Language of document : ECLI:EU:T:2001:282

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

7 décembre 2001(1)

«Procédure de référé - Paiement contractuel - Mesures provisoires - Urgence»

Dans l'affaire T-192/01 R,

Lior GEIE, établi à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes V. Marien et J. Choucroun, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. H. van Lier, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande visant à ce qu'il soit ordonné à la Commission de payer la somme de 68 070 euros dans le cadre du contrat Altener - Agores n° XVII/4.1030/Z/99-085, avec intérêts au taux légal belge en vigueur à compter du 23 juillet 2001, et ce dans les huit jours du prononcé de la décision à intervenir sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

Cadre juridique

1.
    Le 25 juillet 1985, le Conseil a adopté le règlement (CEE) n° 2137/85 relatif à l'institution d'un groupement européen d'intérêt économique (GEIE) (JO L 199, p. 1).

2.
    L'article 24 du règlement n° 2137/85 dispose:

«1. Les membres du groupement répondent indéfiniment et solidairement des dettes de toute nature de celui-ci. La loi nationale détermine les conséquences de cette responsabilité.

2. Jusqu'à la clôture de la liquidation du groupement, les créanciers du groupement ne peuvent poursuivre le paiement des dettes contre un membre, dans les conditions prévues au paragraphe 1, qu'après avoir demandé au groupement de payer et que si le paiement n'a pas été effectué dans un délai suffisant.»

3.
    L'article 34 du règlement n° 2137/85 prévoit que, «[s]ans préjudice de l'article 37 paragraphe 1, tout membre qui cesse de faire partie du groupement reste tenu, dans les conditions prévues à l'article 24, des dettes découlant de l'activité du groupement antérieure à la cessation de sa qualité de membre».

Faits et procédure

4.
    Le requérant a été constitué le 4 janvier 1996, avec dix membres, dont la société de droit belge Deira (ci-après la «SA Deira»). Le 7 octobre 1998, quatre nouveaux membres ont intégré le requérant.

5.
    La demande en référé concerne le contrat Altener - Agores n° XVII/4.1030/Z/99-085 (ci-après le «contrat Agores»), conclu le 19 mars 1999 entre la Commission et le requérant dans le cadre du programme Altener II institué par la décision 98/352/CE du Conseil, du 18 mai 1998, concernant un programme pluriannuel pour la promotion des sources d'énergie renouvelables dans la Communauté (Altener II) (JO L 159, p. 53). Ce contrat est relatif à la réalisation d'un site Internet, destiné à la diffusion d'informations sur les énergies renouvelables et à la promotion de ces énergies, et destiné à servir de portail vers toutes les voies d'accès aux informations concernant ces énergies.

6.
    Le contrat Agores prévoit notamment le financement à 100 % par la Commission des coûts éligibles du projet, à concurrence d'un montant de 170 175 euros. Selon ce contrat, 30 % de ces coûts sont payables dans les 60 jours de sa signature, 30 % sont payables dans les 60 jours de l'approbation par la Commission du rapport intermédiaire, et le solde est payable après réception et approbation par la Commission du rapport final et du relevé de coût final des dépenses engagées. Par ailleurs, l'article 5 du contrat Agores prévoit que le requérant doit fournir à la Commission n'importe quelle information que cette dernière pourrait réclamer concernant l'implémentation du travail. L'article 6, intitulé «Participation des tiers dans l'exécution du contrat», dispose en son point 2:

«Les projets d'accords qui prévoient la participation de tiers dans le programme de travail, en particulier sous la forme d'association ou de sous-contrat, doivent, surtout s'ils impliquent des tierces parties qui ne sont pas membres de la Communauté européenne, être notifiés par lettre recommandée à la Commission, qui peut, dans les 30 jours ouvrables de la réception de cette lettre, refuser d'approuver cette participation. Si la Commission n'agit pas dans la période ci-avant mentionnée, elle est censée avoir approuvé le projet d'accord.

