Language of document : ECLI:EU:T:2010:499

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

7 décembre 2010 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives dans le cadre de la lutte contre le terrorisme – Gel des fonds – Recours en annulation – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Motivation – Recours en indemnité »

Dans l’affaire T‑49/07,

Sofiane Fahas, demeurant à Mielkendorf (Allemagne), représenté par MF. Zillmer, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par M. M. Bishop, Mme E. Finnegan et M. S. Marquardt, puis par MM. Bishop, J.‑P. Hix et Mme Finnegan, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

République italienne, représentée par Mme I. Bruni, en qualité d’agent, assistée de Me G. Albenzio, avvocato dello Stato,

partie intervenante,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation partielle, en dernier lieu, de la décision 2008/583/CE du Conseil, du 15 juillet 2008, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2580/2001, concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant la décision 2007/868/CE (JO L 188, p. 21), dans la mesure où elle concerne le requérant, ainsi que la condamnation du Conseil à ne plus mentionner le nom du requérant dans ses futures décisions, en l’absence d’une décision juridictionnelle définitive, et, d’autre part, une demande d’indemnité,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe et M. S. Soldevila Fragoso (rapporteur), juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 novembre 2009,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Le 28 septembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations unies (ci‑après le « Conseil de sécurité ») a adopté la résolution 1373 (2001) arrêtant des stratégies pour lutter par tous les moyens contre le terrorisme et, en particulier, contre son financement. L’article 1er, sous c), de cette résolution dispose, notamment, que tous les États gèlent sans attendre les fonds et autres avoirs financiers ou ressources économiques des personnes qui commettent, ou tentent de commettre, des actes de terrorisme, les facilitent ou y participent, des entités appartenant à ces personnes ou contrôlées par elles, et des personnes et des entités agissant au nom, ou sur instruction, de ces personnes et entités.

2        Le 27 décembre 2001, considérant qu’une action de la Communauté européenne était nécessaire afin de mettre en œuvre, conformément aux obligations qui incombent à ses États membres au titre de la charte des Nations unies, la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité, le Conseil de l’Union européenne a adopté, en vertu des articles 15 UE et 34 UE, la position commune 2001/930/PESC relative à la lutte contre le terrorisme (JO L 344, p. 90) et la position commune 2001/93l/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (JO L 344, p. 93).

3        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la position commune 2001/931, celle-ci s’applique « aux personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme et dont la liste figure à l’annexe ».

4        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, la liste figurant à l’annexe est établie sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une décision a été prise par une autorité compétente à l’égard des personnes, des groupes et des entités visés, qu’il s’agisse de l’ouverture d’enquêtes ou de poursuites pour un acte terroriste, ou de la tentative de commettre, de la participation à, ou de la facilitation d’un tel acte, fondées sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles, ou qu’il s’agisse d’une condamnation pour de tels faits. Il convient d’entendre par « autorité compétente » une autorité judiciaire ou, si les autorités judiciaires n’ont aucune compétence en la matière, une autorité compétente équivalente dans ce domaine.

5        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, les noms des personnes et des entités reprises sur la liste figurant à l’annexe feront l’objet d’un réexamen à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, afin de s’assurer que leur maintien sur la liste reste justifié.

6        Aux termes des articles 2 et 3 de la position commune 2001/931, la Communauté, agissant dans les limites des pouvoirs que lui confère le traité CE, ordonne le gel des fonds et des autres avoirs financiers ou des ressources économiques des personnes, des groupes et des entités dont la liste figure à l’annexe et veille à ce que des fonds, des avoirs financiers ou des ressources économiques ou des services financiers ne soient pas, directement ou indirectement, mis à leur disposition.

7        Le 27 décembre 2001, considérant qu’un règlement était nécessaire afin de mettre en œuvre au niveau communautaire les mesures décrites dans la position commune 2001/931, le Conseil a adopté, sur la base des articles 60 CE, 301 CE et 308 CE, le règlement (CE) n° 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (JO L 344, p. 70). Il ressort de ce règlement que, sous réserve des dérogations qu’il autorise, tous les fonds détenus par une personne physique ou morale, un groupe ou une entité inclus dans la liste visée par son article 2, paragraphe 3, doivent être gelés. De même, il est interdit de mettre des fonds ou des services financiers à la disposition de ces personnes, groupes ou entités. Le Conseil, statuant à l’unanimité, établit, révise et modifie la liste de personnes, de groupes et d’entités auxquels ledit règlement s’applique, conformément aux dispositions de l’article 1er, paragraphes 4 à 6, de la position commune 2001/931.

8        La liste initiale des personnes, des groupes et des entités auxquels le règlement n° 2580/2001 s’applique a été établie par la décision 2001/927/CE du Conseil, du 27 décembre 2001, établissant la liste prévue à l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 (JO L 344, p. 83).

9        Depuis lors, le Conseil a adopté diverses positions communes et décisions mettant à jour les listes respectivement prévues par la position commune 2001/931 et par le règlement n° 2580/2001.

 Antécédents du litige

10      Le requérant, M. Sofiane Fahas, est un ressortissant algérien qui vit depuis 1990 en République fédérale d’Allemagne et a épousé le 18 septembre 2003 une ressortissante allemande.

