Language of document : ECLI:EU:T:2013:457

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

16 septembre 2013 (*)

« Concurrence – Ententes – Marchés belge, allemand, français, italien, néerlandais et autrichien des installations sanitaires pour salles de bains – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE – Coordination des hausses de prix et échange d’informations commerciales sensibles – Durée de l’infraction – Droits de la défense – Accès au dossier – Imputabilité du comportement infractionnel »

Dans les affaires jointes T‑379/10 et T‑381/10,

Keramag Keramische Werke AG, établie à Ratingen (Allemagne),

Koralle Sanitärprodukte GmbH, établie à Vlotho (Allemagne),

Koninklijke Sphinx BV, établie à Maastricht (Pays-Bas),

Allia SAS, établie à Avon (France),

Produits Céramique de Touraine SA, établie à Selles-sur-Cher (France),

Pozzi Ginori SpA, établie à Milan (Italie),

parties requérantes dans l’affaire T‑379/10,

Sanitec Europe Oy, établie à Helsinki (Finlande),

partie requérante dans l’affaire T‑381/10,

représentées par MM. J. Killick, barrister, I. Reynolds, solicitor, et Mes P. Lindfelt et K. Struckmann, avocats,

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre et F. Ronkes Agerbeek, en qualité d’agents, assistés de M. B. Kennelly, barrister,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation partielle de la décision C (2010) 4185 final de la Commission, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains), et, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes dans cette décision,


LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe (rapporteur) et M. M. van der Woude, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 mai 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par la décision C (2010) 4185 final, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains) ( ci-après la « décision attaquée »), la Commission européenne a constaté l’existence d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains. Cette infraction, à laquelle 17 entreprises auraient participé, se serait déroulée au cours de différentes périodes comprises entre le 16 octobre 1992 et le 9 novembre 2004 et aurait pris la forme d’un ensemble d’accords anticoncurrentiels ou de pratiques concertées sur les territoires de la Belgique, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, des Pays-Bas et de l’Autriche (considérants 2 et 3 et article 1er de la décision attaquée ).

2        Plus précisément, la Commission a indiqué, dans la décision attaquée, que l’infraction constatée consistait, premièrement et principalement, en la coordination, par lesdits fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains, des hausses de prix annuelles et d’autres éléments de tarification, dans le cadre de réunions régulières au sein d’associations nationales professionnelles, deuxièmement, en la fixation ou la coordination des prix à l’occasion d’événements spécifiques tels que l’augmentation du coût des matières premières, l’introduction de l’euro ainsi que l’instauration de péages routiers et, troisièmement, en la divulgation et l’échange d’informations commerciales sensibles. En outre, la Commission a constaté que la fixation des prix dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains suivait un cycle annuel. Dans ce cadre, les fabricants fixaient leurs barèmes de prix, qui restaient généralement en vigueur pendant un an et servaient de base aux relations commerciales avec les grossistes (considérants 152 à 163 de la décision attaquée).

3        Les produits concernés par l’entente sont les installations sanitaires pour salles de bains faisant partie de l’un des trois sous-groupes de produits suivants : les articles de robinetterie, les enceintes de douche et accessoires ainsi que les articles en céramique (ci-après les « trois sous-groupes de produits ») (considérants 5 et 6 de la décision attaquée).

4        Les requérantes dans l’affaire T‑379/10, qui figurent parmi les destinataires de la décision attaquée, fabriquaient, s’agissant, d’une part, de Keramag Keramische Werke AG (ci-après « Keramag »), de Koninklijke Sphinx BV (ci-après « Sphinx »), d’Allia SAS, de Produits Céramique de Touraine SA (ci-après « PCT ») et de Pozzi Ginori SpA, des articles en céramique et, d’autre part, de Koralle Sanitärprodukte GmbH (ci-après « Koralle »), des enceintes de douche. À l’époque des faits reprochés, les requérantes dans l’affaire T‑379/10 étaient toutes des filiales de Sanitec Europe Oy, requérante dans l’affaire T‑381/10, qui est également destinataire de la décision attaquée. Dans la décision attaquée, la Commission a collectivement désigné sous le nom de « Sanitec » (ci-après le « groupe Sanitec »), les sociétés Sanitec Europe, Allia et ses filiales, Keramag et ses filiales, Sphinx et Pozzi Ginori. Tout au long de leur participation à l’infraction qui leur est reprochée, les filiales de Sanitec Europe étaient membres des associations nationales professionnelles de fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains suivantes : le Vitreous China-group, en Belgique, l’IndustrieForum Sanitär (anciennement DSI) (ci-après l’« IFS »), l’Arbeitskreis Baden und Duschen (ci-après l’« ABD) et le Fachverband Sanitärkeramische Industrie (ci-après le « FSKI »), en Allemagne, l’Association française des industries de céramique sanitaire (AFICS), en France, l’association multiproduits Michelangelo, en Italie, la Sanitair Fabrikanten Platform (ci-après la « SFP ») et la Stichting Verwarming en Sanitair (ci-après la « SVS »), aux Pays-Bas, et l’Arbeitskreis Sanitärindustrie (ci-après l’« ASI »), en Autriche.

5        Le 15 juillet 2004, Masco Corp. et ses filiales, parmi lesquelles Hansgrohe AG, qui fabrique des articles de robinetterie, et Hüppe GmbH, qui fabrique des enceintes de douche, ont informé la Commission de l’existence d’une entente dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains et ont demandé à bénéficier de l’immunité d’amendes au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci‑après la « communication sur la coopération de 2002 ») ou, à défaut, d’une réduction du montant de ces amendes. Le 2 mars 2005, la Commission a adopté une décision conditionnelle d’immunité d’amende au profit de Masco, conformément au paragraphe 8, sous a), et au paragraphe 15 de la communication sur la coopération de 2002 (considérants 126 à 128 de la décision attaquée).

6        Les 9 et 10 novembre 2004, la Commission a, en application de l’article 20, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), procédé à des inspections inopinées dans les locaux de plusieurs sociétés et associations nationales professionnelles opérant dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains (considérant 129 de la décision attaquée).

7        Les 15 et 19 novembre 2004, Grohe Beteiligungs GmbH et ses filiales ainsi qu’American Standard Inc. (ci-après « Ideal Standard ») et ses filiales ont, respectivement, sollicité l’immunité d’amendes au titre de la communication sur la coopération de 2002 ou, à défaut, la réduction de leur montant (considérants 131 et 132 de la décision attaquée).

8        Entre le 15 novembre 2005 et le 16 mai 2006, la Commission a adressé des demandes de renseignements, conformément à l’article 18 du règlement n° 1/2003, à plusieurs sociétés et associations opérant dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains, y compris à certaines des requérantes dans l’affaire T‑379/10 (considérant 133 de la décision attaquée).

9        Les 17, 19 et 20 janvier 2006, Roca SARL, Hansa Metallwerke AG (ci-après « Hansa ») et ses filiales ainsi que Aloys F. Dornbracht GmbH & Co. KG Armaturenfabrik (ci-après « Dornbracht ») ont respectivement demandé à bénéficier de l’immunité d’amendes au titre de la communication sur la coopération de 2002 ou, à défaut, de la réduction de leur montant (considérants 135 à 138 de la décision attaquée).

10      Le 26 mars 2007, la Commission a adopté une communication des griefs, laquelle a été notifiée aux requérantes (considérant 139 de la décision attaquée).

11      Du 12 au 14 novembre 2007, une audition a été tenue, à laquelle la requérante dans l’affaire T‑381/10 a participé (considérant 143 de la décision attaquée).

12      Le 9 juillet 2009, la Commission a envoyé à plusieurs sociétés, parmi lesquelles certaines des requérantes dans l’affaire T‑379/10 et la requérante dans l’affaire T‑381/10, une lettre d’exposé des faits, attirant leur attention sur certaines preuves sur lesquelles la Commission envisageait de se fonder dans le cadre de l’adoption d’une décision finale (considérants 147 et 148 de la décision attaquée).

13      Entre le 19 juin 2009 et le 8 mars 2010, la Commission a adressé à plusieurs sociétés, parmi lesquelles certaines des requérantes dans l’affaire T‑379/10 et la requérante dans l’affaire T‑381/10, des demandes d’information supplémentaires, conformément à l’article 18 du règlement n° 1/2003 (considérants 149 à 151 de la décision attaquée).

14      Le 23 juin 2010, la Commission a adopté la décision attaquée.

15      Dans la décision attaquée, en premier lieu, la Commission a considéré que les pratiques décrites au point 2 ci-dessus faisaient partie d’un plan global visant à restreindre la concurrence entre les destinataires de ladite décision et présentaient les caractéristiques d’une infraction unique et continue, dont le champ d’application couvrait les trois sous-groupes de produits et s’étendait au territoire de la Belgique, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, des Pays-Bas et de l’Autriche (ci-après l’« infraction constatée ») (considérants 778 et 793 de la décision attaquée). À cet égard, elle a notamment souligné le fait que lesdites pratiques avaient été conformes à un modèle récurrent qui s’était avéré être le même dans les six États membres couverts par l’enquête de la Commission (considérants 778 et 793 de la décision attaquée). Elle a également relevé l’existence d’associations nationales professionnelles concernant l’ensemble des trois sous-groupes de produits, qu’elle a nommées « organismes de coordination », d’associations nationales professionnelles comprenant des membres actifs dans aux moins deux des trois sous-groupes de produits, qu’elle a nommées « associations multiproduits », ainsi que des associations spécialisées comprenant des membres actifs dans un des trois sous-groupes de produits (considérants 796 et 798 de la décision attaquée). Enfin, elle a constaté la présence d’un groupe central d’entreprises ayant participé à l’entente dans différents États membres et dans le cadre d’organismes de coordination et d’associations multiproduits (considérants 796 et 797 de la décision attaquée).

16      S’agissant de la participation des requérantes dans l’affaire T‑379/10 et de la requérante dans l’affaire T‑381/10 (ci-après les « requérantes » ou le « groupe Sanitec ») à l’infraction constatée, la Commission a considéré que, Sanitec Europe ayant participé, par l’intermédiaire de ses filiales nationales, durant la période d’infraction qui leur est reprochée, aux réunions collusoires des organismes de coordination IFS, ASI, SFP et SVS ainsi qu’aux réunions de l’association multiproduits Michelangelo, organismes et association dont d’autres membres étaient actifs dans plusieurs États membres concernés par la décision attaquée, le groupe Sanitec faisait partie du groupe central d’entreprises et était conscient (ou aurait dû raisonnablement être conscient) que l’infraction constatée, d’une part, concernait au moins les trois sous-groupes de produits et, d’autre part, avait une portée géographique étendue, dans la mesure où elle couvrait le territoire de six États membres (considérants 797, 852 et 853 de la décision attaquée).

17      En second lieu, aux fins de fixer le montant de l’amende infligée à chaque entreprise, la Commission s’est fondée sur les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement nº 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 ») (considérant 1184 de la décision attaquée).

18      Dans un premier temps, la Commission a déterminé le montant de base de l’amende. Pour ce faire, elle a précisé, dans la décision attaquée, que ledit calcul était fondé, pour chaque entreprise, sur ses ventes par État membre, multipliées par le nombre d’années de participation à l’infraction constatée dans chaque État membre et pour le sous-groupe de produits concerné, de sorte qu’il soit tenu compte de ce que certaines entreprises exercent leurs activités uniquement dans certains États membres ou uniquement dans un des trois sous-groupes de produits (considérant 1197 de la décision attaquée).

19      Cette précision apportée, la Commission a fixé à 15 % le coefficient lié à la gravité de l’infraction constatée, au sens des paragraphes 20 à 23 des lignes directrices de 2006. À ce titre, elle a tenu compte de quatre critères d’appréciation de ladite infraction, à savoir la nature, les parts de marché combinées, la portée géographique et la mise en œuvre ( considérants 1210 à 1220 de la décision attaquée).

20      En outre, la Commission a fixé le coefficient à appliquer, au titre de la durée de l’infraction constatée, au montant de base déterminé pour le groupe Sanitec, sur le fondement des dispositions du paragraphe 24 des lignes directrices de 2006, à 4,33 pour Keramag et pour l’Allemagne, correspondant à une participation à l’infraction de quatre années et quatre mois, à 10 pour Keramag et pour l’Autriche, correspondant à une participation à l’infraction de dix années, à 3 pour Keramag et pour la Belgique, correspondant à une participation à l’infraction de trois années, à 8,75 pour Koralle, correspondant à une participation à l’infraction de huit années et dix mois, à 3 pour Sphinx et pour la Belgique, correspondant à une participation à l’infraction de trois années, à 0,66 pour Allia et pour la France, correspondant à une participation à l’infraction de huit mois, à 0,66 pour PCT et pour la France, correspondant à une participation à l’infraction de huit mois, et à 5,33 pour PozziGinori, correspondant à une participation à l’infraction de cinq années et quatre mois (considérant 1223 de la décision attaquée).

21      Enfin, la Commission a, sur le fondement des dispositions du paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, afin de dissuader les entreprises en cause de participer à des accords horizontaux de fixation de prix semblables aux accords faisant l’objet de la décision attaquée et au regard des quatre critères d’appréciation visés au point 19 ci-dessus, décidé d’augmenter le montant de base de l’amende en appliquant un montant additionnel de 15 % (considérants 1224 et 1225 de la décision attaquée).

22      Il en est résulté un montant de base s’élevant à 59 770 000 euros pour Keramag, dont 56 000 000 euros pour l’Allemagne, 1 900 000 euros pour l’Autriche et 1 870 000 euros pour la Belgique, 20 000 000 euros pour Koralle, dont 12 000 000 euros pour lesquels Sanitec Europe était tenue solidairement responsable, 3 200 000 euros pour Sphinx, 10 500 000 euros pour Allia, 5 800 000 euros pour PCT et 33 000 000 euros pour Pozzi Ginori (considérant 1226 de la décision attaquée).

23      Dans un deuxième temps, la Commission a examiné l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes susceptibles de justifier un ajustement du montant de base. Elle n’a retenu aucune circonstance aggravante ou atténuante à l’égard des requérantes (considérants 1227 à 1260 de la décision attaquée).

24      Dans un troisième temps, la Commission a fait application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 (ci-après le « plafond de 10 % »). Le montant de l’amende imposée au groupe Sanitec après application dudit plafond était de 57 690 000 euros (considérants 1261 et 1264 de la décision attaquée).

25      Eu égard à ce qui précède, le dispositif de la décision attaquée a été formulé de la façon suivante :

« Article premier

(1) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 [TFUE] et, à partir du 1er janvier 1994, l’article 53 de l’accord EEE en participant, pendant les périodes indiquées, à un accord continu ou à des pratiques concertées dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains sur les territoires de l’Allemagne, de l’Autriche, de l’Italie, de la France, de la Belgique et des Pays-Bas :

[…]

6.      [Sanitec Europe], du 12 octobre 1994 au 9 novembre 2004, [Allia], du 25 février 2004 au 9 novembre 2004, [PCT], du 25 février 2004 au 9 novembre 2004, [Keramag], du 12 octobre 1994 au 9 novembre 2004, [Sphinx], du 28 septembre 1994 au 31 décembre 1999, [Koralle], du 24 janvier 1996 au 9 novembre 2004, [Pozzi      Ginori], du 14 mai 1996 au 14 septembre 2001.

[…]

Article 2

Pour l’infraction visée à l’article [1er], les amendes suivantes sont infligées :

[…]

7.

a)

EUR 9 873 060

À [Sanitec Europe]

 

b)

EUR 26 068 884

[…] solidairement à [Keramag] et [à Sanitec Europe]

 

c)

EUR 1 395 690

[…] solidairement à [Sphinx] et [à Sanitec Europe]

 

d)

EUR 4 579 610

[…] solidairement à [Allia] et [à Sanitec Europe]

 

e)

EUR 2 529 689

[…] solidairement à [PCT], [Allia] et [à Sanitec Europe]

 

f)

EUR 4 520 000

[…] solidairement à [Pozzi Ginori] et [à Sanitec Europe]

 

g)

EUR 5 233 840

[…] solidairement à [Koralle] et [à Sanitec Europe]

 

h)

EUR 3 489 227

À [Koralle]

[…]

Article 3

Les entreprises visées à l’article [1er] mettent immédiatement fin à l’infraction visée audit article, si elles ne l’ont pas encore fait.

Elles s’abstiennent dorénavant de tout acte ou comportement tels que ceux décrits à l’article [1er], ainsi que de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire.

[…] »

26      L’article 4 de la décision attaquée a énuméré les destinataires de la décision attaquée, dont les requérantes.

 Procédure et conclusions des parties

27      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 8 septembre 2010, les requérantes ont introduit les présents recours dans les affaires T‑379/10 et T‑381/10.

28      Par ordonnance du 16 décembre 2010, le président de la quatrième chambre du Tribunal a ordonné la jonction des affaires aux fins de la procédure écrite.

29      Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 23 mars 2012, les affaires T‑379/10 et T‑381/10 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

30      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé des questions écrites aux requérantes et à la Commission. Celles-ci ont respectivement répondu à ces questions, dans le délai imparti, par lettres du 12 avril et du 19 avril 2012.

31      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 22 mai 2012.

32      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, en totalité ou en partie ;

–        dire pour droit qu’elles ne sont pas responsables des activités anticoncurrentielles dans le secteur de la robinetterie et annuler la décision attaquée à cet égard ;

–        à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens ;

–        prendre toute ordonnance qui serait appropriée dans les circonstances de l’espèce.

33      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

34      À titre liminaire, il convient de rappeler que le contrôle juridictionnel exercé par le juge de l’Union européenne, s’agissant des décisions adoptées par la Commission afin de sanctionner les infractions au droit de la concurrence, repose sur le contrôle de légalité, prévu à l’article 263 TFUE, qui est complété, lorsqu’il est saisi d’une demande en ce sens, par une compétence de pleine juridiction, reconnue audit juge en vertu de l’article 31 du règlement n° 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, non encore publié au Recueil, points 53, 63 et 64). Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, le cas échéant, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou l’astreinte infligée (voir arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, KME e.a./Commission, C‑272/09 P, non encore publié au Recueil, point 103, et la jurisprudence citée ; voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06, non encore publié au Recueil, point 265).

35      En l’espèce, en premier lieu, les requérantes ont, par les premier et troisième chefs de conclusions de leurs recours respectifs, saisi le Tribunal de deux demandes tendant, d’une part, à titre principal, à ce que la décision attaquée soit annulée en totalité ou en partie et, d’autre part, à titre subsidiaire, à ce que le montant de l’amende qui leur a été infligée soit réduit.

36      À l’appui de leur recours, les requérantes dans l’affaire T‑379/10 soulèvent sept moyens. La requérante dans l’affaire T‑381/10 en soulève neuf. Dans la mesure où les sept moyens invoqués dans la première affaire sont, en substance, identiques aux cinq premiers moyens et aux huitième et neuvième moyens de la seconde affaire, il y a lieu de les examiner ensemble, et ce en reprenant leur numérotation figurant dans cette dernière. Les sixième et septième moyens invoqués dans l’affaire T‑381/10 et propres à celle-ci portent, en substance, d’une part, sur l’imposition directe et individuelle d’une amende à Sanitec Europe et, d’autre part, sur le fait que la Commission a tenu cette dernière pour responsable des actes de sa filiale Keramag.

37      Ensuite, au regard de cette première constatation et sur la base de la numérotation des moyens soulevés dans l’affaire T‑381/10, il convient certes de relever que les requérantes ont soulevé lesdits moyens, sans veiller à préciser lequel des premier et troisième chefs de conclusions ils fondent. Toutefois, il y a lieu de considérer que les sept premiers moyens sont soulevés au soutien de la demande d’annulation, en ce que la Commission aurait commis plusieurs erreurs de droit ou de fait qui entachent la décision attaquée d’illégalités. Plus précisément, ces sept premiers moyens sont pris respectivement, le premier, en substance, de ce que la Commission a commis des erreurs d’appréciation l’ayant amenée à conclure que les agissements reprochés aux requérantes avaient un objet anticoncurrentiel, le deuxième, de ce que les requérantes ne peuvent être considérées comme étant responsables d’une infraction s’agissant des articles de robinetterie, le troisième, de ce que la Commission a commis des erreurs de droit et d’appréciation au stade de l’analyse des éléments de preuve concernant leur participation à l’infraction constatée en France, en Allemagne et en Italie, le quatrième, de ce que la Commission n’a pas démontré un intérêt à constater une infraction aux Pays-Bas, le cinquième, d’une violation des droits de la défense, le sixième, de ce qu’une amende a, à tort, été imposée directement et individuellement à Sanitec Europe et, le septième, de ce que la responsabilité pour le comportement de Keramag a, à tort, été imputée à Sanitec Europe. S’agissant des huitième et neuvième moyens, il y a lieu de considérer qu’ils sont soulevés au soutien de la demande de réduction du montant de l’amende qui a été infligée aux requérantes et sont respectivement pris, d’une part, de ce que les poursuites engagées par la Commission étaient arbitraires et sélectives et, d’autre part, de ce que la Commission a surévalué le montant de l’amende.

38      Au regard des considérations qui précèdent, dans un premier temps, le Tribunal examinera, dans le cadre du contrôle de la légalité, la demande d’annulation partielle de la décision attaquée, en ce qu’elle se fonde sur les sept premiers moyens et, dans un second temps, la demande visant à ce que le Tribunal exerce sa compétence de pleine juridiction pour réformer, en le réduisant, le montant de l’amende que la Commission a infligée aux requérantes, en ce qu’elle se fonde sur les huitième et neuvième moyens.

39      En deuxième lieu, s’agissant du deuxième chef de conclusions, les requérantes demandent au Tribunal de déclarer qu’elles ne sont pas responsables des activités anticoncurrentielles dans le secteur de la robinetterie et d’annuler la décision attaquée à cet égard. Il y a lieu de constater que ce deuxième chef de conclusions se rattache directement au deuxième moyen. En effet, ainsi que cela a été rapporté, en substance, au point 37 ci-dessus, le deuxième moyen est tiré de ce que les requérantes ne peuvent être considérées comme étant responsables d’une infraction s’agissant des articles de robinetterie. Partant, le Tribunal se prononcera sur le deuxième chef de conclusions au terme de l’examen du deuxième moyen.

40      En troisième lieu, s’agissant du cinquième chef de conclusions, par lequel les requérantes demandent au Tribunal de prendre toute ordonnance qui serait appropriée dans les circonstances de l’espèce, il convient de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (arrêts de la Cour du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes, C‑315/99 P, Rec. p. I‑5281, point 19 ; du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, Rec. p. I‑9165, point 76, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 67).

41      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, lorsqu’un requérant ne fait valoir aucun moyen au soutien d’un chef de conclusions, la condition prévue à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure selon laquelle les moyens invoqués doivent faire l’objet d’un exposé sommaire n’est pas remplie et ledit chef de conclusions doit être écarté comme étant irrecevable (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Metsä-Serla e.a./Commission, T‑339/94 à T‑342/94, Rec. p. II‑1727, point 62, et du 23 mars 2004, Theodorakis/Conseil, T‑310/02, RecFP p. I‑A‑95 et II‑427, points 21 et 22).