À moins qu'il ne soit expressément prévu le contraire par la Commission, le contractant s'oblige à inclure dans de tels accords avec des tierces parties, toutes les stipulations nécessaires lui permettant de remplir, sans aucune exception, toutes les conditions de ce contrat. Le contractant s'assurera que les droits de la Commission qui résultent de ce contrat ne sont pas affectés de n'importe quelle manière par des contrats conclus d'après cet article.»

7.
    Par lettre du 28 décembre 1999, le requérant a adressé une «notification de sous-traitance» à la Commission. À cette notification était jointe une convention, intitulée «sous-contrat», conclue entre le requérant et Lior International, une société anonyme de droit belge constituée le 7 novembre 1999. Cette convention stipule que «[le requérant] sous-traite à [Lior International] qui accepte l'exécution des trois contrats mentionnés ci-dessus» [«LIOR E.E.I.G. subcontracts to LIOR INTERNATIONAL NV who accepts the performance of the three contracts referred here above»], parmi lesquels figure le contrat Agores. Cette convention,conclue sous condition suspensive, a été signée par Mme Deval pour le requérant et par MM. Weber et Buhlman pour Lior International.

8.
    Par lettre du 20 janvier 2000, le requérant a informé la Commission que seulement 90 % des prestations restant dues en exécution des contrats objets de la convention mentionnée au point précédent étaient cédées à Lior International et que le requérant demeurait donc le contractant de la Commission et veillerait lui-même à faire tous les rapports et autres relations avec la Commission pour ce qui concerne les 10 % des prestations restant dues.

9.
    En l'absence de réponse de la part de la Commission, le requérant a adressé à cette dernière plusieurs rappels.

10.
    Par courrier à en-tête de Lior International et daté du 19 juin 2000, un premier rapport intermédiaire se rapportant au contrat Agores et intitulé «Progress Report I» a été adressé à la Commission. Il était demandé dans ce courrier que le second paiement, dû, soit effectué auprès de Lior International, qui, selon les termes de ce courrier, avait repris toutes les activités du requérant.

11.
    Contrairement à cette demande, la Commission a payé le montant intermédiaire, soit 51 052,50 euros, non pas à Lior International, mais au requérant. Ce paiement a été effectué le 21 septembre 2000.

12.
    Un second rapport intermédiaire, intitulé «Progress Report II», a été adressé sous la même présentation à la Commission le 8 février 2001.

13.
    Par lettre du 17 mai 2001, la Commission a affirmé ne pas pouvoir accepter l'intervention de Lior International en qualité de sous-traitant ou de cocontractant dans la réalisation du contrat Agores et elle a réclamé la réception du rapport final dans les deux jours.

14.
    Le rapport final a été adressé à la Commission par lettre du 18 mai 2001. Le nom utilisé pour désigner le contractant de la Commission dans la lettre de couverture et dans le rapport lui-même était Lior. Il était cependant indiqué dans la lettre de couverture:

«6. Le contractant original reste Lior GEIE et par conséquent le solde des paiements (68 070 euros) dus pour la réalisation complète du projet doit être payé à Lior GEIE - banque DEXIA compte n° 068-22264659-27.»

15.
    Par télécopie du 27 juin 2001, faisant suite au dépôt du rapport final, la Commission a déclaré ne pas pouvoir accepter la déclaration finale des coûts aux motifs que le nom du requérant devrait y être mentionné et que cette déclaration reprenait des coûts supportés par Lior International.

16.
    Le 28 juin 2001, Mme Deval a transmis à la Commission une version corrigée de la déclaration finale des coûts, dans laquelle le nom du contractant de la Commission était celui du requérant.

17.
    Par courrier du 12 juillet 2001, la Commission a confirmé sa position en se référant, par ailleurs, au libellé de l'article 6.2 du contrat Agores (cité au point 6 ci-dessus).

