés stables ou du moins n’avaient que très peu augmenté.

108    À cet égard, la République française relève que les prix de la viande de volaille sur le marché mondial sont passés d’environ 185 USD/100 kg à 204 USD/100 kg au cours de l’année qui a précédé l’adoption du règlement attaqué, soit une hausse de 9,3 %, mais que cette hausse a été en grande partie compensée par l’appréciation de 6,5 % de l’euro face au dollar des États‑Unis pendant la même période.

109    Premièrement, il y a lieu de constater que, même en prenant en compte les données chiffrées fournies par la République française, il n’apparaît pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en constatant une hausse des prix sur le marché mondial. La République française admet que la hausse des prix de 9,3 % a « en grande partie », mais pas intégralement, été compensée par la revalorisation de l’euro face au dollar des États‑Unis. Il y a lieu de relever qu’une augmentation, même relativement faible, reste une augmentation.

110    Deuxièmement, il y a lieu de relever que les chiffres concernant les prix sur le marché mondial sur lesquels s’appuie la République française (augmentation de 185 USD/100 kg à 204 USD/100 kg) correspondent aux chiffres qui ont été communiqués par les opérateurs à la Commission, ainsi que la République française l’a confirmé en réponse à une question du Tribunal posée lors de l’audience. Il s’agit du prix de vente à destination, à savoir au Moyen‑Orient. Il s’agit donc des données chiffrées prises en compte par la Commission lors du calcul du montant théorique des restitutions à l’exportation.

111    Lors de l’audience, la République française a relevé que le résultat du calcul théorique du montant des restitutions effectué par la Commission correspondait, à sa connaissance, à peu près au chiffre auquel étaient parvenus les opérateurs concernés. La République française n’affirme donc pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans le cadre du calcul théorique. Elle n’affirme notamment pas que la Commission a mal calculé le montant théorique des restitutions à l’exportation en raison d’une absence de prise en compte des variations du taux de change, lors de la comparaison des prix sur le marché de l’Union et sur le marché mondial.

112    En ce qui concerne l’argument de la République française selon lequel la Commission a estimé à tort, sur la base des données figurant à la page 18 du document soumis au comité de gestion, que les prix de la viande de volaille avaient augmenté sur le marché mondial, il convient de relever ce qui suit.

113    La page 18 du document soumis au comité de gestion montre l’évolution des prix sur le marché de l’Union, des États‑Unis et du Brésil. Ces prix sont tous exprimés en euros, ce qui signifie qu’ils tiennent compte de la variation du taux de change du dollar des États‑Unis et du réal brésilien à l’égard de l’euro.

114    Il y a lieu de relever que le document soumis au comité de gestion concerne surtout l’analyse de la situation du marché. Dans le cadre de l’analyse de la situation du marché, la Commission n’est pas obligée de prendre en compte la situation particulière des entreprises qui exportent les produits concernés par les restitutions à l’exportation vers les destinations concernées, mais elle peut considérer la situation globale du marché.

115    Le choix de la Commission de ne pas présenter au comité de gestion les prix de vente des exportateurs au Moyen‑Orient s’explique par le fait que le document soumis au comité de gestion n’a pas vocation à expliquer le calcul théorique du montant des restitutions à l’exportation, mais surtout à présenter la situation du marché. En réponse à une question posée à cet égard par le Tribunal lors de l’audience, la République française a confirmé qu’elle était au courant de la pratique de la Commission consistant à garder interne les détails du calcul du montant théorique des restitutions ainsi que le résultat de ce calcul et à ne pas communiquer ces éléments au comité de gestion.