42      En l’espèce, il y a lieu de constater que les requérantes n’ont soulevé aucun moyen au soutien du cinquième chef de conclusions. Partant, il convient de rejeter ce dernier comme étant irrecevable.

I –  Sur les conclusions, présentées à titre principal, tendant à l’annulation de la décision attaquée

43      Au titre des conclusions, présentées à titre principal, les requérantes demandent au Tribunal d’annuler la décision attaquée en totalité ou en partie.

44      À cet égard, il convient d’emblée de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où le requérant a un intérêt à voir l’acte annulé (voir arrêt du Tribunal du 4 juillet 2006, easyJet/Commission, T‑177/04, Rec. p. II‑1931, point 40, et la jurisprudence citée). Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques ou, selon une autre formule, que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du Tribunal du 28 septembre 2004, MCI/Commission, T‑310/00, Rec. p. II‑3253, point 44 et la jurisprudence citée).

45      En l’espèce, il y a lieu d’observer que, ainsi que cela ressort de l’article 4 de la décision attaquée, cette dernière a été adressée à plusieurs entreprises destinataires, concernant lesquelles la Commission a constaté la participation à une infraction au droit de la concurrence de l’Union (article 1er) et infligé une amende (article 2). Ainsi, seule une annulation de la décision en ce qu’elle concerne les requérantes est susceptible de leur procurer un bénéfice.

46      Partant, il y a lieu de rejeter les conclusions, présentées à titre principal, en ce qu’elles tendent à ce que le Tribunal annule la décision attaquée en totalité, comme étant irrecevables.

A –  Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission a commis des erreurs d’appréciation l’ayant amenée à conclure que les agissements reprochés aux requérantes avaient un objet anticoncurrentiel

47      Le premier moyen, tiré de plusieurs erreurs de droits commises par la Commission l’ayant amenée à conclure que les agissements reprochés avaient un objet anticoncurrentiel, se divise en deux branches, prises, en substance, d’une part, de ce que l’objet anticoncurrentiel de réunions entre non-concurrents ne saurait être présumé et, d’autre part, de ce qu’une coordination de barèmes de prix n’est pas anticoncurrentielle.

48      S’agissant de la première branche du premier moyen, il y a lieu de constater qu’il ressort des requêtes qu’elle est invoquée par les requérantes afin d’étayer le troisième moyen. Partant, il y a lieu d’appréhender et d’examiner ladite branche en tant qu’argument exposé au soutien du troisième moyen.

49      S’agissant de la seconde branche du premier moyen, les requérantes soutiennent que la coordination des barèmes de prix à laquelle elles ont participé n’avait pas d’objet anticoncurrentiel, dès lors que lesdits barèmes sont des prix indicatifs. Elles ajoutent que, eu égard aux remises et rabais accordés aux grossistes, il n’y a aucun lien entre ces barèmes et les prix de transaction acquittés par les grossistes et que, quand bien même les barèmes évoluent à la hausse, si les prix de transaction acquittés par les grossistes n’augmentent pas, les prix acquittés par le consommateur final n’augmenteront pas non plus.

50      La Commission conteste le bien-fondé de ces arguments.

51      À cet égard, premièrement, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence, tout d’abord, l’article 101, paragraphe 1, TFUE s’oppose à toute prise de contact directe ou indirecte entre des opérateurs économiques de nature soit à influer sur le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit, pour un opérateur économique, à dévoiler à un tel concurrent le comportement qu’il est décidé à tenir lui-même sur le marché ou qu’il envisage d’adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet la restriction de concurrence (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, points 116 et 117). De surcroît, la prise en considération des effets concrets d’une pratique concertée est superflue lorsqu’il apparaît que celle-ci a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun (arrêt de la Cour du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, Rec. p. I‑4529, point 29).

52      Ensuite, il ressort du libellé de l’article 101, paragraphe 1, sous a), TFUE qu’une pratique concertée a un objet anticoncurrentiel si elle consiste à « fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction ». Dès lors, compte tenu du fait que l’article 101 TFUE vise, à l’instar des autres règles de concurrence énoncées dans le traité FUE, à protéger non seulement les intérêts directs des concurrents ou des consommateurs, mais également la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle, il a été jugé que ledit libellé ne permettait pas de considérer que seules seraient interdites les pratiques concertées ayant un effet direct sur le prix acquitté par les consommateurs (voir, en ce sens, arrêt T‑Mobile Netherlands e.a., point 51 supra, points 36 à 38). De plus, ainsi que cela a été rappelé au point 51 ci-dessus, pour apprécier si une pratique concertée est prohibée par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, la prise en considération de ses effets concrets est superflue lorsqu’il apparaît que celle-ci a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun.

53      Enfin, il a été jugé que la fixation d’un prix, même simplement indicatif, affecte le jeu de la concurrence par le fait qu’elle permet à tous les participants à l’entente de prévoir avec un degré raisonnable de certitude quelle sera la politique de prix poursuivie par leurs concurrents. Plus généralement, de telles ententes comportent une intervention directe dans les paramètres essentiels de la concurrence sur le marché concerné. En effet, en exprimant une volonté commune d’appliquer un certain niveau de prix à leurs produits, les producteurs concernés ne déterminent plus de manière autonome leur politique sur le marché, portant ainsi atteinte à la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, Rec. p. II‑1333, point 310, et la jurisprudence citée).

54      Deuxièmement, tout d’abord, il ressort de la jurisprudence qu’un échange d’informations est contraire aux règles de concurrence de l’Union lorsqu’il atténue ou supprime le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, Rec. p. I‑10821, point 81, et la jurisprudence citée).

55      En effet, la divulgation d’informations sensibles élimine l’incertitude relative au comportement futur d’un concurrent et influence ainsi, directement ou indirectement, la stratégie du destinataire des informations (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax et Administración del Estado, C‑238/05, Rec. p. I‑11125, point 51, et la jurisprudence citée). Tout opérateur économique doit donc déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre au sein du marché intérieur et les conditions qu’il entend réserver à sa clientèle (voir arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 54 supra, point 82, et la jurisprudence citée).

56      Ensuite, s’il est exact que cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s’oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact direct ou indirect entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises ainsi que du volume dudit marché (voir arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 54 supra, point 83, et la jurisprudence citée).

57      Enfin, la Cour a également dit pour droit que la compatibilité d’un système d’échange d’informations avec les règles de concurrence de l’Union ne pouvait être appréciée de façon abstraite. Elle est fonction des conditions économiques sur les marchés concernés et des caractéristiques propres au système en cause, telles que, notamment, sa finalité, les conditions d’accès et de participation à l’échange ainsi que la nature des informations échangées, celles-ci pouvant, par exemple, être publiques ou confidentielles, agrégées ou détaillées, historiques ou actuelles, leur périodicité et leur importance pour la fixation des prix, des volumes ou des conditions de la prestation (arrêt Asnef-Equifax et Administración del Estado, point 55 supra, point 54).

58      En l’espèce, dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, les requérantes contestent avoir fixé les prix de transaction avec les grossistes. En revanche, ainsi que les requérantes l’ont confirmé en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, d’une manière générale, elles ne contestent pas avoir pris part à des pratiques portant sur les prix indicatifs figurant dans les barèmes de prix publiés par chaque fabricant de sanitaires pour salles de bains.

59      Or, conformément à la jurisprudence citée au point 51 ci-dessus, dans la mesure où la coordination, entre les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains, des barèmes de prix, fussent-ils indicatifs, était de nature à influer sur le jeu normal de la concurrence, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce que prétendent les requérantes, ce comportement auquel elles ont participé revêt un objet anticoncurrentiel.

60      En effet, tout d’abord, de manière générale, les prix indicatifs figurant dans des barèmes de prix servent de point de départ aux négociations ultérieures avec les clients. Partant, quelle qu’ait été la puissance d’achat des grossistes sur le marché des installations sanitaires pour salles de bains, il y a lieu de considérer que la coordination annuelle desdits prix entre fabricants est susceptible d’avoir influencé le niveau de fixation des prix de transaction acquittés dans un premier temps par lesdits grossistes puis, dans un second temps, par le consommateur final.

61      Ensuite, il ressort des requêtes que, si les requérantes contestent que cela ait été le cas en l’espèce, elles n’excluent toutefois pas qu’une concertation entre fabricants de produits visant à fixer à la hausse des prix indicatifs figurant dans les barèmes de prix puisse influer sur le jeu normal de la concurrence. C’est ainsi qu’elles font valoir qu’il se pourrait que les prix facturés au consommateur final soient les prix indicatifs figurant dans les barèmes de prix augmentés, tout en précisant que, dans une telle hypothèse, le prix global à acquitter par ledit consommateur pourrait ne pas augmenter si l’installateur décidait de diminuer sa marge sur d’autres produits et services. En outre, les requérantes ne contestent pas que la hausse des barèmes de prix pourrait dissuader les consommateurs finaux d’acheter les produits concernés. Partant, il y a lieu de considérer que, même si les modifications des prix de transaction ne suivaient pas celles des barèmes de prix, cela ne permet pas d’exclure que les hausses coordonnées desdits barèmes aient pu avoir un impact sur les prix acquittés tant par les grossistes que par le consommateur final, en permettant soit leur augmentation soit, à tout le moins, leur maintien.

62      Par ailleurs, pour autant que les requérantes affirment que, en l’espèce, la coordination à la hausse des barèmes de prix à laquelle elles ont participé n’a pas servi de point de départ aux négociations menées par les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains avec leurs clients, les éléments qu’elles avancent au soutien de cette affirmation ne sont pas de nature à l’étayer.

63      En effet, premièrement, les requérantes produisent deux graphiques comparant l’évolution des prix indicatifs figurant dans les barèmes de prix de Keramag avec ses prix de transaction. Ces deux graphiques concernent approximativement 40 produits. Cependant, les requérantes n’expliquent ni de quels produits il s’agit ni comment ces produits ont été sélectionnés et dans quelle mesure ils sont représentatifs de l’ensemble de leurs produits. De plus, les prix qui y sont indiqués sont des prix moyens, de sorte qu’il n’est pas possible de comparer l’évolution du prix de transaction et du prix indicatif figurant dans les barèmes de prix de chacun des produits. Enfin, ces deux graphiques ne démontrent pas l’absence de lien entre les barèmes de prix et les prix de transaction. En effet, s’ils font apparaître une diminution des prix de transaction, il ne saurait être exclu que les hausses des prix indicatifs figurant dans les barèmes de prix aient eu un effet anticoncurrentiel en limitant l’importance de ladite diminution.

64      Deuxièmement, les requérantes produisent plusieurs diagrammes desquels il ressortirait que les hausses des prix indicatifs figurant dans les barèmes de prix variaient d’un produit à l’autre. Néanmoins, de tels diagrammes ne sont pas de nature à démontrer que les prix de transaction n’étaient pas influencés par les variations des prix indicatifs figurant dans les barèmes de prix.

65      Troisièmement, les requérantes produisent des graphiques faisant état d’importantes variations entre les rabais et remises accordés aux différents grossistes et entre les prix de transaction payés par les différents grossistes pour le même produit. Néanmoins, de tels graphiques ne permettent pas de prouver que les augmentations des prix indicatifs figurant dans les barèmes de prix n’ont pas influencé la fixation des prix de transaction.

66      Quatrièmement, les requérantes reproduisent un graphique représentant la différence, par produit, entre les modifications du prix de transaction et celles des prix indicatifs figurant dans les barèmes de prix. Bien que les requérantes prétendent que ce graphique révèle l’absence d’une relation systématique entre les modifications des barèmes de prix et les modifications des prix de transaction, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que l’écart entre lesdits modifications, tel qu’il ressort de ce graphique, est, pour un grand nombre de produits, inférieur à 5 % et souvent proche de 0 %. Ledit graphique ne saurait donc être utilisé pour démontrer de manière convaincante que les prix de transaction ne suivent pas l’évolution des prix indicatifs figurant dans les barèmes de prix.

67      Par conséquent, c’est à bon droit que la Commission a considéré, au considérant 935 de la décision attaquée, que la fixation, par les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains, des hausses annuelles de prix figurant dans leurs barèmes de prix avait un objet anticoncurrentiel. Il convient donc de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

B –  Sur le deuxième moyen, tiré de ce que les requérantes ne pouvaient pas être tenues pour responsables d’une infraction en ce qui concerne les articles de robinetterie

68      Les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission ne pouvait pas les tenir pour responsables d’une infraction sur le marché des articles de robinetterie. Plus précisément, si elles affirment ne pas contester la légalité de la décision attaquée en ce que la Commission a qualifié l’infraction constatée d’unique et continue, en revanche, elles lui font grief de leur avoir imputé une responsabilité au titre de leur participation à l’infraction constatée, sans avoir tenu compte de la portée géographique et matérielle effective de leur participation à ladite infraction. En effet, premièrement, la notion d’infraction unique et continue ne saurait être utilisée afin de tenir des entreprises pour responsables des agissements anticoncurrentiels par objet concernant un produit, alors qu’elles ne le produisent pas et se contentent de l’acheter. Deuxièmement, la notion d’infraction unique et continue aurait traditionnellement été utilisée pour imputer la responsabilité d’une infraction à une entreprise dont la participation réelle ne s’est pas étendue à l’ensemble du territoire couvert par une infraction. Partant, elle ne saurait être utilisée pour imputer la responsabilité à une entreprise, qui ne produit pas l’un des trois produits distincts couverts par l’infraction unique et continue en cause, dans la mesure où, même si cette entreprise avait eu connaissance d’une infraction relative aux articles de robinetterie, cette connaissance ne pourrait pas avoir contribué au plan, élaboré par des fabricants desdits articles, destiné à fausser le jeu normal de la concurrence. Troisièmement, les éléments de preuve dont la Commission fait état dans la décision attaquée, notamment au considérant 853 de la décision attaquée, ne démontreraient pas que les requérantes savaient (ou devaient nécessairement savoir) que l’infraction couvrait également les articles de robinetterie.

69      La Commission conteste le bien-fondé des arguments des requérantes.

1.     Rappels de jurisprudence et observations liminaires

70      S’agissant de la qualification de l’infraction d’unique et continue, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition. Ainsi, lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (arrêts de la Cour Commission/Anic Partecipazioni, point 51 supra, point 81, et du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 258).

71      Une entreprise ayant participé à une telle infraction unique et continue par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut ainsi être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (arrêts Commission/Anic Partecipazioni, point 51 supra, points 87 et 203, et Aalborg Portland e.a./Commission, point 70 supra, point 83).

72      Ainsi, une entreprise peut avoir directement participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, auquel cas la Commission est en droit de lui imputer la responsabilité de l’ensemble de ces comportements et, partant, de ladite infraction dans son ensemble. Une entreprise peut également n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est également en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par suite, de celle-ci dans son ensemble.

73      Il découle de la jurisprudence citée aux points 70 à 72 ci-dessus que la qualification d’infraction unique concerne des accords ou des pratiques concertées qui pourraient être considérés comme violant l’article 101 TFUE en ce qui concerne un produit spécifique ou une zone géographique déterminée, mais qui, parce qu’ils s’inscrivent dans un plan d’ensemble, sont pris en considération par la Commission de façon globale. D’une part, il s’ensuit que la qualification d’infraction unique concernant, par définition, des accords ou des pratiques concertées violant l’article 101 TFUE en ce qui concerne un produit déterminé ou une zone géographique déterminée, mais qui, parce qu’ils sont liés par un plan d’ensemble, sont pris en considération globalement par la Commission, elle ne dispense pas la Commission d’établir qu’il existe une distorsion de concurrence en ce qui concerne chacun des marchés concernés par ladite infraction. D’autre part, la constatation d’une infraction unique et continue est susceptible, de par sa nature même, de concerner des entreprises non concurrentes.

74      En l’espèce, ainsi que cela a été mentionné au point 15 ci-dessus, la Commission a considéré, sur la base de développements figurant aux considérants 793 à 849 de la décision attaquée, que les pratiques décrites au point 2 ci-dessus, concernant les trois sous-groupes de produits, faisaient partie d’un plan global visant à restreindre la concurrence entre les destinataires de ladite décision et présentaient les caractéristiques d’une infraction unique et continue.

75      À cet égard, il ressort de la décision attaquée que la Commission a qualifié les faits retenus à l’encontre des fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains au regard de dix facteurs, visés au considérant 796 de la décision attaquée, décrits ensuite aux considérants 797 à 849 de ladite décision.

76      Premièrement, il existait un groupe central d’entreprises ayant participé, d’une part, à l’entente dans différents États membres ayant fait l’objet d’une enquête de la Commission et, d’autre part, à différentes réunions d’organismes de coordination et d’associations multiproduits. Deuxièmement, la Commission a identifié plusieurs organismes de coordination, associations multiproduits et associations spécialisées dans un des trois sous-groupes de produits dans lesquelles les participants discutaient régulièrement d’affaires relatives aux autres sous-groupes de produits. Troisièmement, le fonctionnement de l’industrie, et en particulier le rôle joué par les grossistes au sein du système de distribution à trois niveaux, atteste de l’existence de liens objectifs entre les trois sous-groupes de produits. Quatrièmement, les agissements anticoncurrentiels présentaient toujours la même structure et fonctionnaient selon les mêmes mécanismes, pour tous les États membres concernés et pour tous les sous-groupes de produits concernés. Cinquièmement, la coordination des hausses de prix annuelles était complétée par des accords anticoncurrentiels conclus lors d’événements particuliers ainsi que par la divulgation d’autres informations commerciales à caractère sensible. Sixièmement, les entreprises participant aux réunions des associations nationales évoquaient régulièrement des faits se produisant dans d’autres États membres et les flux commerciaux transfrontaliers indiquaient que les agissements anticoncurrentiels dans les différents États membres étaient, dans une certaine mesure, complémentaires. Septièmement, la majorité des multinationales appliquaient des politiques tarifaires centralisées qui favorisaient l’organisation cohérente de l’entente dans les différents États membres et pour les différents sous-groupes de produits. Huitièmement, les trois sous-groupes de produits sont des produits généraux d’équipement pour salles de bains dits « visibles » et les destinataires de la décision attaquée reconnaissent qu’ils sont complémentaires. Neuvièmement, les agissements anticoncurrentiels se caractérisent par une stabilité dans le temps. Dixièmement, un certain nombre de représentants d’entreprises ont changé d’entreprise ou ont été responsables de plusieurs États membres ou de plusieurs sous-groupes de produits ou ont participé aux réunions collusoires de différentes associations et dans différents États membres.

77      Bien que la qualification juridique des agissements en cause d’infraction unique et continue n’ait pas été contestée en temps utile par les requérantes, il y a lieu de relever à titre superfétatoire que lesdits facteurs permettent de démontrer d’étroites synergies entre les agissements anticoncurrentiels mis en œuvre dans les six États membres concernés et s’agissant des trois sous-groupes de produits. Ces synergies sont telles qu’elles permettent d’établir un lien de complémentarité entre lesdits agissements, qui contribuent, par cette interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains. C’est l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par lesdits fabricants qui constitue le plan d’ensemble, tel qu’envisagé par la jurisprudence visée au point 70 ci-dessus, quand bien même ce plan n’a pas été élaboré formellement, à l’avance, par un organisme global de coordination.

2.     Sur l’imputation aux requérantes de la responsabilité au titre de l’infraction constatée

78      En premier lieu, s’agissant de l’argument tiré de ce que les requérantes ne produisent pas des articles de robinetterie, de sorte que la Commission ne saurait les tenir pour responsables de l’infraction constatée, il convient de relever que, aux considérants 850 à 879 de la décision attaquée, la Commission a imputé la responsabilité de tout ou partie de l’infraction unique et continue à des fabricants, parmi lesquels les requérantes, de certains des trois sous-groupes de produits. Dès lors, ce n’est nullement en qualité de fabricants d’articles de robinetterie que les requérantes ont été tenues pour responsables de l’infraction constatée, mais bien en tant que fabricants d’articles en céramique et d’enceintes de douche.

79      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument tiré de l’application traditionnelle du concept d’infraction unique et continue, premièrement, ainsi qu’il a été considéré, au point 73 ci-dessus, la qualification d’infraction unique concerne des accords ou des pratiques concertées qui pourraient être considérés comme violant l’article 101 TFUE en ce qui concerne un produit spécifique ou une zone géographique déterminée, mais qui, parce qu’ils s’inscrivent dans un plan d’ensemble, sont pris en considération par la Commission de façon globale. Dès lors, c’est à tort que les requérantes soutiennent que le concept d’infraction unique et continue est traditionnellement utilisé pour imputer la responsabilité d’une infraction à une entreprise dont la participation réelle à l’infraction en cause ne couvrait pas la totalité du champ géographique de ladite infraction et non pas la totalité de son champ matériel.

80      Deuxièmement, force est de considérer que l’affirmation des requérantes selon laquelle, même si elles avaient eu connaissance de l’existence d’une infraction dans le secteur des articles de robinetterie, cette connaissance ne leur aurait pas permis de contribuer au plan, élaboré par des fabricants d’articles de robinetterie, destiné à fausser le jeu normal de la concurrence se fonde sur une compréhension manifestement erronée de la notion d’infraction unique et continue.

81      En effet, d’une part, dans la mesure où l’infraction en cause en l’espèce couvre les trois sous-groupes de produits, la Commission était tenue, afin de la qualifier d’unique et continue, de rapporter la preuve de l’existence d’un plan d’ensemble élaboré conjointement par les fabricants d’articles de robinetterie, d’articles en céramique et d’enceintes de douche et non pas d’un plan élaboré uniquement par les fabricants d’articles de robinetterie. Or, ainsi qu’il a été notamment constaté au point 77 ci-dessus, c’est à bon droit que la Commission a, dans le cas d’espèce, conclu à l’existence d’un tel plan.

82      D’autre part, il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 70 à 72 ci-dessus que la connaissance par les requérantes des activités anticoncurrentielles des fabricants de robinetterie est de nature à démontrer leur participation à l’infraction constatée.

83      En troisième lieu, s’agissant des éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est fondée afin de démontrer que les requérantes savaient ou devaient nécessairement savoir que l’infraction couvrait également les articles de robinetterie, il convient de relever que la Commission a indiqué, au considérant 853 de la décision attaquée, que les requérantes avaient participé aux réunions collusoires d’associations nationales professionnelles sur le territoire des États membres couverts par l’infraction constatée. Plus précisément, elle a mentionné leur participation aux réunions des organismes de coordination IFS, ASI, SFP et SVS, qui couvrent les trois sous-groupes de produits, et de l’association multiproduits Michelangelo. Il y a lieu de considérer que ces constatations quant à la participation des requérantes à ces réunions, qui ne sont pas contestées par celles-ci, étaient suffisantes pour permettre à la Commission de conclure qu’elles avaient connaissance de l’étendue géographique et matérielle du plan d’ensemble dans lequel s’inscrivaient les différents agissements anticoncurrentiels des participants à l’infraction unique et continue en cause.

84      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé et, partant, au regard des considérations figurant au point 39 ci-dessus et sur le même fondement, le deuxième chef de conclusions.