18.
    Par lettre du 23 juillet 2001, le conseil du requérant a adressé une lettre de mise en demeure à la Commission.

19.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 août 2001, le requérant a formé un recours contenant un certain nombre de demandes relatives à des contrats conclus dans le cadre des programmes Thermie et Alterner II et tendant, notamment, à la condamnation de la Commission à payer certaines sommes en vertu de ces contrats et à titre de dommages et intérêts. Plus particulièrement, en ce qui concerne le contrat Agores, ce recours tend à la condamnation de la Commission à payer une somme de 68 070 euros, représentant la dernière tranche de la contribution financière de la Commission relative à ce contrat.

20.
    Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a saisi le Tribunal de la présente demande visant à ce qu'il soit ordonné à la Commission de payer la somme de 68 070 euros dans le cadre du contrat Agores, avec intérêts au taux légal belge en vigueur à compter du 23 juillet 2001, et ce dans les huit jours du prononcé de la décision à intervenir sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard.

21.
    Le 4 septembre 2001, la Commission a présenté ses observations sur la présente demande en référé.

22.
    Les parties ont été entendues en leurs explications le 17 septembre 2001. Au terme de l'audition, le juge des référés a suspendu la procédure pour un mois. La Commission a été invitée, dans ce délai, à procéder à l'examen des documents concernant le contrat Agores qui ont été déposés auprès d'elle par la partie requérante. La Commission a été de plus invitée, dans l'hypothèse où elle reconnaîtrait avoir reçu toutes les pièces requises et que ces pièces permettent de vérifier que tous les frais et dépenses correspondent effectivement au produit livré en conformité avec le contrat Agores, à faire savoir au juge des référés si le paiement du solde aura lieu et, dans l'affirmative, à quelle date. La Commission a enfin été invitée, dans l'hypothèse où elle trouverait des éléments dans le dossier qui l'empêchent de procéder au paiement du solde, à faire connaître au juge des référés la teneur de ces éléments.

23.
    Par lettre du 16 octobre 2001, la Commission a informé le juge des référés du résultat de son examen des documents qui lui ont été remis concernant le contrat Agores. La Commission a conclu que le total des dépenses qu'elle acceptaitprovisoirement à ce stade était de 49 130 euros, alors que les avances qu'elle avait payées s'élevaient à 102 105 euros.

24.
    Par télécopie du 18 octobre 2001, le requérant a présenté ses observations sur la lettre de la Commission du 16 octobre 2001. Il a informé le juge des référés qu'il souhaitait fournir de nombreux commentaires supplémentaires soit par écrit, soit lors d'une nouvelle audience.

25.
    Eu égard aux éléments du dossier, le juge des référés estime qu'il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande de mesure provisoire.

En droit

26.
    En vertu des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE et de l'article 4 de la décision 88/591/CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 319, p. 1), tel que modifié par la décision 93/350/Euratom, CECA, CEE du Conseil, du 8 juin 1993 (JO L 144, p. 21), le Tribunal peut, s'il estime que les circonstances l'exigent, ordonner le sursis à l'exécution de l'acte attaqué ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

27.
    En vertu des dispositions de l'article 104, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, une demande de sursis à l'exécution d'un acte n'est recevable que si le demandeur a attaqué cet acte dans un recours devant le Tribunal. Cette règle n'est pas une simple formalité mais présuppose que le recours au fond, sur lequel se greffe la demande en référé, puisse être examiné par le Tribunal.

28.
    L'article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal prévoit que les demandes relatives à des mesures provisoires doivent spécifier les circonstances établissant l'urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l'octroi des mesures auxquelles elles concluent. Ces conditions sont cumulatives, de sorte qu'une demande de sursis à exécution doit être rejetée dès lors que l'une d'elles fait défaut (ordonnance du président du Tribunal du 10 février 1999, Willeme/Commission, T-211/98 R, RecFP p. I-A-15 et II-57, point 18). Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 29 juin 1999, Italie/Commission, C-107/99 R, Rec. p. I-4011, point 59).

29.
    En l'espèce, le juge des référés estime opportun d'examiner d'abord si les conditions relatives à l'urgence et à la mise en balance des intérêts sont remplies.