11      Le juge d’instruction de Naples (Italie) a délivré un mandat d’arrêt provisoire à l’encontre du requérant le 9 octobre 2000. Dans ledit mandat, le requérant est accusé d’avoir participé à un complot en vue de créer, en Italie, une cellule du groupe « Al‑Takfir et Al‑Hijra » (Al Takfir Wal Hijra), opérant en Algérie depuis 1992 et soutenant des activités terroristes, ainsi que de trafic d’armes et de falsification de documents au profit de groupes terroristes en Algérie. Par ordonnance du 30 mai 2008, le Giudice dell’udienza preliminare del Tribunale di Napoli (juge de l’audience préliminaire du tribunal de Naples) a renvoyé le requérant devant la formation de jugement de ce même tribunal, au titre de quatre infractions pénales, dont trois infractions en lien avec l’organisation terroriste susmentionnée.

12      Par la position commune 2002/976/PESC, du 12 décembre 2002, mettant à jour la position commune 2001/931 et abrogeant la position commune 2002/847/PESC (JO L 337, p. 93), le Conseil a mis à jour la liste des personnes, des groupes et des entités auxquels s’applique la position commune 2001/931. Le point 1 de l’annexe de la position commune 2002/976 mentionne pour la première fois le nom du requérant, qui est indiqué comme suit :

« FAHAS, Sofiane Yacine, né le 10.9.1971 à Alger (Algérie) (membre d’al-Takfir et d’al-Hijra). »

13      Depuis le 12 décembre 2002, de nombreuses décisions se sont succédé incluant le nom du requérant dans la liste prévue à l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 (ci-après la « liste litigieuse ») et entraînant, notamment, le gel de ses fonds. Il convient de présenter celles qui ont fait l’objet de développements par les parties au présent litige.

14      Le 12 décembre 2002, le Conseil a adopté la décision 2002/974/CE, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et abrogeant la décision 2002/848/CE (JO L 337, p. 85). Par l’article 1er de la décision 2002/974, le nom du requérant figure sur la liste litigieuse.

15      Le 2 avril 2004, le Conseil a adopté la position commune 2004/309/PESC, mettant à jour la position commune 2001/931 et abrogeant la position commune 2003/906/PESC (JO L 99, p. 61). Le nom du requérant figure sur la liste annexée. Le même jour, le Conseil a adopté la décision 2004/306/CE, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et abrogeant la décision 2003/902/CE (JO L 99, p. 28).

16      Par la décision 2006/379/CE, du 29 mai 2006, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et abrogeant la décision 2005/930/CE (JO L 144, p. 21), le nom du requérant continue de figurer sur la liste litigieuse.

17      Dans la décision 2006/1008/CE, du 21 décembre 2006, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement nº 2580/2001 (JO L 379, p. 123, rectificatif JO 2007, L 150, p. 16), le Conseil a constaté qu’un certain nombre d’autres personnes, groupes et entités devraient être ajoutés à la liste litigieuse établie par la décision 2006/379, sans que celle-ci soit abrogée. Le nom du requérant n’est pas mentionné dans la décision 2006/1008.

18      Par la décision 2008/583/CE du Conseil, du 15 juillet 2008, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et abrogeant la décision 2007/868/CE (JO L 188, p. 21, ci-après la « décision attaquée »), le nom du requérant continue de figurer sur la liste litigieuse.

 Procédure et conclusions des parties

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 février 2007, le requérant a introduit le présent recours.

20      Le recours était initialement dirigé contre la décision 2002/848 et toutes les décisions adoptées depuis, y compris la décision 2006/1008.

21      Le requérant a procédé, le 30 mars 2007, à la régularisation des vices dont était entachée la requête en visant exclusivement la décision 2006/1008.

22      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 20 juin 2007, le Conseil a soulevé, au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, une exception d’irrecevabilité. Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 22 septembre 2008, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond.

23      Le 1er octobre 2008, le Tribunal a demandé au requérant, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, si ce dernier souhaitait procéder à une adaptation de ses conclusions et moyens, compte tenu de l’adoption de la décision attaquée. Le 17 octobre 2008, le requérant a adapté ses conclusions afin de diriger son recours exclusivement contre la décision attaquée.

24      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 2 avril 2009, la République italienne a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil. Par ordonnance du 14 mai 2009, les parties entendues, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis cette intervention en application de l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure.

25      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, dans la mesure où celle-ci le concerne, et déclarer qu’elle lui est inapplicable ;

–        condamner le Conseil à ne pas le mentionner dans les futures décisions de celui-ci mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 qui feront suite à la décision attaquée, tant qu’il n’a pas été constaté par une décision juridictionnelle devenue définitive qu’il est membre d’« Al‑Takfir » et d’« Al‑Hijra » ou qu’il soutient d’une autre façon le terrorisme ;

–        condamner le Conseil à lui verser une indemnité, destinée à compenser le préjudice subi, qui ne devrait pas être inférieure à 2 000 euros ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

26      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande du requérant visant à annuler la décision attaquée comme dénuée de fondement ;

–        rejeter la demande d’indemnité du requérant comme irrecevable ou, en tout état de cause, comme dénuée de fondement ;

–        rejeter la demande d’injonction présentée par le requérant comme irrecevable ;

–        condamner le requérant aux dépens.

27      La République italienne soutient les conclusions du Conseil.

 En droit

1.     Sur la demande en annulation de la décision attaquée

 Sur la recevabilité

 Sur la demande d’injonction

28      Le Conseil excipe de l’irrecevabilité de la demande du requérant consistant, en substance, à lui enjoindre de ne pas inscrire son nom dans de futures listes tant qu’une décision juridictionnelle définitive constatant qu’il soutient le terrorisme n’aura pas été prise.

