Language of document : ECLI:EU:F:2008:177

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE

18 décembre 2008 (*)

« Radiation – Désistement – Dépens – Recevabilité »

Dans l’affaire F‑14/08,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

X, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représentée par MV. Christianos, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes K. Zejdová et I. Anagnostopoulou, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE PRÉSIDENT DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 février 2008, X demande au Tribunal, d’une part, d’annuler l’avis de la commission d’invalidité la concernant rendu le 22 juin 2007 et la décision du 27 juin 2007 par laquelle le directeur du personnel du Parlement européen a considéré qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité permanente considérée comme totale, la mettant dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions (ci-après la « décision litigieuse »), et d’autre part, de renvoyer son dossier devant la commission d’invalidité, pour que celle-ci se prononce à nouveau sur son cas.

2        Par lettre du 31 juillet 2008, déposée au greffe du Tribunal le 1er août suivant, le Parlement a porté à la connaissance du Tribunal que, à l’issue d’une nouvelle procédure d’invalidité, également engagée, comme la première, à son initiative, il avait décidé, le 3 juillet 2008, conformément à l’avis du 22 juin 2008 de la commission d’invalidité, de mettre la requérante à la retraite à compter du 1er août 2008, l’intéressée étant atteinte d’une invalidité permanente considérée comme totale.

3        Par lettre du 16 septembre 2008, déposée au greffe du Tribunal le 17 septembre suivant, la requérante a fait part de ses observations sur la lettre du 31 juillet 2008 du Parlement. D’une part, elle a estimé qu’il ressortait de cette dernière lettre que le Parlement avait reconnu le bien-fondé de ses conclusions et qu’elle devait, en conséquence, se désister de son recours. D’autre part, elle a souligné qu’elle avait été contrainte de saisir le Tribunal en raison du comportement du Parlement et que celui-ci devait, de ce fait, être condamné à l’ensemble des dépens.

4        Par lettre du 29 octobre 2008, déposée au greffe du Tribunal le même jour, le Parlement a présenté ses observations sur la lettre du 16 septembre 2008 de la requérante. Il a relevé, comme la partie requérante, que le recours pouvait être considéré comme devenu sans objet. En revanche, estimant que la requérante avait, par son manque de coopération, contribué à augmenter les frais de procédure, et que la recevabilité du recours suscitait de sérieux doutes, le Parlement a conclu à ce que la requérante soit condamnée à supporter une partie significative de ses propres dépens.

 Sur le désistement

5        La requérante fait connaître par écrit qu’elle entend renoncer à l’instance et ne subordonne pas sa décision à l’acceptation, par le Parlement, de la prise en charge de ses dépens. Ce désistement est donc pur et simple. Dès lors, rien ne s’oppose à ce que le Tribunal en donne acte, en application de l’article 74 du règlement de procédure.

 Sur les dépens

6        Aux termes de l’article 89, paragraphe 5, du règlement de procédure, la partie qui se désiste est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens par l’autre partie dans ses observations sur le désistement. Toutefois, à la demande de la partie qui se désiste, les dépens sont supportés par l’autre partie, si cela apparaît justifié par l’attitude de cette dernière.

7        En l’espèce, ainsi que la requérante le soutient à juste titre, le Parlement, par son comportement, a contribué à ce que la présente affaire ait été portée en justice et à l’augmentation des frais exposés par la requérante en cours d’instance.

8        En effet, d’abord, il est constant que le Parlement n’a pas répondu à la réclamation préalable de la requérante, en date du 20 septembre 2007, dans le délai de quatre mois fixé par l’article 90, paragraphe 2, deuxième alinéa, du statut. Il était donc pleinement légitime que la requérante saisît le Tribunal, le 5 février 2008, après la décision implicite du 20 janvier 2008 rejetant sa réclamation.

9        Ensuite, il ne saurait être tenu rigueur à la requérante de ne pas avoir patienté, avant de former son recours, comme le Parlement le lui avait suggéré, jusqu’à la prise de position expresse de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») sur ladite réclamation. En effet, il était loisible à la requérante d’exercer son droit d’agir en justice avant une telle prise de position. En outre, la décision explicite de rejet de la réclamation n’est intervenue que le 28 mars 2008, soit deux mois après la naissance de la décision implicite de rejet.

