Language of document : ECLI:EU:T:2022:226

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

6 avril 2022 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Égypte – Mesures prises à l’encontre de personnes responsables de détournement de fonds publics et de personnes et entités associées – Gel des fonds – Liste des personnes, entités et organismes auxquels s’applique le gel des fonds – Maintien du nom des requérants sur la liste – Droits de la défense – Obligation du Conseil de vérifier que la décision d’une autorité d’un État tiers a été prise dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective – Erreur de droit – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans les affaires T‑335/18, T‑338/18 et T‑327/19,

Gamal Mohamed Hosni Elsayed Mubarak, demeurant au Caire (Égypte),

Alaa Mohamed Hosni Elsayed Mubarak, demeurant au Caire,

Heidy Mohamed Magdy Hussein Rasekh, demeurant au Caire,

Khadiga Mahmoud El Gammal, demeurant au Caire,

représentés par MM. B. Kennelly, QC, J. Pobjoy, barrister, et par MM. G. Martin, C. Enderby Smith et F. Holmey, solicitors,

parties requérantes dans l’affaire T‑335/18,

Suzanne Saleh Thabet, demeurant au Caire,

représentée par MM. B. Kennelly, QC, J. Pobjoy, barrister, et par MM. G. Martin, C. Enderby Smith et F. Holmey, solicitors,

partie requérante dans l’affaire T‑338/18,

Gamal Mohamed Hosni Elsayed Mubarak, en qualité d’héritier de Mohamed Hosni Elsayed Mubarak, demeurant au Caire,

représenté par MM. B. Kennelly, QC, J. Pobjoy, barrister, et par MM. G. Martin, C. Enderby Smith et F. Holmey, solicitors,

partie requérante dans l’affaire T‑327/19,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. V. Piessevaux et A. Antoniadis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet des recours fondés sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision (PESC) 2018/466 du Conseil, du 21 mars 2018, modifiant la décision 2011/172/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte (JO 2018, L 78I, p. 3), de la décision (PESC) 2019/468 du Conseil, du 21 mars 2019, modifiant la décision 2011/172/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte (JO 2019, L 80, p. 40), et de la décision (PESC) 2020/418 du Conseil, du 19 mars 2020, modifiant la décision 2011/172/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte (JO 2020, L 86, p. 11), et, d’autre part, du règlement d’exécution (UE) 2018/465 du Conseil, du 21 mars 2018, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 270/2011 concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte (JO 2018, L 78I, p. 1), du règlement d’exécution (UE) 2019/459 du Conseil, du 21 mars 2019, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 270/2011 concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte (JO 2019, L 80, p. 1), et du règlement d’exécution (UE) 2020/416 du Conseil, du 19 mars 2020, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 270/2011 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte (JO 2020, L 86, p. 3), pour autant que ces actes s’appliquent aux requérants,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira (rapporteure), présidente, M. Kancheva et T. Perišin, juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 30 septembre 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 21 mars 2011, à la suite des événements politiques survenus en Égypte à compter du mois de janvier 2011, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2011/172/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte (JO 2011, L 76, p. 63).

2        Les considérants 1 et 2 de la décision 2011/172 indiquaient que :

« (1)      Le 21 février 2011, l’Union européenne a déclaré être prête à soutenir une transition pacifique et sans heurts vers la formation d’un gouvernement civil et démocratique en Égypte reposant sur l’État de droit, dans le strict respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi qu’à soutenir les efforts visant à créer une économie qui renforce la cohésion sociale et favorise la croissance.

(2) Dans ce contexte, des mesures restrictives devraient être adoptées à l’encontre de personnes reconnues comme responsables du détournement de fonds publics égyptiens, qui privent ainsi le peuple égyptien des avantages du développement durable de son économie et de sa société, et compromettent l’évolution démocratique du pays. »

3        L’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 disposait que :

« Sont gelés tous les fonds et ressources économiques qui appartiennent à des personnes identifiées comme responsables du détournement de fonds publics égyptiens et aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes qui leur sont associés, dont la liste figure à l’annexe, de même que tous les fonds et ressources qu’ils possèdent, détiennent ou contrôlent. »

4        L’article 5, deuxième et troisième alinéas, de la décision 2011/172, dans sa version initiale, prévoyait que cette décision, d’une part, était applicable jusqu’au 22 mars 2012 et, d’autre part, qu’elle faisait l’objet d’un suivi constant et était prorogée ou modifiée, le cas échéant, si le Conseil estimait que ses objectifs n’avaient pas été atteints.

5        En application de cette dernière disposition, ladite décision a été prorogée chaque année, jusqu’en 2021. En particulier, en ce qui concernait la période couverte par les présents recours, la décision 2011/172 a été prorogée successivement par :

–        la décision (PESC) 2018/466 du Conseil, du 21 mars 2018, modifiant la décision 2011/172 (JO 2018, L. 78I, p. 3) ;

–        la décision (PESC) 2019/468 du Conseil, du 21 mars 2019, modifiant la décision 2011/172 (JO 2019, L. 80, p. 40) ;

–        la décision (PESC) 2020/418 du Conseil, du 19 mars 2020, modifiant la décision 2011/172 (JO 2020, L. 86, p. 11).

6        Depuis l’adoption de la décision 2011/172, les requérants, à savoir, tout d’abord, dans l’affaire T‑335/18, MM. Gamal Mohamed Hosni Elsayed Moubarak (ci-après le « premier requérant ») et Alaa Mohamed Hosni Elsayed Moubarak (ci-après le « deuxième requérant »), ainsi que Mmes Heidy Mohamed Magdy Hussein Rasekh (ci-après la « troisième requérante ») et Khadiga Mahmoud El Gammal (ci-après, la « quatrième requérante »), ensuite, dans l’affaire T‑338/18, Mme Suzanne Saleh Thabet (ci-après la « cinquième requérante »), et, enfin, dans l’affaire T‑327/19, M. Mohamed Hosni Elsayed Moubarak, ancien président de la République arabe d’Égypte, père des deux premiers requérants et époux de la cinquième requérante (ci-après « le sixième requérant »), étaient désignés, respectivement, aux cinquième, troisième, quatrième, sixième, deuxième et première lignes de la liste annexée à cette décision.

7        Les informations d’identification relatives à chacun des requérants figurant sur ladite liste étaient les suivantes :

–        M. Gamal Moubarak, « Fils de M. Mohamed Hosni Elsayed Moubarak, ancien président de la République arabe d’Égypte – Date de naissance : 28.12.1963 – Homme » ;

–        M. Alaa Moubarak, « Fils de M. Mohamed Hosni Elsayed Moubarak, ancien président de la République arabe d’Égypte – Date de naissance : 26.11.1960 – Homme » ;

–        Mme Heidy Rasekh, « Épouse de M. Alaa Mohamed Hosni Elsayed Moubarak, fils de l’ancien président de la République arabe d’Égypte – Date de naissance : 05.10.1971 – Femme » ;

–        Mme Khadiga El Gammal, « Épouse de M. Gamal Mohamed Hosni Elsayed Moubarak, fils de l’ancien président de la République arabe d’Égypte – Date de naissance : 13.10.1982 – Femme » ;

–        Mme Suzanne Saleh Thabet, « Épouse de M. Mohamed Hosni Elsayed Moubarak, ancien président de la République arabe d’Égypte – Date de naissance : 28.02.1941 – Femme ».

–        M. Mohamed Hosni Moubarak, « Ancien président de la République arabe d’Égypte – Date de naissance : 04.05.1928 – Homme ».

8        Le motif de désignation des requérants, avant l’adoption de la décision 2018/466, était le suivant :

« Personne faisant l’objet d’une procédure judiciaire ou d’une procédure de recouvrement d’avoirs initiée par les autorités égyptiennes à la suite d’une décision de justice définitive concernant le détournement de fonds publics, sur la base de la convention des Nations Unies contre la corruption ».

9        La décision 2018/466 a modifié comme suit le motif de désignation, en ce qui concerne la troisième, la quatrième et la cinquième requérante :

–        s’agissant de la troisième requérante : « Personne faisant l’objet d’une procédure judiciaire ou d’une procédure de recouvrement d’avoirs engagée par les autorités égyptiennes à la suite d’une décision de justice définitive concernant le détournement de fonds publics, sur la base de la convention des Nations unies contre la corruption, et qui est liée à Alaa Mohamed Hosni Elsayed Moubarak » ;

–        s’agissant de la quatrième requérante : « Personne faisant l’objet d’une procédure judiciaire ou d’une procédure de recouvrement d’avoirs engagée par les autorités égyptiennes à la suite d’une décision de justice définitive concernant le détournement de fonds publics, sur la base de la convention des Nations unies contre la corruption, et qui est liée à Gamal Mohamed Hosni Elsayed Moubarak ».

–        s’agissant de la cinquième requérante : « Liée à Mohamed Hosni Elsayed Moubarak, qui fait l’objet d’une procédure judiciaire ou d’une procédure de recouvrement d’avoirs engagée par les autorités égyptiennes à la suite d’une décision de justice définitive concernant le détournement de fonds publics, sur la base de la convention des Nations unies contre la corruption. »

10      La décision 2019/468 a modifié l’annexe de la décision 2011/172 par une annexe qui comportait :

–        une partie A, relative à la liste des personnes physiques et morales, entités et organismes, visée à l’article 1er de la décision 2011/172, qui n’a pas modifié les motifs de désignation des requérants ;

–        une partie B, intitulée « Droits de la défense et droit à une protection juridictionnelle effective en vertu du droit égyptien », qui était divisée en deux sous-parties, intitulées, la première, « Les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective », et la seconde, « Application des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective », cette dernière sous-partie comportant des mentions relatives à tous les requérants, à l’exception de la cinquième requérante.

11      La décision 2020/418 n’a pas modifié les motifs de désignation des requérants, à l’exception du sixième requérant, où la mention « (décédée) » a été ajoutée après le terme « personne ».

12      La décision 2020/418 a, en revanche, modifié les mentions relatives aux requérants figurant dans la seconde sous-partie de la partie B de l’annexe de la décision 2019/468. Ces mentions ne faisaient désormais référence qu’à deux affaires et à une « décision de gel », en ce qui concerne les premier et deuxième requérants, et qu’à une affaire, en ce qui concerne le sixième requérant. En ce qui concerne la cinquième requérante, une mention avait été insérée comportant le constat que ses droits de la défense et son droit à une protection juridictionnelle effective avaient été respectés au cours de la procédure pénale sur laquelle le Conseil s’était fondé et se référait à une « décision de gel ».

13      Sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE et de la décision 2011/172, le Conseil avait adopté, le 21 mars 2011, le règlement (UE) no 270/2011 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte (JO 2011, L 76, p. 4). Ce règlement reprenait, en substance, les dispositions de la décision 2011/172. En particulier, les dispositions de son article 2, paragraphe 1, reprenaient celles de l’article 1er, paragraphe 1, de cette décision. Il comportait, à son annexe I, une liste des personnes physiques et morales, des entités et des organismes visés à l’article 2, paragraphe 1, qui contenait les mêmes mentions que la liste correspondante annexée à cette décision, y compris en ce qui concerne le motif de désignation des personnes qui y figuraient et, notamment, des requérants. Le règlement d’exécution (UE) 2018/465 du Conseil, du 21 mars 2018, mettant en œuvre le règlement n° 270/2011 (JO 2018, L. 78I, p. 1), le règlement d’exécution (UE) 2019/459 du Conseil, du 21 mars 2019, mettant en œuvre le règlement n° 270/2011 (JO 2019, L. 80, p. 1) et le règlement d’exécution (UE) 2020/416 du Conseil, du 19 mars 2020, mettant en œuvre le règlement n° 270/2011 (JO 2020, L. 86, p. 3), avaient apporté des modifications à la liste figurant à l’annexe I dudit règlement, correspondant à celles introduites par les décisions 2018/416, 2019/468 et 2020/418 et décrites aux points 9 à 12 ci-dessus.

 Faits intervenus postérieurement à l’introduction des recours

14      Le 12 mars 2021, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2021/449 abrogeant la décision 2011/172 (JO 2021, L. 87, p. 46), publiée le 15 mars 2021 au Journal officiel de l’Union européenne et entrée en vigueur le jour suivant celui de sa publication.

15      Le même jour, le Conseil a adopté le règlement (UE) 2021/445 abrogeant le règlement no 270/2011 (JO 2021, L. 87, p. 17), publié le 15 mars 2021 au Journal officiel de l’Union européenne et entré en vigueur le jour suivant celui de sa publication.

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 31 mai 2018, les quatre premiers requérants, d’une part, et la cinquième requérante, d’autre part, ont introduit leurs recours, enregistrés respectivement sous les numéros T‑335/18 et T‑338/18 (ci-après, pris ensemble, « les cinq premiers requérants »).

17      Les mémoires en défense ont été déposés par le Conseil le 3 août 2018, en ce qui concerne l’affaire T‑338/18, et le 18 septembre 2018, en ce qui concerne l’affaire T‑335/18.

18      Le 7 décembre 2018 et le 3 janvier 2019, la cinquième requérante et les quatre premiers requérants ont respectivement demandé la tenue d’une audience ainsi que la suspension de la procédure, en raison de leur intention respective de déposer un pourvoi contre l’arrêt du 22 novembre 2018, Saleh Thabet e.a./Conseil (T‑274/16 et T‑275/16, non publié, EU:T:2018:826).

