Language of document : ECLI:EU:T:2007:387

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

13 décembre 2007 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale PAGESJAUNES.COM – Marque nationale figurative antérieure LES PAGES JAUNES – Nom de domaine ‘pagesjaunes.com’ – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑134/06,

Xentral LLC, établie à Miami, Floride (États-Unis), représentée par MA. Bertrand, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Pages jaunes SA, établie à Sèvres (France), représentée par Mes C. Bertheux Scotte, B. Potot et B. Corne, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 15 février 2006 (affaire R 708/2005‑1), relative à une procédure d’opposition entre Pages jaunes SA et Xentral LLC,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de M. M. Jaeger, président, Mme V. Tiili et M. T. Tchipev, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 11 mai 2006,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 24 novembre 2006,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 22 novembre 2006,

à la suite de l’audience du 7 juin 2007,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 21 septembre 2000, Prodis Inc. a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal PAGESJAUNES.COM.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 16 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Imprimés, journaux, périodiques, annuaires ».

4        Par lettre du 21 février 2002, l’examinateur a informé Prodis que le signe en cause n’était pas susceptible d’être admis à l’enregistrement en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, celui-ci étant dépourvu de caractère distinctif. En effet, selon l’examinateur, ce signe sera perçu par le public concerné comme l’adresse électronique de l’un quelconque des entrepreneurs commercialisant des annuaires professionnels.

5        En l’absence d’observations sur l’objection de l’examinateur, celui-ci a rejeté, par décision du 4 juin 2002, la demande d’enregistrement, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

6        Le 3 juillet 2002, Prodis a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, contre le refus d’enregistrer la marque PAGESJAUNES.COM.

7        Par lettre du 4 octobre 2002, à la suite d’une révision préjudicielle en vertu de l’article 60 du règlement n° 40/94, l’examinateur a informé Prodis que, après examen, sa demande d’enregistrement avait été acceptée à des fins de publication.

8        Cette demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 81/2002, du 14 octobre 2002.

9        Le 6 janvier 2003, l’intervenante, Pages jaunes SA, a formé une opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94, à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée. L’opposition était fondée, d’une part, sur la dénomination sociale et le nom commercial Pages jaunes et, d’autre part, sur l’enregistrement français n° 99800903, en date du 2 avril 1999, de la marque figurative LES PAGES JAUNES, désignant les produits et les services relevant des classes 9, 16, 35, 38, 41 et 42, reproduite ci-après :

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10      L’opposition était dirigée contre tous les produits désignés dans la demande de marque PAGESJAUNES.COM. Elle était fondée sur tous les produits et les services visés par la marque antérieure, notamment les « imprimés, journaux, périodiques, annuaires », relevant de la classe 16.

11      Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 4, du règlement n° 40/94. La notoriété de la marque antérieure, de la dénomination sociale et du nom commercial était également invoquée et était fondée sur l’exploitation intensive et ancienne des ces derniers, notamment pour désigner des annuaires et des publications.

12      Par décision du 28 avril 2005, la division d’opposition a accueilli l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Elle a considéré qu’il existait un risque de confusion, compte tenu de l’identité des produits en question, de la forte similitude phonétique et conceptuelle entre les marques en conflit et de la notoriété de la marque antérieure en France. Elle a également estimé que, même si l’expression « pages jaunes » pouvait être considérée comme usuelle dans plusieurs pays et, dans une certaine mesure, en France, Prodis n’avait pas rapporté la preuve que la marque antérieure serait devenue usuelle « du fait » de l’intervenante.

13      Le 16 juin 2005, Prodis a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, contre la décision de la division d’opposition.