Arguments des parties

30.
    Le requérant fait valoir qu'il se trouve dans une situation susceptible de mettre son existence en péril, et que les documents qu'il a fournis au juge des référés fondent la perspective prochaine d'un dommage grave et irréparable.

31.
    Les dettes du requérant envers ses fournisseurs s'élèveraient au 15 juillet 2001 à un total de 158 021 euros. Deux de ces fournisseurs feraient l'objet d'un plan judiciaire d'apurement dans le cadre duquel le défaut de paiement des échéances rendrait le solde des dettes immédiatement exigible.

32.
    À défaut de respect scrupuleux des échéances, les créanciers du requérant ne manqueraient pas de procéder à l'exécution forcée des titres exécutoires déjà en leur possession. Or, les échéances de juillet 2001 n'ayant pu être respectées, les créanciers concernés auraient menacé de transmettre les jugements obtenus à un huissier pour recouvrement forcé du solde dû et des frais de procédure.

33.
    Si deux jugements auraient permis d'aboutir à un accord judiciaire, les nombreux autres créanciers non satisfaits à ce jour ne manqueraient pas d'exiger le paiement de leur dû dans un futur proche.

34.
    Les liquidités actuelles du requérant seraient, par ailleurs, inexistantes, ses comptes bancaires présentant soit un solde positif très faible, de 56,10 euros sur un compte au 17 juillet 2001, soit un solde négatif, de 42,94 euros sur un autre compte au 10 juillet 2001.

35.
    Le requérant soutient par ailleurs que le droit pour les justiciables d'obtenir, dans le cadre d'une procédure en référé, une condamnation au paiement de sommes à titre de provision, et ce même pour un montant correspondant à celui de la demande au principal, a été admis dans l'ordonnance du président de la Cour du 29 janvier 1997, Antonissen/Conseil et Commission [C-393/96 P(R), Rec. p. I-441.

36.
    Le requérant fait valoir qu'il a été jugé que le préjudice d'une association d'entreprises peut être apprécié en prenant en compte la situation financière de ses membres lorsque les intérêts objectifs de cette association ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des entreprises qui y adhèrent [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C-268/96 P(R), Rec. p. I-4971, points 35 à 38]. À cet égard, le requérant aurait fourni un certain nombre d'éléments concernant la situation financière de la SA Deira, société qui posséderait 60 % des parts du requérant. Ces éléments permettraient d'établir que le membre majoritaire du requérant ne posséderait pas les ressources suffisantes pour sauvegarder les intérêts de ce dernier. La SA Deira connaîtrait en effet déjà de graves problèmes.

37.
    En outre, la décision de la Commission de suspendre le paiement du solde de 68 070 euros, paiement que le requérant escomptait au plus tard au mois de juillet 2001 compte tenu de la finalisation du site Internet et de la production desrapports technique et financier finaux, mettrait le requérant dans une situation financière extrêmement difficile et précaire.

38.
    Le requérant souligne que même si ses membres répondent indéfiniment et solidairement des dettes contractées en commun, plusieurs d'entre eux - pour la plupart établis à l'étranger - auraient cessé de s'intéresser au projet. Les membres du requérant, au nombre de quatorze, ne seraient plus que cinq. De plus, la requérante n'aurait plus aucune activité.

39.
    Le principal membre du requérant, la SA Deira, serait sans cesse sollicité par les créanciers du requérant, celle-ci ne pouvant plus faire face de manière normale à ses engagements financiers. Le requérant soutient que, dans ces conditions, le refus de la mesure provisoire sollicitée aura non seulement pour conséquence la disparition du requérant, mais risquera également d'entraîner celle de la SA Deira, laquelle société ne sera plus en mesure de faire face aux dettes du requérant dont elle supportera la charge compte tenu de la solidarité incombant aux membres d'un GEIE, et risquera enfin de faire tout perdre aux personnes physiques qui se sont engagées pour lancer et maintenir cette société en vie.

