Language of document : ECLI:EU:T:2021:645

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

6 octobre 2021 (*) (1)

« Aides d’État – Marché polonais de l’électricité – Mécanisme de capacité – Décision de ne pas soulever d’objections – Régime d’aides – Article 108, paragraphes 2 et 3, TFUE – Notion de doutes – Article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement (UE) 2015/1589 – Difficultés sérieuses – Article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE – Lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020 – Droits procéduraux des parties intéressées – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑167/19,

Tempus Energy Germany GmbH, établie à Berlin (Allemagne),

T Energy Sweden AB, établie à Göteborg (Suède),

représentées par Mes D. Fouquet et J. Derenne, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes K. Herrmann et P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

par

PGE Polska Grupa Energetyczna S.A., établie à Varsovie (Pologne), représentée par M. A. Ryan, Mme A. Klosok, solicitors, Mes T. Janssens et K. Bojarojć-Bartnicka, avocats,

par

Enel X Polska z o.o., établie à Varsovie, représentée par Mes V. Cannizzaro, S. Ventura et L. Caroli, avocats,

et par

Enspirion sp. z o.o., établie à Gdańsk (Pologne), représentée par Me A. Czech, avocat,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2018) 601 final de la Commission, du 7 février 2018, de ne pas soulever d’objections à l’encontre du régime d’aides relatif au mécanisme de capacité en Pologne, au motif que ledit régime est compatible avec le marché intérieur, en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE [aide d’État SA.46100 (2017/N)],

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, V. Kreuschitz (rapporteur) et Mme G. Steinfatt, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

A.      Sur les requérantes

1        Les requérantes, les sociétés Tempus Energy Germany GmbH et T Energy Sweden AB (ci-après, prises ensemble, « Tempus »), commercialisent une technologie de gestion de la consommation d’électricité, autrement dit de la « gestion de la demande », auprès des particuliers et des professionnels, notamment sur les marchés de l’électricité de la République fédérale d’Allemagne et du Royaume de Suède.

2        L’offre proposée par Tempus à ses clients vise à générer des réductions de coûts dans la chaîne de l’offre d’électricité en combinant la technologie de gestion de la demande aux services proposés par un fournisseur d’électricité. Tempus vend de l’électricité et aide ses clients à décaler leur consommation électrique non soumise à des contraintes de temps vers des périodes durant lesquelles les prix de gros sont bas, soit parce que la demande est faible, soit parce que l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables est abondante et donc moins coûteuse.

B.      Sur la procédure administrative et sur la décision attaquée

3        Par son recours, Tempus demande l’annulation de la décision C(2018) 601 final de la Commission européenne, du 7 février 2018, de ne pas soulever d’objections à l’encontre du régime d’aides relatif au mécanisme de capacité en Pologne (ci-après le « régime d’aides »), qui prévoit le versement annuel aux fournisseurs de capacités de quatre milliards de złotys polonais (PLN), étalé sur une période de dix ans, au motif que ledit régime est compatible avec le marché intérieur, en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE [aide d’État SA.46100 (2017/N)] (ci-après la « décision attaquée »).

4        Le 16 novembre 2016, les autorités polonaises avaient, en vertu du code de bonnes pratiques pour la conduite des procédures de contrôle des aides d’État (JO 2009, C 136, p. 13, ci-après le « code de bonnes pratiques »), prénotifié à la Commission européenne un projet de régime d’aides visant au soutien des fournisseurs de capacités sur le marché de l’électricité en Pologne (ci-après le « marché de capacité polonais » ou le « mécanisme de capacité polonais »). Le 27 janvier 2017, la Commission a adressé une demande de renseignements aux autorités polonaises à laquelle celles-ci ont répondu le 31 mars 2017. Plusieurs réunions et conversations téléphoniques entre lesdites autorités et la Commission ont eu lieu entre les 10 février 2017 et 18 janvier 2018 (paragraphe 1 de la décision attaquée).

5        Le 6 décembre 2017, les autorités polonaises ont notifié le régime d’aides à la Commission (paragraphe 2 de la décision attaquée).

6        Le 7 février 2018, la Commission a adopté la décision attaquée.

C.      Sur le marché de l’électricité polonais

7        Sur le marché de l’électricité polonais sont actifs quatre principaux opérateurs verticalement intégrés, dont trois, à savoir Enea S.A., Energa S.A. et PGE Polska Grupa Energetyczna S.A. (PGE), sont contrôlés majoritairement par l’État polonais par le biais de l’entreprise publique Polskie Sieci Elektroenergetyczne (PSE), alors que cet État ne détient qu’environ 30 % des parts sociales dans le quatrième opérateur, à savoir Tauron Polska Energia S.A. En 2015, l’ensemble de ces opérateurs assurait 65 % de la production d’électricité en Pologne et une part importante de la distribution et du marché de détail. Le réseau de transport national, indépendant du réseau de distribution, est la propriété de PSE et est géré par celle-ci. Le cinquième plus important opérateur actif sur le marché de l’électricité polonais est RWE Polska S.A., une filiale de RWE AG et rebaptisée en 2016 Innogy Polska S.A., qui se trouve exclusivement sous contrôle privé.

8        Le marché de l’électricité polonais est toujours dominé par une production à partir de la houille et du lignite. Une part importante des centrales pour partie vieillissantes doit être mise hors service dans un proche avenir. Le manque de capacité de production qui en résulte constitue un défi pour la Pologne, mais lui offre aussi la possibilité de moderniser, de diversifier et de décarboniser son bouquet énergétique. La Pologne dispose d’une capacité de production installée de 41 gigawatts (GW) et d’une demande globale d’environ 165 terawatts (TW) par an. La houille et le lignite représentent, respectivement, 40 % et 20 % de la capacité, alors que les sources d’énergie renouvelables, en particulier l’énergie éolienne, fournissent au total 19,5 % de la capacité installée. Toutefois, le charbon représente encore environ 75 % de la production énergétique réelle. Même si le pic de demande d’environ 25 GW se produit en hiver, la sécurité d’approvisionnement électrique est surtout menacée pendant les mois d’été, un certain nombre de centrales de production combinée de chaleur et d’électricité cessant leur production pendant les mois les plus chauds et les faibles niveaux d’eau pouvant restreindre la production des centrales thermiques.

9        À l’instar d’autres marchés de gros de l’électricité dans l’Union européenne, en Pologne, l’électricité fait l’objet d’échanges sur la bourse polonaise de l’énergie ou « de gré à gré ». Même si les marchés de gros et de détail sont caractérisés par un degré de concentration élevé, les prix de l’électricité se situent dans la moyenne européenne. Le marché d’équilibrage polonais est contrôlé par PSE en tant que gestionnaire du réseau de transport (ci-après le « GRT »). Outre les dépenses d’investissement et d’exploitation, les coûts de transport couvrent aussi l’équilibre net des coûts. Malgré une baisse des prix affichée durant les dernières années, la Pologne est un exportateur net d’électricité. Il est envisagé de compléter les interconnecteurs transfrontaliers en place avec l’Allemagne, la République tchèque, la Lituanie, la Suède et la Slovaquie par un autre interconnecteur transfrontalier avec le Danemark. Le transport d’électricité à destination et en provenance de la Suède est régi par un mécanisme de couplage de marché. Le transport avec l’Allemagne, la Slovaquie et la République tchèque est déterminé au moyen d’enchères entre les GRT. Pour atténuer le problème d’encombrement du réseau de transport entre l’Allemagne et la Pologne, 50Hertz Transmission GmbH, un GRT allemand, et PSE ont récemment décidé d’installer des déphaseurs aux interconnexions. La scission de la zone commune de dépôt des offres germano-autrichienne a davantage réduit l’encombrement.

D.      Sur le régime d’aides

10      Le régime d’aides établit un mécanisme ou un marché de capacité qui est destiné à combler l’écart attendu entre la demande et la capacité et, partant, à garantir la sécurité de l’approvisionnement de manière durable sur le marché de l’électricité en Pologne, eu égard à l’estimation des autorités polonaises selon laquelle ce marché est susceptible d’atteindre un niveau critique d’adéquation des ressources ou des capacités de production en 2020. Plus précisément, selon ces autorités, en raison du vaste programme de suppression progressive et de mise en réserve d’anciennes unités de production jusqu’à 2020, des pénuries de capacités sont attendues que les forces du marché ne peuvent combler à elles seules, ce qui est décrit comme le « problème de manque de revenus » (paragraphes 6 à 8 de la décision attaquée). Pour démontrer cette défaillance de marché, les autorités polonaises se sont fondées, notamment, sur les données et sur les prévisions à moyen terme de PSE en matière d’adéquation de capacités (ci-après l’« évaluation de l’adéquation des capacités de PSE »), anticipant, en substance, pour 2020, 2025 et 2030, une perte de charge supérieure à la norme de fiabilité à hauteur de trois heures de perte de charge par an (ci-après la « norme de fiabilité en cause ») qui représente un niveau de sécurité du système de 99,97 % (paragraphe 31 de la décision attaquée). Les données à la base de cette évaluation ont été transmises au Réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d’électricité (ci-après le « REGRT‑E ») aux fins de l’établissement de son rapport de 2017, intitulé « Mid‑term Adequacy Forecast (MAF) 2017 » (ci-après le « rapport MAF 2017 »), et les prévisions de PSE ont fait l’objet d’un audit indépendant effectué par une société de consultants (paragraphes 9 à 13 de la décision attaquée). Ainsi qu’il ressort des paragraphes 15 et 16 de la décision attaquée, les autorités polonaises se sont engagées à améliorer les signaux de prix durant les périodes de pénurie par une série de mesures, en ce compris l’assurance que, à partir du 1er janvier 2021, les opérateurs de gestion de la demande seraient éligibles à participer aux marchés de gros de l’électricité et d’équilibrage, de manière équivalente à celle des autres participants de marché [paragraphe 16, sous f), de la décision attaquée].

11      La gestion du marché de capacité incombe à PSE, dont une des tâches principales est d’organiser des enchères centralisées pour la fourniture des capacités requises. Ces enchères sont en principe ouvertes aux producteurs, aux opérateurs de gestion de la demande et aux opérateurs de stockage existants et nouveaux, établis en Pologne ou dans la zone de contrôle des GRT européens voisins (paragraphe 4 de la décision attaquée). Les fournisseurs retenus reçoivent un paiement fixe pendant la durée de l’accord de capacité octroyé (ci-après les « paiements de capacité ») contre l’engagement de fournir, à la demande de PSE, des capacités lorsque le réseau est soumis à des tensions (ci-après l’« obligation de capacité »). À défaut de fourniture du volume d’énergie correspondant à leur obligation de capacité, les fournisseurs retenus s’exposent à des pénalités financières. Les paiements de capacité sont financés par une redevance sur les approvisionnements d’électricité (ci-après la « redevance de capacité »), collectée auprès du consommateur final, sur la base de la consommation en électricité annuelle ou durant les « heures choisies de la journée ».

12      Aux paragraphes 18 et 19 de la décision attaquée, il est toutefois précisé que, d’une part, le marché de capacité polonais exclut les fournisseurs de capacités bénéficiant d’aides au fonctionnement, notamment, celles octroyées au titre du régime d’aides polonais visant à encourager le déploiement de la production à partir de sources d’énergie renouvelables, tel qu’approuvé par la décision C(2017) 8334 final de la Commission, du 13 décembre 2017, de ne pas soulever d’objections à l’encontre du régime d’aides polonais en faveur des [sources d’énergie renouvelables] et de l’exonération des grands consommateurs d’énergie (Ustawa o odnawialnych źródłach energii – aukcyjny system wsparcia OZE oraz ulgi w opłacie OZE dla przedsiębiorstw energochłonnych) [aide d’État SA.43697 (2015/N)] (ci-après le « régime d’aides SER »), et, d’autre part, afin d’éviter toute surcompensation, les fournisseurs de capacités se voient déduire des paiements de capacité le montant d’aides à l’investissement dont ils bénéficient, notamment, dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union (voir décision C(2013) 6648 final de la Commission, du 22 janvier 2014, de ne pas soulever d’objections à l’encontre du régime d’aides relatif à la dérogation de la Pologne à l’article 10 quater de la directive 2003/87/CE sur l’échange de droits d’émission – Quotas gratuits aux producteurs d’électricité [aide d’État SA.34674 (2013/N)]).

13      Le mécanisme de capacité polonais a été instauré par l’Ustawa o rynku mocy (loi polonaise sur le marché de capacité du 8 décembre 2017, ci-après la « loi ») (Dz. U. de 2018, position 9), qui est entrée en vigueur le 18 janvier 2018. Sur le fondement de l’article 34 de cette loi, le ministre de l’Énergie polonais a adopté des règlements d’exécution qui précisent les dispositions régissant le fonctionnement du marché de capacité. Le 30 mars 2018, le président de l’Urzęd Regulacji Energetyki (office de régulation de l’énergie, Pologne) a approuvé ces règlements d’exécution. Le 24 août 2018, le ministre de l’Énergie polonais a adopté le décret d’exécution relatif aux paramètres d’enchères pour la période de livraison entre 2021 et 2023.

14      La loi vise à assurer aux consommateurs la sécurité de l’approvisionnement en électricité à moyen et à long terme, au meilleur coût et de manière non discriminatoire et durable (article 1, paragraphe 2). Le marché de capacité polonais a pour objet de créer et de négocier des obligations de capacité, c’est-à-dire l’obligation d’un opérateur de garantir la fourniture de capacités pendant les périodes de livraison ainsi que leur fourniture effective pendant les périodes d’urgence. Ces capacités peuvent être mises à disposition soit en produisant et fournissant de l’électricité, soit, dans le cas de la gestion de la demande, en réduisant la demande en période de tension sur le réseau. Les enchères octroyant les obligations de capacité sont précédées d’une procédure d’enregistrement et de certification (articles 11 à 28 de la loi ; paragraphes 20 à 26 de la décision attaquée), avec des particularités concernant la certification d’opérateurs de gestion de la demande (paragraphes 27 et 28 de la décision attaquée). Les fournisseurs de capacités participent aux enchères et au marché de capacité polonais sous la forme d’unités du marché de capacité (ci-après les « CMU ») qui peuvent, notamment, être des CMU de production ou de gestion de la demande et se composer d’une ou plusieurs unités physiques réunies dans un même groupe pour répondre à un appel d’offres (article 16 de la loi ; paragraphe 17 de la décision attaquée). Pour être éligibles en tant que CMU, les unités physiques de production ou de gestion de la demande, y compris étrangères, doivent atteindre un seuil minimal de capacité (net) de 2 mégawatts (MW) [article 16, paragraphe 1, sous 1), 2), 5) et 6), de la loi]. Pour les groupes d’unités physiques de production ou de gestion de la demande, y compris étrangères, la capacité maximale est de 50 MW et chacune des unités physiques ne peut dépasser la capacité maximale (nette) de 10 MW [article 16, paragraphe 1, sous 3), 4), 7) et 8), de la loi].

15      Il ressort des paragraphes 42 et 43 de la décision attaquée que la durée des accords de capacité à octroyer aux CMU est déterminée, en principe, en fonction du niveau de leurs dépenses d’investissement (ci-après les « CAPEX ») attendu durant les cinq années précédant l’année de fourniture, à l’exception de la première enchère principale pour laquelle les CAPEX encourues depuis janvier 2014 sont pertinentes. Le seuil des CAPEX est précisé dans des règlements d’exécution du ministre de l’Énergie polonais pour chaque vente aux enchères. Les autorités polonaises se sont engagées à l’égard de la Commission à ce que les seuils des CAPEX ne puissent être revus qu’à la baisse à l’avenir et à lui notifier tout ajustement vers le bas en deçà de 20 % des seuils actuels. En outre, elles sont tenues de garantir que les seuils des CAPEX pour obtenir des accords de capacité de cinq ou quinze ans soient neutres du point de vue technologique. Les CMU n’encourant pas de CAPEX importantes, en particulier les CMU de production existantes, ne peuvent conclure que des accords de capacité d’une durée d’un an. Les CMU de production nouvelles et modernisées, ainsi que les CMU de gestion de la demande dont les CAPEX sont supérieures ou égales à 500 000 PLN/kilowatt (kW) sont éligibles pour conclure des accords de capacité d’une durée maximale de cinq ans. Les nouvelles CMU de production, dont les CAPEX sont supérieures ou égales à 3 millions de PLN/kW, peuvent conclure des accords de capacité d’une durée maximale de quinze ans. Les accords de capacité d’une durée égale ou supérieure à un an ne sont octroyés que lors des enchères principales. Selon l’article 25, paragraphe 5, de la loi, les CMU peuvent bénéficier d’un « bonus écologique » permettant de prolonger la durée d’un accord de capacité pluriannuel de deux ans, lorsque la norme de performance de la CMU en matière d’émissions de dioxyde de carbone (CO2) est inférieure ou égale à 450 kilogrammes par mégawattheure (kg/MWh) d’énergie produite, ou, pour les unités de production combinées, lorsque la CMU achemine au moins la moitié de la chaleur produite vers un réseau de chaleur en utilisant l’eau chaude comme vecteur thermique (paragraphe 49 de la décision attaquée).

16      L’article 29 de la loi prévoit deux types d’enchères de capacités, à savoir les enchères principales et les enchères complémentaires. Les enchères principales ou « N-5 » doivent être organisées au cours de la cinquième année précédant la période de livraison, à l’exception des trois premières enchères principales pour la période de livraison entre 2021 et 2023 qui ont déjà été organisées en 2018. Les enchères complémentaires ou « N-1 » destinées à de courtes périodes de livraison pour chaque trimestre de l’année civile doivent être organisées parallèlement dans l’année précédant l’année de livraison (paragraphes 37 et 38 de la décision attaquée).

17      Aux termes des paragraphes 51 à 73 de la décision attaquée, la participation des capacités étrangères aux enchères est autorisée dans les limites dressées par deux modèles, qui sont désignés par la Commission comme étant les solutions cible et transitoire (article 6, paragraphe 1, de la loi). Selon elle, en vertu de la solution cible, destinée à être mise en œuvre à long terme, PSE présélectionne les fournisseurs de capacités éligibles en organisant trois enchères préalables spécifiques, au titre de l’article 4, paragraphe 1, de la loi, pour chacune des zones frontalières de la Pologne. À cet effet, la zone couvrant une partie de l’Allemagne, de la République tchèque et de la Slovaquie est considérée comme une zone frontalière en raison de son intégration dans une zone de fréquence synchrone, alors que les frontières avec la Lituanie et la Suède sont traitées comme frontières distinctes [article 6, paragraphe 1, sous 2), lu conjointement avec l’article 6, paragraphe 6, de la loi ; paragraphe 54 de la décision attaquée]. Les soumissionnaires remportant une enchère préalable sont soumis à une procédure de certification en tant que CMU étrangères, enregistrées et éligibles pour l’octroi d’accords de capacité d’une durée d’un an dans le cadre des enchères principales auxquelles elles participent de manière « passive ». Cela signifie que leurs offres sont automatiquement égales à celles soumises dans le cadre des enchères préalables (paragraphes 59, 62 et 63 de la décision attaquée). Aux paragraphes 66 et 67 de la décision attaquée, il est précisé qu’une telle participation des CMU étrangères aux enchères principales exige la conclusion d’accords de coopération entre PSE et les GRT voisins (article 6, paragraphe 2, de la loi), raison pour laquelle, selon la Commission, à ce stade, seule la solution transitoire est mise en œuvre. En vertu de cette dernière solution [article 6, paragraphe 1, sous 1), de la loi], au lieu des fournisseurs de capacités étrangers, les (cinq) interconnecteurs pour chaque zone frontalière de la Pologne, représentés par les GRT voisins en tant que copropriétaires des actifs d’interconnexion, participent aux enchères principales (paragraphe 68 de la décision attaquée). La mise en œuvre de cette solution nécessite aussi la conclusion d’accords entre les GRT (article 6, paragraphe 2, lu conjointement avec article 8, paragraphe 1, de la loi), qualifiés par la Commission de moins compliqués que ceux exigés dans le cadre de la solution cible (point 73 de la décision attaquée).

II.    Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 mars 2019, Tempus a introduit le présent recours.

19      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 3 juin 2019, PGE a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 20 septembre 2019, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis cette intervention. PGE a déposé son mémoire et les parties principales ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

20      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 juin 2019, la République de Pologne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. Par décision du 23 septembre 2019, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis cette intervention. La République de Pologne a déposé son mémoire et les parties principales ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

21      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 juin 2019, Enspirion sp. z o.o., un opérateur de gestion de la demande actif sur le marché de l’électricité polonais depuis 2012, a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 20 septembre 2019, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis cette intervention. Enspirion a déposé son mémoire et les parties principales ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

22      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 juin 2019, Enel X Polska z o.o. (ci-après « Enel X »), un opérateur de gestion de la demande actif sur le marché de l’électricité polonais depuis 2014 et qui y détient une part d’environ 70 % de la capacité de gestion de la demande, a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 20 septembre 2019, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis cette intervention. Enel X a déposé son mémoire et les parties principales ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

23      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre nouvellement composée, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

24      Aucune demande des parties principales, au titre de l’article 106 du règlement de procédure du Tribunal, visant à être entendues lors d’une audience de plaidoiries n’a été introduite dans le délai imparti.

25      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé à la Commission et aux intervenantes des questions écrites auxquelles celles-ci ont répondu dans les délais impartis. Tempus a soumis ses observations sur les réponses de la Commission et des intervenantes dans le délai imparti.

26      Tempus conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        adopter des mesures d’organisation de la procédure, au titre de l’article 89, paragraphe 3, sous d), du règlement de procédure, « ordonnant » à la Commission de produire les documents suivants, mentionnés au paragraphe 1 de ladite décision, à savoir :

–        la demande de renseignements adressée par la Commission aux aurorités polonaises le 27 janvier 2017 (voir point 4 ci-dessus) ;

–        les comptes rendus des « différents appels téléphoniques et réunions » qui ont eu lieu entre les autorités polonaises et la Commission entre les 10 février et 20 novembre 2017 ;

–        le texte complet, le cas échéant expurgé d’informations confidentielles, de la notification du régime d’aides effectuée par les autorités polonaises le 6 décembre 2017 (voir point 5 ci-dessus) ;

–        condamner la Commission aux dépens.

27      La Commission et les intervenantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner Tempus aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité

28      La Commission ne remet pas en cause la recevabilité du recours en tant que tel.

29      En revanche, la République de Pologne, PGE et Enspirion soutiennent que le recours est irrecevable pour défaut de qualité pour agir de Tempus que le Tribunal pourrait examiner de sa propre initiative. PGE précise que la jurisprudence autorise les intervenantes à avancer des arguments différents de ceux de la Commission, à condition que ces arguments ne modifient pas le cadre du litige et que l’intervention vise toujours au soutien des conclusions présentées par cette partie. En outre, la République de Pologne et PGE rappellent que, dans la duplique, la Commission soutient elle-même que Tempus ne cherche pas à préserver ses droits procéduraux, mais qu’elle conteste plutôt le bien-fondé de la décision attaquée sans avoir qualité pour le faire.

30      La République de Pologne, PGE et Enspirion estiment que Tempus n’a pas la qualité de partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9). Selon la République de Pologne, à cet égard, il convient de distinguer la position de chacune des deux sociétés requérantes. D’une part, il ressortirait de l’acte constitutif de Tempus Energy Germany que celle-ci n’a été créée que le 26 juillet 2018, soit plus de cinq mois après l’adoption de la décision attaquée. Cette société ne pourrait donc prétendre chercher à défendre, par le présent recours, son droit à être entendue dans le cadre d’une procédure formelle d’examen. En effet, si, au lieu d’adopter la décision attaquée, la Commission avait décidé d’ouvrir ladite procédure, cette société n’aurait pas pu présenter des observations. D’autre part, même si T Energy Sweden a été créée en 2017, à aucun stade de la consultation nationale elle n’aurait présenté d’observations, ni essayé d’influer sur la structure définitive du marché de capacité polonais, notamment, en entrant en contact avec les autorités polonaises ou la Commission. De surcroît, bien que la Commission ait publié la décision attaquée sur son site Internet dès le 18 avril 2018, cette société n’aurait formé le recours que le 14 mars 2019, de sorte que son affirmation quant à sa volonté de défendre ses droits procéduraux serait peu crédible. Enspirion précise que Tempus n’offre à ses clients que des solutions techniques permettant la fourniture de services de gestion de la demande par d’autres entités, de sorte qu’elle n’est pas un bénéficiaire direct du marché de capacité polonais au sens strict et qu’elle peut seulement en bénéficier, de manière indirecte, par le biais des parties avec lesquelles elle contracte. De même, PGE relève que Tempus se limite à faire valoir, de manière spéculative et sans preuve à l’appui, son intention de participer audit marché par l’intermédiaire de différentes interconnexions « dans les trois prochaines années ». Or, Tempus n’aurait ni créé de succursale en Pologne ni participé au processus général de certification ou aux enchères du mécanisme de capacité polonais. Au contraire, 21 mois se seraient écoulés depuis l’adoption de la décision attaquée et aucun « projet » significatif de Tempus démontrant son intérêt à devenir active sur ce marché ne se serait concrétisé.

31      PGE en conclut que Tempus n’a pas d’intérêt à ce que la décision attaquée soit annulée, au sens du concept d’intérêt à agir, et que le recours doit être déclaré irrecevable pour cette même raison. Elle précise que, en l’absence de sa participation au mécanisme de capacité polonais, Tempus ne saurait être qualifiée de « concurrent direct » des autres bénéficiaires du régime d’aides. Selon PGE, en substance, en l’absence de preuve des « projets » de participer au marché de capacité polonais allégués, l’intérêt de Tempus est purement général et hypothétique. Elle pourrait tout au plus être affectée par les parties de la décision attaquée relatives aux opérateurs de gestion de la demande suédois, soit celles portant sur les solutions transitoire et cible qui prévoient des rôles différents pour les interconnexions, mais la requête ne soulèverait aucun point pertinent à cet égard. En tout état de cause, étant donné que la solution cible n’a pas encore été finalisée et qu’il concerne donc une situation juridique future, Tempus n’aurait pas démontré le caractère certain du préjudice causé à cette situation. En outre, Tempus n’aurait pas présenté d’observations lors des consultations publiques de juillet 2016 sur le projet initial du marché de capacité polonais, à la différence de nombreuses parties intéressées, dont des opérateurs de gestion de la demande. Il en serait de même des consultations publiques menées par les autorités polonaises en décembre 2016, à l’occasion desquelles les autres opérateurs de gestion de la demande n’auraient pas fait valoir d’éventuelles préoccupations à l’égard du marché de capacité polonais.

32      Selon la République de Pologne et PGE, la situation de Tempus est très différente de celle des parties requérantes dans l’affaire T‑793/14, qui étaient présentes sur le marché du Royaume-Uni et avaient participé activement aux travaux sur la conception du marché de capacité du Royaume-Uni, de sorte que leur qualité pour agir ne faisait aucun doute. Toutefois, en l’espèce, aucune des deux sociétés requérantes ne serait active sur le marché de l’électricité polonais. En l’absence de qualité de partie intéressée, Tempus devrait donc établir que la décision attaquée la concerne directement et individuellement au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ce qu’elle n’aurait pas fait. PGE précise qu’il n’existe aucun « lien de causalité directe » entre les intérêts de Tempus et la décision attaquée, Tempus n’étant ni présente ni active sur le marché de capacité polonais et se limitant à alléguer des « projets » non corroborés d’entrer sur ce marché. L’absence d’affectation individuelle de Tempus par ladite décision serait également confirmée par son manque de participation aux procédures de consultation au niveau national et de prénotification et de notification au niveau de l’Union. La notion d’affectation individuelle serait privée de toute signification juridique et cette voie de recours serait transformée en actio popularis, si, afin de reconnaître la qualité pour agir, il suffisait qu’une partie requérante, comme en l’occurrence Tempus, ne soit qu’indirectement et potentiellement affectée par un régime d’aides et ne soit donc que marginalement intéressée par l’acte litigieux.

33      Au sujet de la recevabilité, Tempus se borne à exposer dans la requête que, conformément à une jurisprudence établie, les concurrents sont fondés à contester le refus d’ouvrir la procédure formelle d’examen au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, en violation de leurs droits procéduraux. Tempus serait un « intéressé » au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et une « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, qui pourrait contester une décision adoptée en vertu de l’article 4, paragraphe 3, du même règlement en invoquant une violation de ses droits procéduraux qu’elle tire de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement. Ce statut de partie intéressée suffirait à fonder sa qualité pour agir au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, à condition qu’elle allègue que ses intérêts pourraient être compromis par l’octroi de l’aide en cause et qu’elle démontre, à suffisance de droit, que celle-ci est susceptible d’avoir une incidence concrète sur sa situation.

34      Tempus précise, en substance, être un bénéficiaire potentiel du régime d’aides et un concurrent direct et indirect des autres bénéficiaires – plus privilégiés – dudit régime. Les deux sociétés requérantes envisageraient d’entrer sur le marché polonais dans les trois prochaines années pour y devenir un concurrent direct. En tant qu’opérateur de gestion de la demande actif en Allemagne et en Suède, Tempus serait déjà un bénéficiaire potentiel et un concurrent desdits bénéficiaires et l’octroi des aides aurait une incidence concrète sur sa situation, faussant le rapport de concurrence en cause.

35      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53 de ce même statut, les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties principales au litige. En outre, selon l’article 142, paragraphe 3, du règlement de procédure, la partie intervenante accepte le litige dans l’état où il se trouve lors de son intervention. Ainsi, si ces dispositions ne s’opposent pas à ce que la partie intervenante présente des arguments nouveaux ou différents de ceux de la partie principale qu’elle soutient, ces arguments ne doivent pas modifier le cadre du litige (voir arrêt du 20 mars 2013, Andersen/Commission, T‑92/11, non publié, EU:T:2013:143, point 31 et jurisprudence citée ; voir, également, en ce sens, arrêt du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T‑578/17, non publié, EU:T:2019:437, point 36 et jurisprudence citée).

36      Certes, la question de savoir si une partie intervenante est recevable à exciper de l’irrecevabilité du recours lorsque la partie principale ne l’a pas fait et si une telle exception sort ou non du cadre du litige déterminé par les conclusions de la partie principale n’a pas encore été tranchée par la Cour (arrêts du 10 novembre 2016, DTS Distribuidora de Televisión Digital/Commission, C‑449/14 P, EU:C:2016:848, point 121, et du 4 juin 2020, Hongrie/Commission, C‑456/18 P, EU:C:2020:421, points 22 à 24). Toutefois, étant donné que l’irrecevabilité fait partie des fins de non-recevoir d’ordre public, le Tribunal est, en tout état de cause, amené à l’examiner d’office (voir, en ce sens, arrêts du 9 juin 2016, Magic Mountain Kletterhallen e.a./Commission, T‑162/13, non publié, EU:T:2016:341, point 38 et jurisprudence citée, et du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T‑578/17, non publié, EU:T:2019:437, point 36 et jurisprudence citée).

37      S’agissant de la qualité pour agir, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, force est de constater que, contrairement à ce que font valoir la République de Pologne, PGE et Enspirion, Tempus constitue un « intéressé » au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ou une « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589. Ainsi, son recours, y compris l’ensemble des moyens et des griefs invoqués à son appui pour démontrer que la Commission aurait dû éprouver des doutes ou des difficultés sérieuses l’obligeant à ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, est recevable en ce qu’il vise à protéger les droits procéduraux dont Tempus aurait bénéficié au titre de cette disposition (voir, en ce sens, arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, points 59 et 63 à 65 et jurisprudence citée ; du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 81, et du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T‑578/17, non publié, EU:T:2019:437, points 45, 46 et 49).

38      En effet, l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 définit la notion de « partie intéressée », synonyme de celle d’« intéressé » au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, comme se rapportant, notamment, à « toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles ». L’emploi de l’expression « en particulier » indique que cette disposition ne contient qu’une énumération non exhaustive des personnes susceptibles d’être qualifiées de parties intéressées, de sorte que cette notion se réfère à un ensemble indéterminé de destinataires (voir, en ce sens, arrêts du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, EU:C:1984:345, point 16 ; du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 63, et du 13 juin 2019, Copebi, C‑505/18, EU:C:2019:500, point 34).

39      Eu égard à cette définition, le juge de l’Union a interprété la notion de partie intéressée de manière large. Ainsi, il ressort de la jurisprudence que l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 n’exclut pas qu’une entreprise qui n’est pas une concurrente directe de la bénéficiaire de l’aide soit qualifiée de partie intéressée, pour autant qu’elle fasse valoir que ses intérêts pourraient être affectés par l’octroi de l’aide, et que, à cette fin, il suffit qu’elle démontre, à suffisance de droit, que l’aide risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, points 63 à 65 et jurisprudence citée). De même, un syndicat de travailleurs est susceptible d’être qualifié d’« intéressé » au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, lorsqu’il démontre que lui-même ou ses affiliés seront éventuellement affectés dans leurs intérêts par l’octroi d’une aide, à condition que ce syndicat démontre, à suffisance de droit, que l’aide risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation ou celle des affiliés qu’il représente (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2009, 3F/Commission, C‑319/07 P, EU:C:2009:435, point 33).

40      Dès lors, l’argument de PGE et de la République de Pologne selon lequel Tempus ne justifie pas de la qualité d’intéressé au motif qu’elle ne constitue pas un « concurrent direct » présent sur le marché de capacité polonais ou n’aurait pas établi de projets suffisamment concrets d’entrer sur ledit marché ne saurait prospérer. Tempus a démontré, à suffisance de droit, que ses intérêts sont susceptibles d’être affectés par le régime d’aides et que l’octroi tant des accords que des paiements de capacité risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation. Elle a ainsi expliqué, de manière plausible, être, à tout le moins, un concurrent potentiel sur le marché de capacité polonais, en ce qu’elle a l’intention ferme ainsi que la capacité propre d’y entrer dans un avenir proche et que le régime d’aides dresse des obstacles rendant cette entrée plus difficile [voir, s’agissant de la notion de « concurrence potentielle », arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, points 36 à 58]. En outre, le statut de partie intéressée de Tempus est corroboré par sa qualité d’opérateur actif sur les marchés de l’électricité adjacents allemand et suédois, qui lui permet, par le biais des interconnecteurs, voire dans le cas du marché suédois par le biais d’un mécanisme de couplage de marché (voir point 9 ci-dessus), de participer au marché de capacité polonais. Cette appréciation n’est pas infirmée par le fait que Tempus n’est intervenue ni dans les procédures nationales de consultation ni dans les procédures de prénotification et préliminaire d’examen devant la Commission, dans le cadre des dernières, elle ne dispose de toute manière, comme la Commission l’a souligné à juste titre, pas de droits procéduraux propres qui lui auraient permis de soumettre des observations.

41      En tout état de cause, le seul fait que l’acte constitutif de Tempus Energy Germany date du 26 juillet 2018, soit plus de cinq mois après l’adoption de la décision attaquée, de sorte qu’elle n’aurait pas nécessairement pu participer à une procédure formelle d’examen à la suite d’une décision d’ouverture adoptée à la même date, n’affecte pas la recevabilité de son recours. Étant donné que T Energy Sweden, avec laquelle elle a formé le présent recours conjointement, dispose de la qualité de partie d’intéressée et pour agir au sens de la jurisprudence rappelée au point 39 ci-dessus, il n’est pas besoin d’examiner la qualité pour agir de Tempus Energy Germany séparément (voir, en ce sens, arrêts du 9 juin 2016, Magic Mountain Kletterhallen e.a./Commission, T‑162/13, non publié, EU:T:2016:341, points 40 et 41 et jurisprudence citée, et du 20 septembre 2019, Le Port de Bruxelles et Région de Bruxelles-Capitale/Commission, T‑674/17, non publié, EU:T:2019:651, point 36).

42      Par conséquent, le recours doit être déclaré recevable.

B.      Sur le fond

1.      Sur l’objet du litige et sur le contrôle de la légalité au fond

43      Au soutien de son recours, Tempus avance deux moyens d’annulation.

44      Le premier moyen est tiré d’un manquement de la Commission à son obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen et, partant, d’une violation des droits procéduraux dont Tempus bénéficie, en tant que partie intéressée, au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 6, paragraphe 1, du règlement 2015/1589. Ce moyen est subdivisé en deux parties principales, dont en particulier la seconde comporte plusieurs branches, sous-branches et griefs visant à démontrer l’existence de difficultés sérieuses, au sens de la jurisprudence, ou de doutes, au sens de l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589, que la Commission aurait dû nourrir lors de son examen préliminaire.

45      Le second moyen est tiré d’une violation par la Commission de son obligation de motivation prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.

46      S’agissant du premier moyen et de la portée du contrôle de la légalité que le Tribunal est appelé à exercer à cet égard, il convient de rappeler que l’article 108, paragraphe 3, TFUE et l’article 4 du règlement 2015/1589 instaurent une phase d’examen préliminaire des mesures d’aide notifiées. À l’issue de cette phase, la Commission constate que cette mesure soit ne constitue pas une aide, soit entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Dans cette dernière hypothèse, ladite mesure peut ne pas susciter de doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur ou, au contraire, en susciter (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 43).