14      Par décision du 15 février 2006 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Elle a considéré que l’éventuel droit antérieur de Prodis, à savoir le nom de domaine « pagesjaunes.com », devait être ignoré, qu’il n’appartenait pas à l’OHMI de prononcer la nullité de marques nationales, et que rien dans le dossier n’étayait l’argument selon lequel l’expression « pages jaunes », pour un consommateur français, n’était pas distinctive ou était descriptive de publications, notamment des annuaires téléphoniques. Selon la chambre de recours, au contraire, cette expression présentait un « caractère distinctif ordinaire », car la couleur dans laquelle cette expression est représentée était arbitraire et ladite expression n’était pas devenue générique. La chambre de recours a relevé que l’élément dominant des deux marques en conflit était constitué de la même expression « pages jaunes » et que la ressemblance entre lesdites marques était frappante. En conclusion, elle a considéré que, étant donné l’identité des produits concernés, il existait un risque de confusion en France, au motif que la marque demandée serait perçue comme étant la version sur Internet de l’annuaire sur support en papier portant la marque LES PAGES JAUNES et que les produits en cause seraient dès lors considérés comme étant offerts par la même entreprise.

15      La demande de marque PAGESJAUNES.COM a été transférée à la requérante, Xentral LLC. Ce transfert a été inscrit au registre des marques communautaires le 2 mai 2006.

 Conclusions des parties

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        valider la marque PAGESJAUNES.COM ;

–        condamner la chambre de recours de l’OHMI aux dépens.

17      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter en tant qu’irrecevable le deuxième chef de conclusions ;

–        rejeter le recours pour le surplus ;

–        condamner la requérante aux dépens.

18      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        confirmer la décision attaquée ;

–        rejeter la demande d’enregistrement de la marque PAGESJAUNES.COM dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

19      Lors de l’audience, la requérante a renoncé à son deuxième chef de conclusions, ce dont le Tribunal a pris acte. Elle a précisé par ailleurs que son troisième chef de conclusions devait être compris comme visant à la condamnation de l’OHMI aux dépens, ce dont le Tribunal a également pris acte.

20      Lors de l’audience, l’intervenante a renoncé à son deuxième chef de conclusions, ce dont le Tribunal a pris acte.

 Sur la recevabilité des documents produits pour la première fois devant le Tribunal

21      L’intervenante fait valoir que les annexes 51 à 53, 77 et 78 de la requête sont des pièces nouvelles en ce qu’elles n’avaient pas été produites devant l’OHMI. Dès lors, ces documents seraient irrecevables.

22      Les annexes 51 à 53 et 77 de la requête, l’annexe 52 étant identique à l’annexe 77, sont des extraits de l’AnnuaireAlmanach du commerce, de l’industrie, de la magistrature et de l’administration (Didot-Bottin) de 1887, de 1886 et de 1891 qui ne figuraient pas dans le dossier administratif devant l’OHMI. L’annexe 78 contient des extraits du registre de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), relatifs à des marques déposées en France contenant l’élément verbal « pages jaunes », qui n’ont pas non plus été produits devant l’OHMI.

23      Dès lors, ces pièces, produites pour la première fois devant le Tribunal, ne peuvent pas être prises en considération. En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 63 du règlement n° 40/94, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter les documents susvisés sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir arrêt du Tribunal du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec. p. II‑4891, point 19, et la jurisprudence citée].

 Sur la recevabilité de certains arguments présentés par la requérante

24      L’OHMI considère que les arguments de la requérante relatifs à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 sont irrecevables et, en tout état de cause, dénués de pertinence, puisque la division d’opposition a accueilli l’opposition sur la base de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 sans examiner les conditions d’application de l’article 8, paragraphe 4, du même règlement. Cette dernière base juridique n’ayant pas non plus été examinée par la chambre de recours, la légalité de la décision attaquée ne pourrait être soumise au contrôle du Tribunal que sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

25      Il y a lieu de relever que la requérante invoque des arguments relatifs à l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 4, du règlement n° 40/94. Or, la division d’opposition et la chambre de recours ont accueilli l’opposition sur la base de l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, en concluant qu’il existait un risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure, ce qui a conduit au rejet de la demande d’enregistrement de la marque PAGESJAUNES.COM. Ni la division d’opposition ni la chambre de recours n’ont procédé à une comparaison de la marque demandée avec la dénomination sociale ou le nom commercial de l’intervenante, invoqués par celle-ci à l’appui de son opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, car l’existence d’un motif relatif de refus suffisait pour accueillir l’opposition.