40.
    Le requérant souligne, enfin, que le paiement en temps utile des sommes dues par la Commission aurait permis au requérant de payer, notamment, des acomptes sur le montant des condamnations prononcées contre lui, au fur et à mesure, et aurait permis d'éviter la situation actuelle de menace d'exécution forcée des jugements.

41.
    La Commission observe, s'agissant de la condition de l'urgence et, en particulier, du caractère irréparable d'un préjudice d'ordre financier, qu'il y a lieu de rappeler le caractère exceptionnel de l'octroi de mesures provisoires en de telles circonstances (ordonnance du président du Tribunal du 30 juin 1999, Pfizer Animal Health/Conseil, T-13/99 R, Rec. p. II-1961, points 137 et 138). Ce caractère exceptionnel de l'octroi de mesures provisoires serait renforcé en l'occurrence par la circonstance que la mesure sollicitée se confondrait pour partie avec l'objet de la requête au principal. La mesure provisoire ne serait en effet rien d'autre que l'exécution par la Commission, selon la thèse de la partie requérante, de ses obligations contractuelles. Compte tenu de cette circonstance, le caractère d'urgence normalement requis pour l'octroi de mesures provisoires devrait être, aux termes de la jurisprudence précitée, «incontestable».

42.
    S'agissant des difficultés de paiement de ses dettes alléguée par le requérant, la Commission rappelle que, d'une part, ainsi qu'il ressort, notamment, de l'ordonnance Pfizer Animal Health/Conseil, précitée (point 136), seuls les dommages irréparables qui seraient causés au requérant peuvent être pris en considération dans le cadre de l'examen de la condition relative à l'urgence et que, d'autre part, s'agissant de l'atteinte à la viabilité financière du requérant, il y aurait lieu de tenir compte des possibilités que peut offrir la structure dans laquelle le requérant s'insère et, en particulier, des ressources dont disposent les membres du requérant. À cet égard, la Commission souligne l'importance des articles 24 et 34du règlement n° 2137/85, l'article 24 disposant notamment que «[l]es membres du groupement répondent indéfiniment et solidairement des dettes de toute nature de celui-ci».

43.
    Dans ce contexte, la partie requérante ne pourrait être considérée comme ayant démontré, de façon incontestable, se trouver dans une situation susceptible de mettre en péril son existence sans qu'il existe de possibilités de recours ou de remède en ce qui la concerne.

44.
    Le requérant ferait certes état de diverses pressions et menaces de la part de certains créanciers qui pourraient déboucher sur des procédures d'exécution forcée. Il conviendrait toutefois de rapprocher cette situation des possibilités de recours existant à l'encontre de l'ensemble des membres du requérant, quelle que soit leur résidence et y compris à l'encontre de ceux ayant déjà formellement quitté le requérant. Cette appréciation comptable globale n'aurait pas été effectuée.

45.
    Quant à la mise en balance des intérêts, la Commission souligne que l'octroi de la mesure sollicitée risquerait, dans l'hypothèse où la demande au principal serait rejetée, de créer une situation inverse au détriment des fonds communautaires.

46.
    La Commission ajoute à cet égard qu'elle rencontre des difficultés avec le requérant non seulement à propos du contrat Agores, mais également à propos d'autres contrats, conclus dans le cadre du programme Thermie. Les problèmes soulevés seraient, en partie, communs à plusieurs contrats. Le fait d'accorder des mesures provisoires en relation avec l'un des contrats seulement aurait pour effet de créer un déséquilibre par rapport aux solutions qui pourraient être apportées aux autres contrats.

47.
    De plus, la Commission aurait adressé au requérant, dans le cadre de ces contrats conclus dans le cadre du programme Thermie, deux ordres de recouvrement, pour un montant de 72 000 euros. Si ces ordres de recouvrement n'étaient pas honorés, l'octroi de la mesure sollicitée créerait, en cas de rejet du recours au principal, un double désavantage financier au détriment de la Commission, l'un au titre du contrat Agores, l'autre au titre des contrats conclus dans le cadre du programme Thermie.