47      Lorsque, à l’issue de la phase d’examen préliminaire, la Commission adopte, comme en l’espèce, une décision par laquelle elle constate qu’une mesure étatique ne constitue pas une aide incompatible avec le marché intérieur, elle refuse implicitement d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Ce principe s’applique aussi bien dans le cas où la décision est prise au motif que la Commission estime que l’aide est compatible avec le marché intérieur, au titre de l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, dite « décision de ne pas soulever d’objections », que lorsqu’elle est d’avis que la mesure n’entre pas dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et ne constitue donc pas une aide d’État, au titre de l’article 4, paragraphe 2, du même règlement (voir arrêt du 19 juin 2019, Ja zum Nürburgring/Commission, T‑373/15, EU:T:2019:432, point 111 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 16 mars 2021, Commission/Pologne, C‑562/19 P, EU:C:2021:201, point 50 et jurisprudence citée).

48      En revanche, il ressort d’une jurisprudence constante que, lorsque la Commission ne peut pas acquérir la conviction, à la suite d’un premier examen mené dans le cadre de la procédure de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, qu’une mesure d’aide d’État soit ne constitue pas une « aide » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, soit, si elle est qualifiée d’aide, est compatible avec le traité FUE, ou lorsque cette procédure ne lui a pas permis de surmonter les difficultés sérieuses soulevées par l’appréciation de la compatibilité de la mesure considérée, cette institution est dans l’obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, sans disposer d’une marge d’appréciation à cet égard. Cette obligation correspond à celle consacrée par l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2015/1589, en vertu duquel la Commission est tenue d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, lorsque la mesure en cause suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T‑578/17, non publié, EU:T:2019:437, point 57 et jurisprudence citée).

49      La notion de difficultés sérieuses coïncide avec celle de doutes (voir arrêt du 9 septembre 2020, Kerkosand/Commission, T‑745/17, EU:T:2020:400, point 106 et jurisprudence citée) et revêt un caractère objectif. L’existence de telles difficultés doit être recherchée non seulement dans les circonstances de l’adoption de la décision de la Commission prise à l’issue de l’examen préliminaire, mais également dans les appréciations sur lesquelles elle s’est fondée. Il s’ensuit que la légalité d’une décision de ne pas soulever d’objections, fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, dépend de la question de savoir si l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait ou pouvait disposer, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû objectivement susciter des doutes quant à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur, étant donné que de tels doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à l’article 1er, sous h), du même règlement (voir arrêt du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, points 79 et 80 et jurisprudence citée ; voir, également, en ce sens, arrêt du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T‑578/17, non publié, EU:T:2019:437, point 58 et jurisprudence citée).

50      En effet, la jurisprudence a encore précisé à cet égard que la légalité d’une telle décision doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée, étant entendu que les éléments d’information dont elle « pouvait disposer » sont ceux qui apparaissaient pertinents pour l’appréciation à effectuer et dont elle aurait pu, sur sa demande, obtenir la production au cours de la phase d’examen préliminaire (voir, en ce sens, arrêts du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, points 70 et 71).

51      La preuve de l’existence de difficultés sérieuses ou de doutes incombe à la partie requérante. Celle-ci peut fournir une telle preuve à partir d’un faisceau d’indices concordants, notamment, en faisant valoir et en établissant le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 82 et jurisprudence citée, et du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T‑578/17, non publié, EU:T:2019:437, points 59 et 60 et jurisprudence citée).

52      C’est à la lumière de ces principes jurisprudentiels qu’il convient d’analyser le bien-fondé du premier moyen.

2.      Sur le premier moyen, tiré d’un manquement de la Commission à son obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen conformément à l’article 108, paragraphe 2, TFUE

53      Selon Tempus, la Commission aurait dû éprouver des doutes ou des difficultés sérieuses lors de l’appréciation de la compatibilité du régime d’aides avec le marché intérieur et donc dû ouvrir la procédure formelle d’examen en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE. En s’abstenant de le faire, elle aurait violé les droits procéduraux dont Tempus bénéficiait au titre de cette disposition, en la privant de la possibilité de faire valoir ses observations qui auraient été susceptibles de modifier son appréciation du marché de capacité polonais. Tempus soutient que ces doutes s’imposent eu égard à l’existence d’un ensemble d’indices concordants concernant, d’une part, le déroulement et la durée de la procédure administrative (première partie) et, d’autre part, le contenu de la décision attaquée (seconde partie).

a)      Sur la première partie du premier moyen, tirée de l’existence de doutes concernant le déroulement et la durée de la procédure

1)      Rappel des arguments essentiels des parties

54      À titre liminaire, eu égard au fait que la plupart des contacts entre la Commission et les autorités polonaises ont eu lieu au cours de la phase de prénotification, Tempus demande au Tribunal d’« ordonner » à la Commission de fournir une copie des documents ou des comptes rendus des appels téléphoniques mentionnés afin de vérifier l’objet exact de ces échanges et de s’assurer qu’ils se limitaient aux mesures nécessaires à la notification et ne s’étendaient pas à une appréciation de la compatibilité du régime d’aides avec le marché intérieur anticipant l’examen préliminaire devant être effectué à la suite de la notification du régime d’aides du 6 décembre 2017. En effet, la loi aurait été édictée le 8 décembre 2017 et serait entrée en vigueur le 18 janvier 2018, et la Commission aurait adopté la décision attaquée le 7 février 2018, c’est-à-dire exactement deux mois après la notification du régime d’aides.

55      Selon Tempus, la durée des discussions de prénotification et leur déroulement entre les autorités polonaises et la Commission constituent, avec un ensemble de preuves concordantes, un indice de l’existence de doutes et vont au-delà de ce qui est normalement nécessaire pour adopter une décision au titre de l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589. En particulier, la phase de prénotification n’aurait pas pour objet d’apprécier la compatibilité avec le marché intérieur d’une mesure importante, complexe et nouvelle, comme celle de l’espèce. Dans un tel cas, la procédure ne pourrait pas prendre fin après un examen préliminaire, mais exigerait une évaluation approfondie, notamment, à l’aide des observations des parties intéressées dans le cadre de la procédure formelle d’examen que la Commission aurait contournée en l’occurrence.

56      Premièrement, Tempus considère que l’ampleur des volumes de capacité mis aux enchères et des paiements de capacité attendus – durant l’année de livraison 2021, un volume de plus de 20 millions de kW pour un paiement annuel attendu de 1 020 millions d’euros – met en évidence l’importance du mécanisme de capacité polonais.

57      Deuxièmement, la durée de la phase de prénotification serait à elle seule un indice de la complexité de l’affaire et contraire aux prescriptions du paragraphe 14 du code de bonnes pratiques, applicable en l’espèce, ainsi qu’au paragraphe 16 du code de bonnes pratiques pour la conduite des procédures de contrôle des aides d’État, adopté par la Commission le 19 juillet 2018 (JO 2018, C 253, p. 14). Cette phase de prénotification aurait duré plus d’un an, ce qui indiquerait un certain degré de complexité démontrant, ensemble avec d’autres éléments de preuve concordants, l’existence de doutes. L’appréciation des caractéristiques du régime d’aides, notamment des mécanismes destinés à faciliter l’accès transfrontalier, à permettre l’accès des fournisseurs de capacités et de la gestion de la demande, y compris étrangers, et à mettre en place une méthode efficace de recouvrement des coûts, exigerait de recueillir des informations auprès de l’État membre concerné et des parties intéressées, étant donné que ces éléments auraient un impact non négligeable sur le montant des aides d’État et un effet durable sur les perspectives des concurrents dotés de différents modèles d’entreprise. Selon Tempus, les nombreuses modifications apportées par les autorités polonaises au projet de loi durant la phase de prénotification montrent non seulement que les questions ou les observations de la Commission mettaient en doute la conception du marché de capacité polonais et sa compatibilité avec le marché intérieur, mais aussi la complexité de l’affaire.

58      Tempus rappelle aussi que, lors de la phase de prénotification et de la procédure d’examen préliminaire, la Commission était encore impliquée dans une procédure devant le Tribunal relative au marché de capacité au Royaume-Uni ayant donné lieu à l’arrêt du 15 novembre 2018, Tempus Energy et Tempus Energy Technology/Commission (T‑793/14, EU:T:2018:790). Ainsi, elle aurait dû tenir compte du fait que le marché de capacité polonais était calqué sur le modèle du Royaume-Uni, de sorte que les aspects contestés devant le Tribunal, tels que la possibilité pour la gestion de la demande de participer effectivement audit marché, auraient dû faire l’objet d’un contrôle particulier de sa part dans le cadre de la présente affaire. En outre, le Tribunal aurait accueilli le grief tiré de la durée excessive de la phase de prénotification et de son caractère abusif à l’égard du mécanisme de capacité du Royaume-Uni. Pour ces raisons, la Commission aurait dû émettre des réserves et examiner plus attentivement la compatibilité du marché de capacité polonais avec le marché intérieur. Le risque de commettre une erreur d’appréciation sur la complexité du marché de capacité polonais aurait été d’autant plus grand que la Commission a procédé en parallèle à l’examen de six marchés de capacité européens différents.

59      Troisièmement, selon Tempus, la grande complexité du régime d’aides et le montant élevé des aides suffisent à justifier la nécessité d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Plusieurs caractéristiques du marché de capacité polonais justifieraient de le qualifier de nouveauté, et ce nonobstant le fait que la Commission avait déjà conduit une enquête sectorielle sur les mécanismes de capacité en 2015 qui portait aussi sur la Pologne (ci-après l’« enquête sectorielle »), et qu’elle avait rendu un rapport préliminaire à cet égard le 13 avril 2016 [C(2016) 2107 final], suivi d’un rapport final du 30 novembre 2016 [C(2016) 752 final]. Le grand nombre de modifications apportées au marché de capacité polonais montrerait que de nouvelles difficultés sont apparues qui n’auraient pas pu être prises en compte dans le cadre de l’enquête sectorielle, étant donné que ledit marché n’était pas encore suffisamment élaboré à ce stade.

60      Quatrièmement, cette enquête sectorielle soulignerait la complexité de l’examen du marché de capacité polonais et les risques qui en découlent pour le marché intérieur de l’énergie. Elle ne remplacerait toutefois pas une instruction appropriée par la Commission des marchés de capacité, y compris polonais, en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, argument que le Tribunal aurait déjà rejeté dans l’arrêt du 15 novembre 2018, Tempus Energy et Tempus Energy Technology/Commission (T‑793/14, EU:T:2018:790, points 99 et 100). En outre, à l’instar de la situation ayant donné lieu à cet arrêt, la phase de prénotification aurait été relativement longue en l’espèce. Néanmoins, à la suite de la notification du régime d’aides, la Commission aurait adopté la décision attaquée précisément dans le délai de deux mois prévu à l’article 4 du règlement 2015/1589. Or, ainsi que le Tribunal l’aurait jugé aux points 92 et 108 dudit arrêt, la phase de prénotification ne devrait pas être disproportionnée par rapport au délai requis pour adopter la décision ultérieure. Tempus rappelle que, au point 84 de l’arrêt susmentionné, le Tribunal a ajouté que les différents fournisseurs de capacités n’avaient pas été invités à présenter des observations au cours de cette phase, ce qui est aussi le cas en l’espèce. Il serait toutefois inacceptable que les contacts préalables à la notification soient utilisés pour apprécier la compatibilité du régime d’aides avec le marché intérieur.

61      Pour étayer davantage son grief tiré de l’utilisation abusive de la phase de prénotification, Tempus demande au Tribunal d’ordonner à la Commission de fournir le texte complet, le cas échéant expurgé d’informations confidentielles, de la notification présentée par les autorités polonaises le 6 décembre 2017. À cet égard, elle rappelle l’approche analogue dans l’affaire T‑793/14, dans laquelle le Tribunal avait ordonné une mesure d’instruction conformément à l’article 92 du règlement de procédure, ce qui a permis le traitement confidentiel approprié des documents pertinents, notamment dans le cadre de l’article 91, sous b), et de l’article 92, paragraphe 3, du même règlement de procédure.

62      La Commission et les intervenantes contestent l’argumentation de Tempus. De même, la Commission conclut au rejet de la demande de mesure d’organisation de la procédure, au titre de l’article 89, paragraphe 3, sous d), du règlement de procédure, lui « ordonnant » de produire certains documents.

2)      Appréciation du Tribunal

63      À titre liminaire, il importe de relever que l’argumentation que Tempus développe dans le cadre de cette première partie de son premier moyen est largement inspirée par les considérations exposées aux points 78 à 115 de l’arrêt du 15 novembre 2018, Tempus Energy et Tempus Energy Technology/Commission (T‑793/14, EU:T:2018:790). Aux points 90 et 91 dudit arrêt, le Tribunal a, certes, estimé que la phase de prénotification n’avait pas pour objet d’apprécier la compatibilité avec le marché intérieur d’une mesure importante, complexe et nouvelle et que la Commission ne pouvait confondre cette phase, éventuellement préalable, de mise en état de la notification, avec celle de son examen, préliminaire initialement et, le cas échéant, formel par la suite, s’il s’avérait nécessaire de lui permettre de recueillir toutes les informations dont elle avait besoin pour évaluer la compatibilité de l’aide et de recueillir, à cet effet, les observations des parties intéressées.

64      Or, il ne ressort pas pour autant de ce qui précède que la Commission est généralement censée s’abstenir de toute appréciation, fût-elle provisoire, de la compatibilité d’un projet d’aide dans le cadre de la phase de prénotification. Ce constat correspond au contenu des paragraphes 11, 12 et 16 du code de bonnes pratiques, par l’édiction et par la publication duquel la Commission s’est autolimitée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation s’agissant de l’organisation de ses procédures (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 100 et jurisprudence citée), selon lesquels, en substance, la phase de prénotification est précisément destinée à permettre aux services de la Commission et à l’État membre concerné, y compris dans des cas particulièrement nouveaux ou complexes, de résoudre des problèmes de concurrence importants, de procéder à une analyse économique et, s’il y a lieu, de faire appel à des compétences externes pour démontrer « la compatibilité d’un projet envisagé avec le marché intérieur ». À cet égard, la République de Pologne et Enel X font valoir à juste titre que, durant cette phase, la Commission doit nécessairement pouvoir apprécier ces informations afin de déterminer si, à la suite de la notification formelle, elles suffisent à la mettre en mesure d’effectuer un examen complet de la compatibilité du projet d’aide avec le marché d’intérieur. Cela est d’autant plus vrai que, à défaut, contrairement au paragraphe 16 dudit code, à la fin de la phase de prénotification, la Commission ne serait même pas en mesure de fournir aux autorités nationales une évaluation provisoire informelle et non contraignante dudit projet à cet effet.

65      Tempus reconnaît ne pas reprocher à la Commission d’avoir procédé à un examen trop long du régime d’aides notifié dans le cadre de la procédure d’examen préliminaire entamée à la suite de sa notification complète par les autorités polonaises, qui n’a duré que deux mois, comme prévu à l’article 4, paragraphe 5, du règlement 2015/1589, mais considère que la longueur prétendument excessive de la phase de prénotification est un indice de l’existence de doutes ou de difficultés sérieuses. Or, force est de constater que, même si Commission ne peut abuser de la phase de prénotification pour échapper aux contraintes, notamment temporelles, de la procédure d’examen préliminaire, voire la contourner (voir la jurisprudence citée au point 63 ci-dessus visant un cas dans lequel le projet de décision était déjà prêt au moment de la notification), dans des cas complexes, à titre exceptionnel, les contacts de prénotification sont susceptibles de durer plusieurs mois (voir paragraphe 14 du code de bonnes pratiques).

66      Le Tribunal estime que, en l’espèce, il n’est pas possible de considérer que la durée d’une phase de prénotification d’environ un an indique l’existence d’un tel abus ou d’un détournement, ni que cette durée constitue un indice de doutes, même s’il s’agit d’un cas complexe. De manière paradoxale, Tempus estime elle-même que le régime d’aides revêtait une complexité telle qu’il nécessitait un examen approfondi dans le cadre d’une procédure formelle d’examen. Toutefois, conformément au paragraphe 14 du code de bonnes pratiques, dans un tel cas complexe, la Commission pouvait légitimement dépasser le délai indicatif de deux mois et poursuivre la phase de prénotification pendant « plusieurs mois » pour garantir que l’État membre soumette une notification complète afin de lui permettre d’effectuer son examen préliminaire en toute connaissance de cause. En effet, en l’occurrence, ainsi que le relève la Commission, lors de la prénotification, le projet de loi n’était pas encore définitif et devait encore passer plusieurs étapes du processus législatif en Pologne, dont une consultation publique, pour être finalement adopté par le Parlement polonais le 8 décembre 2017, c’est-à-dire seulement deux jours après sa notification formelle. Ainsi, afin de se conformer aux règles en matière d’aides d’État et en suivant les recommandations exposées aux paragraphes 10 à 18 du code de bonnes pratiques, les autorités polonaises avaient entamé les contacts de prénotification avec la Commission à un stade précoce du processus décisionnel interne afin de pouvoir tenir compte des prises de position provisoires de cette institution tout au long de ce processus et d’assurer que le projet finalement notifié soit susceptible de réunir les critères de compatibilité au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et des lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014/2020 (JO 2014, C 200, p. 1, ci-après les « lignes directrices »). Dès lors, à défaut d’autres éléments indiquant son caractère abusif, non présents en l’espèce (voir points 67 et 68 ci-après), une telle approche collaborative des autorités polonaises et de la Commission, inspirée par le principe de coopération loyale, au titre de l’article 4, paragraphe 3, TUE, ne saurait en soi être considérée comme donnant lieu à des doutes ou à des difficultés sérieuses.

67      En outre, la Commission et les intervenantes soutiennent à juste titre que, à la différence de la procédure relative au marché de capacité du Royaume-Uni ayant fait l’objet de l’arrêt du 15 novembre 2018, Tempus Energy et Tempus Energy Technology/Commission (T‑793/14, EU:T:2018:790, points 101 à 105), en l’espèce, il n’existe aucun indice que, au cours des procédures tant au niveau national que devant la Commission, en particulier lors de la consultation publique du projet de loi entamée par les autorités polonaises à la suite de sa prénotification, le régime d’aides envisagé a été remis en cause par des intéressés et, notamment, par des opérateurs de gestion de la demande. Tempus elle-même ne prétend pas avoir participé à cette consultation, ni avoir soumis d’observations ou de plainte à la Commission, à la différence de l’approche des parties requérantes dans cette autre affaire relative au marché de capacité du Royaume-Uni, en tant que membres de l’UK Demand Response Association (UKDRA, Association de gestion de la demande du Royaume-Uni).

68      À cet égard, Tempus n’est pas fondée à invoquer l’absence de garanties procédurales des intéressés durant les phases de prénotifcation et d’examen préliminaire, dès lors qu’un opérateur prudent et diligent ayant la volonté d’entrer sur un marché de l’électricté national faisant l’objet d’une importante réforme est censé effectuer, à l’instar des parties requérantes dans l’affaire relative au marché de capacité du Royaume-Uni, toutes les démarches nécessaires à la défense de ses intérêts commerciaux devant les autorités compétentes. Ainsi, dans le cadre de son examen préliminaire, la Commission pouvait se fonder non seulement sur les résultats de son enquête sectorielle portant sur les marchés de capacité de onze États membres qui incluait déjà la Pologne, mais également, à défaut d’objection circonstanciée, se fier aux résultats de la consultation publique qui avait donné lieu à une multitude d’observations de la part d’intéressés, y compris d’opérateurs de gestion de la demande polonais tels que les intervenantes Enel X et Enspirion. À cela s’ajoutait son expérience dans l’évaluation du marché de capacité du Royaume-Uni dont la configuration présente, selon les propres dires de Tempus, certaines similitudes avec celle du marché de capacité polonais.

69      Tempus n’est pas non plus fondée à arguer que la longue phase de prénotification, durant laquelle les autorités polonaises auraient, à l’instigation de la Commission, apporté de nombreuses modifications au projet de loi, serait en soi une preuve de la complexité du marché de capacité polonais et, partant, un indice de doutes. Cette argumentation n’est pas susceptible d’infirmer la plausibilité de la conclusion selon laquelle ces éléments démontrent, au contraire, que, à la suite de ces modifications, pour partie introduites sur le fondement d’engagements pris par les autorités polonaises à l’égard de la Commission (voir paragraphes 16, 43, 73, 79, 82 à 87, 138 et 165 de la décision attaquée), celle-ci ne nourrissait plus de doutes quant à la compatibilité du régime d’aides avec le marché intérieur (voir la conclusion sous 4 de ladite décision), et doit donc être rejetée. Cette appréciation ne préjuge toutefois pas du caractère éventuellement complexe de l’examen des différents éléments du marché de capacité polonais qui font l’objet de la seconde partie du présent moyen.

70      Il en est de même de l’argument de Tempus selon lequel l’enquête sectorielle de la Commission sur les marchés de capacités nationaux, finalisée en novembre 2016, et donc longuement avant l’adoption de la décision attaquée, ne serait pas une preuve de l’absence de complexité du régime d’aides. Même à supposer que, entre-temps, la configuration du marché de capacité polonais ait fortement évolué, cet argument n’est pas en soi de nature à démontrer que, du seul fait de la durée de la procédure administrative et de son déroulement, la Commission devait éprouver des doutes ou des difficultés sérieuses lors de l’appréciation de sa compatibilité avec le marché intérieur. En outre ne peut prospérer l’argument de Tempus selon lequel la Commission aurait dû être plus prudente eu égard au contentieux en cours devant le Tribunal dans l’affaire T‑793/14 relatif à sa décision sur le marché de capacité du Royaume-Uni, dès lors que, comme indiqué aux points 67 et 68 ci-dessus, les situations procédurales dans ces affaires n’étaient pas comparables, en particulier en raison de la contestation explicite de la configuration dudit marché par des opérateurs de gestion de la demande.

71      Enfin, contrairement à ce que soutient Tempus, l’ampleur ou le volume des aides à octroyer sur le fondement du régime d’aides ne peut pas en soi être qualifié d’indice de doutes ou de difficultés sérieuses. À cet égard, la Commission avance à bon droit que, ainsi qu’il ressort aussi des paragraphes 10 à 18 du code de bonnes pratiques, même les projets d’aide d’une certaine envergure, complexité ou nouveauté doivent, en principe, pouvoir recevoir le même traitement procédural que d’autres projets moins importants, les dispositions du traité FUE, du règlement 2015/1589 et dudit code n’opérant pas de distinction à cet égard.

72      Par conséquent, il convient de rejeter comme non fondée la première partie du premier moyen, tirée de l’existence de doutes concernant le déroulement et la durée de la procédure.

73      S’agissant des demandes de mesure d’organisation de la procédure ou d’instruction de Tempus, il suffit de constater que le Tribunal s’estime être suffisamment éclairé par les éléments versés au dossier pour trancher la première partie du premier moyen et qu’il n’y a dès lors pas lieu de mettre Tempus en mesure de rechercher dans les documents demandés des éléments de preuve supplémentaires qui, en tout état de cause, ne sont pas susceptibles d’avoir une incidence sur l’appréciation du Tribunal.

74      Dès lors, il convient de rejeter ces demandes également.

b)      Sur la seconde partie du premier moyen, tirée de l’existence de doutes concernant le contenu de la décision attaquée

1)      Observations liminaires

i)      Sur les prétendus doutes ou difficultés sérieuses au regard des dispositions des lignes directrices

75      Dans le cadre de la seconde partie du premier moyen, Tempus argue, en substance, que, comme démontré par une comparaison des motifs de la décision attaquée avec les informations disponibles sur le marché de capacité polonais, la Commission aurait dû éprouver des doutes ou des difficultés sérieuses quant à la compatibilité du régime d’aides avec le marché intérieur au regard de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, lu conjointement avec les dispositions pertinentes, notamment de la section 3.9 des lignes directrices. Or, elle n’aurait ni examiné ni sollicité de manière diligente et impartiale toutes les informations pertinentes de manière à dissiper ces doutes. En particulier, l’appréciation de la Commission serait insuffisante et incomplète concernant, premièrement, l’objectif d’intérêt commun et la nécessité d’une intervention de l’État (première branche), deuxièmement, le caractère approprié du régime d’aides (deuxième branche), troisièmement, l’effet incitatif (troisième branche), quatrièmement, la proportionnalité des aides (quatrième branche) et, cinquièmement, la prévention des effets négatifs non désirés sur la concurrence et les échanges entre États membres (cinquième branche).

ii)    Sur la nature juridique des lignes directrices et sur la portée du contrôle de la légalité du juge de l’Union à cet égard

76      S’agissant de la nature juridique des lignes directrices et de la portée du contrôle de la légalité que le juge de l’Union est appelé à exercer à la lumière de leurs dispositions, il convient de rappeler que, en adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice dudit pouvoir d’appréciation et ne saurait, en principe, se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir arrêt du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 100 et jurisprudence citée).

77      C’est au regard de ces principes jurisprudentiels qu’il convient d’examiner les différentes branches de la seconde partie du premier moyen.

2)      Sur la première branche, tirée du prétendu caractère incomplet de l’appréciation de l’objectif d’intérêt commun et de la nécessité d’une intervention de l’État

i)      Sur la première sous-branche, concernant l’objectif d’intérêt commun

78      Tempus soutient que plusieurs éléments auraient dû susciter des doutes de la Commission à la lumière du paragraphe 220 des lignes directrices. Elle précise ne pas contester l’objectif d’intérêt commun poursuivi par le mécanisme de capacité polonais, à savoir celui de garantir un approvisionnement en électricité suffisant aux consommateurs finaux en Pologne. Toutefois, les lignes directrices auraient pour objectif général « de garantir la mise en place d’un système énergétique compétitif, durable et sûr dans un marché de l’énergie de l’Union qui fonctionne bien » (paragraphe 30) et reconnaîtraient que « [l]es aides en faveur de l’adéquation des capacités de production peuvent aller à l’encontre de l’objectif d’élimination progressive des subventions préjudiciables à l’environnement, notamment pour les combustibles fossiles » (paragraphe 220). Il en résulterait l’exigence pour les États membres de ne pas considérer l’adéquation des capacités de production comme un objectif d’intérêt commun isolé, mais comme s’inscrivant dans un objectif plus général « en vue de soutenir la transition vers une économie efficace dans l’utilisation des ressources, compétitive et à faible intensité de carbone » (paragraphe 30). Cette lecture s’imposerait également au regard de l’article 194, paragraphe 1, TFUE qui énonce le fonctionnement du marché de l’énergie, l’efficacité énergétique, le développement des énergies nouvelles et renouvelables et la promotion de l’interconnexion comme objectifs poursuivis par l’Union, conjointement avec la sécurité de l’approvisionnement.

–       Sur le premier grief

79      Par son premier grief, Tempus soutient que, dans sa brève évaluation, exposée aux paragraphes 138 et 163 de la décision attaquée, du potentiel de la gestion de la demande sur le marché de l’électricité polonais, la Commission a appliqué le mauvais critère. Elle se serait limitée à se fonder sur les engagements des autorités polonaises pour faciliter le développement de la gestion de la demande, d’une part, en s’assurant que celle-ci sera autorisée à intervenir sur les marchés de gros de l’électricité et sur le marché d’équilibrage en 2021 et, d’autre part, en modifiant les règles relatives à la gestion de la demande dans le projet de loi ou après sa mise en œuvre. En revanche, la Commission aurait omis d’évaluer le potentiel réel de la gestion de la demande sur le marché pur de l’électricité polonais, comme cela serait requis au paragraphe 220 des lignes directrices, de même que la question de savoir si la conception du marché de capacité polonais était susceptible de l’empêcher d’exploiter ce potentiel.

80      Ainsi, la Commission aurait renoncé à évaluer la croissance attendue de la gestion de la demande à la lumière des changements envisagés, l’impact du marché de capacité à son égard et, surtout, le risque qu’elle soit exclue en pratique de la majeure partie des recettes dudit marché. À ce sujet, elle se serait bornée à mentionner la mesure visée au paragraphe 16, sous f), de la décision attaquée, destinée à garantir « l’accès direct des clients profitant de la gestion de la demande au marché de gros à partir de 2021 ». Toutefois, la Commission aurait omis de prendre en considération l’impact des « autres mesures » sur le potentiel de gestion de la demande, avec ou sans le marché de capacité proposé. En particulier, Tempus remet en cause le bien-fondé de l’affirmation exposée à la note en bas de page no 31 de la décision attaquée, selon laquelle, « [d]’après les estimations, le potentiel de gestion de la demande sur le marché [de l’électricité] polonais se situe entre 1 200 MW et 2 500 MW », eu égard au fait que la Commission a renoncé à apprécier son potentiel réel en fonction, d’une part, de la gamme complète de mesures proposées sur le marché pur de l’électricité et d’autres changements favorables qui auraient pu être proposés, mais ne l’ont pas été, et, d’autre part, de la mesure dans laquelle le marché de capacité était susceptible de limiter ou de renforcer ce potentiel, compte tenu de l’impact réel de sa configuration. Selon Tempus, le manque d’analyse suffisamment approfondie du potentiel de la gestion de la demande est confirmé par le fait que le paragraphe 138 de la décision attaquée n’y consacre qu’environ huit lignes.

81      Tempus conteste que le mécanisme de capacité polonais doive être axé sur la capacité de production. La Commission aurait mal apprécié le rôle de la gestion de la demande sur le marché pur de l’électricité polonais et sa capacité à contribuer à l’objectif de sécurité de l’approvisionnement. Pour garantir un approvisionnement en électricité suffisant, il serait nécessaire de quantifier le problème d’adéquation. N’ayant pas respecté les critères visés au paragraphe 220 des lignes directrices dans son examen, la Commission n’aurait pas pu quantifier avec précision l’écart de capacité de production que ce mécanisme entendait réduire. Tempus souligne l’expression « avant tout » retenue dans ce paragraphe, qui indique que la mission première d’un État membre est d’évaluer dûment le potentiel de la gestion de la demande et l’augmentation de la capacité d’interconnexion, avant de pouvoir calculer avec précision les besoins réels d’un marché en nouvelles capacités de production. Outre cette erreur, la Commission estimerait à tort que la gestion de la demande ne serait « nécessaire que pour un nombre limité d’heures durant l’année », par exemple en cas de crise ponctuelle, ce qui témoignerait de sa méconnaissance de la notion même de gestion de la demande qui éviterait non seulement la création de nouvelles capacités de production, mais réduirait aussi les besoins du réseau en électricité fournie par les CMU de production existantes. Elle permettrait une meilleure utilisation de la production existante et de l’infrastructure de réseau, tout en encourageant les consommateurs à changer leurs habitudes afin qu’elles correspondent mieux aux périodes de production d’énergies renouvelables. Selon Tempus, en particulier lorsqu’elle est associée au stockage, la gestion de la demande peut augmenter le volume de production d’énergies renouvelables intermittentes et accompagner les changements fondamentaux dans le système d’approvisionnement en énergie. Même la Commission aurait reconnu que la gestion de la demande pouvait contribuer utilement à l’adéquation des ressources (rapport final de l’enquête sectorielle, points 275, 276 et 282). Elle aurait dû avoir des doutes quant à la question de savoir si les autorités polonaises avaient évalué tous les moyens pour parvenir à l’adéquation des capacités, dont la gestion de la demande, les capacités d’interconnexion et l’accroissement des capacités de production, et comment ces moyens interagissaient pour atteindre tant l’adéquation des ressources que l’adaptation du système énergétique.

82      La Commission, soutenue par les intervenantes, rétorque, en substance, avoir correctement défini l’objectif d’intérêt commun poursuivi par le marché de capacité polonais et avoir respecté le paragraphe 220 des lignes directrices.

83      Par le premier grief, Tempus conteste, notamment, les considérations exposées aux paragraphes 138 et 163 de la décision attaquée.

84      Il ressort, en substance, des paragraphes 137 et 138 de la décision attaquée que, eu égard au paragraphe 220 des lignes directrices, la loi est destinée à faciliter la gestion de la demande et à renforcer le réseau, et que, actuellement, la gestion de la demande est developpée à un niveau seulement minimal en Pologne et donc incapable de satisfaire à la norme de fiabilité en cause. La Commission reconnaît néanmoins que les autorités polonaises se sont engagées à faciliter le développement de la gestion de la demande en Pologne, comme démontré par l’engagement décrit au paragraphe 16, sous f), de ladite décision et par les règles de certification adaptées dans le cadre du mécanisme de capacité proposé. Elle estime que ces mesures sont susceptibles d’intensifier le développement de la gestion de la demande à concurrence de son plein potentiel, à savoir, selon les estimations, entre 1 200 MW et 2 500 MW sur le marché de l’électricité polonais. En outre, s’agissant de l’augmentation de la capacité d’interconnexion, en substance, la Commission prend note du programme de renforcement de réseau de PSE qui court jusqu’en 2025 et concerne en particulier le réseau de 400 kilovolts au sud-ouest de la Pologne. Les autorités polonaises auraient expliqué que ce programme était destiné à résoudre les problèmes de goulot et de nature à augmenter la capacité de transfert nette des interconnecteurs sur le profil synchrone polonais.

85      Par ailleurs, il est exposé au paragraphe 139 de la décision attaquée que ces mesures ne sont pas à elles seules suffisantes pour atteindre la norme de fiabilité en cause, ainsi qu’il ressort des conclusions de l’évaluation de l’adéquation des capacités décrite aux paragraphes 10 à 14 de ladite décision, de sorte que, comme cela est démontré dans sa section 3.3.2, des aides à l’adéquation des capacités apparaissent nécessaires. La Commission observe que le mécanisme de capacité polonais est neutre du point de vue technologique et ouvert à tous les fournisseurs de capacités et, partant, est susceptible de donner lieu à des paiements de capacité à tous ces fournisseurs, y compris aux centrales conventionnelles à base de combustibles fossiles tels que la houille. Eu égard à ce qui précède, elle précise, notamment, que les autorités polonaises ont assorti ce mécanisme d’un nombre d’éléments conceptuels pour garantir le respect de l’objectif d’élimination progressive des subventions préjudiciables à l’environnement. En particulier, le bonus écologique mettra les CMU émettant moins de 450 kg de CO2/MWh en mesure d’avoir accès à un financement meilleur marché et à soumettre des offres moins chères lors des enchères de capacité.

86      Au paragraphe 140 de la décision attaquée, la Commission conclut de ce qui précède que, étant donné que le marché de capacité polonais constitue un régime neutre du point de vue technologique et ouvert à tous les potentiels fournisseurs de capacités, y compris aux centrales conventionnelles à base de combustibles fossiles, tels que la houille dans une large mesure, les autorités polonaises ont proposé plusieurs éléments conceptuels et mesures visant à garantir des modes alternatifs pour atteindre l’adéquation des capacités.

87      Au paragraphe 163 de la décision attaquée, il est essentiellement rappelé que, s’agissant de la neutralité technologique, tout type de capacité peut participer au marché de capacité polonais, y compris la gestion de la demande. La Commission estime que les règles d’éligibilité à cet égard sont appropriées pour garantir des conditions de concurrence équitables entre les divers fournisseurs de capacités potentiels au sein du marché de capacité. Concernant particulièrement la gestion de la demande, elle souligne que, comme cela est exposé dans la section 2.3.3, les autorités polonaises ont adapté les règles de certification afin de surmonter les obstacles auxquels les opérateurs de gestion de la demande se sont vu exposés, eu égard à leurs caractéristiques spécifiques et au fait que cette industrie se trouve encore à ses débuts en Pologne.

88      Tempus fonde sa contestation sur la prémisse principale selon laquelle l’objectif d’intérêt commun de l’adéquation des capacités de production, telle qu’énoncée au paragraphe 220 des lignes directrices, ne constitue pas un objectif isolé, mais s’inscrit dans un objectif plus général, à savoir celui du soutien à la « transition vers une économie efficace dans l’utilisation des ressources, compétitive et à faible intensité de carbone », prévu au paragraphe 30 des lignes directrices, qui correspond aux objectifs de l’Union visés à l’article 194, paragraphe 1, TFUE, dont le fonctionnement du marché de l’énergie, l’efficacité énergétique, le développement des énergies nouvelles et renouvelables et la promotion de l’interconnexion, qui devraient aller de pair avec celui de la sécurité de l’approvisionnement énergétique.

89      À cet égard, Tempus avance, certes, à juste titre que les objectifs d’intérêt commun que les aides à l’environnement sont censées poursuivre ressortent d’une lecture combinée des paragraphes 30 et 220 des lignes directrices.

90      En effet, dans le cadre des « [d]ispositions générales en matière de compatibilité », sous le sous-titre « Conditions générales » du titre « Contribution à un objectif d’intérêt commun », le paragraphe 30 des lignes directrices reconnaît un « objectif général » des aides à l’environnement, y compris dans le secteur énergétique, qui consiste à « augmenter le niveau de protection de l’environnement par rapport à celui qui serait atteint en l’absence d’aide ». À cet égard, il est fait référence à la « stratégie Europe 2020 » qui « fixe des objectifs, chiffrés notamment, en matière de croissance durable, en vue de soutenir la transition vers une économie efficace dans l’utilisation des ressources, compétitive et à faible intensité de carbone ». L’objectif principal des aides octroyées dans le secteur de l’énergie y est précisé comme garantissant « la mise en place d’un système énergétique compétitif, durable et sûr dans un marché de l’énergie de l’Union qui fonctionne bien ». En vertu du paragraphe 31 des lignes directrices, les États membres dont l’intention est d’octroyer des aides à l’environnement ou à l’énergie sont tenus de « définir avec précision l’objectif poursuivi et [d’]expliquer la contribution escomptée de la mesure à la réalisation de cet objectif ». Cette obligation de précision des objectifs est rappelée au paragraphe 221 des lignes directrices pour ce qui est des aides en faveur de l’adéquation des capacités de production.