19      Les 18 et 29 janvier 2019, le Conseil a présenté ses observations sur ces demandes de suspension.

20      Le 4 février 2019, le président de la cinquième chambre du Tribunal a décidé de suspendre la procédure dans les présentes affaires jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour statuant sur le pourvoi introduit par les requérants dans l’affaire C‑72/19 P.

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 mai 2019, le sixième requérant a introduit un recours, enregistré sous le numéro T‑327/19.

22      Par demande introduite le même jour, le sixième requérant a demandé la suspension de la procédure, en raison du pourvoi qu’il avait formé contre l’arrêt du 12 décembre 2018, Mubarak/Conseil (T‑358/17, non publié, EU:T:2018:905). Le 20 juin 2019, le Conseil a présenté ses observations sur cette demande de suspension. Le 6 juin 2019, le sixième requérant a présenté une demande d’omission de certaines données envers le public.

23      Sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, la cinquième requérante et les quatre premiers requérants ont, respectivement, le 31 mai et le 3 juin 2019, déposé des mémoires en adaptation tendant à étendre les conclusions de leurs requêtes à la décision 2019/468 et au règlement d’exécution 2019/459 (ci-après, pris ensemble, les « actes de 2019 »). Ils ont également présenté, le même jour que leur mémoire en adaptation, une demande d’omission de certaines données envers le public.

24      Le 2 juillet 2019, le président de la cinquième chambre a décidé de suspendre la procédure dans l’affaire T‑327/19 jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour statuant sur le pourvoi introduit par le sixième requérant dans l’affaire C‑145/19 P.

25      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, les affaires T-335/18, T-338/18 et T-327/19 ont été réattribuées à la neuvième chambre par décision du 16 octobre 2019.

26      Par courrier du 21 avril 2020, le premier requérant a informé le Tribunal du décès de son père, le sixième requérant, intervenu le 25 février 2020, et de son intention de poursuivre la procédure, en tant qu’ayant droit de ce dernier et au nom des autres ayants droit de celui-ci. En outre, il a joint à ce courrier les documents relatifs à ce décès et au mandat qui lui a été conféré par ces ayants droit aux fins de la poursuite de cette procédure.

27      Les requérants ont, les 26 et 27 mai 2020, déposé des mémoires en adaptation tendant à étendre les conclusions de leurs requêtes à la décision 2020/418 et au règlement d’exécution 2020/416 (ci-après, pris ensemble, les « actes de 2020 »).

28      Par arrêt du 3 décembre 2020, Saleh Thabet e.a./Conseil (C‑72/19 P et C‑145/19 P, non publié, EU:C:2020:992), la Cour a jugé, aux points 47 et 60, que le Tribunal avait commis une erreur de droit, en considérant dans les arrêts attaqués que le Conseil n’était pas tenu, avant de se fonder sur les décisions des autorités égyptiennes pour maintenir les mesures restrictives dont faisaient l’objet les requérants, de vérifier que ces décisions avaient été adoptées dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, faute pour les requérants d’avoir produit des éléments objectifs, fiables, précis et concordants de nature à susciter des interrogations légitimes concernant le respect de ces droits.

29      Statuant elle-même définitivement sur le litige devant le Tribunal, la Cour a rappelé que, comme il résultait des points 44 et 59 de son arrêt du 3 décembre 2020, Saleh Thabet e.a./Conseil (C‑72/19 P et C‑145/19 P, non publié, EU:C:2020:992), le Conseil n’avait pas satisfait à son obligation de vérifier le respect, par les autorités égyptiennes, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle des requérants dans les affaires C‑72/19 P et C‑145/19 P avant de se fonder sur les décisions de ces autorités pour adopter les mesures restrictives à l’encontre de ces requérants (arrêt du 3 décembre 2020, Saleh Thabet e.a./Conseil, C‑72/19 P et C‑145/19 P, non publié, EU:C:2020:992, point 65).

30      Dans ces conditions, la Cour a considéré qu’il y avait lieu d’accueillir les deuxièmes moyens de chacun des recours dans les affaires jointes T‑274/16 et T‑275/16 ainsi que dans l’affaire T‑358/17, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens de ces recours, et, par suite, d’annuler les actes litigieux dans l’affaire C‑72/19 P, en ce qu’ils concernaient les cinq premiers requérants, ainsi que les actes litigieux dans l’affaire C‑145/19 P, en ce qu’ils concernaient le sixième requérant (arrêt du 3 décembre 2020, Saleh Thabet e.a./Conseil, C‑72/19 P et C‑145/19 P, non publié, EU:C:2020:992, point 66).

31      Par voie de conséquence, après avoir annulé, d’une part, l’arrêt du 22 novembre 2018, Saleh Thabet e.a./Conseil (T‑274/16 et T‑275/16, non publié, EU:T:2018:826), au point 1 du dispositif de l’arrêt du 3 décembre 2020, Saleh Thabet e.a./Conseil (C‑72/19 P et C‑145/19 P, non publié, EU:C:2020:992), et, d’autre part, l’arrêt du 12 décembre 2018, Mubarak/Conseil (T‑358/17, non publié, EU:T:2018:905), au point 2 de ce dispositif, la Cour, aux points 3 et 4 de ce dernier, a annulé respectivement la décision (PESC) 2016/411 du Conseil, du 18 mars 2016, modifiant la décision 2011/172 (JO 2016, L 74, p. 40) et la décision (PESC) 2017/496 du Conseil, du 21 mars 2017, modifiant la décision 2011/172 (JO 2017, L 76, p. 22), en tant qu’elles concernaient les cinq premiers requérants, et la décision 2017/496, le règlement d’exécution 2017/491, la décision 2018/466 et le règlement 2018/465 (ci-après pris, ensemble, « les actes de 2018 »), en ce que ces actes concernaient le sixième requérant.

32      La procédure a repris à la suite du prononcé de l’arrêt du 3 décembre 2020, Saleh Thabet e.a./Conseil (C‑72/19 P et C‑145/19 P, non publié, EU:C:2020:992).

33      Le 8 décembre 2020, le Tribunal a, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, invité les parties à présenter leurs observations sur les conséquences à tirer, pour les présentes affaires, de l’arrêt du 3 décembre 2020, Saleh Thabet e.a./Conseil (C‑72/19 P et C‑145/19 P, non publié, EU:C:2020:992). Les parties ont présenté des observations à cet égard dans le délai imparti.

34      Le 28 janvier 2021, le Conseil a présenté ses observations sur les mémoires en adaptation visés aux points 23 et 27 ci-dessus.

35      Le même jour, le Conseil a déposé le mémoire en défense dans l’affaire T‑327/19.

36      Par décision du président du Tribunal du 20 mai 2021, les présentes affaires ont été attribuées à une nouvelle juge rapporteure, siégeant dans la neuvième chambre.

37      Par décision de la présidente de la neuvième chambre du 30 juin 2021, les présentes affaires ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure.

38      Le 20 juillet 2021, le Tribunal a, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, invité le Conseil à présenter certains documents et les requérants à indiquer les éventuelles conséquences qu’ils tirent de l’adoption de la décision 2021/449 du Conseil du 12 mars 2021 et du règlement 2021/445 du Conseil du 12 mars 2021 pour le présent recours. Les parties ont présenté des observations à cet égard le 28 juillet 2021 et le 5 aout 2021.

39      Par décision de la présidente de la neuvième chambre du 13 août 2021, à la suite du décès de M. le juge Berke survenu le 1er aout 2021, un nouveau juge a été désigné pour compléter la formation de jugement.

40      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 30 septembre 2021.

41      Les cinq premiers requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes de 2018, les actes de 2019 et les actes de 2020 (ci-après, pris ensemble, « les actes attaqués »), pour autant que ces actes s’appliquent à eux ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

42      Le sixième requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes de 2019 et de 2020, pour autant que ces actes s’appliquent à lui ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

43      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours dans leur intégralité ;

–        à titre subsidiaire, pour le cas où les actes de 2018 seraient annulés en ce qui concerne les cinq premiers requérants, ordonner que les effets de la décision 2018/466 soient maintenus à l’égard de ces derniers jusqu’à ce que l’annulation partielle du règlement d’exécution 2018/465 soit effective ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

44      Les parties ayant été entendues lors de l’audience à cet égard, il convient de joindre les présentes affaires aux fins de la décision mettant fin à l’instance, conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

45      Au soutien de leurs recours, les cinq premiers requérants invoquent les quatre mêmes moyens. Le premier moyen est tiré d’une erreur d’appréciation du Conseil concernant le respect du critère de désignation figurant à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 et à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011. Le deuxième moyen est tiré de la violation des droits des requérants au titre de l’article 6 TUE, lu conjointement avec les articles 2 et 3 TUE et les articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Le troisième moyen est tiré d’une exception d’illégalité des dispositions de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011. Le quatrième moyen est tiré de la violation du principe de proportionnalité.

46      Au soutien de son recours, le sixième requérant invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré de la violation des droits des requérants au titre de l’article 6 TUE, lu conjointement avec les articles 2 et 3 TUE et les articles 47 et 48 de la Charte. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur d’appréciation du Conseil concernant le respect du critère de désignation figurant à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 et à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011. Le troisième moyen est tiré de la violation du principe de proportionnalité.

47      Ces moyens sont respectivement identiques au deuxième, au premier et au quatrième moyen invoqués par les autres requérants. Ils seront donc examinés conjointement par le Tribunal.

48      Compte tenu des motifs pour lesquels la Cour a annulé, dans l’arrêt du 3 décembre 2020, Saleh Thabet e.a./Conseil (C‑72/19 P et C‑145/19 P, non publié, EU:C:2020:992), les arrêts du 22 novembre 2018, Saleh Thabet e.a./Conseil (T‑274/16 et T‑275/16, non publié, EU:T:2018:826), et du 12 décembre 2018, Mubarak/Conseil (T‑358/17, non publié, EU:T:2018:905), et les actes du Conseil sur lesquels le Tribunal a statué dans ces derniers arrêts, le Tribunal estime opportun d’examiner, en premier lieu, le deuxième moyen des affaires T‑335/18 et T‑338/18 et le premier moyen de l’affaire T‑327/19.

49      Les présents moyens peuvent se diviser en trois branches, tendant respectivement à l’annulation des actes de 2018, de 2019 et de 2020.

50      Il convient ainsi d’examiner, dans le cadre d’une première branche, les arguments exposés par les cinq premiers requérants, dans leurs requêtes et leurs répliques, en vue de l’annulation des actes de 2018 ; dans le cadre d’une deuxième branche, les arguments exposés, par les cinq premiers requérants, dans leurs premiers mémoires en adaptation, et par le sixième requérant, dans sa requête et sa réplique, en vue de l’annulation des actes de 2019 ; dans le cadre d’une troisième branche, les arguments exposés, par les cinq premiers requérants, dans leurs seconds mémoires en adaptation, et par le sixième requérant, dans son mémoire en adaptation, en vue de l’annulation des actes de 2020.

51      À titre liminaire, il convient de rappeler, en premier lieu, que, lors du contrôle de mesures restrictives, les juridictions de l’Union européenne doivent assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union, au rang desquels figurent, notamment, le respect des droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective (voir arrêt du 3 décembre 2020, Saleh Thabet e.a./Conseil, C‑72/19 P et C‑145/19 P, non publié, EU:C:2020:992, point 32 et jurisprudence citée).

52      L’effectivité du contrôle juridictionnel garanti à l’article 47 de la Charte exige que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne sur la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives, le juge de l’Union s’assure que cette décision, qui revêt une portée individuelle pour cette personne, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considérés comme suffisant en soi pour soutenir lesdits actes sont étayés (voir arrêt du 3 décembre 2020, Saleh Thabet e.a./Conseil, C‑72/19 P et C‑145/19 P, non publié, EU:C:2020:992, point 33 et jurisprudence citée).

53      En deuxième lieu, selon la jurisprudence, il incombe au Conseil, avant de se fonder sur une décision d’une autorité d’un État tiers en vue d’adopter ou de maintenir des mesures restrictives, de vérifier si celle-ci avait été adoptée dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective (voir arrêt du 3 décembre 2020, Saleh Thabet e.a./Conseil, C‑72/19 P et C‑145/19 P, non publié, EU:C:2020:992, point 37 et jurisprudence citée).

54      En particulier, l’exigence de vérification, par le Conseil, que les décisions des États tiers, sur lesquelles il fonde l’inscription d’une personne ou d’une entité sur une liste de personnes et d’entités dont les avoirs sont gelés, ont été prises dans le respect de ces droits vise à assurer qu’une telle inscription n’ait lieu que sur une base factuelle suffisamment solide et, ainsi, à protéger les personnes ou les entités concernées (voir arrêt du 3 décembre 2020, Saleh Thabet e.a./Conseil, C‑72/19 P et C‑145/19 P, non publié, EU:C:2020:992, point 39 et jurisprudence citée).

55      Or, le Conseil ne saurait considérer qu’une décision d’inscription repose sur une base factuelle suffisamment solide qu’après avoir vérifié lui-même que les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective ont été respectés lors de l’adoption de la décision de l’État tiers concerné sur laquelle il entend fonder l’adoption de mesures restrictives (voir arrêt du 3 décembre 2020, Saleh Thabet e.a./Conseil, C‑72/19 P et C‑145/19 P, non publié, EU:C:2020:992, point 40 et jurisprudence citée).