Appréciation du juge des référés

48.
    En ce qui concerne la condition relative à l'urgence, il ressort d'une jurisprudence constante que le caractère urgent d'une demande en référé doit s'apprécier par rapport à la nécessité qu'il y a de statuer provisoirement, afin d'éviter qu'un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. C'est à cette dernière qu'il appartient d'apporter la preuve qu'elle ne saurait attendre l'issue de la procédure au principal, sans avoir à subir un préjudice de cette nature (ordonnances du président du Tribunal du 15 juillet 1998,Prayon-Rupel/Commission, T-73/98 R, Rec. p. II-2769, point 36, et du 20 juillet 2000, Esedra/Commission, T-169/00 R, Rec. p. II-2951, point 43; ordonnance du président de la Cour du 12 octobre 2000, Grèce/Commission, C-278/00 R, Rec. p. I-8787, point 14).

49.
    S'il est exact que, pour établir l'existence d'un tel dommage, il n'est pas nécessaire d'exiger que la survenance du préjudice soit établie avec une certitude absolue et qu'il suffit que celui-ci soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant, il n'en reste pas moins que le requérant demeure tenu de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d'un dommage grave et irréparable [ordonnances du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C-335/99 P(R), Rec. p. I-8705, point 67, du 25 juillet 2000, Pays-Bas/Conseil et Parlement, C-377/98 R, Rec. p. I-6229, point 51, et Grèce/Commission, précitée, point 15].

50.
    En l'espèce, le préjudice invoqué par le requérant est d'ordre financier. À cet égard, il convient de relever que, comme l'a fait valoir la Commission, selon une jurisprudence bien établie, un tel préjudice ne peut, en principe, être regardé comme irréparable, ou même difficilement réparable, dès lors qu'il peut faire l'objet d'une compensation financière ultérieure (ordonnances du président de la Cour du 18 octobre 1991, Abertal e.a./Commission, C-213/91 R, Rec. p. I-5109, point 24, et du président du Tribunal du 30 juin 1999, Alpharma/Conseil, T-70/99 R, Rec. p. II-2027, point 128).

51.
    En application de ces principes, la mesure provisoire demandée ne se justifierait, dans les circonstances de l'espèce, que s'il apparaissait que, en l'absence d'une telle mesure, le requérant se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence.

52.
    À cet égard, il convient de rappeler que les dettes du requérant envers ses fournisseurs s'élevaient à 158 021 euros au 15 juillet 2001, et que les liquidités actuelles du requérant sont, pour ainsi dire, inexistantes. Comme il ressort d'une déclaration du 10 août 2001 émanant de l'expert comptable du requérant et produite par celui-ci, le paiement de 68 070 euros demandé en l'espèce ne permettrait pas au requérant de faire face à ses obligations. Par ailleurs, compte tenu du fait que le requérant n'a plus aucune activité, l'intérêt de celui-ci à obtenir la mesure provisoire demandée ne semble, donc, revêtir qu'un caractère indirect et coïncider en fait avec un intérêt de ses membres à voir ses dettes réduites, dans la mesure où ceux-ci répondent indéfiniment et solidairement de telles dettes.

53.
    Or, comme l'a fait valoir la Commission, il ressort d'une jurisprudence constante que seuls les dommages susceptibles d'être causés au requérant peuvent être pris en considération dans le cadre de l'examen de la condition relative à l'urgence (ordonnance Pfizer Animal Health/Conseil, précitée, point 136).