91      Eu égard aux définitions plus générales qui précèdent, les paragraphes 219 et 220 des lignes directrices précisent le contenu de l’objectif d’intérêt commun que les aides en faveur de l’adéquation des capacités de production, comme celles de l’espèce, sont destinées à poursuivre. Le paragraphe 219 reconnaît que de telles aides « peuvent [...] poursuivre différents objectifs », dont la recherche d’une réponse « aux préoccupations à court terme que soulève l’insuffisance de capacités de production flexibles pour faire face aux fluctuations soudaines d’une production éolienne et solaire irrégulière » ou la définition d’un « objectif en matière d’adéquation des capacités de production que les États membres peuvent souhaiter atteindre, indépendamment de toute considération à court terme ». Cela indique en soi que les États membres disposent d’un certain pouvoir d’appréciation dans la définition de ces sous-objectifs qui sont censés équivaloir à un objectif d’intérêt commun.

92      Ce pouvoir d’appréciation des États membres dans la définition de ces sous-objectifs et dans la mise en balance entre eux se voit confirmer au paragraphe 220 des lignes directrices qui reconnaît que les aides en faveur de l’adéquation des capacités de production « peuvent aller à l’encontre de l’objectif d’élimination progressive des subventions préjudiciables à l’environnement, notamment pour les combustibles fossiles » et donc déroger à l’objectif d’intérêt commun général visé au paragraphe 30 des lignes directrices d’« augmenter le niveau de protection de l’environnement ». Son exercice est toutefois limité par la préconisation, également visée au paragraphe 220 des lignes directrices, selon laquelle « les États membres devraient avant tout envisager d’autres manières de parvenir à l’adéquation des capacités de production qui ne portent pas atteinte à l’objectif d’élimination progressive des subventions préjudiciables à l’environnement ou à l’économie, par exemple, en facilitant la gestion de la demande et en augmentant les capacités d’interconnexion ».

93      Il en découle que les États membres sont censés mettre en balance les objectifs potentiellement contradictoires de la sécurité de l’approvisionnement énergétique et de la protection de l’environnement, tout en respectant le principe de proportionnalité au sens strict, dans le but de réduire l’impact environnemental des aides au strict minimum nécessaire et acceptable. En outre, cette exigence de mise en balance entre ces objectifs est parfaitement compatible avec, d’une part, les objectifs, eux aussi potentiellement divergents, énoncés à l’article 194, paragraphe 1, TFUE, qui visent tant à assurer le fonctionnement du marché de l’énergie et la sécurité de l’approvisionnement énergétique dans l’Union qu’à promouvoir l’efficacité énergétique, les économies d’énergie, le développement des énergies nouvelles et renouvelables ainsi que l’interconnexion des réseaux énergétiques, et, d’autre part, les exigences du principe de proportionnalité, tel que prévu à l’article 5, paragraphe 4, TUE. Ainsi, cette exigence est rappelée, sous le titre « Caractère approprié de l’aide », aux paragraphes 42 et 43 des lignes directrices, selon lesquels, notamment, « [u]ne mesure destinée à remédier à un problème d’adéquation des capacités de production doit être mise en balance avec l’objectif environnemental que constitue l’élimination progressive des subventions préjudiciables à l’environnement ou à l’économie, notamment de celles bénéficiant aux combustibles fossiles ».

94      Il s’ensuit que, sur le plan des principes, Tempus relève à bon droit que, aux termes du paragraphe 220 des lignes directrices, lorsqu’un État membre introduit un mécanisme de capacité, il est censé tenir compte de l’objectif d’intérêt commun de protection de l’environnement en s’abstenant de porter atteinte à cet objectif en favorisant unilatéralement des capacités de production à base de combustibles fossiles, et en le promouvant, notamment, « en facilitant la gestion de la demande ».

95      Force est toutefois de constater que, eu égard au pouvoir d’appréciation de l’État membre rappelé aux points 91 et 92 ci-dessus, y compris concernant son choix entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique aux fins de garantir sa sécurité (voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C‑594/18 P, EU:C:2020:742, point 48 et jurisprudence citée), il n’en résulte pour autant ni pour cet État membre (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 44) ni pour la Commission une obligation claire et précise quant aux manières dont il convient d’évaluer le potentiel de la gestion de la demande ou de la promouvoir. De même, ainsi que le relèvent la Commission et les intervenantes, cette disposition ne peut être interprétée comme interdisant des mesures d’aide en faveur de centrales de production conventionnelles, y compris celles à base de combustibles fossiles, lorsque celles-ci se révèlent être nécessaires à garantir l’adéquation des capacités de production et donc la sécurité d’approvisionnement énergétique, ni comme prescrivant d’accorder une priorité absolue à des techniques alternatives, telles que la gestion de la demande ou les capacités d’interconnexion.

96      Or, Tempus ne fait pas valoir que, en l’espèce, en édictant la loi, le législateur polonais aurait omis d’exercer ce pouvoir d’appréciation ou d’effectuer une mise en balance des objectifs potentiellement divergents rappelés aux points 93 et 94 ci-dessus, mais elle se borne à alléguer que l’appréciation exposée aux paragraphes 138 et 163 de la décision attaquée est fondée sur le « mauvais critère » en ce qu’elle a omis d’évaluer, comme prétendument requis par le paragraphe 220 des lignes directrices, le potentiel réel de la gestion de la demande sur le marché « pur » de l’électricité polonais, c’est-à-dire dans l’hypothèse de l’absence du marché de capacité.

97      Cependant, une telle exigence d’examen contrefactuel du potentiel de la gestion de la demande ne saurait être déduite ni de ce paragraphe ni d’une autre disposition pertinente des lignes directrices. Même si leur paragraphe 30 énonce que les aides à l’environnement sont censées « augmenter le niveau de protection de l’environnement par rapport à celui qui serait atteint en l’absence d’aide », il n’en découle pas pour autant une exigence de quantification précise d’une telle augmentation du niveau de protection, notamment, par la gestion de la demande comme technique d’utilisation économique et efficiente de l’énergie et, partant, protectrice de l’environnement. Contrairement à ce qu’avance Tempus, une telle exigence ne ressort pas non plus du libellé de la seconde phrase du paragraphe 220 des lignes directrices, prévoyant que « les États membres devraient avant tout envisager d’autres manières de parvenir à l’adéquation des capacités de production qui ne portent pas atteinte à l’objectif d’élimination progressive des subventions préjudiciables à l’environnement et à l’économie ». Cette phrase ne comporte qu’une exigence adressée aux États membres d’effectuer la mise en balance des objectifs potentiellement divergents, rappelée aux points 93 et 94 ci-dessus, dans le cadre de laquelle il est préconisé de ne plus promouvoir de telles subventions et à avoir plutôt recours à des mesures de soutien destinées, notamment, à faciliter la gestion de la demande et à augmenter les capacités d’interconnexion. En effet, ce n’est que dans le cadre de l’examen de la proportionnalité de l’aide en tant que telle que les paragraphes 69 et 70 des lignes directrices prévoient un scénario contrefactuel, à l’instar de celui invoqué par Tempus.

98      Dès lors, en l’espèce, il était suffisant pour la Commission d’apprécier la question de savoir si le régime d’aides était susceptible de faciliter la gestion de la demande sur la base des informations dont, au stade de l’adoption de la décision attaquée, elle disposait quant à la situation en fait et en droit des opérateurs de gestion de la demande, à leur potentiel de développement et à leur évolution prospective sur le marché de l’électricité ou de capacité polonais. C’est sur ce fondement que la Commission pouvait valablement prendre en considération le potentiel de la gestion de la demande pour évaluer ses perspectives probables de croissance et pour s’assurer qu’elle ne subissait pas un traitement discriminatoire par rapport à d’autres fournisseurs de capacités traditionnels (voir l’examen du deuxième grief ci-après), sans qu’elle dût nourrir des doutes à cet égard.

99      Par conséquent, il convient de rejeter le premier grief comme non fondé.

–       Sur le deuxième grief

100    Dans le cadre du deuxième grief, Tempus reproche à la Commission d’avoir commis une erreur d’appréciation en partant du principe que le marché de capacité polonais facilitait le développement de la gestion de la demande. À l’appui, elle remet en cause les considérations, y compris la référence aux engagements pris par les autorités polonaises [énoncés au paragraphe 16, sous f), de la décision attaquée], et les estimations de croissance du secteur de gestion de la demande entre 1 200 MW et 2 500 MW, telles qu’exposées au paragraphe 138 et à la note en bas de page no 31 de la décision attaquée.

101    À cet égard, Tempus allègue, en substance, que, au cours des cinq dernières années, le marché de l’électricité polonais a annuellement donné lieu à environ 95 prix « extrêmes » par rapport aux coûts marginaux à court terme des centrales de production. Compte tenu d’une hausse de la demande en électricité de 9 % en Pologne depuis 2014 avec une tendance croissante, il aurait donc existé une incitation claire à recourir à la gestion de la demande. Or, selon deux scénarios alternatifs pour l’année 2020, fondés sur le modèle Power2Sim conçu par Energy Brainpool, dénommés « MSQ » (maintien du statu quo) et « + 1 GW », l’introduction du marché de capacité aurait pour effet que le nombre des prix extrêmes tomberait à 82 et 46, respectivement, ce qui affecterait donc fortement l’incitation au recours à la gestion de la demande. Tempus reproche, en outre, à la Commission de n’avoir pas exigé des autorités polonaises d’accroître la capacité d’interconnexion.

102    La Commission et les intervenantes rétorquent essentiellement que le potentiel de la gestion de la demande doit être apprécié par rapport à la norme de fiabilité en cause, soit par rapport à la nécessité d’assurer un niveau de sécurité de fonctionnement et d’approvisionnement du système de 99,97 %. L’évaluation de l’adéquation des capacités de PSE aurait anticipé une insuffisance des capacités de production de 2 750 MW en 2020 et de 8 068 MW en 2025 (points 12 et 147 de la décision attaquée). Eu égard au déclassement planifié de capacités de production, à savoir de 2 960 MW pour la houille et de 413 MW pour le lignite en 2020, ainsi que de 5 822 MW pour la houille et de 600 MW pour le lignite en 2025, qui ne pourraient être compensées ni par des capacités importées ni par la gestion de la demande, ainsi qu’au manque de revenus général (paragraphes 8 et 9 de la décision attaquée), le marché de capacité polonais devrait également promouvoir les capacités de production. La Commission se fonde en particulier sur l’évaluation de l’adéquation des capacités de PSE, telle qu’auditée par une société de consultants, qui serait à l’origine de son appréciation exposée aux paragraphes 138 et 139 de la décision attaquée, mettant en évidence des valeurs de perte de charge très élevées dépassant largement la norme de fiabilité en cause en 2020, en 2025 et en 2030 dans quatre scénarios différents. Dans son évaluation de l’adéquation des capacités, après avoir lancé des appels d’offres pour deux programmes de gestion de la demande en 2016, PSE aurait donc correctement estimé le potentiel de la gestion de la demande, avant la mise en œuvre du marché de capacité polonais, à 200 MW de capacité par an sur la période allant de 2017 à 2040, de même que son potentiel maximal après 2020 à entre 1 200 MW et 2 500 MW. D’après PSE, de nouvelles capacités de gestion de la demande n’entreraient sur le marché que si les recettes nettes des nouveaux entrants dépassaient au moins 30 euros/kW, c’est-à-dire si les coûts fixes de la nouvelle gestion de la demande étaient recouvrés par les recettes énergétiques nettes. De même, une modélisation de ladite société de consultants aurait montré qu’un plus ample développement de la gestion de la demande ne se produirait pas, parce que le niveau des recettes ne serait pas suffisant pour que de nouveaux opérateurs de gestion de la demande soient rentables sur le marché. Les intervenantes Enspirion et Enel X, deux opérateurs de gestion de la demande polonais, partagent cette argumentation et soulignent la qualité de « fixeurs de prix » desdits opérateurs et le fait que, dans des conditions optimales, les réserves de capacité fournies par la gestion de la demande peuvent atteindre à terme environ 10 % de la demande de pointe de la Pologne, c’est-à-dire environ 2 600 MW. La Commission, soutenue par Enel X, par Enspirion et par PGE, conteste l’argument de Tempus qui est fondé sur les « prix extrêmes » dans le marché de l’électricité polonais, ceux-ci n’ayant pas donné lieu à un développement plus important de la gestion de la demande par le passé, ce dont feraient preuve les résultats des enchères auxquelles Enel X et Enspirion avaient participé. Enfin, la Commission, soutenue par la République de Pologne, rappelle que l’évaluation de l’adéquation des capacités de PSE a également conclu à l’insuffisance de la capacité d’interconnexion, qui aurait été inapte, seule ou en combinaison avec la gestion de la demande, à combler le déficit d’approvisionnement, comparée aux estimations des capacités déclassées d’anciennes installations de houille et de lignite (3 373 MW en 2020, 6 422 MW en 2025 et 11 653 MW en 2030), et à dissiper substantiellement les préoccupations liées à l’adéquation des ressources en Pologne. Elle précise que le caractère succinct des motifs exposés à ce sujet dans la décision attaquée souligne plutôt l’absence de doutes à cet égard, la gestion de la demande et l’interconnexion ne pouvant manifestement pas fournir la capacité requise.

103    Le Tribunal estime que c’est sans éprouver des doutes ou des difficultés sérieuses que la Commission pouvait se fonder sur les estimations de croissance du secteur de gestion de la demande entre 1 200 MW et 2 500 MW pour conclure que les mesures proposées par les autorités polonaises étaient de nature à faciliter le développement de la gestion de la demande en Pologne, conformément à l’objectif visé au paragraphe 220 des lignes directrices.

104    En effet, les éléments de faits et de preuve très détaillés soumis par la Commission et par les intervenantes, dont les deux plus importants opérateurs de gestion de la demande polonais, établissent à suffisance de droit que les considérations exposées aux paragraphes 138 et 139 de la décision attaquée reposent sur une base factuelle solide, de nature à dissiper tout doute quant au véritable potentiel de développement de la gestion de la demande sur le marché de l’électricité ou de capacité polonais. Ces éléments sont notamment fondés sur l’évaluation de l’adéquation des capacités de PSE, telle qu’auditée, de manière indépendante, par une société de consultants, ainsi que sur l’expérience et sur l’expertise que lesdits opérateurs de gestion de la demande ont pu gagner sur le marché de l’électricité polonais avant et après l’entrée en vigueur de la loi. En particulier, l’évolution démontrée de ces opérateurs et la capacité énergétique acquise par eux par le passé, dans le cadre d’enchères du mécanisme de capacité polonais et des programmes antérieurs, démontrent de manière crédible le potentiel de ce secteur qui est précisément limité par les chiffres sur lesquels la Commission s’était fondée, à savoir environ 200 MW par an.

105    Outre le fait que Tempus se fonde essentiellement sur des aspects méthodologiques issus de l’étude d’Energy Brainpool, elle ne conteste pas les chiffres détaillés relatifs aux lots de capacité qu’Enspirion et Enel X ont pu obtenir, avant et après l’adoption de la décision attaquée, lors des enchères pour les périodes de fourniture pertinentes, ni le fait que la gestion de la demande ne soit pas à elle seule capable de contribuer de manière substantielle à l’objectif d’atteindre la norme de fialibilité en cause. Tempus ne conteste pas non plus la pertinence de cette norme de fiabilité, ni l’ampleur de la perte de capacités jusqu’en 2020 et 2025 qui sera due au déclassement de centrales à base de combustibles fossiles. En effet, elle se limite à remettre en cause les estimations du potentiel de la gestion de la demande entre 1 200 MW et 2 500 MW que PSE avait effectuées, en partant du volume de 200 MW attribués aux opérateurs de gestion de la demande en 2016, dans le cadre de son évaluation de l’adéquation des capacités et sur lesquelles la Commission s’est appuyée à la note en bas de page no 31 du paragraphe 138 de la décision attaquée. Or, lors de la rédaction de la requête, Tempus ne savait manifestement pas encore que ces chiffres étaient le résultat de l’application de la méthodologie standardisée et généralement reconnue du REGRT‑E – y compris dans le rapport final de la Commission, du 30 novembre 2016, sur l’enquête sectorielle sur les mécanismes de capacité (p. 9 et 10) – et que lesdits chiffres avaient été audités, de manière indépendante, et avaient été largement entérinés par une société de consultants. Ainsi, dans la réplique, Tempus n’a pas été en mesure de contester, de manière circonstanciée, ces éléments plausibles, même sur le fondement de la méthodologie proposée dans l’étude d’Energy Brainpool.

106    Dès lors, en se limitant à proposer une modélisation alternative, retenue dans l’étude d’Energy Brainpool, qui se borne à extrapoler les « prix extrêmes », liée à une estimation d’une hausse de la demande en électricité, Tempus est restée en défaut d’établir que la Commission aurait dû nourrir des doutes ou des difficultés sérieuses quant au véritable potentiel de la gestion de la demande en Pologne. Même à supposer que cette modélisation soit apte à démontrer, de manière indirecte, un effet incitatif pour le recours à la gestion de la demande, elle ne saurait ébranler la plausibilité des chiffres sur lesquels la décision attaquée est fondée, qui sont censés représenter immédiatement le potentiel de la gestion de la demande pour satisfaire la demande en électricité, ni la valeur probante de la méthodologie appliquée pour y arriver.

107    De même, c’est de manière peu circonstanciée que Tempus reproche à la Commission de ne pas avoir exigé des autorités polonaises des mesures favorisant la capacité d’interconnexion. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, au paragraphe 138 de la décision attaquée, la Commission a tenu compte du programme de renforcement de réseau de PSE courant jusqu’en 2025 qui est destiné à résoudre les problèmes de goulot et à augmenter la capacité de transfert nette des interconnecteurs sur le profil synchrone polonais. Dans ces circonstances, Tempus est restée en défaut d’avancer des éléments suffisamment précis et concrets qui seraient susceptibles d’établir que la Commission aurait dû éprouver des doutes, au regard du paragraphe 220 des lignes directrices, quant à la réalisation de l’objectif de l’augmentation des capacités d’interconnexion.

108    Par conséquent, il y a lieu de rejeter également le deuxième grief comme non fondé.

–       Sur le troisième grief

109    Par le troisième grief, Tempus reproche à la Commission, en substance, d’avoir accepté, contrairement aux exigences visées aux paragraphes 3, 220 et au paragraphe 233, sous e), des lignes directrices, que le mécanisme de capacité polonais subventionne pour l’essentiel des centrales de production opérant à base de combustibles fossiles et des technologies à forte intensité de carbone, au détriment de technologies de production et de fourniture plus respectueuses de l’environnement. À l’appui, elle présente les résultats des enchères ayant accordé des capacités substantielles à de telles centrales de production et technologies. En outre, elle conteste que le bonus écologique soit suffisant à promouvoir les technologies à faible intensité de carbone et à contribuer à éliminer les capacités de production de houille et de lignite. Au contraire, ce bonus avantagerait, notamment, les CMU de production au gaz naturel, un combustible fossile nocif pour l’environnement en raison de ses émissions de gaz à effet de serre, et serait discriminatoire à l’égard des opérateurs de gestion de la demande.

110    La Commission et les intervenantes rétorquent essentiellement que les résultats des enchères postérieures à l’adoption de la décision attaquée ne peuvent être pris en considération aux fins du contrôle de sa légalité. En tout état de cause, Tempus n’aurait pas établi que l’octroi des accords de capacité aux CMU de production opérant à base de combustibles fossiles se serait fait au détriment des opérateurs de gestion de la demande qui auraient affiché une croissance lors des mêmes enchères, à savoir, pour Enel X, l’octroi de volumes de capacité de 614,6 MW (2,74 %), de 761 MW (7,19 %) et de 791 MW (7,44 %), respectivement, et pour Enspirion, l’octroi de volumes de capacité de 152 MW, de 202 MW et de 237 MW, respectivement, ce qui correspondrait, notamment, aux prévisions d’augmentation de l’évaluation de l’adéquation des capacités de PSE. À cet égard, la Commission et les intervenantes rappellent que les lignes directrices n’interdisent pas le soutien à des centrales conventionnelles qui continuent à jouer un rôle important dans le bouquet énergétique polonais, tant que leur capacité de production est requise pour assurer l’adéquation des capacités et la sécurité d’approvisionnement conformément à la norme de fiabilité en cause. Elles contestent, en outre, que le bonus écologique soit discriminatoire à l’égard de la gestion de la demande, ce bonus créant des incitations économiques spécifiques pour les capacités de production à faibles émissions, non transposables aux opérateurs de gestion de la demande.

111    Il convient de rappeler les considérations exposées aux points 92 à 95 ci-dessus selon lesquelles le paragraphe 220 des lignes directrices implique que l’État membre introduisant un mécanisme de capacité tienne compte de l’objectif d’intérêt commun de protection de l’environnement et le promeuve, notamment, « en facilitant la gestion de la demande », ce qui suppose, a contrario, qu’il s’abstienne de porter atteinte audit objectif en favorisant unilatéralement des capacités de production opérant à base de combustibles fossiles, conformément à l’objectif d’élimination progressive des subventions préjudiciables à l’environnement. Or, contrairement à ce que soutient Tempus et ainsi qu’il est exposé au point 95 ci-dessus, ces objectifs ne peuvent être compris comme interdisant des mesures d’aide en faveur de centrales de production à base de combustibles fossiles, lorsque celles-ci se révèlent être nécessaires à la garantie de l’adéquation des capacités et, partant, de la sécurité d’approvisionnement énergétique, ni comme prescrivant à l’État membre et à la Commission d’accorder une priorité absolue à des techniques alternatives et plus protectrices de l’environnement, telles que la gestion de la demande. Au demeurant, ainsi qu’il ressort des prises de position d’Enel X et d’Enspirion (voir point 110 ci-dessus), dès l’instauration du mécanisme de capacité polonais, les opérateurs de gestion de la demande polonais ont affiché une croissance nette dans l’obtention de capacités qui correspond aux prévisions de développement sous-tendant tant l’évaluation de l’adéquation des capacités de PSE, telle qu’auditée, que la décision attaquée (voir points 104 et 105 ci-dessus), ce qui tend à confirmer que ledit mécanisme leur permet d’épuiser leur potentiel.

112    Ainsi, le fait que le mécanisme de capacité polonais implique d’octroyer aux CMU de production à base de combustibles fossiles des accords et des paiements de capacité, même d’un volume substantiel, ne peut être qualifié en soi de contraire aux objectifs visés au paragraphe 220 des lignes directrices, tant que l’octroi de ces capacités apparaît nécessaire eu égard aux exigences constatées dans l’évaluation de l’adéquation des capacités de PSE et à la norme de fiabilité en cause, en tant qu’objectif précis et clairement défini au sens du paragraphe 221 des lignes directrices. Or, ce dernier aspect n’a pas été spécifiquement remis en cause par Tempus dans ce contexte précis et sera apprécié dans le cadre de l’appréciation des griefs liés à la nécessité et à la proportionnalité du mécanisme de capacité polonais (voir points 235 et suivants et 287 et suivants ci-après).

113    S’agissant du bonus écologique bénéficiant aux CMU de production réunissant les critères pertinents d’émissions faibles en carbone, d’une part, il suffit de relever que les CMU éligibles ne sont pas nécessairement des centrales à combustibles fossiles inefficaces, mais également des centrales nouvelles ou modernes moins polluantes nécessitant des CAPEX importantes et qu’une incitation à réduire lesdites émissions apparaît conforme à l’objectif d’intérêt commun de protection de l’environnement, tel que préconisé par les lignes directrices, notamment au paragraphe 233, sous e), relatif aux mesures d’aide qui devraient « accorder la préférence aux producteurs émettant peu de carbone ». Or, Tempus n’a pas établi que le fonctionnement de CMU modernes de production à gaz naturel était aussi préjudiciable à l’environnement que celui de CMU de production à base de houille ou de lignite. D’autre part, ainsi que l’ont relevé, de manière détaillée, la Commission et les intervenantes, Tempus n’a pas démontré que l’application dudit bonus donnait lieu à un traitement inégal, voire discriminatoire des opérateurs de gestion de la demande, dont les capacités de production internes ou externes pouvaient également relever d’une source d’énergie polluante ou à combustible fossile, telle que les moteurs diesels, et dont le niveau des émissions était difficile à quantifier (voir, également, les points 161 et suivants ci-après en ce qui concerne les griefs liés à un prétendu traitement discriminatoire des opérateurs de gestion de la demande).

114    Dès lors, il convient également de rejeter le troisième grief et, partant, la première sous-branche dans son intégralité comme non fondés.

ii)    Sur la seconde sous-branche, concernant la nécessité d’une intervention de l’État polonais

–       Sur le premier grief

115    Par le premier grief de la seconde sous-branche tendant à démontrer que la Commission aurait dû nourrir des doutes relatifs à la nécessité d’une intervention de l’État polonais, au sens des paragraphes 222 à 224 des lignes directrices, Tempus relève, en substance, que la Commission a procédé à un examen insuffisant du prétendu problème d’adéquation des capacités en Pologne. Contrairement aux exigences posées par le paragraphe 221 des lignes directrices, les données sous-tendant l’évaluation de l’adéquation des capacités, y compris le rapport MAF 2017, auraient été incomplètes et n’auraient pas permis de tirer des conclusions valables jusqu’en 2030, ni jusqu’en 2028, lorsque le régime d’aides prendra fin, mais tout au plus jusqu’en 2025. En outre, contrairement à ce qui serait prescrit par le paragraphe 224 des lignes directrices, la décision attaquée ne comporterait qu’une description insuffisante de l’incidence de la participation des opérateurs de gestion de la demande et des mesures destinées à l’encourager. Selon Tempus, comme l’a confirmé la société de consultants et à la différence de ce qui est affirmé au paragraphe 150 de la décision attaquée, l’évaluation de l’adéquation des capacités n’énonce la gestion de la demande que brièvement dans sa conclusion en indiquant que le plafonnement des prix sera supprimé et que des programmes de gestion de la demande ont été annoncés.

116    La Commission, soutenue par les intervenantes, rétorque, en substance, avoir eu des informations suffisamment solides à sa disposition pour identifier et apprécier, de manière complète, les problèmes d’adéquation des capacités de production en Pologne pendant toute la durée du marché de capacité polonais, notamment sur la base de l’évaluation de l’adéquation des capacités de PSE, dont elle avait demandé qu’elle fût soumise à un audit indépendant par une société de consultants. Celle-ci aurait confirmé ces problèmes d’adéquation et aurait conclu que, en l’absence de marché de capacité, le réseau électrique polonais ne serait pas en mesure de respecter la norme de fiabilité en cause. Comme elle est exposée au paragraphe 12 de la décision attaquée, l’évaluation de l’adéquation des capacités auditée, s’appuyant sur le scénario de base, à savoir le déclassement d’unités de production thermique en 2020 jusqu’à 3,5 GW et d’ici à 2025 jusqu’à 6,5 GW, aurait anticipé une perte de charge à concurrence de 176,4 heures en 2020 et de 101,7 heures en 2025. En outre, les projections pour 2030 auraient été conformes à celles visant la période précédente, effectuées, notamment, en vertu de la méthode du REGRT‑E. Ainsi qu’il ressortirait du paragraphe 13 de la décision attaquée, pour 2030, le scénario le moins prudent aurait abouti à 12,56 heures de perte de charge, tandis que d’autres scénarios modélisés plus réalistes auraient affiché des pertes de charge plus élevées, à savoir 1 165,30 ou 210 heures. En tout état de cause, la critique de Tempus à l’égard de la méthode de calcul des risques en matière d’adéquation des capacités établie pour 2030 serait inopérante, le régime d’aides n’ayant été approuvé que jusqu’en 2028 et les dernières enchères principales devant avoir lieu en 2025.

117    Il y a lieu de rappeler qu’il ressort des paragraphes 222 à 224 des lignes directrices, regroupés dans la section 3.9.2, intitulée « Nécessité de l’intervention de l’État », que l’État membre concerné est censé, d’une part, dûment analyser et quantifier « [l]a nature et les causes du problème d’adéquation des capacités de production et, partant, la nécessité d’une intervention de l’État pour garantir cette adéquation » (paragraphe 222), et, d’autre part, « clairement démontrer les raisons pour lesquelles le marché n’est pas en mesure de fournir les capacités adéquates en l’absence d’intervention, en tenant compte de l’évolution en cours du marché et des technologies » (paragraphe 223). Pour sa part, la Commission est tenue de s’assurer notamment que cet État membre a apprécié « l’incidence de la participation des [opéra]teurs de la demande » et a décrit « des mesures destinées à encourager la gestion de la demande » (paragraphe 224).

118    En outre, il importe de relever que, au stade de l’adoption de la décision attaquée, la Commission disposait d’un ensemble d’informations et de rapports d’expertise lui permettant d’écarter d’éventuels doutes quant à la nécessité de l’instauration du marché de capacité polonais, conformément à ces dispositions. En particulier, elle pouvait se fonder sur l’évaluation de l’adéquation des capacités de PSE, du 24 février 2017, dont elle avait expressément demandé qu’elle fût auditée, de manière indépendante, par une société de consultants qui a rendu son rapport le 17 août 2017, c’est-à-dire plusieurs mois avant la notification par les autorités polonaises du régime d’aides, pour que celles-ci et la Commission puissent tenir compte des résultats et des recommandations exposés dans ledit rapport.

119    Sur cette base, la Commission a expliqué, de manière détaillée, aux paragraphes 5 à 14 de la décision attaquée, le problème d’adéquation des capacités de production en Pologne qu’il convenait de résoudre et qui comprenait, selon elle, notamment, les éléments prévisionnels suivants :

–        le déclassement d’unités de production thermique à base de houille et de lignite en 2020 à concurrence d’environ 3,5 GW et jusqu’en 2025 à concurrence d’environ 6,5 GW (paragraphes 6 et 11 de la décision attaquée) ;

–        le problème du manque de revenus en tant que défaillance du marché de l’électricité polonais, due à son inaptitude à compenser le déficit de capacités de production qui est lié à ce déclassement (paragraphes 7 à 9 de la décision attaquée) ;

–        l’incapacité du marché de l’électricité polonais qui en résulte à atteindre la norme de fiabilité en cause, à savoir trois heures de perte de charge par an (comparable à celle retenue et reconnue pour les marchés de l’électricité du Royaume-Uni et français), telle que définie par PSE dans son évaluation de l’adéquation des capacités, en vertu de la méthodologie probabiliste, dite « simulation Monte Carlo », appliquée par REGRT‑E, notamment, dans son rapport MAF 2017, sur la base de plusieurs scénarios de simulation prévisionnels, et telle qu’auditée et confirmée, de manière indépendante, par une société de consultants (paragraphes 9 à 11 de la décision attaquée) ;

–        le déficit des capacités de production ou la perte de charge en résultant pour 2020 et 2025 étant de 176,4 et de 101,7 heures par an, respectivement, et correspondant, selon le scénario le moins prudent, conformément aux hypothèses du rapport MAF 2017, à une perte de charge toujours supérieure à la norme de fiabilité en cause avec 14,2 heures en 2020 et 32,8 heures en 2025 ; selon les calculs de la société de consultants, il en résulte le besoin d’une capacité de production supplémentaire de 2 750 MW en 2020 et de 8 068 MW en 2025 (paragraphe 12 de la décision attaquée) ;

–        aux termes de l’évaluation de l’adéquation des capacités de PSE pour 2030, soit au-delà de la période couverte par les hypothèses du rapport MAF 2017, le scénario le moins prudent aboutit à une perte de charge de 12,56 heures, tandis que d’autres scénarios modélisés affichent des pertes de charge considérablement plus élevées, à concurrence de 1 165,30 heures ; la société de consultants a confirmé que cette méthologie de PSE était compatible avec des évaluations d’adéquation similaires du REGRT‑E (paragraphe 13 de la décision attaquée).

120    À la lumière de ces éléments prévisionnels audités, la Commission a conclu que les autorités polonaises avaient démontré que le déficit des capacités de production identifié donnait lieu à la nécessité d’une intervention de l’État polonais au regard des paragraphes 222 à 224 des lignes directrices (paragraphes 144 à 151 de la décision attaquée). Elle a notamment souligné qu’un tel déficit devait être attendu en 2020 et atteindre, selon l’évalution de l’adéquation des capacités de PSE, 2 750 MW si le marché pur de l’électricité polonais dépendait exclusivement des revenus dudit marché (paragraphe 146 de la décision attaquée). En outre, la Commission a relevé, en substance, que le volume de capacité que les autorités polonaises envisageaient de procurer et de rémunérer était directement fondé sur cette évaluation qui reposait sur une norme de fiabilité objective, destinée à atteindre un niveau de sécurité de 99,97 % (paragraphe 147 de la décision attaquée).

121    La Commission a également considéré comme étant conforme au paragraphe 223 des lignes directrices la manière dont les autorités polonaises ont identifié et étayé l’existence de plusieurs défaillances du marché, comme cela est décrit dans la secion 2.2.1 de la décision attaquée. Ces autorités auraient démontré, de manière convaincante, sur le fondement d’une évaluation probabiliste de l’adéquation des capacités (voir paragraphes 9 à 12 de la décision attaquée), que la capacité dans le marché pur de l’électricité polonais était susceptible de pâtir du problème du manque de revenus au cas où elle déprendait exclusivement des revenus dudit marché (point 148 de la décision attaquée).

122    Enfin, eu égard aux critères visés au paragraphe 224 des lignes directrices, la Commission a pris note du fait que l’évaluation de l’adéquation des capacités de PSE était fondée sur la simulation de plusieurs scenarios qui reposaient, chacuns, sur différentes hypothèses concernant l’ensemble des quatre critères mentionnés audit paragraphe. Dans tous les scénarios modélisés, des déficits de capacités de production devaient être attendus par rapport à la norme de fiabilité en cause (paragraphe 150 de la décision attaquée).

123    Les considérations qui précèdent suffisent à constater que, d’une part, la Commission ne pouvait avoir de doutes quant aux différents éléments prévisionnels ayant requis et justifié l’intervention de l’État polonais en instaurant un mécanisme de capacité, et que, d’autre part, elle a exposé son appréciation à ce propos de manière suffisamment détaillée et intelligible dans la décision attaquée.

124    À cet égard, il importe de préciser que Tempus ne conteste pas le scénario de base sur lequel l’évaluation de l’adéquation des capacités de PSE et l’audit indépendant de la société de consultants sont fondés. Ce scénario repose sur le déclassement planifié d’unités de production thermique jusqu’en 2020 à concurrence d’environ 3,5 GW et jusqu’en 2025 à concurrence d’environ 6,5 GW, sur le problème de manque de revenus affectant le marché de l’électricité polonais ainsi que sur le déficit de capacités de production attendu pour ces années, compte tenu de la norme de fiabilité en cause dont ni la méthodologie de calcul, conforme à celle exposé dans le rapport MAF 2017 du REGRT‑E, ni la pertinence ne sont mises en question par Tempus. Cette dernière ne remet pas non plus en cause, de manière circonstanciée, la défaillance de marché qui en résulte, notamment le déficit des capacités de production ou la perte de charge attendu pour 2020 et 2025 (176,4 et 101,7 heures, respectivement), ni les scénarios simulés et les hypothèses émises par PSE, tels qu’audités, de manière indépendante, par une société de consultants, conformément à la méthodologie probabiliste reconnue du REGRT‑E, qui ont donné lieu à conclure que cette perte de charge était supérieure à la norme de fiabilité en cause et exigeait une capacité de production supplémentaire de 2 750 MW en 2020 et de 8 068 MW en 2025. Or, dans ces circonstances, il ne saurait être considéré que la Commission aurait dû nourrir des doutes à cet égard.

125    La seule véritable contestation de Tempus dans ce contexte vise le bien-fondé de l’extrapolation des scénarios et des hypothèses probabilistes jusqu’à l’année 2030 ainsi que le fait que la Commission ait conclu à l’absence de doutes relatifs à la compatibilité du régime d’aides avec le marché intérieur au-delà de l’année 2025. En effet, elle se limite à critiquer le caractère incomplet des données sous-tendant l’évaluation de l’adéquation des capacités, y compris le rapport MAF 2017, pour en déduire que les autorités polonaises et la Commission n’étaient pas autorisées à en tirer des conclusions valables jusqu’en 2028, lorsque le régime d’aides prendra fin, voire jusqu’en 2030.

126    Cependant, Tempus n’a pas été en mesure d’ébranler la plausibilité du mode d’extrapolation employé par PSE, sur la base des chiffres pertinents pour la période antérieure, et validé, de manière générale, par une société de consultants, qui a confirmé que cette méthodologie correspondait à celle appliquée par REGRT‑E dans le cadre d’autres simulations similaires. Cela est d’autant moins le cas que Tempus ne propose pas de méthodologie alternative susceptible de remettre en question les différents scénarios probabilistes effectués par PSE, pour lesquels des données concrètes faisaient manifestement défaut, comme le montre également le rapport MAF 2017 qui ne couvre des prévisions que jusqu’en 2025.