26      Il convient de rappeler, à cet égard, que le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité de la décision prise par la chambre de recours. Ce contrôle doit donc se faire au regard des questions de droit qui ont été portées devant cette dernière [arrêts du Tribunal du 7 septembre 2006, Meric/OHMI – Arbora & Ausonia (PAM-PIM’S BABY-PROP), T‑133/05, Rec. p. II‑2737, point 22, et du 22 mars 2007, Saint-Gobain Pam/OHMI – Propamsa (PAM PLUVIAL), T‑364/05, non encore publié au Recueil, point 83].

27      Partant, il convient d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure sur la base de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sans qu’il soit nécessaire, pour le Tribunal, qui ne saurait se substituer à l’OHMI quant à l’appréciation du motif relatif de refus visé à l’article 8, paragraphe 4, dudit règlement, de tenir compte de la dénomination sociale et du nom commercial invoqués par l’intervenante à l’appui de son opposition. Dès lors, doit seulement être examiné le moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

28      En outre, l’OHMI fait valoir que les arguments de la requérante destinés à nier la réalité de la notoriété de la marque antérieure ne sont pas pertinents dans le cadre du présent recours. En effet, étant donné que la chambre de recours aurait confirmé l’existence d’un risque de confusion en s’attachant au « caractère distinctif ordinaire » de la marque antérieure, elle n’aurait ni examiné sa notoriété acquise par l’usage, telle qu’alléguée par l’intervenante au cours de la procédure devant l’OHMI, ni fondé sa décision sur ladite notoriété.

29      Il y a lieu de relever que, étant donné que la division d’opposition a constaté dans sa décision que l’intervenante avait démontré que sa marque jouissait d’une notoriété en France, ce que la requérante a contesté dans son recours devant la chambre de recours, la question de la notoriété faisait partie de l’objet du litige devant la chambre de recours. Dès lors, les arguments présentés à cet égard par la requérante sont recevables.

 Sur le fond

30      Selon la requérante, le nom de domaine « pagesjaunes.com », dont elle est titulaire, doit être considéré comme un droit antérieur opposable à la marque antérieure. Par ailleurs, la marque antérieure jouirait d’un faible caractère distinctif et serait même générique. En outre, la marque demandée ne constituerait pas l’imitation illicite de la marque antérieure. Enfin, l’intervenante ne pourrait invoquer aucune notoriété attachée à la marque antérieure.

31      L’OHMI et l’intervenante soutiennent que la chambre de recours a conclu à bon droit à l’existence du risque de confusion.

32      À titre liminaire, il convient d’examiner l’argument de la requérante, selon lequel son nom de domaine « pagesjaunes.com » devrait être considéré comme un droit antérieur opposable à la marque antérieure de l’intervenante.

 Sur les éventuels effets du droit antérieur fondé sur le nom de domaine « pagesjaunes.com »

33      La requérante fait valoir qu’un nom de domaine constitue un signe distinctif au même titre qu’une marque et est générateur d’un droit antérieur. Le nom de domaine « pagesjaunes.com » aurait été enregistré le 9 avril 1996, soit bien avant la marque antérieure sur laquelle l’intervenante a fondé son opposition, celle-ci ayant été enregistrée le 2 avril 1999.

34      Selon la requérante, par décision du 21 août 2000, une commission administrative de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a confirmé les droits de la requérante sur le nom de domaine « pagesjaunes.com » et a refusé de faire droit aux demandes de la société France Télécom, titulaire à cette époque des marques figuratives françaises PAGES JAUNES, déposées en 1977.