C –  Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit et d’erreurs d’appréciation commises par la Commission quant aux éléments de preuve concernant la participation des requérantes à l’infraction constatée en France, en Allemagne et en Italie

85      Au titre du troisième moyen, les requérantes soutiennent, en substance, que les éléments de preuve retenus par la Commission pour démontrer leur participation à une infraction en France, en Allemagne et en Italie étaient insuffisants. Ledit moyen se divise en trois branches qui portent respectivement sur chacun de ces trois États membres.

86      La Commission conteste le bien-fondé de ces arguments.

87      Ainsi que le Tribunal en a décidé au point 48 ci-dessus, dans un premier temps, il convient d’examiner conjointement avec le troisième moyen l’erreur de droit reprochée au titre de la première branche du premier moyen. Dans un second temps, le Tribunal examinera les erreurs d’appréciation alléguées par les requérantes.

1.     Sur l’erreur de droit prétendument commise par la Commission en présumant de l’objet anticoncurrentiel de discussions entre non-concurrents

88      Les requérantes soutiennent, en substance, qu’une pratique concertée entre non-concurrents ne peut pas être présumée avoir un objet anticoncurrentiel. Dès lors, ce serait à tort que la Commission a considéré qu’elles avaient, en tant que fabricants d’articles en céramique et d’enceintes de douche, participé, avec les fabricants d’articles de robinetterie, à des discussions dont l’objet était anticoncurrentiel.

89      La Commission conteste le bien-fondé de ces arguments.

90      À cet égard, il y a lieu de relever, tout d’abord, qu’il est constant entre les parties que la Commission a qualifié les pratiques décrites au point 2 ci-dessus, en ce qu’elles portaient notamment sur les trois sous-groupes de produits, d’infraction unique et continue.

91      Ensuite, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, si la pratique en cause est mise en œuvre par des entreprises qui ne sont concurrentes sur aucun marché de produit, une entreprise est susceptible de violer l’interdiction prévue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE lorsque son comportement, tel que coordonné avec celui d’autres entreprises, a pour but de restreindre la concurrence sur un marché pertinent particulier à l’intérieur du marché commun, sans que cela présuppose nécessairement qu’elle soit elle-même active sur ledit marché pertinent et même si elle ne restreint pas sa propre liberté d’action sur le marché sur lequel elle est principalement active (arrêt du Tribunal 8 juillet 2008, AC‑Treuhand/Commission, T‑99/04, Rec. p. II‑1501, points 122 et 127). Dans une telle hypothèse, la Commission est néanmoins tenue de démontrer que l’entreprise qu’elle entend sanctionner a activement contribué à une restriction de concurrence et ne peut présumer que son comportement, tel que coordonné avec celui d’autres entreprises, a influé sur le jeu normal de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt AC‑Treuhand/Commission, précité, point 127).

92      Il découle de la jurisprudence visée au point 91 ci-dessus que, lorsque, durant une réunion, des entreprises échangent des informations commerciales sensibles concernant des produits qu’elles fabriquent et que l’une des entreprises participant à ladite réunion ne fabrique pas de tels produits, il ne saurait être présumé, sur le fondement du seul constat de cet échange, que cette entreprise non-concurrente des autres participants sur le marché de produits concerné a participé à une pratique dont l’objet est, en soi anticoncurrentiel.

93      Au regard des considérations qui précèdent, c’est à bon droit que les requérantes soutiennent que la Commission ne saurait présumer de l’objet anticoncurrentiel d’un agissement, telle une pratique concertée, entre non-concurrents.

2.     Sur les erreurs d’appréciation commises par la Commission quant à l’examen des éléments de preuve

94      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler la jurisprudence pertinente quant à la charge de la preuve dans les procédures d’infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

95      À cet égard, il convient de rappeler que la Commission doit rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction (arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 58, et Commission/Anic Partecipazioni, point 51 supra, point 86).

96      De plus, dans le cadre d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 263 TFUE, il n’appartient au juge de l’Union que de contrôler la légalité de l’acte attaqué (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 174).

97      Ainsi, le rôle du juge saisi d’un recours en annulation dirigé contre une décision de la Commission constatant l’existence d’une infraction aux règles de concurrence et infligeant des amendes aux destinataires consiste à apprécier si les preuves et autres éléments invoqués par la Commission dans sa décision sont suffisants pour établir l’existence de l’infraction reprochée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, dit « PVC II », T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, point 891).

98      En outre, l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission, 27/76, Rec. p. 207, point 265). Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision infligeant une amende (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 96 supra, point 177).

99      Ainsi, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, point 20, et arrêt du Tribunal du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, Rec. p. II‑2707, points 43 et 72).

100    Toutefois, il importe de souligner que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères pour chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir, en ce sens, arrêt PVC II, point 97 supra, points 768 à 778, en particulier point 777, confirmé sur cette question précise par la Cour, sur pourvoi, dans son arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, points 513 à 523).

101    En outre, compte tenu du caractère notoire de l’interdiction des accords anticoncurrentiels, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle produise des pièces attestant de manière explicite une prise de contact entre les opérateurs concernés. Les éléments fragmentaires et épars dont pourrait disposer la Commission devraient, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes. L’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel peut donc être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de concurrence (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 70 supra, points 55 à 57, et arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Dresdner Bank e.a./Commission, T‑44/02 OP, T‑54/02 OP, T‑56/02 OP, T‑60/02 OP et T‑61/02 OP, Rec. p. II‑3567, points 64 et 65).

102    En ce qui concerne les moyens de preuve qui peuvent être invoqués pour établir l’infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec. p. II‑2395, point 72).

103    Par conséquent, l’éventuelle absence de preuves documentaires est uniquement pertinente dans le cadre de l’appréciation globale de la valeur probante du faisceau de preuves présenté par la Commission. En revanche, à elle seule, elle n’a pas pour conséquence que l’entreprise concernée puisse valablement mettre en cause les allégations de la Commission en présentant une explication autre des faits de l’espèce. Tel est seulement le cas lorsque les preuves présentées par la Commission ne permettent pas d’établir l’existence de l’infraction sans équivoque et sans qu’une interprétation soit nécessaire (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Coats Holdings et Coats/Commission, T‑36/05, non publié au Recueil, point 74).

104    Par ailleurs, aucune disposition ni aucun principe général du droit de l’Union n’interdit à la Commission de se prévaloir, à l’encontre d’une entreprise, des déclarations d’autres entreprises incriminées. Si tel n’était pas le cas, la charge de la preuve de comportements contraires à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, qui incombe à la Commission, serait insoutenable et incompatible avec sa mission de surveillance de la bonne application de ces dispositions (voir, par analogie, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 96 supra, point 192).

105    Toutefois, la déclaration d’une entreprise inculpée pour avoir participé à une entente, dont l’exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises inculpées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l’existence d’une infraction commise par ces dernières sans être étayée par d’autres éléments de preuve, étant entendu que le degré de corroboration requis peut être moindre, du fait de la fiabilité des déclarations en cause (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 96 supra, points 219 et 220).

106    Quant à la valeur probante des différents éléments de preuve, le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité (arrêt Dalmine/Commission, point 102 supra, point 72).

107    Selon les règles générales en matière de preuve, la crédibilité et, partant, la valeur probante, d’un document dépend de son origine, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et du caractère sensé et fiable de son contenu (arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, points 1053 et 1838).

108    Par ailleurs, s’agissant de la durée de l’infraction, il appartient également à la Commission de la prouver, étant donné que la durée est un élément constitutif de la notion d’infraction au titre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Les principes mentionnés ci-dessus s’appliquent à cet égard (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C‑105/04 P, Rec. p. I‑8725, points 94 à 96).

109    Enfin, la jurisprudence exposée aux points 95 à 108 ci-dessus est applicable, par analogie, à l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE.

a)     Sur la première branche du troisième moyen, relative aux éléments de preuve concernant l’infraction commise en France

110    Les requérantes soutiennent que, en substance, la conclusion de la Commission, aux considérants 556 et 590 de la décision attaquée, selon laquelle Allia et PCT ont coordonné leurs prix minimaux pour les produits bas de gamme dans le cadre de l’AFICS, lors d’une réunion du 25 février 2004, repose sur des éléments de preuve qui sont soit irrecevables soit non fiables, non corroborés et insuffisants.

111    La Commission conteste le bien-fondé de cette argumentation.

112    À cet égard, il importe de relever qu’il ressort du tableau D figurant au considérant 1223 de la décision attaquée que la Commission a retenu une participation effective de PCT et d’Allia à l’infraction constatée sur le marché français d’une durée de huit mois, correspondant à la période du 25 février au 9 novembre 2004, sur la base de leur présence à la réunion de l’AFICS du 25 février 2004.

113    Par ailleurs, il ressort des considérants 556 et 590 de la décision attaquée que la conclusion de la Commission selon laquelle, durant la réunion de l’AFICS du 25 février 2004, les fabricants d’articles en céramique ont coordonné leurs prix minimaux pour les produits bas de gamme repose sur quatre éléments de preuve, à savoir, premièrement, la réponse de Duravit à la communication des griefs (considérant 584 de la décision attaquée), deuxièmement, la demande d’Ideal Standard au titre de la communication sur la coopération de 2002 (considérant 583 de la décision attaquée), troisièmement, un tableau fourni par cette dernière en annexe à sa demande au titre de la communication sur la coopération de 2002 (considérant 588 de la décision attaquée) et, quatrièmement, la demande de Roca au titre de la communication sur la coopération de 2002 (considérant 556 de la décision attaquée).

114    C’est à la lumière de la jurisprudence citée aux points 95 à 108 ci-dessus qu’il convient d’examiner successivement ces différents éléments de preuve afin de vérifier notamment leur valeur probante.

115    En premier lieu, s’agissant de la déclaration faite par Duravit dans sa réponse à la communication des griefs, confirmant que des discussions au sujet des prix minimaux ont eu lieu lors de la réunion de l’AFICS du 25 février 2004, il convient de relever que, ainsi que la Commission l’a confirmé en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, cette déclaration n’a pas été communiquée aux requérantes au cours de la procédure administrative. Par ailleurs, il convient de constater qu’il n’a pas été fait mention de cette déclaration dans la lettre d’exposé des faits du 9 juin 2009 envoyée aux requérantes.

116    Or, selon la jurisprudence, dès lors qu’un document n’a pas été communiqué à l’entreprise concernée alors que la Commission en a tiré des conclusions, les informations contenues dans ce document ne peuvent pas être utilisées dans le cadre de la procédure (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C‑62/86, Rec. p. I‑3359, point 21). Il s’ensuit que ce document ne peut être considéré comme un moyen de preuve valable en ce qui la concerne (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, point 27). Partant, la déclaration de Duravit ne peut être considérée comme un moyen de preuve opposable aux requérantes.

117    En deuxième lieu, s’agissant des déclarations d’Ideal Standard faites dans le cadre de sa demande au titre de la communication sur la coopération de 2002, il y a lieu de rappeler que, en vertu de la jurisprudence citée au point 105 ci-dessus, la déclaration d’une entreprise inculpée pour avoir participé à une entente, dont l’exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises inculpées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l’existence d’une infraction sans être étayée par d’autres éléments de preuve.

118    Or, en l’espèce, il ressort de la décision attaquée que les déclarations d’Ideal Standard relatives à la réunion de l’AFICS du 25 février 2004 étaient contestées. Ainsi, au considérant 585 de la décision attaquée, la Commission fait état de ce que Villeroy & Boch et Allia considéraient que la coordination des prix minimaux, notamment dans le cadre de ladite réunion, n’était pas établie. Par conséquent, il y a lieu de considérer que les déclarations d’Ideal Standard ne sauraient, à elles seules, constituer une preuve suffisante de la nature anticoncurrentielle des discussions ayant eu lieu lors de cette réunion.

119    En troisième lieu, s’agissant du tableau fourni par Ideal Standard en annexe à sa demande au titre de la communication sur la coopération de 2002, le Tribunal relève qu’il comprend quatre colonnes intitulées respectivement « mini », « maxi », « IS » et « Porcher », étant entendu que le sigle IS est celui d’Ideal Standard et que le signe Porcher est enregistré en tant que marque dont le titulaire est Ideal Standard. Or, il convient de constater que ce tableau n’est pas daté et ne comprend aucune indication susceptible de le relier à la réunion de l’AFICS du 25 février 2004 ou à des discussions anticoncurrentielles. En particulier, le tableau ne mentionne pas de noms de concurrents ou de prix minimaux ou maximaux que ces concurrents devraient appliquer. Dès lors, il ne saurait être valablement affirmé, comme le fait la Commission dans le mémoire en défense, que ce tableau constitue une preuve documentaire corroborant la fixation des prix dans le cadre de ladite réunion, telle que décrite par Ideal Standard dans ses déclarations dans le cadre de sa demande au titre de ladite communication.

120    En quatrième lieu, s’agissant de la demande de Roca au titre de la communication sur la coopération de 2002, il convient de relever que la Commission elle-même indique, au considérant 586 de la décision attaquée, que, si Roca confirme, de manière générale, dans cette demande, l’échange de prix minimaux au sein de l’AFICS entre 2002 et 2004, cette dernière prétend, en ce qui concerne en particulier la réunion de l’AFICS du 25 février 2004, que la description faite par Ideal Standard de la coordination des prix minimaux lors de cette réunion n’a pas été confirmée par d’autres entreprises ayant présenté une demande au titre de ladite communication. Partant, il y a lieu de constater que la Commission ne pouvait pas se fonder, en l’absence d’éléments de preuve les corroborant, sur les déclarations de Roca, dans le cadre de sa demande au titre de cette communication, pour prouver qu’une coordination des prix minimaux avait été mise en place lors de ladite réunion.

121    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, c’est à juste titre que les requérantes reprochent à la Commission d’avoir conclu à la participation d’Allia et de PCT à des agissements anticoncurrentiels lors de la réunion de l’AFICS du 25 février 2004. Partant, il y a lieu d’accueillir la première branche du troisième moyen, comme étant fondée.

b)     Sur la deuxième branche du troisième moyen relative aux éléments de preuve concernant l’infraction commise en Allemagne

122    Les requérantes font valoir, en substance, que les éléments de preuve sur lesquels se fonde la Commission, dans la décision attaquée, pour conclure que Keramag a participé à des agissements anticoncurrentiels en Allemagne, consistant notamment en une coordination des futures hausses de prix lors de réunions d’associations professionnelles, entre le 7 juillet 2000 et le 9 novembre 2004, sont insuffisants.

123    La Commission conteste le bien-fondé de cette argumentation.

124    Au regard de la jurisprudence rappelée aux points 99 à 101 ci-dessus, aux fins de déterminer si la Commission a valablement pu conclure à la participation de Keramag, en Allemagne, à l’infraction constatée, entre le 7 juillet 2000 et le 9 novembre 2004, le Tribunal examinera, dans un premier temps, chacun des éléments de preuve relatifs aux réunions et agissements auxquels les requérantes ont participé et, dans un second temps, de manière globale, le caractère précis et concordant du faisceau d’indices ainsi invoqué par la Commission au soutien de son appréciation.

 Sur les éléments de preuve relatifs aux agissements anticoncurrentiels en Allemagne

125    À titre liminaire, il convient de relever que la deuxième branche du troisième moyen repose sur cinq griefs, pris d’erreurs d’appréciation quant, premièrement, aux éléments de preuve s’agissant des réunions de l’organisme de coordination IFS auxquelles Keramag a assisté, deuxièmement, aux éléments de preuve s’agissant des réunions de l’association spécialisée FSKI auxquelles Keramag a assisté, troisièmement, aux éléments de preuve de la participation de Keramag à des discussions sur les prix à l’occasion de l’introduction de l’euro, quatrièmement, aux éléments de preuve de la participation de Keramag à des discussions sur les prix à l’occasion de l’instauration de péages routiers et, cinquièmement, à une liste, établie par Hansgrohe, de destinataires pour ses annonces de hausses de prix au cours des années 2001 et 2002 (ci-après la « liste de Hansgrohe »).

126    Il y a lieu de constater que les troisième et quatrième griefs, relatifs aux éléments de preuve avancés par la Commission, en ce qui concerne les agissements anticoncurrentiels ayant eu lieu à l’occasion de l’introduction de l’euro et de l’instauration de péages routiers, portent sur des agissements intervenus au cours des mêmes réunions de l’organisme de coordination IFS et de l’association spécialisée FSKI que celles dont il est question dans le cadre des premier et deuxième griefs. Or, ainsi que cela ressort du considérant 777 de la décision attaquée, la coordination des hausses de prix à l’occasion de tels événements spécifiques constitue un prolongement de la coordination régulière des hausses annuelles de prix. Partant, dans le cadre de l’examen des éléments de preuve relatifs aux réunions de l’organisme de coordination IFS et de l’association spécialisée FSKI, le Tribunal examinera tout d’abord, les premier et deuxième griefs, puis, lorsque ce premier examen ne permet pas de constater que les éléments revêtent une valeur probante élevée, les troisième et quatrième griefs.

–       Sur les réunions de l’organisme de coordination IFS

127    Les requérantes font valoir, en substance, qu’aucune des réunions de l’organisme de coordination IFS ayant eu lieu entre le 5 octobre 2000 et le 20 juillet 2004, mentionnées à l’annexe 1 de la décision attaquée, ne pouvait être retenue à leur égard. Selon elles, tout d’abord, Keramag n’a pas participé aux réunions dudit organisme de coordination des 14 novembre 2001, 30 avril 2002, 2 et 9 avril 2003, 27 avril 2004. Ensuite, la Commission n’aurait pas affirmé, dans les motifs de la décision attaquée, que des discussions anticoncurrentielles auraient eu lieu au cours des réunions de cet organisme de coordination des 24 avril 2001, 11 avril 2002, 18 juillet et 13 novembre 2003. Enfin, les éléments de preuve avancés s’agissant des réunions du même organisme de coordination des 5 octobre 2000, 23 mai 2001, 20 novembre et 4 juillet 2002, 15 octobre 2003 et 20 juillet 2004 ne seraient pas de nature à démontrer que Keramag était impliquée dans des discussions concernant la fixation ou un échange sur les augmentations programmées des prix.

128    En premier lieu, il y a lieu de constater qu’il ressort de l’annexe 1 de la décision attaquée que Keramag n’a pas participé aux réunions de l’organisme de coordination IFS des 14 novembre 2001, 30 avril 2002, 2 et 9 avril 2003, 27 avril 2004. La Commission ne saurait donc valablement retenir ces réunions en tant que preuve de leur participation aux pratiques anticoncurrentielles supposées avoir été mises en œuvre dans le cadre dudit organisme de coordination.

129    En deuxième lieu, il convient d’observer que, si l’annexe 1 de la décision attaquée permet d’attester la participation des requérantes aux réunions de l’organisme de coordination IFS des 24 avril 2001, 18 juillet et 13 novembre 2003, en revanche, ces trois réunions n’étant pas mentionnées dans les motifs de la décision attaquée comme ayant donné lieu à des agissements anticoncurrentiels entre les participants, les éléments de preuve avancés au titre de ces trois réunions ne sauraient être retenus à l’encontre des requérantes afin de démontrer qu’elles ont participé aux pratiques anticoncurrentielles supposées avoir été mises en œuvre dans le cadre dudit organisme de coordination. S’agissant de la réunion de cet organisme de coordination du 11 avril 2002, il y a lieu de constater qu’il y est fait référence au considérant 217 de la décision attaquée.

130    En troisième lieu, s’agissant des réunions de l’organisme de coordination IFS des 5 octobre 2000, 23 mai 2001, 11 avril, 4 juillet et 20 novembre 2002, 15 octobre 2003 et 20 juillet 2004, il convient d’examiner le grief pris de ce que les éléments de preuves retenus par la Commission étaient insuffisants pour lui permettre de conclure que les discussions qui y ont eu lieu ont été de nature anticoncurrentielle.

131    Premièrement, s’agissant de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 5 octobre 2000, force est de constater qu’elle est notamment mentionnée au considérant 271 de la décision attaquée et que la Commission y souligne, en particulier, que, au cours de cette réunion, les participants ont discuté de leur hausse de prix pour 2001. Au soutien de son appréciation, la Commission a notamment visé, dans la note en bas de page n° 281 de la décision attaquée, les notes de M. S. (Hansgrohe) concernant la réunion de l’organisme de coordination IFS du 5 octobre 2000 (ci-après les « notes de Hansgrohe »).

132    Il convient également de relever que les notes de Hansgrohe, dont les requérantes ne contestent pas le caractère contemporain et qu’elles ont jointes en annexe à leurs requêtes, comprennent, à cet égard, le passage suivant :

« Prix 2001 :

Hausses de prix prévues

ADA      + 7,5 %

Articles en céramique + 4,5

Mobilier de salle de bains + 5-7 %

Baignoires + 4-5 %

Robinetterie + 4-5 %

Discussions difficiles avec glissement entre 0,5 et 1 % »

133    Le passage des notes de Hansgrohe, cité au point 132 ci-dessus, démontre sans ambiguïté l’objet anticoncurrentiel de ladite réunion. En effet, les hausses de prix pour 2001 communiquées, à cette occasion, entre les participants constituent des informations sensibles au sens de la jurisprudence rappelée aux points 54 à 57 ci-dessus.

134    La circonstance, invoquée par les requérantes, dans leurs requêtes, que les barèmes de prix de Keramag n’ont pas augmenté de 4,5 % en 2001, mais seulement d’approximativement 0,5 %, ce qui montrerait qu’elle n’a pas marqué son accord quant à cette augmentation et ne l’a pas mise en œuvre, est sans pertinence à cet égard.

135    En effet, selon la jurisprudence citée au point 51 ci-dessus, la prise en considération des effets concrets d’une pratique concertée est superflue lorsqu’il apparaît que celle-ci a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun. De plus, l’absence de mise en œuvre de certains projets n’est pas susceptible d’écarter l’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE.

136    De surcroît, même à supposer que les requérantes n’aient pas marqué leur accord quant à l’augmentation des prix pour 2001, il suffit, selon la jurisprudence, que la Commission démontre que l’entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, sans s’y être manifestement opposée, pour prouver à suffisance la participation de ladite entreprise à l’entente. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d’avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur. La raison qui sous-tend ce principe de droit est que, ayant participé à ladite réunion sans se distancier publiquement de son contenu, l’entreprise a donné à penser aux autres participants qu’elle souscrivait à son résultat et qu’elle s’y conformerait (voir arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 70 supra, points 81 et 82, et la jurisprudence citée). Or, outre le fait que les requérantes ne prétendent pas en rapporter la preuve, il ne ressort pas des notes de Hansgrohe que Keramag ait signifié aux autres participants à la réunion de l’organisme de coordination IFS du 5 octobre 2000 qu’elle était opposée à la fixation des hausses de prix.

137    Au regard des considérations qui précèdent, le Tribunal estime que les éléments de preuve présentés par la Commission concernant la réunion de l’organisme de coordination IFS du 5 octobre 2000 revêtent, en soi, une valeur probante élevée pour démontrer la participation des requérantes aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée.