127    Par conséquent, cet argument doit être rejeté sans qu’il soit besoin de se prononcer sur son éventuel caractère inopérant au motif, purement formel, que l’année 2030 n’est pas englobée par la durée du régime d’aides (allant jusqu’en 2028, avec la dernière enchère principale en 2025), comme cela est avancé par la Commission.

128    En outre, dans la mesure où Tempus reproche à la Commission d’avoir accepté l’évaluation de l’adéquation des capacités de PSE comme étant suffisante, quand bien même celle-ci n’incluait pas, contrairement à ce qu’exige le paragraphe 224 des lignes directrices, d’estimation du potentiel de gestion de la demande et de son éventuelle contribution à l’adéquation des capacités, il est, certes, vrai que le paragraphe 150 de la décision attaquée ne comporte pas de motivation spécifique à cet égard. Il n’en demeure pas moins que, durant la phase de prénotification, cette question a été abordée, de manière suffisante, dans le rapport de la société de consultants, qui a expressément recommandé de compléter l’évaluation de l’adéquation des capacités sur ces points, sans pour autant en conclure que cela produisait une incidence significative sur les résultats de son analyse relative au potentiel de la gestion de la demande (voir p. 6 et 43, sous point 5.18, et p. 48, sous point 6.8, dudit rapport). En outre, la Commission ayant explicitement mandaté ledit rapport pour en disposer tant au stade de la notification du régime d’aides qu’au moment de l’adoption de la décision attaquée, qui est fondée, notamment, sur cette analyse, à défaut d’indice contraire, il convient de conclure qu’elle a nécessairement tenu compte de ces éléments, y compris de l’incidence du potentiel de la gestion de la demande, sans qu’elle eût dû nourrir des doutes à cet égard.

129    Dans ces circonstances, il convient de rejeter le premier grief comme non fondé dans sa totalité.

–       Sur le deuxième grief

130    Par son deuxième grief, Tempus allègue, en substance, que la Commission aurait dû nourrir des doutes sur la nécessité du marché de capacité polonais en raison du refus systématique et illégal de la République de Pologne, contraire à l’article 4, paragraphe 3, TUE, de promouvoir les capacités provenant de sources d’énergie renouvelables et de prendre en compte les objectifs d’augmentation de 15 % jusqu’en 2020 posés par la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE (JO 2009, L 140, p. 16). Or, les paragraphes 134 à 143 de la décision attaquée, en particulier le paragraphe 137, ne feraient aucune référence à des mesures prises par la République de Pologne, dans le cadre d’autres dispositions législatives ou régimes visant à réduire ses émissions de gaz à effet de serre et à ainsi compenser son soutien à la production houillère « dans une large mesure » (paragraphe 140 de la décision attaquée). Au regard des exigences du paragraphe 224 des lignes directrices, la Commission aurait dû se demander, d’une part, si des problèmes de capacité du même ordre se seraient présentés si les autorités polonaises avaient mis l’accent sur la réalisation de l’objectif fixé par la directive 2009/28 et, d’autre part, si les aides en faveur de l’adéquation des capacités de production entravaient l’installation des capacités de production à partir de sources renouvelables, contrairement à l’objectif d’élimination progressive des subventions préjudiciables à l’environnement. En outre, Tempus reproche à la Commission de ne pas avoir examiné si l’usage intensif bien établi de la cocombustion de biomasse solide, en plus du gaz naturel, dans les centrales au charbon polonaises actuelles, en tant que partie intégrante du plan d’action national pour les énergies renouvelables, serait affecté et rendu encore plus difficile par la réforme du marché qui était censée permettre à la République de Pologne de supprimer le marché de capacité. Elle aurait dû vérifier si les autorités polonaises entendaient mettre en place, dans le cadre de cette réforme, un mécanisme visant à compenser la baisse de la part de la cocombustion remplaçant les anciennes centrales au charbon, ce qui ne serait pas le cas. Par ailleurs, la Commission aurait également dû exprimer des doutes quant aux motifs pris des vagues de chaleur survenues en Pologne en 2015 pour justifier la nécessité d’un marché de capacité. En revanche, dans son document de travail du 30 novembre 2016, elle aurait souligné que les vagues de chaleur de 2015 – qui n’ont pas touché que la Pologne – « étaient suffisamment prises en compte au niveau national ».

131    La Commission et PGE rétorquent essentiellement que, dans le cadre de l’examen au regard des lignes directrices, les défaillances éventuelles de la République de Pologne dans la réalisation de l’objectif de la directive 2009/28 n’ont aucune incidence sur l’existence de doutes quant à la nécessité du marché de capacité. Tempus ne fournirait aucun élément de preuve à l’appui de l’existence d’un lien entre le degré de déploiement des sources d’énergie renouvelables et les préoccupations en matière d’adéquation des capacités de production ou de son affirmation générale selon laquelle l’aide en faveur de l’adéquation des capacités de production ferait obstacle à l’installation desdites sources en Pologne. La République de Pologne souligne, en substance, ses efforts entrepris, y compris sur la base des régimes d’aides en cause, pour faire évoluer les exploitants d’installations d’énergies renouvelables, dont les aides garantissant un retour sur investissement total seraient beaucoup plus avantageuses pour les investisseurs du point de vue économique que le marché de capacité.

132    Il importe de relever que les paragraphes 222 à 224 des lignes directrices, sous le titre « Nécessité d’une intervention de l’État », ne prévoient aucune exigence spécifique pour les États membres de promouvoir la production d’énergie à partir de sources renouvelables, mais requièrent uniquement la démonstration de la nécessité de l’introduction d’un régime d’aides en faveur de l’adéquation des capacités de production au regard, notamment, de l’incidence de certaines technologies, telles que celle de la gestion de la demande et de l’existence réelle ou potentielle d’interconnexions [paragraphe 224, sous b) et sous c), des lignes directrices]. Cette prétendue exigence ne résulte pas non plus de l’« objectif d’intérêt commun », tel que décrit aux paragraphes 219 et 220 des lignes directrices, au regard desquels Tempus tente de nouveau de remettre en cause les paragraphes 134 à 143 de la décision attaquée (voir, également, le premier grief). Ces dispositions énoncent, certes, l’objectif d’élimination progressive des subventions préjudiciables à l’environnement, notamment pour les combustibles fossiles, mais ne comportent aucun objectif précis, en termes de volumes de capacité, de promouvoir, en contrepartie, des sources d’énergie renouvelables, tel qu’il est inscrit dans la directive 2009/28. Il en est de même de l’argument vague et peu circonstancié que Tempus tire de la promotion de la technologie de cocombustion de biomasse solide dans les centrales au charbon polonaises. Cela ne préjuge toutefois pas de la question de savoir si ces éléments sont susceptibles d’avoir une incidence sur d’autres critères des lignes directrices, comme le caractère approprié des aides, au sens du paragraphe 225 des lignes directrices (voir points 235 et suivants ci-après).

133    S’agissant de l’argument de Tempus relatif aux vagues de chaleur survenues en Pologne en 2015 pour justifier la nécessité d’un marché de capacité, il suffit de relever que, même à supposer que la Commission eût dû douter de l’incidence de ces vagues de chaleur sur la disponibilité des capacités de production durant l’été, cet aspect à lui seul ne saurait remettre en cause le fait que, dans sa généralité, les autorités polonaises ont démontré à suffisance cette nécessité en invoquant un ensemble d’éléments pertinents pour écarter tout doute de la Commission, au sens de l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589. Cet argument est donc inopérant.

134    Par conséquent, le deuxième grief doit être rejeté dans sa totalité.

–       Sur le troisième grief

135    Par son troisième grief, Tempus fait valoir que la décision attaquée ne tient pas suffisamment compte du fait que, depuis 2014, la Pologne disposait déjà d’un marché de capacité, sous forme d’une réserve stratégique de 830 MW (dite « réserve froide pour imprévus ») pour une durée de deux ans à compter de 2016 et prolongeable de deux ans, dans le cadre duquel des appels d’offres auraient été lancés afin d’attirer des services de gestion de la demande, dont quatre, organisés entre 2013 et 2015, auraient permis de souscrire 200 MW de capacité de gestion de la demande. Or, la Commission n’aurait pas examiné en détail l’effet de ces mécanismes antérieurs, entre-temps abolis, sur le marché de l’électricité polonais, quand bien même une telle analyse comparative aurait été essentielle pour établir si le nouveau marché de capacité était nécessaire, approprié et proportionné. En outre, Tempus réitère, en substance, son grief tiré d’une évaluation lacunaire à l’aune de l’évolution potentielle du marché pur de l’électricité polonais, comme cela est exigée par le paragraphe 220 des lignes directrices (voir premier grief de la première sous-branche). Le marché de capacité polonais constituerait un obstacle à l’élimination progressive des subventions aux combustibles fossiles, néfastes pour l’environnement, ce dont la Commission n’aurait pas dûment tenu compte, notamment au paragraphe 138 de la décision attaquée. Enfin, Tempus rappelle que, dans son examen, la Commission a ignoré que la République de Pologne avait itérativement manqué à l’obligation de transposition de règles de l’Union en matière d’énergie, dont la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe (JO 2008, L 152, p. 1) et la directive 2009/28, et qu’elle avait la triste réputation d’octroyer des aides d’État à des centrales au charbon anciennes et polluantes.

136    La Commission, soutenue par PGE, rétorque essentiellement ne pas avoir été tenue d’analyser l’incidence d’une mesure antérieure destinée à garantir l’adéquation des capacités de production en Pologne ayant pris fin avant la mise en œuvre du marché de capacité polonais. Elle précise que, en tant qu’outil permettant de gérer une situation de surcapacité et les risques de sortie prématurée de centrales existantes, une réserve stratégique est destinée à remédier aux problèmes de sécurité d’approvisionnement à court terme, notamment lors de situations de pénurie imprévues, mais qu’elle ne peut contribuer à résoudre les problèmes de capacité à long terme. En effet, à la différence d’un mécanisme de capacité, la capacité d’une réserve stratégique serait gardée en réserve et ne participerait pas au marché, ni encouragerait l’investissement dans de nouvelles capacités. Par ailleurs, eu égard au fait que l’évaluation de l’adéquation des capacités avait confirmé que le seul marché pur de l’électricité polonais ne pouvait pas garantir un volume de capacités suffisant afin de respecter la norme de fiabilité en cause et, partant, d’assurer la sécurité de l’approvisionnement en électricité en Pologne, les procédures concernant, notamment, la mise en œuvre des directives 2008/50 et 2009/28 ne sauraient faire naître des doutes quant à la nécessité du régime d’aides, dont l’objectif serait de fournir les capacités nécessaires à l’approvisionnement en électricité en Pologne et non d’améliorer la qualité de l’environnement.

137    Dans la mesure où le troisième grief se recoupe avec le premier grief de la première sous-branche, il convient de le rejeter d’emblée comme non fondé pour les motifs exposés aux points 95 à 99 ci-dessus.

138    Quant à la prétendue absence de nécessité du mécanisme de capacité polonais du fait de l’existence d’un régime antérieur de « réserve stratégique », il suffit de relever, à l’instar de ce qu’avancent la Commission et PGE, que, du point de vue tant de ses objectifs que de ses instruments, ce régime n’était pas comparable audit mécanisme. En outre, nonobstant le fait que ce régime de « réserve stratégique » était limité dans le temps jusqu’en 2016, le cas échéant, sur la base de prévisions probabilistes antérieures, Tempus n’avance aucun élément plausible de nature à expliquer en quoi, même à la suite d’une situation modifiée en 2016, ledit régime aurait été suffisant pour faire face aux problèmes mentionnés au point 119 ci-dessus, tels que soulignés aux paragraphes 5 à 13 de la décision attaquée, à savoir, en particulier, pour garantir à long terme la sécurité d’approvisionnement en électricité au regard de la norme de fiabilité en cause. Au demeurant, au paragraphe 16, sous g), de la décision attaquée, la Commission a tenu compte du fait que, avant la première année de livraison du marché de capacité, à savoir 2021, il sera mis fin, notamment, à la « réserve stratégique froide ». Dès lors, cet argument ne saurait être accueilli.

139    S’agissant des arguments de Tempus pris de la méconnaissance par la République de Pologne de ses prétendues obligations de mise en œuvre d’une politique énergétique plus protectrice de l’environnement, en particulier des directives 2008/50 et 2009/28, il suffit de rappeler les considérations exposées au point 132 ci-dessus qui s’appliquent mutatis mutandis.

140    Dans ces conditions, il convient de rejeter le troisième grief comme non fondé dans sa totalité.

–       Sur le quatrième grief

141    Par son quatrième grief, Tempus reproche à la Commission de n’avoir pas apprécié à suffisance, dans son examen de l’objectif d’intérêt commun, les effets du mécanisme de capacité polonais sur les marchés de l’électricité des pays voisins et sur les échanges d’électricité. Une telle appréciation aurait pourtant été nécessaire, compte tenu des nombreuses demandes de mécanismes de capacité, dont six ont été approuvées par elle le même jour, de ses conclusions dans son rapport final de l’enquête sectorielle et de sa proposition d’un règlement portant sur une nouvelle organisation du marché de l’électricité. À l’instigation de la République de Pologne qui aurait conduit une campagne à cet effet, l’article 18, sous a), du règlement proposé aurait prévu la possibilité pour les États membres d’opter pour la nouvelle « clause de caducité » permettant à la capacité de production à partir d’anciennes centrales à charbon dont la qualité des émissions était également de 550 g CO2/kWh de participer à toutes les enchères de capacité, pour autant qu’elles aient été au préalable acceptées, aux conditions du marché de capacité polonais jusqu’à la fin de l’année 2019, dans un mécanisme de capacité national antérieur. Consciente de cette campagne des autorités polonaises en faveur du maintien d’une capacité de production au charbon, ancienne et polluante, la Commission aurait dû avoir des doutes sur la fiabilité du marché de capacité polonais et sur sa validité au titre de l’objectif d’intérêt commun. En outre, eu égard à l’article 23, paragraphe 4, du règlement proposé, à l’instar de son attitude dans l’affaire portant sur le marché de capacité français [décision (UE) 2017/503 de la Commission, du 8 novembre 2016, concernant le régime d’aides SA.39621 2015/C (ex 2015/NN) (JO 2017, L 83, p. 116)], la Commission aurait dû avoir des doutes concernant les conséquences du marché de capacité polonais et ses répercussions sur les États membres voisins. La loi contiendrait un chapitre spécifique et détaillé, intitulé « Participation des capacités étrangères au marché de capacité », mais la décision attaquée ne ferait même pas mention de négociations ou d’échanges avec les États membres voisins impliqués. Ainsi, la conclusion exposée au paragraphe 185 de la décision attaquée, selon laquelle la Commission était « satisfaite » de ce que, « en raison de sa conception, les effets négatifs du marché de capacité [polonais] sur la concurrence et les échanges sur le marché intérieur de l’électricité » étaient suffisamment limités, ne saurait cacher l’évaluation incomplète et erronée des faits pertinents et, partant, l’existence de doutes quant à la compatibilité du régime d’aides, eu égard à l’objectif d’intérêt commun et à la nécessité d’une intervention de l’État.

142    La Commission estime avoir effectué une appréciation suffisante de l’impact du marché de capacité polonais sur les marchés de l’électricité voisins et sur les échanges d’électricité. D’une part, les débats qui ont porté, dans le cadre de la procédure législative en cause, sur une définition des conditions applicables aux marchés de capacité, de même qu’une simple proposition de règlement, n’auraient pas d’incidence sur son appréciation d’un tel marché au regard des règles en matière d’aides d’État, ni pourraient mettre en cause la validité de cette appréciation dans la décision attaquée. La République de Pologne précise que cet argument de Tempus est inopérant, dès lors que la décision attaquée a été adoptée le 7 février 2018, soit plus de quatre mois avant le début des trilogues informels, plus de dix mois avant l’obtention d’un accord politique mettant fin aux négociations et plus de seize mois avant la publication du règlement (UE) 2019/943 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2019, sur le marché intérieur de l’électricité (JO 2019, L 158, p. 54) au Journal officiel de l’Union européenne. D’autre part, la Commission estime que l’allégation selon laquelle il existerait des doutes quant aux effets du régime d’aides sur les marchés voisins n’est pas étayée. Au paragraphe 150 de la décision attaquée, elle aurait procédé à l’appréciation de l’incidence de sources d’énergie variables, y compris en provenance de systèmes voisins, telle qu’exigée par le paragraphe 224, sous a), des lignes directrices, en déclarant, après avoir analysé différents scénarios présentés dans l’évaluation de l’adéquation des capacités, qu’il fallait s’attendre à des déficits de capacité par rapport au volume nécessaire pour atteindre la norme de fiabilité en cause. En outre, dans la section 2.5, intitulée « Participation de capacités étrangères » ainsi qu’au paragraphe 165 de la décision attaquée, elle aurait conclu à juste titre au caractère approprié des règles du régime d’aides à cet égard. Par ailleurs, s’agissant de l’ouverture du marché de capacité polonais aux capacités des États membres voisins, les autorités polonaises se seraient engagées à notifier à nouveau la méthode de déclassement des interconnecteurs d’ici à la fin du mois de mars 2022 (paragraphe 86 de la décision attaquée). Enfin, la référence aux affaires française et allemande [décision (UE) 2018/860 de la Commission, du 7 février 2018, concernant le régime d’aides SA.45852 – 2017/C (ex 2017/N) Allemagne – Création d’une réserve de capacité (JO 2018, L 153, p. 143)], ne pourrait établir l’existence de doutes à l’égard des règles du régime d’aides relatives à la participation de capacités étrangères. En effet, le marché de capacité français, tel que notifié initialement, aurait exclu la participation explicite et n’aurait permis qu’une participation implicite de capacités étrangères, en ce sens que la capacité totale demandée était ajustée pour tenir compte des importations escomptées, sans que ces capacités fussent rémunérées pour leur contribution à la sécurité d’approvisionnement. La réserve de capacité allemande, telle que notifiée initialement, aurait complètement exclu la participation de capacités étrangères. En revanche, le marché de capacité polonais permettrait la participation explicite de capacités étrangères et contiendrait des engagements importants en matière d’ouverture des frontières.

143    À titre liminaire, il convient de relever que Tempus ne saurait valablement tirer argument du seul fait que la Commission a traité un certain nombre d’affaires similaires et a adopté plusieurs décisions en parallèle, une telle approche étant plutôt bénéfique à la cohérence entre les différents marchés de capacité nationaux au sein de l’Union, dans l’optique de créer un marché intérieur de l’électricité. En tout état de cause, force est de constater que c’est à bon droit que la République de Pologne avance que les événements ultérieurs, dont la campagne alléguée des autorités polonaises concernant la création d’un tel marché sur le fondement du règlement 2019/943, qui sont postérieurs à l’adoption de la décision attaquée et dont la Commission ne pouvait pas disposer, ne sont pas de nature à remettre en cause la légalité de cette décision (voir jurisprudence citée au point 50 ci-dessus). Dès lors, l’ensemble de l’argumentation de Tempus relevant de la génèse de ce règlement doit être rejeté comme inopérant et comme non susceptible de créer des doutes au sein de la Commission au moment de l’adoption de cette décision.

144    En outre, comme l’avance la Commission, il ressort du paragraphe 150 de la décision attaquée, dont, certes, le caractère succinct ne fait pas de doute, que la Commission a effectivement tenu compte de l’exigence visée au paragraphe 224, sous a) et c), des lignes directrices qui consiste à vérifier si l’État membre concerné a apprécié, notamment, l’incidence de sources d’énergie irrégulières, y compris en provenance de systèmes voisins, et l’existence réelle ou potentielle d’interconnexions, afin de déterminer si son intervention, liée à l’introduction d’un mécanisme de capacité, était nécessaire. Or, Tempus n’avance aucun élément précis qui serait susceptible d’établir que la Commission n’a, en réalité, pas tenu compte de ces aspects, alors que les différents scénarios retenus dans l’évaluation de l’adéquation des capacités de PSE et audités par la société de consultants comportaient clairement ces aspects transfrontaliers (voir également paragraphe 165 de la décision attaquée et points 209 et suivants ci-après).

145    En outre, ainsi que l’avance la Commission, force est de constater que les affaires et les décisions relatives aux marchés français et allemand ne sont ni comparables au cas d’espèce ni de nature à étayer l’existence de doutes quant à la nécessité de l’introduction du marché de capacité polonais. Dans l’affaire relative au marché de capacité français, à la différence de la présente affaire, la Commission avait initialement critiqué l’absence de toute règle prévoyant la participation des capacités étrangères que les autorités françaises ont finalement accordée (voir considérants 119, 238, 239, 192, 193 et 293 à 295 de la décision 2017/503). En outre, même si une telle absence avait été également critiquée dans la décision d’ouverture dans l’affaire allemande, il s’est révélé que le marché concerné n’était pas un marché de capacité au sens strict, mais que les règles pertinentes prévoyaient la création d’une réserve de capacité en dehors du marché de l’électricité, de sorte que l’exclusion de la participation de capacités étrangères ne pouvait donner lieu à une distorsion de la concurrence transfrontalière (voir considérants 42, 59, 80, 92, 123 à 126 de la décision 2018/860).

146    Il s’ensuit que le quatrième grief et, partant, la seconde sous-branche, tirée de l’absence de nécessité d’une intervention de l’État polonais, doivent être rejetés.

147    Par conséquent, la première branche, tirée du caractère incomplet de l’appréciation de l’objectif d’intérêt commun et de la nécessité d’une intervention de l’État, doit être rejetée dans son ensemble.

3)      Sur la deuxième branche, tirée du prétendu caractère incomplet de l’appréciation du caractère approprié du régime d’aides

i)      Sur la première sous-branche, tirée d’une erreur d’appréciation de la pertinence du mécanisme de capacité polonais eu égard à un marché de l’électricité fortement concentré et dominé par l’État

148    Par la première sous-branche, Tempus reproche à la Commission de n’avoir pas dûment examiné le caractère approprié du régime d’aides eu égard au haut degré de concentration du marché de l’électricé polonais, dominé par l’État polonais, et à l’exigence, au titre du paragraphe 233, sous d), des lignes directrices, selon laquelle un mécanisme de capacité devrait « ne pas renforcer indûment les positions dominantes ». De même, la Commission n’aurait pas procédé à la comparaison nécessaire avec les mécanismes de capacité précédents mis en œuvre par la République de Pologne depuis 2014, alors même que les conditions de marché actuelles auraient dû être pleinement prises en compte pour déterminer si les mesures en faveur des capacités nouvelles et existantes étaient suffisantes pour corriger les défaillances du marché. Compte tenu des barrières identifiées sur le marché de capacité polonais pour les nouveaux entrants et en particulier pour la gestion de la demande, la Commission aurait donc dû avoir des doutes quant au risque qu’il puisse renforcer la concentration du marché de l’électricité polonais et quant à son caractère approprié.

149    La Commission, soutenue par les intervenantes, rétorque que les lignes directrices n’excluent pas l’introduction d’une mesure destinée à garantir l’adéquation des capacités de production sur un marché de l’électricité concentré. Le marché de capacité polonais ne créerait pas de barrières à l’entrée pour des CMU de production ou de gestion de la demande, mais offrirait aux nouveaux entrants une source de revenus stables facilitant le démarrage de leur activité en Pologne. En outre, le paragraphe 233, sous d), des lignes directrices n’exigerait pas que la Commission tienne dûment compte de la structure du marché national de l’énergie lorsqu’elle apprécie le caractère approprié de la mesure d’aide notifiée (paragraphe 183 de la décision attaquée). En tout état de cause, Tempus n’établirait pas que l’autorisation du marché de capacité polonais renforcerait indûment la position dominante d’un fournisseur de capacités ou d’une entreprise sur ledit marché.

150    À l’instar de la Commission, il convient de considérer que les paragraphes 225, 226 et le paragraphe 233, sous d), des lignes directrices n’empêchent pas l’autorisation d’un marché de capacité, en raison de son caractère inapproprié, du seul fait que le marché de l’électricité concerné présente un certain degré de concentration ou est encore dominé par l’État, ce qui constitue un phénomène récurrent dans ce secteur qui n’a connu une libéralisation successive au niveau européen que dans un passé récent. C’est précisément la raison pour laquelle le paragraphe 233, sous d), des lignes directrices a pour seul objectif d’éviter que des positions dominantes préexistantes soient indûment renforcées et aucune autre disposition desdites lignes directrices n’aborde ce phénomène sous l’angle du caractère approprié ou proportionné des aides à l’adéquation des capacités de production. Dès lors, l’argument de Tempus, qui est tiré de l’existence de barrières à l’entrée, est inopérant dans ce contexte (voir, également, points 161 et suivants ci-après visant le grief tiré de la prétendue discrimination de la gestion de la demande). S’agissant de la prétendue nécessité pour la Commission d’apprécier le caractère approprié de l’introduction du marché de capacité polonais à l’aune, notamment, des mécanismes de marché préexistants et des conditions actuelles dans lesquelles le marché de l’électricité polonais fonctionne, il suffit de relever que ce grief se recoupe avec celui tiré de l’absence de nécessité de l’intervention de l’État polonais et doit être rejeté pour les raisons exposées au point 138 ci-dessus, Tempus n’ayant pas réussi à remettre en cause la plausibilité des prévisions d’évolution dudit marché à l’horizon de 2020, 2025 et 2030.

151    Dès lors, la première sous-branche doit être rejetée.

ii)    Sur la deuxième sous-branche, tirée d’une discrimination de la gestion de la demande

–       Observations liminaires

152    Dans le cadre de la deuxième sous-branche, Tempus reproche à la Commission d’avoir écarté des doutes, sans avoir conduit un examen plus approfondi à cet égard, quant à une discrimination à double titre, contraire au paragraphe 226 des lignes directrices, au détriment des opérateurs de gestion de la demande qui tient tant à la durée des accords de capacité qu’aux critères d’éligibilité CAPEX. D’une part, elle fait valoir que les opérateurs de gestion de la demande étrangers se voient discriminés par rapport aux opérateurs de gestion de la demande polonais, étant donné que les premiers ne peuvent souscrire qu’à des accords de capacité d’une durée d’un an, alors que les seconds sont éligibles à des accords de capacité d’une durée d’un à cinq ans en fonction de leur CAPEX. D’autre part, elle allègue que les opérateurs de gestion de la demande dans leur ensemble sont discriminés par rapport aux CMU de production.

153    Eu égard aux fait que le premier aspect est peu développé par Tempus dans ce contexte et est davantage lié à une éventuelle discrimination des capacités étrangères tenant aux conditions qui régissent leur accès au marché de capacité polonais, le Tribunal estime nécessaire de traiter, dans un premier temps, le second aspect qui vise le lien entre les critères CAPEX et la durée des accords de capacité, ainsi que la discrimination alléguée entre les CMU de production et de gestion de la demande. Le premier aspect sera apprécié dans le cadre de la réponse à la quatrième sous-branche (voir points 209 et suivants ci-après).

154    Il convient de préciser, en outre, que les griefs de Tempus reposent, dans une large mesure, sur les considérations exposées dans l’étude du marché de capacité polonais établie par la société de consultants dans le domaine de l’énergie Energy Brainpool, effectuée sur demande de Tempus aux fins de la présente procédure.

–       Sur le premier grief

155    Dans le cadre du premier grief, Tempus soutient, en substance, que les CMU de gestion de la demande subissent un traitement discriminatoire en ce qui concerne tant la durée des accords de capacité que les critères d’éligibilité. Les CMU de gestion de la demande dans leur ensemble ne seraient pas en mesure de souscrire des accords de capacité d’une durée de quinze ans, qui sont réservés aux CMU de production engageant des CAPEX supérieures à 3 millions de PLN/MW. Or, la Commission n’aurait pas correctement évalué le système des CAPEX proposé par les autorités polonaises, ni son caractère approprié pour atteindre l’objectif d’intérêt commun poursuivi, ni son effet discriminatoire.

156    Selon Tempus, ainsi qu’il ressort du tableau no 1 figurant au paragraphe 42 de la décision attaquée, les critères CAPEX destinés à établir la durée des accords de capacité incluent à tort celui de l’adaptation à la meilleure technologie disponible (ci-après la « MTD ») et celui de la modernisation de la MTD. Ces critères CAPEX seraient incompatibles avec l’objectif de sécurité d’approvisionnement du marché de capacité polonais, en ce que l’adaptation à la MTD entraîne, certes, une réduction des niveaux d’émissions de gaz à effet de serre, mais n’augmente pas la capacité de la CMU concernée. En outre, l’octroi des paiements de capacité – jusqu’à 17 ans en cas d’octroi du bonus écologique – aux CMU concernées sur la base des investissements réalisés pour s’adapter à la MTD serait probablement une aide d’État à l’adaptation des normes de l’Union, illégale et incompatible, au sens des paragraphes 53 à 55 des lignes directrices. Les CAPEX encourues pour s’adapter à la MTD ne devraient pas être retenues par le mécanisme de capacité polonais. En effet, l’adaptation d’une centrale au charbon existante aux normes des MTD par une modernisation coûteuse ne serait destinée ni à augmenter ses capacités, dont le niveau resterait le même, ni à les rendre disponibles, mais uniquement à la maintenir en fonction. Or, cela irait à l’encontre de l’objectif de garantir la sécurité de l’approvisionnement en assurant la neutralité technologique et en favorisant des nouvelles technologies et des capacités de production d’énergie permettant une réduction du prix du marché pendant les heures creuses (visant plus de capacité à moindre coût) et pendant les périodes de pointe (visant plus de capacité totale). Tempus rappelle aussi que le plan d’investissement polonais prévoit déjà une aide à la modernisation des centrales au charbon existantes pendant la période transitoire d’attribution gratuite de quotas de gaz à effet de serre entre 2013 et 2019, en vertu de l’article 10 quater de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO 2003, L 275, p. 32), qui a été approuvée par la Commission [décision C(2013) final de la Commission, du 22 janvier 2014, aide d’État SA.34674 (2013/N) – Pologne Dérogation à l’article 10 quater de la directive 2003/87/CE sur l’échange de droits d’émission – Quotas gratuits aux producteurs d’électricité].

157    Par ailleurs, la durée plus courte des accords de capacité prévue pour les CMU de gestion de la demande les défavoriserait généralement par rapport aux CMU de production à partir de combustibles fossiles, tels que le charbon, inefficaces et aux niveaux d’émissions élevés. Selon Tempus, même si les CAPEX des CMU de production pour améliorer leurs capacités sont beaucoup plus importantes que celles exigées des CMU de gestion de la demande, celles-ci ne sauraient se contenter d’accords de capacité d’une durée maximale de cinq ans sur un marché de capacité sur lequel les CMU de production établies opérant à base de combustibles fossiles obtiennent des accords pouvant durer jusqu’à 17 ans. De surcroît, seule une minorité des opérateurs de gestion de la demande pourrait bénéficier d’accords de capacité de cinq ans (paragraphe 43 de la décision attaquée). Ainsi, en tant qu’opérateur de gestion de la demande étranger, Tempus ne pourrait obtenir qu’un accord de capacité d’une durée d’un an, indépendamment de sa CAPEX et de ses autres besoins de financement, dont les coûts d’exploitation qui varient beaucoup selon le type de client et la flexibilité des actifs utilisés. Elle précise que, même si les opérateurs de gestion de la demande polonais pouvaient en théorie souscrire des accords de capacité de cinq ans, la majeure partie de la capacité concernée et la quasi-totalité de la capacité des nouveaux entrants devraient être obtenues dans le cadre des enchères « N-1 » proposant des accords d’une durée de seulement un an, plutôt que dans le cadre des enchères « N-5 ». Or, un accord d’une durée plus longue permettrait au soumissionnaire d’offrir un prix d’enchère inférieur et de bénéficier ainsi d’un avantage concurrentiel en étalant le flux de recettes sur une plus longue période, ce qui serait le but visé par le bonus écologique (paragraphe 50 de la décision attaquée). Il en résulterait une discrimination indirecte ou une exclusion implicite de la gestion de la demande, dont la possibilité aurait été reconnue dans le document de travail de la Commission sur l’enquête sectorielle. Toutefois, la Commission aurait omis d’examiner si les critères d’éligibilité liés à la durée des accords de capacité étaient discriminatoires, notamment, à l’égard des opérateurs de gestion de la demande étrangers (paragraphe 62 de la décision attaquée).

158    La Commission et les intervenantes contestent que le régime d’aides soit discriminatoire à l’égard des opérateurs de gestion de la demande. Les lignes directrices, en particulier leur paragraphe 226, n’exigeraient pas un traitement identique desdits opérateurs et d’autres fournisseurs de capacités de production, mais seulement d’ouvrir le marché de capacité à la gestion de la demande et de lui fournir des incitations adéquates. S’agissant de la durée des accords de capacité, elles estiment que la différence de traitement est justifiée tout en fournissant de telles incitations adéquates. L’inclusion du critère de l’adaptation aux normes des MTD serait indispensable, dès lors que, autrement, en vertu de l’article 14 de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relative aux émissions indistrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) (JO 2010, L 334, p. 17), un producteur risquerait de ne pas être autorisé à exploiter et, partant, à préserver les capacités disponibles, ni de réussir le processus de certification pour être qualifié de CMU [paragraphe 25, sous f) et g), de la décision attaquée]. En outre, les paiements de capacité viseraient à récompenser la disponibilité des capacités, et non à couvrir les coûts d’investissement. L’adaptation d’une CMU aux normes des MTD ne serait pas destinée à augmenter ses capacités, mais à prolonger sa durée de vie et à améliorer sa fiabilité, ce qui accroîtrait le niveau de disponibilité et contribuerait ainsi à la sécurité de l’approvisionnement. De plus, la modernisation d’une centrale existante n’entraînerait pas l’octroi d’un accord de capacité de 17 ans, les CAPEX étant bien inférieures au seuil fixé. La prise en compte des coûts de l’autorisation d’exploitation dans le calcul de CAPEX/MWh reflétant l’adaptation aux MTD n’équivaudrait donc pas à une aide distincte à l’investissement pour financer l’adaptation aux normes des MTD des anciennes centrales de production existantes, mais serait inhérente à l’aide en faveur de la disponibilité des capacités des CMU modernisées. Tempus méconnaîtrait, en outre, que les subventions à l’investissement octroyées sur la base de l’allocation de quotas de gaz à effet de serre gratuits, qualifiées d’aides à l’investissement, sont déduites des paiements de capacité pour éviter toute surcompensation (paragraphe 19 de la décision attaquée).

159    La Commission, soutenue par les intervenantes, relève que les CMU de production et de gestion de la demande se trouvent dans des situations factuelles différentes, le niveau de leurs besoins en CAPEX étant différent, ce qui constitue un critère objectif pour déterminer la durée des accords de capacité. En outre, l’allégation selon laquelle les CMU de gestion de la demande ne peuvent se satisfaire d’accords de capacité d’une durée allant jusqu’à cinq ans ne serait pas étayée. Au contraire, les coûts sensiblement inférieurs desdites CMU devraient leur permettre de soumettre, lors des enchères, des offres proportionnellement moins élevées et donc d’augmenter leurs chances de les remporter. En revanche, les accords de capacité à long terme pour les CMU de production seraient nécessaires pour créer des conditions de concurrence équitables, car, contrairement aux capacités existantes, les capacités nouvelles ou à rénover devraient, le cas échéant, avoir recours à un financement pour engager des CAPEX, ce qui serait plus difficile et plus coûteux sans la relative stabilité garantie par des accords pluriannuels. Ainsi, la possibilité de conclure des accords de capacité pour plus d’un an viserait à assurer des revenus certains et stables sur une longue période, non nécessaires dans la même mesure pour développer la gestion de la demande, à la suite d’investissements lourds en capital et à risque qui n’auraient pas été entrepris en l’absence d’une telle garantie.

160    La Commission conteste que les opérateurs de gestion de la demande participent principalement aux enchères « N-1 » et non aux enchères « N-5 », aucune règle juridiquement contraignante du régime d’aides ne prévoyant une telle limitation. Cela serait confirmé par la forte participation de ces opérateurs aux trois premières enchères principales organisées en Pologne. Eu égard aux informations non contestées fournies par les autorités polonaises et à sa longue expérience relative aux critères CAPEX déterminant la durée des accords de capacité, la Commission aurait été à même d’établir, sans avoir de doutes à cet égard, que la durée des accords de capacité prévue sur le marché de capacité polonais était appropriée. La Commission conteste, en outre, que ce marché tende à favoriser la modernisation des CMU existantes par rapport aux nouvelles générations ou technologies de production et, notamment, les projets de centrales de production à partir de combustibles fossiles, nouvelles et à rénover.

161    Il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence établie, applicable en matière d’aides d’État, le principe général d’égalité de traitement, en tant que principe général du droit de l’Union, impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 66). Le caractère comparable de situations différentes s’apprécie eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Ces éléments doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (arrêt du 12 décembre 2014, Banco Privado Português et Massa Insolvente do Banco Privado Português/Commission, T‑487/11, EU:T:2014:1077, point 139).