35      À cet égard, la chambre de recours a considéré, au point 10 de la décision attaquée, que cet argument devait être rejeté, car « l’examen que l’[OHMI] doit mener au titre de l’article 8, paragraphe 1, du [règlement n° 40/94] est circonscrit au conflit entre la marque communautaire demandée et le droit antérieur invoqué ».

36      Cette conclusion doit être approuvée, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la question de savoir si un nom de domaine peut être considéré comme un droit opposable. En effet, la validité d’une marque nationale, en l’espèce celle de l’intervenante, ne peut pas être mise en cause dans le cadre d’une procédure d’enregistrement d’une marque communautaire, mais uniquement dans le cadre d’une procédure de nullité entamée dans l’État membre concerné [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 55]. En outre, s’il appartient à l’OHMI de vérifier, sur la base des preuves qu’il incombe à l’opposant de produire, l’existence de la marque nationale invoquée au soutien de l’opposition, il ne lui appartient pas de trancher un conflit entre cette marque et une autre marque sur le plan national, lequel conflit relève de la compétence des autorités nationales [arrêt du Tribunal du 21 avril 2005, PepsiCo/OHMI – Intersnack Knabber-Gebäck (RUFFLES), T‑269/02, Rec. p. II‑1341, point 26 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 mai 2005, TeleTech Holdings/OHMI – Teletech International (TELETECH GLOBAL VENTURES), T‑288/03, Rec. p. II‑1767, point 29].

37      Dès lors, aussi longtemps que la marque nationale antérieure est effectivement protégée, l’existence d’un enregistrement national antérieur ou d’un autre droit antérieur à cette dernière n’est pas pertinente dans le cadre de l’opposition formée contre une demande de marque communautaire, même si la marque communautaire demandée est identique à une marque nationale antérieure de la requérante ou à un autre droit antérieur à la marque nationale fondant l’opposition [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 1er mars 2005, Fusco/OHMI – Fusco International (ENZO FUSCO), T‑185/03, Rec. p. II‑715, point 63]. Ainsi, à supposer que les droits sur des noms de domaine antérieurs puissent être assimilés à un enregistrement national antérieur, en tout état de cause, il n’appartient pas au Tribunal de se prononcer sur un conflit entre une marque nationale antérieure et des droits sur les noms de domaine antérieurs, un tel conflit ne relevant pas de la compétence du Tribunal.

38      En l’espèce, il y a lieu de relever que la requérante a, effectivement, sur le fondement notamment de son nom de domaine « pagesjaunes.com », tenté d’obtenir devant les autorités nationales compétentes la déclaration de nullité des différentes marques PAGES JAUNES dont l’intervenante est titulaire. Or, sa demande en nullité a été rejetée par les décisions du tribunal de grande instance de Paris (France) du 14 mai 2003 et de la cour d’appel de Paris (France) du 30 mars 2005. En outre, ces deux décisions n’ayant pas examiné la validité de la marque antérieure alléguée en l’espèce mais celle d’autres marques PAGES JAUNES dont l’intervenante est titulaire, elles n’ont, en tout état de cause, pas d’incidence en l’espèce, la marque antérieure étant toujours valide.

39      En outre, s’agissant de la décision de la commission administrative de l’OMPI, il y a lieu de relever que celle-ci a seulement traité la question de l’éventuel transfert des noms de domaine « pagesjaunes.com » et « pagesjaunes.net » à France Télécom, et non celle du risque de confusion entre « pagesjaunes.com » et LES PAGES JAUNES, de sorte qu’elle n’a pas d’incidence sur la présente procédure. De plus, l’OMPI ne s’est pas non plus prononcée sur la validité de la marque antérieure.

40      Par conséquent, la requérante ne saurait se prévaloir de son prétendu droit antérieur fondé sur le nom de domaine « pagesjaunes.com » dans la présente procédure.

41      Ainsi, il convient d’examiner si la chambre de recours a appliqué correctement l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 en l’espèce.

 Sur l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

42      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement nº 40/94, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

43      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement.