29      Cette demande doit être interprétée comme une demande d’injonction au Conseil. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d’un recours fondé sur l’article 230 CE, le Tribunal n’est pas compétent pour adresser des injonctions aux institutions (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 29 novembre 1993, Koelman/Commission, T‑56/92, Rec. p. II‑1267, point 18, et arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T‑374/94, T‑375/94, T‑384/94 et T‑388/94, Rec. p. II‑3141, point 53).

30      Il convient dès lors de rejeter la demande d’injonction au Conseil comme étant irrecevable.

 Sur la qualité du requérant pour agir contre la décision initialement attaquée

–       Arguments des parties

31      Le Conseil estime que le recours est irrecevable en ce qu’il concerne la demande d’annulation de la décision 2006/1008, le requérant n’étant pas individuellement concerné par celle-ci, son nom ne figurant pas à l’annexe. Le Conseil considère que la décision 2006/1008 n’abroge pas la décision 2006/379, mais ne fait qu’ajouter des noms à la liste établie par cette dernière décision qui reste en vigueur. Selon le Conseil, l’adaptation des conclusions ne saurait avoir une incidence sur le caractère irrecevable du recours initial.

32      Le requérant affirme que le recours formé contre la décision 2006/1008 est recevable, celle-ci le concernant individuellement malgré l’absence de mention explicite de son nom. Le requérant considère la décision 2006/1008 comme une extension de la liste figurant à l’annexe de la décision 2006/379.

–       Appréciation du Tribunal

33      Le Conseil excipe de l’irrecevabilité du recours formé contre la décision 2006/1008, au motif que le requérant n’y est pas mentionné. Il doit, en effet, être constaté que la décision 2006/1008 ne mentionne pas explicitement le nom du requérant. Il convient donc d’examiner si celui‑ci est directement et individuellement concerné par cette décision. À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un sujet autre que le destinataire d’un acte ne saurait prétendre être concerné individuellement, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, que si cet acte l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui le caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le serait le destinataire (arrêt de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, p. 223).

34      Au préalable, il y a lieu de relever que la décision 2006/1008 ne procède pas à l’abrogation de la décision 2006/379, mais procède à un ajout de certains noms et entités à la liste établie par cette dernière décision.

35      L’appréciation de la recevabilité du recours formé à l’encontre de la décision 2006/1008 doit être opérée à la lumière de deux principales considérations. Premièrement, le Conseil a l’obligation de procéder à un réexamen de la liste litigieuse au moins une fois par semestre conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et à l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931. Deuxièmement, il ressort du considérant 2 de la décision 2006/1008 que celle-ci complète la liste établie par la décision 2006/379, sans procéder à son abrogation. Cela constitue une manifestation de la volonté du Conseil de maintenir le requérant sur la liste litigieuse ayant pour conséquence le maintien du gel de ses fonds. Ce dernier ayant été visé par la décision 2006/379, il doit par conséquent être considéré comme étant également directement et individuellement concerné par la décision 2006/1008.

36      Il résulte de ce qui précède que l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil doit être rejetée et que le recours doit être considéré comme recevable en ce qu’il vise la décision 2006/1008, conformément à la jurisprudence Othman (arrêt du Tribunal du 11 juin 2009, Othman/Conseil et Commission, T‑318/01, Rec. p. II‑1627, point 53). Il y a lieu de considérer que la demande d’adaptation des conclusions du 17 octobre 2008 est donc également recevable et que le présent recours porte sur la légalité de la décision attaquée, ce que les parties s’accordent à reconnaître, ainsi qu’il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

 Sur le fond

37      Il convient de regrouper les griefs du requérant en deux moyens, à savoir, premièrement, un moyen tiré de la violation de ses droits fondamentaux et de l’obligation de motivation et, deuxièmement, un moyen tiré de l’existence d’une erreur d’appréciation et d’un détournement de pouvoir commis par le Conseil.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits fondamentaux et de l’obligation de motivation

–       Arguments des parties

38       Le requérant considère que la garantie des droits de la défense vise à assurer le bon exercice du droit à une protection juridictionnelle effective. Le règlement n° 2580/2001 et la position commune 2001/931, à laquelle renvoie ledit règlement, ne prévoiraient pas de procédure pour la communication de la décision attaquée et des éléments à charge qui ont conduit à mentionner le requérant dans la liste litigieuse. Ce règlement ne prévoirait pas davantage d’audition préalable ou postérieure de l’intéressé qui pourrait aboutir à rayer son nom de la liste litigieuse. Selon le requérant, il n’a donc à aucun moment été en mesure de présenter sa défense s’agissant de la mention de son nom sur la liste litigieuse. Le requérant considère que, en imposant un gel de ses fonds, la décision attaquée lui a infligé des sanctions économiques et financières. En vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, les droits de la défense constitueraient un principe fondamental du droit communautaire qui doit être garanti à tout moment.

39      La résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité ne déterminerait aucune procédure permettant de contester les mesures de gel de fonds. Il reviendrait aux États membres de l’Organisation des Nations unies d’identifier concrètement quels sont les personnes, groupes et entités dont les fonds doivent être gelés en application de cette résolution. Dès lors qu’une appréciation discrétionnaire de la Communauté est nécessaire, le respect des droits de la défense des intéressés s’imposerait en principe aux institutions communautaires (arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, ci-après l’« arrêt OMPI », points 101 et suivants).