56      La simple référence par le Conseil à des documents émanant des autorités égyptiennes, dans lesquels celles-ci avaient expliqué en quoi les droits fondamentaux des requérants avaient été respectés et avaient donné des assurances à cet égard, alors qu’il n’avait pas contesté qu’il n’avait pas lui-même procédé à une vérification du respect de ces droits et avait même indiqué que des vérifications supplémentaires de sa part n’étaient pas nécessaires à cet égard, ne saurait suffire pour considérer que la décision de maintien des requérants sur les listes litigieuses par le Conseil reposait sur une base factuelle suffisamment solide (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2020, Saleh Thabet e.a./Conseil, C‑72/19 P et C‑145/19 P, non publié, EU:C:2020:992, points 44 et 59).

57      En troisième lieu, les droits de la défense comportent le droit d’être entendu et le droit d’accès au dossier, tel que notamment consacré par l’article 41, paragraphe 2 de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 99 et jurisprudence citée).

58      Dans le cadre d’une procédure pénale, le respect des droits de la défense représente des aspects particuliers du droit à un procès équitable garanti, notamment, par l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH ») (voir Cour EDH, 2 novembre 2010, Sakhnovski c. Russie, CE:ECHR:2010:1102JUD002127203, point 94 et jurisprudence citée).

59      Il vise, en particulier, à mettre en œuvre deux principes inhérents à la notion de procès équitable, d’une part, le principe de l’égalité des armes, selon lequel chaque partie doit se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de désavantage par rapport à son adversaire et, d’autre part, le principe du caractère contradictoire de la procédure, qui implique la faculté de prendre connaissance des observations ou éléments de preuve produits par l’autre partie et la communication à la défense, par les autorités de poursuite, de toutes les preuves pertinentes en leur possession, à charge comme à décharge (voir, en ce sens, Cour EDH, 16 février 2000, Rowe et Davis c. Royaume‑Uni, CE:ECHR:2000:0216JUD002890195, point 60 et jurisprudence citée).

60      Selon la jurisprudence, le droit à un recours effectif devant une juridiction indépendante et impartiale relève du contenu essentiel du droit à une protection juridictionnelle effective. Les notions d’indépendance et d’impartialité postulent l’existence de règles dont l’application permet d’écarter tout doute légitime, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité de cette juridiction à l’égard d’éléments extérieurs et à sa neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 20 avril 2021, Repubblika, C‑896/19, EU:C:2021:311, points 51 et 53 et jurisprudence citée).

61      Par ailleurs, il peut être déduit de la jurisprudence que toute décision juridiquement contraignante d’une autorité nationale, susceptible de porter atteinte aux droits ou aux libertés des personnes concernées, doit, en principe, pouvoir faire l’objet d’un contrôle juridictionnel [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 décembre 2019, Openbaar Ministerie (Parquet Suède), C‑625/19 PPU, EU:C:2019:1078, point 39].

62      Il convient d’ajouter que, ainsi qu’il peut être déduit de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH »), une erreur de fait ou de droit commise par une autorité nationale dans le cadre d’une procédure judiciaire ne saurait être considérée comme une violation du droit à un procès équitable, sauf si, de manière exceptionnelle, cette erreur peut s’analyser en un manque d’équité, en particulier, si les conclusions de cette autorité peuvent passer pour arbitraires ou manifestement déraisonnables. Ainsi, la Cour EDH a jugé qu’une décision de justice, qui, en substance, était dépourvue de base légale en droit interne et ne faisait pas de lien entre les faits établis, le droit applicable et l’issue du procès, revêtait un caractère arbitraire et s’analysait en un « déni de justice » (voir, en ce sens, Cour EDH, 5 février 2015, Bochan c. Ukraine, CE:ECHR:2015:0205JUD002225108, points 61 et 62).

63      En outre, il convient de rappeler que le droit à être jugé dans un délai raisonnable est une composante du droit à une protection juridictionnelle effective, protégé, en particulier, par l’article 47, deuxième alinéa de la Charte et l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH. Le respect du droit au délai raisonnable de jugement doit être examiné à la lumière des circonstances de l’espèce, lesquelles exigent une évaluation globale, sur la base, en particulier, des critères tenant à la complexité de l’affaire, au comportement du requérant et à celui des autorités compétentes (voir, en ce sens, arrêt du 28 octobre 2020, Ben Ali/Conseil, T‑151/18, EU:T:2020:514, points 111 et 112 et jurisprudence citée).

64      Enfin, il y a lieu de relever que les principes rappelés aux points 51 à 63 ci-dessus sont consacrés non seulement par les dispositions de la CEDH, mais également par celles de plusieurs autres instruments de droit international juridiquement contraignants, notamment l’article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 16 décembre 1966, auquel est partie, notamment, la République arabe d’Égypte (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 28 octobre 2020, Ben Ali/Conseil, T‑151/18, EU:T:2020:514, point 111).

65      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si le Conseil a suffisamment satisfait à son obligation de vérification du respect des droits fondamentaux des requérants avant d’adopter les actes attaqués.

 Sur la première branche, relative à l’absence de vérification, par le Conseil, du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective des cinq premiers requérants avant l’adoption des actes de 2018

66      Les cinq premiers requérants soutiennent, en substance, que, en vertu de l’article 6 TUE, lu en liaison avec l’article 2 et l’article 3, paragraphe 5, TUE, le Conseil a l’obligation de promouvoir les droits fondamentaux. Or, le Conseil aurait omis de s’assurer que ces droits avaient été respectés en l’espèce et se serait fondé, contrairement aux exigences de la jurisprudence, sur une présomption irréfragable selon laquelle les autorités égyptiennes observeraient un tel respect. À cet égard, ils auraient présenté des preuves détaillées qui démontreraient la violation de leurs droits fondamentaux dans le cadre de la procédure pénale sur laquelle était fondé le maintien de leur nom sur les listes litigieuses.

67      Le Conseil soutient, en substance, que les principes issus de la jurisprudence citée par les cinq premiers requérants ne sont pas pertinents en l’occurrence. En premier lieu, les faits examinés dans l’arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865), rendu dans le contexte du transfert de demandeurs d’asile vers un État membre où ils encouraient un risque de traitements inhumains et dégradants, ne seraient pas comparables aux faits de l’espèce. En deuxième lieu, les cinq premiers requérants invoqueraient à tort l’arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE (C‑599/14 P, EU:C:2017:583). En particulier, il ressortirait de l’arrêt du 7 juillet 2017, Azarov/Conseil (T‑215/15, EU:T:2017:479), que le régime des mesures restrictives examiné dans l’arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE (C‑599/14 P, EU:C:2017:583), ne serait pas comparable à celui auquel les cinq premiers requérants seraient soumis. En troisième lieu, les éléments de preuve présentés par lesdits requérants à l’appui de la violation alléguée de leurs droits fondamentaux ne comporteraient pas un caractère objectif, fiable, précis et concordant de nature à obliger le Conseil à procéder aux vérifications nécessaires, conformément au point 65 de l’arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil (T‑175/15, EU:T:2017:694). En quatrième lieu, le Conseil précise, dans sa réponse du 28 janvier 2021 à la mesure d’organisation de la procédure du Tribunal, qu’il avait respecté, avant l’adoption des actes en cause, l’obligation de veiller au respect des droits fondamentaux des cinq premiers requérants et avait estimé que les éléments communiqués par les autorités égyptiennes démontraient que ces droits avaient été respectés.

68      À cet égard, en premier lieu, les cinq premiers requérants soutiennent que, d’une part, le Conseil aurait omis de s’assurer du respect de leurs droits fondamentaux et, d’autre part, ils auraient présenté des preuves détaillées démontrant la violation de leurs droits. Or, il convient de relever d’emblée que le Conseil se limite à répondre, en se référant au point 65 de l’arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil (T‑175/15, EU:T:2017:694), que les éléments de preuve présentés à l’appui de la violation alléguée ne présentaient pas un caractère objectif, fiable, précis et concordant de nature à susciter des interrogations légitimes, si bien qu’il n’était pas tenu de procéder à des vérifications supplémentaires.

69      En second lieu, il est vrai qu’il ressort de la correspondance intervenue entre les cinq premiers requérants et le Conseil avant l’adoption des actes de 2018 (courriers du 6 décembre 2017, du 29 janvier, des 12 et 20 février et du 21 mars 2018), que ce dernier leurs a transmis un certain nombre de documents des autorités égyptiennes en lien avec les procédures pénales les concernant, qui répondaient à des demandes du Service européen pour l’action extérieure (SEAE). Toutefois, ces courriers et documents ne faisaient pas état de préoccupations relatives au respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective des cinq premiers requérants, ou seulement de manière très indirecte. En effet, d’une part, ils portaient sur l’état d’avancement des différentes procédures en cours ou sur les mesures prises par les autorités égyptiennes à l’encontre des cinq premiers requérants et, d’autre part, ils visaient à répondre aux observations de ces derniers concernant le bien-fondé de ces procédures et leur achèvement.

70      En particulier, dans les courriers du 21 mars 2018, le Conseil, pour justifier le maintien du nom des cinq premiers requérants sur les listes litigieuses, s’était fondé uniquement sur des considérations visant à justifier le bien-fondé des motifs de désignation, relatifs à l’existence d’une procédure judiciaire ou d’une procédure de recouvrement d’avoirs en lien avec des faits de détournement de fonds publics les visant ou visant les personnes auxquelles elles étaient liées.

71      Ainsi, rien dans ces courriers n’indiquait que le Conseil avait vérifié par lui-même si les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective des cinq premiers requérants avaient été respectés par les autorités égyptiennes.

72      En outre, il convient de constater que les observations du Conseil du 28 janvier 2021, en réponse à la mesure d’organisation de la procédure du Tribunal du 8 décembre 2020, ne sont pas de nature à infirmer ce constat.

73      En effet, tout d’abord, ces observations ne remettent pas en cause le constat selon lequel le Conseil, avant l’adoption des actes de 2018, ne s’était pas conformé aux exigences rappelées aux points 43 et 44 notamment de l’arrêt du 3 décembre 2020, Saleh Thabet e.a./Conseil (C‑72/19 P et C‑145/19 P, non publié, EU:C:2020:992). En l’espèce, le Conseil ne soutient pas qu’il aurait procédé lui-même à une telle vérification, mais seulement qu’il a examiné les éléments communiqués par les autorités égyptiennes et qu’il a considéré que ces éléments démontraient à suffisance que ces droits avaient été respectés sans qu’il soit besoin de procéder à des vérifications supplémentaires. Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 56 ci-dessus, la Cour a explicitement écarté une telle approche et a considéré qu’elle ne permettait pas au Conseil de satisfaire à ses obligations.

74      Du reste, ainsi que les cinq premiers requérants l’ont relevé dans leur réponse à la mesure d’organisation de la procédure du Tribunal, les éléments communiqués par les autorités égyptiennes, sur la base desquels le Conseil avait décidé de maintenir leurs noms sur les listes litigieuses en 2018, sont de même nature que ceux sur lesquels ce dernier s’était fondé, à la même date, pour maintenir le nom du sixième requérant sur lesdites listes. Or, au point 59 de l’arrêt du 3 décembre 2020, Saleh Thabet e.a./Conseil (C‑72/19 P et C‑145/19 P, non publié, EU:C:2020:992), la Cour a précisément considéré que ces éléments n’étaient pas suffisants pour que le Conseil puisse considérer que le maintien du nom du sixième requérant sur ces listes reposait sur une base factuelle suffisamment solide.

75      Ensuite, ces observations sont en contradiction directe avec celles du mémoire en défense dont il ressort, ainsi qu’il a été exposé au point 67 ci-dessus, que, en 2018, le Conseil ne s’estimait pas tenu de procéder à de telles vérifications, en l’absence d’éléments objectifs, fiables, précis et concordants de nature à susciter des interrogations légitimes, produits par les cinq premiers requérants. Par ailleurs, en indiquant dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure du Tribunal et dans ses observations sur les mémoires en adaptation des requérants, que, s’agissant des actes de 2019 et de 2020, il a adapté son approche afin de se conformer aux conclusions de la Cour dans l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), le Conseil admet implicitement que sa position concernant la vérification du respect des droits fondamentaux des cinq premiers requérants, lors de l’adoption des actes de 2018, était différente de celle qu’il a adoptée postérieurement au prononcé de cet arrêt.

76      Enfin, ainsi qu’il résulte des points 69 et 70 ci-dessus, les vérifications concernant les droits fondamentaux des cinq premiers requérants auxquelles le Conseil affirme avoir procédé, avant l’adoption des actes de 2018, ne ressortent pas des pièces du dossier, et en particulier de sa correspondance avec les autorités égyptiennes et avec lesdits requérants.

77      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que, avant l’adoption des actes de 2018, le Conseil, avait satisfait à son obligation de vérifier par lui-même que les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective des cinq premiers requérants avaient été respectés par les autorités égyptiennes.

78      Il y a donc lieu d’accueillir la présente branche en tant qu’elle vient au soutien des conclusions des cinq premiers requérants visant à l’annulation des actes de 2018.