138    Deuxièmement, s’agissant de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 23 mai 2001, force est de constater que cette réunion est visée dans la décision attaquée dans la note en bas de page n° 867, insérée au considérant 635 qui figure sous le point 4.3 intitulé « Événements spécifiques ayant conduit à la fixation ou à la coordination des prix ». Au soutien de son appréciation s’agissant de l’introduction de l’euro, la Commission a, dans ladite note en bas de page, visé le procès-verbal de ladite réunion.

139    Il convient également de relever que le procès-verbal de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 23 mai 2001, dont les requérantes ne contestent pas le caractère contemporain et qu’elles ont joint en annexe à leurs requêtes, comprend, à cet égard, le passage suivant :

« Introduction de l’euro

Dans le document ci-joint les grossistes expliquent leur demande que leur soient communiquées des hausses de prix de 2002 pour le 31 juillet 2001 au plus tard […] »

140    Le procès-verbal de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 23 mai 2001fait donc référence à une demande des grossistes tendant à ce que les hausses de prix leur soient communiquées à une date déterminée. Toutefois, il ne mentionne nullement que lesdites hausses étaient coordonnées entre les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains. Partant, il ne permet pas de rapporter la preuve d’un agissement anticoncurrentiel. En revanche, notamment en présence d’une infraction unique et continue, il est susceptible de constituer un élément fragmentaire, au sens de la jurisprudence rappelée au point 100 et 101 ci-dessus, qu’il conviendra de prendre en compte dans le cadre de l’examen du faisceau d’indices invoqué par la Commission.

141    Au regard des considérations qui précèdent, le Tribunal estime que les éléments de preuve présentés par la Commission concernant la réunion de l’organisme de coordination IFS du 23 mai 2001 revêtent, en soi, une valeur probante faible pour démontrer la participation des requérantes aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée.

142    Troisièmement, s’agissant de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 11 avril 2002, force est de constater que cette réunion est visée au considérant 217 de la décision attaquée, qui porte sur le calendrier des hausses de prix en Allemagne en 2003 et qui figure au point 4.2.1.2 de la décision attaquée, relatif aux faits constatés par la Commission en Allemagne quant à la coordination régulière des hausses de prix. Au soutien de son appréciation, la Commission a visé, dans la note en bas de page n° 189, le procès-verbal de ladite réunion.

143    Il convient également de relever que le procès-verbal de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 11 avril 2002, dont les requérantes ne contestent pas le caractère contemporain et que la Commission a joint en annexe au mémoire en défense, comprend, s’agissant des conditions de fixation des prix, le passage suivant :

« Introduction de l’euro – Prix transitoires année 2003

Les membres de [l’organisme de coordination] IFS décident que les règles transitoires fixées pour l’année précédente sont maintenues pour l’année 2002/2003. »

144    Il ressort des termes du procès-verbal de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 11 avril 2002 que les participants se sont mis d’accord pour reconduire durant l’année 2003 des règles transitoires adoptées antérieurement dans le cadre de l’introduction de l’euro. Toutefois, la Commission n’a pas analysé dans la décision attaquée en quoi consistaient lesdites règles transitoires. Tout au plus renvoie-t-elle au considérant 644 de la décision attaquée, s’agissant des conséquences tirées en Allemagne, par les fabricants, de l’introduction de l’euro, à la réunion de l’association spécialisée FSKI du 13 juillet 2001. Or, ainsi que cela ressort de l’examen par le Tribunal, au point 170 ci-après, des éléments se rapportant à cette dernière, ils ne permettent pas de constater que les fabricants ont discuté à cette occasion d’une coordination à la hausse des prix dans la perspective de l’introduction de l’euro.

145    Partant, les termes du procès-verbal de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 11 avril 2002 ne permettent pas de conclure, en soi, à l’existence d’un agissement dont l’objet serait anticoncurrentiel. En revanche, notamment en présence d’une infraction unique et continue, ils sont susceptibles de constituer un élément fragmentaire, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 100 et 101 ci-dessus, qu’il conviendra de prendre en compte dans le cadre de l’examen du faisceau d’indices invoqué par la Commission.

146    Au regard des considérations qui précèdent, le Tribunal estime que les éléments de preuve présentés par la Commission concernant la réunion de l’organisme de coordination IFS du 11 avril 2002 revêtent, en soi, une valeur probante faible pour démontrer la participation des requérantes aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée.

147    Quatrièmement, s’agissant de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 20 novembre 2002, force est de constater, tout d’abord, que cette réunion est visée au considérant 221 de la décision attaquée. Audit considérant, la Commission affirme que, lors de cette réunion, les participants ont envisagé de fixer le prix destiné au consommateur final en convenant avec les grossistes d’un coefficient multiplicateur fixe et uniforme. Au soutien de son appréciation, la Commission a notamment visé, dans la note en bas de page n° 196, le procès-verbal de ladite réunion.

148    Il convient également de relever que le procès-verbal de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 20 novembre 2002, dont les requérantes ne contestent pas le caractère contemporain et qu’elles ont joint en annexe à leurs requêtes, comprend, à cet égard, le passage suivant :

« Le cadre actuel de fixation des prix, dominé par les grossistes, a conduit, à plusieurs reprises, à l’élimination perpétuelle des produits de marque due à une augmentation disproportionnée des marges appliquées par les grossistes par rapport aux prix de vente des fabricants. Pour mettre un terme à cette exclusion des produits de marque, il serait nécessaire que nous nous mettions d’accord avec les grossistes sur un coefficient multiplicateur uniforme et fixe. »

149    Il ressort des termes du procès-verbal de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 20 novembre 2002 que, pour prévenir les effets négatifs, sur certaines gammes de produits, qui résultent du pouvoir des grossistes de fixer leurs marges appliquées sur le prix de vente au consommateur final, les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains ayant participé à cette réunion étaient convenus de la nécessité de fixer, en accord avec les grossistes, un coefficient multiplicateur fixe et uniforme pour calculer lesdites marges.

150    L’accord conclu entre les fabricants d’installations sanitaires, en ce qu’il prend acte de la nécessité d’adopter un processus devant permettre de fixer les prix sur le marché, est, par son objet, de nature à fausser le jeu de la concurrence. En effet, si l’application d’un tel coefficient est susceptible, en ce qu’il peut contribuer à limiter l’augmentation des prix de vente des grossistes, de profiter au consommateur final, il n’en demeure pas moins qu’il est tout autant susceptible d’empêcher un grossiste de facturer au consommateur final un prix moins élevé que celui calculé sur sa base. Dès lors, au regard de la jurisprudence rappelée au point 51 ci-dessus, les discussions tenues lors de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 20 novembre 2002 revêtent un caractère anticoncurrentiel.

151    Ensuite, force est de constater que, au considérant 752 de la décision attaquée, la Commission a fait valoir que, lors de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 20 novembre 2002, il avait été affirmé que le coût supplémentaire entraîné par l’instauration de péages routiers devait être indiqué sur la facture. Au soutien de son appréciation, la Commission a de nouveau visé le procès-verbal de cette réunion.

152    Il convient également de relever que le procès-verbal de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 20 novembre 2002 comprend, à cet égard, le passage suivant :

« L’introduction de péages routiers pour les camions, qui doit avoir lieu dans la deuxième moitié de 2003, n’a pas été prise en compte par l’industrie dans le calcul du prix. Dès lors, elle pourrait seulement être prise en compte, dans la facture, en tant que coût additionnel séparé. »

153    Le passage du procès-verbal de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 20 novembre 2002 qui est cité au point 152 ci-dessus démontre sans ambiguïté l’objet anticoncurrentiel de ladite réunion. En effet, il permet de constater que les participants sont convenus des modalités de prise en compte du coût résultant de l’introduction des péages routiers dans la fixation du prix à acquitter par leurs clients.

154    Au regard des considérations qui précèdent, le Tribunal estime que les éléments de preuve présentés par la Commission concernant la réunion de l’organisme de coordination IFS du 20 novembre 2002 revêtent, en soi, une valeur probante élevée pour démontrer la participation des requérantes aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée.

155    Cinquièmement, s’agissant des réunions de l’organisme de coordination IFS des 4 juillet 2002, 15 octobre 2003 et 20 juillet 2004, force est de constater qu’elles sont visées au considérant 238 de la décision attaquée. Audit considérant, la Commission affirme que, lors de ces réunions, les participants ont échangé leurs chiffres d’affaires et leurs chiffres d’exportation. Au soutien de son appréciation, la Commission a notamment visé, dans les notes en bas de page nos 227 à 229 de la décision attaquée, des notes manuscrites ou des procès-verbaux se rapportant auxdites réunions.

156    Il ressort des notes manuscrites se rapportant aux réunions de l’organisme de coordination IFS des 4 juillet 2002, 15 octobre 2003 et 20 juillet 2004 ainsi que des procès-verbaux concernant les réunions des 4 juillet 2002 et 15 octobre 2003, dont les requérantes ne contestent pas le caractère contemporain et qu’elles ont joints en annexe à leurs requêtes, que, au cours de ces réunions, les participants ont échangé des données, sous forme de pourcentages, relatives à l’évolution passée et, dans une moindre mesure, future de leurs ventes, tant nationales qu’à l’exportation.

157    Les échanges d’informations au cours des réunions de l’organisme de coordination IFS des 4 juillet 2002, 15 octobre 2003 et 20 juillet 2004 ne revêtent pas, en tant que tels, un caractère anticoncurrentiel. En revanche, notamment en présence d’une infraction unique et continue, ils sont susceptibles de constituer des éléments fragmentaires, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 100 et 101 ci-dessus, qu’il conviendra de prendre en compte dans le cadre de l’examen du faisceau d’indices invoqué par la Commission.

158    Au regard des considérations qui précèdent, le Tribunal estime que les éléments de preuve présentés par la Commission concernant les réunions de l’organisme de coordination IFS des 4 juillet 2002, 15 octobre 2003 et 20 juillet 2004 revêtent, en soi, une valeur probante faible pour démontrer la participation des requérantes aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée.

–       Sur les éléments de preuve relatifs aux réunions de l’association spécialisée FSKI

159    Les requérantes font valoir, en substance, que les réunions de l’association spécialisée FSKI ayant eu lieu les 7 et 8 juillet 2000, 13 juillet 2001, 23 janvier 2002, 5 juillet 2002, 17 janvier 2003, 4 et 5 juillet 2003, mentionnées à l’annexe 4 de la décision attaquée, ne pouvaient être retenues à leur égard. En effet, la Commission n’aurait pas affirmé, dans les motifs de la décision attaquée, que des discussions anticoncurrentielles auraient eu lieu au cours des réunions de ladite association spécialisée des 23 janvier et 5 juillet 2002. En outre, les éléments de preuve présentés par la Commission s’agissant tant de ces dernières réunions que de celles de cette association spécialisée des 7 et 8 juillet 2000, 13 juillet 2001, 17 janvier 2003, 4 et 5 juillet 2003 seraient insuffisantes pour démontrer que Keramag était impliquée dans des discussions concernant la fixation des prix ou un échange sur les augmentations programmées des prix.

160    À titre liminaire, il convient de relever que les requérantes contestent la valeur probante des éléments se rapportant à six des sept réunions de l’association spécialisée FSKI retenues par la Commission. En effet, il ressort de l’annexe 4 de la décision attaquée que, dans ladite annexe, la Commission avait également constaté que Keramag avait participé à une réunion dudit organisme de coordination le 23 janvier 2001. Dans la mesure où les requérantes ne soulèvent aucun argument concernant cette dernière réunion, il convient de considérer qu’elles ne contestent pas la valeur probante des éléments de preuve, présentés par la Commission concernant ladite réunion, pour démontrer leur participation à l’infraction constatée.

161    À titre principal, premièrement, il y a lieu de relever, à l’instar des requérantes, que, si l’annexe 4 de la décision attaquée permet d’attester la participation des requérantes aux réunions de l’association spécialisée FSKI des 23 janvier et 5 juillet 2002, en revanche, force est de constater que ces deux réunions ne sont pas mentionnées dans les motifs de la décision attaquée comme ayant donné lieu à des agissements anticoncurrentiels entre les participants. Partant, les éléments de preuve avancés au titre de ces deux réunions ne sont pas opposables aux requérantes afin de démontrer qu’elles ont participé à des agissements anticoncurrentiels dans le cadre des réunions de ladite association spécialisée.

162    Deuxièmement, s’agissant des réunions de l’association spécialisée FSKI des 7 et 8 juillet 2000, 13 juillet 2001, 17 janvier, 4 et 5 juillet 2003, il convient d’examiner si la Commission disposait d’éléments de preuve suffisants pour conclure que les discussions qui y ont eu lieu ont été de nature anticoncurrentielle.

163    En premier lieu, s’agissant des réunions de l’association spécialisée FSKI des 7 et 8 juillet 2000 et du 13 juillet 2001, il convient de relever que, au considérant 270 de la décision attaquée, la Commission les mentionne, notamment, au sujet des activités anticoncurrentielles auxquelles Keramag a pris part en Allemagne. En particulier, s’agissant de la réunion des 7 et 8 juillet 2000, elle souligne qu’il ressort du compte rendu d’Ideal Standard, communiqué dans le cadre de sa demande tendant à bénéficier de la communication sur la coopération de 2002, relatif à cette réunion que les fabricants d’articles en céramique ont discuté de leurs tarifs, au moins en ce qui concerne une majoration de 3 % liée aux coûts. Selon elle, les notes précisent également que le représentant de Duravit a proposé de poursuivre leur hausse de prix habituelle de 4 %, qui avait été appliquée de manière coordonnée. S’agissant de la réunion du 13 juillet 2001, elle fait valoir qu’il ressort du compte rendu de ladite réunion que la hausse de prix maximale envisagée pour le cycle de prix suivant, à savoir celui de l’année 2002, devait s’élever à environ 3 %. Selon elle, ledit compte rendu indique également que tous les participants étaient convenus d’appliquer une remise de 50 % aux grossistes pour les produits exposés en salle d’exposition.

164    À cet égard, premièrement, il y a lieu de constater que les requérantes ne contestent ni la matérialité ni le caractère contemporain des comptes rendus des réunions de l’association spécialisée FSKI des 7 et 8 juillet 2000 et du 13 juillet 2001, sur lesquels la Commission a fondé son appréciation.

165    Tout d’abord, tout au plus reprochent-elles à la Commission d’avoir fondé son appréciation sur des éléments de preuve relatifs aux réunions de l’association spécialisée FSKI des 7 et 8 juillet 2000 et du 13 juillet 2001, pour considérer que les agissements anticoncurrentiels des requérantes se seraient poursuivis après 2001. À cet égard, il suffit de constater que la hausse maximale de prix discutée lors de cette dernière réunion concernait le cycle de prix de l’année 2002. Partant, ce grief doit être écarté comme non fondé.

166    Ensuite, les requérantes font valoir que, concernant la réunion de l’association spécialisée FSKI des 7 et 8 juillet 2000, les barèmes de prix de Keramag n’ont pas augmenté de 4 % en 2001, mais seulement d’approximativement 0,5 %, ce qui montrerait que Keramag n’a pas marqué son accord quant à cette augmentation et ne l’a pas mise en œuvre. Un tel grief doit, pour les raisons déjà évoquées aux points 135 et 136 ci-dessus, être écarté comme étant inopérant afin d’apprécier le caractère probant de ces éléments de preuve.

167    Enfin, s’agissant du renvoi par les requérantes à leurs arguments avancés à l’appui du premier moyen, afin d’étayer leurs arguments exposés à l’appui du troisième moyen, concernant les réunions de l’association spécialisée FSKI, il convient de nouveau de l’écarter comme étant inopérant.

168    En effet, d’une part, s’agissant de la première branche du premier moyen, accueillie par le Tribunal en ce que les requérantes soutiennent que l’objet anticoncurrentiel d’un agissement, telle une pratique concertée, entre non-concurrents, ne peut être présumé, force est de constater que, sans que cela soit contesté par les requérantes, les réunions de l’association spécialisée FSKI des 7 et 8 juillet 2000 et du 13 juillet 2001 ont donné lieu à des discussions entre elles et des concurrents concernant le marché d’un des trois sous-groupes de produits, à savoir les articles en céramique. Deuxièmement, s’agissant de la seconde branche du premier moyen, le Tribunal a conclu, au point 67 ci-dessus, qu’il y avait lieu de la rejeter comme non fondée.

169    D’autre part, il y a lieu de considérer que le contenu des comptes rendus visés au point 163 ci-dessus démontre sans ambiguïté l’objet anticoncurrentiel des réunions de l’association spécialisée FSKI des 7 et 8 juillet 2000 et du 13 juillet 2001. En effet, les hausses de prix communiquées à leur occasion entre les participants constituent des informations sensibles, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 54 à 57 ci-dessus.

170    Au regard des considérations qui précèdent, le Tribunal estime que, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur les arguments des requérantes s’agissant des agissements anticoncurrentiels en Allemagne liés à l’introduction de l’euro, tels que relevés par la Commission au considérant 644 de la décision attaquée, les éléments de preuve présentés par la Commission concernant les réunions de l’association spécialisée FSKI des 7 et 8 juillet 2000 et du13 juillet 2001 revêtent, en soi, une valeur probante élevée pour démontrer la participation des requérantes aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée.

171    En second lieu, s’agissant des réunions de l’association spécialisée FSKI du 17 janvier et des 4 et 5 juillet 2003, il y a lieu de constater qu’elles sont visées dans la note en bas de page n° 224 qui étaye le considérant 238 de la décision attaquée. Ce dernier considérant fait partie des développements relatifs au fait que la coordination des prix était étayée par un échange d’informations commerciales, en particulier au sujet des ventes. Au soutien de son appréciation, la Commission a notamment visé les procès-verbaux de ces deux réunions.

172    Il y a lieu de relever que les requérantes ne contestent pas le caractère contemporain des procès-verbaux des réunions de l’association spécialisée FSKI du 17 janvier et des 4 et 5 juillet 2003 qu’elles ont joints en annexe à leurs requêtes.

173    Premièrement, s’agissant de la réunion de l’association spécialisée FSKI du 17 janvier 2003, il ressort du procès-verbal la concernant que, en sus d’échanges d’informations commerciales générales et historiques concernant le secteur dans son ensemble, les participants ont discuté, tout d’abord, de la coordination des prix. En effet, il est indiqué audit procès-verbal :

« M. [W.] présente un rapport sur le système de conditions et de prix récemment introduit, qui a été conçu de manière uniforme pour toutes les catégories de produits. »

174    Le passage du procès-verbal de la réunion de l’association spécialisée FSKI du 17 janvier 2003 cité au point 173 ci-dessus démontre sans ambiguïté l’objet anticoncurrentiel de ladite réunion. En effet, la présentation du rapport en cause a permis aux participants d’assurer le suivi du système de coordination des prix qu’ils ont mis en place et dont l’objet est indubitablement anticoncurrentiel. Partant, ledit rapport constitue une information sensible au sens de la jurisprudence rappelée aux points 54 à 57 ci-dessus.

175    Ensuite, il convient de relever que le procès-verbal de la réunion de l’association spécialisée FSKI du 17 janvier 2003 comprend également le passage suivant, relatif à l’instauration de péages routiers :

« [L’] opinion [des fabricants] est que ces coûts, qui n’ont pas été engendrés par l’industrie des articles en céramique et sur lesquels l’industrie n’a aucune influence, devraient être répercutés sur les prix. »

176    Le passage du procès-verbal de la réunion de l’association spécialisée FSKI du 17 janvier 2003 cité au point 175 ci-dessus démontre également l’objet anticoncurrentiel de ladite réunion. En effet, il atteste une coordination entre les participants à cette réunion de leur comportement sur le marché en réaction à l’augmentation des coûts liée à l’instauration de péages routiers.

177    Deuxièmement, s’agissant de la réunion de l’association spécialisée FSKI des 4 et 5 juillet 2003, il ressort du procès-verbal la concernant que, en sus d’échanges d’informations commerciales générales et historiques concernant le secteur dans son ensemble, les participants ont eu des discussions concernant l’instauration de péages routiers rapportées dans le passage suivant :

« Péage routier

Les participants s’accordent sur le fait que cette charge supplémentaire, qui équivaut à une augmentation des taxes, ne peut pas être supportée unilatéralement par l’industrie. Néanmoins, la répercussion sur les acheteurs doit être prudente, dans la mesure où la charge supplémentaire réelle pour les fabricants d’articles en céramique représente seulement, selon les participants, de 0,2 à 0,4 % du chiffre d’affaires. »

178    Le passage du procès-verbal de la réunion de l’association spécialisée FSKI des 4 et 5 juillet 2003 cité au point 177 ci-dessus démontre l’objet anticoncurrentiel de ladite réunion. En effet, il permet d’établir que, lors de cette réunion, les participants se sont entendus quant à la façon de réagir à l’instauration de péages routiers, et ce en décidant de répercuter le coût desdits péages sur les prix facturés à la clientèle et faussant de ce fait le jeu de la concurrence.

179    Au regard des considérations qui précèdent, le Tribunal estime que les éléments de preuve présentés par la Commission concernant les réunions de l’association spécialisée FSKI du 17 janvier et des 4 et 5 juillet 2003 revêtent, en soi, une valeur probante élevée pour démontrer la participation des requérantes aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée.

–       Sur la liste de Hansgrohe

180    Au considérant 213 de la décision attaquée, la Commission a affirmé que les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains s’informaient mutuellement de leurs hausses de prix en s’envoyant respectivement leurs annonces de hausses de prix et que, dans ce but, Hansgrohe tenait à jour une liste de destinataires, pour ses annonces de hausses de prix au cours des années 2001 et 2002, sur laquelle figurait le nom Keramag.

181    Il convient de relever que les requérantes ne contestent ni l’existence de la liste de Hansgrohe ni le fait qu’il s’agit d’une liste de destinataires des lettres d’annonce de prix. En revanche, elles font valoir que la Commission n’a pas avancé de preuve que de telles annonces ont été envoyées ou reçues et que ladite liste n’inclut pas le nom d’une personne de contact chez Keramag et mentionne une adresse erronée.

182    À cet égard, il y a lieu de considérer que l’existence de la liste de Hansgrohe suffit à démontrer que des échanges concernant les prix avaient lieu entre les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bain. La circonstance que cette liste fasse apparaître une adresse erronée s’agissant de Keramag et ne mentionne pas le nom d’une personne de contact la concernant est sans pertinence à cet égard, dès lors qu’il est notamment établi que Keramag a participé à plusieurs réunions de l’organisme de coordination IFS et de l’association spécialisée FSKI au cours desquelles des agissements anticoncurrentiels ont été constatés.

183    Bien que la liste de Hansgrohe ne permette pas de rapporter l’existence d’une coordination des prix entre les membres de l’entente en cause, il y a lieu de considérer qu’elle est susceptible de constituer un élément fragmentaire, au sens de la jurisprudence rappelée au point 100 et 101 ci-dessus, qu’il conviendra de prendre en compte dans le cadre de l’examen du faisceau d’indices invoqué par la Commission. Partant, elle revêt, en soi, une valeur probante élevée pour démontrer la participation des requérantes aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée.