10      Enfin, ainsi que le fait valoir la requérante, l’attitude du Parlement après l’introduction du recours n’était pas dépourvue d’ambiguïté. En effet, si le Parlement a, dans une lettre du 28 avril 2008, informé le Tribunal qu’il avait à nouveau saisi la commission d’invalidité de la situation de la requérante, conformément au troisième chef de conclusions de la requête, et que le recours pourrait être privé d’objet en cas de reconnaissance, par ladite commission, de l’état d’invalidité de la requérante, le Parlement n’a nullement indiqué qu’il avait retiré la décision litigieuse ni même qu’il adopterait une telle décision de retrait au terme de la nouvelle procédure d’invalidité. D’ailleurs, la décision du 3 juillet 2008 place la requérante à la retraite pour invalidité non pas à compter de la date de la première saisine de la commission d’invalidité, en avril 2007, mais à compter du 1er août 2008, sans effet rétroactif. Aucune cause de non-lieu ne faisait donc obstacle à ce que le Tribunal statue sur le recours de la requérante, en l’absence de toute autre information justifiant, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, la suspension de l’affaire. Par conséquent, il ne peut être fait grief à la requérante de s’être montrée défavorable à la suspension de la procédure contentieuse et d’avoir maintenu ses prétentions jusqu’à la date à laquelle elle a estimé devoir se désister.

11      Toutefois, le Parlement soutient qu’il conserve de sérieux doutes sur la recevabilité du recours. La requérante aurait saisi le Tribunal d’un recours voué au rejet. Cette attitude de la requérante justifierait en tout état de cause, que celle-ci supporte une partie significative de ses propres dépens.

12      Les doutes du Parlement à cet égard correspondent, en partie, à des interrogations du Tribunal sur la recevabilité du recours. En effet, par courriers du 11 juin 2008, le Tribunal a invité les parties, en application de l’article 77 du règlement de procédure, à présenter leurs observations sur la possibilité que le Tribunal relève éventuellement d’office, d’une part, la fin de non-recevoir tirée de ce que l’avis du 22 juin 2007 de la commission d’invalidité constituerait un acte préparatoire insusceptible de recours et, d’autre part, la fin de non-recevoir tirée de ce que la décision litigieuse n’aurait pas modifié la situation juridique de la requérante et pourrait, de ce fait, ne pas constituer une décision susceptible de recours. Par lettres des 20 et 25 juin 2008, la requérante et le Parlement ont respectivement présenté leurs observations sur ces fins de non-recevoir. La requérante a, pour sa part, soutenu que ces fins de non-recevoir devaient être écartées, tandis que le Parlement a considéré que celles-ci étaient fondées et justifiaient le rejet du recours comme manifestement irrecevable.

13      S’agissant des conclusions dirigées contre l’avis du 22 juin 2007 de la commission d’invalidité, il est de jurisprudence constante que l’avis d’une commission d’invalidité est un acte préparatoire qu’un fonctionnaire n’est pas recevable à contester directement par la voie d’un recours en annulation (arrêt du Tribunal de première instance du 3 juin 1997, H/Commission, T‑196/95, RecFP p. I‑A‑133 et II‑403, point 48 ; ordonnance du Tribunal de première instance du 15 novembre 2006, Jiménez Martínez/Commission, T‑115/05 RecFP p. II‑A‑2‑1409, points 29 et 30).

14      S’agissant des conclusions dirigées contre la décision litigieuse, il convient de relever que cette décision, en tant qu’elle a constaté que la requérante n’était pas inapte à l’exercice de ses fonctions, ne semble pas avoir, par elle-même, modifié la situation juridique de l’intéressée ni affecté par elle-même directement et immédiatement les intérêts de celle-ci. En effet, la constatation qu’un fonctionnaire n’est pas invalide, portée par l’AIPN au terme de la procédure d’invalidité qu’elle ouvre à son initiative sur le fondement de l’article 59, paragraphe 4, du statut, a pour seul effet de confirmer la situation administrative dans laquelle l’intéressé était placé avant l’ouverture de cette procédure, sans affecter directement et immédiatement ses intérêts ni modifier, de façon caractérisée, sa situation juridique. Le fonctionnaire continue notamment de pouvoir prétendre à son plein traitement, au lieu d’une allocation d’invalidité d’un montant inférieur. De même, la question de savoir si l’état de santé du fonctionnaire justifie ou non ses absences du service continue d’être régie par les seules dispositions statutaires relatives au congé de maladie, dans les mêmes conditions que si la procédure d’invalidité n’avait pas été initiée.