 Sur la deuxième branche, relative au caractère insuffisant des vérifications du Conseil concernant le respect des droits fondamentaux des requérants avant l’adoption des actes de 2019

79      Les requérants, s’appuyant sur l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), soutiennent, en substance, que, contrairement à l’approche du Tribunal dans les arrêts du 22 novembre 2018, Saleh Thabet e.a./Conseil (T‑274/16 et T‑275/16, non publié, EU:T:2018:826), et du 12 décembre 2018, Mubarak/Conseil (T‑358/17, non publié, EU:T:2018:905), la Cour exige que le Conseil procède aux vérifications nécessaires indépendamment des éléments de preuve produits par la personne désignée. En outre, l’exposé des raisons pour lesquelles le Conseil estimerait que les autorités égyptiennes auraient respecté les droits fondamentaux des requérants serait manifestement insuffisant, dès lors qu’il ne répondrait pas aux éléments de preuve que les requérants auraient fournis et qu’il ne reposerait pas sur une évaluation indépendante du Conseil.

80      Le Conseil soutient avoir vérifié que les autorités égyptiennes avaient respecté les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective des requérants. À cet égard, il fait valoir, en substance, s’être conformé à cette obligation en interrogeant les autorités égyptiennes, d’une part, sur la question de savoir si l’ordre juridique égyptien comportait les garanties nécessaires à la protection de ces droits et, d’autre part, sur le respect de ces droits dans le cadre des procédures judiciaires concernant les requérants. Par ailleurs, le Conseil soutient que, dans l’arrêt du 3 décembre 2020, Saleh Thabet e.a./Conseil (C‑72/19 P et C‑145/19 P, non publié, EU:C:2020:992), la Cour ne s’est pas prononcée sur les appréciations portées par le Tribunal dans l’arrêt du 22 novembre 2018, Saleh Thabet e.a./Conseil (T‑274/16 et T‑275/16, non publié, EU:T:2018:826), concernant le respect des droits fondamentaux des requérants, de sorte qu’il pouvait se fonder sur ces appréciations dans le cadre des vérifications qu’il a effectuées à cet égard. Enfin, le Conseil affirme qu’il ne saurait être exigé de lui qu’il procède à un contrôle complet de tous les aspects des procédures pénales en cause, d’une part, parce qu’il ne disposerait pas des moyens à cet effet, et, d’autre part, parce qu’il serait obligé de faire preuve d’une certaine retenue dans ses vérifications, pour éviter le risque d’ingérence dans les affaires intérieures égyptiennes.

81      Avant d’examiner le bien-fondé de ces actes, il convient de déterminer le contenu et la portée des vérifications réalisées par le Conseil avant l’adoption des actes de 2019.

 Sur le contenu et la portée des vérifications effectuées par le Conseil avant l’adoption des actes de 2019

82      Il a été constaté au point 75 ci-dessus que le Conseil avait changé de position concernant la vérification du respect des droits fondamentaux des personnes figurant sur les listes litigieuses après l’adoption des actes de 2018. Par suite, avant l’adoption des actes de 2019, le Conseil a interrogé les autorités égyptiennes au sujet, d’une part, de l’existence de garanties concernant la protection de ces droits dans l’ordre juridique égyptien et, d’autre part, du respect de ceux-ci dans le cadre des procédures sur lesquelles reposait l’inscription du nom des requérants sur les listes litigieuses.

83      Les autorités égyptiennes ont répondu à ces questions par des notes des 9, 18 et 28 février 2019.

84      Sur la base de ces réponses, ainsi qu’il a été indiqué au point 10 ci-dessus, le Conseil a inséré dans les annexes figurant aux actes de 2019, une partie B comportant deux sous-parties. Une première sous-partie, intitulée « Les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective », où il a fait figurer les droits garantis par la législation égyptienne, et une seconde sous-partie, intitulée « Application des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective », qui contenait les éléments permettant, selon cette institution, de conclure que les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective des requérants avaient été respectés au cours des procédures pénales sur lesquelles elle s’était fondée pour inscrire leur nom sur ces listes.

85      À cet égard, en premier lieu, s’agissant, des garanties légales offertes par l’ordre juridique égyptien en ce qui concerne les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective, il convient de relever, ainsi qu’il résulte des écritures du Conseil, que le SEAE a interrogé les autorités égyptiennes aux fins de savoir, en substance, si le droit à un recours effectif contre toute décision d’une autorité compétente, tel que protégé par l’article 47 de la Charte, et les droits de la défense, énumérés à l’article 6, paragraphe 3, de la CEDH, étaient garantis dans l’ordre juridique égyptien.

86      Plus précisément, en ce qui concerne le droit à une protection juridictionnelle effective, le SEAE a posé les questions suivantes :

« Pour toute personne soupçonnée d’une infraction pénale ou accusée d’une telle infraction, les autorités égyptiennes peuvent-elles confirmer que le droit égyptien garanti[t] [qui comprend toutes les dispositions pertinentes du droit national, les accords internationaux auxquels l'Égypte est partie et toute jurisprudence pertinente (Cour de cassation, etc.)],

–        le droit à un contrôle juridictionnel de toute décision du parquet ou de toute autre autorité nationale (telle que le comité d’experts institué par le décret ministériel no 2873 de 2015 ou le comité national pour le recouvrement des avoirs à l’étranger) faisant l’objet de procédures judiciaires ou de procédures de recouvrement d’avoirs concernant des faits de détournement de fonds publics, ou liée à celles-ci ?

–        le droit de se défendre elle-même ou d’avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, si elle n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, de pouvoir être assistée gratuitement par un avocat, lorsque les intérêts de la justice l’exige ? »

87      Par une note du 18 février 2019, les autorités égyptiennes ont confirmé que la Constitution égyptienne, notamment son article 54, garantissait un accès gratuit au système judiciaire, dès lors qu’elle prévoyait que le droit de recours était un droit garanti et inaliénable pour tous et que l’État devait garantir l’accès aux juridictions pour les requérants et un jugement rapide sur les affaires.

88      Sur la base de ces réponses, dans la première sous-partie de la partie B des annexes litigieuses, le Conseil a indiqué ce qui suit :

« Il résulte des articles 54, 97 et 98 de la Constitution égyptienne, des articles 77, 78, 124, 199, 214, 271, 272 et 277 de la loi égyptienne sur les procédures pénales et des articles 93 et 94 de la loi égyptienne sur la profession d’avocat (loi no 17 de 1983) que les droits ci-dessous sont garantis par la législation égyptienne :

–        à toute personne soupçonnée ou accusée d’une infraction pénale :

1/ le droit à un contrôle juridictionnel de toute loi ou décision administrative ;

2/ le droit de se défendre elle-même ou d’avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, si elle n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, de pouvoir être assistée gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;

–        à toute personne accusée d’une infraction pénale :

1/ le droit d’être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu’elle comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre elle ;

2/ le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;

3/ le droit d’interroger ou faire interroger les témoins à charge et d’obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;

4/ le droit de se faire assister gratuitement d’un interprète si elle ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »

89      En second lieu, s’agissant de l’application des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective aux requérants, le SEAE a posé des questions sur les quatre affaires judiciaires, dans lesquelles les requérants étaient impliqués, à savoir, respectivement, l’affaire no 8897 de 2013, qui concernait le premier, le deuxième et le sixième requérant, l’affaire no 10427 de 2012, qui concernait le premier et le deuxième requérant, l’affaire no 53 de 2013, qui concernait l’ensemble des requérants, et l’affaire no 144/2012, qui concernait la cinquième requérante.

90      Sur la base des réponses fournies à ces questions par les autorités égyptiennes, le Conseil, dans la seconde sous-partie de la partie B des annexes litigieuses, a fait figurer les mentions relatives aux « affaires » impliquant les requérants.

91      En particulier, s’agissant des mentions relatives au sixième requérant, celles-ci comportaient le texte suivant :

« Il ressort des informations figurant dans le dossier du Conseil que les droits de la défense de M. Moubarak et son droit à une protection juridictionnelle effective ont été respectés au cours de la procédure pénale sur laquelle le Conseil s’est fondé. En témoigne notamment ce qui suit :

Première affaire [affaire no 8897 de 2013]

Le 27 juin 2013, M. Moubarak a été accusé, avec deux autres personnes, de détournement de fonds publics et des poursuites ont été engagées devant la Cour pénale du Caire le 17 novembre 2013. Le 21 mai 2014, cette juridiction a condamné les trois personnes concernées. Celles-ci ont attaqué ce jugement devant la Cour de cassation. Le 13 janvier 2015, la Cour de cassation a cassé ce jugement et ordonné la tenue d’un nouveau procès. Lors de ce nouveau procès, qui a eu lieu les 4 et 29 avril 2015, les parties ont présenté leurs mémoires et leurs plaidoiries. Le 9 mai 2015, la Cour pénale du Caire a condamné les intéressés et a ordonné la restitution des fonds détournés et le paiement d’une amende. Le 24 mai 2015, un recours a été formé devant la Cour de cassation. Le 9 janvier 2016, la Cour de cassation a confirmé les condamnations. Le 8 mars 2016, les intéressés sont parvenus à un accord au sein du comité d’experts institué par le décret ministériel no 2873 de 2015. Cet accord a été approuvé par le Cabinet des ministres le 9 mars 2016. Il n’a pas été soumis à la Cour de cassation en vue de son approbation définitive par le procureur général pour la raison que le comité d’experts n’était pas le comité compétent. Les intéressés ont la possibilité de présenter une demande de règlement amiable au comité compétent, à savoir le comité national pour le recouvrement des avoirs situés à l’étranger (le “NCRAA”).

Deuxième affaire [affaire no 53 de 2013]

L’enquête relative à des faits de détournement de fonds ou d’avoirs publics est toujours en cours. Le Conseil n’a trouvé aucun élément indiquant que les droits de la défense de M. Moubarak ou son droit à une protection juridictionnelle effective n’ont pas été respectés. »

92      S’agissant des mentions relatives au premier requérant, celles-ci comportaient également le constat qu’il ressortait des informations figurant dans le dossier du Conseil que ses droits de la défense et son droit à une protection juridictionnelle effective avaient été respectés au cours de la procédure pénale sur laquelle le Conseil s’était fondé. Les éléments factuels invoqués à l’appui de ce constat se référaient successivement à une « décision de gel », une « première affaire », une « deuxième affaire » et une « troisième affaire ». Les éléments relatifs à la « décision de gel » et à la « première affaire » comportaient les mentions suivantes :

« Décision de gel

Le 28 février 2011, le procureur général a rendu une ordonnance interdisant à M. Gamal Moubarak et à d’autres personnes de disposer de leurs avoirs et de leurs fonds conformément à l’article 208 bis/a de la loi égyptienne sur les procédures pénales, qui permet au procureur général d’interdire à la personne concernée, à sa femme et à ses enfants de disposer de leurs avoirs s’il existe le moindre doute que ces avoirs constituent des produits illicites d’actes criminels dont la personne concernée est l’auteur. Le 8 mars 2011, la juridiction pénale compétente a confirmé la décision d’interdiction. Conformément à la législation de la République arabe d’Égypte, les intéressés ont le droit de contester devant la même juridiction la décision de justice relative à l’ordonnance d’interdiction. M. Gamal Moubarak n’a pas contesté la décision du 8 mars 2011.

Première affaire [affaire no 10427 de 2012]

M. Gamal Moubarak a été renvoyé, avec une autre personne, devant la juridiction du fond (Cour pénale du Caire) le 30 mai 2012. Le 6 juin 2013, la Cour a renvoyé l’affaire devant le ministère public aux fins d’enquêtes complémentaires. Après la conclusion de ces enquêtes, l’affaire a été à nouveau renvoyée devant la Cour. Le 15 septembre 2018, la Cour pénale du Caire a rendu un jugement par lequel :

i) elle a demandé au comité d’experts qu’elle avait désigné de compléter le rapport d’expertise qu’il avait soumis à la Cour en juillet 2018 ;

ii) elle a ordonné l’arrestation des personnes concernées ; et

iii) elle a demandé de renvoyer celles-ci devant le comité national pour le recouvrement des avoirs situés à l’étranger (le “NCRAA”), en vue d’une éventuelle réconciliation.

Les intéressés ont contesté avec succès le mandat d’arrêt et, à la suite d’une motion de récusation du tribunal spécialisé, l’affaire a été renvoyée devant une autre formation de la Cour pénale pour procéder au réexamen de l’affaire quant au fond. »

93      Les mentions relatives à la « deuxième affaire » et à la « troisième affaire » invoquées en ce qui concerne le premier requérant étaient, mutatis mutandis, les mêmes que celles relatives, respectivement, à la « première affaire » et à la « deuxième affaire » invoquées en ce qui concerne le sixième requérant.

94      S’agissant des mentions relatives au deuxième requérant, celles-ci étaient, mutatis mutandis, identiques à celles relatives au premier requérant, indiquées aux points 92 et 93 ci-dessus.

95      S’agissant des mentions relatives aux troisième et quatrième requérantes, celles-ci étaient, mutatis mutandis, identiques. Elles comportaient également le constat que leurs droits de la défense et leur droit à une protection juridictionnelle effective avaient été respectés au cours de la procédure pénale sur laquelle le Conseil s’était fondé. Les éléments factuels invoqués à l’appui de ce constat se référaient successivement à une « décision de gel » et à une « affaire ». Les éléments relatifs à la « décision de gel » et à l’« affaire » étaient, mutatis mutandis, identiques à ceux se rapportant, d’une part, à la « décision de gel » visant le premier requérant et, d’autre part, à la « deuxième affaire » visant le sixième requérant et à la « troisième affaire » visant les premier et deuxième requérants.