116    Lors de l’audience, la République française a soulevé la question de savoir pourquoi la Commission ne soumet pas au comité de gestion les données sur lesquelles elle fonde le calcul théorique du montant des restitutions à l’exportation ainsi que le résultat de ce calcul. À cet égard, il y a lieu de constater que la République française n’a pas soulevé un moyen tiré de ce que le comité de gestion avait été induit en erreur sur un point essentiel par des omissions de la part de la Commission. La République française ne fait d’ailleurs pas valoir qu’elle‑même ou un autre État membre aurait posé une question à l’égard du calcul théorique lors de la réunion du comité de gestion et que la Commission aurait refusé de répondre à cette question.

117    La République française fait en outre valoir que la baisse des prix de la viande de volaille sur le marché brésilien au cours de l’année précédant l’adoption du règlement attaqué, telle qu’elle apparaît dans les données chiffrées figurant à la page 18 du document soumis au comité de gestion, a eu une incidence beaucoup plus forte sur les prix mondiaux que la hausse des prix sur le marché américain, telle qu’elle apparaît également dans les données chiffrées figurant à cette même page, de sorte que les prix mondiaux de la viande de volaille n’auraient pas augmenté au cours de l’année précédant l’adoption du règlement attaqué.

118    Cet argument ne saurait être retenu. S’il est exact que les prix au Brésil sont pris en compte lors du calcul théorique du montant des restitutions à l’exportation, lorsqu’ils sont disponibles et à jour (voir point 35 ci‑dessus), cela ne signifie pas que, dans le cadre de l’analyse de la situation globale du marché, la Commission est obligée de fonder son analyse concernant le développement du prix sur le marché mondial avant tout sur les prix au Brésil.

119    Il y a en outre lieu de relever que la page 18 du document soumis au comité de gestion montre l’évolution des prix sur le long terme, à savoir sur la période allant de 2009 à 2013.

120    À cet égard, il convient de rappeler que le document soumis au comité de gestion n’a pas vocation à expliquer le calcul théorique du montant des restitutions à l’exportation, mais surtout à présenter la situation globale du marché. Si le calcul théorique prend en compte l’évolution des prix sur le court terme, il est loisible à la Commission de prendre en compte, pour apprécier la situation du marché, l’évolution des prix sur le long terme.

121    Il ressort clairement de la page 18 du document soumis au comité de gestion que la tendance sur le long terme des prix du poulet dans l’Union et aux États‑Unis était à la hausse.

122    En ce qui concerne les prix du poulet au Brésil, il ressort de la page 18 du document soumis au comité de gestion que, à la fin de la période considérée, il y a eu une baisse des prix. Cependant, il n’y avait pas de tendance à la baisse des prix au Brésil, si la totalité de la période considérée de 2009 à 2013 est prise en considération.

123    Compte tenu d’une tendance claire à la hausse des prix du poulet aux États‑Unis, et en l’absence d’une tendance à la baisse des prix au Brésil sur le long terme, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en constatant que les prix sur le marché mondial étaient en hausse.

124    La République française affirme que la Commission aurait dû comparer, d’une part, les prix de la viande de volaille sur le marché de l’Union et, d’autre part, les prix de la viande de volaille au Moyen‑Orient.

125    À cet égard, il suffit de constater que la Commission a justement comparé ces prix, et ce dans le cadre du calcul théorique du montant des restitutions à l’exportation.

126    L’argument de la République française, selon lequel une telle comparaison aurait nécessairement dû conduire la Commission à maintenir sinon à augmenter le montant des restitutions à l’exportation, est fondé sur la prémisse erronée selon laquelle le calcul théorique doit constituer le facteur primordial dans la fixation du montant des restitutions à l’exportation et selon laquelle l’analyse du marché permet seulement d’« ajuster » ce montant.