54.
    En outre, il importe de rappeler que, dans le cadre de l'examen de la viabilité financière du requérant, l'appréciation de sa situation matérielle peut être effectuéeen prenant notamment en considération les caractéristiques du groupe auquel il se rattache par son actionnariat [ordonnances du président de la Cour du 7 mars 1995, Transacciones Marítimas e.a./Commission, C-12/95 P, Rec. p. I-467, point 12; du président du Tribunal du 4 juin 1996, SCK et FNK/Commission, T-18/96 R, Rec. p. II-407, point 35; du 10 décembre 1997, Camar/Commission et Conseil, T-260/97 R, Rec. p. II-2357, point 50; du président de la Cour du 15 avril 1998, Camar/Commission et Conseil, C-43/98 P(R), Rec. p. I-1815, point 36, et Pfizer Animal Health/Conseil, précitée, point 155, confirmée par ordonnance du président de la Cour du 18 novembre 1999, Pfizer Animal Health e.a./Conseil, C-329/99 P(R), Rec. p. I-8343, point 67].

55.
    Cette approche repose sur l'idée que les intérêts objectifs de l'entreprise concernée ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des personnes, physiques ou morales, qui la contrôlent et que le caractère grave et irréparable du dommage allégué doit donc être apprécié au niveau du groupe que ces personnes composent. Cette coïncidence des intérêts justifie en particulier que l'intérêt de l'entreprise concernée à survivre ne soit pas apprécié indépendamment de l'intérêt que ceux qui la contrôlent portent à sa pérennité (ordonnance du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Le Canne/Commission, T-241/00 R, Rec. p. II-37, point 40).

56.
    Dès lors, de la même manière que le préjudice d'une association d'entreprises peut être apprécié en prenant en compte la situation financière de ses membres lorsque les intérêts objectifs de cette association ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des entreprises qui y adhèrent (voir ordonnance du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, précitée, points 35 à 38), il convient, en l'espèce, de tenir compte de la situation financière des membres du requérant.

57.
    À cet égard, le requérant s'est borné à fournir des informations sur la situation de son membre principal, la SA Deira, et n'a pas fourni le moindre élément concernant la situation financière de ses autres membres permettant d'apprécier concrètement s'ils possèdent des ressources suffisantes pour sauvegarder ses intérêts.

58.
    Il découle de ce qui précède que le requérant n'est pas parvenu à établir que la condition relative à l'urgence est remplie. Le rejet du recours se justifie pour ce seul motif.

59.
    En tout état de cause, il convient de constater que, quand bien même la preuve de l'urgence serait rapportée, l'octroi de la mesure provisoire sollicitée ne se justifierait pas au regard de la mise en balance des intérêts des parties.

60.
    Il ressort à cet égard de la déclaration de l'expert-comptable du requérant, mentionnée au point 52 ci-dessus, que même si la prétendue dette de la Commission envers le requérant, chiffrée par l'expert à 144 570 euros, était payée,cela ne permettrait pas au requérant de régler toutes ses dettes envers ses fournisseurs. Cette déclaration indique, également, que depuis le 30 novembre 1999 le requérant n'a plus aucune activité et présente une situation comptable négative. Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que même le paiement de la somme de 68 070 euros demandé en l'espèce par le requérant ne permettrait pas à celui-ci de faire face à ses obligations. Il est, dès lors, vraisemblable qu'il ne serait pas en mesure de restituer cette somme à la Commission au cas où le recours au principal serait rejeté.

61.
    L'incertitude quant à la possibilité de recouvrer cette somme serait d'autant plus grande que la Commission, qui n'est qu'un tiers au groupement que constitue le requérant, serait moins bien placée que celui-ci pour disposer des informations permettant le moment venu de mettre en jeu efficacement la solidarité financière des membres de ce groupement prévue à l'article 24 du règlement n° 2137/95.

62.
    Compte tenu de ces éléments, le risque que le paiement de la somme demandée en référé se révèle irréversible et qu'ainsi l'octroi de la mesure provisoire prive d'effet la décision au principal justifierait, au regard de la mise en balance des intérêts, le rejet de la présente demande.

63.
    En conséquence, la demande en référé doit être rejetée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si la condition relative au fumus boni juris est remplie.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne:

1)    La demande en référé est rejetée.

2)    Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 7 décembre 2001.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: le français.