 Sur le caractère précis et concordant du faisceau d’indices invoqué par la Commission afin de démontrer la participation de Keramag à l’entente en Allemagne entre le 7 juillet 2000 et le 9 novembre 2004

184    À la lumière, d’une part, de la jurisprudence rappelée aux points 99 à 101 ci-dessus et, d’autre part, des conclusions qui précèdent quant à l’examen, aux points 127 à 183 ci-dessus, des éléments de preuve réunis par la Commission s’agissant de la participation de Keramag à l’entente en Allemagne entre le 7 juillet 2000 et le 9 novembre 2004, il convient à présent d’apprécier globalement si le faisceau d’indices invoqué par la Commission, afin de rapporter la preuve de ladite participation, répond aux exigences de précision et de concordance permettant de fonder la ferme conviction que les requérantes ont participé à l’infraction en cause.

185    À ce titre, il ressort des conclusions qui précèdent quant à l’examen, aux points 127 à 183 ci-dessus, des éléments de preuve réunis par la Commission s’agissant de la participation de Keramag à l’entente en Allemagne entre le 7 juillet 2000 et le 9 novembre 2004, que, tout d’abord, les éléments de preuve se rapportant aux réunions suivantes revêtent, en soi, une valeur probante élevée pour démontrer la participation des requérantes aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée :

–        la réunion de l’association spécialisée FSKI des 7 et 8 juillet 2000 ;

–        la réunion de l’organisme de coordination IFS du 5 octobre 2000 ;

–        la réunion de l’association spécialisée FSKI du 23 janvier 2001 ;

–        la réunion de l’association spécialisée FSKI du 13 juillet 2001 ;

–        la réunion de l’organisme de coordination IFS du 20 novembre 2002 ;

–        la réunion de l’association spécialisée FSKI du 17 janvier 2003 ;

–        la réunion de l’association spécialisée FSKI des 4 et 5 juillet 2003.

186    Au regard de la valeur probante élevée que revêtent tant les éléments de preuve se rapportant aux réunions listées au point qui précède, tenues en 2000, en 2001, en 2002 et en 2003, que la liste de Hansgrohe, il convient de constater que c’est à tort que les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir rapporté à suffisance de droit la preuve de leur participation à l’infraction en cause en Allemagne durant ces quatre années.

187    S’agissant de l’année 2004, il y a lieu de constater que la Commission a rapporté la tenue d’une réunion de l’organisme de coordination IFS le 20 juillet 2004. Les éléments de preuve se rapportant à cette réunion revêtent une valeur probante faible.

188    Toutefois, tout d’abord, il convient de rappeler que les requérantes ne contestent pas que l’entente en cause, ainsi que relevé au point 2 ci-dessus, fonctionnait sur la base de cycles annuels de coordination des hausses de prix qui faisaient suite à des réunions régulières tenues au cours de l’année civile précédente. Or, le Tribunal a considéré que la Commission avait démontré à suffisance de droit que la réunion de l’association spécialisée FSKI des 4 et 5 juillet 2003 à laquelle Keramag avait participé avait un objet anticoncurrentiel en ce qu’elle avait porté sur les hausses de prix à appliquer à la suite de l’instauration de péages routiers.

189    Ensuite, il y a lieu de constater que la réunion de l’organisme de coordination IFS du 20 juillet 2004 est intervenue à la suite d’une longue période de quatre années de participation régulière de la part de Keramag à plusieurs réunions de l’organisme de coordination IFS et de l’association spécialisée FSKI en Allemagne, dont l’objet anticoncurrentiel a été rapporté à suffisance de droit par la Commission.

190    Par ailleurs, ainsi qu’il a été relevé par le Tribunal au point 156 ci-dessus, au cours de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 20 juillet 2004, les participants ont échangé leurs chiffres d’affaires et leurs chiffres d’exportation. Il y a lieu de considérer que ces éléments sont susceptibles d’étayer le mécanisme de coordination des hausses de prix reproché par la Commission au titre de l’infraction constatée, et ce, d’une part, en fournissant aux fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains des indications quant aux effets de la coordination des hausses de prix sur l’évolution des ventes et, d’autre part, en leur permettant de surveiller la mise en œuvre des hausses de prix décidées au cours de réunions antérieures.

191    Enfin, il y a lieu de constater que, à aucun moment durant sa participation aux réunions de l’organisme de coordination IFS et de l’association spécialisée FSKI tenues à partir de l’année 2000, et dont l’objet anticoncurrentiel a été démontré à suffisance de droit par la Commission, Keramag ne s’est distancée publiquement de leur contenu.

192    Partant, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que la Commission a conclu, fût-ce en recourant à des déductions, que Keramag avait continué à participer à l’entente en Allemagne en 2004.

193    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que le faisceau d’indices invoqué par la Commission, apprécié globalement, est suffisamment précis et concordant pour fonder la ferme conviction que les requérantes ont participé à l’infraction en cause en Allemagne au cours des années 2000 à 2004.

194    De surcroît, il convient de relever que la Commission a décidé, ainsi qu’il a été indiqué au considérant 1140 de la décision attaquée et sans que cela soit contesté par les requérantes, qu’elle se fondait, pour déterminer la date de début de la participation d’une entreprise à l’entente, sur la première réunion pour laquelle il existe des preuves incontestables de discussion des prix et de participation de l’entreprise en question. La Commission n’a donc commis aucune erreur en constatant que Keramag avait participé, en Allemagne, à l’infraction constatée à compter du 7 juillet 2000.

195    De même, s’agissant de la date de fin de participation à l’entente, il ressort du considérant 1170 de la décision attaquée, qui n’est pas non plus contesté par les requérantes, que la Commission a considéré que l’entente s’était poursuivie jusqu’à la date des inspections inopinées menées les 9 et 10 novembre 2004. Or, ainsi que le Tribunal l’a considéré au point 192 ci-dessus, la Commission ayant à bon droit conclu que les requérantes avaient participé à l’infraction en cause en Allemagne durant l’année 2004, c’est tout autant à bon droit qu’elle a conclu que ladite participation avait pris fin le 9 novembre 2004.

196    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que la deuxième branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

c)     Sur la troisième branche du troisième moyen, relative aux éléments de preuve concernant l’infraction commise en Italie

197    Les requérantes font valoir, en substance, que les éléments de preuve sur lesquels se fonde la Commission, dans la décision attaquée, pour conclure que Pozzi Ginori a participé à des agissements anticoncurrentiels en Italie, consistant notamment en une coordination des futures hausses de prix lors de réunions de l’association multi produits Michelangelo, entre le 14 mai 1996 et le 14 septembre 2001, sont insuffisants.

198    La Commission conteste le bien-fondé des arguments des requérantes.

199    Au regard de la jurisprudence rappelée aux points 99 à 101 ci-dessus, aux fins de déterminer si la Commission a valablement pu conclure à la participation de Pozzi Ginori, en Italie, à l’infraction constatée, entre le 14 mai 1996 et le 14 septembre 2001, le Tribunal examinera, dans un premier temps, les éléments de preuve relatifs aux réunions et agissements auxquels les requérantes ont participé et, dans un second temps, de manière globale, le caractère précis et concordant du faisceau d’indices ainsi invoqué par la Commission au soutien de son appréciation.

 Sur les éléments de preuve relatifs aux agissements anticoncurrentiels en Italie

200    À titre liminaire, d’une part, il convient de relever qu’il ressort du tableau joint à l’annexe 7 de la décision attaquée que la Commission a considéré que Pozzi Ginori avait participé aux réunions de l’association multi produits Michelangelo tenues les 14 mai 1996, 18 juillet 1996, 26 février, 21 avril, 23 septembre et 14 novembre 1997, 30 janvier, 8 juillet et 6 novembre 1998, 14 mai et 22 octobre 1999, 16 mars, 12 mai, 20 juillet et 26 octobre 2000, 9 mars et 14 septembre 2001. Ladite association regroupait notamment des fabricants d’articles de robinetterie et en céramique.

201    D’autre part, il y a lieu de constater que la troisième branche du troisième moyen s’articule autour de deux griefs, portant respectivement sur les réunions de l’association multi produits Michelangelo ayant eu lieu avant celle du 14 mai 1999 et sur celles ayant eu lieu à partir de cette dernière date. À titre principal, le Tribunal examinera successivement ces deux griefs.

–       Sur les éléments de preuve relatifs aux réunions de l’association multi produits Michelangelo ayant eu lieu avant le 14 mai 1999

202    Au regard des arguments exposés par les requérantes au soutien de la troisième branche du troisième moyen, le Tribunal examinera séparément les éléments de preuve relatifs à la réunion de l’association multi produits Michelangelo du 8 juillet 1998.

203    Dans un premier temps, s’agissant des réunions de l’association multi produits Michelangelo ayant eu lieu avant le 14 mai 1999, à l’exception de celle du 8 juillet 1998, à laquelle les requérantes reconnaissent qu’Ideal Standard a participé, elles font valoir qu’aucun fabricant d’articles en céramique destinataire de la décision attaquée, autre que Pozzi Ginori, n’a participé aux réunions de l’association multi produits Michelangelo ayant eu lieu entre le 14 mai 1996 et le 6 novembre 1998. Elles précisent que, alors que deux concurrents sur le marché italien des articles en céramique avaient participé à ces réunions, ils n’auraient été destinataires ni de la communication des griefs ni de la décision attaquée. Partant, il ne saurait être reproché à Pozzi Ginori d’avoir participé à des agissements anticoncurrentiels au cours desdites réunions. Dans la réplique, elles ajoutent que la Commission a violé leurs droits de la défense, dans la mesure où celle-ci a fait référence à la réunion de l’association multi produits Michelangelo du 14 mai 1996, pour la première fois, dans la décision attaquée et n’a pas mentionnée ladite réunion dans la communication des griefs.

204    La Commission conteste les arguments des requérantes.

205    En premier lieu, s’agissant du grief tiré de la violation des droits de la défense, force est de constater que ledit grief a été soulevé pour la première fois par les requérantes dans la réplique et qu’il ne se fonde sur aucun élément de droit ou de fait qui se serait révélé pendant la procédure. En effet, il convient de relever que la Commission a fait spécifiquement mention de la réunion de l’association multi produits Michelangelo du 14 mai 1996 aux considérants 405, 420, 435 et 1154, ainsi qu’à la note en bas de page n° 1616, de la décision attaquée, ce que les requérantes ne contestent pas. Or, un grief présenté au stade de la réplique est irrecevable dès lors, notamment, qu’il se fonde sur des éléments qui étaient connus du requérant à la date d’introduction du recours (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 21 octobre 2010, Umbach/Commission, T‑474/08, non publié au Recueil, point 60). Partant, le présent grief doit être rejeté comme étant irrecevable.

206    En second lieu, s’agissant du grief visant à contester leur participation, en Italie, à l’infraction constatée, avant le 14 mai 1999, tout d’abord, force est de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a exposé les faits qu’elle avait constatés s’agissant de l’Italie (considérants 398 à 462 de la décision attaquée), les arguments des requérantes dans leur réponse à la communication des griefs à ce sujet, ses appréciations et conclusions tirées au regard de ces arguments (considérants 489 à 491) et de sa conclusion finale s’agissant de ce pays (considérants 492 à 494 de la décision attaquée).

207    Ensuite, certes, dans la partie introductive de la troisième branche du troisième moyen, les requérantes soutiennent que l’association multi produits Michelangelo réunissait un groupe informel de participants originaires de différents secteurs qui cherchaient des informations générales relatives aux tendances dans tout le secteur des salles de bains, mais qui, faute d’accords, n’ont pas donné lieu à une coordination de comportements sur le marché à travers tout ce secteur.

208    Toutefois, force est de relever que, ainsi que cela ressort des arguments exposés par les requérantes quant aux réunions de l’association multi produits Michelangelo ayant eu lieu entre le 14 mai 1996 et le 6 novembre 1998, à l’exception de celle du 8 juillet 1998, à aucun moment elles ne contestent, de manière circonstanciée, la valeur probante des éléments de preuve qui figuraient dans le dossier de la Commission et qui ont été retenus par cette dernière pour démontrer l’objet anticoncurrentiel des agissements commis au cours desdites réunions. Par ailleurs, il y a lieu de constater que cette absence de contestation portant sur ces réunions ressort tant des termes des requêtes que de ceux de la réplique. En effet, alors que, dans le mémoire en défense, la Commission a rappelé et communiqué au Tribunal les éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission et qui se rapportent à chacune de ces réunions, à aucun moment ni dans la requête, ni dans la réplique, les requérantes ne contestent la valeur probante desdits éléments. C’est ainsi que, dans la réplique, les requérantes se contentent de maintenir leur unique argument exposé dans la requête, tel que rappelé au point 203 ci-dessus.

209    Par conséquent, le seul argument invoqué par les requérantes afin de contester leur participation, en Italie, à l’infraction constatée, avant la réunion de l’association multiproduits Michelangelo du 14 mai 1999 et mise à part celle du 8 juillet 1998, repose sur l’absence de poursuites par la Commission de deux autres concurrents de Pozzi Ginori, sur le marché italien des articles en céramique, alors qu’ils auraient participé à toutes ces réunions. Plus précisément, elles font valoir que, d’une part, ces deux concurrents n’ont pas été destinataires de la communication des griefs et de la décision attaquée et, d’autre part, la Commission a décidé de ne pas engager de poursuites à leur égard. Elles en déduisent que les agissements relevés par la Commission lors de toutes ces réunions n’étaient pas anticoncurrentiels.

210    Un tel argument ne saurait prospérer. En effet, tout d’abord, par cet argument, les requérantes indiquent que certains de leurs concurrents sur le marché italien des articles en céramique ont participé aux réunions, autres que celle du 8 juillet 1998, de l’association multiproduits Michelangelo ayant eu lieu entre le 14 mai 1996 et le 6 novembre 1998.

211    Ensuite, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence, aucune disposition du règlement n° 1/2003 n’oblige la Commission – qui ne jouit pas d’une compétence exclusive en la matière – de constater et de sanctionner tout comportement anticoncurrentiel. C’est ainsi qu’il ressort notamment des dispositions figurant dans le chapitre V, intitulé « Pouvoirs d’enquêtes », et dans le chapitre VI, intitulé « Sanctions », du règlement n° 1/2003, que la Commission n’a que la faculté d’agir de la sorte (« peut ») lorsqu’elle estime que le dossier en question le justifie (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, point 369). Dès lors, ni la circonstance que la Commission ait décidé de ne pas engager de poursuites à l’encontre de deux autres concurrents de Pozzi Ginori sur le marché des articles en céramique, et ce alors qu’ils avaient participé aux réunions visées au point 210 ci-dessus, ni le fait que ces derniers n’aient pas été destinataires de la communication des griefs et de la décision attaquée n’impliquent nécessairement qu’aucune infraction n’avait été commise lors des réunions concernées auxquelles ils avaient participé, avec les requérantes.

212    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que c’est à tort que les requérantes reprochent à la Commission de les avoir tenues pour responsables, au regard des éléments de preuve qu’elle a retenus dans la décision attaquée, des agissements anticoncurrentiels commis lors des réunions de l’association multiproduits Michelangelo ayant eu lieu, à l’exception de la réunion du 8 mai 1998, avant celle du 14 mai 1999. Partant, la Commission n’a commis aucune erreur en retenant les réunions de ladite association multiproduits des 14 mai et 18 juillet 1996, 26 février, 21 avril, 23 septembre et 14 novembre 1997, 30 janvier et 6 novembre 1998, pour démontrer la participation de Pozzi Ginori aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée.

213    Dans un second temps, s’agissant de la réunion de l’association multiproduits Michelangelo du 8 juillet 1998, les requérantes soutiennent que les conclusions de la Commission la concernant, qui figurent au considérant 430 de la décision attaquée, ne sont pas suffisamment étayées.

214    La Commission conteste ces arguments des requérantes.

215    À cet égard, il suffit de constater que, même à supposer que les arguments des requérantes soient fondés, ils ne sont pas susceptibles de démontrer que la Commission a commis une erreur en considérant que Pozzi Ginori avait participé à des agissements anticoncurrentiels en Italie entre le 14 mai 1996 et le 14 mai 1999. En effet, ainsi que cela a été relevé au point 188 ci-dessus, les requérantes ne contestent pas le constat de la Commission, figurant notamment au considérant 158 de la décision attaquée, selon lequel l’annualité du cycle de fixation des prix est un principe de base du fonctionnement de l’entente. Dès lors, eu égard aux constatations exposées au point 212 ci-dessus, quant aux éléments de preuve retenus à bon droit par la Commission s’agissant des réunions de l’association multiproduits Michelangelo des 14 mai et 18 juillet 1996, 26 février, 21 avril, 23 septembre et 14 novembre 1997, 30 janvier et 6 novembre 1998, la Commission pouvait valablement considérer que les requérantes avaient participé à des agissements anticoncurrentiels ayant débuté lors de la réunion du 14 mai 1996 et s’étant poursuivis jusqu’à la réunion du 6 novembre 1998.

–       Sur les éléments de preuve relatifs aux réunions de l’association multiproduits Michelangelo ayant eu lieu après le 14 mai 1999

216    S’agissant des huit réunions recensées à l’annexe 7 de la décision attaquée ayant eu lieu entre le 14 mai 1999 et le 14 septembre 2001, les requérantes font valoir, en substance, que les éléments de preuve retenus par la Commission ne démontrent pas à suffisance de droit l’existence d’une infraction.

217    La Commission conteste les arguments des requérantes.

218    Ainsi que cela ressort du point 200 ci-dessus, les huit réunions de l’association multiproduits Michelangelo auxquelles Pozzi Ginori a participé à partir du 14 mai 1999 ont eu lieu à cette dernière date, puis les 22 octobre 1999, 16 mars, 12 mai, 20 juillet et 26 octobre 2000, 9 mars et 14 septembre 2001. Le Tribunal examinera les éléments de preuve retenus par la Commission s’agissant, tout d’abord, des réunions des 22 octobre 1999 et 14 septembre 2001, ensuite, de celles des 14 mai 1999, 16 mars 2000 et 9 mars 2001 et, enfin, de celles des 12 mai, 20 juillet et 26 octobre 2000.

219    En premier lieu, s’agissant des réunions de l’association multiproduits Michelangelo des 22 octobre 1999 et 14 septembre 2001, il convient de constater que ces réunions sont respectivement visées aux considérants 435 et 445 de la décision attaquée. La Commission y affirme que des discussions ont porté, d’une part, lors de la première réunion, sur les ventes et sur l’évolution du marché et, d’autre part, lors de la seconde réunion, sur les toutes dernières évolutions des ventes de chaque entreprise. Au soutien de son appréciation, la Commission a visé, aux notes en bas de page nos 538 et 553 de la décision attaquée, des notes manuscrites prises au cours de ces réunions.

220    Il ressort des notes manuscrites prises au cours des réunions de l’association multiproduits Michelangelo des 22 octobre 1999 et 14 septembre 2001, ainsi que des réponses de la Commission à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, que Pozzi Ginori était le seul fabricant d’articles en céramique présent.

221    En outre, ainsi qu’il a été jugé au point 92 ci-dessus, lorsque, durant une réunion, des entreprises échangent des informations commerciales sensibles concernant des produits qu’elles fabriquent et que l’une des entreprises participant à ladite réunion ne fabrique pas de tels produits, il ne saurait être présumé, sur le fondement du seul constat de cet échange, que cette entreprise non concurrente des autres participants sur le marché de produits concerné a participé à une pratique dont l’objet est, en soi anticoncurrentiel.

222    Or, en l’espèce, force est de constater que, contrairement à la jurisprudence rappelée au point 91 ci-dessus, la Commission n’a pas démontré que Pozzi Ginori avait activement contribué à une restriction de concurrence à l’occasion des réunions de l’association multiproduits Michelangelo des 22 octobre 1999 et 14 septembre 2001, mais s’est uniquement fondée sur la participation de celle-ci auxdites réunions pour la tenir pour responsable des agissements anticoncurrentiels prétendument commis à cette occasion par les autres participants dont celle-ci n’était pas concurrente.

223    Au regard des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que les éléments de preuve relatifs aux réunions de l’association multiproduits Michelangelo des 22 octobre 1999 et 14 septembre 2001 ne revêtent aucune valeur probante pour démontrer la participation des requérantes aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée.

224    En deuxième lieu, s’agissant des réunions de l’association multiproduits Michelangelo des 14 mai 1999, 16 mars 2000 et 9 mars 2001, il convient de constater que ces réunions sont respectivement visées aux considérants 435, 439 et 445 de la décision attaquée. La Commission y affirme que, lors de la première réunion, les discussions ont notamment porté sur les ventes et sur l’évolution du marché, lors de la deuxième, les discussions ont principalement porté sur l’évolution du chiffre d’affaires et des ventes de chaque entreprise et, lors de la troisième réunion, les discussions ont porté sur les toutes dernières évolutions des ventes de chaque entreprise. Au soutien de son appréciation, la Commission a visé, aux notes en bas de page nos 538, 543 et 551 de la décision attaquée, des notes manuscrites prises au cours de ces réunions.

225    Il ressort des notes manuscrites prises au cours des réunions de l’association multiproduits Michelangelo des 14 mai 1999, 16 mars 2000 et 9 mars 2001 que, ainsi que l’a indiqué la Commission dans la décision attaquée, si les discussions intervenues lors de ces trois réunions ont donné lieu à des échanges de données relatives aux évolutions du marché, des ventes et du chiffres d’affaires des participants, elles n’ont, à aucun moment, porté sur des données telles que les prix futurs.

226    Partant, les échanges d’informations intervenus à l’occasion de ces trois réunions ne revêtent pas, en tant que tels, un caractère anticoncurrentiel. En revanche, notamment en présence d’une infraction unique et continue, ils sont susceptibles de constituer un élément fragmentaire, au sens de la jurisprudence rappelée au point 100 et 101 ci-dessus, qu’il conviendra de prendre en compte dans le cadre de l’examen du faisceau d’indices invoqué par la Commission.

227    Au regard des considérations qui précèdent, le Tribunal estime que les éléments de preuve présentés par la Commission concernant les réunions de l’association multiproduits Michelangelo des 14 mai 1999, 16 mars 2000 et 9 mars 2001 revêtent, en soi, une valeur probante faible pour démontrer la participation des requérantes aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée.

228    En troisième lieu, s’agissant des réunions de l’association multiproduits Michelangelo des 12 mai, 20 juillet et 26 octobre 2000, il convient de constater que ces réunions sont respectivement visées aux considérants 439, 441 et 442 de la décision attaquée. La Commission y affirme que, lors de la première réunion, les discussions ont porté sur les ventes et sur l’évolution du marché et Ideal Standard a confirmé la hausse de 3 % du prix de ses articles en céramique et la hausse de 2 % de ses produits de robinetterie, que, lors de la deuxième, plusieurs participants, dont Pozzi Ginori, ont confirmé des hausses de prix des produits qu’ils fabriquaient applicables selon les cas entre le 1er septembre 2000 et le 1er janvier 2001 et que, lors de la troisième réunion, les discussions ont notamment porté sur les hausses de prix à intervenir à compter du 1er janvier 2001. Au soutien de son appréciation, la Commission a visé, aux notes en bas de page nos 543, 546 et 548 de la décision attaquée, des notes manuscrites prises au cours de ces réunions.