127    La République française fait en outre valoir que, en raison de la dévaluation du réal brésilien survenue en 2012, les prix de la viande de volaille au Moyen‑Orient étaient plutôt susceptibles de baisser et que, en tout état de cause, ils n’étaient pas susceptibles d’augmenter et encore moins d’augmenter de façon plus importante que les prix de la viande de volaille sur le marché de l’Union. Elle soutient que la Commission aurait dû constater que l’écart entre les prix sur le marché de l’Union et les prix sur le marché du Moyen‑Orient n’était pas susceptible de se réduire et qu’il était même probable qu’un tel écart augmentât sur la période à venir et que, par conséquent, la prise en compte, en application de l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007, des perspectives d’évolution des prix sur le marché de l’Union et sur le marché mondial aurait dû conduire la Commission, lors de l’adoption du règlement attaqué, à maintenir, sinon à augmenter, le montant des restitutions à l’exportation pour la viande de volaille.

128    À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’écart entre, d’une part, les prix sur le marché de l’Union et, d’autre part, les prix de vente au Moyen‑Orient concerne le calcul théorique du montant des restitutions à l’exportation. L’argument de la République française est donc fondé sur la prémisse erronée selon laquelle la Commission doit prendre en compte le résultat du calcul théorique en tant qu’élément primordial lors de la fixation du montant des restitutions à l’exportation.

129    Il convient d’ajouter que l’argument de la République française revient à affirmer que la hausse des prix au sein de l’Union était un facteur qui aurait dû amener la Commission à augmenter le montant des restitutions à l’exportation, car cette hausse a augmenté l’écart entre les prix sur le marché de l’Union et les prix au Moyen‑Orient, et donc le résultat du calcul théorique. Cependant, cette argumentation ne tient pas compte du fait qu’une hausse des prix du produit en cause sur le marché de l’Union est un facteur qui milite pour une situation stable sur ce marché et peut donc être l’un des facteurs qui peuvent amener la Commission à ne pas accorder de restitutions à l’exportation, ou à fixer à zéro leur montant. En effet, une situation déjà stable sur le marché de l’Union peut amener la Commission à considérer que des restitutions à l’exportation d’un montant positif ne sont pas nécessaires pour écouler des excédents et assurer la stabilité du marché.

130    La République française affirme en outre que la Commission n’a pas tenu compte de l’augmentation très sensible du prix des céréales et du soja sur le marché mondial, qui aurait pour effet mécanique d’augmenter le coût de l’alimentation des volailles et, par conséquent, d’augmenter très sensiblement les coûts de production de la viande de volaille pour les éleveurs de l’Union.

131    À cet égard, la Commission souligne qu’elle a pris en compte le fait que les marges des producteurs en fonction du coût des aliments étaient au‑dessus de la moyenne historique malgré un prix des aliments élevé depuis plusieurs mois. En outre, le coût des céréales, après avoir atteint des niveaux historiques, devait, selon elle, baisser.

132    Il convient de relever que, aux pages 8 et 9 du document soumis au comité de gestion, l’évolution des prix des aliments pour les poulets est indiquée. En outre, la page 10 du même document indique les marges des producteurs en fonction du coût de l’alimentation des poulets.

133    Dans ces circonstances, il n’y a aucune raison de penser que l’augmentation du coût des aliments n’a pas été prise en considération par la Commission.

134    Interrogée sur ce point lors de l’audience, la République française s’est limitée à affirmer que le seul fait que la Commission avait indiqué la hausse des prix des aliments dans des tableaux soumis au comité de gestion ne démontrait pas qu’elle avait effectivement pris en compte cet élément.

135    À cet égard, premièrement, il y a lieu de relever qu’il incombe à la République française de démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation. Le document soumis au comité de gestion, qui a été produit par la République française en annexe à sa requête et sur lequel elle s’appuie, montre l’analyse de la situation du marché faite par la Commission et donne donc des informations sur les éléments que cette dernière a pris en compte lors de cette analyse. Si la République française considère qu’un élément n’a pas été pris en compte, bien qu’il figure dans le document soumis au comité de gestion, il lui incombe de fournir des éléments concrets permettant de considérer que la Commission n’a tout de même pas pris en compte cet élément.