40      Au surplus, l’adoption d’une décision mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 violerait le droit du requérant à une protection juridictionnelle effective des droits qu’il tire de l’ordre juridique communautaire. Les raisons concrètes justifiant la mention de son nom dans la liste litigieuse ne lui auraient pas été communiquées, l’empêchant ainsi de mener utilement son recours devant le Tribunal.

41      Le requérant invoque l’article 253 CE, qui imposerait au Conseil de motiver les actes qu’il adopte. La décision attaquée ne serait pas motivée. En vertu d’une jurisprudence constante, l’obligation de motiver les actes faisant grief viserait à fournir une information suffisante à l’intéressé. Ce dernier devrait pouvoir discerner si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d’un vice. C’est la seule manière pour l’intéressé de vérifier s’il peut en contester la validité devant le juge communautaire et, pour ce dernier, d’exercer son contrôle de légalité (arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C‑199/99 P, Rec. p. I‑11177, point 145). De plus, l’acte faisant grief n’aurait pas été notifié au requérant. Enfin, celui-ci considère que la référence faite par le Conseil à la procédure d’instruction ouverte à son égard en Italie ne constitue pas une motivation suffisante.

42      À titre conservatoire, le requérant affirme que la mention de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et de l’article 1er, paragraphes 4 et 6, de la position commune 2001/931 ne constitue pas une motivation suffisante de la décision attaquée.

43      Dans sa réponse à une question écrite posée par le Tribunal, le requérant invoque une violation des principes généraux du droit communautaire qui découlerait du droit à un procès équitable, du droit à un tribunal impartial, du principe de la présomption d’innocence et du droit de propriété, tels que protégés par la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), sans autre développement. Enfin, dans la réplique, le requérant invoque le fait qu’il lui est interdit de travailler.

44      Le Conseil, soutenu par l’intervenante, conteste l’ensemble des arguments soulevés par le requérant à l’appui du premier moyen.

–       Appréciation du Tribunal

45      Selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge communautaire assure le respect. À cet effet, la Cour et le Tribunal s’inspirent des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l’homme auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré. La CEDH revêt, à cet égard, une signification particulière (voir arrêt de la Cour du 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a., C‑305/05, Rec. p. I‑5305, point 29, et la jurisprudence citée).

46      Il ressort également de la jurisprudence que le respect des droits de l’homme constitue une condition de la légalité des actes communautaires (avis de la Cour du 28 mars 1996, 2/94, Rec. p. I‑1759, point 34) et que ne sauraient être admises dans la Communauté des mesures incompatibles avec le respect de ceux-ci (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2003, Schmidberger, C‑112/00, Rec. p. I‑5659, point 73, et la jurisprudence citée).

47      S’agissant du respect des droits de la défense, selon une jurisprudence constante, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci, le respect des droits de la défense constitue un principe fondamental du droit communautaire et doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause. Ce principe exige que toute personne qui peut se voir infliger une sanction soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge pour fonder la sanction (voir arrêt OMPI, point 91, et la jurisprudence citée).

48      Dans le contexte d’une décision de gel de fonds, le principe général de respect des droits de la défense exige, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de la Communauté ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’y opposent, que les éléments à charge soient communiqués à l’intéressé, dans toute la mesure du possible, soit concomitamment à, soit aussitôt que possible après, l’adoption d’une décision initiale de gel des fonds. Sous les mêmes réserves, toute décision subséquente de gel des fonds doit en principe être précédée d’une communication des nouveaux éléments à charge et d’une audition (arrêt OMPI, point 137).

49      En l’espèce, un exposé des motifs a été envoyé par le Conseil au requérant le 3 janvier 2008 à la suite de l’adoption de la décision 2007/868/CE du Conseil, du 20 décembre 2007, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001, et abrogeant la décision 2007/445/CE (JO L 340, p. 100), dont le texte était identique à celui des décisions antérieures mentionnant son nom. Le requérant a formulé des observations dans une lettre du 14 mars 2008. Le Conseil a procédé à un examen de son contenu avant de décider de maintenir le nom du requérant, par la décision attaquée, sur la liste litigieuse. Dans la lettre envoyée au requérant le 15 juillet 2008, qui incluait à la fois la décision attaquée et un exposé des motifs identique à celui des décisions antérieures mentionnant son nom, le Conseil a indiqué que, après avoir examiné la lettre du requérant du 14 mars 2008, il considérait qu’il n’y avait, dans le dossier, aucun élément nouveau justifiant une modification de sa position et que la motivation communiquée antérieurement au requérant restait valable. Il en résulte que, pour ce qui concerne le droit d’être entendu, le Conseil a donné au requérant l’occasion de formuler des observations concernant l’exposé des motifs.

50      Il découle de ce qui précède que le grief tiré d’une violation des droits de la défense du requérant, et notamment de son droit à être entendu, doit être rejeté.

51      En ce qui concerne la violation de l’obligation de motivation invoquée par le requérant, ladite obligation constitue le corollaire du principe de respect des droits de la défense. Il convient de rappeler, à cet égard, que l’obligation de motiver un acte faisant grief a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge communautaire et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (arrêts de la Cour Corus UK/Commission, précité, point 145, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 462).

52      L’objet de la garantie afférente à l’obligation de motivation, dans le contexte de l’adoption d’une décision de gel des fonds au titre de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001, ainsi que les limitations de cette garantie qui peuvent être légitimement imposées aux intéressés, dans un tel contexte, ont été définis par le Tribunal dans son arrêt OMPI (points 138 à 151).