229    Il ressort des notes manuscrites prises au cours des réunions de l’association multiproduits Michelangelo des 12 mai, 20 juillet et 26 octobre 2000, dont les requérantes ne contestent pas le caractère contemporain et que la Commission a jointes en annexe au mémoire en défense, que les discussions intervenues à cette occasion ont porté non seulement sur leurs ventes passées, mais aussi sur les hausses de prix futures envisagées par les participants, notamment s’agissant des articles en céramique, ce que les requérantes ne contestent pas.

230    Partant, les notes visées au point 229 ci-dessus démontrent sans ambiguïté l’objet anticoncurrentiel des réunions de l’association multiproduits Michelangelo des 12 mai, 20 juillet et 26 octobre 2000. En effet, d’une part, de telles informations échangées constituent une information sensible au sens de la jurisprudence rappelée aux points 54 à 57 ci-dessus. D’autre part, ainsi que le Tribunal l’a conclu au terme de l’examen de la seconde branche du premier moyen (voir points 63 à 66 ci-dessus), la circonstance que ces discussions ont porté sur des barèmes de prix et non sur des prix effectivement facturés est sans pertinence.

231    Au regard des considérations qui précèdent, le Tribunal estime que les éléments de preuve présentés par la Commission concernant les réunions de l’association multiproduits Michelangelo des 12 mai, 20 juillet et 26 octobre 2000 revêtent, en soi, une valeur probante élevée pour démontrer la participation des requérantes aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée.

 Sur le caractère précis et concordant du faisceau d’indices invoqué par la Commission afin de démontrer la participation de Pozzi Ginori à l’entente en Italie du 14 mai 1996 au 14 septembre 2001

232    À la lumière, d’une part, de la jurisprudence rappelée aux points 99 à 101 ci-dessus et, d’autre part, des conclusions qui précèdent quant à l’examen, aux points 202 à 231 ci-dessus, de la valeur probante respective des éléments de preuve réunis par la Commission s’agissant de la participation de Pozzi Ginori à l’entente en Italie entre le 14 mai 1996 et le 14 septembre 2001, il convient à présent d’apprécier globalement si le faisceau d’indices invoqué par la Commission, afin de rapporter la preuve de ladite participation, répond aux exigences de précision et de concordance permettant de fonder la ferme conviction que les requérantes ont participé à l’infraction en cause.

233    À ce titre, premièrement, ainsi qu’il a été conclu au point 212 ci-dessus, c’est à bon droit que la Commission a retenu les réunions de l’association multiproduits Michelangelo des 14 mai et 18 juillet 1996, 26 février, 21 avril, 23 septembre et 14 novembre 1997, 30 janvier et 6 novembre 1998, pour démontrer la participation de Pozzi Ginori aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée.

234    Deuxièmement, il ressort des conclusions qui précèdent quant à l’examen, aux points 216 à 231 ci-dessus, des éléments de preuve réunis par la Commission, s’agissant des réunions de l’association multiproduits Michelangelo ayant eu lieu après le 14 mai 1999 et auxquelles Pozzi Ginori a participé, que, tout d’abord, les éléments de preuve se rapportant aux réunions de l’association multiproduits Michelangelo suivantes, revêtent, en soi, une valeur probante élevée pour démontrer la participation des requérantes aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée :

–        la réunion du 12 mai 2000 ;

–        la réunion du 20 juillet 2000 ;

–        la réunion du 26 octobre 2000.

235    Au regard, d’une part, de la conclusion rappelée au point 233 ci-dessus, de laquelle il ressort que la Commission a, à bon droit, retenu plusieurs réunions tenues en 1996, en 1997 et en 1998, et, d’autre part, de la valeur probante élevée que revêtent les éléments de preuve se rapportant aux réunions listées au point qui précède, tenues en 2000, il convient de constater que c’est à tort que les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir rapporté à suffisance de droit la preuve de leur participation à l’infraction en cause en Italie durant ces quatre années.

236    S’agissant des années 1999 et 2001, ainsi que le Tribunal l’a conclu au point 227 ci-dessus, les éléments de preuve présentés par la Commission concernant les réunions de l’association multiproduits Michelangelo des 14 mai 1999 et 9 mars 2001 revêtent une valeur probante faible.

237    Toutefois, tout d’abord, il convient de rappeler que l’entente en cause fonctionnait sur la base de cycles annuels de coordination des hausses de prix qui faisaient suite à des réunions régulières tenues au cours de l’année civile précédente. Or, le Tribunal a considéré que la Commission a établi à suffisance de droit que Pozzi Ginori avait participé à des réunions en 1998 et en 2000 durant lesquelles les participants avaient discuté de la coordination des hausses de prix futures.

238    Ensuite, il y a lieu de constater que les deux réunions de l’association multiproduits Michelangelo le 14 mai 1999 et le 9 mars 2001 sont intervenues à la suite d’une longue période d’au moins trois années de participation régulière de la part de Pozzi Ginori à plusieurs réunions de ladite association dont l’objet anticoncurrentiel a été établi à suffisance de droit par la Commission.

239    Par ailleurs, ainsi qu’il a été relevé par le Tribunal au point 225 ci-dessus, au cours des réunions de l’association multiproduits Michelangelo le 14 mai 1999 et le 9 mars 2001, les participants ont échangé des données relatives aux évolutions du marché, de leurs ventes et de leurs chiffres d’affaires. Il y a lieu de considérer que ces éléments sont susceptibles d’étayer le mécanisme de coordination des hausses de prix reproché par la Commission au titre de l’infraction constatée, et ce, d’une part, en fournissant aux fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains des indications quant aux effets de la coordination des hausses de prix sur l’évolution des ventes et, d’autre part, en leur permettant de surveiller la mise en œuvre des hausses de prix décidées au cours de réunions antérieures.

240    Enfin, il y a lieu de constater que, à aucun moment durant la participation de Pozzi Ginori aux réunions de l’association multiproduits Michelangelo tenues à partir de l’année 1996, et dont l’objet anticoncurrentiel a été démontré à suffisance de droit par la Commission, Pozzi Ginori ne s’est distancée publiquement de leur contenu.

241    Partant, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que la Commission a conclu, fût-ce en recourant à des déductions, que Pozzi Ginori avait continué à participer à l’entente en Italie lors des réunions de l’association multiproduits Michelangelo des 14 mai 1999 et 9 mars 2001.

242    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que le faisceau d’indices invoqué par la Commission, apprécié globalement, est suffisamment précis et concordant pour fonder la ferme conviction que les requérantes ont participé à l’infraction en cause en Italie au cours des années 1996 à 2001.

243    S’agissant de la date de début de la participation de Pozzi Ginori à l’entente, il convient de rappeler, ainsi qu’il a été exposé au point 194 ci-dessus, que la Commission s’est fondée sur la première réunion pour laquelle il existait des preuves incontestables de discussion des prix et de participation de l’entreprise en question. Partant, au regard de la conclusion tirée au point 212 ci-dessus, la Commission n’a pas commis d’erreur en constatant que Pozzi Ginori avait participé à l’entente en Italie à partir de la réunion de l’association multiproduits Michelangelo du 14 mai 1996.

244    S’agissant de la date de fin de la participation de Pozzi Ginori à l’entente, il convient de relever que la Commission a précisé, au considérant 1172 de la décision attaquée, que ladite participation avait duré jusqu’à la réunion de l’association multiproduits Michelangelo du 14 septembre 2001. Or, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 223 ci-dessus, les éléments de preuve relatifs aux réunions de ladite association multiproduits des 22 octobre 1999 et 14 septembre 2001 ne revêtent aucune valeur probante pour démontrer la participation des requérantes aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée. Partant, en l’absence d’une quelconque force probante des éléments se rapportant à cette dernière réunion, c’est à tort que la Commission a considéré que Pozzi Ginori avait participé à l’entente en Italie jusqu’à la date de ladite réunion. En revanche, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 241 ci-dessus, la Commission a conclu à bon droit que Pozzi Ginori avait continué à participer à l’entente en Italie lors des réunions de l’association multiproduits Michelangelo des 14 mai 1999 et 9 mars 2001. Partant, c’est sans commettre d’erreur qu’elle a pu considérer que la participation des requérantes à l’entente en Italie avait duré jusqu’à cette dernière date.

245    Il ressort des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’accueillir la troisième branche du troisième moyen dans la mesure où la Commission a commis une erreur en concluant que les requérantes avaient participé à une entente relative aux articles en céramique en Italie du 14 mai 1996 au 14 septembre 2001, alors même que la preuve de leur participation à cette entente n’a été rapportée à suffisance de droit par la Commission que durant la période comprise entre le 14 mai 1996 et le 9 mars 2001.

246    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient d’accueillir partiellement le troisième moyen, en ce qu’il est pris en ses premières et troisième branches, et de le rejeter pour le surplus.

D –  Sur le quatrième moyen, tiré de l’absence d’intérêt à constater une infraction aux Pays-Bas

247    Les requérantes soutiennent que la décision attaquée est entachée d’illégalité en ce que la Commission y constate une infraction commise par Sphinx aux Pays-Bas, alors que cette infraction est prescrite. Selon elles, la Commission n’a pas démontré, au considérant 1179 de la décision attaquée, l’existence d’un intérêt légitime à constater une telle infraction. En effet, d’une part, l’infraction alléguée aux Pays-Bas n’étant pas contemporaine des infractions constatées dans les pays frontaliers les plus étroitement liés, à savoir la Belgique, la France ou l’Allemagne, il ne serait pas exact d’affirmer que la constatation de cette infraction aide à expliquer le champ d’application réel et l’uniformité du comportement anticoncurrentiel. D’autre part, la Commission n’aurait pas prouvé la nécessité de cette constatation en ce qui concerne Sphinx.

248    La Commission conteste le bien-fondé des arguments des requérantes.

249    Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, « lorsque la Commission y a un intérêt légitime, elle peut […] constater qu’une infraction a été commise dans le passé ».

250    Certes, ainsi que s’en prévalent les requérantes, dans son arrêt du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission (T-22/02 et T-23/02, Rec. p. II‑4065, point 138), le Tribunal a jugé que la Commission n’avait pas expliqué en quoi la gravité et l’extension géographique des comportements infractionnels en cause rendaient nécessaire la constatation des infractions ayant cessé.

251    Toutefois, il convient de relever que la jurisprudence postérieure à cet arrêt n’a pas confirmé que, ainsi que le soutiennent les requérantes, le critère de l’intérêt légitime, au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, devait être compris comme renvoyant à l’obligation de prouver la nécessité de constater l’infraction prescrite. En effet, dans l’arrêt du 12 octobre 2007, Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission (T‑474/04, Rec. p. II‑4225, point 72), le Tribunal a, à cet égard, uniquement fait référence à l’intérêt du public de connaître le plus amplement possible les motifs de toute action de la Commission, l’intérêt des opérateurs économiques de savoir quels sont les comportements susceptibles de les exposer à des sanctions et l’intérêt des personnes lésées par l’infraction d’en connaître les détails afin de pouvoir faire valoir, le cas échéant, leurs droits à l’encontre des entreprises sanctionnées.

252    En l’espèce, il convient d’observer que, au considérant 1179 de la décision attaquée, après avoir constaté que l’infraction commise aux Pays-Bas était prescrite à la date de l’adoption de la décision attaquée, la Commission a considéré qu’il existait un intérêt légitime à constater cette partie de l’infraction constatée dans la mesure où elle faisait partie d’une infraction globale plus étendue, ce qui permettait d’expliquer le champ d’application réel et l’uniformité du comportement anticoncurrentiel reproché.

253    À cet égard, le Tribunal estime que la constatation d’une infraction dans le cadre de la SFP, fut-elle prescrite, contribue à démontrer le caractère global de l’infraction constatée dans la présente affaire, en donnant une vision plus large du caractère multiproduits et transfrontalier de ladite infraction. En outre, ladite constatation contribue à confirmer le rôle important joué par les associations professionnelles dans le fonctionnement de l’infraction.

254    Au regard des appréciations qui précèdent, il y a lieu de considérer que la constatation exposée au considérant 1179 de la décision attaquée était pertinente pour comprendre le fonctionnement de l’entente dans son ensemble. Partant, la Commission n’a commis aucune erreur en considérant que la constatation de l’infraction commise dans le cadre de la SFP aidait à expliquer le champ d’application réel et l’uniformité du comportement anticoncurrentiel. Il s’ensuit qu’elle a dûment justifié d’un intérêt légitime à constater l’infraction prescrite se rapportant aux réunions du cartel aux Pays-Bas dans le cadre de la SFP.

255    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments des requérantes.

256    En effet, premièrement, s’agissant de la circonstance que l’infraction liée à la SFP n’était pas contemporaine des infractions commises en Belgique, en France ou en Allemagne, il suffit de relever que c’est précisément cette absence de concomitance qui permet de renforcer la démonstration par la Commission du caractère global et continu de l’infraction en cause en l’espèce.

257    Deuxièmement, contrairement à ce qu’avancent les requérantes, la Commission n’est nullement tenue de prouver la nécessité de la constatation de l’infraction prescrite. En effet, une telle interprétation ne saurait être tirée au regard de la jurisprudence visée au point 251 ci-dessus. En tout état de cause, elle ne saurait pas plus découler des dispositions de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003. En effet, il ressort de manière claire desdites dispositions qu’elles renvoient à l’obligation de justifier d’un intérêt légitime à constater une infraction prescrite et que, par conséquent, une telle obligation ne saurait être confondue avec une quelconque obligation de démontrer la nécessité de cette constatation. Imposer à la Commission l’obligation de démontrer la nécessité de constater l’infraction reviendrait à alourdir indûment la charge de la preuve en contradiction avec les termes dudit article.

258    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme étant non fondé.

E –  Sur le cinquième moyen, tiré de la violation des droits de la défense

259    Le cinquième moyen se divise en deux branches, prises, premièrement, de ce que la Commission n’a pas donné aux requérantes un accès adéquat à son dossier et, deuxièmement, de ce que la Commission n’a pas exposé à suffisance de droit les griefs retenus à leur égard dans la communication des griefs.

260    Avant d’examiner successivement ces deux branches, il y a lieu de rappeler la jurisprudence pertinente.

261    Selon la jurisprudence, le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui doit être observé, même s’il s’agit d’une procédure à caractère administratif (arrêts de la Cour du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C‑308/04 P, Rec. p. I‑5977, point 94, et du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 270). Il exige que les entreprises concernées soient mises en mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, des griefs et des circonstances allégués par la Commission (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 11, et arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T‑314/01, Rec. p. II‑3085, point 49).

262    Corollaire du principe du respect des droits de la défense, le droit d’accès au dossier implique que la Commission donne à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense. Ceux-ci comprennent tant les pièces à charge que celles à décharge, sous réserve des secrets d’affaires d’autres entreprises, des documents internes de la Commission et d’autres informations confidentielles (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 70 supra, point 68, et arrêt du Tribunal du 18 juin 2008, Hoechst/Commission, T‑410/03, Rec. p. II‑881, point 145).

263    S’agissant des éléments à charge, le respect des droits de la défense exige, selon la jurisprudence, que l’entreprise intéressée ait été en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction. À cet égard, l’obligation d’accès au dossier ne porte que sur les éléments finalement retenus dans la décision et non sur tous les griefs que la Commission aurait pu éventuellement formuler à un stade quelconque de la procédure administrative (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98 et T‑212/98 à T‑214/98, Rec. p. II‑3275, point 337).

264    Selon la jurisprudence, lorsqu’il s’avère que la Commission s’est fondée, dans la décision attaquée, sur des documents ne figurant pas dans le dossier d’instruction et n’ayant pas été communiqués aux requérantes, il y a lieu d’éliminer lesdits documents en tant que moyens de preuve. Il convient, dès lors, dans ce cas, de vérifier si le grief retenu dans la décision finale est suffisamment prouvé par les autres éléments retenus à charge auxquels les requérantes ont eu accès (arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, point 263 supra, point 338).

265    S’agissant des documents à décharge, il ressort de la jurisprudence qu’il ne saurait appartenir à la seule Commission de décider quels sont les documents utiles à la défense des parties impliquées dans une procédure d’infraction aux règles de concurrence. En particulier, eu égard au principe général d’égalité des armes, il ne peut être admis que la Commission puisse décider seule d’utiliser ou non des documents contre les parties requérantes, alors que celles-ci n’y ont pas eu accès et n’ont donc pu prendre la décision correspondante de les utiliser ou non pour leur défense (arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, point 263 supra, point 339).

266    Lorsqu’il s’avère que, au cours de la procédure administrative, la Commission n’a pas communiqué aux requérantes des documents qui auraient pu contenir des éléments à décharge, une violation des droits de la défense ne pourra être constatée que s’il est établi que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent dans l’hypothèse où la partie requérante aurait eu accès aux documents en question au cours de cette procédure. Lorsque les documents à décharge en cause ne figurent pas dans le dossier d’instruction de la Commission, une violation des droits de la défense ne pourra être constatée que si la partie requérante a présenté une demande expresse à la Commission d’accès à ces documents, sous peine de forclusion sur ce point pour ce qui concerne le recours en annulation introduit contre la décision définitive (arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, point 263 supra, point 340).

267    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que la communication des griefs est un acte destiné à circonscrire l’objet de la procédure engagée contre une entreprise et à assurer l’exercice efficace des droits de la défense (voir arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T‑69/04, Rec. p. II‑2567, point 80, et la jurisprudence citée).

268    Dans ce contexte, la communication des griefs doit énoncer, de manière claire, les faits sur lesquels se fonde la Commission ainsi que la qualification qui leur est donnée (arrêt AKZO/Commission, point 116 supra, point 29). Elle doit contenir un exposé des griefs libellé dans des termes suffisamment clairs, seraient-ils sommaires, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 avril 2009, Itochu/Commission, T‑12/03, Rec. p. II‑883, point 168).

1.     Sur la première branche du cinquième moyen, tirée de ce que la Commission n’a pas donné aux requérantes un accès adéquat au dossier de la Commission

269    Les requérantes estiment que la Commission a violé leurs droits de la défense dès lors que, premièrement, celle-ci a omis d’inclure dans son dossier des éléments de preuve pertinents à décharge, à savoir des barèmes de prix des concurrents pour la période comprise entre 1995 et 2002, deuxièmement, celle-ci a omis de leur accorder un délai suffisant pour examiner lesdits éléments de preuve qui ont, par ailleurs, été communiqués dans une version nonconfidentielle les rendant inutilisables et, troisièmement, lesdits éléments de preuve auraient pu être utilisés pour démontrer que les augmentations des barèmes de prix coordonnés alléguées n’avaient pas eu lieu, ce qui aurait été pertinent dans le cadre de la détermination de l’existence d’une infraction et de la question de sa mise en œuvre.

270    La Commission conteste le bien-fondé de cette argumentation.

271    À cet égard, il convient, au préalable, de procéder à un bref rappel des faits pertinents. Le 28 mars 2007, la Commission a notifié la communication des griefs à plusieurs entreprises parmi lesquelles figurent les requérantes. Il ressort du considérant 998 de la décision attaquée que les destinataires de la communication des griefs ont eu accès au dossier de la Commission sous forme d’un DVD-ROM qui leur a été envoyé le 3 avril 2007. Il ressort du considérant 1003 de la décision attaquée que, par décision du 14 mai 2007, la Commission a reporté la date limite de réponse des destinataires à la communication des griefs jusqu’au 4 juillet 2007. Par lettre du 18 juin 2007, les requérantes ont demandé un nouveau report du délai de réponse à concurrence de deux mois à partir de la réception des documents du dossier de la Commission auxquels elles avaient demandé à avoir accès et qui ne leur avaient pas été communiqués. Il ressort du même considérant 1003 de la décision attaquée que, d’une part, par une nouvelle décision, la Commission a reporté une seconde fois la date limite de réponse des destinataires à la communication des griefs jusqu’au 1er août 2007 et, d’autre part, cette date limite a encore été reportée, mais cette fois à titre individuel, à la suite de demandes en ce sens adressées par certains destinataires. Le 26 juin 2007, les requérantes ont demandé l’accès aux documents dont il est question dans le cadre de la présente branche du cinquième moyen. Par courrier du 3 juillet 2007, la Commission a notamment demandé aux requérantes d’énumérer précisément les documents auxquels elles souhaitaient avoir accès. Les requérantes ont répondu à cette demande par courrier du 10 juillet 2007. Les 26 et 31 juillet 2007, la Commission a accordé aux requérantes l’accès à une version non confidentielle des documents demandés.

272    Dans ces circonstances, en premier lieu, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 262 à 266 ci-dessus que, s’agissant de documents à décharge, la circonstance que ces documents n’aient pas été versés au dossier de la Commission ne constitue pas, en soi, une violation des droits de la défense et du droit d’accès au dossier.

273    En deuxième lieu, dès lors que lesdits documents ont été communiqués aux requérantes, il importe de vérifier si constituent une violation des droits de la défense les circonstances, invoquées par les requérantes, d’une part, que l’accès ait été accordé les 26 et 31 juillet 2007 alors que le délai pour déposer la réponse à la communication des griefs expirait le 1er août 2007 et, d’autre part, que le contenu desdits documents avait été en partie occulté, les rendant inutilisables.

274    Premièrement, s’agissant du délai accordé aux requérantes pour examiner les documents concernés, tout d’abord, il ressort du rappel des faits figurant au point 271 ci-dessus que la Commission a répondu à la demande initiale dans un délai de 7 jours et a communiqué les documents demandés 16 et 21 jours après que les requérantes ont précisé cette demande. Il y a lieu de considérer que, au regard des circonstances de l’espèce, et notamment de l’obligation pour la Commission, compte tenu de la jurisprudence citée au point 262 ci-dessus, de s’assurer que la divulgation desdits documents respectait les secrets d’affaires de leurs concurrents, d’une part, les délais susvisés sont raisonnables et, d’autre part, la Commission a répondu de façon diligente à la demande des requérantes.

275    Ensuite, il ressort du considérant 1003 de la décision attaquée que certaines entreprises ont demandé et obtenu un report, à titre individuel, du délai fixé, après un deuxième report au 1er août 2007, pour répondre à la communication des griefs. Or, alors que les requérantes avaient, par lettre du 26 juin 2007, demandé accès aux documents dont il est question dans le cadre de la présente branche du cinquième moyen, il convient de constater qu’elles n’ont pas estimé nécessaire de demander à bénéficier, à titre individuel, d’un report de leur délai de réponse.

276    Cette constatation ne saurait être modifiée au regard de la demande de report du délai de réponse que les requérantes ont adressée à la Commission par lettre du 18 juin 2007. En effet, d’une part, ladite demande a été adressée à la Commission antérieurement à la lettre du 26 juin 2007, à la suite de laquelle la Commission a donné aux requérantes accès aux documents dont il est question dans le cadre de la présente branche du cinquième moyen. D’autre part, il convient de relever que la date limite du 4 juillet 2007, dont elles demandaient le report dans la lettre du 18 juin 2007, a par la suite été reportée, en faveur de l’ensemble des destinataires de la communication des griefs, jusqu’au 1er août 2007. Partant, si les requérantes estimaient, à l’instar d’autres destinataires de la communication des griefs, que ledit report n’était pas suffisant au regard de leur situation individuelle, il leur incombait d’adresser une nouvelle demande de report de cette nouvelle date limite. Or, ainsi qu’il a été constaté au point 275 ci-dessus, aucune demande en ce sens n’a été adressée par les requérantes à la Commission.