44      Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

45      En l’espèce, la marque sur laquelle l’opposition était fondée est une marque nationale enregistrée en France. Dès lors, le territoire pertinent pour l’analyse du risque de confusion est le territoire français.

46      Étant donné que les produits en question sont de consommation courante, le public pertinent est constitué par le consommateur moyen français qui est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

47      Il n’est pas contesté que les produits couverts par les deux marques en conflit sont identiques. En effet, ces deux marques désignent les « imprimés, journaux, périodiques, annuaires », relevant de la classe 16 au sens de l’arrangement de Nice. Bien que l’opposition fût également fondée sur les produits et les services relevant d’autres classes (classes 9, 35, 38, 41 et 42) pour lesquelles la marque antérieure a été enregistrée, il n’y a pas lieu de les examiner, étant donné que la décision attaquée s’est fondée uniquement sur les produits couverts par la classe 16.

 Sur la comparaison des signes

48      Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [voir arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips‑Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II‑4335, point 47, et la jurisprudence citée].

49      La requérante considère que les signes en conflit ne sont pas similaires, tandis que l’OHMI et l’intervenante concluent à leur similitude.

50      Les signes à comparer sont les suivants :

Marque antérieure

Marque demandée

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PAGESJAUNES.COM


51      La requérante souligne qu’il faut d’abord évaluer les marques en conflit dans leur globalité et en apprécier les éléments caractéristiques ou distinctifs, avant de procéder à leur comparaison. La marque antérieure se caractériserait par une représentation graphique particulière faisant sortir l’expression « pages jaunes », laquelle serait descriptive, usuelle et générique.

52      Il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, peuvent être considérées comme étant similaires une marque complexe et une autre marque, identique ou présentant une similitude avec l’un des composants de la marque complexe, lorsque celui-ci constitue l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par la marque complexe. Tel est le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci [arrêts du Tribunal MATRATZEN, précité, point 33 ; du 13 juin 2006, Inex/OHMI – Wiseman (Représentation d’une peau de vache), T‑153/03, Rec. p. II‑1677, point 27, et PAM PLUVIAL, précité, point 97].

53      En l’espèce, il y a lieu de relever que l’expression « pages jaunes » constitue l’élément dominant dans la marque antérieure. En effet, elle ressort de manière significative de l’ensemble de la marque antérieure de par la taille des caractères dans lesquels elle est écrite et de par sa dimension dans la marque. Par ailleurs, la représentation graphique des termes « les pages jaunes » écrits en caractères blancs sur fond noir ne présente, comme le constate à juste titre l’OHMI, aucune originalité et doit donc être considérée comme un élément négligeable dans la perception visuelle de cette marque, contrairement à ce que soutient la requérante. En outre, l’article « les » est écrit en plus petits caractères, ce qui minimise son importance visuelle. Dès lors, l’impression visuelle de la marque antérieure est dominée par l’élément verbal « pages jaunes », car tous les autres composants de cette marque sont négligeables.

54      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante, selon lequel l’expression « pages jaunes » n’a pas de caractère distinctif, car elle est descriptive, usuelle et générique. En effet, un éventuel caractère distinctif faible d’un élément d’une marque complexe n’implique pas nécessairement que celui-ci ne saurait constituer un élément dominant, dès lors que, en raison, notamment, de sa position dans le signe ou de sa dimension, il est susceptible de s’imposer à la perception du consommateur et d’être gardé en mémoire par celui-ci [arrêt Représentation d’une peau de vache, précité, point 32 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 juillet 2004, AVEX/OHMI – Ahlers (a), T‑115/02, Rec. p. II‑2907, point 20].

55      Par conséquent, il n’y a pas lieu de se prononcer, à ce stade de l’examen, sur l’éventuel caractère distinctif faible de l’expression « pages jaunes », car il est évident, eu égard aux considérations du point 53 ci-dessus, que c’est cette expression qui est susceptible de s’imposer à la perception du consommateur et d’être gardée en mémoire par celui‑ci.