53      Il découle, en particulier, des points 143 à 146 et 151 de l’arrêt OMPI que tant la motivation d’une décision initiale de gel des fonds que la motivation des décisions subséquentes doivent porter non seulement sur les conditions légales d’application du règlement n° 2580/2001, en particulier l’existence d’une décision nationale prise par une autorité compétente, mais également sur les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une mesure de gel des fonds.

54      Par ailleurs, il ressort tant du point 145 de l’arrêt OMPI que de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, auquel renvoie également l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001, que, si les décisions subséquentes de gel des fonds doivent être précédées d’un « réexamen » de la situation de l’intéressé, c’est afin de s’assurer que son maintien dans la liste litigieuse « reste justifié », le cas échéant sur la base de nouveaux éléments d’information ou de preuve.

55      À cet égard, le Tribunal a cependant précisé que, lorsque les motifs d’une décision subséquente de gel des fonds sont essentiellement les mêmes que ceux déjà invoqués à l’occasion d’une précédente décision, une simple déclaration à cet effet peut suffire, en particulier lorsque l’intéressé est un groupe ou une entité (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2009, Sison/Conseil, T‑341/07, non encore publié au Recueil, point 62, et la jurisprudence citée).

56      En l’espèce, il ressort de l’exposé des motifs accompagnant la lettre de notification de la décision attaquée que l’inscription du nom du requérant sur la liste litigieuse est fondée sur le fait que le juge d’instruction de Naples a délivré un mandat d’arrêt provisoire à son égard le 9 octobre 2000. Le requérant est accusé d’avoir participé à un complot en vue de créer, en Italie, une cellule du groupe « Al‑Takfir et Al‑Hijra » (Al Takfir Wal Hijra), opérant en Algérie depuis 1992 et soutenant des activités terroristes, ainsi que de trafic d’armes et de falsification de documents au profit de groupes terroristes en Algérie. Cette enquête judiciaire italienne était en cours, ce qui justifiait l’inclusion du requérant sur la liste litigieuse annexée à la position commune 2001/931.

57      Pour le surplus, il convient de rappeler le large pouvoir d’appréciation dont dispose le Conseil, quant aux éléments à prendre en considération en vue de l’adoption ou du maintien d’une mesure de gel des fonds. Dans ces conditions, il ne saurait être exigé du Conseil qu’il indique de façon plus spécifique en quoi le gel des fonds du requérant contribue, de façon concrète, à la lutte contre le terrorisme ou qu’il fournisse des preuves tendant à démontrer que l’intéressé pourrait utiliser ses fonds pour commettre ou faciliter des actes de terrorisme à l’avenir (arrêts OMPI, point 159, et Sison/Conseil, précité, points 65 et 66).

58      En tenant compte de ces éléments factuels, le grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation doit être rejeté.

59      Par ailleurs, le requérant soutient qu’il n’a pas bénéficié d’une protection juridictionnelle effective. Selon une jurisprudence constante, le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit communautaire, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré par les articles 6 et 13 de la CEDH, ce principe ayant d’ailleurs été réaffirmé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1) (arrêt de la Cour du 13 mars 2007, Unibet, C‑432/05, Rec. p. I‑2271, point 37).

60      En outre, au vu de la jurisprudence de la Cour dans d’autres domaines (arrêts de la Cour du 15 octobre 1987, Heylens e.a., 222/86, Rec. p. 4097, point 15, et Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, points 462 et 463), il doit être conclu en l’espèce que l’efficacité du contrôle juridictionnel, qui doit pouvoir porter notamment sur la légalité des motifs sur lesquels est fondée, en l’occurrence, l’inclusion du nom d’une personne ou d’une entité dans la liste litigieuse annexée à la position commune 2001/931 et qui entraîne l’imposition à l’intéressé d’un ensemble de mesures restrictives, implique que l’autorité communautaire en cause est tenue de communiquer ces motifs à la personne ou à l’entité concernée, dans toute la mesure du possible, soit au moment où cette inclusion est décidée, soit, à tout le moins, aussi rapidement que possible après qu’elle l’a été, afin de permettre à ces destinataires l’exercice, dans les délais, de leur droit de recours. Pour ce qui concerne les décisions subséquentes de gel des fonds adoptées par le Conseil dans le cadre du réexamen à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, de la justification du maintien des intéressés sur la liste litigieuse, prévu par l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, il n’est plus nécessaire de garantir un effet de surprise pour assurer l’efficacité des sanctions. Dès lors, toute décision subséquente de gel des fonds doit être précédée d’une nouvelle possibilité d’audition et, le cas échéant, d’une communication des nouveaux éléments à charge (arrêt OMPI, point 131 ; voir également, à cet égard, arrêt de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351, point 338, et arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié au Recueil, points 212 et 213.).

61      Il ressort des points 55 et 56 ci-dessus que le requérant s’est vu communiquer la décision attaquée et un exposé des motifs par une lettre du même jour que celui de l’adoption de ladite décision. En procédant ainsi, le Conseil a permis au requérant de défendre ses droits et de décider en connaissance de cause s’il était utile de saisir le juge communautaire ainsi que de mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer son contrôle de la légalité de la décision attaquée.

62      Il résulte de ce qui précède que, en l’espèce, le grief tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective doit être rejeté.