162    En outre, il importe de relever que, indépendamment du fait que la décision attaquée est une décision de ne pas soulever d’objections soumise à un contrôle de la légalité visant à apprécier l’existence de doutes ou de difficultés sérieuses (voir points 48 à 51 ci-dessus), le respect par la Commission du principe d’égalité de traitement est une question de droit n’impliquant aucune marge d’appréciation de sa part et fait donc l’objet d’un contrôle entier de la part du juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 11 septembre 2007, Lindorfer/Conseil, C‑227/04 P, EU:C:2007:490, point 63 et jurisprudence citée, et du 17 septembre 2009, Commission/Koninklijke FrieslandCampina, C‑519/07 P, EU:C:2009:556, points 100 à 103 et jurisprudence citée). C’est au regard de cette prémisse qu’il convient d’examiner si la Commission devait éprouver des doutes quant au respect, notamment, du principe d’égalité de traitement qu’elle était tenue de respecter également lors de l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, EU:C:1993:239, point 41), ainsi que des règles des lignes directrices qui sont destinées à mettre cette disposition en œuvre.

163    Ainsi, en l’espèce, le respect du principe d’égalité de traitement doit être apprécié au regard des objectifs reconnus par les lignes directrices (voir section 3.9.1 intitulée « Objectif d’intérêt commun ») qui sont destinées à mettre en œuvre, notamment, l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, lu en combinaison avec l’article 194, paragraphe 1, TFUE (voir points 88 et 93 ci-dessus).

164    Parmi ces objectifs figure, notamment, l’objectif d’adéquation des capacités de production défini par l’État membre indépendamment de toute considération à court terme (paragraphe 219 des lignes directrices). À cet égard, les États membres peuvent, certes, être autorisés à octroyer des aides pouvant « aller à l’encontre de l’objectif d’élimination progressive des subventions préjudiciables à l’environnement, notamment pour les combustibles fossiles », mais « devraient avant tout envisager d’autres manières de parvenir à l’adéquation des capacités de production qui ne portent pas atteinte à [cet] objectif [...], par exemple, en facilitant la gestion de la demande et en augmentant les capacités d’interconnexion » (paragraphe 220 des lignes directrices). En outre, au regard de ces objectifs, couplés avec celui de rétribuer moyennant des aides « uniquement la disponibilité du service garantie par le producteur [...] » et non la vente d’électricité (voir section 3.9.3 sous l’intitulé « Caractère approprié de l’aide »), de telles mesures d’aide « devraient être ouvertes et fournir des incitations adéquates aussi bien aux producteurs existants qu’aux producteurs futurs, ainsi qu’aux opérateurs utilisant des technologies substituables, telles que des solutions d’adaptation de la demande ou de stockage » (paragraphes 225 et 226 des lignes directrices).

165    Force est de constater que les CMU de gestion de la demande et les CMU de production, notamment nouvelles et à moderniser, se trouvent, au regard des objectifs poursuivis par le marché de capacité polonais, dans des situations factuelles et juridiques distinctes en ce qui concerne l’application des critères CAPEX déterminant la durée des accords de capacité, ce qui n’est pas en tant que tel contesté par Tempus.

166    Premièrement, il est constant que les critères CAPEX sont intimement liés à la différenciation de la durée, allant d’un à quinze ans, des accords de capacité, dans la mesure où cette durée tient compte de la période dont une CMU de production peut avoir besoin pour amortir des investissements importants. La garantie des paiements de capacité pour une certaine durée et la limitation du risque économique qui y est associé créent une incitation importante à procéder à l’investissement requis aux fins de la modernisation d’une centrale déjà établie ou de l’entrée d’un opérateur sur le marché de l’électricité polonais par le biais de l’établissement d’une nouvelle centrale de production et, partant, à assurer, conformément à l’objectif principal du marché de capacité de garantir la sécurité de l’approvisionnement, la disponibilité à long terme des capacités de production qui y sont liées (voir paragraphes 42 à 44 de la décision attaquée). Il convient de préciser que, dans le cadre de la première sous-branche de la troisième branche de la seconde partie du premier moyen (voir point 248 ci-après), Tempus ne conteste pas que les critères CAPEX créent un tel effet incitatif, en ce sens qu’ils incitent les opérateurs à investir dans la création ou la modernisation de capacités de production.

167    Il s’ensuit que cette différenciation de la durée des accords de capacité selon les critères CAPEX ne constitue pas a priori un traitement inégal d’opérateurs, dès lors qu’ils ne sont pas tous amenés à procéder à de tels investissements importants et, partant, se trouvent dans des situations factuelles et juridiques distinctes.

168    Deuxièmement, Tempus reconnaît que les CMU ou opérateurs de gestion de la demande encourent généralement moins de coûts que des CMU de production investissant dans la modernisation, voire dans la construction d’une nouvelle centrale de production. En outre, à défaut de quantification précise et d’informations plus circonstanciées, Tempus fait valoir vainement que ces opérateurs subissent également des coûts substantiels justifiant de leur octroyer des accords de capacité plus longs que cinq ans, ces coûts n’atteignant pas, selon ses propres dires, les critères CAPEX pertinents. De surcroît, les allégations de Tempus sont contredites notamment par Enspirion qui, en tant qu’opérateur de gestion de la demande polonais, explique, de manière plausible, les raisons pour lesquelles de tels opérateurs, du point de vue tant économique que juridique, n’ont pas intérêt à s’engager à long terme à fournir des capacités. Cette appréciation se voit confirmée au regard du constat, non contesté en tant que tel par Tempus, selon lequel, à la différence des CMU de production ayant la qualité de « preneurs de prix » (price takers), les opérateurs de gestion de la demande, lorsqu’ils ne sont pas encore pleinement intégrés dans le marché de l’électricité, sont des « fixeurs de prix » (price makers) qui doivent recouvrer au moyen des paiements de capacité des coûts fixes généralement bas et du moins une partie de leurs coûts variables généralement élevés (paragraphe 47 de la décision attaquée ; voir, également, paragraphe 62 de ladite décision). Or, compte tenu de leur qualité de « fixeurs de prix », Tempus n’a pas étayé les raisons pour lesquelles il serait nécessaire d’octroyer aux opérateurs de gestion de la demande des accords de capacité de plus de cinq ans pour leur permettre d’offrir un prix d’enchère inférieur et de bénéficier ainsi d’un avantage concurrentiel en étalant le flux de recettes sur une plus longue période, comme cela est prévu pour des investissements lourds dans des capacités de production.

169    À cet égard, la tentative de Tempus de remettre en cause l’inclusion du critère de l’adaptation aux normes des MTD dans la détermination des CAPEX ne peut non plus prospérer. Ainsi que le relève la Commission, l’adaptation à ces normes constitue la condition préalable non seulement de l’exploitation continue d’une CMU de production, en vertu de l’article 14 de la directive 2010/75 et du droit polonais correspondant, et donc du maintien des capacités de production qui y sont afférentes, mais également de la certification en tant que CMU pour être éligible à participer aux enchères de capacité [paragraphe 25, sous f) et g), de la décision attaquée ; voir également article 19, paragraphe 2, point 2, sous b), de la loi concernant les conditions régissant l’introduction d’une demande de certification]. Il convient de rappeler, en outre, que, en vertu de l’objectif du marché de capacité polonais d’assurer la sécurité de l’approvisionnement et de ses règles de fonctionnement (voir point 11 ci-dessus), les paiements de capacité sont destinés, à titre principal, à récompenser la disponibilité des capacités et, seulement à titre secondaire, à couvrir les coûts d’investissement en tant que tels. C’est dès lors à juste titre que la Commission avance que l’adaptation d’une CMU aux normes des MTD ne vise pas nécessairement à augmenter les capacités, mais, en premier lieu, à maintenir leur disponibilité et à garantir leur fiabilité. Il en est de même lorsqu’une telle adaptation implique la modernisation coûteuse d’une centrale ancienne et polluante opérant à base de combustibles fossiles qui a également pour objectif de maintenir cette centrale en fonction et de rendre disponibles ses capacités. Il en résulte que la prise en compte des coûts de l’adaptation aux normes des MTD dans le calcul des CAPEX ne peut être qualifiée d’aide distincte à l’investissement favorisant les anciennes centrales de production existantes et polluantes, comme le prétend Tempus, mais constitue une partie intégrante du régime d’aides assurant le bon fonctionnement du mécanisme de capacité polonais. Enfin, même à supposer qu’il s’agisse d’aides distinctes à l’investissement aux fins de l’adaptation aux normes des MTD, de telles aides, à l’instar des aides relevant du régime d’aides SER, devraient être déduites des paiements de capacité pour éviter toute surcompensation (voir paragraphe 19 de la décision attaquée et point 11 ci-dessus).

170    Par conséquent, l’argument tiré de la reconnaissance erronée de tels critères CAPEX dans le cadre du mécanisme de capacité polonais doit être rejeté.

171    Troisièmement, Tempus omet d’opérer une distinction claire et précise entre la modernisation d’une CMU de production établie, d’une part, et la création d’une nouvelle CMU de production, bien plus coûteuse, d’autre part. Or, dans le premier cas, une CMU n’est pas susceptible de se voir octroyer des accords de capacité pouvant durer jusqu’à 17 ans, compte tenu du bonus écologique, étant donné que, dans le cas d’une modernisation, les CAPEX sont généralement bien inférieures au seuil fixé et ne donnent pas normalement lieu à l’octroi dudit bonus (voir, notamment, tableau no 1, deuxième rubrique, figurant au paragraphe 42 de la décision attaquée). Conformément à ce qui précède, PGE a avancé, sans être contredite par Tempus, que la plupart des coûts d’adaptation aux normes des MTD sont bien inférieurs au seuil de CAPEX des accords de capacité d’une durée de cinq ans. En outre, sans préjudice de l’examen du deuxième grief (voir points 174 à 182 ci-après), il importe de relever le fait que le bonus écologique permet à une CMU de production, conformément aux incitations décrites au point 166 ci-dessus, de soumissionner à un prix inférieur et, partant, de bénéficier d’un avantage concurrentiel en étalant le flux de recettes sur une plus longue période (paragraphe 50 de la décision attaquée), s’intègre parfaitement dans le système des critères CAPEX liés à la durée des accords de capacité tout en promouvant une technologie plus protectrice de l’environnement. Ainsi, il ne saurait être constaté un traitement inégal au détriment d’autres fournisseurs de capacités se trouvant dans une situation factuelle et juridique différente, dont les opérateurs de gestion de la demande qui présentent des coûts nettement moindres et ne sont généralement pas soumis à l’obligation d’améliorer les émissions de leurs capacités de production.

172    Il résulte des considérations qui précèdent que Tempus n’a ni réussi à démontrer que les CMU de production et de gestion de la demande se trouvaient dans des situations factuelles et juridiques comparables, ni avancé d’éléments suffisamment circonstanciés et plausibles justifiant de conclure que la Commision aurait dû nourrir des doutes quant à une éventuelle discrimination, du moins indirecte ou implicite, à cet égard, au motif que la durée des accords de capacité à octroyer était différenciée selon les CAPEX. Ce grief doit donc être rejeté.

173    Il en est de même de l’argument inopérant selon lequel seule une minorité des opérateurs de gestion de la demande pourrait bénéficier d’accords de capacité de cinq ans.

–       Sur le deuxième grief

174    Par le deuxième grief, Tempus soutient, dans le prolongement du premier grief, en substance, que c’est de manière discriminatoire que les CMU de gestion de la demande ne peuvent bénéficier du bonus écologique. Cette exclusion aboutirait à un avantage supplémentaire non justifié pour les CMU de production dans les appels d’offres, en termes de potentiel de réduction de coûts, et serait contraire aux paragraphes 43 et 221 des lignes directrices. Or, le bénéfice dudit bonus permettrait aux CMU de gestion de la demande d’encourager davantage les gros clients industriels et commerciaux à effectuer un véritable déplacement de la charge au profit de la gestion de la demande plutôt qu’à utiliser les générateurs sur site polluants fonctionnant au mazout ou au diesel. En revanche, l’extension de deux ans des accords de capacité des CMU de production opérant à base de sources d’énergie traditionnelles produirait l’effet inverse, en ce que celles-ci pourraient émettre dans la limite du seuil de 450 kg de CO2/MWh et bénéficier d’une aide plus élevée que les CMU utilisant des technologies à plus faibles émissions, telles que la gestion de la demande. La Commission n’aurait toutefois pas examiné cette incohérence, ni la violation des paragraphes 43 et 221 des lignes directrices. Elle n’aurait pas non plus évalué les critères d’éligibilité au bonus écologique à l’aune du paragraphe 233, sous e), des lignes directrices. Selon Tempus, aux termes de l’article 25, paragraphe 5, de la loi, l’éligibilité au bonus écologique ne repose que sur le niveau d’émissions des CMU de production et, compte tenu de leur modèle économique, par nature, peu polluant, aucun paramètre technique ou économique n’empêche les CMU de gestion de la demande d’en bénéficier. Conformément aux estimations des autorités polonaises, ces dernières pourraient également réduire leur offre de prix de 10 % (paragraphe 50 de la décision attaquée), sous peine de les désavantager par rapport aux producteurs de combustibles fossiles, y compris au gaz naturel, en violation des dispositions précitées.

175    La Commission et les intervenantes rétorquent essentiellement que la finalité du bonus écologique est d’encourager le développement des CMU de production à faibles émissions. Compte tenu de l’insuffisance de la production constatée lors de l’évaluation de l’adéquation des capacités, des incitations claires auraient dû être fournies à ces CMU pour stimuler les investissements coûteux dans des nouvelles capacités plus respectueuses de l’environnement. Dès lors, le fait que seules les CMU de production soient admissibles au bonus écologique serait conforme à l’objectif d’intérêt commun du marché de capacité polonais et ne constituerait pas une discrimination à l’égard des CMU de gestion de la demande. En revanche, l’argument de Tempus selon lequel la gestion de la demande génère « moins d’émissions » et devrait donc bénéficier du bonus écologique ne saurait prospérer, vu la difficulté, voire l’impossibilité de déterminer à l’avance les émissions réelles qui résultent de la gestion de la demande ou qui y sont liées. Enspirion précise, en substance, qu’aucun opérateur de gestion de la demande n’est intéressé par des accords de capacité de longue durée, étant donné que la gestion de la demande est considérée comme une activité accessoire, que les centrales génèrent des bénéfices par la production et non en arrêtant celle-ci et que lesdits opérateurs ne sont pas à même de déterminer, cinq ans à l’avance, la possibilité d’assumer l’obligation de capacité.

176    Force est de constater que Tempus méconnaît que le bonus écologique ne constitue qu’une « prime » visant à inciter les seules CMU de production, qui se voient attribuer des accords de capacité d’une durée de quinze ans en raison de leur besoin d’investissement substantiel dépassant les seuils CAPEX pertinents (voir points 166 à 171 ci-dessus), à prendre des mesures destinées à réduire leurs émissions aux fins d’une meilleure protection de l’environnement. Or, Tempus n’a pas été en mesure de démontrer les raisons pour lesquelles les CMU de gestion de la demande devraient se voir attribuer également de tels accords de capacité de longue durée, de sorte qu’elle n’a pas davantage établi de justification pour leur appliquer le bonus écologique. La différence de traitement ponctuelle relative audit bonus entre les CMU de production et de gestion de la demande en vertu de l’article 25, paragraphe 5, lu conjointement avec l’article 25, paragraphe 4, point 2, de la loi, ne saurait donc amener le Tribunal à constater l’existence d’une discrimination.

177    En effet, l’argumentation de Tempus vise à dissocier artificiellement l’aspect protecteur de l’environnement sous-tendant le bonus écologique des objectifs, de la structure et du fonctionnement du mécanisme de capacité polonais dans son ensemble dans lesquel il s’intègre, y compris des incitations économiques pour les CMU de production à investir dans les capacités requises pour garantir la sécurité d’approvisionnement à long terme. Il s’ensuit que l’argument selon lequel les CMU de gestion de la demande, en tant qu’elles utilisent une technologie protectrice de l’environnement, doivent nécessairement profiter du bonus écologique repose sur une prémisse réductionniste et erronée. À cette fin, Tempus se limite à tenir compte de l’objectif de protection de l’environnement tout en écartant celui de la sécurité d’approvisionnement qui est cependant prioritaire et à l’origine de l’octroi aux CMU de production, y compris conventionnelles, d’accords de capacité de quinze ans. Elle n’a donc pas établi, au regard de l’ensemble de ces objectifs, que les CMU de production et de gestion de la demande se trouvaient dans des situations factuelles et juridiques du moins comparables nécessitant que le bonus écologique leur soit applicable de la même manière, et ce même en dehors des accords de capacité d’une durée de quinze ans auxquels les CMU de gestion de la demande ne sont pas éligibles.

178    Au demeurant, ainsi que le relèvent à juste titre Enspirion et PGE, il n’est pas avéré que la capacité fournie par les opérateurs de gestion de la demande est susceptible de remplir les critères d’éligibilité du bonus écologique, compte tenu de l’impossibilité de quantifier les émissions qui y sont afférentes. À cet égard, l’argument de Tempus selon lequel le bénéfice dudit bonus permettrait aux CMU de gestion de la demande d’encourager davantage les gros clients industriels et commerciaux à effectuer un véritable déplacement de la charge au profit de la gestion de la demande plutôt qu’à utiliser les générateurs sur site polluants fonctionnant au mazout ou au diesel, tend plutôt à confirmer, actuellement, que lesdites CMU dépendent effectivement, pour partie, de telles technologies de production polluantes.

179    Il s’ensuit que Tempus n’a pas non plus été à même de démontrer que, dans le cadre de son évaluation exposée aux paragraphes 49 et 50 de la décision attaquée qui portent sur le bonus écologique, la Commission aurait dû nourrir des doutes à la lumière des paragraphes 43, 221 et du paragraphe 233, sous e), des lignes directrices.

180    Dans la mesure où Tempus invoque le paragraphe 43 des lignes directrices, il y a lieu de rappeler que cette disposition tient compte de la nécessité éventuelle de mettre en balance « [u]ne mesure destinée à remédier à un problème d’adéquation des capacités de production [...] avec l’objectif environnemental que constitue l’élimination progressive des subventions préjudiciables à l’environnement ou à l’économie, notamment de celles bénéficiant aux combustibles fossiles ». Ainsi, il n’en découle pas une priorité absolue de l’objectif environnemental en tant que tel qui serait inhérent au bonus écologique, en ce sens que celui-ci devrait être généralement disponible pour tout opérateur utilisant des technologies émettant peu de CO2, telles que la gestion de la demande. De même, le paragraphe 221 des lignes directrices se limite à énoncer l’exigence pour l’État membre concerné de définir clairement l’objectif précis que les mesures d’aide à l’adéquation de production poursuivent, ce qui est le cas en l’espèce concernant tant l’objectif d’intérêt commun (voir points 89 et suivants ci-dessus) que le bonus écologique (voir point 171 ci-dessus). Enfin, l’exigence d’accorder, par ces mesures, la préférence aux producteurs émettant peu de carbone, à paramètres techniques et économiques équivalents [paragraphe 233, sous e), des lignes directrices], ne doit pas davantage être comprise comme étant absolue, mais est également soumise à l’exigence de mise en balance susmentionnée.

181    Eu égard aux considérations qui précèdent, Tempus n’a pas réussi à établir que les opérateurs de gestion de la demande, qui se trouvent, au regard des objectifs poursuivis par le mécanisme de capacité polonais et par les lignes directrices, dans une situation factuelle et juridique distincte de celle des CMU de production faisant preuve de CAPEX importantes, subissent un traitement inégal en ce qu’ils ne peuvent pas bénéficier du bonus écologique. Pour ces motifs, la Commission pouvait valablement accepter, sans nourrir des doutes, au paragraphe 50 de la décision attaquée, que la CMU éligible audit bonus soit mise en mesure de soumissionner à un prix d’enchère inférieur et de bénéficier ainsi d’un avantage concurrentiel en étalant le flux de recettes sur une plus longue période, cette incitation s’intégrant parfaitement dans le système des critères CAPEX liés à la durée des accords de capacité tout en promouvant une technologie plus protectrice de l’environnement (voir point 171 ci-dessus).

182    Dès lors, il convient de rejeter le deuxième grief comme non fondé.

–       Sur le troisième grief

183    Dans le cadre du troisième grief, Tempus soutient que les CMU de gestion de la demande sont discriminées eu égard aux règles régissant la résiliation des accords de capacité, ces règles étant beaucoup plus strictes à leur égard que celles applicables aux nouvelles CMU de production en cas de retard dans l’exécution d’obligations formelles, ce que la Commission n’aurait ni pris en considération dans son évaluation du caractère approprié du régime d’aides ni contesté en cours d’instance.

184    La Commission, soutenue par les interventantes, rappelle qu’une nouvelle CMU de production est tenue, avant le début de la première période de fourniture, de démontrer son aptitude à fournir, pendant au moins une heure ininterrompue, 95 % de la capacité totale souscrite, multipliée par le coefficient correcteur de disponibilité. En revanche, une CMU de gestion de la demande non confirmée pour la vente aux enchères, actuellement la totalité de ces CMU, devrait réussir un test d’aptitude à la réduction de la demande au plus tard un mois avant la première période de fourniture, ce qui serait déjà le cas lorsque ladite CMU est capable de fournir au moins 80 % de la capacité souscrite et, dans le cas contraire, lorsque, sur sa demande, elle démontre dans un délai de trois jours ouvrables, son aptitude de fournir au moins 50 % de ladite capacité (voir article 53, paragraphes 4 et 5, de la loi). Son accord de capacité serait modifié en conséquence et elle se verrait réduire proportionnellement son obligation de capacité ainsi que la valeur de la garantie déposée. Cette solution permettrait une réduction significative du risque commercial pour les CMU de gestion de la demande par rapport à celui encouru par les CMU de production.

185    La République de Pologne précise que la construction d’une nouvelle CMU de production est un processus d’investissement long et complexe, comportant de nombreux risques pouvant se matérialiser à différentes phases des travaux, de sorte qu’il a été nécessaire de limiter le risque de perte de l’accord de capacité à un stade avancé de la construction. Le report du moment de la résiliation dudit accord au plus tard à la fin de la troisième année de fourniture envisagée serait une incitation supplémentaire à l’achèvement des investissements dans les délais. En effet, aucune rémunération ne serait versée pour chaque mois de retard, et le fournisseur d’électricité paierait une pénalité de 15 % de la valeur de l’obligation de capacité non réalisée, calculée sur la base du prix le plus élevé de l’enchère de capacités pour une année de fourniture donnée. En revanche, une CMU de gestion de la demande certifiée confirmée n’encourant pas de coûts aussi importants ne devrait fournir aucune garantie avant la conclusion de l’accord de capacité, et, entre sa conclusion et le début de son exécution, aucune action supplémentaire ne serait exigée, dont le défaut pourrait entraîner sa résiliation. En outre, à la différence des CMU de production, les CMU de gestion de la demande non confirmées et planifiées seraient tenues de n’indiquer les installations destinées à effectuer les réductions qu’au plus tard trois mois avant la période de fourniture.

186    PGE ajoute que, dans le cadre du processus général de certification, les CMU de gestion de la demande doivent se conformer à des exigences en matière d’information et de forme beaucoup moins strictes que les CMU de production, ces dernières ayant l’obligation de fournir des paramètres techniques détaillés, des plans de production sur cinq ans et les périodes d’indisponibilité programmée pour chaque mois. Les CMU de gestion de la demande ne seraient tenues de fournir que des plans opérationnels simplifiés comprenant, notamment, leur capacité physique maximale et minimale estimée. De même, dans le cadre du processus de certification des ventes aux enchères principales et complémentaires, les CMU de production seraient tenues de fournir un permis de production d’électricité, sans qu’il existe d’exigence équivalente pour les CMU de gestion de la demande.

187    Il suffit de relever que le présent grief est particulièrement peu circonstancié et ne tient pas compte des raisons ayant donné lieu à la différenciation des règles de résiliation des accords de capacité des CMU concernées, que la Commission et les intervenantes soulignent à juste titre (voir articles 46 et 47 de la loi). Ces dernières ont expliqué, de manière plausible et sans être contredite par Tempus, que, par analogie avec les raisons exposées aux points 165 à 172 ci-dessus relatives à la différenciation de la durée desdits accords, les CMU de production doivent bénéficier d’incitations économiques substantielles pour procéder soit à la modernisation d’anciennes centrales, soit à la construction de nouvelles centrales. Ces incitations se voient renforcées par les règles de résiliation spécifiques et favorables pour les CMU de production nouvelles et modernisées qui délestent celles-ci d’une partie du risque économique qui est lié à l’engagement de capacité à long terme (article 46, paragraphe 4, de la loi). Or, à l’instar de son argumentation relative à la différenciation de la durée des accords de capacité, Tempus n’a pas été en mesure d’établir les raisons pour lesquelles les CMU de gestion de la demande se trouveraient dans une situation factuelle et juridique comparable à celle de ces CMU de production et devraient, partant, bénéficier des mêmes règles de résiliation. De surcroît, Tempus ne tient compte ni des obligations auxquelles ces dernières CMU sont soumises en contrepartie du prétendu avantage lié à la possibilité de reporter la date de résiliation, à savoir celle du paiement d’une pénalité de 15 % de la valeur de l’obligation de capacité non réalisée (article 47, paragraphe 2, de la loi), ni des allègements spécifiques pour les CMU de gestion de la demande qui, notamment, aux fins de l’obtention d’un accord de capacité, peuvent se satisfaire d’un test d’aptitude à la réduction de la demande au plus tard un mois avant la première période de fourniture et relativement facile à passer (article 53, paragraphes 4 et 5, de la loi), ni du fait que, en cas de non performance, lesdites CMU se voient seulement réduire leur accord de capacité à un an, à l’instar des CMU de production modernisées (article 46, paragraphes 2 et 3, de la loi). De même, Tempus est restée en défaut de contester l’argument de la République de Pologne selon lequel les CMU de gestion de la demande ne sont pas tenus de fournir des garanties avant la conclusion de l’accord de capacité.

188    Par conséquent, Tempus n’a pas établi que la Commission aurait dû avoir des doutes quant à une éventuelle discrimination des CMU de gestion de la demande eu égard aux conditions régissant la résiliation des accords de capacité des CMU de production nouvelles (voir, également, paragraphe 45 de la décision attaquée).

189    Dès lors, il y a lieu de rejeter le troisième grief comme non fondé.

–       Sur le quatrième grief

190    Par le quatrième grief, Tempus soutient que les CMU de gestion de la demande non confirmées subissent une discrimination tenant aux garanties relativement élevées, à savoir 10 euros/kW, qui sont dues par elles et par les nouvelles CMU de production, que la Commission n’aurait pas dûment analysées. La combinaison du seuil de participation aux enchères de 2 MW avec cette garantie impliquerait que le montant minimal de soumission serait de 20 000 euros, ce qui constituerait une barrière significative à l’entrée pour un nouvel entrant soumis à l’obligation automatique de verser des garanties complètes, plutôt que de payer au prorata de la gestion de la demande non confirmée. Ce montant serait deux fois plus élevé que celui appliqué dans le cadre du mécanisme de capacité du Royaume-Uni et aurait pour effet que les sources de revenus disponibles pour les opérateurs de gestion de la demande, étalées sur un an, ne suffiraient pas à lever des capitaux pour couvrir les frais de participation aux appels d’offres. Tempus précise, en substance, que les options alternatives au paiement de la garantie, telles que la notation financière dans la catégorie « investissement » ou la garantie de la société-mère, ne supprimeraient pas ces barrières à l’entrée, mais ne profiteraient qu’aux opérateurs historiques verticalement intégrés, et auraient dû soulever les doutes de la Commission.

191    La Commission, soutenue par les intervenantes, rétorque, en substance, que l’introduction de garanties sur le marché de capacité polonais a été motivée par l’incertitude de l’offre de capacité. Ces garanties atténueraient le risque, pour PSE, que les capacités souscrites ne soient pas livrées pendant l’année de fourniture, ce qui pourrait entraîner le non-respect de la norme de fiabilité en cause et la déconnexion involontaire de consommateurs. Il n’existerait pas de barrière à l’entrée pour les CMU de gestion de la demande non confirmées, certifiées à titre provisoire [voir paragraphe 28, sous a), de la décision attaquée], en ce qui concerne leur taille minimale et la garantie de soumission requise. Le régime d’aides autoriserait l’agrégation de CMU de gestion de la demande permettant ainsi d’atteindre plus facilement le seuil fixé (paragraphe 28 de la décision attaquée). Il existerait de surcroît plusieurs options de paiement de la garantie de soumission, qui auraient été conçues spécifiquement pour les CMU de gestion de la demande non confirmées, à savoir la possibilité de faire état d’une notation financière dans la catégorie « investissement », un dépôt en espèces, une garantie bancaire ou une garantie d’assurance, ou bien une garantie de la société-mère, à condition que celle-ci soit notée dans la catégorie « investissement » (paragraphe 28 de la décision attaquée). En outre, les CMU de gestion de la demande agrégées pourraient être certifiées à titre provisoire sans avoir à fournir les informations détaillées requises aux fins de la certification principale pour chaque unité physique et pour chaque point de mesure, ces informations n’étant exigées qu’au moment du test [voir paragraphe 28, sous c), de la décision attaquée]. Le montant de la garantie serait réduit proportionnellement au pourcentage de points de mesure physiques fournis à l’opérateur [voir paragraphe 28, sous d), de la décision attaquée]. La République de Pologne ajoute que, lorsqu’une même CMU de gestion de la demande participe à plusieurs enchères, aucune garantie financière n’est exigée pour la deuxième enchère et les enchères suivantes si la garantie fournie pour la première enchère reste valide. Cette solution ne s’appliquerait pas aux CMU de production qui seraient tenues de fournir une garantie distincte pour chaque enchère de capacités à laquelle elles participent. En tout état de cause, selon la Commission, la garantie exigée des nouvelles CMU de production est du même montant (10 euros/kW ou 43 PLN/kW), de sorte qu’aucune discrimination n’a pu être observée (paragraphe 45 de la décision attaquée). La République de Pologne précise que le montant de la garantie est le même pour toutes les sources qui n’existent pas encore ou qui n’ont pas encore confirmé leur capacité à remplir l’obligation de capacité, y compris les nouvelles CMU de production et les CMU de gestion de la demande non confirmées. En revanche, aucune garantie ne serait exigée des CMU de gestion de la demande confirmées. En outre, le montant exigé serait comparable à celui d’autres garanties appliquées sur le marché de l’électricité polonais, telles que les avances sur la redevance de connexion de nouvelles sources de production (30 PLN/kW), pour la participation des sources existantes (30 PLN/kW) ou de nouvelles sources aux enchères des énergies renouvelables (60 PLN/kW). Enfin, la Commission doute que, dans le cas particulier du marché de capacité polonais, un seuil de 2 MW représente une barrière insurmontable à l’entrée pour les petits opérateurs de gestion de la demande et rappelle que, même si tel était le cas, le mécanisme permet une agrégation pour dépasser le seuil. PGE et la République de Pologne ajoutent, en substance, que, au stade de l’adoption de la décision attaquée, le seuil de 2 MW ne constituait pas un obstacle à une participation effective de la gestion de la demande au mécanisme de capacité polonais. Au moment de la notification du régime d’aides, la Commission aurait déjà évalué des seuils d’entrée minimaux sensiblement plus élevés.

192    Dans le cadre du présent grief, Tempus reste en défaut de remettre en cause, de manière suffisamment circonstanciée, les considérations très détaillées exposées aux paragraphes 28 et 45 de la décision attaquée relatives aux critères régissant la certification des CMU, y compris de gestion de la demande, auxquels l’exigence de fournir des garanties de soumission est liée. Compte tenu du fait, non contesté en tant que tel par Tempus, que, d’une part, cette exigence constitue un élément clé pour garantir le bon fonctionnement du mécanisme de capacité polonais et, d’autre part, cette garantie à hauteur de 10 euros/kW est la même tant pour les nouvelles CMU de production que pour les CMU de gestion de la demande, Tempus ne saurait faire valoir une inégalité de traitement à son détriment. En particulier, elle n’a pas établi que les opérateurs de gestion de la demande, le cas échéant, à la suite d’une agrégation en tant que CMU de gestion de la demande, ne seraient pas en mesure de satisfaire aux options alternatives de fourniture de la garantie exigée, qui sont précisément conçues pour faciliter leur participation [paragraphe 28, première phrase, et sous a) de la décision attaquée], dont la preuve d’une notation financière dans la catégorie « investissement », une garantie bancaire, une garantie d’assurance ou une garantie de la société-mère, à condition que celle-ci soit notée dans la catégorie « investissement » [paragraphe 28, sous b), de la décision attaquée]. En outre, dans la mesure où Tempus allègue que cette garantie serait excessive, notamment, par rapport à celle exigée dans le cadre du marché de capacité du Royaume-Uni, et que sa combinaison avec l’exigence de la capacité minimale de 2 MW, horizontalement applicable, équivaudrait à une barrière à l’entrée difficile à surmonter pour les seuls opérateurs de gestion de la demande, ces arguments sont non étayés et inopérants dans le cadre du grief tiré d’une possible discrimination, mais relèvent plutôt du caractère éventuellement inapproprié ou disproportionné du régime d’aides (voir points 287 et suivants ci-après).

193    Dès lors, le quatrième grief n’est pas susceptible d’établir que la Commission aurait dû nourrir des doutes quant à une éventuelle discrimination des CMU de gestion de la demande par rapport aux critères régissant les garanties et doit, partant, étre rejeté comme non fondé.

–       Sur le cinquième grief

194    Dans le cadre du cinquième grief, Tempus reproche à la Commission d’avoir effectué une appréciation erronée de l’obligation d’ouvrir le marché de capacité polonais au plus large éventail de fournisseurs de capacités de toute technologie, conformément aux objectifs prévus aux paragraphes 226 et 232, sous a), des lignes directrices. Eu égard au « facteur de correction de la disponibilité », qui est déterminé sur la base des données historiques des cinq dernières années, le mécanisme de capacité polonais désavantagerait les CMU de production éolienne et solaire, dont le caractère intermittent se prêterait particulièrement bien à une gestion flexible de la demande et au stockage. Selon Tempus, en vertu de l’article 18 de la loi, le volume maximal d’obligations de capacité qu’une CMU peut offrir dans sa participation à une demande de certification doit être précisé, en tenant compte dudit facteur indiqué pour des groupes particuliers de technologies, qui doit être défini chaque année par décret du ministre de l’Énergie polonais. Ces facteurs définis dans le premier décret précédant le processus de certification en vue des trois premières enchères auraient été de 10,94 % pour l’énergie éolienne terrestre et de 2,07 % pour l’énergie photovoltaïque seulement, alors qu’aucun facteur spécifique n’aurait été stipulé pour l’énergie éolienne en mer, ce qui signifierait donc en théorie qu’un facteur « général » de 87,76 % devrait s’appliquer. En outre, l’article 18, paragraphe 4, de la loi disposerait que, lorsqu’une CMU est composée d’un groupe d’unités physiques appartenant à des groupes différents de technologies d’alimentation électrique, le facteur de correction de la disponibilité appliqué à cette CMU devrait être égal au facteur le plus faible appliqué aux unités physiques qui la composent. Ainsi, pour une CMU regroupant des installations photovoltaïques et du stockage de batterie, ce facteur serait de 2,07 %, quand bien même le facteur pour les batteries seules s’élèverait à 96,11 %. Tempus en conclut que la Commission aurait dû avoir des doutes quant au caractère approprié de la loi eu égard au principe de neutralité technologique et à la discrimination manifeste de la gestion de la demande.

195    La Commission, soutenue par les intervenantes, rétorque, en substance, que, selon une pratique courante dans les mécanismes de capacité, le coefficient « de déclassement » ou « correcteur de disponibilité » est essentiel pour permettre une sélection équitable parmi les nombreux types de capacités susceptibles de contribuer à l’objectif de sécurité d’approvisionnement. Sans déclassement, 1 MW de capacité éolienne ou solaire installée devrait être considéré comme équivalent à 1 MW de capacité gazière ou biomasse installée, ce qui ne serait pas le cas. Les centrales électriques au gaz et à biomasse seraient généralement aptes à produire aussi longtemps qu’elles sont approvisionnées en combustible, ce qui se traduirait par un coefficient de déclassement supérieur à 80 %. En revanche, les capacités éoliennes et solaires ne pourraient produire que si le vent ou le soleil sont suffisamment forts au moment où la production est nécessaire, de sorte qu’elles se verraient généralement attribuer un coefficient de déclassement supérieur à 15 %. Cette différenciation résulterait de la nécessité de reconnaître la contribution à la sécurité d’approvisionnement de nombreuses sources ou types de capacités différents et de rendre possible leur participation aux mécanismes de capacité. La République de Pologne et PGE précisent que les coefficients plus bas fixés pour les sources d’énergies renouvelables intermittentes n’affectent pas l’activité des opérateurs de gestion de la demande, la valeur du coefficient des CMU de gestion de la demande étant la plus élevée possible, soit « 1 » (100 %), et semblable à celui calculé précédemment par la Commission dans le cadre du mécanisme de capacité italien.