96      En revanche, il convient de relever que le SEAE n’a pas posé de question en ce qui concerne la « décision de gel » mentionnée par le Conseil dans la seconde sous-partie de la partie B des annexes litigieuses. Ainsi qu’il se déduit, notamment, des explications des autorités égyptiennes fournies dans leur mémorandum du 27 novembre 2017, cette « décision de gel » correspond à une ordonnance de gel d’avoirs rendue le 28 février 2011, confirmée par décision de la Cour pénale compétente le 8 mars 2011, et qui visait l’ensemble de la famille du sixième requérant, à raison des investigations conduites dans les affaires no 3642/2011 et no 10427 de 2012.

97      De même, bien que le SEAE ait posé aux autorités égyptiennes des questions relatives à l’affaire no 144/2012, qui concernait la cinquième requérante, et que cette dernière était également impliquée dans l’affaire no 53 de 2013 et faisait l’objet de l’ordonnance de gel d’avoirs visée au point précédent, la seconde sous-partie de la partie B des annexes litigieuses ne comportait, comme il a été précisé au point 10 ci-dessus, aucune mention relative à cette dernière.

98      Dans ses observations sur le mémoire en adaptation de la cinquième requérante, le Conseil expose que, en substance, en tant qu’épouse du sixième requérant, celle-ci doit être considérée comme une personne associée à une personne identifiée comme responsable du détournement de fonds publics égyptiens. Il doit donc en être déduit que le Conseil a considéré que, pour satisfaire son obligation de vérification du respect de ces droits, il suffisait d’examiner le respect des droits de la personne à laquelle elle était associée, à savoir le sixième requérant.

99      Par conséquent, en l’espèce, pour contrôler si le Conseil a procédé à des vérifications suffisantes en ce qui la concerne, il y a lieu de prendre en considération les mentions de la seconde sous-partie de la partie B des annexes litigieuses, relatives au sixième requérant.

 Sur le caractère insuffisant des vérifications du Conseil avant l’adoption des actes de 2019

100    Le Conseil s’est fondé sur les affaires no 10427 de 2012, no 8897 de 2013  et no 53 de 2013 pour justifier la réinscription des requérants sur les listes litigieuses.

101    Or, les requérants soutiennent que les vérifications effectuées par le Conseil sont insuffisantes. En particulier, elles ne traduiraient pas une évaluation indépendante du respect de leurs droits fondamentaux et ne permettraient pas de répondre aux éléments précis qu’ils auraient fournis au sujet desdites violations. Selon eux, les procédures pénales en cause seraient notamment entachées de violations répétées et continues de leurs droits de la défense et de leur droit d’être jugé dans un délai raisonnable.

–       Sur l’affaire no 10427 de 2012

102    Dans cette affaire, les requérants soulèvent, en substance, cinq griefs relatifs à la violation de leurs droits de la défense et de leur droit à une protection juridictionnelle effective.

103    Le premier grief est tiré de la violation des articles 5 et 6 de la CEDH ainsi que des articles 6, 47 et 48 de la Charte, en ce que les deux premiers requérants auraient fait l’objet de poursuites et de mesures de détentions sélectives. Le deuxième grief est tiré de la violation de l’article 7 de la CEDH et de l’article 49 de la Charte, en ce que les accusations portées à l’encontre des deux premiers requérants reposeraient sur une application rétroactive de la loi pénale égyptienne. Le troisième grief est tiré de la violation de l’article 6 de la CEDH et des articles 47 et 48 de la Charte, en ce que la procédure pénale de cette affaire serait entachée par une altération des éléments de preuves, par une non-divulgation d’éléments de preuve et par des faux témoignages. Le quatrième grief est tiré de la violation des articles 5 et 6 de la CEDH ainsi que des articles 6, 47 et 48 de la Charte, en ce que les deux premiers requérants auraient été illégalement et arbitrairement placés en détention provisoire à l’issue de l’audience du 15 septembre 2018, alors qu’ils avaient déjà été placés en détention provisoire dans le cadre de cette affaire pour la durée maximale autorisée par la loi. Le cinquième grief est tiré de la violation de l’article 6 de la CEDH et de l’article 47 de la Charte, en raison des retards injustifiés qu’aurait connus la procédure et de la durée exorbitante de celle-ci.

104    À cet égard, à titre liminaire, il convient de préciser que, dans cette affaire, il était reproché aux deux premiers requérants des faits de complicité dans l’acquisition de profits illicites réalisés dans le cadre de transactions sur les actions de la banque égyptienne Al Watany. Pour ces faits, les deux premiers requérants ont été renvoyés devant la Cour pénale du Caire le 30 mai 2012. Le 6 juin 2013, cette Cour a demandé au ministère public de procéder à des enquêtes complémentaires. Le 15 septembre 2018, cette Cour a rendu un jugement par lequel elle a, premièrement, demandé au comité d’experts qu’elle avait désigné de compléter le rapport d’expertise qu’il lui avait soumis en juillet 2018, deuxièmement, ordonné l’arrestation des deux premiers requérants et, troisièmement, demandé à ce qu’ils soient renvoyés devant le NCRAA, en vue d’une éventuelle conciliation. À la suite d’un recours des deux premiers requérants contre le mandat d’arrêt, la formation de jugement concernée a fait l’objet d’une décision de récusation. L’affaire a été renvoyée devant une autre formation de jugement pour procéder à son réexamen quant au fond.

105    En premier lieu, il convient de relever, ainsi qu’il résulte des questions posées par le SEAE, jointes aux observations du Conseil sur les mémoires en adaptation, qu’il a été demandé aux autorités égyptiennes, d’une part, si les deux premiers requérants avaient eu la possibilité, avant le prononcé de la décision de la Cour pénale du Caire du 15 septembre 2018, de présenter des observations et, d’autre part, quelle avait été l’issue de l’audience qui devait avoir lieu le 19 janvier 2019. Il ressort de ces questions que le Conseil, dans le cadre de ses vérifications concernant cette affaire, s’est concentré sur le respect des droits de la défense des deux premiers requérants avant l’adoption de la décision du 15 septembre 2018 et sur l’évolution ultérieure de la procédure. En revanche, il n’apparait pas que le Conseil s’est préoccupé des autres questions que soulèvent les griefs des requérants, et, en particulier, de la question du délai raisonnable de jugement, qui fait l’objet de leur cinquième grief. Du reste, il y a lieu de relever que cette dernière question n’a été mentionnée dans aucune des communications que le SEAE a adressées aux autorités égyptiennes.

106    En deuxième lieu, il ressort de la réponse des autorités égyptiennes du 9 février 2019 à ces questions du SEAE que, à la suite du recours des deux premiers requérants contre cette décision de la Cour pénale du Caire du 15 septembre 2018, lequel consistait en une demande de récusation, l’affaire a été renvoyée à une autre formation de jugement pour qu’elle statue sur le fond. Par ailleurs, il résulte de cette même réponse que la procédure était toujours en cours à la date de cette réponse et qu’une audience était prévue le 23 mars 2019 afin que les deux premiers requérants présentent leurs plaidoiries en réponse aux questions soulevées par le ministère public lors de l’audience du 19 janvier 2019. Il peut donc en être déduit que, à la date de l’adoption des actes de 2019, le prononcé d’une décision mettant fin à l’instance dans cette affaire, pour lesquels les deux premiers requérants ont été renvoyés devant la Cour pénale du Caire le 30 mai 2012, n’était pas imminent.

107    En troisième lieu, il convient de rappeler que, s’agissant de la vérification du respect du droit à être jugé dans un délai raisonnable, il peut être relevé que, plus la durée des procédures judiciaires servant de base factuelle à une mesure restrictive augmente, plus cette vérification peut s’avérer nécessaire pour le Conseil avant de décider s’il y a lieu ou non de proroger cette mesure (voir arrêt du 28 octobre 2020, Ben Ali/Conseil, T‑151/18, EU:T:2020:514, point 114 et jurisprudence citée).

108    En particulier, il convient de rappeler la nature conservatoire du gel des avoirs des requérants et son objet, à savoir faciliter la constatation par les autorités égyptiennes des détournements de fonds publics commis au terme des procédures judiciaires engagées et préserver la possibilité pour ces autorités de recouvrer, in fine, le produit de ces détournements. Il incombe donc au Conseil d’éviter que cette mesure soit prolongée inutilement, au détriment des droits et des libertés des requérants, sur lesquels elle a une incidence négative importante, du seul fait que les procédures judiciaires sur lesquelles elle repose ont été laissées ouvertes indéfiniment sans justification réelle (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 28 octobre 2020, Ben Ali/Conseil, T‑151/18, EU:T:2020:514, point 115 et jurisprudence citée).

109    Or, il importe de constater que, à la date de l’adoption des actes en cause, le Conseil avait à sa disposition des éléments de nature à susciter des interrogations légitimes concernant la durée raisonnable de cette procédure pénale, qui rendait son obligation de procéder à des vérifications plus impérieuse (voir arrêt du 26 novembre 2013, Kendrion/Commission, C‑50/12 P, EU:C:2013:771, point 96 et jurisprudence citée).

110    En effet, tant les documents transmis chaque année par le procureur général d’Égypte (ci-après « le procureur général »), et notamment le tableau réactualisé des affaires concernant les deux premiers requérants, que les documents fournis par ces requérants, et en particulier le tableau communiqué au Conseil le 19 février 2018 rappelant les différentes étapes procédurales, reflétaient les nombreux retards dont cette procédure avait fait l’objet.

111    Ainsi, d’une part, les investigations dans cette affaire ont commencé en mars 2011, soit près de huit ans avant l’adoption des actes de 2019. Les deux premiers requérants ont été interrogés et inculpés le 9 février 2012 et renvoyés devant la Cour pénale du Caire le 30 mai 2012. Par ailleurs, ainsi qu’il a été relevé au point 106 ci-dessus, il se déduit de la réponse du 9 février 2019 des autorités égyptiennes qu’une décision finale mettant fin à l’instance dans cette affaire n’était pas imminente. D’autre part, six formations de jugement différentes se sont succédées dans cette affaire depuis 2012 (17 avril et 13 novembre 2014, 17 octobre 2015, 17 septembre et 19 novembre 2016 et 19 septembre 2018), pour des circonstances qui ne semblent pas être propres à l’affaire, mais à des décisions ou à des actes procéduraux des autorités égyptiennes. Il ressort également du tableau rappelant les différentes étapes procédurales que, entre le 7 juillet 2012, date du début des audiences du procès, et le 23 août 2017, date à laquelle les deux premiers requérants ont terminé leurs plaidoiries, il s’est écoulé plus de cinq ans, en raison notamment de nombreux reports d’audience. Enfin, à la suite de l’audience du 23 août 2017, un troisième comité d’experts a été créé aux fins de réexaminer l’ensemble de l’affaire.

112    Au demeurant, s’il est vrai que le dernier changement de formation de jugement, qui est intervenue à la suite de la décision de la Cour d’appel du Caire du 19 septembre 2018, trouve son origine dans la demande de récusation déposée par les deux premiers requérants, toutefois, il résulte du constat opéré par la Cour d’appel que cette demande était fondée. En effet, selon cette décision, le président de la formation de jugement en cause avait exprimé un avis sur l’affaire qui l’empêchait, ainsi que les autres magistrats, d’en poursuivre l’examen. Par suite, cet événement, qui était, certes, susceptible de retarder le prononcé d’une décision finale, semble, au final, être davantage imputable aux autorités égyptiennes qu’aux deux premiers requérants.

113    Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs des requérants relatifs à cette affaire, il résulte de ce qui précède que les éléments sur lesquels le Conseil s’était fondé pour conclure au respect de la protection juridictionnelle effective des deux premiers requérants étaient insuffisants, en l’absence de vérifications relatives au respect de leur droit à être jugé dans un délai raisonnable. Le grief des deux premiers requérants à cet égard est donc fondé.

–       Sur l’affaire no 8897 de 2013

114    Dans cette affaire, les requérants invoquent, en substance, deux griefs relatifs à la violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective des premier, deuxième et sixième requérants.

115    Le premier grief est tiré de la violation de l’article 6 de la CEDH et des articles 47 et 48 de la Charte, en ce que, en substance, d’une part, le procureur général aurait refusé de transmettre la demande de conciliation des premier, deuxième et sixième requérants à la Cour de cassation égyptienne (ci-après « la Cour de cassation »), aux fins du règlement du montant des sommes qu’ils auraient détournées. En effet, le procureur général avait refusé de transmettre, à la Cour de cassation pour qu’elle le valide, l’accord que ces requérants avaient passé en vue du règlement du montant des sommes qu’ils étaient accusés d’avoir détournées, au motif qu’il n’avait pas été conclu avec le comité compétent, qui aurait dû, être, selon lui, le NCRAA. D’autre part, la Cour de cassation aurait privé les requérants en cause de leur droit à une protection juridictionnelle effective en rejetant leur demande de conciliation, sans même l’examiner au fond, au motif qu’elle devait lui être présentée par le procureur général.