63      S’agissant du principe de la présomption d’innocence, énoncé à l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH et à l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union, il convient de constater qu’il constitue un droit fondamental qui confère aux particuliers des droits dont le juge communautaire garantit le respect (arrêts du Tribunal du 4 octobre 2006, Tillack/Commission, T‑193/04, Rec. p. II‑3995, point 121, et du 12 octobre 2007, Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, T‑474/04, Rec. p. II‑4225, point 75).

64      Le respect de la présomption d’innocence exige que toute personne accusée d’une infraction soit présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Toutefois, ce principe ne s’oppose pas à l’adoption de mesures conservatoires, qui ne constituent pas des sanctions et ne préjugent aucunement de l’innocence ou de la culpabilité de la personne visée par celles-ci. De telles mesures conservatoires doivent, notamment, être prévues par la loi, être adoptées par une autorité compétente et présenter un caractère limité dans le temps (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 2 septembre 2009, El Morabit/Conseil, T‑37/07 et T‑323/07, non publié au Recueil, point 40).

65      L’article 2 de la position commune 2001/931 prévoit que la Communauté ordonne le gel des fonds des personnes, groupes et entités figurant sur la liste prévue par son article 1er, paragraphe 4. À ce titre, le gel des fonds auquel le requérant est soumis est prévu par la législation communautaire.

66      Conformément à l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, le Conseil est chargé de procéder à un réexamen de la liste à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, afin de s’assurer que le maintien sur la liste du nom des personnes et des entités visées reste justifié. À ce titre, le gel des fonds auquel le requérant est soumis a été adopté par une autorité compétente et a un caractère limité dans le temps.

67      De plus, il y a lieu de relever que les mesures restrictives en cause adoptées par le Conseil dans le cadre de la lutte contre le terrorisme n’entraînent pas une confiscation des avoirs des intéressés en tant que produits du crime, mais un gel à titre conservatoire. Ces mesures ne constituent donc pas une sanction et n’impliquent, par ailleurs, aucune accusation de cette nature (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, précité, point 101).

68      En effet, la décision du Conseil, qui résulte notamment d’une décision d’une autorité nationale compétente, ne constitue pas une constatation qu’une infraction a effectivement été commise, mais est adoptée dans le cadre et aux fins d’une procédure de nature administrative ayant une fonction conservatoire et pour unique but de permettre au Conseil de poursuivre efficacement la lutte contre le financement du terrorisme.

69      À cet égard, il convient de relever que, dans un cas d’application de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 et de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001, dispositions qui instaurent une forme de coopération spécifique entre le Conseil et les États membres dans le cadre de la lutte commune contre le terrorisme, ce principe entraîne, pour le Conseil, l’obligation de s’en remettre autant que possible à l’appréciation de l’autorité nationale compétente, à tout le moins s’il s’agit d’une autorité judiciaire, notamment en ce qui concerne l’existence « des preuves ou des indices sérieux et crédibles » sur lesquels la décision de celle-ci est fondée (arrêt OMPI, point 124).

70      Il ressort des faits de l’espèce que le Conseil a agi conformément à l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 et au règlement nº 2580/2001. En se fondant sur une décision du juge d’instruction d’un État membre et en informant le requérant, par la lettre du 15 juillet 2008, des motifs de son inclusion dans la liste litigieuse, le Conseil a respecté les obligations qui lui incombent conformément à la réglementation communautaire.

71      Il découle de tout ce qui précède que, en l’espèce, le grief tiré d’une violation du principe de présomption d’innocence doit être rejeté.

72      S’agissant de la prétendue violation du droit à un tribunal impartial et le respect du droit à un procès équitable, le requérant n’a pas apporté d’éléments suffisants étayant son argumentation. Ces griefs doivent être rejetés sur le fondement de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal. En tout état de cause, il doit être rappelé que le Tribunal n’est pas compétent pour contrôler le respect de la procédure pénale nationale. En effet, un tel contrôle n’incombe qu’aux autorités italiennes ou, sur recours de l’intéressé, à la juridiction nationale compétente. De même, en principe, il n’appartient pas au Conseil de se prononcer sur la régularité de la procédure ouverte à l’encontre de l’intéressé et ayant abouti à ladite décision, prévue par le droit de l’État membre applicable, ou sur le respect des droits fondamentaux de l’intéressé par les autorités nationales. Ce pouvoir appartient, en effet, exclusivement aux juridictions nationales compétentes ou, le cas échéant, à la Cour européenne des droits de l’homme (voir arrêt OMPI, point 121, et, par analogie, arrêt du Tribunal du 10 avril 2003, Le Pen/Parlement, T‑353/00, Rec. p. II‑1729, point 91, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 7 juillet 2005, Le Pen/Parlement, C‑208/03 P, Rec. p. I‑6051).

73      En ce qui concerne les restrictions apportées au droit de propriété et au droit d’exercer une activité économique invoquées par le requérant, il convient d’observer que, selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux ne sont pas des prérogatives absolues et que leur exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par la Communauté. Ainsi, toute mesure restrictive économique ou financière comporte, par définition, des effets qui affectent le droit de propriété et le libre exercice des activités professionnelles, causant ainsi des préjudices, en particulier aux entités exerçant les activités que les mesures restrictives en cause visent à empêcher. L’importance des objectifs poursuivis par la réglementation litigieuse est de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 30 juillet 1996, Bosphorus, C‑84/95, Rec. p. I‑3953, points 21 à 23, et Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, précité, points 355 et 361).