136    Deuxièmement, il convient de relever que la circonstance que les marges des producteurs en fonction du coût des aliments étaient au‑dessus de la moyenne historique, malgré une hausse du coût des aliments, était précisément un élément militant en faveur d’une situation stable sur le marché de l’Union. La prise en compte d’une telle circonstance signifie que la Commission a nécessairement tenu compte de la hausse du coût des aliments, qui constitue un des facteurs de ce calcul.

137    Troisièmement, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre du calcul théorique du montant des restitutions à l’exportation, la différence de prix est calculée sur la base de la différence entre le prix de revient en France calculé sur une base fob et le prix de vente à destination (voir point 35 ci‑dessus). La prise en compte du coût de revient signifie que la Commission a pris en compte les coûts de l’alimentation. Ainsi que la Commission l’a expliqué, en réponse aux questions écrites posées par le Tribunal, le prix de revient en France est calculé en tenant compte du coût des aliments, du coût du vif, du coût du mort, du coût « abattoir » et du coût de mise en fob. Il convient en outre de rappeler que la République française n’affirme pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans le cadre du calcul théorique du montant des restitutions à l’exportation (voir point 111 ci‑dessus).

138    En réponse à l’argument soulevé par la Commission dans le mémoire en défense, selon lequel les exportations de viande de volaille augmentaient, la République française affirme que, avec une augmentation des exportations de viande de volaille de 0,6 % en volume et de 1 % en valeur pour les cinq premiers mois de l’année 2013, la Commission aurait dû considérer que les exportations étaient restées stables sur cette période.

139    À cet égard, il suffit de constater qu’une augmentation, même faible, reste une augmentation. Il était loisible à la Commission de prendre en considération une augmentation, même faible, des exportations comme un élément militant contre la nécessité de fixer des restitutions à l’exportation d’un montant positif.

140    Enfin, la République française a fait valoir, lors de l’audience, que la situation du marché en juillet 2013 était la même qu’en avril et qu’en janvier 2013.

141    Cependant, la République française n’a pas étayé cette affirmation par des arguments concrets. Il ressort d’ailleurs du document soumis au comité de gestion que la situation du marché en juillet 2013 n’était pas identique à celle prévalant en avril ou en janvier 2013. Par exemple, il ressort de la page 10 du document soumis au comité de gestion que les marges des producteurs en fonction du coût des aliments étaient plus élevées en juillet 2013 qu’en avril ou qu’en janvier 2013.

142    Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la première branche du second moyen.

 Sur la seconde branche, tirée de ce que la Commission aurait manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation en tenant compte, lors de l’adoption du règlement attaqué, d’éléments non prévus à l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007

143    La République française considère que la Commission est tenue, lors de la fixation du montant des restitutions à l’exportation, de prendre en compte exclusivement des éléments qui figurent parmi ceux énumérés à l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007, cette liste étant limitative. Elle estime que, en prenant en compte, lors de l’adoption du règlement attaqué, le contexte interne et le contexte international, à savoir l’existence d’un accord politique sur la réforme de la PAC et l’existence, dans le cadre des négociations du cycle de Doha de l’OMC, d’un engagement, conditionné par la conclusion d’un accord, de supprimer les restitutions à l’exportation, la Commission a pris en compte des éléments non prévus à l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007 et a donc manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation.

144    La Commission conteste les arguments de la République française.

145    L’argumentation de la République française est fondée sur la prémisse selon laquelle l’énumération, figurant à l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007, des facteurs dont la Commission peut tenir compte lors de la fixation du montant des restitutions est limitative.

146    Il y a donc lieu d’examiner si cette prémisse est correcte.

147    Il convient de relever que la formulation retenue à l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007 est assez souple. En effet, selon ce paragraphe, « [l]ors de la fixation des restitutions applicables à un produit donné, il est tenu compte d’un ou de plusieurs des éléments suivants […] »

148    Il résulte de cette formulation que la Commission est tenue de prendre en compte au moins l’un des éléments énumérés par cet article. Cependant, il ne résulte pas de cette formulation que la liste de ces éléments est limitative. La formulation selon laquelle « il est tenu compte de » ne s’oppose pas à la prise en compte d’autres éléments.