116    Le second grief est tiré de la violation de l’article 6 de la CEDH et des articles 47 et 48 de la Charte, en ce que, en substance, la Cour de cassation, dans son arrêt du 9 janvier 2016, n’aurait pas examiné, à suffisance de droit, plusieurs moyens du pourvoi présentés par les premier, deuxième et sixième requérants, de sorte que cet arrêt serait arbitraire et manifestement déraisonnable.

117    À titre liminaire, il convient de préciser que, dans cette affaire, il est reproché aux premier, deuxième et sixième requérants des faits de détournement de fonds publics, consistant en une utilisation illégale des fonds alloués à la rénovation des centres de communication de la présidence de la république égyptienne pour des travaux dans leurs résidences privées. Le 21 mai 2014, la Cour pénale du Caire a condamné les trois requérants en cause à des peines d’emprisonnement, à la restitution des sommes détournées ainsi qu’au paiement d’une amende pour les faits de détournement de fonds publics décrits ci-dessus. Le 13 janvier 2015, la Cour de cassation égyptienne a annulé cette décision de la Cour pénale et ordonné un nouveau procès. Le 9 mai 2015, la Cour pénale du Caire a de nouveau condamné les trois requérants concernés à des peines d’emprisonnement, à la restitution des sommes détournées ainsi qu’au paiement d’une amende. Le 9 janvier 2016, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi desdits requérants et confirmé leurs condamnations. C’est dans ce contexte que les trois requérants concernés ont présenté la demande de conciliation visée au point 115 ci-dessus.

118    En premier lieu, il convient de relever, ainsi qu’il ressort des observations du conseil sur le mémoire en adaptation et des annexes F2 et R1, que le SEAE, dans le cadre de ses questions aux autorités égyptiennes, s’est exclusivement concentré sur les difficultés juridiques soulevées par le premier grief des requérants, tenant principalement à la compétence du comité d’experts avec lequel les premier, deuxième et sixième requérants avaient conclu un accord en vue du règlement du montant des sommes qu’ils sont accusés d’avoir détournées et non sur le respect du droit à une protection juridictionnelle effective des premier, deuxième et sixième requérants.

119    En deuxième lieu, dans leur note du 9 février 2019, les autorités égyptiennes, en réponse à ces questions, ont respectivement affirmé, en substance, que :

–        la question de l’incompétence du comité d’experts avait été soulevée par le premier avocat général, siégeant au sein de ce comité. Ils joignaient à leur réponse le texte de la loi égyptienne no 28 de 2015, dont l’article 6 disposait que le NCRAA était le seul comité compétent pour recevoir les demandes de conciliation pour les personnes faisant l’objet d’un gel de leurs avoirs à l’étranger ;

–        le cabinet des ministres avait indiqué au procureur général qu’aucun accord de conciliation n’avait été approuvé par celui-ci ;

–        il n’y avait pas de base juridique pour que le procureur général transmette la demande de conciliation des deux premiers requérants et de l’ancien chef d’État égyptien dès lors que le comité d’experts saisi n’était pas compétent ;

–        à la suite de la décision du procureur général de ne pas transmettre ladite demande de conciliation à la Cour de cassation, laquelle décision était conforme aux dispositions applicables, les deux premiers requérants et l’ancien chef d’État égyptien pouvaient toujours soumettre, conformément aux dispositions applicables, une nouvelle demande de conciliation auprès du NCRAA ;

–         les deux premiers requérants et l’ancien chef d’État égyptien seraient en mesure de récupérer les sommes déjà versées ;

–        ces autorités avaient transmis au Royaume-Uni et à la République de Chypre des demandes d’entraide judiciaire en vue du recouvrement des sommes détournées le 17 février 2016 et n’avaient pas d’informations selon lesquelles le parquet du Royaume-Uni ne donnerait pas suite à cette demande ;

–        l’exécution des condamnations pécuniaires qui avaient été infligées aux personnes en cause ne constituait pas un accord avec celles-ci et, si ces condamnations étaient intégralement exécutées, ils en informeraient les autorités du Royaume-Uni et les autorités chypriotes.

120    Ainsi qu’il ressort, d’une part, des considérations figurant à la seconde-sous-partie de la partie B des annexes litigieuses, relatives au respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective des requérants en cause et, d’autre part, de la réponse du Conseil à la mesure d’organisation de la procédure du 8 décembre 2020, il convient de noter que le Conseil a considéré que ces réponses des autorités égyptiennes étaient satisfaisantes.

121    En effet, comme il l’expose dans ses observations sur les mémoires en adaptation, le Conseil estime qu’il n’était pas tenu de fournir davantage de détails dans la seconde sous-partie de la partie B des annexes litigieuses en ce qui concerne cette affaire. En particulier, il considère que la possibilité pour les premier, deuxième et sixième requérants, à la suite de la décision du procureur général de ne pas transmettre leur demande de conciliation à la Cour de cassation, d’introduire une demande de règlement amiable devant le NCRAA constituait une voie de recours possible, dont ils n’étaient pas privés.

122    En troisième lieu, il convient de relever que le constat du Conseil, selon lequel le droit égyptien garantissait à toute personne soupçonnée ou accusée d’une infraction pénale le droit à un contrôle juridictionnel de toute loi ou décision administrative (voir point 88 ci-dessus), ne découle pas de la réponse et des éléments fournis par les autorités égyptiennes à la suite de la question du SEAE sur ce point reprise au point 87 ci-dessus. Or, ainsi qu’il ressort du point 61 ci-dessus, le droit à une protection juridictionnelle effective implique que toute décision juridiquement contraignante d’une autorité nationale susceptible de porter atteinte aux droits ou aux libertés des personnes concernées doit pouvoir faire l’objet d’un contrôle juridictionnel.

123    Par conséquent, dès lors que, au regard des réponses des autorités égyptiennes aux questions du SEAE, le Conseil ne pouvait pas avoir l’assurance que le droit égyptien offrait la garantie visée au point précédent, en ce qui concerne le droit à une protection juridictionnelle effective, il aurait dû faire preuve d’une vigilance particulière pour s’assurer que les décisions adoptées dans le cadre des procédures pénales sur lesquelles l’inscription et le maintien du nom des requérants en cause sur les listes litigieuses étaient fondés, pouvaient néanmoins faire l’objet d’un contrôle juridictionnel.

124    Or, force est de constater qu’une telle vigilance a fait défaut en l’espèce.

125    En effet, d’une part, comme il a été relevé au point 122 ci-dessus, le Conseil a erronément considéré que le droit égyptien garantissait à toute personne soupçonnée ou accusée d’une infraction pénale le droit à un contrôle juridictionnel de toute loi ou décision administrative.

126    D’autre part, ainsi qu’il résulte de la traduction du texte de l’article 18 bis, sous b), du code de procédure pénale égyptien, versée au dossier et communiquée au Conseil, ces dispositions applicables à la procédure de conciliation initiée par les trois requérants en cause, prévoient que cette procédure se clôture par le prononcé, par la Cour de cassation, du sursis à exécution de toutes les peines encourues. Toutefois, il convient de relever que la décision du procureur général de ne pas transmettre la demande de conciliation à la Cour de cassation pour qu’elle statue était susceptible de porter atteinte à leurs droits et à leurs libertés, dans la mesure où elle faisait obstacle à ce que ladite procédure puisse aboutir au sursis à exécution de toutes les peines qui leur avaient été infligées.

127    Au demeurant, il résulte de cette même traduction que l’article 18 bis, sous b), du code de procédure pénale égyptien prévoit que, à la suite de la transmission par le procureur général de la demande de conciliation, la Cour de cassation statue dans un délai de quinze jours, après avoir entendu les déclarations du ministère public et de la partie condamnée. Par conséquent, la décision du procureur général de ne pas transmettre la demande de conciliation à la Cour de cassation faisait obstacle à ce que les requérants puissent exercer leurs droits de la défense.

128    En outre, compte tenu de l’objet du gel des avoirs des requérants dans l’Union, à savoir, préserver la possibilité pour les autorités égyptiennes de recouvrer le produit des détournements de fonds publics commis (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil, T‑288/15, EU:T:2018:619, point 64), la décision du procureur général était de nature à faire obstacle à la levée de ces mesures. En effet, dans l’hypothèse d’un aboutissement de ladite procédure de conciliation, ces mesures pourraient être considérées comme n’ayant plus d’objet, puisque, comme l’exposent les requérants, la procédure de conciliation visait, dans le cadre d’un accord amiable avec l’État égyptien, au versement des sommes qu’elles avaient été condamnées à restituer au titre des détournements de fonds publics qui leur étaient reprochés.

129    Par conséquent, au vu des éléments exposés aux points 126 à 128 ci-dessus, le Conseil aurait dû arriver à la conclusion que la décision du procureur général de ne pas transmettre la demande de conciliation des requérants, qui a empêché la Cour de cassation de statuer sur ladite demande, était au nombre des décisions qui devaient, en principe, pouvoir faire l’objet d’un contrôle juridictionnel, afin d’assurer le droit à une protection juridictionnelle effective des personnes en cause.

130    Or, en considérant que la possibilité pour les premier, deuxième et sixième requérants d’introduire une demande de règlement amiable devant le NCRAA constituait une voie de recours, le Conseil a manqué au devoir de vigilance qui lui incombait en l’espèce. En effet, il est évident que cette possibilité ne constituait pas une faculté de soumettre cette décision du procureur général à un contrôle juridictionnel et ne pouvait donc être assimilée à une « voie de recours », permettant de garantir la protection juridictionnelle effective de ces personnes.

131    En tout état de cause, ainsi qu’il résulte clairement du libellé de l’article 18 bis, sous b), du code de procédure pénale égyptien, dans leur traduction en anglais, et de son interprétation par l’arrêt du 22 septembre 2018 de la Cour de cassation égyptienne, et comme le confirme, au demeurant, l’avis d’un expert de droit égyptien invoqué par les requérants, c’était à cette juridiction qu’il appartenait de vérifier l’accomplissement de la procédure de conciliation et le respect de toutes les conditions procédurales y afférentes et le procureur général était tenu de transmettre à cette juridiction la demande de conciliation, afin qu’elle procède à un tel examen.

132    Ainsi, comme le confirment les questions du SEAE reprises, en substance, au point 118 ci-dessus, se posait, en l’espèce, la question de la base juridique sur laquelle le procureur général s’était fondé pour ne pas transmettre la demande de conciliation des requérants, dès lors qu’il ne ressortait pas des dispositions de l’article 18 bis, sous b), du code de procédure pénale égyptien, qui avaient été communiqués au Conseil, qu’il en avait la faculté ou qu’il était tenu de le faire dans le cas où un comité incompétent pour procéder à cette conciliation avait été saisi.

133    Par ailleurs, dans leur réponse au SEAE, dont le contenu est exposé au point 119 ci-dessus, les autorités égyptiennes ne se sont référées à aucune autre disposition ou principe de droit égyptien autorisant une telle décision, en dehors de l’argument selon lequel il n’existait pas de base juridique pour la transmission de la demande concernée en l’absence de compétence du comité saisi. À cet égard, il peut être constaté, ainsi qu’il résulte des points 131 à 132 ci-dessus, que le libellé de l’article 18 bis, sous b), du code de procédure pénale égyptien ne prévoit pas de cas où le procureur général devrait s’abstenir de procéder à une telle transmission, en particulier lorsqu’un comité incompétent a été saisi.

134    Par conséquent, la faculté de présenter une nouvelle demande de conciliation devant le NCRAA ne pouvait, en tout état de cause, constituer une garantie permettant aux requérants en cause d’être rétablis dans leurs droits, à la suite de la décision du procureur général de ne pas transmettre leur demande. En effet, compte tenu de l’interprétation du droit applicable mise en œuvre dans cette décision, laquelle ne ressortait pas clairement du libellé de l’article 18 bis, sous b), du code de procédure pénale égyptien, le Conseil ne pouvait nullement exclure que, si les requérants décidaient de faire usage de cette faculté, cette autorité puisse, le cas échéant, s’estimer fondée, de nouveau, à ne pas procéder à une telle transmission.

135    Ainsi, en l’absence de toute précision sur la base juridique en droit égyptien, sur laquelle reposait la décision susvisée, rien n’indiquait au Conseil que des irrégularités dans la procédure de conciliation, autres que la saisine du comité incompétent, n’étaient pas susceptibles de justifier l’adoption d’une nouvelle décision analogue. Il convient de souligner, à cet égard, que, dans le cadre de la vérification du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective des parties requérantes, le Conseil ne peut se fonder seulement sur les assurances données par les autorités compétentes que ces droits ont été respectés ou le seront, mais doit procéder à une évaluation impartiale et objective du respect de ces droits (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2020, Saleh Thabet e.a./Conseil, C‑72/19 P et C‑145/19 P, non publié, EU:C:2020:992, points 44 et 59).

136    Il s’ensuit que, en considérant que le droit à une protection juridictionnelle effective des premier, deuxième et sixième requérants avait été respecté en l’espèce, au motif que ces personnes disposaient d’une voie de recours contre la décision du procureur général de ne pas transmettre leur demande de conciliation à la Cour de cassation, en saisissant le NCRAA d’une nouvelle demande, le Conseil a commis une erreur d’appréciation, qui reflète une vérification insuffisante du respect dudit droit.

137    Dès lors, sans qu’il soit besoin d’examiner plus avant les autres arguments des requérants relatifs à cette affaire, il y a lieu de conclure que leur premier grief est fondé.