196    Il ressort du paragraphe 226 des lignes directrices, notamment, que « [l]es mesures d’aide devraient être ouvertes et fournir des incitations adéquates aussi bien aux producteurs existants qu’aux producteurs futurs, ainsi qu’aux opérateurs utilisant des technologies substituables, telles que des solutions d’adaptation de la demande ou de stockage » et qu’elles « devraient dès lors être octroyées au moyen d’un mécanisme permettant des délais de réalisation potentiellement différents, correspondant au temps dont auront besoin les nouveaux producteurs utilisant diverses technologies pour réaliser de nouveaux investissements ». De même, sous le titre « Prévention des effets négatifs non désirés sur la concurrence et les échanges », au paragraphe 232, sous a), des lignes directrices, il est énoncé que ces mesures « devraient être conçues de manière que toutes les capacités pouvant contribuer de manière effective à remédier à un problème d’adéquation des capacités de production participent auxdites mesures, notamment en tenant compte de [...] la participation de producteurs utilisant différentes technologies et d’opérateurs proposant des solutions aux qualités techniques équivalentes, comme la gestion de la demande, des interconnexions et des solutions de stockage ».

197    Ainsi que l’avancent la Commission et les intervenantes, ces dispositions sont l’expression du principe de neutralité technologique qui exige qu’un mécanisme de capacité ne favorise pas unilatéralement une technologie de fourniture ou de production d’énergie particulière, dont celle à base de combustibles fossiles ou de sources d’énergie renouvelables (voir points 90 et suivants ci-dessus et point 205 ci-après). C’est dans cet esprit de neutralité technologique que, afin de remédier à un problème d’adéquation des capacités, ces dispositions requièrent la création d’incitations appropriées à recourir davantage à des technologies substituables aux qualités techniques équivalentes, comme la gestion de la demande, les interconnexions et les solutions de stockage.

198    Or, Tempus n’a pas démontré que la Commission aurait dû éprouver des doutes relatifs à la compatibilité du marché de capacité polonais avec ces critères.

199    Dans la mesure où Tempus reproche à la Commission d’avoir accepté le contenu de l’article 18 de la loi en ce qu’il reconnaît l’application d’un « facteur de correction de la disponibilité » à certaines technologies, elle n’a pas été à même de remettre en cause le caractère plausible des explications de la Commission selon lesquelles l’application d’un tel facteur est largement reconnu et usuel dans le secteur de l’énergie, au motif essentiel que la production d’énergie intermittente à base d’éoliennes ou d’installations solaires ne présente pas le même degré de fiabilité pour garantir la sécurité de l’approvisionnement de manière continue que des capacités de production à base de gaz ou de biomasse. Dès lors, le fait que, pour cette raison, les autorités polonaises appliquent à ces différentes technologies de production d’énergie des « facteurs de correction de la disponibilité » distincts et que lesdits facteurs soient plus bas pour les capacités de production éolienne ou photovoltaïque que pour d’autres capacités de production conventionnelles ne peut être qualifié en soi de contraire au principe de neutralité technologique, tel qu’il est exprimé dans les paragraphes 226 et 232, sous a), des lignes directrices, tant qu’il est constant que l’ensemble de ces capacités de production sont admises à contribuer à atteindre l’objectif principal du mécanisme de capacité de garantir la sécurité de l’approvisionnement.

200    En outre, même à supposer que les CMU de gestion de la demande recourent, à titre principal, à des capacités de production à base de sources renouvelables, dont le « facteur de correction de la disponibilité » est relativement bas, ce qui n’est pas établi, Tempus n’explique pas les raisons pour lesquelles l’application dudit facteur porterait préjudice à leur participation équitable au marché de capacité polonais par rapport à d’autres CMU de production. Ainsi que l’avance la République de Pologne, sans qu’elle soit contredite par Tempus sur ce point, celle-ci méconnaît le fait que la capacité fournie par les CMU de gestion de la demande se voit reconnaître le facteur le plus élevé de 100 %, indépendamment des sources d’énergie auxquelles elles recourent. Or, dans ces circonstances, il n’est pas davantage étayé que l’article 18 de la loi, en ce qu’il prévoit l’application du « facteur de correction de la disponibilité », implique un traitement inégal au détriment des opérateurs de gestion de la demande ou que la Commission aurait dû nourrir des doutes à cet égard.

201    Par conséquent, il convient de rejeter le cinquième grief et, partant, la deuxième sous-branche dans sa totalité.

iii) Sur la troisième sous-branche, tirée de l’évaluation erronée du caractère suffisant des incitations aux nouveaux acteurs du marché

202    Par la troisième sous-branche, Tempus fait essentiellement grief à la Commission d’avoir omis d’apprécier l’impossibilité de générer des incitations et des résultats rentables, eu égard au fait que, notamment, les CMU de production au charbon peuvent obtenir des accords de capacité d’une durée maximale de 17 ans, alors que leur décision d’investissement remonte à 2014. Les limites CAPEX visées au paragraphe 45 de la décision attaquée conduiraient les CMU de production à combustibles fossiles dotées de tels accords pluriannuels à atteindre ces limites pour éviter des pénalités, ce qui les dissuaderait d’améliorer leur rentabilité si, ultérieurement, elles peuvent obtenir de meilleures conditions de refinancement. Cela serait contraire au principe selon lequel le montant de l’aide octroyé doit être réduit au minimum, alourdirait les charges pesant sur les consommateurs et aurait un effet discriminatoire et pénalisant sur les solutions faibles en carbone, plus rentables. Or, selon Tempus, l’objectif d’assurer des prix compétitifs, qui sous-tend le paragraphe 229 des lignes directrices, implique que les technologies les plus rentables soient avantagées pour garantir la participation de ressources offrant la meilleure solution au plus bas coût pour les consommateurs. En revanche, les accords de capacité de longue durée ne pourraient être qualifiés d’incitations adéquates aux nouveaux entrants, sans tenir dûment compte des conséquences imprévues sur la détermination des prix et sur la concurrence, ce qui mettrait en doute le caractère approprié du régime d’aides au sens du paragraphe 226 des lignes directrices. Tempus précise que la rétroconception des enchères principales pour permettre aux technologies les plus coûteuses d’étaler leurs offres sur des périodes pouvant aller jusqu’à quinze ans pour faire tous les ans une offre destinée à contrer une autre technologie plus rentable ne disposant que d’un an de revenus ne contribue pas à la formation de prix compétitifs, mais revient à manipuler la concurrence. Un processus véritablement concurrentiel conduirait à désavantager les solutions plus coûteuses et à ce que les solutions moins onéreuses – et plus écologiques dans le cas de la gestion de la demande – répondent autant que possible aux besoins identifiés, de sorte que le recours à des options plus coûteuses et plus polluantes ne deviendrait nécessaire que pour compléter le volume de capacité requis. Toutefois, le mécanisme de capacité polonais, fondé sur le principe d’enchères « pay as clear » à un prix unique, combiné aux durées discriminatoires des accords de capacité, s’y opposerait.

203    La Commission, soutenue par les interventantes, rétorque que l’introduction des critères CAPEX vise à garantir que les nouvelles CMU de production ne retardent pas la construction des unités afin de respecter l’année de fourniture prévue pour chaque unité spécifique, et non à pénaliser les CMU qui n’atteignent pas le niveau CAPEX prévu. Le marché de capacité polonais fournirait des incitations adéquates aux nouveaux entrants en mettant à leur disposition des accords de capacité de longue durée allant jusqu’à 17 ans qui leur permettent de compenser une partie de leurs CAPEX avec les paiements de capacité et de s’assurer un financement plus favorable sur le marché, sans pour autant leur garantir un avantage absolu en matière de coûts lors des enchères de capacité par rapport aux technologies qui n’exigent qu’un faible niveau d’investissement, telles que la majorité des CMU de gestion de la demande. La Commission souligne que le paragraphe 226 des lignes directrices ne requiert pas une parfaite égalité de traitement de tout type de fournisseur de capacités, mais uniquement un accès ouvert et des incitations adéquates, ce que le marché de capacité polonais garantit aux CMU de gestion de la demande, même si ces incitations ne sont pas identiques à celles prévues pour les CMU de production. En outre, Tempus n’aurait pas établi que les procédures d’appel d’offres et la durée des accords de capacité disponibles n’étaient pas en mesure d’atteindre la norme de fiabilité en cause.

204    Force est de constater que l’argumentation dans le cadre du présent grief est non seulement vague et ambiguë, mais se chevauche également, de manière substantielle, avec d’autres griefs, déjà rejetés, notamment ceux relatifs aux critères CAPEX et à la différenciation des durées des accords de capacité (voir points 165 et suivants ci-dessus), sans pour autant les préciser ou les approfondir. En substance, Tempus allègue vaguement que les critères CAPEX sont inefficaces et contraires aux paragraphes 226 et 229 des lignes directrices, en ce qu’ils n’offrent pas une incitation suffisante à la participation de CMU opérant à base de technologies alternatives, plus rentables et moins polluantes, ni des conditions de concurrence équitables auxdites technologies dans le cadre des procédures d’appel d’offres, dont les résultats seraient nécessairement faussés en faveur des CMU de production à base de combustibles fossiles et au détriment du consommateur qui devrait payer l’énergie plus cher.

205    Ainsi qu’il a déjà été constaté au point 197 ci-dessus, le paragraphe 226 des lignes directrices est une expression du principe de neutralité technologique. En outre, il convient de rappeler les considérations exposées aux points 165 et suivants ci-dessus selon lesquelles Tempus n’a pas réussi à démontrer que les critères CAPEX régissant la durée des accords de capacité étaient susceptibles d’entraîner une inégalité de traitement, notamment, des opérateurs de gestion de la demande. Or, c’est à bon droit que la Commission relève que ces critères sont destinés à encourager l’investissement dans la construction plus rapide de nouvelles capacités de production ou dans la modernisation d’anciennes capacités qui sont requises pour atteindre l’objectif de sécurité d’approvisionnement poursuivi par le marché de capacité polonais. En tant que tels, les critères CAPEX ne sauraient donc être qualifiés de contraires au principe de neutralité technologique, tant qu’il est constant que d’autres technologies, dont la gestion de la demande, se voient offrir des incitations et des opportunités adéquates pour participer audit marché, ce qui est le cas, et que leur potentiel de mise à disposition de capacités ne suffit pas à atteindre ledit objectif (voir points 103 à 107 et points 168 et suivants ci-dessus). À cet égard, Tempus ne saurait remettre en cause le fait que les CMU de production tentent de rentabiliser leur investissement ou de compenser du moins les coûts liés à la production d’une nouvelle centrale de production, étant donné que cet aspect fait partie intégrante des incitations économiques sous-tendant les critères CAPEX et la différenciation des durées des accords de capacité.

206    En outre, Tempus ne conteste pas le fait que les opérateurs de gestion de la demande soient admis à participer aux enchères de capacité, certes, seulement pour l’octroi d’accords de capacité d’une durée maximale de cinq ans, compte tenu de leurs CAPEX inférieures, ce qui n’est pas contraire au principe d’égalité de traitement (voir points 165 et suivants ci-dessus). Par conséquent, Tempus n’est pas davantage fondée à faire valoir que ces critères et ceux qui régissent l’accès aux enchères et leur déroulement seraient contraires au paragraphe 229 des lignes directrices selon lequel « [u]ne procédure de mise en concurrence fondée sur des critères clairs, transparents et non discriminatoires, ciblant effectivement l’objectif défini, sera considérée comme engendrant des taux de rendement raisonnables dans des circonstances normales ». En effet, ce faisant, elle ne fait qu’extrapoler son raisonnement dépourvu de fondement dans le contexte de la « proportionnalité » du régime d’aides (voir le titre de la section 3.9.5 précédant les paragraphes 228 et 229 des lignes directrices), sans pour autant ajouter des éléments susceptibles de remettre en question les considérations exposées aux points 290 et suivants ci-après. Enfin, Tempus se borne à alléguer vaguement que la participation accrue au marché de capacité polonais d’autres technologies, comme celle de la gestion de la demande, produirait des résultats plus compétitifs, plus efficaces et plus rentables, mais reste en défaut de produire des éléments de preuve à l’appui de ces allégations dont la plausibilité est sérieusement remise en cause au regard du potentiel limité de cette technologie à atteindre la norme de fiabilité en cause (voir points 103 et suivants ci-dessus) et, partant, à exercer une pression concurrentielle suffisante sur les CMU de production.

207    Dès lors, Tempus n’a pas établi que la Commission aurait dû nourrir des doutes quant à la compatibilité du régime d’aides au regard des paragraphes 228 et 229 des lignes directrices.

208    Par conséquent, la troisième sous-branche doit être rejetée comme non fondée.

iv)    Sur la quatrième sous-branche, tirée de la participation insuffisante de la capacité étrangère

209    Au soutien de la quatrième sous-branche, d’une part, eu égard au paragraphe 232, sous b), et au paragraphe 233, sous a), des lignes directrices, Tempus reproche à la Commission de ne pas avoir apprécié de manière suffisante les autres barrières et limites à l’admission aux enchères des opérateurs de gestion de la demande étrangers (voir paragraphes 51 à 73 et 165 de la décision attaquée). Elle précise que, contrairement à ce qui est indiqué au paragraphe 190 de cette décision, à savoir que les CMU étrangères ne peuvent participer directement aux enchères principales qu’à partir de 2020 (pour une livraison en 2025) et aux autres enchères à partir de 2024, une telle exigence ne ressort pas de la loi. En outre, les CMU étrangères pourraient seulement obtenir des accords de capacité d’une durée d’un an, pour lesquels elles seraient en concurrence avec les CMU polonaises, et ne recevraient que le prix de l’offre la plus élevée à leur frontière respective. Par ailleurs, les CMU étrangères, y compris de gestion de la demande, devraient participer à des enchères préalables pour être admises aux enchères principales et verser une garantie de 10 euros/kW, alors que les CMU de gestion de la demande polonaises en seraient exemptées si elles peuvent justifier d’une notation financière dans la catégorie « investissement » [paragraphe 28, sous b), de la décision attaquée]. Tempus ajoute que, si une CMU polonaise est évincée de la procédure d’appel d’offres, la garantie est remboursée. Or, les soumissionnaires retenus devraient se soumettre à la procédure de certification principale, faute de quoi ils perdraient les garanties à hauteur du volume de capacité n’ayant pas reçu cette certification, tandis que les CMU de gestion de la demande étrangères devraient réussir le « test de gestion de la demande » ou payer une garantie supplémentaire pouvant atteindre 10 euros/kW jusqu’à ce que leur certification soit prouvée. Tempus en conclut que le mécanisme de capacité polonais désavantage les CMU de production et de gestion de la demande étrangères.

210    D’autre part, Tempus estime que la Commission a apprécié de manière insuffisante et aurait dû avoir des doutes concernant le caractère approprié de la méthode retenue pour ouvrir une voie provisoire à la participation des CMU étrangères au marché de capacité polonais. Selon Tempus, tant que la solution cible prévoyant que lesdites CMU participent directement aux enchères n’est pas mise en œuvre, ce qui dépend de la conclusion d’accords entre les GRT (paragraphe 51 de la décision attaquée), dans le cadre de la solution transitoire, les GRT sur les marchés voisins remplissent une fonction de gardien des CMU. Ainsi, les opérateurs de gestion de la demande allemands seraient obligés de placer leurs offres par le biais du GRT allemand. Il en résulterait de graves conflits d’intérêts, étant donné que ce GRT serait avant tout incité à protéger l’adéquation des ressources allemandes et non à parvenir rapidement à un accord avec PSE, qui lui ferait perdre son rôle de gardien des CMU allemandes participant aux enchères du marché de l’électricité polonais. En particulier, un tel GRT ne préférerait pas une CMU de gestion de la demande, celle-ci réduisant les contraintes sur le réseau et, partant, la rentabilité d’une expansion du transfert de capacité.

211    La Commission n’aurait ni examiné les éventuels conflits d’intérêts liés au rôle des GRT dans le cadre de la solution transitoire et la façon dont la loi y remédiait, ni remis en cause leur validité juridique. En autorisant provisoirement cette solution, elle aurait accepté une infraction aux nouvelles règles de l’Union applicables en matière d’organisation des marchés de l’électricité régissant la dissociation des GRT. Ainsi, elle aurait approuvé la disposition de la loi en vertu de laquelle un GRT ou un interconnecteur étranger, tel que 50 Hertz en Allemagne, dont les structures de propriété ont été dissociées, est autorisé au titre du mécanisme de capacité polonais à remplir en parallèle le rôle de producteur et celui d’opérateur de gestion de la demande. Un GRT qui exploite un interconnecteur pourrait ainsi activement participer aux enchères polonaises, ce qui serait contraire aux règles de l’Union en vertu desquelles un GRT ou un interconnecteur ne pourrait être chargé que de garantir l’équilibre, d’assurer un accès non discriminatoire au réseau, de faire respecter les positions d’équilibre et d’organiser les marchés de manière à fournir de l’énergie afin de maintenir cet équilibre. En revanche, un tel GRT ne pourrait pas agir en tant que fournisseur d’énergie ou comme opérateur de gestion de la demande, fût-il dans une phase de transition jusqu’en 2022 au moins. De même, la Commission aurait autorisé la règle selon laquelle, lors de la première phase, en l’absence de possibilité pour la gestion de la demande étrangère de participer aux enchères, le GRT ou un interconnecteur étranger est invité à jouer le rôle de la gestion de la demande au titre du mécanisme de capacité polonais, ce qui serait une violation des règles strictes de dissociation ou de découplage en droit de l’Union, telles que l’article 9 de la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE (JO 2009, L 211, p. 55).

212    La Commission et les intervenantes rétorquent que ni le paragraphe 226 des lignes directrices ni ses autres dispositions relevant de la section 3.9 n’imposent que les conditions de participation au marché de capacité soient identiques pour les CMU nationales et étrangères [voir, en particulier, paragraphe 232, sous b), des lignes directrices]. La participation des CMU étrangères au marché de capacité polonais conformément à ces dispositions serait assurée par les solutions cible et transitoire (voir paragraphes 73 et 165 de la décision attaquée). À l’instar de son approche dans d’autres affaires et dans l’enquête sectorielle, en substance, la solution transitoire serait appropriée à résoudre le problème complexe de la participation suffisante des capacités étrangères pour remédier aux distorsions de concurrence causées par les mécanismes de capacité tout en évitant d’en créer d’autres, notamment s’agissant des signaux en faveur des échanges transfrontaliers et de l’utilisation équitable du transport transfrontalier.

213    PGE relève que la participation au marché de capacité polonais des capacités étrangères au titre de la solution cible ne peut être mise en œuvre immédiatement en raison du besoin de régler des formalités administratives objectives, dont la conclusion des accords nécessaires entre les GRT respectifs. La solution transitoire, dont la première enchère complémentaire aura lieu en 2020 et la dernière en 2023, permettrait une participation transfrontalière beaucoup plus tôt (paragraphe 51 de la décision attaquée), et, en tout état de cause, avant que la solution cible ne soit appliquée en 2025 (première année de livraison) sur la base de l’enchère principale réalisée en 2020 (paragraphes 68 à 73 de la décision attaquée). Grâce à la solution transitoire, la première année de livraison des capacités étrangères par le biais des interconnexions serait la même que celle des capacités nationales, à savoir 2021, et il n’y aurait donc aucun retard dans l’intégration des capacités étrangères dans le régime d’aides. Cette solution permettrait donc non seulement aux opérateurs étrangers d’accéder au marché de l’électricité polonais, mais également à l’État polonais de disposer de suffisamment de temps pour mettre en œuvre une solution cible globale.

214    La Commission, soutenue par les intervenantes, conteste que les GRT soient exposés à des conflits d’intérêts. La solution transitoire étant applicable dès la première année de livraison, les griefs de Tempus ne porteraient que sur la solution cible, dans le cadre de laquelle les GRT seraient censés jouer le prétendu rôle de « gardiens ». En tout état de cause, le GRT allemand aurait grandement intérêt à coopérer avec PSE, le GRT polonais, pour garantir le succès de la participation des capacités allemandes au marché de capacité polonais. D’une part, une telle participation leur apporterait des recettes supplémentaires et permettrait d’accroître la sécurité d’approvisionnement en Allemagne et, partant, d’atteindre l’objectif du GRT allemand. D’autre part, elle aurait pour effet que les recettes tirées de la congestion, qui profiteraient au GRT et aux consommateurs allemands, correspondraient à la valeur de l’interconnexion entre la Pologne et l’Allemagne pour la sécurité d’approvisionnement de la Pologne (paragraphes 65 et 67 de la décision attaquée). De surcroît, la participation des capacités allemandes ne modifierait pas et ne compromettrait pas le couplage de marchés, tel qu’exigé par le paragraphe 232, sous d), des lignes directrices. Les conditions du marché de capacité polonais viseraient en réalité à parvenir au résultat inverse, soit à la libéralisation globale du marché. La République de Pologne et PGE précisent que les capacités étrangères continuent à fournir leurs services et à livrer de l’électricité ainsi que de la capacité sur le marché domestique. Ils influeraient ainsi sur l’adéquation de la production dans leur réseau et soutiendraient parallèlement, grâce aux possibilités d’échanges commerciaux transfrontaliers, l’adéquation des capacités du réseau polonais. En outre, ce serait à tort que Tempus allègue que les services fournis par les opérateurs de gestion de la demande dans les périodes de tension joueraient en défaveur des GRT, parce que cela limite la nécessité de développer l’infrastructure de réseau. Ces opérateurs ne réduiraient le besoin en énergie sur le réseau que dans les périodes d’insuffisance qui entraînent parallèlement une hausse des prix du marché de l’électricité. Pendant d’autres périodes, ils géreraient leurs clients normalement, ce qui exigerait une disponibilité appropriée d’infrastructure de réseau. En effet, l’hypothèse alléguée par Tempus selon laquelle l’activité de gestion de la demande contribue à réduire les besoins d’infrastructure de réseau ne pourrait se présenter qu’en cas d’utilisation stable et continue des méthodes de gestion de la demande par les utilisateurs en réponse aux signaux de prix du marché de l’électricité. En outre, il serait impossible de séparer complètement les producteurs d’électricité et les opérateurs de gestion de la demande de l’activité des GRT, ces derniers prenant une part active dans de nombreux processus du marché de l’électricité auquel ils sont indispensables, y compris, en particulier, dans les échanges transfrontaliers. Enfin, l’article 68, paragraphes 7 et 8, et l’article 73, sous e), du règlement (UE) 2015/1222 de la Commission, du 24 juillet 2015, établissant une ligne directrice relative à l’allocation de la capacité et à la gestion de la congestion (JO 2015, L 197, p. 24), prévoirait expressément que les GRT peuvent tirer des recettes de la congestion pour allouer des capacités sur le marché de l’électricité.

215    Selon la Commission, l’argument selon lequel les CMU de gestion de la demande peuvent ne pas être le premier choix d’un GRT est inopérant dans le cadre de la solution transitoire qui prévoit la participation des capacités d’interconnexion et non des capacités étrangères. En tout état de cause, il reviendrait à PSE, le GRT polonais, d’identifier les capacités étrangères qui peuvent participer aux enchères du marché de capacité polonais, sur la base d’enchères préalables. Leur sélection serait seulement déterminée par le prix, et les soumissionnaires retenus devraient être certifiés de la même manière que les participants nationaux (paragraphes 53, 57 et 59 de la décision attaquée). La seule information additionnelle exigée porterait sur l’engagement du GRT voisin à fournir des renseignements sur la disponibilité de chaque unité de capacité étrangère, ce qui serait essentiel pour mettre PSE en mesure d’apprécier si ces unités ont fourni la capacité requise. La République de Pologne précise, en substance, que les prévisions annuelles de volumes maximaux de capacité exigés qui sont destinés aux différentes zones dotées d’un profil synchrone, dont celles couvrant l’Allemagne, la République tchèque, la Slovaquie et les zones séparées affectées aux interconnexions avec la Lituanie et la Suède, sont le paramètre le plus important qui décide de la participation de capacités étrangères au marché de capacité polonais. Étant donné que ces volumes maximaux exigés peuvent varier dans le temps, il aurait été décidé que les unités localisées hors du réseau polonais ne pourraient conclure des accords de capacité que pour la période maximale d’un an de livraison. S’il en était différemment, la quantité de capacités étrangères contractée serait susceptible de dépasser les volumes maximaux de capacité prévus pour des zones particulières durant les années suivantes. Il en résulterait que, d’une part, d’autres fournisseurs de capacités extérieurs au réseau polonais seraient privés de la possibilité de participer aux enchères de capacités, ce qui réduirait la concurrence, et, d’autre part, il y aurait un risque réel que la capacité contractée hors du réseau polonais n’ait pas d’impact sur l’adéquation de production dans ledit réseau. Cela conduirait à augmenter le risque de situations d’insuffisance de capacité dans le réseau polonais ou à rendre nécessaire la conclusion d’autres accords pour la même capacité, par exemple à l’intérieur de la Pologne ou dans une autre zone.

216    La Commission ajoute que le fait que les CMU d’interconnexion soient directement éligibles pour participer au marché de capacité polonais est parfaitement conforme au paragraphe 226 des lignes directrices. En tout état de cause, la capacité offerte par les interconnecteurs serait uniquement constituée de capacités étrangères qui ne peuvent participer directement au marché de capacité pendant la solution transitoire. En outre, le marché de capacité polonais n’aurait aucun outil à sa disposition pour forcer les interconnecteurs étrangers à participer à son mécanisme et il en irait « de même pour la décision [attaquée] ».

217    En réponse à la question écrite du Tribunal visée au point 25 ci-dessus, la Commission, Enel X, PGE et la République de Pologne précisent, en substance, que l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2009/72 ne s’oppose pas à la solution transitoire, telle qu’appréciée aux paragraphes 68 à 73 de la décision attaquée, dans le cadre de laquelle les GRT se limitent à effectuer des tâches, qui leur incombent aussi en vertu de l’article 12 de ladite directive, dont celle de gérer les flux d’électricité sur le réseau en tenant compte des échanges avec d’autres réseaux interconnectés, celle de garantir, à cet effet, un réseau électrique sûr, fiable et efficace, celle d’octroyer et de gérer l’accès des tiers au réseau, de garantir la non-discrimination entre les utilisateurs du réseau, et celle de percevoir les redevances provenant de la gestion des congestions et les paiements effectués au titre du mécanisme de compensation entre gestionnaires. À l’instar de ces tâches, dans le cadre de la solution transitoire, afin de faciliter l’accès au GRT ou à un interconnecteur d’un État membre, comme en l’espèce PSE, les GRT étrangers, après avoir estimé le volume de capacité susceptible d’être fourni par l’interconnexion, participent aux enchères du mécanisme de capacité polonais en soumettant une offre correspondante et assurent, par la suite, l’accès non discriminatoire des fournisseurs de production et de gestion de la demande aux capacités remportées (paragraphe 68 de la décision attaquée). En outre, conformément à l’article 16, paragraphe 6, du règlement (CE) no 714/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, sur les conditions d’accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d’électricité et abrogeant le règlement (CE) no 1228/2003 (JO 2009, L 211, p. 15), les recettes générées par la vente des volumes de capacité ainsi remportés seraient utilisées par lesdits GRT afin de garantir la disponibilité des capacités de transport attribuées et d’accroître les capacités d’interconnexion (voir paragraphe 65 de la décision attaquée). Cette appréciation serait confirmée a posteriori par le règlement 2019/943 et par la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2019, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE (JO 2019, L 158, p 125).

218    À titre liminaire, il convient de rappeler que la première partie de la présente sous-branche se chevauche avec le premier grief de la deuxième sous-branche dans la mesure où Tempus y allègue une discrimination entre les opérateurs de gestion de la demande polonais et étrangers (voir point 152 ci-dessus).

219    La question de l’accès équitable et non discriminatoire des capacités étrangères, y compris de gestion de la demande, à un marché de capacité national est réglée, de manière spécifique, dans la section 3.9.6, sous le titre « Prévention des effets négatifs non désirés sur la concurrence et [sur] les échanges », et, en particulier, au paragraphe 232, sous b), des lignes directrices selon lequel « [l]es mesures d’aide devraient être conçues de manière que toutes les capacités pouvant contribuer de manière effective à remédier à un problème d’adéquation des capacités de production participent auxdites mesures, notamment en tenant compte [de] la participation d’opérateurs d’autres États membres où une telle participation est matériellement possible, en particulier dans le contexte régional, c’est-à-dire là où les capacités peuvent être matériellement fournies à l’État membre qui met en œuvre les mesures d’aide et où les obligations définies dans ces mesures peuvent être respectées ». Il en ressort qu’un État membre introduisant un marché de capacité n’est pas censé ouvrir immédiatement ce marché aux capacités étrangères et à les traiter sur un pied d’égalité avec les capacités nationales, mais est uniquement tenu de rendre leur accès possible dans la mesure où cela est nécessaire afin de remédier à un problème d’adéquation des capacités et « où une telle participation est matériellement possible », notamment dans la mesure « où les obligations définies dans [le régime d’aides] peuvent être respectées ». Le paragraphe 233, sous a), des lignes directrices ne prévoit pas non plus d’exigence de traitement parfaitement égal des capacités nationales et étrangères, mais se limite à exiger, de manière négative, que le régime d’aides ne réduise pas « les incitations à investir dans les capacités d’interconnexion ».

220    C’est au regard de ces exigences d’ouverture progressive du marché de capacité national qu’il convient d’examiner si la contestation de Tempus de l’introduction par l’État polonais des solutions transitoire et cible (voir article 6 de la loi), qui sont destinées à mettre ces exigences en œuvre, aurait dû susciter des doutes de la part de la Commission.

221    Les règles du régime d’aides permettant la participation des capacités étrangères sont exposées aux paragraphes 51 à 88 et sont appréciées aux paragraphes 165 et 190 de la décision attaquée.

222    La solution cible est décrite, de manière détaillée, aux paragraphes 53 à 67 de la décision attaquée. Il y est indiqué, notamment, que, selon les autorités polonaises, sa mise en œuvre suppose que les GRT voisins concluent des accords de coopération pour chaque zone frontalière liés à des questions telles que la certification de la capacité étrangère et la surveillance de ses obligations de capacité, ce qui pourrait prendre plusieurs années. Pour cette raison, lesdites autorités auraient proposé de mettre en œuvre une solution transitoire permettant une participation transfrontalière par le biais des interconnecteurs, à la place des fournisseurs de capacités étrangers, qui seraient admis à soumissionner dans le cadre des enchères de capacité (paragraphes 51, 66 à 68 et 165 de la decision attaquée).

223    S’agissant de la solution transitoire, les paragraphes 68 à 73 de la décision attaquée exposent, notamment, que la participation des interconnecteurs pour chaque zone frontalière (au total cinq) exige également la conclusion d’accords entre les GRT, toutefois plus simples que ceux prévus dans le cadre de la solution cible. Les autorités polonaises se seraient engagées à mettre en œuvre la solution transitoire dès la première année de livraison, soit 2021, en ouvrant une enchère supplémentaire à la participation des interconnecteurs et en réservant suffisamment de capacité pour cette enchère, soit au moins 1 160 MW (paragraphes 73 et 83 de la décision attaquée).

224    Quant à la première partie de la quatrième sous-branche, il résulte des paragraphes 232, sous b), et 233, sous a), des lignes directrices que le grief tiré d’une prétendue discrimination entre les CMU polonaises et étrangères, y compris des opérateurs de gestion de la demande polonais et étrangers, en raison des règles régissant la solution cible, repose sur une prémisse erronée et ne saurait prospérer. En effet, au regard des objectifs du mécanisme de capacité polonais et de ceux précisés dans les lignes directrices, dont celui d’un accès provisoirement restreint des capacités étrangères dans la limite de ce qui est tant nécessaire à garantir l’adéquation des capacités que matériellement possible, ces CMU et ces opérateurs se trouvent dans des situations factuelles et juridiques distinctes, de sorte que l’argument tiré de leur traitement inégal n’est pas fondé.

225    Ce constat suffit à rejeter comme non fondée cette première partie de la quatrième sous-branche, ainsi que le premier grief de la deuxième sous-branche, sans qu’il soit besoin d’apprécier de manière plus précise les critères régissant l’accès des CMU étrangères au marché de capacité polonais dans le cadre de la solution cible, dont la mise en œuvre est de toute manière retardée de plusieurs années (voir paragraphes 53 à 67 de la décision attaquée), ni les arguments détaillés de la Commission et des intervenantes tendant à justifier cette solution. En effet, eu égard à ces situations factuelles et juridiques distinctes, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir accepté des règles prévoyant un traitement différent des CMU étrangères pour encadrer leur accès progressif audit marché dans les limites de ce qui apparaissait nécessaire afin de remédier à un problème d’adéquation des capacités de production et de ce qui était matériellement possible, au sens des dispositions susmentionnées. Il n’est dès lors pas non plus besoin d’apprécier séparément et de nouveau chacun des sous-griefs, pour partie déjà rejetés, à l’appui d’une telle inégalité de traitement, dont ceux tirés de l’absence de participation immédiate des CMU étrangères aux enchères principales, de leur obligation de participer à des enchères préalables et de verser une garantie de 10 euros/kW, et du fait qu’elles ne peuvent obtenir que des accords de capacité d’une durée d’un an (voir points 165 et suivants et 192 ci-dessus).

226    Par la seconde partie de la quatrième sous-branche, Tempus reproche à la Commission d’avoir accepté, à titre provisoire, la solution transitoire, alors même qu’elle serait tant inappropriée qu’illégale. Premièrement, en tant que « gardiens » des CMU participant aux enchères du marché de l’électricité polonais, les GRT voisins se verraient confrontés à de graves conflits d’intérêts, en ce qu’ils seraient avant tout incités à protéger l’adéquation des ressources sur leur réseau ou leur marché domestique et non à parvenir rapidement à un accord avec PSE, qui leur ferait perdre ce rôle de gardien. Deuxièmement, un GRT ne préférerait pas une CMU de gestion de la demande, celle-ci réduisant les contraintes sur le réseau et, partant, la rentabilité d’une expansion du transfert de capacité. Troisièmement, la Commission aurait accepté une violation des règles de l’Union régissant la dissociation des GRT, dans la mesure où un GRT dissocié ne saurait, fût-ce pour une période transitoire, remplir en parallèle le rôle de producteur et celui d’opérateur de gestion de la demande participant activement aux enchères du mécanisme de capacité polonais.

227    À titre liminaire, il importe de relever que Tempus n’a pas contesté les explications plausibles de PGE selon lesquelles, en substance, la solution transitoire, dont la première enchère complémentaire devait avoir lieu en 2020 et la dernière en 2023, permet une participation transfrontalière, certes limitée, des capacités étrangères à un stade plus avancé que dans le cadre de la solution cible, dont la mise en œuvre dépend de la conclusion encore incertaine des accords de coopération entre PSE et les GRT voisins, et garantit donc que la première année de livraison des capacités étrangères par les biais des interconnexions serait la même que celle des capacités nationales, à savoir 2021 (voir, également, paragraphe 73 de la décision attaquée). À cet égard, Tempus ne conteste pas non plus la nécessité que les GRT nationaux voisins concluent des accords de coopération entre eux, ce qui ne relève donc pas de la seule sphère de responsabilité de l’État polonais ou de PSE. Par ailleurs, Tempus a omis de remettre en question la validité de la méthode de déclassement utilisée pour la participation étrangère et acceptée par la Commission dans le cadre de la solution transitoire, y compris des engagements que les autorités polonaises ont présentés à cet effet, dont l’obligation des autorités polonaises de procéder à une notification nouvelle de ladite méthode (voir paragraphes 74 à 88 de la décision attaquée).

228    En ce qui concerne le prétendu rôle des GRT de « gardien » des CMU, il suffit de relever que le premier argument de Tempus, tiré du prétendu conflit d’intérêts des GRT, n’est ni plausible ni étayé, eu égard aux explications détaillées contraires fournies par la Commission et par les intervenantes, y compris en réponse à la question écrite du Tribunal. Ainsi, il paraît illogique, voire contradictoire, de considérer qu’un GRT étranger, en sa qualité d’interconnecteur soumis aux obligations prévues à l’article 12 de la directive 2009/72 et de soumissionnaire participant aux enchères du mécanisme de capacité polonais, ne vise pas à faciliter la participation des capacités étrangères au marché de capacité polonais. Au contraire, le volume de capacité obtenu par ce GRT dans le cadre de ces enchères est précisément destiné à être réservé auxdites capacités dont l’accès non discriminatoire à ce volume doit être assuré [article 12, sous d) et f), lu conjointement avec l’article 2, point 18, de ladite directive]. De surcroît, les recettes issues d’une telle participation sont de nature à renforcer la position de marché de ces capacités étrangères dans l’intérêt tant de la sécurité d’approvisionnement sur les marchés interconnectés que de la gestion sûre, fiable et efficace des flux d’électricité sur le réseau en tenant compte des échanges avec d’autres réseaux interconnectés, conformément à l’objectif visé à l’article 12, sous d), de la directive 2009/72. De même, en augmentant les échanges transfrontaliers qui sont susceptibles d’influer, de manière positive, sur l’adéquation des capacités dans les réseaux interconnectés, la participation des capacités étrangères par le biais d’un GRT étranger est plutôt bénéfique au couplage de marchés visé au paragraphe 232, sous d), des lignes directrices et à la libéralisation du marché intérieur de l’électricité, et non l’inverse. En tout état de cause, Tempus n’a pas été en mesure d’établir qu’une telle participation serait de nature à empêcher ou à réduire la contribution des capacités étrangères à la sécurité de l’approvisionnement sur leurs propres réseaux ou sur leurs marchés domestiques.