149    La souplesse de la formulation choisie milite contre le caractère limitatif de l’énumération. Cette souplesse est d’ailleurs confirmée par d’autres versions linguistiques de la disposition en cause. Ainsi, la version anglaise, « One or more of the following aspects shall be taken into account when refunds for a certain product are being fixed », et la version allemande, « Die Ausfuhrerstattungen werden je nach Erzeugnis unter Berücksichtigung eines oder mehrerer der folgenden Faktoren festgesetzt », confirment que la Commission est seulement tenue de « tenir compte » d’un ou de plusieurs des éléments énumérés, ce qui ne signifie pas qu’elle doive se fonder exclusivement sur de tels facteurs.

150    En outre, la circonstance que, selon l’article 162, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007, l’octroi même des restitutions à l’exportation est facultatif milite en faveur d’une très grande marge d’appréciation et d’une grande flexibilité au profit de la Commission lorsqu’il s’agit de fixer leur montant.

151    En effet, il serait peu convainquant de considérer que la Commission peut décider de ne pas du tout accorder de restitutions à l’exportation, et ce sans être contrainte de fonder cette décision sur des critères déterminés, mais qu’elle doit, lors de la fixation du montant de ces restitutions, tenir compte exclusivement d’éléments énumérés de manière limitative.

152    Contrairement à ce qu’affirme la République française, l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007 ne serait pas privé de tout effet utile si la liste des éléments énumérés par cette disposition n’était pas considérée comme étant limitative.

153    En effet, même si l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007 ne s’oppose pas à la prise en compte d’autres éléments, il résulte de ce paragraphe que la Commission est tenue de tenir compte (également) d’au moins l’un des éléments énumérés par cette disposition.

154    Il résulte de ce qui précède que la prémisse sur laquelle la République française fonde son argumentation est erronée.

155    À titre surabondant, il y a lieu de relever que, ainsi que le relève en substance la Commission, même si l’énumération des critères prévus à l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007 était considérée comme étant limitative, cela ne s’opposerait pas à la prise en compte du contexte politique et économique général.

156    En effet, il convient de rappeler que l’adoption d’actes de portée générale se situe toujours dans un contexte politique et économique général et qu’il est tout à fait normal que la Commission prenne en considération ce contexte (voir points 60 et 61 ci‑dessus).

157    Lorsque la Commission prend en compte des orientations politiques futures et des négociations en cours sur le plan international, lors de la fixation du montant des restitutions à l’exportation selon les critères souples prévus à l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007, cela ne signifie pas qu’elle dépasse les limites de son pouvoir d’appréciation, et ce même si la liste des critères prévus par la disposition en cause était considérée comme étant limitative. En effet, le contexte général peut toujours exercer une influence sur l’exercice du pouvoir d’appréciation de la Commission et une énumération, même limitative, des critères que la Commission peut prendre en considération ne saurait l’empêcher de prendre en compte ce contexte général.

158    Il résulte de tout ce qui précède que la décision de la Commission de prendre en considération les perspectives de réforme de la PAC ainsi que les négociations en cours au sein de l’OMC ne saurait être critiquée.

159    Il y a donc lieu de rejeter également la seconde branche du second moyen et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

160    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

161    En l’espèce, la Commission a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal de « réserver les dépens ». Ce faisant, elle n’a pas valablement conclu à la condamnation de la République française aux dépens. En effet, la demande visant à ce que le Tribunal réserve les dépens n’a aucun sens en l’espèce et équivaut à une absence de conclusions sur les dépens de la part de la Commission.

162    Dans ces circonstances, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Dittrich

Schwarcz

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 janvier 2016.

Signatures


* Langue de procédure : le français.