74      En l’espèce, la liberté d’exercer une activité économique ainsi que le droit de propriété du requérant sont restreints dans une mesure considérable, du fait de l’adoption de la décision attaquée, dès lors qu’il ne peut pas disposer de ses fonds situés sur le territoire de la Communauté, sauf en vertu d’autorisations particulières. Toutefois, étant donné l’importance primordiale du maintien de la paix et de la sécurité internationale, les inconvénients causés ne sont pas inadéquats ou disproportionnés par rapport aux buts visés, et ce d’autant plus que l’article 5 du règlement n° 2580/2001 prévoit certaines exceptions permettant aux personnes visées par des mesures de gel des fonds de faire face aux dépenses essentielles (voir, en ce sens, arrêt El Morabit/Conseil, précité, point 62).

75      Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré d’une violation des droits fondamentaux et d’une violation de l’obligation de motivation doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré d’une erreur d’appréciation et d’un détournement de pouvoir

–       Arguments des parties

76      Selon le requérant, la référence faite par le Conseil à la procédure judiciaire italienne, suspendue depuis 2001, ne constitue pas une justification suffisante du maintien de son nom sur la liste litigieuse. Il considère que cette procédure est clôturée et lui-même innocenté.

77      Le requérant invoque donc une erreur d’appréciation, portant sur son implication dans des activités terroristes, et un détournement de pouvoir commis par le Conseil.

78      Le Conseil, soutenu par l’intervenante, conteste l’ensemble des arguments soulevés par le requérant à l’appui du second moyen.

–       Appréciation du Tribunal

79      S’agissant de la prétendue erreur d’appréciation invoquée par le requérant, comme le Tribunal l’a relevé aux points 115 et 116 de l’arrêt OMPI, les éléments de fait et de droit susceptibles de conditionner l’application d’une mesure de gel des fonds à une personne, à un groupe ou à une entité sont déterminés par l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001.

80      En l’espèce, la réglementation pertinente est prévue par l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001, aux termes duquel le Conseil, statuant à l’unanimité, établit, révise et modifie la liste de personnes, de groupes et d’entités auxquels ledit règlement s’applique, conformément aux dispositions de l’article 1er, paragraphes 4 à 6, de la position commune 2001/931. La liste en question doit donc être établie, conformément aux dispositions de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une décision a été prise par une autorité compétente à l’égard des personnes, groupes et entités visés, qu’il s’agisse de l’ouverture d’enquêtes ou de poursuites pour un acte terroriste, ou la tentative de commettre, ou la participation à, ou la facilitation d’un tel acte, basées sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles, ou qu’il s’agisse de la condamnation pour de tels faits. Il faut entendre par « autorité compétente » une autorité judiciaire ou, si les autorités judiciaires n’ont aucune compétence en la matière, une autorité compétente équivalente dans ce domaine. Par ailleurs, les noms des personnes et entités reprises sur la liste doivent faire l’objet d’un réexamen à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, afin de s’assurer que leur maintien sur la liste reste justifié, conformément aux dispositions de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 (arrêt OMPI, point 116).

81      Au point 117 de l’arrêt OMPI et au point 131 de l’arrêt du Tribunal du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil (T‑256/07, Rec. p. II‑3019, ci‑après l’« arrêt PMOI »), le Tribunal a déduit de ces dispositions que la procédure susceptible d’aboutir à une mesure de gel des fonds au titre de la réglementation pertinente se déroule à deux niveaux, l’un national, l’autre communautaire. Dans un premier temps, une autorité nationale compétente, en principe judiciaire, doit prendre à l’égard de l’intéressé une décision répondant à la définition de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931. S’il s’agit d’une décision d’ouverture d’enquêtes ou de poursuites, celle-ci doit être fondée sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles. Dans un second temps, le Conseil, statuant à l’unanimité, doit décider d’inclure l’intéressé dans la liste litigieuse, sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une telle décision a été prise. Par la suite, le Conseil doit s’assurer à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, que le maintien de l’intéressé dans la liste litigieuse reste justifié. À cet égard, la vérification de l’existence d’une décision d’une autorité nationale répondant à ladite définition apparaît comme une condition préalable essentielle à l’adoption, par le Conseil, d’une décision initiale de gel des fonds, tandis que la vérification des suites réservées à cette décision au niveau national apparaît indispensable dans le contexte de l’adoption d’une décision subséquente de gel des fonds.

82      Ainsi qu’il a été jugé au point 134 de l’arrêt PMOI, si la charge de la preuve de ce que le gel des fonds d’une personne, d’un groupe ou d’une entité est ou reste légalement justifié, au regard de la réglementation pertinente, incombe bien au Conseil, l’objet de cette preuve est relativement limité, au niveau de la procédure communautaire de gel des fonds. Dans le cas d’une décision subséquente de gel des fonds, après réexamen, la charge de la preuve porte essentiellement sur la question de savoir si le gel des fonds reste justifié eu égard à toutes les circonstances pertinentes de l’espèce et, tout particulièrement, aux suites réservées à ladite décision de l’autorité nationale compétente.

83      Quant au contrôle exercé par le Tribunal, celui-ci a reconnu, au point 159 de l’arrêt OMPI, que le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de l’adoption de sanctions économiques et financières sur la base des articles 60 CE, 301 CE et 308 CE, conformément à une position commune adoptée au titre de la politique étrangère et de sécurité commune. Ce pouvoir d’appréciation concerne, en particulier, les considérations d’opportunité sur lesquelles de telles décisions sont fondées. Cependant, si le Tribunal reconnaît au Conseil une marge d’appréciation en la matière, cela n’implique pas qu’il doit s’abstenir de contrôler l’interprétation, par cette institution, des données pertinentes. En effet, le juge communautaire doit notamment non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier la situation et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées. Toutefois, dans le cadre de ce contrôle, il ne lui appartient pas de substituer son appréciation en opportunité à celle du Conseil (arrêt PMOI, point 138 ; voir, par analogie, arrêt de la Cour du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, Rec. p. I‑9947, point 57, et la jurisprudence citée).