56      En ce qui concerne la marque demandée PAGESJAUNES.COM, qui est une marque purement verbale, il y a lieu de relever qu’elle est constituée de deux parties. L’élément « pagesjaunes », par sa position et sa longueur, constitue l’élément dominant. La terminaison « .com » n’a qu’un caractère secondaire, faisant simplement allusion à une adresse électronique sur Internet.

57      S’agissant de la comparaison visuelle entre les signes en conflit, la requérante fait valoir que la marque antérieure comporte trois mots avec un total de cinq syllabes, tandis que la marque demandée ne comporte qu’un mot de six syllabes. Selon la requérante, il faut relativiser les ressemblances provenant de l’élément verbal « pages jaunes », peu distinctif, pour s’attacher aux éléments permettant une différenciation, à savoir l’orthographe des marques ainsi que, dans un cas, l’existence de l’article « les » et, dans l’autre cas, l’existence de la terminaison « .com ». Il existerait donc des différences notables sur le plan visuel.

58      Cette argumentation ne saurait être retenue. En effet, même si les mots « pages » et « jaunes » sont accolés dans la marque demandée, tandis que dans la marque antérieure il semble y avoir un écart difficilement perceptible entre ces deux mots, il convient de relever que les éléments dominants de ces deux marques coïncident. Par ailleurs, les éléments verbaux « les » de la marque antérieure et « .com » de la marque demandée ne permettent pas de distinguer ces marques, car ils sont purement secondaires, comme il ressort des points 53 et 56 ci-dessus. La représentation graphique de la marque antérieure n’est pas non plus telle qu’elle rendrait les marques différentes sur le plan visuel.

59      Dès lors, il y a lieu de constater que les marques en conflit sont similaires sur le plan visuel.

60      En ce qui concerne la comparaison phonétique des signes en conflit, la requérante fait valoir qu’il existe également de fortes différences entre les deux marques, car la marque antérieure se prononce « paj-jo-ne », alors que la marque demandée se prononce « paj-jo-ne-point-com ».

61      Cette argumentation ne saurait être retenue. Il suffit de relever que les seules différences entre les éléments « les » et « .com », lesquels sont secondaires, ne suffisent pas pour écarter la similitude phonétique due à la reproduction des mots « pages » et « jaunes », c’est-à-dire de l’élément dominant de la marque antérieure, dans la marque demandée. De plus, il y a lieu de relever que l’article n’est pas nécessairement prononcé, ce que la requérante admet elle-même implicitement, puisqu’elle n’en fait aucune mention dans ses allégations relatives à la comparaison phonétique des marques en cause.

62      S’agissant de la comparaison conceptuelle des signes en conflit, selon la requérante, il n’existe aucune ressemblance, car la marque antérieure évoque indiscutablement des annuaires sur support en papier dont les pages sont jaunes, tandis que la marque demandée évoque l’internet et un système de recherche d’adresses sur Internet.

63      Il convient de rejeter également cette argumentation de la requérante. En effet, les deux marques font référence à des pages de couleur jaune. La présence de l’élément verbal « les » dans la marque antérieure ne change aucunement son contenu conceptuel, étant donné qu’il remplit la simple fonction d’article. La seule différence tient à la terminaison « .com » de la marque demandée. Toutefois, cette terminaison ne modifie pas le sens de l’expression « pages jaunes », car elle se borne à suggérer l’idée que les produits couverts par la marque demandée peuvent être consultés ou achetés sur Internet.

64      Par conséquent, il y a lieu de conclure que les marques en cause sont similaires et que c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté, au point 20 de la décision attaquée, que la ressemblance entre les marques était frappante, tant sur les plans visuel et phonétique que sur le plan conceptuel.