229    Dès lors, le premier argument ne saurait être accueilli.

230    Force est de constater que le deuxième argument de Tempus, vague et succinct, selon lequel un GRT ne préfère pas une CMU de gestion de la demande, au motif que celle-ci réduit les contraintes sur le réseau et, partant, la rentabilité d’une expansion du transfert de capacité, n’est pas convaincant et ne peut prospérer. Premièrement, l’argument tiré de l’économie de capacités sur le réseau, qui sont, partant, disponibles pour l’exportation dans des zones tranfrontalières, contredit le premier argument de Tempus, tel que rejeté aux points 228 et 229 ci-dessus, selon lequel les GRT seraient avant tout incités à protéger l’adéquation des ressources sur leur réseau ou leur marché domestique. Deuxièmement, une discrimination entre les capacités de production et les opérateurs de gestion de la demande quant à l’accès au volume de capacités remporté par un GRT étranger lors des enchères du mécanisme de capacité polonais est explicitement interdite par l’article 12, sous f), lu conjointement avec l’article 2, point 18, de la directive 2009/72. Troisièmement, la République de Pologne et PGE ont avancé, de manière plausible, que la gestion de la demande n’affecte pas la nécessité de développer l’infrastructure de réseau, dès lors qu’elle ne réduit le besoin en énergie sur le réseau que durant les périodes d’insuffisance entraînant parallèlement une hausse des prix du marché de l’électricité et que, durant les autres périodes, les opérateurs de gestion de la demande gèrent leurs clients normalement, ce qui exige donc une disponibilité appropriée d’infrastructure de réseau. En effet, Tempus n’allègue pas que la gestion de la demande contribue à réduire les besoins d’infrastructure de réseau en cas d’utilisation stable et continue de ses méthodes par les clients, indépendamment des signaux de prix du marché de l’électricité. Une telle réduction des besoins d’infrastructure ne paraît pas faire l’objet de leur modèle commercial actuel, ce qui pourrait expliquer, en partie, leur potentiel limité sur le marché de capacité polonais (voir points 103 et suivants ci-dessus). Enfin, ainsi que ces intervenantes le rappellent à bon droit, il n’est pas possible de séparer complètement les producteurs d’électricité et les opérateurs de gestion de la demande de l’activité des GRT, notamment, dans le cadre des échanges transfrontaliers (voir point 228 ci-dessus).

231    Dès lors, il convient de rejeter également le deuxième argument comme non fondé.

232    S’agissant du troisième argument de Tempus, tiré d’une violation des règles de l’Union régissant la dissociation des GRT et de la prétendue interdiction de remplir parallèlement le rôle de producteur et celui d’opérateur de gestion de la demande participant aux enchères du mécanisme de capacité polonais, il ressort des observations détaillées de la Commission, d’Enel X, de PGE et de la République de Pologne en réponse à la question écrite du Tribunal, que Tempus n’a contestées que très vaguement et succinctement, que cet argument repose sur une prémisse erronée.

233    En effet, l’obligation de dissociation prévue à l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2009/72, en vertu de laquelle les États membres sont tenues de dissocier, sur leurs marchés énergétiques nationaux, les réseaux de transport et la gestion des activités de production et de fourniture, est sans préjudice des tâches incombant aux GRT, en tant qu’interconnecteurs, au titre de l’article 12 de la même directive, qui correspondent à celles qui sont imparties à PSE et aux GRT étrangers dans le cadre de la solution transitoire (voir point 228 ci-dessus). En outre, la Commission et ces intervenantes ont expliqué, de manière convaincante, que, en cette qualité, ces GRT se limitent à effectuer une activité d’intermédiaire et de facilitateur permettant aux capacités étrangères d’avoir un accès non discriminatoire au volume de capacité remporté par un GRT étranger lors des enchères du mécanisme de capacité polonais. Dès lors, contrairement à ce que prétend Tempus, pour un GRT, il n’existe pas de confusion entre sa qualité de gestionnaire de réseau et d’interconnecteur, d’une part, et des activités de production ou de fourniture d’électricité des capacités de production et de gestion de la demande, d’autre part.

234    Par conséquent, il y a lieu de rejeter également le troisième argument de la seconde partie de la quatrième sous-branche comme non fondé, de même que cette sous-branche dans son intégralité.

v)      Sur la cinquième sous-branche, tiré du caractère inapproprié du régime d’aides à garantir la sécurité de l’approvisionnement

235    Dans le cadre de la cinquième sous-branche, Tempus fait grief à la Commission d’avoir omis d’apprécier le risque d’une insécurité de l’approvisionnement ainsi que le potentiel de réduction des risques sur le marché de l’électricité polonais que le mécanisme de capacité polonais est censé réduire. À cet égard, elle conteste l’analyse de PSE concernant les risques d’insuffisance du système liés à des vagues de chaleur ou de froid et à des tempêtes, ainsi qu’à des pics de prix par le passé. Selon Tempus, en réalité, ces pics de prix ne démontrent pas l’existence d’une défaillance « absolue » de marché, même si les pointes de consommation sont rares et les capacités de réserve faiblement utilisées, ce qui pourrait donner lieu au problème de manque de revenus (voir paragraphe 8 de la décision attaquée). Une technologie à même de couvrir des pointes de consommation peu fréquentes de manière économiquement viable devrait donc avoir des coûts fixes réduits. En revanche, le mécanisme de capacité polonais prolongerait les accords de capacité avec des CMU ayant des CAPEX plus élevées. Or, lors des vagues de chaleur estivales, lorsque la demande est beaucoup plus faible qu’en hiver, les centrales équipées de turbines à vapeur connaîtraient des pannes importantes dues au manque d’eau de refroidissement. Néanmoins, les CMU de production dotées d’accords de capacité d’une durée de quinze ans recevraient des paiements réguliers même durant leur indisponibilité en cas d’épisodes de chaleur extrême, qui pourraient se produire tous les cinq ans, ce qui désavantagerait toutes les technologies pouvant réduire ce risque.

236    La Commission rétorque, en substance, que Tempus se fonde à tort sur l’idée selon laquelle un mécanisme de capacité serait destiné à encourager la construction de capacités uniquement pour faire face aux pics de consommation. Un tel mécanisme devrait garantir que tous les fournisseurs capables de fournir les capacités nécessaires peuvent participer aux enchères afin de limiter l’aide au minimum requis. Les critères de sélection seraient donc identiques pour tous les fournisseurs de capacités et toute centrale ou CMU qui y satisfait pourrait participer au mécanisme de capacité.

237    À titre liminaire, il importe de relever que l’argumentation dans le cadre de la présente sous-branche est difficilement compréhensible, voire contradictoire, en ce qu’elle ne remet pas en cause le principe selon lequel le marché de l’électricité polonais souffre d’une défaillance de marché sous forme d’un manque de revenus, ce qui constitue une des principales justifications pour l’introduction du mécanisme de capacité polonais (voir points 119 et suivants ci-dessus). En substance, Tempus vise à faire valoir que cette défaillance n’est pas aussi « absolue » que ne le prétendent PSE et la Commission et ne justifie pas l’octroi à certaines CMU de production des accords de capacité d’une durée de quinze ans, compte tenu de leur inefficacité partielle durant les mois d’été dans l’hypothèse d’une pénurie d’eau de refroidissement. Il ne serait donc pas justifié de couvrir les coûts fixes élevés de ces CMU inefficaces par des paiements de capacité, lorsque cette capacité n’est même pas disponible.

238    À l’instar de ce qu’avance la Commission, cette argumentation relève d’une nouvelle tentative de Tempus de dissocier un élément essentiel, à savoir l’octroi des accords de capacité de longue durée aux CMU ayant des CAPEX élevées, de la structure et du fonctionnement du mécanisme de capacité polonais dans son ensemble qui, eu égard à son objectif principal de garantir la sécurité de l’approvisionnement sur dix ans, est censé présenter aux opérateurs des incitations économiques suffisantes à investir dans de nouvelles ou à moderniser d’anciennes capacités de production qui sont destinées à maintenir ou à augmenter la disponibilité des capacités (voir points 119 et suivants ci-dessus). Cependant, ni la justification de cette approche ni la proportionnalité des paiements de capacité ne sauraient être mises en cause au seul motif que ces capacités sont, le cas échéant tous les cinq ans, indisponibles pendant une certaine période de l’été en raison d’une pénurie d’eau de refroidissement, ce qui peut d’ailleurs, en vertu de l’article 67, paragraphes 1 et 4, de la loi, donner lieu à un remboursement trimestriel entier desdits paiements. En tout état de cause, une telle éventualité ne remet pas en question la disponibilité à long terme de ces capacités dont la garantie demeure la raison d’être du mécanisme de capacité polonais.

239    Dès lors, cet aspect ne peut avoir créé des doutes au sein de la Commission, de sorte que la cinquième sous-branche doit être rejetée.

240    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, la deuxième branche doit donc être rejetée comme non fondée dans sa totalité.

4)      Sur la troisième branche, tirée du prétendu caractère incomplet de l’appréciation et du prétendu non-respect de l’effet incitatif de l’aide

i)      Sur la première sous-branche, tirée du prétendu caractère rétroactif du régime d’aides

241    Par la première sous-branche, d’une part, Tempus relève, en substance, que la Commission aurait dû avoir des doutes quant à l’effet incitatif du régime d’aides pour les CMU de production existantes pouvant conclure des accords de capacité pluriannuels (paragraphe 44 de la décision attaquée). Elle ne conteste pas que la prise en compte de CAPEX, établies sur la base du montant des investissements prévus au cours des cinq années précédant l’année de livraison, est, en principe, compatible avec le critère de l’effet incitatif, et qu’il est dérogé à cette règle pour les premières enchères de 2018 pour une livraison en 2021. Toutefois, ce serait à tort que la Commission a approuvé janvier 2014 comme date de démarrage au motif qu’elle intervenait « quelques mois après l’annonce [en juillet 2013] par le[s autorités polonaises de leur] projet d’instaurer un marché de capacité », le critère de l’effet incitatif devant être évalué sur la base de la date à laquelle la mesure d’aide a été octroyée et non sur celle de cette annonce. Cette première annonce ne saurait être considérée comme un engagement contraignant et fiable de la part des autorités polonaises de mettre en place un marché de capacité en Pologne, dont les caractéristiques auraient d’ailleurs été redéfinies à plusieurs reprises jusqu’à la fin 2016. Selon Tempus, la date précoce de janvier 2014 était plutôt décisive pour attribuer des accords de capacité à long terme aux centrales au charbon déjà exploitées ou en cours de construction. Ainsi, des accords de capacité de quinze ans, censés être réservés aux nouveaux entrants, auraient été attribués à des centrales au charbon dont la construction était déjà bien avancée à la date d’entrée en vigueur du mécanisme de capacité polonais ou qui étaient déjà exploitées. Or, en vertu du paragraphe 49 des lignes directrices, l’appréciation de l’effet incitatif supposerait d’examiner si l’aide modifie le comportement des bénéficiaires en ce sens qu’ils créent de nouvelles activités qu’ils n’exerceraient pas en son absence. Tel ne serait pas le cas d’investissements dans de nouvelles capacités issues de projets qui étaient déjà en cours de construction ou exploités avant l’entrée en vigueur du régime d’aides.

242    D’autre part, selon Tempus, le choix de la date du 1er juillet 2017 en tant que critère pour différencier les CMU nouvelles des CMU existantes (paragraphe 44 de la décision attaquée) est arbitraire. La date de début de production de l’électricité serait dépourvue de pertinence, à condition que les CMU fournissent les capacités conformément à leur accord. En outre, l’adéquation du critère de ladite date avec le critère d’éligibilité CAPEX serait douteuse, en particulier compte tenu du fait qu’il ne s’appliquerait qu’aux premières enchères et aux CMU éligibles pour les accords de capacité d’une durée de cinq ou quinze ans. Par ailleurs, la notion de « production d’électricité » interprétée littéralement exclurait les opérateurs de gestion de la demande, même éligibles aux accords de capacité de cinq ans. La décision attaquée n’indiquerait donc pas clairement si les CMU de gestion de la demande ayant engagé des CAPEX depuis 2014 et ayant commencé leurs activités après le 1er juillet 2017 seraient admissibles de la même manière que les CMU de production. Si tel n’était pas le cas, cela serait une autre discrimination entre les CMU de production et les CMU de gestion de la demande. Tempus conteste que le but du recours à la date du 1er juillet 2017 soit d’éviter que les nouveaux projets éventuels ne retardent artificiellement leur développement pour profiter des accords de capacité à long terme, cette date visant à avantager spécifiquement la centrale de Kozienice (Pologne), qui a déjà commencé à fonctionner en décembre 2017. Tempus rappelle que l’intérêt même du critère de l’effet incitatif réside dans le fait que la mesure d’aide encourage les bénéficiaires à effectuer les opérations ou les investissements qu’ils n’auraient pas effectués en l’absence d’aide. L’État membre devrait donc s’assurer qu’une CMU n’effectue pas un investissement d’un certain niveau CAPEX dans le seul but d’obtenir des accords de capacité. Alors que le paragraphe 219 des lignes directrices indique que l’aide en faveur de l’adéquation des capacités peut être octroyée sous forme d’aide à l’investissement ou au fonctionnement, la décision attaquée ne préciserait pas quel type d’aide est visé par le marché de capacité polonais. Selon Tempus, si ledit marché doit être considéré comme visant une aide au fonctionnement, son caractère rétroactif ne semble pas être compatible avec l’objet de la mesure.

243    Premièrement, la Commission, soutenue par PGE et par la République de Pologne, rétorque que les paiements de capacité au titre des accords de capacité constituent des aides au fonctionnement visant à récompenser et à préserver la disponibilité des capacités, et non à couvrir les coûts d’investissement des CMU de production, de sorte que, en l’espèce, la condition énoncée au paragraphe 50 des lignes directrices n’est pas applicable. Aux termes de la section 3.3.4 de la décision attaquée, en permettant aux CMU de couvrir leurs coûts et en les pénalisant en cas de défaut de livraison, le régime d’aides encouragerait les capacités existantes et nouvelles à rester sur le marché ou à y entrer, et à être disponibles en période de pénurie. PGE précise à cet égard que les paiements de capacité ne correspondent pas au niveau des CAPEX, mais sont le résultat d’une enchère. Deuxièmement, le choix de la date du 1er janvier 2014, loin d’être arbitraire, serait étroitement lié à la date de l’annonce publique du mécanisme de capacité par les autorités polonaises et destiné à ce que les CAPEX pertinentes soient définies sur la base des coûts d’investissement supportés cinq ans avant la date des premières enchères. Le report de cette date de six mois par rapport à celle de ladite annonce serait dû au fait qu’aucun investissement n’aurait pu avoir lieu dans un délai aussi court après cette annonce. Troisièmement, le fait que la conception du régime d’aides ait été révisée plusieurs fois depuis son annonce en 2013 n’aurait pas d’incidence sur l’incitation créée par cette déclaration politique et le fait que les autorités polonaises avaient constaté un problème d’adéquation des capacités sur le marché de l’électricité polonais. Les opérateurs concernés investissant dans des capacités n’auraient pas pu savoir que cette évaluation allait subir des modifications conformément aux règles des lignes directrices non encore existantes en 2013. Quatrièmement, il aurait été essentiel de définir les critères d’éligibilité CAPEX à compter du 1er janvier 2014 pour éviter que les nouveaux investissements potentiels soient artificiellement retardés jusqu’à la création officielle du marché de capacité polonais permettant l’accès aux accords de capacité à long terme (voir paragraphe 44 de la décision attaquée). Un tel retard dans l’investissement dans de nouvelles capacités n’aurait fait qu’accroître les problèmes d’adéquation des capacités et qu’entraîner une hausse des coûts. Enfin, s’agissant de la date du 1er juillet 2017, la Commission souligne qu’il n’existe aucune règle régissant le marché de capacité polonais qui établirait la date à laquelle la construction d’une installation de production doit commencer afin de la qualifier de nouvelle. Ainsi, la décision attaquée préciserait que la CAPEX éligible est déterminée sur la base des coûts d’investissement qui devraient être exposés au cours des cinq années précédant le début de l’année de livraison, en tant que seul point de rupture décisif, sans qu’il fixe une condition pour le début effectif de l’investissement.

244    PGE relève que, dès juillet 2013, les autorités polonaises ont clairement indiqué avoir l’intention d’introduire un mécanisme de capacité en Pologne en 2014. L’effet incitatif de ces annonces serait confirmé par le fait que les principaux acteurs du marché, dont PGE, se sont fondés sur celles-ci pour prendre des décisions d’investissement définitives sur le développement d’une capacité adéquate dans l’hypothèse de futurs revenus liés au marché de capacité. Eu égard à la première livraison prévue pour 2021 et aux signaux forts envoyés par les autorités polonaises relatifs à la date d’entrée en vigueur du mécanisme de capacité polonais, il aurait été logique que la Commission conclue que les CAPEX devaient être considérées comme admissibles à compter du 1er janvier 2014. Selon la République de Pologne, en substance, en acceptant que, dans le cadre du marché de capacité polonais, les CAPEX engagées à partir du 1er janvier 2014 soient prises en compte et que des centrales ayant commencé à produire après le 1er juillet 2017 soient considérées comme de nouvelles unités de production, la Commission aurait évité un traitement différent des unités qui se trouvaient objectivement dans une même situation de fait, c’est-à-dire des unités de production dont la construction exigeait des CAPEX conséquentes. En vertu de l’article 96 de la loi, les CAPEX engagées par les opérateurs de CMU de production et de gestion de la demande seraient traitées de la même manière quant à leur droit à soumissionner pour des accords de capacité pour une période supérieure à un an.

245    Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, s’agissant de l’effet incitatif de l’aide, les dispositions de la section 3.2.4 (notamment paragraphes 49 à 52) des lignes directrices doivent être prises en considération. Conformément au paragraphe 49 des lignes directrices, le régime d’aides ne peut être considéré comme étant compatible avec le marché intérieur que s’il a un effet incitatif. Cela suppose que « l’aide incite le bénéficiaire à modifier son comportement afin d’augmenter le niveau de protection de l’environnement ou d’améliorer le fonctionnement d’un marché européen de l’énergie sûr, abordable et durable, et que ce changement de comportement ne se produirait pas en l’absence d’aide ». En outre, elle « ne doit pas servir à subventionner les coûts d’une activité que l’entreprise aurait de toute façon supportés ni à compenser le risque commercial normal inhérent à une activité économique ». Conformément au paragraphe 50 des lignes directrices, en substance, les aides sont considérées comme étant dépourvues d’effet incitatif pour leur bénéficiaire et, partant, comme étant incompatibles avec le marché intérieur, lorsque ce bénéficiaire a adressé sa demande d’aide aux autorités nationales après le début des travaux liés au projet.

246    S’agissant du paragraphe 49 des lignes directrices, il ressort du passage « afin d’augmenter le niveau de protection de l’environnement ou d’améliorer le fonctionnement d’un marché européen de l’énergie sûr, abordable et durable » que l’effet incitatif de l’aide à l’adéquation des capacités peut être lié à l’un ou à l’autre de ces objectifs, en fonction de la mise en balance que l’État membre est censé effectuer à l’aune des critères et des objectifs généraux qui sont prévus aux paragraphes 30, 219 et 220 de ces lignes directrices (voir points 89 et suivants ci-dessus). Cela est confirmé par le paragraphe 69 des lignes directrices selon lequel l’« aide à l’environnement ou à l’énergie est considérée comme proportionnée si son montant par bénéficiaire se limite au minimum nécessaire pour atteindre l’objectif fixé en matière de protection de l’environnement ou d’énergie ». Ainsi, lorsque, comme en l’espèce, l’État membre poursuit avant tout, par le biais d’un mécanisme de capacité, l’objectif de garantir la sécurité de l’approvisionnement et donc « d’améliorer le fonctionnement d’un marché européen de l’énergie sûr, abordable et durable », cet effet incitatif est lié, à titre principal, aux incitations pour les opérateurs à mettre à disposition les capacités de production qui sont nécessaires à cet effet, et, seulement à titre secondaire, à l’objectif de protection de l’environnement. Comme il a été exposé aux points 117 et suivants ci-dessus, dans le cadre du mécanisme de capacité polonais, ces incitations reposent sur les critères CAPEX permettant aux opérateurs d’obtenir des accords de capacité pluriannuels, ce qui leur donne la stabilité nécessaire de revenus, également pour financer ou amortir leurs investissements dans la création ou dans la modernisation de capacités de production.

247    Au paragraphe 44 de la décision attaquée, dont le bien-fondé est contesté par Tempus, il est exposé, en substance, que les critères d’éligibilité CAPEX sont déterminés sur la base des dépenses d’investissement attendues au cours des cinq années précédant le début de la première année de livraison, à l’exception de la toute première enchère dans le cadre de laquelle les CMU sont éligibles pour obtenir des accords de capacité d’une durée de cinq ou de quinze années sur la base de leurs CAPEX encourues depuis janvier 2014, c’est-à-dire quelques mois après l’annonce, intervenue en juillet 2013, des autorités polonaises de leur projet d’introduire un mécanisme de capacité, à condition que ces CMU ne commencent pas à produire de l’électricité avant le 1er juillet 2017. Cela aurait pour but d’empêcher que de potentiels projets nouveaux retardent artificiellement leur développement afin de bénéficier d’accords de capacité de longue durée.

248    Par la présente sous-branche, Tempus remet en cause l’effet incitatif créé par les trois dates susmentionnées. La date du 1er janvier 2014 est retenue à l’article 96, paragraphe 1, de la loi et au paragraphe 44 de la décision attaquée en lien avec celle de juillet 2013 (premièr grief), alors que celle du 1er juillet 2017 est visée à l’article 95 de la loi (second grief). Cependant, Tempus ne conteste pas que les critères CAPEX, y compris la prise en compte des dépenses d’investissement antérieures durant une période de cinq ans, créent en eux-mêmes un tel effet incitatif, en ce sens qu’ils incitent les opérateurs à investir dans la création ou la modernisation de capacités de production.

249    Plus précisément, dans le cadre du premier grief, Tempus se limite à remettre en question la période de cinq ans qui précède la première enchère et commence en janvier 2014, étant donné que les autorités polonaises auraient annoncé leur projet d’introduire le mécanisme de capacité en juillet 2013. D’une part, l’annonce de juillet 2013 aurait été vague et non fiable et ne saurait être confondue avec la date à laquelle la mesure d’aide est octroyée. D’autre part, la date de janvier 2014 aurait été choisie de manière arbitraire comme étant pertinente pour l’octroi des aides, alors même que le régime d’aides n’était pas encore en vigueur, afin de permettre le financement de centrales au charbon déjà exploitées ou en cours de construction.

250    En ce que Tempus met en question la justification du choix de la date de janvier 2014 comme point de départ de la prise en compte des CAPEX éligibles, il y a lieu de souligner que ce grief repose sur une lecture erronée des motifs du paragraphe 44 de la décision attaquée. Contrairement à l’impression pouvant ressortir des écrits de la Commission, ces motifs ne doivent pas être compris comme imputant la justification essentielle pour le choix de la date de janvier 2014 à la seule annonce de juillet 2013, mais décrivent plutôt le contexte historique dans lequel ce choix est intervenu. En effet, notamment, PGE et la République de Pologne ont expliqué, de manière suffisamment plausible, que le choix de la date de janvier 2014 était dû au fait que, à la suite de l’annonce publique par les autorités polonaises, en juillet 2013, de leur projet d’introduire un mécanisme de capacité, il a fallu fixer une date de début pour la prise en compte des CAPEX encourues pendant une période de cinq ans qui, d’une part, était suffisamment précoce pour permettre la participation des CMU de production modernisées ou nouvelles ou de gestion de la demande à la première enchère régulière, dont l’organisation ne pouvait avoir lieu avant la fin de 2018 (voir paragraphe 38 de la décision attaquée et article 96, paragraphe 1, lu conjointement avec l’article 36, paragraphe 2, de la loi), et, d’autre part, se trouvait suffisamment en amont de la fourniture de capacités lors de la première année de livraison, à savoir 2021. Ainsi, eu égard à la circonstance que cette première enchère régulière était attendue au plus tôt en janvier 2019 (voir paragraphe 38 de la décision attaquée), il n’était pas arbitraire, mais plutôt cohérent, de fixer janvier 2014 comme date de début de la période de cinq ans aux fins de la prise en compte des CAPEX, ce dont le paragraphe 44 de la décision attaquée tient compte.

251    À cet égard, Tempus ne saurait rétorquer que, ni en juillet 2013 ni en janvier 2014, le régime d’aides n’aurait pris une forme suffisamment concrète pour permettre de caractériser ces dates comme étant celles auxquelles la mesure d’aide a été octroyée pour créer l’effet incitatif requis.

252    Premièrement, cette argumentation méconnaît le fait que les aides en cause, soit les paiements de capacité, ne pouvaient être octroyées qu’à la suite de l’autorisation du régime d’aides par la Commission, intervenue le 7 février 2018, de l’entrée en vigueur de la loi et de la clôture de la toute première enchère, prévue pour 2018, comportant l’attribution des premiers accords de capacité pour la première année de livraison en 2021. Ainsi, la date d’octroi des aides ne peut être antérieure à celle de la clôture de la première enchère dont le résultat confère au soumissionnaire retenu, en vertu de la loi, le droit légal de bénéficier des paiements de capacité (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 21 mars 2013, Magdeburger Mühlenwerke, C‑129/12, EU:C:2013:200, points 40 et 41 ; du 6 juillet 2017, Nerea, C‑245/16, EU:C:2017:521, points 32 et 33, et du 28 octobre 2020, INAIL, C‑608/19, EU:C:2020:865, points 30 à 34). En outre, même à supposer que Tempus vise à faire valoir que l’effet incitatif doit être lié à l’entrée en vigueur du régime d’aides, à savoir en décembre 2017, une telle argumentation contredirait son propre constat selon lequel la prise en compte des dépenses d’investissement antérieures durant une période de cinq ans était admissible et donnait lieu à un tel effet incitatif.

253    Deuxièmement, eu égard à ce qui précède, il était tout aussi cohérent que la Commission ait accepté la justification selon laquelle la prise en compte de la date de janvier 2014 était destinée à éviter que les nouveaux investissements dans le développement de capacités soient artificiellement retardés (voir paragraphe 44 in fine de la décision attaquée). En outre, PGE a confirmé, de manière crédible, que les opérateurs du marché se sont fiés à l’annonce de l’introduction d’un marché de capacité à partir de 2014 pour prendre des décisions d’investissement dans la perspective de pouvoir obtenir ultérieurement des accords de capacité. Il s’ensuit que la prise en compte de cette date, conjointement avec cette annonce, a pu créer un effet incitatif conformément au paragraphe 49 des lignes directrices. Il est dès lors indifférent que, en juillet 2013 ou en janvier 2014, il n’existait, le cas échéant, pas encore d’engagement « contraignant et fiable » de la part des autorités polonaises de mettre en place un marché de capacité en Pologne et que la définition de ses critères précis était encore en cours jusqu’à la fin de 2016.

254    Troisièmement, l’allégation vague, voire spéculative, de Tempus selon laquelle le choix de janvier 2014 n’aurait eu pour but que d’avantager des CMU de production au charbon déjà exploitées ou en cours de construction n’est pas de nature à remettre en question la plausibilité dudit choix. En tout état de cause, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir accepté la règle de prise en compte des CAPEX effectuées durant les cinq ans précédant la première année de livraison également pour les CMU de production au charbon en cours d’être modernisées ou en cours de construction, compte tenu de l’objectif principal du marché de capacité polonais de créer des incitations à générer et à maintenir en temps utile la disponibilité de capacités suffisantes pour garantir la sécurité de l’approvisionnement.

255    Dès lors, il y a lieu de rejeter le premier grief comme non fondé.

256    S’agissant du second grief, force est de constater que l’argument de Tempus selon lequel le choix de la date du 1er juillet 2017 relative au début de la production d’électricité vise essentiellement à avantager les CMU de production au charbon n’est pas davantage circonstancié ou convaincant. Il ressort, certes, de l’article 95, lu conjointement avec l’article 32, paragraphe 1, sous 4), de la loi, que les CMU de production existantes ayant commencé à produire après le 1er juillet 2017 et remplissant les critères CAPEX qui y sont prévus sont considérées comme des CMU de production nouvelles. Toutefois, ainsi que l’avance, en substance, la République de Pologne, Tempus n’a pas établi dans quelle mesure cette date limite pourrait donner lieu à un traitement inégal en faveur de ces CMU par rapport à des CMU de production modernisées ou nouvelles commençant leur production après l’entrée en vigueur de la loi, ou inversement. En effet, d’une part, l’ensemble de ces CMU de production qui remplit les critères CAPEX encourt des dépenses d’investissement substantielles et, d’autre part, les CMU existantes qui n’en encourent pas se trouvent dans une situation de fait distincte au regard des objectifs du marché de capacité polonais. En outre, il était cohérent de fixer une date uniforme de début de production pour toutes ces CMU (nouvelles) qui se rapprochait suffisamment de l’entrée en vigueur de la loi en décembre 2017. À cet égard, l’exemple de la centrale de Kozienice ayant débuté son exploitation en décembre 2017 est inopérant, compte tenu de l’entrée en vigueur de la loi au cours du même mois. Par ailleurs, dans la mesure où Tempus invoque de nouveau, dans ce contexte, une discrimination des CMU de gestion de la demande par rapport aux CMU de production, ce grief se heurte aux mêmes considérations que celles exposées aux points 153 et suivants ci-dessus, ces CMU se trouvant dans des situations factuelles et juridiques très différentes à l’aune des objectifs poursuivis.

257    En tout état de cause, même si le choix de la date précise du 1er juillet 2017 ne s’impose pas pour distinguer les CMU de production existantes et nouvelles, compte tenu du besoin de planifier à long terme les investissements dans la modernisation ou dans la construction d’une unité de production nouvelle, cette date est suffisamment rapprochée de l’entrée en vigueur de la loi, en décembre 2017, et de l’organisation envisagée de la première enchère, à partir de janvier 2018. Ce choix ne saurait donc être qualifié de déraisonnable, voire arbitraire, ou être considéré comme privant les paiements de capacité à verser aux CMU concernées de l’effet incitatif requis, au sens du paragraphe 50 des lignes directrices. En outre, eu égard à ce qui précède, il n’existe pas de risque que certaines CMU puissent être amenées à effectuer des investissements d’un certain niveau CAPEX dans le seul but d’obtenir des accords de capacité et non dans celui, conforme à l’objectif principal du mécanisme de capacité, de rendre disponible les capacités nécessaires. Par ailleurs, ainsi que l’avance la Commission, la considération exposée au paragraphe 44 in fine de la décision attaquée selon laquelle l’approche qui y est décrite vise à éviter que les nouveaux projets éventuels ne retardent artificiellement leur développement ne fait pas référence au seul choix de la date du 1er juillet 2017, mais à cette approche dans son ensemble (voir point 250 ci-dessus).

258    Enfin, il importe de relever que, ainsi que l’avancent, notamment, la Commission et les intervenantes, en l’espèce, l’aide en faveur de l’adéquation des capacités constitue une aide au fonctionnement et non à l’investissement, étant donné que les paiements de capacité visent, à titre principal, à récompenser la disponibilité des capacités et, seulement à titre secondaire, à permettre aux CMU d’amortir les dépenses d’investissement nécessaires à cet effet (voir, également, point 169 ci-dessus).

259    Il s’ensuit que Tempus n’a pas établi que la Commission aurait dû nourrir des doutes quant au prétendu caractère rétroactif du régime d’aides et que la première sous-branche doit être rejetée dans sa totalité.

ii)    Sur la deuxième sous-branche, tirée de l’évaluation incomplète des incitations en faveur des nouvelles capacités

260    Par la deuxième sous-branche, eu égard au paragraphe 164 de la décision attaquée et au contenu du rapport intermédiaire de l’enquête sectorielle, Tempus soutient, en substance, que la Commission a omis d’apprécier les incitations pour les « nouvelles unités de production » faisant « déjà l’objet d’engagements » et a donc dû éprouver des difficultés sérieuses à déterminer les besoins potentiellement différents desdites nouvelles capacités dans le cadre du marché de capacité polonais.

261    Ni la Commission ni les intervenantes ne se prononcent explicitement sur cette sous-branche.

262    Au paragraphe 164 de la décision attaquée, il est exposé, en substance, que, s’agissant des incitations pour les CMU de production nouvelles et existantes, les procédures d’appel d’offres ont été conçues pour tenir compte des différentes durées de fourniture de capacité, à savoir des durées d’un ou cinq ans, pour lesquelles les CMU peuvent soumissionner et qui sont censées répondre aux besoins potentiellement différents des capacités nouvelles, existantes et à rénover. Par ailleurs, le régime d’aides inclurait des durées différentes d’accords de capacité en fonction des CAPEX encourues afin de mettre des capacités à la disposition du marché. La Commission en conclut que cela contribue à créer des conditions de concurrence équitables entre les CMU nouvelles et existantes, étant donné que, à la différence des CMU existantes, les CMU nouvelles ou modernisées ont probablement besoin d’assurer le financement de leurs CAPEX, ce qui serait plus difficile et plus cher à obtenir sans la stabilité relative offerte par des accords de capacité pluriannuels. En l’absence de tels accords, le problème de financement serait particulièrement délicat pour les CMU indépendantes.

263    Eu égard à ces motifs qui correspondent, en substance, à ceux qui ont déjà été appréciés aux points 117 et suivants et 246 ci-dessus, par la deuxième sous-branche, Tempus se borne à réitérer, en d’autres termes et sous l’aspect de l’effet incitatif des aides, sa contestation relative à la différenciation de la durée des accords de capacité et au prétendu manque d’incitation suffisante ou équitable qui en résulterait pour l’ensemble des CMU. En revanche, le paragraphe 164 de la décision attaquée, qui doit être lu conjointement avec les paragraphes 42 et 43 de la même décision, décrit de manière suffisamment intelligible et complète les éléments pertinents justifiant de considérer que les critères CAPEX et les différentes durées des accords de capacité qui y sont liées produisent l’effet incitatif requis pour les CMU nouvelles, en fonction de leurs besoins de financement respectifs. À cet égard, la référence au rapport intermédiaire de l’enquête sectorielle ne saurait prospérer, celle-ci ayant visé la situation du marché de l’électricté polonais avant l’introduction du mécanisme de capacité et, notamment, les effets de la réserve pour imprévus qui a été remplacée par ledit mécanisme [voir paragraphe 16, sous g), de la décision attaquée].

264    Dès lors, la deuxième sous-branche doit être rejetée comme non fondée.

iii) Sur la troisième sous-branche, tirée de l’évaluation insuffisante de la méthode de recouvrement des coûts

265    Dans le cadre de la troisième sous-branche, Tempus argue que le régime de recouvrement des coûts du mécanisme de capacité polonais aurait exigé une analyse approfondie, en particulier des règles relatives à la détermination de la redevance de capacité (voir paragraphes 107 et 108 de la décision attaquée, et arrêt du 15 novembre 2018, Tempus Energy et Tempus Energy Technology/Commission, T‑793/14, EU:T:2018:790, point 203), afin de vérifier son caractère proportionné. Les États membres devraient concentrer les coûts du marché de capacité sur les consommateurs qui consomment durant les périodes de pointe pour renforcer par les prix l’incitation à ne plus consommer durant ces périodes et à atténuer le problème d’adéquation des ressources. En vertu des articles 69 à 78 de la loi, la méthode de recouvrement des coûts serait fondée sur le principe selon lequel la clientèle ménagère paye le mécanisme de capacité en fonction de sa seule consommation annuelle, tandis que la clientèle non ménagère est facturée en fonction du temps d’utilisation, sur la base de l’électricité consommée lors des « heures choisies de la journée », non définies dans la loi, mais publiées annuellement, par décret du président de l’office de régulation de l’énergie, pour chaque trimestre de l’année de livraison (article 74, paragraphe 4, de la loi). Par ailleurs, les clients du secteur de l’industrie à haute intensité énergétique, définis à l’article 71 de la loi, auraient droit à une réduction de la redevance en fonction du facteur d’intensité de l’électricité consommée, les clients les plus gourmands en énergie bénéficiant de la plus grande réduction, soit 80 %, 60 % ou 15 % de la redevance, selon la consommation lors des « heures choisies de la journée » (article 70, paragraphe 3, de la loi). Selon Tempus, en l’absence de certitude relative aux « heures choisies de la journée » ou à la plage horaire éventuelle, la Commission ne serait pas en mesure d’évaluer si ce cadre horaire constitue une incitation effective, ni même si les clients non ménagers sont capables d’éviter les coûts liés au marché de capacité en réduisant leur consommation pendant les périodes de forte demande. En outre, au lieu de profiter au maximum d’une incitation par les prix pour amener les clients de l’industrie à haute intensité énergétique à recourir à la gestion de la demande et à réduire leur consommation durant les heures de pointe, ces clients seraient exonérés de la redevance de capacité, à concurrence de 85 %, ce qui réduirait substantiellement l’effet incitatif d’une méthode ciblée de recouvrement des coûts. Ainsi, les clients les plus susceptibles de disposer de la capacité technique à utiliser la gestion de la demande seraient les moins incités à éviter les pics de demande, augmentant ainsi la probabilité qu’ils continuent à consommer pendant ces périodes et que le coût élevé du régime soit supporté par les autres consommateurs d’électricité. Dès lors, davantage de capacités devraient être fournies pour couvrir ces pics persistants, ce qui augmenterait inutilement le montant de l’aide. De même, la clientèle ménagère ne pourrait pas échapper aux coûts du marché de capacité, même en utilisant une technologie de gestion de la demande pour éviter d’autres coûts d’électricité durant les heures de pointe. Tempus en conclut que le régime d’aides a pour effet de supprimer le marché de la gestion de la demande pour la clientèle ménagère dans la mesure où il permettrait d’éviter les coûts liés au marché de capacité, de paralyser de manière significative le marché de l’industrie à haute intensité énergétique et de laisser planer une incertitude complète sur la taille du marché de la gestion de la demande pour les consommateurs commerciaux non gourmands en énergie. À cet égard, elle précise, en substance, que l’engagement de notification séparée de la moindre réduction de la redevance de capacité (paragraphe 108 de la décision attaquée) n’est pas suffisant, la Commission étant tenue de veiller immédiatement à ce que le régime d’aides produise un effet incitatif, respecte les principes de nécessité et de proportionnalité et facilite la gestion de la demande. En tout état de cause, elle aurait dû éprouver des doutes sur ces points, indépendamment de la procédure formelle d’examen en cours dans l’affaire SA.51502 [voir décision C(2019)2504 finale de la Commission, du 15 avril 2019, Aide d’État SA.51502 (2019/C)/(2018/N) – Pologne – Réductions de la taxe du marché de capacité pour les grands consommateurs d’énergie]. En effet, dans le cadre du mécanisme de capacité polonais, la méthode de recouvrement des coûts serait intrinsèquement liée au régime d’aides en ce sens qu’elle assure le financement des coûts engagés pour approvisionner le marché de capacité.