277    Au regard des considérations qui précèdent, compte tenu, d’une part, de l’absence de demande de report, de la part des requérantes, de la date limite pour répondre à la communication des griefs, tel que fixée, après deux premiers reports, au 1er août 2007, et, d’autre part, de la diligence dont a fait preuve la Commission quant au traitement de leur demande d’accès à certains des documents, dans la lettre du 26 juin 2007, puis dans celle du 10 juillet 2007, il y a lieu de considérer que c’est à tort que les requérantes reprochent à la Commission d’avoir violé leurs droits de la défense en omettant de leur accorder un délai suffisant pour présenter leurs observations sur les documents concernés.

278    Deuxièmement, s’agissant des informations occultées dans les documents concernés, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 262 ci-dessus, le droit d’accès au dossier s’exerce sous réserve du respect des secrets d’affaires d’autres entreprises. À cet égard, les requérantes font valoir que les documents en cause étaient des barèmes de prix publics qui étaient vieux d’au moins trois ans et qu’ils n’étaient, par conséquent, pas susceptibles de contenir des informations confidentielles.

279    Cet argument ne saurait prospérer. En effet, les barèmes de prix en question sont qualifiées de « publics » en ce sens qu’ils sont adressés à la clientèle existante ou potentielle des fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains afin de servir de base de négociation pour la détermination des prix de transaction. Dès lors, l’adjectif « publics » qualifiant lesdits barèmes de prix ne signifie pas que les données relatives aux prix qui y sont inclus sont dénuées de tout caractère confidentiel, le niveau des prix fixé par une entreprise revêtant indubitablement un tel caractère confidentiel, a fortiori vis-à-vis d’un concurrent. De surcroît, il convient de constater que, en vertu de la communication de la Commission relative aux règles d’accès au dossier de la Commission dans les affaires relevant des articles [101 TFUE] et [102 TFUE], des articles 53, 54 et 57 de l’accord EEE et du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil (JO 2005, C 325, p. 7), des informations, telles que celles en cause en l’espèce, datant de plus de cinq ans ne sont plus considérées comme étant confidentielles. Or, en l’espèce, les barèmes de prix auxquels les requérantes demandaient l’accès dataient de moins de cinq ans. Partant, les requérantes ne sauraient reprocher, par principe et sans autres éléments au soutien dudit reproche, à la Commission d’avoir occulté des informations dans les documents concernés au motif qu’elles contenaient des données confidentielles.

280    Il ressort des considérations qui précèdent que les requérantes n’ont pas démontré que la Commission avait violé leurs droits de la défense en occultant certaines parties des documents demandés.

281    En troisième lieu, en tout état de cause, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel les documents demandés auraient pu être utilisés pour montrer qu’il n’y avait pas eu d’augmentation coordonnée des barèmes de prix, ce qui aurait été pertinent dans le cadre de la détermination de l’existence d’une infraction et de la question de sa mise en œuvre, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 266 ci-dessus, une violation des droits de la défense ne peut être constatée que s’il est établi que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent dans l’hypothèse où les parties requérantes auraient eu accès aux documents en question au cours de cette procédure.

282    Or, en l’espèce, il a déjà été mentionné, au point 51 ci-dessus, que la prise en considération des effets concrets d’une pratique concertée est superflue lorsqu’il apparaît que celle-ci a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun et que l’absence de mise en œuvre de certains projets n’est pas susceptible d’écarter l’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE. De surcroît, si l’appréciation de la mise en œuvre des agissements anticoncurrentiels est pertinente aux fins d’une réduction du montant de l’amende, il convient de relever que, en l’espèce, la Commission a expliqué, notamment au considérant 1252 de la décision attaquée, qu’aucune augmentation du montant variable de l’amende n’avait été appliquée en raison de la mise en œuvre de l’entente. Dès lors, en l’occurrence, une analyse des barèmes de prix aurait été inutile aux fins d’une réduction du montant de l’amende.

283    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la première branche du cinquième moyen comme étant non fondée.

2.     Sur la seconde branche du cinquième moyen, tirée de ce que la Commission n’a pas exposé à suffisance de droit les griefs retenus dans la communication des griefs

284    Les requérantes soutiennent que, la Commission n’a pas exposé à suffisance de droit les griefs retenus à leur égard dans la communication des griefs s’agissant, en particulier, de la participation de Pozzi Ginori aux réunions de l’association multiproduits Michelangelo, en Italie.

285    La Commission conteste le bien-fondé de cette argumentation.

286    En premier lieu, il convient de rappeler que, conformément à l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la requête doit, notamment, contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Elle doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du statut de la Cour et du règlement de procédure (arrêt du Tribunal du 1er juillet 2009, ThyssenKrupp Stainless/Commission, T‑24/07, Rec. p. II‑2309, point 156).

287    Or, en l’espèce, s’agissant du grief pris de ce que la Commission n’aurait pas exposé à suffisance de droit les griefs retenus à l’encontre des requérantes dans la communication des griefs, il y a lieu de relever que ledit grief est formulé de manière abstraite et manque de précision. Partant, au regard des dispositions et de la jurisprudence visées au point 286 ci-dessus, ledit grief doit être déclaré irrecevable.

288    En second lieu, s’agissant des griefs retenus à l’encontre de Pozzi Ginori du fait de sa participation aux réunions de l’association multiproduits Michelangelo, il y a lieu de constater que, au point 277 de la communication des griefs, figure un tableau reprenant les réunions de cette association multiproduits et indiquant les participants à chaque réunion. Une colonne de ce tableau est consacrée à Pozzi Ginori. En outre, le tableau est précédé d’un court paragraphe dans lequel la Commission explique que les réunions auxquelles il y est fait mention sont celles au cours desquelles un comportement anticoncurrentiel a été mis en œuvre. Il est également précisé que les références figurant dans les notes en bas de page insérées au sein du tableau comprennent des preuves écrites d’un tel comportement.

289    Il y a lieu de considérer que, si les explications avancées par la Commission dans la communication des griefs, s’agissant de la participation de Pozzi Ginori aux réunions de l’association multiproduits Michelangelo, sont brèves, elles ont néanmoins permis aux requérantes de prendre connaissance, de façon précise, du comportement reproché à Pozzi Ginori. En effet, il convient de relever que, au point 277 de la communication des griefs, la Commission a indiqué aux requérantes la nature des agissements identifiés par la Commission, leur fréquence, la date précise de leur survenance ainsi que les éléments de preuve dont elle disposait.

290    Il s’ensuit que, eu égard à la jurisprudence citée aux points 267 et 268 ci-dessus, les éléments figurant dans la communication des griefs s’agissant de la participation de Pozzi Ginori aux réunions de l’association multiproduits Michelangelo ont permis aux requérantes d’exercer leurs droits de la défense.

291    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que la seconde branche du cinquième moyen et, partant, le cinquième moyen dans son ensemble, doivent être rejetés comme non fondés.

F –  Sur le sixième moyen soulevé dans l’affaire T‑381/10, tiré de ce qu’une amende a été imposée directement et individuellement à Sanitec Europe

292    Sanitec Europe, la requérante dans l’affaire T‑381/10, estime que c’est à tort que la Commission lui a infligé une amende de 9 873 060 euros directement, et non solidairement avec ses filiales, dans la mesure où, d’une part, la communication des griefs ne lui a, ainsi que cela ressort du point 465 de ladite communication, été adressée qu’en raison des activités de ses filiales et, d’autre part, la Commission n’a avancé aucune preuve, ni dans la décision attaquée ni dans la communication des griefs, qu’elle avait commis une illégalité.

293    La Commission conteste le bien-fondé de cette argumentation.

294    En premier lieu, il convient de relever que, contrairement à ce que prétend Sanitec Europe, la communication des griefs ne lui a pas été adressée uniquement en raison des activités de ses filiales. En effet, le point 450 de la communication des griefs, qui, conformément aux points 446 à 449 de cette communication, concerne, de manière générale, la responsabilité des sociétés mères, et donc notamment Sanitec Europe, est formulé de la façon suivante :

« [L]es sociétés ont, en l’espèce, participé de manière directe et autonome à des accords de fixation des prix et à des pratiques concertées, tout comme les filiales. Par conséquent, elles seront chacune tenues pour responsables de leur participation à l’entente. En outre, les groupes et les sociétés mères dans leur ensemble sont responsables des infractions commises par leurs filiales, dont elles sont propriétaires. »

295    Il ressort des termes de la communication des griefs que, en général, les sociétés mères seraient tenues pour responsables tant directement qu’en leur qualité de société mère. Ce principe général énoncé au point 450 de la communication des griefs a été appliqué à la situation de Sanitec Europe aux points 460 à 465 de ladite communication. Les points 460 à 464 concernent la participation de Keramag, de Koralle, de Sphinx, d’Allia et de Pozzi Ginori aux agissements anticoncurrentiels. Pour chacune de ces sociétés, la Commission a exprimé son intention de considérer tant la filiale concernée que Sanitec Europe comme étant directement responsables d’un agissement anticoncurrentiel. Au point 465 de la communication des griefs, la Commission a expliqué avoir l’intention de tenir Sanitec Europe pour responsable, en tant que société mère, des agissements de ses filiales.

296    Dès lors, il y a lieu de considérer que Sanitec Europe avait été informée, dans la communication des griefs, que sa responsabilité était susceptible d’être engagée non seulement directement, mais aussi solidairement avec chacune de ses filiales.

297    En second lieu, il convient de relever que, en l’espèce, la circonstance que la Commission n’ait disposé d’aucune preuve que Sanitec Europe avait commis une illégalité est sans pertinence s’agissant de la légalité de l’amende infligée directement à Sanitec Europe.

298    En effet, il a été jugé que le droit de la concurrence vise les activités des entreprises (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 70 supra, point 59) et que la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (arrêts de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 112).

299    La Cour a également précisé que la notion d’entreprise, placée dans ce contexte, devait être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique était constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (voir arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237, point 55, et la jurisprudence citée).

300    Lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 299 supra, point 56, et la jurisprudence citée).

301    L’infraction au droit de la concurrence doit être imputée sans équivoque à une personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes, et la communication des griefs doit être adressée à cette dernière. Il importe également que la communication des griefs indique en quelle qualité une personne juridique se voit reprocher les faits allégués (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 299 supra, point 57, et la jurisprudence citée).

302    Il résulte d’une jurisprudence constante que le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 299 supra, point 58, et la jurisprudence citée).

303    En effet, il en est ainsi parce que, dans une telle situation, la société mère et sa filiale font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise. Ainsi, le fait qu’une société mère et sa filiale constituent une seule entreprise au sens de l’article 101 TFUE permet à la Commission d’adresser une décision imposant des amendes à la société mère, sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 299 supra, point 59, et la jurisprudence citée).

304    Par ailleurs, selon la jurisprudence, une société mère et sa filiale qui ont poursuivi leurs activités économiques jusqu’à la date d’adoption de la décision attaquée peuvent être séparément ou solidairement sanctionnées pour leur comportement infractionnel (voir, en ce sens, arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, point 211 supra, point 387). Si, à la date d’adoption de la décision attaquée, la société mère et la filiale ne constituent plus une seule entreprise, la Commission ne peut imposer à la filiale une amende dépassant le plafond de 10 % de son chiffre d’affaires. En revanche, rien ne s’oppose à ce que la Commission impose à la société mère une amende dans les limites du plafond de 10 % de son propre chiffre d’affaires (voir, en ce sens, arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, point 211 supra, points 392 et 393).

305    En l’espèce, il ressort du tableau détaillant le calcul du montant des amendes, joint en annexe au mémoire en défense, que l’amende de 9 873 060 euros imposée directement à Sanitec Europe correspond à sa responsabilité au titre du comportement reproché à Pozzi Ginori, qui était sa filiale pendant la période couverte par l’infraction, mais qui était indépendante au moment de l’adoption de la décision attaquée. Plus précisément, ainsi que la Commission l’a mentionné au considérant 1226 de la décision attaquée, le montant de base de l’amende infligée en ce qui concerne les agissements reprochés à Pozzi Ginori était de 33 000 000 euros. Il ressort du tableau précité que, à la suite de l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires du groupe Sanitec, le montant final de l’amende infligée en ce qui concerne les agissements reprochés à Pozzi Ginori a été fixé à 14 393 060 euros. Finalement, la Commission a distribué la charge du paiement de ce montant final de ladite amende entre Pozzi Ginori et Sanitec Europe. À ce titre, d’une part, à la suite de l’application du plafond de 10 % au chiffre d’affaires de Pozzi Ginori, la Commission a tenu cette dernière pour responsable du paiement, solidairement avec Sanitec Europe, d’un montant de 4 520 000 euros. D’autre part, la Commission a tenu Sanitec Europe pour responsable du paiement du solde restant dû, à savoir 9 873 060 euros.

306    Or, Sanitec Europe ne conteste pas avoir formé avec Pozzi Ginori une entité économique unique pendant la période couverte par l’infraction et ne plus avoir constitué avec celle-ci une entreprise à la date d’adoption de la décision attaquée. Il s’ensuit que la Commission pouvait valablement, d’une part, tenir Sanitec Europe pour solidairement responsable, avec Pozzi Ginori, pour un montant de 4 520 000 euros et, d’autre part, la tenir pour directement responsable du paiement du montant de 9 873 060 euros, sans avoir à rapporter la preuve de son implication personnelle dans l’infraction.

307    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le sixième moyen comme étant non fondé.

G –  Sur le septième moyen soulevé dans l’affaire T‑381/10, tiré de l’imputation à Sanitec Europe du comportement de Keramag

308    Sanitec Europe soutient que la Commission n’aurait pas dû se fonder sur une présomption de sa responsabilité au titre des comportements reprochés à Keramag, dans la mesure où sa participation indirecte dans cette dernière était de 95 %. De surcroît, elle considère que, contrairement à ce qu’avance la Commission, dans la décision attaquée, la présence de membres de son conseil d’administration au conseil de surveillance de Keramag, le fait qu’un rapport lui soit transmis régulièrement par ses filiales, le fait qu’elle ait fixé des objectifs généraux pour le groupe et veillé à ce que ces objectifs soient respectés, le fait qu’elle ait consolidé le chiffre d’affaires de Keramag dans son rapport annuel, les informations figurant sur son site Internet et le fait que les actions qu’elle ne détenait pas étaient des actions dispersées cotées en bourse ne démontrent pas que cette dernière a influencé le comportement stratégique de Keramag sur le marché.

309    La Commission conteste le bien-fondé de cette argumentation.

310    Il y a lieu de rappeler que, outre la jurisprudence citée aux points 298 à 303 ci-dessus, il a été jugé que, si une société mère détient la quasi-totalité du capital social de sa filiale, il peut raisonnablement en être conclu que ladite filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché et qu’elle forme par conséquent, avec sa société mère, une même entreprise au sens de l’article 101 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T‑203/01, Rec. p. II‑4071, point 290, et la jurisprudence citée).

311    Par ailleurs, afin de déterminer si une filiale détermine de façon autonome son comportement sur le marché, il convient de prendre en compte l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent cette filiale à la société mère, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l’objet d’une énumération exhaustive (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 299 supra, point 74).

312    Il n’y a notamment pas lieu de restreindre cette appréciation aux seuls éléments se rapportant à la politique commerciale stricto sensu de la filiale, telle que la stratégie de distribution ou les prix. En particulier, la présomption en cause ne saurait être renversée par la seule démonstration que c’est la filiale qui gère ces aspects spécifiques de sa politique commerciale sans recevoir de directives à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑112/05, Rec. p. II‑5049, points 63 et 64).

313    En l’espèce, il y a lieu de relever que, au considérant 1093 de la décision attaquée, la Commission a présumé, de façon générale, que Sanitec Europe exerçait une influence déterminante sur l’ensemble de ses filiales, y compris Keramag. Au considérant 1094 de la décision attaquée, la Commission a considéré que Sanitec Europe n’avait pas été en mesure de renverser cette présomption et de démontrer que ses filiales avaient agi de manière autonome. À ce titre, elle a fait état, d’une part, de ce que lesdites filiales transmettaient régulièrement à cette dernière un rapport contenant des informations sur les ventes, sur une base mensuelle, ainsi que les prix de vente moyens pour chaque segment de produit et, d’autre part, de ce que Sanitec Europe définissait les objectifs financiers de ses filiales.

314    Toutefois, s’agissant de la responsabilité solidaire de Sanitec Europe au titre de la participation de Keramag, la Commission a complété cette présomption par des éléments tendant à démontrer l’exercice de l’influence déterminante de la première sur la seconde. À cet égard, d’une part, elle a constaté que Sanitec Europe détenait indirectement 92 à 95 % des actions de Keramag. D’autre part, elle a démontré que Sanitec Europe exerçait une influence déterminante sur Keramag. À cette fin, elle a, au considérant 1096 de la décision attaquée, constaté que, premièrement, Sanitec Europe totalisait le chiffre d’affaires de Keramag dans ses rapports annuels, deuxièmement, Keramag se présentait, dans ses propres rapports annuels, comme une société du groupe Sanitec et soulignait l’existence de synergies entre elle et les autres sociétés du groupe et, troisièmement, plusieurs personnes étaient à la fois membres de plusieurs conseils de surveillance et conseils d’administration de Keramag et d’entités de Sanitec Europe.

315    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, sans qu’il y ait lieu de décider si la détention de 92 à 95 % du capital d’une filiale correspond à une détention de la quasi-totalité du capital, au sens de la jurisprudence citée au point 310 ci-dessus, il convient d’examiner d’emblée si les éléments additionnels invoqués par la Commission étaient suffisants pour démontrer l’exercice d’une influence déterminante par Sanitec Europe sur Keramag.

316    À ce titre, premièrement, s’agissant des rapports réguliers transmis par Keramag à Sanitec Europe, cette dernière fait valoir qu’il n’existe aucune preuve qu’elle avait connaissance du comportement anticoncurrentiel de Keramag. Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence mentionnée au point 303 ci-dessus, l’imputation à une société mère de la responsabilité d’une infraction commise par sa filiale découle du fait que deux entités constituent une seule entreprise au sens des règles de concurrence de l’Union et ne dépend pas de preuves de la participation de la société mère à l’infraction ou de sa connaissance de celle-ci.

317    En outre, Sanitec Europe ne conteste pas que de tels rapports lui aient régulièrement été communiqués par Keramag. Elle ne conteste pas non plus le constat de la Commission, figurant au considérant 1094 de la décision attaquée, selon lequel ces rapports contenaient des informations concernant les ventes par filiale, sur une base mensuelle, ainsi que les prix de vente moyens pour chaque segment de produits. Dès lors, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que la Commission a affirmé, au considérant 1094 de la décision attaquée, que, quand bien même les informations communiquées n’incluaient pas des données produit par produit, une telle communication constituait un élément organisationnel tendant à confirmer que les filiales ne se comportaient pas de manière autonome sur le marché, au sens de la jurisprudence citée au point 311 ci-dessus.

318    Deuxièmement, s’agissant des objectifs financiers fixés par Sanitec Europe pour ses filiales, il convient de constater que, contrairement à l’avis de cette dernière, les éléments additionnels invoqués par la Commission pour prouver l’influence déterminante de celle-ci, éléments dont Sanitec Europe ne conteste pas la matérialité, ne démontrent pas qu’elle s’est comportée comme une simple holding financière. C’est ainsi que, tout d’abord, il a été mentionné, au point 317 ci-dessus, que Keramag, tout comme les autres filiales de Sanitec Europe, transmettait, sur une base régulière, des rapports contenant des informations précises sur ses ventes et ses prix. Ensuite, Sanitec Europe ne conteste pas que plusieurs membres de son conseil d’administration ont été, en même temps, membres du conseil de surveillance de Keramag. Enfin, comme cela a été relevé par la Commission au considérant 1096 de la décision attaquée, sans que cela ait été contesté par Sanitec Europe, il ressort des rapports annuels de Keramag que cette dernière se présentait comme une société du groupe Sanitec et soulignait l’existence de synergies entre Keramag et les autres sociétés du groupe.

319    Troisièmement, s’agissant du fait que plusieurs personnes ont été, en même temps, membres du conseil de surveillance de Keramag et du conseil d’administration de Sanitec Europe, cette dernière soutient que le conseil de surveillance n’avait aucun droit de contrôler les prix, le marketing, les décisions de production ou tout autre aspect de la gestion de Keramag. Selon elle, l’approbation dudit conseil de surveillance n’était requise que pour certaines transactions de haut niveau telles que l’acquisition de biens, les prêts, l’ouverture de filiales ou les transactions atteignant un certain montant, ce qui signifie que les membres du conseil d’administration de Sanitec Europe qui étaient également membres du conseil de surveillance de Keramag ne pouvaient pas exercer d’influence déterminante sur cette dernière.

320    À cet égard, d’une part, il importe de relever qu’il découle de la jurisprudence citée au point 312 ci-dessus que l’exercice d’une influence décisive sur la politique commerciale d’une filiale ne suppose pas nécessairement la gestion quotidienne des activités de la filiale (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, FMC/Commission, T‑197/06, Rec. p. II‑3179, point 132). Or, Sanitec Europe reconnait elle-même que, si le conseil de surveillance de Keramag ne supervise pas sa gestion quotidienne, l’approbation dudit conseil est requise pour un certain nombre de transactions qu’elle qualifie de haut niveau. Partant, il ne saurait être affirmé que les membres du conseil d’administration de Sanitec Europe qui étaient également membres du conseil de surveillance de Keramag n’étaient pas susceptibles d’exercer une influence déterminante sur cette dernière.

321    D’autre part, il convient d’observer que la Commission a fait valoir, sans être contredite par Sanitec Europe, que, en vertu du droit allemand, les membres du conseil d’administration sont nommés par les membres du conseil de surveillance. Il s’ensuit que Sanitec Europe, dont des représentants étaient membres du conseil de surveillance de Keramag, participait à la nomination des membres du conseil d’administration de Keramag, ce qui contribue à démontrer, au regard des autre éléments retenus par la Commission à ce sujet, qu’elle exerçait une influence déterminante sur Keramag.

322    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur l’argument invoqué par Sanitec Europe quant à la consolidation du chiffre d’affaires de Keramag dans son rapport annuel, il y a lieu de considérer que les éléments invoqués par la Commission, tels que décrits aux points 313 et 314 ci-dessus, suffisaient à démontrer l’absence d’autonomie de Keramag sur le marché. Dès lors, c’est à bon droit que la Commission considéré que Sanitec Europe a exercé une influence déterminante sur Keramag et a imputé le comportement de la seconde à la première.