65      Il convient encore d’apprécier globalement s’il existe un risque de confusion entre les marques en conflit.

 Sur le risque de confusion

66      La position de la chambre de recours quant à l’existence d’un risque de confusion est exposée, au point 21 de la décision attaquée, comme suit :

« Si l’on ajoute à [la ressemblance frappante entre les marques en conflit] qu’elles seraient utilisées pour des produits identiques, offerts à un même public et vivant sur le même territoire, le risque de confusion n’est pas seulement probable, mais assuré. Les usagers français penseront, en effet, que PAGESJAUNES.COM est la version Internet de l’annuaire papier [portant la marque] LES PAGES JAUNES et que, bien entendu, les deux produits sont offerts par la même entreprise. »

67      La requérante fait valoir que, compte tenu de son caractère distinctif très faible, la marque antérieure ne saurait bénéficier par sa nature même que d’une protection réduite, consistant simplement en l’interdiction de sa reproduction servile, sans pouvoir en aucun cas conférer à l’intervenante un droit exclusif sur l’expression « pages jaunes ». Selon la requérante, la chambre de recours a omis de prendre en considération ce caractère distinctif très faible lors de la comparaison des marques en cause.

68      Il convient de relever, à cet égard, qu’il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a reconnu à la marque antérieure un « caractère distinctif ordinaire ».

69      Sans qu’il soit besoin d’examiner les différents arguments de la requérante relatifs au prétendu caractère distinctif faible de la marque antérieure, il suffit de constater que, même si on considérait que c’est à tort que la chambre de recours a reconnu à la marque antérieure un « caractère distinctif ordinaire », une telle erreur ne saurait conduire à l’annulation de la décision attaquée.

70      En effet, la reconnaissance d’un caractère faiblement distinctif de la marque antérieure n’empêche pas de constater l’existence d’un risque de confusion en l’espèce. En effet, si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 24), il n’est qu’un élément parmi d’autres intervenant lors de cette appréciation. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment, en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services visés [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 mars 2005, L’Oréal/OHMI – Revlon (FLEXI AIR), T‑112/03, Rec. p. II‑949, point 61].

71      En outre, la thèse défendue par la requérante à cet égard aurait pour effet de neutraliser le facteur tiré de la similitude des marques au profit de celui fondé sur le caractère distinctif de la marque nationale antérieure auquel serait accordé une importance excessive. Il en résulterait que, dès lors que la marque nationale antérieure n’est dotée que d’un faible caractère distinctif, un risque de confusion n’existerait qu’en cas de reproduction complète de celle‑ci par la marque dont l’enregistrement est demandé, et ce quel que soit le degré de similitude entre les signes en cause (ordonnance de la Cour du 27 avril 2006, L’Oréal/OHMI, C‑235/05 P, non publiée au Recueil, point 45). Un tel résultat ne serait toutefois pas conforme à la nature même de l’appréciation globale que les autorités compétentes sont chargées d’entreprendre en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 (arrêt de la Cour du 15 mars 2007, T.I.M.E. ART/Devinlec et OHMI, C‑171/06 P, non publié au Recueil, point 41).

72      Dès lors, il y a lieu de relever qu’il existe, en l’espèce, un risque de confusion, étant donné l’identité des produits en cause et la similitude entre les signes en conflit. En effet, comme l’a constaté à juste titre la chambre de recours au point 21 de la décision attaquée, les consommateurs français pourraient penser que la marque demandée PAGESJAUNES.COM est la version sur Internet de l’annuaire sur support en papier portant la marque LES PAGES JAUNES et que, partant, les deux produits sont offerts par la même entreprise.

73      Dans ces circonstances, doit également être rejetée l’allégation d’absence de notoriété de la marque antérieure. Étant donné que la chambre de recours n’a pas fondé sa décision sur la notoriété de la marque antérieure et que c’est à bon droit qu’elle a conclu à l’existence d’un risque de confusion, l’éventuelle absence de notoriété n’affecterait aucunement la légalité de la décision attaquée.

74      Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

75      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Xentral LLC est condamnée aux dépens.

Jaeger

Tiili

Tchipev

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le français.