Language of document : ECLI:EU:T:2012:148

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

23 mars 2012 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale ALIXIR – Marque nationale verbale antérieure Elixeer – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Similitude des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑157/10,

Barilla G. e R. Fratelli SpA, établie à Parme (Italie), représentée par Mes A. Vanzetti, G. Sironi et A. Colmano, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. R. Pethke, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Brauerei Schlösser GmbH, établie à Düsseldorf (Allemagne), réprésentée par MJ. Flick, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 25 janvier 2010 (affaire R 820/2009‑2), relative à une procédure d’opposition entre Brauerei Schlösser GmbH et Barilla G. e R. Fratelli SpA,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood (rapporteur), président, F. Dehousse et J. Schwarcz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 8 avril 2010,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 19 juillet 2010,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 18 juin 2010,

vu la demande de fixation d’une audience présentée par la requérante dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite,

vu la lettre par laquelle la requérante a renoncé à sa demande de fixation d’une audience et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 28 septembre 2006, la requérante, Barilla G. e R. Fratelli SpA, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal ALIXIR.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, pour autant qu’ils concernent la présente affaire, de la classe 32 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 7/2007, du 19 février 2007.

5        Le 16 mai 2007, l’intervenante, Brauerei Schlösser GmbH, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009) à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque nationale verbale Elixeer, faisant l’objet de l’enregistrement allemand n° 30228084, pour des produits relevant de la classe 32 au sens de l’arrangement de Nice, à savoir boissons non alcooliques, boissons énergisantes, boissons mixtes à base de bière.

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009)].

8        Par décision du 8 juin 2009, la division d’opposition a accueilli l’opposition pour tous les produits visés par la demande de marque communautaire.

9        Le 23 juillet 2009, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009.

10      Par décision du 25 janvier 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours a rejeté le recours.

11      En particulier, s’agissant du public ciblé, la chambre de recours a estimé que les produits en cause étaient destinés au consommateur moyen en Allemagne. En ce qui concerne la comparaison des signes en conflit, la chambre de recours a considéré, en substance, qu’il existait un faible degré de similitude visuelle et un degré élevé de similitude phonétique, de sorte à ne pas exclure que les consommateurs se livrant à une comparaison phonétique des signes attribueraient le même contenu conceptuel à la marque demandée et à la marque antérieure. La chambre de recours a relevé que les produits couverts par les deux signes étaient identiques ou hautement similaires. Par ces motifs, la chambre de recours a conclu, dans le cadre d’une appréciation globale des éléments de l’affaire, que, malgré le caractère distinctif faible de la marque antérieure, la division d’opposition n’avait pas commis d’erreur en estimant qu’un risque de confusion existait entre les signes en conflit.

 Procédure et conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter l’opposition ou renvoyer l’affaire à l’OHMI ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens.

13      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      À l’appui de sa demande, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

15      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

16      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

17      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, point 42, et la jurisprudence citée].

18      Par ailleurs, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence citée].

19      En l’espèce, la requérante déclare ne pas contester les conclusions de la chambre de recours en ce qui concerne la définition du public pertinent, l’identité ou la similitude des produits et le caractère distinctif faible de la marque antérieure.

20      En revanche, la requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours, selon laquelle les signes en conflit présentent une similitude phonétique élevée, une faible similitude visuelle et une similitude conceptuelle. La requérante ajoute que la différence conceptuelle due au fait que la marque demandée n’a pas de sens propre alors que la marque antérieure est très proche du terme allemand « Elixier » est susceptible de neutraliser d’éventuelles similitudes phonétiques et visuelles. En outre, la chambre de recours n’aurait pas pris en compte le faible, voire inexistant, caractère distinctif de la marque antérieure, en élargissant ainsi indûment sa protection.

21      À cet égard, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 30]. L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

22      En l’espèce, il y a lieu de relever que la marque Elixeer ne se distingue du terme allemand « Elixier », qui signifie élixir, que par une seule voyelle, si bien qu’il existe une possibilité non négligeable que le consommateur moyen prononce sa terminaison de la même manière qu’il prononce la terminaison dudit terme allemand, même si une telle prononciation de la double voyelle « ee » n’est pas fréquente en allemand. En outre, une telle prononciation serait conforme aux règles pertinentes de la langue anglaise, avec laquelle une partie du public pertinent est familiarisée.

23      Au demeurant, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours, les signes en conflit sont composés d’un seul mot de trois syllabes et se distinguent par leur lettre initiale respective, la syllabe « lix » étant commune.

24      Dans ces conditions, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en estimant que les signes en conflit présentaient une similitude visuelle faible et une similitude phonétique élevée.

25      S’agissant de la comparaison des signes au niveau conceptuel, il y a lieu de relever, à l’instar de la chambre de recours, que la similitude phonétique entre la marque demandée et le terme allemand « Elixier » peut mener le consommateur moyen à l’associer audit terme allemand, tout comme il pourra le faire pour la marque antérieure pour les raisons exposées au point 22 ci-dessus. Cette appréciation n’équivaut pas à une prépondérance de l’aspect phonétique sur l’aspect conceptuel, mais résulte de la prise en compte de la prononciation possible d’un terme en vue de déterminer la manière dont il sera perçu conceptuellement par le public pertinent ou une partie de celui-ci.

26      Partant, la conclusion de la chambre de recours sur l’existence d’une similitude des signes n’est pas entachée d’erreur.

27      Quant à l’appréciation globale du risque de confusion, l’argument de la requérante, tiré du faible caractère distinctif de la marque antérieure, ne saurait être retenu. À cet égard, il convient de rappeler que, si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion, il n’est qu’un élément parmi d’autres intervenant lors de cette appréciation. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment, en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services visés [voir arrêt du Tribunal du 16 septembre 2009, Zero Industry/OHMI – zero Germany (zerorh+), T‑400/06, non publié au Recueil, point 74, et la jurisprudence citée].

28      Accorder une importance excessive au fait que la marque antérieure n’a qu’un caractère distinctif faible aurait pour effet de neutraliser le facteur tiré de la similitude des marques en conflit au profit de celui fondé sur le caractère distinctif de la marque antérieure. Il en résulterait que, dès lors que la marque antérieure n’est dotée que d’un caractère distinctif faible, un risque de confusion n’existerait qu’en cas de reproduction complète de celle‑ci par la marque dont l’enregistrement est demandé, et ce quel que soit le degré de similitude entre les signes en conflit. Un tel résultat ne serait pas conforme à la nature même de l’appréciation globale que les autorités compétentes sont chargées d’entreprendre en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 (arrêt zerorh+, précité, point 75).

29      En l’espèce, il y a lieu de confirmer l’appréciation de la chambre de recours, selon laquelle la marque antérieure est pourvue d’un faible caractère distinctif à cause de sa différenciation, ne fut-elle que limitée, par rapport au terme allemand « Elixier », qui a une connotation laudative s’agissant des boissons.

30      Dans ces conditions, la chambre de recours a considéré à juste titre que, tenant compte, d’une part, de l’identité ou de la similitude élevée entre les produits couverts par les signes en conflit, et, d’autre part, de la similitude entre lesdits signes, un risque de confusion devait être constaté.

31      Partant, le moyen unique doit être rejeté, tout comme le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

32      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Barilla G. e R. Fratelli SpA est condamnée aux dépens.

Forwood

Dehousse

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 mars 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.