15      Une autre analyse pourrait être retenue si, à la suite d’une demande du fonctionnaire, tendant à la reconnaissance de son invalidité, fondée sur le droit que lui reconnaît le statut (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 mai 2007, López Teruel/OHMI, F‑97/06, non encore publié au Recueil, points 47 et 48, confirmé par arrêt du Tribunal de première instance du 26 novembre 2008, OHMI/López Teruel, T‑284/07 P, non encore publié au Recueil), l’AIPN constatait que celui-ci n’est pas invalide. En effet, un tel constat ferait grief au fonctionnaire dès lors qu’il constituerait le rejet d’une demande formulée par l’intéressé (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 10 juin 2004, Alvarez Moreno/Commission, T‑153/01 et T‑323/01, RecFP p. I‑A‑161 et II‑719, points 56, 61 et 62 ; arrêt du Tribunal du 16 janvier 2007, Gesner/OHMI, F‑119/05, non encore publié au Recueil).

16      Le Parlement est donc fondé à soutenir que les conclusions de la requérante se heurtaient à de sérieux obstacles de recevabilité.

17      Néanmoins, il convient de relever que la décision litigieuse n’a pas pour unique objet de constater que la requérante n’était pas invalide. En effet, cette décision dispose expressément, en son article unique, que la requérante doit reprendre ses fonctions au plus tard le 9 juillet 2007. Le Parlement a ainsi cru pouvoir déduire de la constatation que la requérante n’était pas invalide qu’elle n’était pas malade. Dans sa lettre du 28 juin 2007, notifiant la décision litigieuse à la requérante, le directeur du personnel du Parlement attire d’ailleurs l’attention de l’intéressée sur l’obligation pour elle de reprendre ses fonctions dès réception de ladite lettre. Il ressort en outre de la même lettre que la décision enjoignant à la requérante de reprendre son service résulte non seulement de l’avis de la commission d’invalidité, ainsi qu’il est mentionné dans la décision litigieuse, mais également de la recommandation du médecin contrôleur du Parlement. Ce dernier élément confirme que le directeur du personnel a bien pris deux mesures de portée distincte à l’égard de la requérante : d’une part, la clôture de la procédure d’invalidité par la constatation que l’intéressée n’est pas invalide, d’autre part, une injonction faite à cette dernière de reprendre son travail.

18      Il est vrai que, en première analyse, la requérante paraissait ne demander l’annulation de la décision litigieuse qu’en tant qu’elle a refusé de reconnaître qu’elle était atteinte d’invalidité. Le libellé des conclusions plaide en ce sens. Cependant, il semble ressortir de l’ensemble des pièces du dossier, en particulier du point 12 de la requête et d’une lettre du 3 juillet 2007 du conseil de la requérante au Parlement, que la requérante contestait également l’injonction qui lui avait été adressée de reprendre son travail.

19      Or, une telle décision, qui a modifié immédiatement et de façon caractérisée la situation juridique de la requérante, serait un acte faisant grief, que la requérante aurait été recevable à contester.

20      Dès lors, le recours aurait été partiellement recevable sur un élément important du litige opposant la requérante à son administration. Le Parlement ne peut donc valablement soutenir ou, à tout le moins laisser entendre, que la requérante aurait saisi le Tribunal d’une contestation entièrement vouée à échec.

21      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le Parlement doit être condamné à supporter, outre ses propres dépens, les trois quarts des dépens de la requérante. Celle-ci supporte le quart de ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      L’affaire F-14/08, X/Parlement, est radiée du registre du Tribunal.

2)      Le Parlement européen supporte, outre ses propres dépens, les trois quarts des dépens de la requérante.

3)      La requérante supporte le quart de ses dépens.

Fait à Luxembourg, le 18 décembre 2008.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : le grec.