84      Il en résulte qu’il convient d’examiner si la décision du juge d’instruction de Naples satisfait aux conditions posées par l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931. Cette disposition prévoit que l’inclusion sur la liste litigieuse doit être opérée par le Conseil « sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une décision a été prise par une autorité compétente à l’égard des personnes, groupes et entités visés, qu’il s’agisse de l’ouverture d’enquêtes ou de poursuites pour un acte terroriste, ou la tentative de commettre, ou la participation à, ou la facilitation d’un tel acte, basées sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles, ou qu’il s’agisse d’une condamnation pour de tels faits [… ; a]ux fins du présent paragraphe, on entend par ‘autorité compétente’ une autorité judiciaire, ou, si les autorités judiciaires n’ont aucune compétence dans le domaine couvert par le présent paragraphe, une autorité compétente équivalente dans ce domaine ».

85      En l’espèce, une autorité judiciaire d’un État membre, à savoir le juge d’instruction de Naples, a délivré un mandat d’arrêt provisoire à l’encontre du requérant, accusé de participation à des activités terroristes au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.

86      À cet égard, il convient de rappeler que, dans un cas d’application de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 et de l’article 2, paragraphe 3, du règlement nº 2580/2001, dispositions qui instaurent une forme de coopération spécifique entre le Conseil et les États membres dans le cadre de la lutte commune contre le terrorisme, ce principe entraîne, pour le Conseil, l’obligation de s’en remettre autant que possible à l’appréciation de l’autorité nationale compétente, à tout le moins s’il s’agit d’une autorité judiciaire, notamment en ce qui concerne l’existence « des preuves ou des indices sérieux et crédibles » sur lesquels la décision de celle-ci est fondée (arrêt OMPI, point 124).

87      Il ressort des faits de l’espèce que le Conseil a agi conformément à l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 et au règlement nº 2580/2001. En se fondant sur une décision adoptée par un juge national et en informant le requérant, par la lettre du 15 juillet 2008, des motifs de son inclusion dans la liste litigieuse, le Conseil a respecté les obligations qui lui incombent conformément à la réglementation communautaire. Le grief tiré d’une erreur d’appréciation doit par conséquent être rejeté.

88      Quant au détournement de pouvoir, le requérant n’a apporté aucun élément précis étayant cette allégation et démontrant que l’institution, par l’adoption de la décision attaquée, poursuivait un but autre que celui en vue duquel ses pouvoirs lui ont été conférés (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 4 février 1982, Buyl e.a./Commission, 817/79, Rec. p. 245, point 28). En tout état de cause, il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le Conseil a agi dans le cadre des compétences et des pouvoirs qui lui sont conférés par le traité et la législation pertinente de l’Union, de sorte que le grief tiré d’un détournement de pouvoir doit être rejeté.

89      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le second moyen.

2.     Sur la demande en indemnité

 Arguments des parties

90      En ce qui concerne la demande en indemnité, le requérant considère avoir subi des préjudices privés et professionnels non négligeables du fait de la mention de son nom dans la liste litigieuse. Sa femme et lui-même auraient été victimes d’une « stigmatisation », qui aurait porté préjudice à sa vie privée et sociale. Il ne lui serait plus possible d’obtenir un visa et de travailler en Allemagne. Étant donné qu’aucun grief concret ne lui serait fait, il ne lui serait pas permis de se défendre. Le requérant demande donc la réparation de son dommage moral, dont il laisse l’appréciation du montant à la sagesse du Tribunal. Il considère que 2 000 euros constitue une somme minimale.

91      Le Conseil considère la demande en indemnité comme irrecevable du fait d’un manque d’argumentation. À titre subsidiaire, le Conseil, soutenu par l’intervenante, conteste l’ensemble des arguments soulevés par le requérant à l’appui de sa demande en indemnité.

 Appréciation du Tribunal

92      Le Tribunal estime opportun d’examiner, au préalable, le bien-fondé de la demande en indemnité. Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE pour comportement illicite de ses organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005, FIAMM et FIAMM Technologies/Conseil et Commission, T‑69/00, Rec. p. II‑5393, point 85, et la jurisprudence citée).

93      Dans la mesure où ces trois conditions d’engagement de la responsabilité sont cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit pour rejeter un recours indemnitaire, sans qu’il soit dès lors nécessaire d’examiner les autres conditions (voir arrêt du Tribunal du 13 septembre 2006, CAS Succhi di Frutta/Commission, T‑226/01, Rec. p. II‑2763, point 27, et la jurisprudence citée).

94      En l’espèce, tous les arguments que le requérant a fait valoir afin de démontrer l’illégalité de la décision attaquée ont été examinés et rejetés. La responsabilité de l’Union ne saurait donc être engagée sur le fondement d’une prétendue illégalité de ladite décision.

95      Dès lors, sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil, il convient de rejeter, en tout état de cause, la demande en indemnité du requérant comme non fondée.

96      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

97      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

98      Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. La République italienne supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Sofiane Fahas supportera, outre ses propres dépens, les dépens exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      La République italienne supportera ses propres dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 décembre 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.