–       Sur l’affaire no 53 de 2013

138    Dans cette affaire, les requérants invoquent, en substance, deux griefs.

139    Le premier grief est tiré de la violation de leur droit à être jugé dans un délai raisonnable, en ce que, dans cette affaire, l’enquête durerait, sans justification, depuis plus de six ans et en ce que les requérants n’auraient pas été auditionnés durant cette période.

140    Le second grief est tiré de la violation de leur droit d’accès au dossier, garanti par le droit égyptien, en ce que le procureur général refuserait de leur transmettre des copies des procès-verbaux des mesures d’instruction adoptées depuis le mois de février 2017.

141    À cet égard, à titre liminaire, il convient de préciser que, dans cette affaire, il est reproché aux requérants d’avoir reçu illégalement des cadeaux luxueux de la part du journal détenu par l’État égyptien, Dar El Tahrir, en gage de loyauté.

142    En premier lieu, il convient de souligner que le SEAE a relevé, dans sa demande d’informations aux autorités égyptiennes que, d’une part, dans leur mémorandum du 10 novembre 2018, ces autorités avaient indiqué que les requérants avaient remboursé le montant des cadeaux allégués et, d’autre part, dans leur mémorandum du 10 janvier 2019, elles avaient indiqué que l’enquête était toujours en cours en ce qui concerne d’autres défendeurs, mais que l’affaire serait probablement classée en ce qui concerne les requérants, compte tenu du remboursement desdits cadeaux. Sur la base de ces éléments, le SEAE a demandé aux autorités égyptiennes pourquoi cette affaire n’avait pas encore été classée en ce qui concerne les requérants et quand elles pensaient qu’elle le serait. Dans un second courrier, le SEAE a également demandé aux autorités égyptiennes quand avait eu lieu l’interrogatoire des requérants, mentionné dans la note du 2 janvier 2016, et comment leurs droits de la défense avaient été respectés, et notamment s’ils avaient bénéficié de l’assistance d’un avocat.

143    En deuxième lieu, il convient de noter que, dans leur mémorandum du 9 février 2019, les autorités égyptiennes ont indiqué que la détermination des responsabilités des différentes personnes impliquées dans cette affaire devrait être opérée à la fin seulement de l’enquête, qui était toujours en cours en ce qui concerne d’autres défendeurs, mais que, compte tenu du paiement par les requérants de la valeur des cadeaux, l’affaire pourrait être clôturée en ce qui les concerne et que les résultats de l’enquête devraient être révélés très bientôt. Dans leur mémorandum du 26 février 2019, elles ont ajouté que, selon leurs informations, le premier requérant avait été interrogé le 24 mars 2013 et que, à cette occasion, il avait été informé de l’identité du procureur de l’affaire pour laquelle il était interrogé et des accusations portées contre lui, et ce en présence de son avocat.

144    En troisième lieu, il convient de rappeler, ainsi qu’il a été relevé aux points 107 et 108 ci-dessus, que plus la durée des procédures judiciaires servant de base factuelle à une mesure restrictive augmente, plus la vérification du droit à être jugé dans un délai raisonnable, qui est une composante du droit à une protection juridictionnelle effective, peut s’avérer nécessaire pour le Conseil avant de décider s’il y a lieu ou non de proroger cette mesure. En outre, compte tenu de la nature conservatoire de ces mesures, il appartient au Conseil d’éviter sa prolongation inutile en raison de procédures judiciaires indéfiniment laissées ouvertes sans justification.

145    Or, il y a lieu de constater, en l’espèce, à l’instar des requérantes, que, premièrement, l’enquête dans cette affaire durait depuis plus de six ans à la date de l’adoption des actes de 2019. Deuxièmement, ainsi qu’il ressort du résumé des faits fournis par les autorités égyptiennes, cette affaire ne semblait pas présenter une complexité particulière. Troisièmement, la procédure a connu des retards répétés, en raison de la non-présentation, à plusieurs reprises, à son interrogatoire, du témoin principal dans cette affaire, un membre de l’organisme gouvernemental de lutte contre la corruption. Quatrièmement, à la suite du remboursement par les requérants en février 2017 du montant des cadeaux allégués, la procédure n’a connu aucune évolution apparente. Il convient également de souligner sur ce point que, en réponse aux questions du SEAE, les autorités égyptiennes se sont bornées à indiquer que les investigations concernant d’autres défendeurs étaient en cours sans fournir plus de précisions. Cinquièmement, il ne ressort pas des explications des autorités égyptiennes dans leur mémorandum du 26 février 2019 que les requérants, en dehors du premier requérant, aient été auditionnés dans cette affaire, bien que celle-ci soit toujours en cours depuis six ans.

146    Il résulte de ce qui précède que la question de savoir pourquoi l’affaire n’avait toujours pas été classée en ce qui concerne les requérants, alors que les autorités égyptiennes avaient elles-mêmes indiqué que le remboursement du montant des cadeaux allégués était susceptible de conduire à un tel classement en leur faveur, interroge. À cet égard, le seul fait que l’enquête devait se poursuivre en ce qui concerne les autres défendeurs pouvait difficilement justifier un délai d’environ trois ans après les conclusions du rapport d’expert et d’environ deux ans après le remboursement susmentionné. En particulier, il n’est pas évident de comprendre pourquoi la nécessité de poursuivre cette enquête pour ces défendeurs faisait obstacle à un classement de l’affaire pour les requérants. En tout état de cause, compte tenu de l’absence de complexité particulière de cette affaire, un délai de six ans pour une procédure toujours au stade de l’enquête pénale, sans que tous les requérantes aient été interrogées et sans que l’affaire ait été encore renvoyée devant la juridiction compétente pour qu’elle statue, aurait dû légitimement susciter des doutes dans l’esprit du Conseil.

147    Or, en considérant, dans la seconde sous-partie de la partie B des annexes litigieuses, que cette affaire était toujours en cours et que le Conseil n’avait trouvé aucun élément indiquant que les droits de la défense des requérants ou leur droit à une protection juridictionnelle effective n’avaient pas été respectés, cette institution a nécessairement estimé que les réponses des autorités égyptiennes à ses questions, notamment en ce qui concerne l’absence de clôture de l’enquête, étaient satisfaisantes. Or, ainsi qu’il résulte des points 145 à 146 ci-dessus, une telle appréciation est erronée, dès lors que les circonstances de ladite affaire soulevaient des interrogations légitimes en ce qui concerne le droit à être jugé dans un délai raisonnable. Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner le second grief des requérants, il y a lieu de relever que le premier grief est fondé.

148    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que, avant l’adoption des actes de 2019, le Conseil n’a pas procédé à des vérifications suffisantes du droit à une protection juridictionnelle effective des requérants dans les trois procédures pénales sur lesquelles il s’était fondé pour maintenir leur nom sur les listes litigieuses, soit parce que ces vérifications étaient incomplètes, soit parce que les conclusions qu’il en a tirées étaient erronées.

149    Il y a donc lieu d’accueillir la présente branche en tant qu’elle vient au soutien des conclusions des requérants visant à l’annulation des actes de 2019.

150    Certes, les requérants n’ont pas présenté d’argumentation spécifique concernant le caractère insuffisant des vérifications par le Conseil, du respect de leurs droits de la défense et de leur droit à une protection juridictionnelle effective dans le cadre de l’ordonnance de gel de leurs avoirs, édictée par le procureur général.

151    Toutefois, ainsi que le suggèrent les considérations du Conseil en ce qui concerne la « décision de gel », reproduites au point 92 ci-dessus, et comme le confirment les explications des autorités égyptiennes dans leur mémorandum du 27 novembre 2017, ladite décision a été prise sur le fondement des procédures pénales impliquant les requérants ou, en ce qui concerne les troisième, quatrième et cinquième requérantes, sur le fondement des procédures pénales impliquant leurs époux. Or, dans la mesure où, ainsi qu’il a été conclu au point 148 ci-dessus, le Conseil n’a pas procédé à une vérification suffisante du droit à une protection juridictionnelle effective des requérants pour l’ensemble des procédures pénales sur lesquelles il s’est fondé, par suite, il ne saurait s’appuyer sur une décision de gel d’avoirs qui repose sur l’existence desdites procédures pour maintenir les requérants sur les listes litigieuses.

152    En ce qui concerne plus particulièrement la cinquième requérante, il a été relevé au point 98 ci-dessus qu’elle a été maintenue sur ces listes en tant que personne associée au sixième requérant et que, par voie de conséquence, c’est au regard des mentions relatives au respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective de cette dernière personne qu’il convenait d’examiner le présent moyen, en tant qu’il la concerne. Or, il a été constaté aux points 114 à 147 ci-dessus que, dans les deux affaires impliquant le sixième requérant, sur lesquelles le Conseil s’était fondé, à savoir l’affaire no 8897 de 2013 et l’affaire no 53 de 2013, la vérification du respect de ses droits n’était pas suffisante. La cinquième requérante invoquant spécifiquement ces insuffisances, en ce qui concerne les droits fondamentaux de son époux, dans le cadre de son deuxième moyen, la décision de la maintenir sur les listes litigieuses en tant que personne associée à celui-ci doit donc être annulée pour ce motif.

 Sur la troisième branche, relative au caractère insuffisant des vérifications du Conseil avant l’adoption des actes de 2020 

153    Les requérants invoquent, en substance, une argumentation et des éléments de preuve analogues à ceux exposés dans le cadre de leur premier mémoire en adaptation, s’agissant des cinq premiers requérants, et dans le cadre de sa requête, s’agissant du sixième requérant.

154    Il en va de même du Conseil dans ses écritures qui renvoie à ses observations et arguments formulés sur les actes de 2019.

155    À titre liminaire, il convient de relever que, pour maintenir le nom des requérants sur les listes litigieuses, le Conseil s’est fondé sur les affaires no 10427 de 2012 et no 8897 de 2013. Les mentions relatives à l’affaire no 53 de 2013 ont été supprimées de ces listes.

156    En particulier, en ce qui concerne, tout d’abord, l’affaire no 10427 de 2012, le Conseil a ajouté l’information selon laquelle, d’une part, la nouvelle formation de la Cour pénale du Caire, devant laquelle l’affaire avait été renvoyée en 2018, avait procédé à son réexamen et avait acquitté les deux premiers requérants le 22 février 2020, et, d’autre part, cette décision n’étant pas définitive, elle pouvait encore faire l’objet d’un pourvoi du ministère public.

157    Ensuite, en ce qui concerne l’affaire no 8897 de 2013, le Conseil a ajouté l’information selon laquelle, d’une part, le montant de l’amende avait été recouvré en mars 2019 et, d’autre part, le montant de la restitution était en cours de recouvrement grâce à des demandes d’entraide judiciaire adressées par les autorités égyptiennes à deux pays tiers.

158    Enfin, le Conseil a ajouté une mention relative à la cinquième requérante, qui reprend, mutatis mutandis, les considérations concernant la « décision de gel » du premier requérant, reproduites au point 92 ci-dessus.

159    À cet égard, en premier lieu, il convient de constater, à l’instar des requérants, que ces modifications ne sont pas de nature à corriger les insuffisances des actes de 2019 constatées au point 148 ci-dessus.

160    En effet, s’agissant, tout d’abord, de l’affaire no 10427 de 2012, il n’apparait pas que le Conseil a procédé, avant l’adoption des actes de 2020, à une vérification du respect du droit des deux premiers requérants à être jugé dans un délai raisonnable. La mention complémentaire selon laquelle la décision d’acquittement prononcée en leur faveur n’était pas définitive et était susceptible de faire l’objet d’un pourvoi indique clairement que cette décision ne constitue pas la décision finale statuant sur leur responsabilité, de sorte que les retards constatés aux points 110 à 112 ci-dessus étaient toujours susceptibles d’affecter leur droit à être jugé dans un délai raisonnable.

161    Ensuite, s’agissant de l’affaire no 8897 de 2013, il y a lieu de relever que le Conseil n’a pas supprimé la mention concernant la possibilité, pour les premier, deuxième et sixième requérants, de s’adresser au NCRAA, à la suite du refus du procureur général de transmettre leur demande de conciliation à la Cour de cassation, si bien que l’erreur d’appréciation constatée au point 136 ci-dessus est toujours présente.

162    Enfin, s’agissant de la mention concernant la cinquième requérante, il y a lieu de relever que cette mention se rapporte mutatis mutandis à la « décision de gel » reproduite au point 92 ci-dessus et que, par conséquent, pour les motifs exposés au point 151 ci-dessus, l’absence de contestation de cette mention dans le cadre de son second mémoire en adaptation ne saurait avoir d’incidence sur le bien-fondé du deuxième moyen en ce qui la concerne, dès lors qu’elle a dûment contesté, dans ses deux mémoires en adaptation, les mentions relatives au sixième requérant.

163    En second lieu, il convient de constater que les arguments du Conseil dans ses observations sur le mémoire en adaptation ne sont pas de nature à remettre en cause la constatation énoncée au point 159 ci-dessus.