266    La Commission rétorque avoir procédé à une appréciation complète de la méthode de financement du marché de capacité polonais (paragraphes 107 et 114 à 117 de la décision attaquée) qui fait, en outre, l’objet d’une procédure formelle d’examen en cours dans l’affaire SA.51502. PGE estime que Tempus méconnaît les incitations qui découlent de cette méthode de financement en arguant que le mécanisme de capacité polonais devrait concentrer les coûts sur ceux qui consomment pendant les périodes de pointe plutôt que de les répartir de manière équitable entre tous les consommateurs. Cet argument serait infirmé par le fait que les ménages acceptent des prix d’électricité fermes dans leurs contrats de fourniture d’électricité et qu’ils sont généralement incités à réduire leur consommation et, partant, les coûts du marché de capacité. La Commission et la République de Pologne relèvent, en substance, que la décision d’appliquer une facturation aux ménages en fonction de leur consommation annuelle d’électricité sous la forme d’un montant forfaitaire ou d’une redevance mensuelle repose sur le fait que les compteurs d’énergie des ménages en Pologne ne sont pas équipés pour fournir des données suffisamment détaillées sur leur profil de consommation et qu’il n’est pas possible d’appliquer la même méthode de facturation à tous les ménages en fonction de la consommation d’électricité aux heures de pointe, à la différence des autres consommateurs. La Commission ajoute que la méthode de financement d’une aide d’État ne peut avoir une incidence sur l’appréciation de la compatibilité de cette dernière avec le marché intérieur que si elle en fait partie intégrante et implique une violation indissociable du droit de l’Union, par exemple, des articles 30 et 110 TFUE (paragraphe 29 des lignes directrices), ce que Tempus n’aurait pas fait valoir. Elle estime que la redevance de capacité perçue auprès des consommateurs pour recouvrer les coûts du marché de capacité polonais n’est pas affectée par les paiements de capacité. L’augmentation des recettes provenant de ladite redevance n’entraînerait pas nécessairement une augmentation du montant des paiements de capacité versés, qui dépendrait uniquement de l’issue de la procédure d’appel d’offres. La République de Pologne précise que les réductions des redevances des grands consommateurs d’énergie n’ont pas fait l’objet de l’évaluation de la Commission (paragraphe 108 de la décision attaquée), parce qu’elles n’ont pas été notifiées avec le marché de capacité polonais et relèvent d’un mécanisme distinct et non nécessaire au fonctionnement dudit du marché. La distinction matérielle et procédurale de ces deux mécanismes serait attestée principalement par l’article 104 de la loi qui établit des clauses suspensives distinctes ayant suspendu la mise en œuvre des accords de capacité et l’application des réductions, respectivement, jusqu’à l’adoption de décisions de compatibilité de la Commission. Par ailleurs, cette distinction serait confirmée par la pratique décisionnelle antérieure de la Commission.

267    Par la présente sous-branche, Tempus conteste l’effet incitatif de la méthode de recouvrement des coûts qui est définie aux articles 69 à 78 de la loi, dans le chapitre 3 portant sur la « redevance de capacité ». En particulier, elle conteste que la méthodologie prévue à l’article 70 de la loi pour déterminer les redevances de capacité à payer par les différents types de consommateurs d’énergie soit susceptible de créer un tel effet incitatif. Au contraire, elle donnerait lieu à une gestion inefficace du marché de capacité au détriment, notamment, de la gestion de la demande, en pénalisant les consommateurs ménagers et en empêchant les gros clients industriels de flexibiliser leur consommation, ce qui entraînerait le besoin de mettre à disposition davantage de capacité.

268    Ainsi que l’avance, notamment, PGE, Tempus part d’une mauvaise prémisse en prétendant que, aux fins du respect du critère de l’effet incitatif, les États membres seraient tenus d’imputer les coûts du marché de capacité principalement sur les consommateurs qui consomment durant les périodes de pointe pour renforcer par les prix l’incitation à ne plus consommer durant ces périodes et à atténuer le problème d’adéquation des ressources. Cette argumentation méconnaît le fait que les règles portant sur la redevance de capacité sont principalement destinées à garantir le financement des paiements de capacité (voir article 69, paragraphe 1, de la loi), et non à émettre des signaux de prix incitant les consommateurs à flexibiliser leur consommation pour réduire ainsi les besoins en capacité. En outre, à défaut d’objection explicite de Tempus, est suffisamment crédible l’argument de la Commission et de la République de Pologne selon lequel la facturation mensuelle des redevances de capacité à la clientèle ménagère en fonction de sa consommation annuelle [voir article 70, paragraphe 1, sous 1), de la loi] est principalement due au fait que les compteurs d’énergie des ménages en Pologne ne sont pas encore équipés pour fournir des données suffisamment détaillées sur leur profil de consommation et qu’il n’est donc pas possible de les facturer équitablement en fonction de la consommation d’électricité aux heures de pointe.

269    S’agissant de la facturation de la clientèle non ménagère en fonction du temps d’utilisation, sur la base de l’électricité consommée lors des « heures choisies de la journée », en vertu de l’article 70, paragraphe 1, sous 2), et paragraphes 2 et 3, lu conjointement avec l’article 71 de la loi, eu égard aux explications plausibles fournies par la Commission, cette méthode ne peut être critiquée pour porter atteinte à l’effet incitatif du régime d’aides dans son ensemble au motif qu’il avantage indûment les gros clients industriels. À cet égard, Tempus part de nouveau d’une prémisse erronée en établissant un lien entre le montant de la redevance de capacité et celui des paiements de capacité, dans la mesure où ce dernier est determiné exclusivement par le résultat des enchères, à savoir en fonction du prix offert par le soumissionnaire qui remporte l’obligation de capacité. Il n’est donc ni cohérent ni possible d’arguer, comme le fait Tempus, que la somme des redevances de capacité perçues au cours d’une année donnée serait susceptible d’influer sur le montant total de l’aide à octroyer, à savoir celui des paiements de capacité versés durant cette même année pour récompenser le respect des obligations de capacité. Or, en l’absence de lien intrinsèque entre la somme des redevances de capacité, d’une part, et celle des paiements de capacité, d’autre part, ne saurait être accueilli l’argument de Tempus selon lequel le traitement plus favorable des gros clients industriels en fonction de l’intensité de leur consommation d’électricité devrait nécessairement avoir un impact sur le montant de l’aide versée. Dès lors, cet argument doit être rejeté, sans qu’il soit besoin d’examiner davantage le bien-fondé de ce prétendu traitement favorable qui, en tout état de cause, fait l’objet de la procédure formelle d’examen separée entamée par la Commission dans l’affaire SA.51502 (voir, également, point 271 ci-après).

270    Par ailleurs, dans la mesure où Tempus avance que la méthode de calcul fondée sur les « heures choisies de la journée » n’est pas susceptible de créer un effet incitatif, il suffit de relever que le montant de la redevance de capacité ainsi calculé est indifférent pour déterminer l’effet incitatif pertinent émanant du régime d’aides et du mécanisme de capacité polonais, qui est essentiellement lié aux paiements de capacité et à la durée des accords de capacité (voir points 165 et suivants ci-dessus).

271    Enfin, en ce que Tempus fait valoir que, en raison de cette méthode, ces gros clients industriels n’ont pas intérêt à flexibiliser leur consommation d’électricité, notamment, en recourant à la gestion de la demande, pour ainsi réduire les besoins de capacité du marché, il suffit de relever que cet aspect est plutôt lié à la question de savoir si et de quelle manière le marché de capacité polonais est censé combiner l’effet incitatif relatif à la mise à disposition des capacités de production nécessaires avec celui assurant la protection de l’environnement (voir points 245 et 246 ci-dessus). En outre, cette question fait l’objet de la procédure formelle d’examen dans l’affaire SA.51502, à la suite de la notification séparée par la République de Pologne du système de réduction des redevances de capacité pour les industries à forte consommation d’énergie (voir points 12, 19 à 22, 49, 57 et 60 de la décision d’ouverture dans le cadre de l’affaire SA.51502), raison pour laquelle il n’a pas été apprécié par la Commission dans le cadre de la présente procédure (voir paragraphe 108 de la décision attaquée).

272    Dès lors, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir accepté une méthode de calcul des redevances de capacité différente pour les différents types de clients, sans nourrir des doutes sur son effet incitatif.

273    Par consequent, il y a lieu de rejeter la troisième sous-branche.

iv)    Sur la quatrième sous-branche, tirée du régime de pénalités

274    Par la quatrième sous-branche, Tempus soutient, en substance, que, eu égard au paragraphe 102 de la décision attaquée, la Commission a manqué à son obligation d’apprécier l’effet incitatif du régime d’aides et à son obligation de motivation, notamment par rapport au régime de pénalités qui est essentiel pour la mise en œuvre effective des obligations des CMU au titre du marché de capacité polonais. Cela aurait été d’autant plus nécessaire compte tenu des périodes de tension liées aux vagues de chaleur estivales survenant tous les cinq ans qui présentent un risque important pour la sécurité de l’approvisionnement. Le régime de pénalités devrait être défini de manière objective, avoir un effet incitatif et encourager le bénéficiaire de l’aide à modifier son comportement afin d’améliorer le fonctionnement d’un marché européen de l’énergie sûr, abordable et durable, conformément au paragraphe 49 des lignes directrices. Le modèle de la gestion de la demande permettrait de réduire les déficits en capacité en période de pointe plus efficacement que les producteurs, du fait que les pertes dues au transport et à la distribution seraient réduites en même temps que la demande. Le marché de capacité polonais n’en tiendrait pas compte, mais aurait pour conséquence que les CMU de production rivalisent avec les CMU de gestion de la demande sur la base de leurs obligations de capacité. La Commission aurait dû également avoir des doutes quant au caractère approprié des pénalités, en tant que mesures d’incitation inefficaces désavantageant la gestion de la demande. En période de pointe ou de pénurie, grâce au bilan carbone négatif de la gestion de la demande, le remplacement d’une CMU de production émettant 400 kg CO2/MWh par une CMU de gestion de la demande entraînerait une réduction des émissions de CO2 de 400 kg CO2/MWh. Néanmoins, la CMU de production bénéficierait du bonus écologique, et non la CMU de gestion de la demande. Même si les CMU de gestion de la demande déplaçaient la demande vers les heures creuses, leur effet net sur le bilan carbone serait très probablement négatif, grâce à la façon dont le principe de l’ordre de mérite joue sur la répartition.

275    Tempus estime que l’appréciation exposée au paragraphe 45 de la décision attaquée est incompatible avec celle contenue dans les paragraphes 42 et 43 de ladite décision, selon laquelle le marché de capacité polonais conçoit l’aide tantôt comme une rémunération de l’obligation de fournir les capacités nécessaires, de sorte que les pénalités doivent être alignées sur le volume de capacité effectivement fourni, indépendamment des échéances des CAPEX, tantôt comme une aide à l’investissement destinée à la construction, à l’extension ou à la rénovation de (nouvelles) capacités, de sorte que les pénalités peuvent être alignées sur le non-respect des échéances de l’investissement. En revanche, selon Tempus, si le marché de capacité polonais est une forme d’aide à l’investissement, aucune aide ne devrait être octroyée sur la base du montant des investissements engagés avant que ledit marché ne soit opérationnel (voir paragraphe 44 de la décision attaquée). Elle ajoute que les autorités polonaises considèrent comme une pénalité la réduction des contrats à une durée d’un an, alors qu’il s’agit de la durée normale d’un contrat pour les capacités étrangères et pour de nombreuses CMU de gestion de la demande polonaises. Le raisonnement de la Commission serait donc entaché d’erreurs d’appréciation concernant l’effet incitatif des pénalités.

276    La Commission, soutenue par PGE, rétorque, en substance, que Tempus ne conteste pas que, par le régime de pénalités, le marché de capacité polonais encourage la disponibilité des capacités en cas de situation de tension du réseau et contribue donc à la réalisation de l’objectif d’intérêt commun. Ce régime serait défini de manière objective et sa conception ne saurait reposer sur des scénarios hypothétiques de situations de pics de consommation hautement probables dans les années à venir. Les pénalités ne viseraient qu’à garantir que les capacités de production soient disponibles au début de l’année de livraison et, en cas d’indisponibilité d’une CMU de production, les autorités polonaises auraient la possibilité de remplacer la capacité manquante lors des enchères « N-1 ». L’aide ne saurait par conséquent être qualifiée d’aide à l’investissement.

277    PGE ajoute que Tempus méconnaît que les pénalités constituent une incitation suffisante pour les opérateurs de gestion de la demande et les producteurs, voire sont plus avantageuses pour lesdits opérateurs. Elle relève que, si les opérateurs de gestion de la demande atteignent une performance de 50 à 80 % dans la procédure d’essai, tout en perdant une partie équivalente de leurs garanties, ils sont néanmoins certifiés en cas de résultat positif – avec une capacité réduite en conséquence – et l’accord de capacité reste valable. Ces opérateurs ne seraient donc pas tenus de payer une pénalité et seraient considérés comme ayant réussi la procédure d’essai. Par ailleurs, s’ils atteignent au moins 80 % de performance pendant l’essai, ils seraient rémunérés pour leur capacité totale certifiée. En revanche, les producteurs ne satisfaisant pas au taux de 95 % perdraient toute garantie et devraient payer des pénalités financières pour chaque mois non livré pour une période maximale de trois ans jusqu’à ce que la résiliation de l’accord de capacité prenne effet. Le traitement préférentiel de la gestion de la demande ressortirait également d’une comparaison avec les unités modernisées éligibles à des accords de capacité de cinq ans. Selon PGE, lorsque de telles unités ne satisfont pas à un taux d’essai de 95 %, elles voient leur contrat écourté et ne peuvent pas être certifiées avant deux ans.

278    Le régime de pénalités et celui de mise à l’essai sont décrits aux paragraphes 102 à 105 de la décision attaquée.

279    Aux termes du paragraphe 102 de la décision attaquée, notamment, le régime de pénalités vise à inciter les fournisseurs de capacités à fournir de l’énergie lorsque cela est nécessaire. Les CMU performant en dessous du seuil de performance attendu seront pénalisées, tandis que celles excédant ledit seuil recevront des paiements de capacité supplémentaires, de sorte que, à la fin de l’année de livraison, les paiements de capacité reflètent approximativement leur performance. Selon le paragraphe 103 de ladite décision, les pénalités sont les mêmes pour les CMU polonaises et étrangères.

280    Le paragraphe 104 de la décision attaquée énonce que le régime de pénalités est complété par un système de démonstration de performance pour garantir que les fournisseurs de capacités soient en mesure de fournir de l’énergie lorsque cela est nécessaire et qu’ils ne reçoivent des paiements de capacité que lorsqu’ils sont fiables. Cela serait particulièrement important pour les années de livraison sans situation de tension dans lesquelles le test de la performance des fournisseurs assure qu’ils sont capables physiquement de fournir de l’énergie conformément à leurs obligations de capacité.

281    De même, aux termes du paragraphe 45 de la décision attaquée, une CMU qui échoue à fournir les capacités requises sera exposée à des pénalités qui, en fonction de la gravité du manquement, peuvent consister en une pénalité financière, une réduction de la durée de l’accord de capacité à un an ou la résiliation complète dudit accord. Les deux dernières formes de pénalités font référence à celles prévues à l’article 46, paragraphe 3, et à l’article 47, paragraphes 1 et 2, de la loi, qui ne sont pas contestées en tant que telles par Tempus.

282    En revanche, les pénalités financières pour non ou mauvaise exécution des obligations de capacité, contestées en l’espèce, sont prévues à l’article 59, paragraphes 1 et 2, de la loi. Or, le régime de pénalités et de test de performance, tel que décrit ci-dessus, ne ressort pas directement de la loi, mais est précisé, conformément à l’article 68 de la loi, par décret du ministre de l’Énergie polonais.

283    En l’absence de dispositions spécifiques dans les lignes directrices portant sur des sanctions ou des pénalités en cas de non-respect des obligations de capacité, il convient d’apprécier le caractère approprié du système de pénalités à l’aune des critères généraux régissant l’effet incitatif du régime d’aides. Eu égard aux motifs exposés au paragraphe 102 de la décision attaquée, ne saurait prospérer l’affirmation vague de Tempus selon laquelle la Commission aurait omis d’apprécier et de motiver à suffisance si le régime de pénalités conçu pour récompenser le respect des obligations de capacité et sanctionner son non-respect produit l’effet incitatif requis. En effet, ledit régime présente un complément cohérent par rapport à l’effet incitatif lié à la durée des accords de capacité et aux paiements de capacité (voir, également, point 169 ci-dessus) en renforçant l’incitation pour les CMU de respecter les obligations de capacités dont la disponibilité est éxigée afin d’atteindre la norme de fiabilité en cause, ce que Tempus reconnaît elle-même. Il s’ensuit qu’elle n’a pas établi que le régime de pénalités ne repose pas sur une définition objective ou qu’il ne produit pas d’effet incitatif au sens du paragraphe 49 des lignes directrices, ni que la Commission aurait dû avoir des doutes à cet égard. En outre, ainsi que le relèvent la Commission et PGE, est dépourvu de pertinence l’argument peu intelligible de Tempus tiré du régime de test de performance relatif aux périodes de tension liées aux vagues de chaleur estivales survenant tous les cinq ans, ce test, comme décrit au paragraphe 104 de la décision attaquée, étant précisément destiné à assurer que les fournisseurs de capacités soient en mesure de résister à de telles tensions. De plus, Tempus ne fait que réitérer, de manière nuancée, sous l’aspect de l’effet incitatif, ses arguments relatifs à la prétendue discrimination des CMU de gestion de la demande par rapport aux CMU de production, qui ont déjà été rejetés, y compris au regard du critère d’effet incitatif (voir points 165 et suivants et 206 ci-dessus). De surcroît, dans ce contexte, Tempus a omis de contredire les arguments de PGE expliquant de manière plausible les raisons pour lesquelles le régime des pénalités ne désavantage pas les opérateurs de gestion de la demande (voir point 277 ci-dessus).

284    Par ailleurs, force est de constater que, contrairement à ce qu’avance Tempus, il n’existe aucune incohérence entre, d’une part, les points 42 et 43 et, d’autre part, le point 45 de la décision attaquée, étant entendu que les paiements de capacité sont des aides au fonctionnement rémunérant la mise à disposition de capacités et non des aides à l’investissement dans la construction de nouvelles capacités (voir point 258 ci-dessus). Son argument tiré du caractère d’aide à l’investissement doit donc, ne fût-ce que pour cette raison, être rejeté comme non fondé.

285    Dans ces circonstances, Tempus est restée en défaut de démontrer que la Commission aurait dû nourrir des doutes relatifs à l’effet incitatif du régime de pénalités, voire aurait commis des erreurs d’appréciation à cet égard.

286    Par conséquent, il convient de rejeter la quatrième sous-branche et la troisième branche dans sa totalité.

5)      Sur la quatrième branche, tirée du prétendu caractère incomplet de l’évaluation du critère de proportionnalité

287    Par la quatrième branche, en premier lieu, Tempus soutient que la Commission aurait dû douter du caractère proportionné du marché de capacité polonais, au sens du paragraphe 228 des lignes directrices. Ledit marché devrait permettre un taux de rendement raisonnable sans engendrer de profits inattendus, et la Commssion serait tenue de vérifier que les procédures d’appel d’offres répondent aux critères de clarté, de transparence et de non-discrimination. En outre, ce marché devrait être proportionné, limiter le montant de l’aide au minimum nécessaire pour résoudre le problème d’adéquation des ressources et éviter une surcompensation. À cet égard, il serait nécessaire de tenir compte du potentiel de la gestion de la demande et de l’interconnexion pour régler ce problème par le biais du marché pur de l’électricité. Toutefois, la conception du marché de capacité polonais priverait les CMU de gestion de la demande et d’autres CMU opérant sur les marchés voisins d’opportunités de participation en atténuant les signaux de prix en faveur d’une flexibilité à l’avenir. Par ailleurs, la Commission aurait dû examiner le risque d’incitations à gonfler les besoins en CAPEX dans le but d’obtenir des accords plus longs, de respecter les échéances et d’éviter les pénalités. La fixation rétroactive et arbitraire de la date de début des CAPEX serait contraire au principe de proportionnalité.

288    En second lieu, Tempus précise que le marché de capacité polonais permet aux CMU de fournir des capacités supplémentaires et de recevoir des paiements pour de telles livraisons (paragraphe 102 de la décision attaquée), de sorte que la Commission aurait dû examiner si cette possibilité pouvait conduire à une surcapacité et à une surcompensation et avoir, à tout le moins, une incidence sur le principe de « suivi de charge ». Au paragraphe 147 de la décision attaquée, la Commission indiquerait elle-même que le surapprovisionnement mène à une surcompensation et que cette situation est incompatible avec le marché intérieur. Il n’existerait donc aucune limite empêchant les CMU de fournir des capacités supplémentaires au-delà de ce qui est nécessaire pour répondre à l’épisode de tension et, d’une manière générale, aucune limite aux livraisons supplémentaires, ce qui serait, de surcroît, contraire aux principes d’effet incitatif et de proportionnalité. Enfin, Tempus relève que la décision attaquée ne se prononce pas clairement sur les questions relatives au cumul des aides et au risque de discrimination à l’égard de la capacité extérieure. À la différence des installations de cocombustion polonaises à base de sources d’énergie renouvelables et non renouvelables, les installations de cocombustion étrangères ne seraient pas autorisées à participer tant au régime d’aides SER par le biais des enchères pour ces sources renouvelables qu’au marché de capacité. Ce traitement discriminatoire des CMU de cocombustion, non explicitement visé dans la décision attaquée, n’aurait pas fait l’objet d’un examen de la part de la Commission.

289    La Commission, soutenue par PGE, rétorque avoir effectué une analyse complète de la proportionnalité conformément aux paragraphes 228 à 230 des lignes directrices (paragraphes 170 à 177 de la décision attaquée). Quant au prétendu risque de surcapacité et de surcompensation, elle précise que les capacités supplémentaires sont récompensées par une prime résultant de la redistribution des fonds constitués par les sanctions payées tout au long de l’année par les CMU en cas de défaut de fourniture de capacités. Cette prime serait calculée et versée une fois par an proportionnellement aux capacités supplémentaires fournies par chaque CMU concernée et au total des capacités supplémentaires fournies par l’ensemble des CMU. Cette prime, versée en contrepartie de la fourniture de telles capacités, correspondrait donc, au maximum, au montant des sanctions infligées pour défaut de fourniture d’électricité dans les situations de crise, de sorte qu’il n’existerait aucune possibilité de surcompensation. PGE ajoute que des livraisons supplémentaires sont mises en place pour équilibrer les CMU sous-performantes sur le marché secondaire de capacité. Ces CMU ne se verraient accorder une compensation que si la capacité requise et contractuelle est insuffisante au niveau des CMU initialement sous contrat (paragraphes 89 à 92 de la décision attaquée). Dans un tel cas, ces dernières CMU ne devraient pas payer de pénalités, mais se verraient déduire les paiements de capacité en fonction de la performance fournie par les CMU engagées par contrat ou opérant sur le marché secondaire. Il n’y aurait donc pas de surcompensation, mais plutôt une rémunération adéquate en fonction de la capacité supplémentaire disponible. En outre, la Commission estime avoir procédé à une appréciation complète en excluant le cumul des paiements de capacité avec d’autres aides au fonctionnement et à l’investissement (paragraphe 176 de la décision attaquée). S’agissant des installations de cocombustion produisant de l’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables et de combustibles fossiles, le fait que les capacités liées aux sources d’énergie non renouvelables soient éligibles n’entraînerait pas en soi un cumul des paiements de capacité. L’aide aux sources d’énergie renouvelables ne serait versée que pour cette même énergie et, dans le cas des installations de cocombustion, uniquement la capacité produite sans recours auxdites sources pourrait être admise au mécanisme de capacité. Ainsi, de tels fournisseurs de capacités devraient remettre une déclaration par laquelle ils s’engagent à ne pas combiner, pour les mêmes capacités, l’aide aux sources d’énergie renouvelables et les paiements de capacité (paragraphe 18 de la décision attaquée). Par ailleurs, les montants d’aide versés à un fournisseur de capacités dans le cadre d’autres régimes d’aides seraient déduits des paiements de capacité, de sorte qu’une duplication des aides serait exclue (paragraphe 19 de la décision attaquée).

290    Il convient de rappeler que, aux termes des paragraphes 228 à 230 des lignes directrices, sous le titre « Proportionnalité », en substance, le calcul du montant total des aides devrait engendrer un taux de rendement raisonnable pour les bénéficiaires, qui sera normalement considéré comme tel, lorsqu’il est le résultat d’une procédure de mise en concurrence fondée sur des critères clairs, transparents et non discriminatoires ciblant effectivement l’objectif défini. En outre, les mesures d’aides devraient comporter des mécanismes intégrés pour empêcher la survenue de profits inattendus. De même, il ressort, en substance, des paragraphes 69 et 70 des lignes directrices qu’une aide à l’énergie est considérée comme proportionnée si son montant par bénéficiaire se limite au minimum nécessaire pour atteindre l’objectif fixé en matière d’énergie, ce qui est normalement le cas si son montant correspond au surcoût net nécessaire pour atteindre cet objectif, par comparaison avec le scénario contrefactuel, c’est-à-dire en l’absence d’aide.

291    Il ressort du paragraphe 18 de la décision attaquée que le marché de capacité polonais exclut les fournisseurs de capacités bénéficiant d’aides au fonctionnement, par exemple au titre du régime d’aides SER, et que ces opérateurs doivent soumettre une déclaration assurant qu’ils ne combineraient pas de telles aides avec des paiements de capacité au cas où ils seraient adjudicataires dans le cadre d’une enchère de capacité [voir également paragraphe 25, sous h), de ladite décision]. En revanche, selon le paragraphe 19 de la décision attaquée, en substance, des fournisseurs de capacités qui bénéficient d’aides à l’investissement, notamment, dans le cadre du système d’échange de quotas de gaz à effet de serre de l’Union, sont autorisés à participer au marché de capacité, mais ils doivent se voir déduire le montant de ces aides des paiements de capacité afin d’éviter une surcompensation. Cet exposé de motifs correspond à la situation prévue à l’article 62, paragraphe 1, de la loi.

292    Au sujet de la proportionnalité, le paragraphe 176 de la décision attaquée précise que des dispositions spécifiques visent à régler la situation dans laquelle des fournisseurs de capacités seraient susceptibles de bénéficier tant d’aides au fonctionnement ou à l’investissement que de paiements de capacité (voir, également, paragraphes 18 et 19 de ladite décision). Le marché de capacité polonais exclurait la participation de fournisseurs de capacités bénéficiant d’aides au fonctionnement, et ces fournisseurs seraient tenus de sortir du régime d’aides au fonctionnement s’ils remportent une enchère de capacité. En revanche, les fournisseurs de capacités recevant des aides à l’investissement pourraient participer au marché de capacité polonais, mais se verraient déduire des paiements de capacité les aides à l’investissement, dont celles octroyées en vertu de l’article 10 quater, paragraphe 1, de la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, modifiant la directive 2003/87 afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (JO 2009, L 140, p. 63), de sorte que ce mécanisme empêcherait la possibilité d’une telle surcompensation en cas de cumul d’aides.

293    Dans la première partie de cette branche, Tempus se limite à réitérer essentiellement ses griefs relatifs à la prétendue discrimination des CMU de gestion de la demande, ainsi qu’au caractère inapproprié des conditions de leur participation au marché de capacité polonais, dont celle aux enchères, y compris les critères CAPEX et leur fixation prétendument rétroactive et arbitraire, qui ont déjà été rejetés comme non fondés aux points 165 et suivants et 248 et suivants ci-dessus.

294    Dès lors, cette première partie ne saurait non plus prospérer sous l’aspect de la proportionnalité et doit être rejetée.

295    S’agissant de la seconde partie relative à la prétendue surcompensation en raison des paiements de capacité supplémentaires, il ressort, certes, du paragraphe 102 de la décision attaquée que les CMU fournissant des capacités supplémentaires se voient attribuer des paiements de capacité additionnels. Cependant, même si les parties n’ont pas précisé les dispositions d’exécution pertinentes régissant ces paiements, non prévues aux articles 60 à 68 de la loi, il suffit de relever que Tempus a omis de contester, dans ses écrits, les explications détaillées que la Commission et PGE ont avancées à cet égard en cours d’instance, à savoir que, d’une part, la prime pour la fourniture de capacités supplémentaires est tant limitée que financée proportionnellement par la redistribution des fonds constitués par les pénalités payées par les CMU défaillantes et, d’autre part, cette prime est destinée à récompenser des fournitures de capacités visant à équilibrer de la sous-performance de CMU sur le marché secondaire de capacité (voir paragraphes 89 à 92 de la décision attaquée). Dans ces circonstances, Tempus n’a pas établi que les CMU actives sur le marché de capacité polonais, y compris sur son volet secondaire, seraient susceptibles d’obtenir des surcompensations, voire des profits inattendus au sens du paragraphe 230 des lignes directrices. Au contraire, à défaut de contestation circonstanciée et étayée de sa part, les dispositions de la loi régissant le calcul des paiements de capacité (articles 60 à 68), lues conjointement avec celles portant sur les enchères (articles 29 à 40), indiquent que ces paiements sont censés engendrer un taux de rendement raisonnable conformément aux paragraphes 228 et 229 des lignes directrices.

296    Par ailleurs, Tempus n’a pas non plus réussi à remettre en cause les considérations exposées aux paragraphes 18, 19 et 176 de la décision attaquée relatives à l’absence de cumul des paiements de capacité avec d’autres aides au fonctionnement et des aides à l’investissement, et ce même s’agissant des centrales de cocombustion. À cet égard, la Commission a expliqué en cours d’instance, de manière précise, les raisons pour lesquelles ces centrales ne sauraient obtenir des paiements de capacité pour la partie de l’énergie produite à base de sources renouvelables, soumises au régime d’aides SER, de sorte qu’une surcompensation est exclue, sans que ces explications aient été contestées par Tempus dans la réplique.

297    Par conséquent, Tempus n’a pas démontré que la Commission aurait dû nourrir des doutes relatifs à la proportionnalité des paiements de capacité au sens des paragraphes 228 à 230 des lignes directrices et la quatrième branche doit être rejetée comme non fondée.

6)      Sur la cinquième branche, tirée du prétendu caractère incomplet de l’évaluation du caractère limité des effets négatifs sur la concurrence et sur les échanges

298    Selon Tempus, conformément aux lignes directrices, la conception du marché de capacité polonais doit permettre la participation aux enchères d’un nombre suffisant de CMU afin d’établir un prix compétitif, mais aussi la véritable intégration des différentes technologies, notamment de la gestion de la demande et du stockage, ainsi que l’utilisation des interconnecteurs. Les barrières à l’accès des opérateurs de gestion de la demande, en particulier étrangers, et les éléments discriminatoires relevés montreraient à eux seuls qu’il n’en serait pas ainsi. À tout le moins, la Commission aurait dû examiner si le marché de capacité polonais veillait en pratique à éviter les effets négatifs injustifiés sur la concurrence et sur les échanges entre États membres, et elle aurait dû procéder à un examen approfondi de cette question. Tempus ajoute que les résultats des premières enchères, pour la livraison prévue en 2021, révèlent que la concentration du marché s’est renforcée. Il serait donc légitime de douter que la Commission ait procédé à une évaluation complète à la lumière du paragraphe 233, sous d), des lignes directrices. Tempus en conclut qu’une étude approfondie à l’aune de la section 3.9.6, et en particulier du paragraphe 232, sous a), des lignes directrices, aurait dû amener la Commission à émettre des doutes quant au caractère suffisant de l’atténuation des effets négatifs du mécanisme de capacité polonais.

299    Selon la Commission, Tempus ne formule pas d’allégation particulière à l’égard du caractère exhaustif de l’appréciation exposée aux paragraphes 178 à 185 de la décision attaquée en ce qui concerne la prévention des effets négatifs non désirés sur la concurrence et sur les échanges entre États membres. La répétition succincte des allégations produites au sujet d’autres critères de compatibilité ne suffirait pas à faire naître des doutes à cet égard. Tempus ne saurait se fonder sur les résultats des premières enchères conduites après l’adoption de la décision attaquée pour faire valoir que la Commission aurait dû avoir des doutes quant à l’appréciation des effets négatifs du régime d’aides sur la concurrence et sur les échanges entre États membres.

300    Ainsi que le font valoir la Commission et PGE, il suffit de constater que, dans le cadre de la cinquième branche, Tempus se limite à répéter essentiellement à l’aune du paragraphe 232, sous a), et du paragraphe 233, sous d), des lignes directrices, sous couvert du critère des effets négatifs sur la concurrence et sur les échanges, les mêmes griefs qu’elle avait avancés dans le cadre des deuxième, troisième et quatrième branches et qui ont déjà été rejetés.

301    Dès lors, il convient de rejeter également la cinquième branche et le premier moyen dans son ensemble.

3.      Sur le second moyen, tiré de l’insuffisance de motivation en violation de l’article 296 TFUE

302    Tempus soutient, en substance, que la Commission a manqué à son obligation de motivation au titre de l’article 296 TFUE à plusieurs égards. Elle n’aurait pas donné suffisamment d’explications de nature à fournir au Tribunal les raisons exactes l’ayant amenée à décider de ne pas soulever d’objections à l’encontre d’un mécanisme de capacité nouveau, complexe et applicable à long terme sur l’ensemble du marché de l’électricité polonais. Or, la décision d’approuver un tel mécanisme, sans ouvrir de procédure formelle d’examen, devrait être suffisamment motivée. Loin d’évoquer les principales questions de droit et de fait liées au droit applicable, de manière à permettre la compréhension de l’essentiel de son raisonnement, la décision attaquée ne mettrait en évidence aucun des points ambigus avancés dans le cadre du premier moyen.

303    La Commission, soutenue par Enel X et PGE, conclut au rejet du présent moyen.

304    À cet égard, il suffit de constater que le second moyen se limite à faire référence, de manière générale et abstraite, aux griefs de fond, tels que soulevés dans le cadre de la seconde partie du premier moyen, à l’égard desquels le Tribunal a été en mesure d’exercer son contrôle de la légalité au regard de la notion de doutes ou de difficultés sérieuses et qui ont été rejetés dans leur totalité, de sorte que le présent moyen doit être rejeté également comme non fondé.

305    Par conséquent, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

IV.    Sur les dépens

306    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, par PGE, par Enel X et par Enspirion, conformément aux conclusions de celles-ci.

307    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Dès lors, il y a lieu de décider que la République de Pologne supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Tempus Energy Germany GmbH et T Energy Sweden AB sont condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne, par PGE Polska Grupa Energetyczna S.A., par Enel X Polska z o.o. et par Enspirion sp. z o.o.

3)      La République de Pologne supportera ses propres dépens.

Collins

Kreuschitz

Steinfatt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 octobre 2021.

Signatures


Table des matières



*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.