164    En effet, premièrement, le fait que, dans l’arrêt du 3 décembre 2020, Saleh Thabet e.a./Conseil (C‑72/19 P et C‑145/19 P, non publié, EU:C:2020:992), la Cour ne s’est pas prononcée sur les appréciations portées par le Tribunal dans l’arrêt du 22 novembre 2018, Saleh Thabet e.a./Conseil (T‑274/16 et T‑275/16, non publié, EU:T:2018:826), concernant le respect des droits fondamentaux des requérants, est dépourvu d’incidence en l’espèce. En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 31 ci-dessus, la Cour a annulé, dans son intégralité, cet arrêt du Tribunal. Par voie de conséquence, même s’ils n’ont pas été remis en cause par la Cour, les motifs constituant le support nécessaire de cet arrêt, par lesquels le Tribunal a considéré que les requérants n’avaient pas démontré que leurs droits fondamentaux avaient été violés par les autorités égyptiennes, sont dénués de toute portée à la suite de cette annulation et ne sauraient servir de fondement aux appréciations que le Conseil a portées en ce qui concerne ces droits lors de l’adoption des actes en cause.

165    En tout état de cause, d’une part, contrairement à ce que le Conseil soutient, les motifs de l’arrêt du 22 novembre 2018, Saleh Thabet e.a./Conseil (T‑274/16 et T‑275/16, non publié, EU:T:2018:826), par lesquels le Tribunal a considéré que les requérants n’avaient pas démontré que leurs droits fondamentaux avaient été violés par les autorités égyptiennes, ont été affectés par l’arrêt du 3 décembre 2020, Saleh Thabet e.a./Conseil (C‑72/19 P et C‑145/19 P, non publié, EU:C:2020:992), même si la Cour ne s’est pas expressément prononcée sur ces motifs. En effet, ces motifs reposaient sur la prémisse qu’il appartenait aux requérants de produire devant le Conseil des éléments objectifs, fiables, précis et concordants de nature à susciter des interrogations légitimes concernant le respect de ces droits. Or, la Cour a considéré, au point 47 de cet arrêt, que cette prémisse était erronée. Par voie de conséquence, le Conseil, à qui il appartient de procéder, par lui-même, à la vérification de ces droits, ne saurait s’appuyer sur le rejet, par le Tribunal, des éléments que les requérants avaient produits devant lui.

166    D’autre part, le rejet du Tribunal était fondé sur les éléments produits par ces derniers avant l’adoption des décisions 2016/411 et 2017/496 et sur les arguments que les requérants avaient énoncés devant le Tribunal au soutien de leur moyen tiré de la violation par le Conseil de son obligation de vérifier le respect de leurs droits fondamentaux. Ces éléments de preuve et ces arguments sont donc dénués de toute portée dans le cadre du présent litige, dès lors qu’il appartient au Tribunal de se prononcer sur le respect de cette obligation au regard des arguments présentés dans le cadre de la requête et des mémoires en adaptation et, le cas échéant, à la lumière des éléments de preuve soumis par les requérants au Conseil avant l’adoption des actes de 2018, 2019 et 2020.

167    Deuxièmement, les arguments du Conseil visant à écarter les allégations des requérants concernant l’instrumentalisation des procédures pénales les visant et la valeur probante du rapport de la commission internationale de juristes, sont également dénués d’incidence en l’espèce. En effet, ainsi qu’il résulte des points 100 à 162 ci-dessus, il a été constaté que les vérifications auxquelles le Conseil a procédé en ce qui concerne le droit à une protection juridictionnelle effective des requérants avant l’adoption des actes de 2019 et de 2020 sont insuffisantes, indépendamment du bien-fondé de ces allégations et de la pertinence du rapport précité.

168    Troisièmement, l’argument du Conseil selon lequel il ne disposerait pas des moyens pour procéder à un contrôle complet de tous les aspects des procédures pénales en cause est non fondé. En effet, il suffit de relever que le Conseil était en mesure de se fonder sur les éléments transmis par les autorités égyptiennes en réponse à ses questions, ainsi que sur les nombreux éléments transmis par les requérants, pour autant que ceux-ci constituaient des éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés, résultant des décisions administratives et judiciaires égyptiennes pertinentes, des dispositions de droit national applicables et des différents rapports et documents en lien avec les procédures en cause produits par ces autorités ou par ces personnes.

169    En outre, le cas échéant, le Conseil est susceptible de compléter ces éléments par des éléments issus de rapports et d’autres documents établis par les autres institutions et services de l’Union, notamment le SEAE, par les autorités des États membres, par des organisations internationales ou des organisations non gouvernementales (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 2 avril 2020, Ruska Federacija, C‑897/19 PPU, EU:C:2020:262, point 65 et jurisprudence citée). Au demeurant, il convient de rappeler que c’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121).

170    Quatrièmement, contrairement à ce que soutient le Conseil, il ne saurait être déduit des points 20 et 32 à 34 de l’arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE (C‑599/14 P, EU:C:2017:583), et du point 87 de l’arrêt du 28 octobre 2020, Ben Ali/Conseil (T‑151/18, EU:T:2020:514), que le Conseil serait tenu de faire preuve d’une certaine retenue dans les vérifications concernant le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective de personnes visées par des mesures restrictives dans le cadre des procédures pénales engagées par un pays tiers, sur lesquelles ces mesures sont fondées.

171    En effet, dans les points 20 et 32 à 34 de l’arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE (C‑599/14 P, EU:C:2017:583), que le Tribunal rappelle, en substance, au point 87 de l’arrêt du 28 octobre 2020, Ben Ali/Conseil (T‑151/18, EU:T:2020:514), la Cour répondait à un argument du Conseil, selon lequel, dans la mesure où l’État tiers pourrait considérer qu’un commentaire, dans les exposés des motifs d’actes édictant des mesures restrictives, relatif à son respect, ou non, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, constituait une ingérence dans ses affaires intérieures, la motivation exigée par le Tribunal empêcherait le Conseil de s’appuyer sur des décisions d’États tiers. À cet égard, la Cour a considéré, d’une part, au point 33 de cet arrêt, que cette motivation pouvait être succincte et, d’autre part, au point 34 dudit arrêt, que, le Conseil ne pouvant se fonder que sur une décision d’un État tiers qui respecte les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective, une telle motivation ne saurait constituer une ingérence dans les affaires intérieures de l’État tiers concerné.

172    Par conséquent, d’une part, les considérations de la Cour rappelées au point précédent n’étaient pas relatives au caractère suffisant des vérifications effectuées par le Conseil en ce qui concerne le respect, par l’État tiers concerné, des droits fondamentaux des personnes faisant l’objet de mesures restrictives, mais au caractère suffisant de la motivation des décisions adoptant de telles mesures s’agissant du respect de ces droits. Ainsi, selon la Cour, le risque que cette motivation soit interprétée par ledit État comme une ingérence dans ses affaires intérieures pouvait être évité si cette motivation était succincte.

173    D’autre part, il ressort expressément du point 34 de l’arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE (C‑599/14 P, EU:C:2017:583), que la Cour a considéré que le Conseil ne pouvait pas invoquer le risque d’ingérence dans les affaires intérieures de l’État tiers concerné pour se soustraire à son obligation de procéder à des vérifications du respect, par les autorités de cet État, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective. En effet, selon la Cour, il ne saurait y avoir d’ingérence dans ces affaires intérieures dans le fait, pour le Conseil, de porter des appréciations sur le respect de ces droits, dès lors que, en l’absence de celui-ci, il ne saurait se fonder sur la décision dudit État pour adopter des mesures restrictives à l’égard des personnes en cause.

174    Il convient d’ajouter que cette retenue dans la vérification des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, invoquée par le Conseil, ne saurait reposer, contrairement à ce qu’il soutient, sur les constats opérés par le Tribunal, dans le contexte d’un litige relatif aux mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine. Pour rappel, selon lesdits constats, d’une part, dans le cadre de la coopération régie par les actes attaqués, il n’appartenait pas, en principe, au Conseil d’examiner et d’apprécier lui-même l’exactitude et la pertinence des éléments sur lesquels les autorités ukrainiennes se fondaient pour conduire des procédures pénales visant la partie requérante pour des faits qualifiables de détournement de fonds publics. D’autre part, le Conseil n’était pas, en principe, tenu d’apprécier la conformité des procédures pénales en cause aux règles procédurales applicables selon le droit ukrainien (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2018, Stavytskyi/Conseil, T‑242/16, non publié, EU:T:2018:166, points 91 et 134 et jurisprudence citée).

175    Or, la vérification des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective des requérants n’implique pas que le Conseil se prononce sur le bien-fondé des procédures pénales dont ils font l’objet en Égypte, ni qu’il vérifie la conformité desdites procédures aux règles procédurales découlant du droit égyptien, mais seulement qu’il s’assure que les garanties essentielles relatives à ces droits fondamentaux, tels qu’elles ont été consacrées, notamment par l’article 47 de la Charte et l’article 6 de la CEDH, ont été préservées en ce qui les concerne.

176    Il y a donc lieu d’accueillir la présente branche en tant qu’elle vient au soutien des conclusions des requérants visant à l’annulation des actes de 2020 et, par voie de conséquence, le deuxième moyen des affaires T‑335/18 et T‑338/18 et le premier moyen de l’affaire T‑327/19.

177    Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du recours, il y a lieu d’accueillir celui-ci et d’annuler les actes de 2018, 2019 et 2020, en tant qu’ils ont maintenu le nom des requérants sur les listes litigieuses.

178    Il y a également lieu de rejeter le deuxième chef de conclusions présenté, à titre subsidiaire, par le Conseil, tendant à ce que le Tribunal maintienne les effets de la décision 2018/466 à l’égard des cinq premiers requérants jusqu’à ce que l’annulation partielle du règlement d’exécution 2018/465 soit effective.

179    À cet égard, il convient de rappeler que les arrêts par lesquels le Tribunal annule une décision d’une institution ou d’un organe de l’Union produisent, en principe, un effet immédiat, sauf si, sur le fondement de l’article 264, second alinéa, TFUE, le Tribunal décide de maintenir provisoirement les effets de la décision annulée. Ainsi, en l’absence d’application de ces dispositions, la décision annulée est éliminée rétroactivement de l’ordre juridique et est censée n’avoir jamais existé (voir arrêt du 28 octobre 2020, Ben Ali/Conseil, T‑151/18, EU:T:2020:514, point 164 et jurisprudence citée).

180    Cependant, compte tenu notamment des décisions 2019/468, 2020/418 et 2021/449, la décision 2018/466 ne semble plus produire d’effets actuels, de sorte que cette demande du Conseil est inopérante.

 Sur les dépens

181    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

182    Le Conseil ayant succombé en l’espèce, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions des requérants.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T335/18, T338/18 et T327/19 sont jointes aux fins de l’arrêt.

2)      La décision (PESC) 2018/466 du Conseil, du 21 mars 2018, modifiant la décision 2011/172/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte, la décision (PESC) 2019/468 du Conseil, du 21 mars 2019, modifiant la décision 2011/172/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte et la décision (PESC) 2020/418 du Conseil, du 19 mars 2020, modifiant la décision 2011/172/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte, sont annulées, en tant qu’elles concernent MM. Gamal Mohamed Hosni Elsayed Moubarak et Alaa Mohamed Hosni Elsayed Moubarak ainsi que Mmes Heidy Mohamed Magdy Hussein Rasekh, Khadiga Mahmoud El Gammal et Suzanne Saleh Thabet.

3)      La décision 2019/468 et la décision 2020/418 sont annulées, en tant qu’elles concernent M. Mohamed Hosni Elsayed Moubarak. 

4)      Le règlement d’exécution (UE) 2018/465 du Conseil, du 21 mars 2018, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 270/2011 concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte, le règlement d’exécution (UE) 2019/459 du Conseil, du 21 mars 2019, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 270/2011 concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte et le règlement d’exécution (UE) 2020/416 du Conseil, du 19 mars 2020, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 270/2011 concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte sont annulés, en tant qu’ils concernent MM. Gamal Mohamed Hosni Elsayed Moubarak et Alaa Mohamed Hosni Elsayed Moubarak ainsi que Mmes Heidy Mohamed Magdy Hussein Rasekh, Khadiga Mahmoud El Gammal et Suzanne Saleh Thabet.

5)      Le règlement d’exécution 2019/459 et le règlement d’exécution 2020/416 sont annulés, en tant qu’ils concernent M. Mohamed Hosni Elsayed Moubarak.

6)      Le Conseil de l’Union européenne est condamné à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par MM. Gamal Mohamed Hosni Elsayed Moubarak, Alaa Mohamed Hosni Elsayed Moubarak et Mohamed Hosni Elsayed Moubarak ainsi que Mmes Heidy Mohamed Magdy Hussein Rasekh, Khadiga Mahmoud El Gammal et Suzanne Saleh Thabet.

Costeira

Kancheva

Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 avril 2022.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Faits intervenus postérieurement à l’introduction des recours

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la première branche, relative à l’absence de vérification, par le Conseil, du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective des cinq premiers requérants avant l’adoption des actes de 2018

Sur la deuxième branche, relative au caractère insuffisant des vérifications du Conseil concernant le respect des droits fondamentaux des requérants avant l’adoption des actes de 2019

Sur le contenu et la portée des vérifications effectuées par le Conseil avant l’adoption des actes de 2019

Sur le caractère insuffisant des vérifications du Conseil avant l’adoption des actes de 2019

– Sur l’affaire no 10427 de 2012

– Sur l’affaire no 8897 de 2013

– Sur l’affaire no 53 de 2013

Sur la troisième branche, relative au caractère insuffisant des vérifications du Conseil avant l’adoption des actes de 2020

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.