323    Dès lors, sans qu’il y ait lieu d’examiner les arguments de Sanitec Europe relatifs à la présomption d’exercice d’une influence déterminante sur laquelle se serait fondée la Commission, il y a lieu de rejeter le septième moyen comme étant non fondé.

H –  Conclusion sur l’examen des conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée.

324    Il ressort de l’examen des premier à septième moyens, sur lesquels se fonde la demande d’annulation de la décision attaquée, qu’il y a lieu d’accueillir le troisième moyen, pris en ses première et troisième branches, et de rejeter les autres branches pour le surplus ainsi que les premier, deuxième et quatrième à septième moyens comme non fondés.

325    Partant, en ce qui concerne les conséquences à tirer des erreurs commises par la Commission, au titre de la demande d’annulation de la décision attaquée, en premier lieu, s’agissant de l’article 1er, paragraphe 1, point 6, de ladite décision, il y a lieu d’annuler ledit article pour autant que la Commission y constate que, d’une part, Allia et PCT ont participé à l’infraction constatée et, d’autre part, Pozzi Ginori a participé à ladite infraction entre le 10 mars et le 14 septembre 2001 dès lors que la participation de cette dernière n’a été établie à suffisance de droit que s’agissant de la période comprise entre le 14 mai 1996 le 9 mars 2001.

326    En second lieu, s’agissant de l’article 2, paragraphe 7, de la décision attaquée, premièrement, compte tenu de la conclusion tirée au point 325 ci-dessus, il convient d’annuler l’article 2, paragraphe 7, sous d) et e), en ce qu’il inflige une amende de 4 579 610 euros, solidairement à Allia et à Sanitec Europe, et une amende de 2 529 689 euros, solidairement à PCT, à Allia et à Sanitec Europe. Par voie de conséquence, le montant total de l’amende infligée aux requérantes de 57 690 000 euros, tel que fixé à l’article 2, paragraphe 7, de la décision attaquée, doit être annulé pour autant qu’il dépasse 50 580 701 euros (soit : 57 690 000 euros – 4 579 610 euros – 2 529 689 euros).

327    Deuxièmement, dans la mesure où la Commission a établi à suffisance de droit que, d’une part, Pozzi Ginori avait participé à l’infraction en Italie, entre le 14 mai 1996 et le 9 mars 2001 et, d’autre part, les autres requérantes, hormis Allia et PCT, avaient participé à l’infraction constatée, c’est à bon droit que, conformément aux dispositions de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003, la Commission a, à l’article 2, paragraphe 7, sous a) à c) et f) à h), de la décision attaquée, décidé d’infliger une amende aux sociétés concernées. Il y a donc lieu de rejeter la demande d’annulation pour autant qu’elle vise l’article 2, paragraphe 7, sous a) à c) et f) à h), de la décision attaquée.

328    Troisièmement, pour autant que l’article 2, paragraphe 7, sous a) et f), de la décision attaquée fixe le montant de l’amende infligée à Pozzi Ginori et à Sanitec Europe, dans la mesure où, au titre du troisième chef de conclusions, les requérantes demandent au Tribunal, à titre subsidiaire, de réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée, celui-ci tirera les conséquences, quant à la détermination dudit montant, des erreurs commises par la Commission qui entachent la légalité de la décision attaquée dans le cadre de l’examen dudit chef de conclusions.

329    Il ressort des considérations figurant aux points 324 à 328 ci-dessus qu’il convient d’accueillir partiellement les conclusions présentées, à titre principal, tendant à l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle concerne les requérantes.

II –  Sur les conclusions, présentées à titre subsidiaire, tendant à la réduction du montant de l’amende imposée aux requérantes

330    Compte tenu du troisième chef de conclusions, par lequel les requérantes demandent, à titre subsidiaire, au Tribunal de réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée, il lui incombe, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, d’examiner, d’une part, les conséquences à tirer de l’illégalité qui entache la décision attaquée, telle que relevée par le Tribunal au point 245 ci-dessus, sur le calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes et, d’autre part, les autres arguments que ces dernières avancent, visant à obtenir du Tribunal une réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée.

A –  Sur les conséquences à tirer de l’erreur commise par la Commission sur le montant de l’amende

331    Au regard de l’illégalité qui entache la décision attaquée, telle que relevée par le Tribunal au point 245 ci-dessus, le Tribunal décide, au titre de sa compétence de pleine juridiction, qu’il tire des dispositions de l’article 261 TFUE et de l’article 31 du règlement n° 1/2003, de substituer, s’agissant du calcul du montant de l’amende infligée à la requérante, son appréciation à celle de la Commission (voir, en ce sens, arrêt KME e.a./Commission, point 34 supra, point 103, et la jurisprudence citée, et arrêt Romana Tabacchi/Commission, point 34 supra, point 265).

332    À cet égard, il convient de rappeler que, bien que les lignes directrices de 2006 ne préjugent pas de l’appréciation de l’amende par le juge de l’Union lorsque celui-ci statue en vertu de sa compétence de pleine juridiction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T‑49/02 à T‑51/02, Rec. p. II‑3033, point 169), le Tribunal estime approprié, en l’espèce, de s’en inspirer pour recalculer le montant de l’amende, notamment en raison du fait qu’elles permettent de prendre en considération tous les éléments pertinents de l’espèce et d’imposer des amendes proportionnées à l’ensemble des entreprises ayant participé à l’infraction constatée.

333    En l’espèce, premièrement, ainsi que cela ressort de l’examen de la troisième branche du troisième moyen, c’est à tort que la Commission a conclu que Pozzi Ginori avait participé à l’infraction constatée du 14 mai 1996 au 14 septembre 2001, alors que sa participation n’a été établie à suffisance de droit qu’entre le 14 mai 1996 et le 9 mars 2001.

334    Partant, il convient de recalculer le montant de l’amende fixée au titre de la participation de Pozzi Ginori à l’infraction en Italie entre le 14 mai 1996 et le 9 mars 2001.

335    À cet égard, il ressort du tableau figurant au considérant 1208 de la décision attaquée que la valeur des ventes prise en compte, aux fins du calcul du montant de base de l’amende pour Pozzi Ginori en Italie, est de 35 075 000 euros. Ce montant représente 15 % de la valeur des ventes, ainsi que cela est mentionné au considérant 1220 de ladite décision, soit 5 261 100 euros.

336    Il y a également lieu de relever que, au considérant 1222 de la décision attaquée, le montant de base de l’amende pour Pozzi Ginori en Italie a été multiplié par un coefficient déterminé par la Commission afin de refléter la durée de la participation de chaque entreprise et de chaque société à l’entente. S’agissant de Pozzi Ginori, il ressort du tableau figurant au considérant 1223 de la décision attaquée que la Commission a fixé un coefficient multiplicateur de 5,33, correspondant à une participation de cinq années et quatre mois. Or, ainsi qu’il a été constaté au point 245 ci-dessus, la Commission ne pouvait pas conclure à une participation d’une telle durée. En l’espèce, il ressort du dossier de la Commission que Pozzi Ginori a participé à l’infraction en cause pendant une période d’environ quatre années et dix mois. Dès lors, il convient d’appliquer un coefficient multiplicateur de 4,83, ce qui conduit à un montant intermédiaire de 25 411 837,5 euros (5 261 250 euros 4,83). À ce montant, doivent encore être ajoutés 15 % de la valeur des ventes, un pourcentage équivalent à celui imposé par la Commission au considérant 1225 de la décision attaquée au titre de la dissuasion. Le nouveau montant de base de l’amende en résultant est de 30 673 087,5 euros (25 411 837,5 euros + 5 261 250 euros), en lieu et place des 33 000 000 euros figurant dans le tableau reproduit au considérant 1226 de la décision attaquée.

337    Néanmoins, il convient, en l’espèce, de faire application, conformément aux dispositions de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, du plafond de 10 % pour déterminer le montant définitif de l’amende, ce qui donne un montant définitif de l’amende infligée se rapportant aux les agissements auxquels Pozzi Ginori a participé s’élevant à 14 393 060 euros. Il s’ensuit que, quand bien même le montant de base initial doit théoriquement être réduit, passant de 33 000 000 à 30 673 087,5 euros, ledit montant reste supérieur à celui de l’amende qu’il y lieu d’infliger pour les agissements de Pozzi Ginori, après application du plafond de 10 %.

338    Partant, la durée de la participation de Pozzi Ginori à l’infraction ne justifie pas une réduction du montant de 4 520 000 euros imposé solidairement à Pozzi Ginori et à Sanitec Europe à l’article 2, paragraphe 7, sous f), de la décision attaquée et une réduction du montant de 9 873 060 euros imposé, ainsi qu’il a été expliqué au point 305 ci-dessus, directement à Sanitec Europe à l’article 2, paragraphe 7, sous a), pour le comportement infractionnel de Pozzi Ginori.

B –  Sur les arguments additionnels soulevés par les requérantes au soutien des conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende infligée

339    Il importe de rappeler à cet égard que, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal doit effectuer sa propre appréciation, en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce. Tout d’abord, cette appréciation doit se faire dans le respect des principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt Romana Tabacchi/Commission, point 34 supra, points 179 et 280) ou encore le principe d’égalité de traitement (arrêt Erste Group Bank e.a./Commission, point 261 supra, point 187).

340    Ensuite, il ressort de la jurisprudence que l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et que, à ce titre, à l’exception des moyens d’ordre public que le juge de l’Union est tenu de soulever d’office, telle l’absence de motivation de la décision attaquée, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de cette dernière et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (voir, en ce sens, arrêt Chalkor/Commission, point 34 supra, point 64).

341    En l’espèce, après avoir examiné s’il y avait lieu, sur le fondement des huitième et neuvième moyens, soulevés au soutien du troisième chef de conclusions, de réformer le montant de l’amende en le réduisant, le Tribunal appréciera si d’autres éléments, dont les requérantes se sont prévalues dans la présente affaire, ou motifs d’ordre public sont susceptibles de justifier une telle réduction.

1.     Sur le huitième moyen, tiré de ce que les poursuites engagées par la Commission étaient arbitraires et sélectives

342    Les requérantes demandent que le Tribunal, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, réduise le montant de l’amende qui leur a été infligée dès lors que les poursuites engagées par la Commission ont été arbitraires et sélectives. Selon elles, la Commission disposait d’éléments de preuve que d’autres sociétés – dont certaines étaient aussi significatives sur le marché pertinent que les requérantes – avaient participé à l’infraction. Néanmoins, lesdites sociétés n’auraient été destinataires ni de la communication des griefs ni de la décision attaquée et la Commission n’aurait pas expliqué les critères utilisés pour sélectionner lesdits destinataires. Les requérantes font valoir à cet égard que des poursuites arbitraires et sélectives sont incompatibles avec l’article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 389), relatif au droit à la propriété, et l’article 41 de cette même charte, relatif au droit à un traitement équitable, notamment parce qu’aucune motivation satisfaisante n’a été fournie.

343    La Commission conteste le bien-fondé de cette argumentation.

344    À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans le cadre du huitième moyen, les requérantes se prévalent d’une violation du droit à la propriété et du droit à un traitement équitable, tels que reconnus dans la charte des droits fondamentaux, en ce que la Commission aurait décidé, de manière arbitraire et sélective, et sans le motiver, d’engager des poursuites uniquement à leur égard et non à l’ égard d’autres entreprises ayant pourtant participé à la même infraction que celle qui leur est reprochée. Il y a lieu de considérer que le huitième moyen, dès lors que, en substance, il repose, à titre principal, sur le grief fait à la Commission d’avoir engagé de manière arbitraire et sélective des poursuites à leur égard, doit être interprété en ce sens que les requérantes se prévalent d’une violation du principe d’égalité de traitement.

345    Selon une jurisprudence constante, le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec celui du principe de légalité, ce qui implique que nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui (voir arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, Rec. p. II‑4441, point 77, et la jurisprudence citée). Dans la mesure où la compétence de pleine juridiction qui est reconnue au Tribunal en vertu des dispositions de l’article 261 TFUE doit être exercée conformément aux principes généraux du droit, il y a lieu de considérer que la jurisprudence susvisée s’applique lorsque le Tribunal est, comme c’est le cas en l’espèce, saisi de conclusions tendant à la réduction du montant d’une amende infligée.

346    En l’espèce, en faisant grief à la Commission d’avoir engagé de manière arbitraire et sélective des poursuites à leur égard, les requérantes estiment, en substance, qu’elles ne peuvent se voir infliger une amende, dans la mesure où d’autres entreprises, qui avaient également participé à l’infraction qui leur est reprochée, n’ont pas été poursuivies.

347    Il suffit de relever à cet égard que, à supposer même que la Commission, nonobstant la jurisprudence rappelée au point 211 ci-dessus, ait commis une illégalité en décidant de ne pas poursuivre d’autres entreprises, qui avaient également participé à l’infraction qui est reprochée aux requérantes, il ressort de la jurisprudence citée au point 345 ci-dessus que ces dernières ne peuvent, en vertu du principe de l’égalité de traitement, se prévaloir d’une telle illégalité commise en faveur de ces autres entreprises. Il s’ensuit que le huitième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

2.     Sur le neuvième moyen, tiré de ce que la Commission a surévalué le montant de l’amende infligée aux requérantes

348    Les requérantes demandent que le Tribunal, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, réduise le montant de l’amende qui leur a été infligée. Selon elles, premièrement, la Commission a commis une erreur, d’une part, en considérant que l’accord avait été mis en œuvre et, d’autre part, en ne tenant pas compte de l’absence de mise en œuvre dudit accord au stade du calcul du montant de l’amende. Deuxièmement, la Commission aurait appliqué, à tort, aux fins de la détermination du montant de base de l’amende, la même proportion de la valeur des ventes, à savoir 15 %, aux fabricants d’articles en céramique et aux fabricants de robinets alors qu’elle aurait conclu, dans la décision attaquée, qu’il y avait significativement plus de preuves d’infractions dans le segment de la robinetterie que dans le segment des articles en céramique. Troisièmement, la Commission aurait tenu compte des Pays-Bas dans l’appréciation de l’étendue géographique de l’infraction, aux fins de la détermination de la gravité de l’infraction, alors que l’infraction commise aux Pays-Bas était prescrite. Quatrièmement, la Commission aurait dû exclure les ventes en grande quantité pour des grands projets de construction tels que des aéroports, des hôpitaux et des hôtels, à des prix spéciaux (ci-après les « ventes de projets »), de la valeur des ventes lors du calcul de l’amende, car lesdites ventes reposeraient sur un canal de distribution et porteraient sur des produits, gammes de produits, structures de rabais et de prix ainsi que sur des barèmes de prix qui diffèrent de ceux caractérisant des ventes individuelles aux consommateurs finaux, par l’intermédiaire des grossistes, sur lesquelles porte l’infraction constatée. Cinquièmement, le montant de l’amende serait manifestement disproportionné compte tenu de la nature de l’infraction qui concernait des barèmes de prix et du fait que la Commission n’aurait ni identifié ni cherché à identifier les effets réels des infractions alléguées.

349    La Commission conteste le bien-fondé de l’argumentation des requérantes.

350    Premièrement, s’agissant de la mise en œuvre de l’entente, d’une part, il convient de relever qu’il ressort du considérant 1214 de la décision attaquée que la Commission a considéré, sur la base des éléments figurant au point 5.2.5 de ladite décision, que l’entente avait généralement été mise en œuvre, quand bien même il n’y avait pas toujours d’éléments de preuve pour considérer que cela avait été fait de manière rigoureuse. Il convient de préciser que, dans ledit point, la Commission a établi que les membres de l’entente contrôlaient l’application des taux de hausse de prix réellement appliqués sur le marché. D’autre part, au considérant 1216 de la décision attaquée, elle a considéré que, dans la mesure où l’entente pouvait ne pas avoir entièrement porté ses fruits, il n’y avait pas lieu, au titre d’une circonstance aggravante, d’appliquer une augmentation au regard de sa mise en œuvre.

351    En outre, il y a lieu de relever que, pour démontrer l’absence de mise en œuvre de l’entente, les requérantes produisent trois graphiques. Le premier, réalisé sur la base de 40 produits, concerne l’évolution des barèmes de prix de Keramag en 2002. Le deuxième, réalisé sur la base de 26 produits, concerne l’évolution des barèmes de prix de Koralle en 2002. Le troisième concerne l’évolution des prix de transaction d’Allia pour ses produits bas de gamme, entre 2003 et 2005. Le Tribunal estime que ces graphiques, qui concernent certains produits fabriqués et vendus par certaines sociétés, ne sont pas susceptibles de remettre en cause, de façon générale, les éléments auxquels la Commission a fait référence dans au 5.2.5 de la décision attaquée. De plus, il convient d’observer que le premier graphique indique que, alors que les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains s’étaient mis d’accord pour une augmentation des prix indicatifs figurant dans les barèmes de prix de 5 %, lesdits prix n’ont augmenté que de 2,3 %. Force est donc de constater que ce graphique permet, au contraire, de considérer, à l’instar de la Commission, que l’entente a été mise en œuvre, bien que de façon peu rigoureuse. Par ailleurs, il ne saurait être exclu que, en l’absence de l’entente, l’augmentation des prix indicatifs figurant dans les barèmes de prix eût été moindre. Il convient donc d’écarter l’argumentation des requérantes selon laquelle l’entente n’a pas été mise en œuvre.

352    Enfin, il convient de relever que, en vertu du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, pour bénéficier d’une réduction pour absence de mise en œuvre, les requérantes auraient dû démontrer qu’elles se sont effectivement soustraites à l’application de l’entente en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché ou, à tout le moins, qu’elles ont clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en œuvre cette entente, au point d’en avoir perturbé le fonctionnement (arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, Daiichi Pharmaceutical/Commission, T‑26/02, Rec. p. II‑713, point 113). Or, en l’espèce, il y a lieu de constater que les requérantes n’apportent aucun élément susceptible de démontrer qu’elles ont adopté un tel comportement.

353    Partant, au regard des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter l’argumentation des requérantes selon laquelle il convient de prendre en compte l’absence de mise en œuvre de l’entente afin de calculer le montant de l’amende.

354    Deuxièmement, s’agissant du fait que la même proportion de la valeur des ventes, à savoir 15 %, a été appliquée aux fabricants d’articles en céramique et aux fabricants d’articles de robinetterie, il convient de relever que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que les requérantes avaient participé à une infraction unique et continue s’étendant aux trois sous-groupes de produits Or, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 74 à 77 ci-dessus, il convient de constater l’existence d’une telle infraction. Dès lors, eu égard au paragraphe 22 des lignes directrices de 2006, le montant de base de l’amende doit être déterminé sur le fondement notamment de la gravité de l’infraction prise dans sa globalité. Il ne saurait donc être considéré que doit être prise en compte l’intensité spécifique des agissements anticoncurrentiels s’agissant de l’un desdits sous-groupes de produits au regard de celle spécifique aux autres sous-groupes.

355    En tout état de cause, il importe de souligner que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne ressort nullement des éléments du dossier de la Commission que les agissements anticoncurrentiels s’agissant des articles en céramique ont été moins intensifs que s’agissant des articles de robinetterie. Au contraire, s’agissant tant des articles en céramique que des articles de robinetterie, des éléments de preuve ressortent, démontrant, à suffisance de droit, que les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains ont participé à des restrictions de concurrence qui comptent parmi les plus graves, à savoir la coordination des hausses annuelles de prix ainsi que la coordination des hausses de prix à l’occasion d’événements spécifiques. Cela est notamment le cas s’agissant de l’Allemagne, à laquelle les requérantes font référence dans la requête afin d’illustrer leurs propos.

356    Dès lors, eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter l’argumentation des requérantes selon laquelle, en substance, il ne convient pas d’appliquer, aux fins de la détermination du montant de l’amende de base, la même proportion de la valeur des ventes, à savoir 15 %, aux fabricants d’articles en céramique et aux fabricants d’articles de robinetterie.

357    Troisièmement, s’agissant de la prise en compte des Pays-Bas dans le calcul du montant de l’amende qui leur a été infligée, il importe de relever, à l’instar des requérantes, que la Commission a tenu compte des Pays-Bas lors de l’examen de la portée géographique de l’infraction aux fins de l’appréciation de sa gravité et de la fixation du coefficient « gravité de l’infraction » à 15 % de la valeur des ventes. Cependant, nonobstant le fait que la constatation de l’infraction aux Pays-Bas contribue à démontrer sa gravité, il y a lieu de relever qu’aucune amende n’a été imposée du fait des agissements de Sphinx dans cet État membre. De même, ainsi que cela ressort du considérant 1208 de la décision attaquée, la Commission n’a pas pris en compte les ventes effectuées aux Pays-Bas lors de la détermination de la valeur des ventes de chacun des destinataires de la décision attaquée. Enfin, il y a lieu de rappeler que, s’agissant de la prise en compte de la gravité de l’infraction, selon les paragraphes 21 à 23 des lignes directrices de 2006, la proportion de la valeur des ventes prise en compte est fixée à un niveau pouvant aller jusqu’à 30 %, en tenant compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction, étant entendu que les accords de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves. En outre, en vertu du paragraphe 23 des lignes directrices de 2006, ces dernières restrictions justifient que soit retenue une proportion de la valeur des ventes en haut de l’échelle de 0 à 30 %.

358    Dès lors qu’il ressort notamment de la deuxième et de la troisième branche du troisième moyen que l’infraction en cause, en ce qu’elle concernait le territoire de l’Allemagne et de l’Italie, compte parmi les restrictions de concurrence les plus graves, le Tribunal estime que la proportion de la valeur des ventes retenue par la Commission, à savoir 15 %, doit être considérée comme appropriée au regard de la nature de l’infraction en cause. Le fait que la Commission ait, selon les requérantes, à tort tenu compte du territoire des Pays-Bas, lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction sous l’angle de sa portée géographique ne saurait remettre en cause cette conclusion et justifier qu’il soit dérogé au principe figurant au paragraphe 23 des lignes directrices de 2006.

359    Partant, eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter l’argumentation des requérantes selon laquelle, en substance, la gravité de l’infraction constatée était moindre du fait de la prescription de l’infraction commise aux Pays-Bas.

360    Quatrièmement, s’agissant des ventes de projets, tout d’abord, il ressort de manière explicite des considérants 1206 et 1207 de la décision attaquée que, après avoir rappelé que l’infraction constatée porterait sur les ventes entre les fabricants et les grossistes, la Commission a, au regard des déclarations de Sanitec Europe, après avoir constaté que certaines ventes de projets étaient réalisées par l’intermédiaire des grossistes, décidé de tenir compte de ce type de ventes dans la valeur des ventes retenues aux fins du calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes. En outre, il ressort du considérant 1207 de la décision attaquée que les requérantes vendaient parfois, dans le cadre de ventes de projets, des sous-groupes de produits aux grossistes. Partant, l’allégation des requérantes selon laquelle les ventes de projets retenues par la Commission reposaient sur un canal de distribution différent de celui des ventes individuelles aux consommateurs finaux manque en fait.

361    Ensuite, il convient de rappeler que le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 prévoit que, aux fins de la détermination du montant de base de l’amende, il est possible de se fonder sur « la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte avec l’infraction ». Or, d’une part, il y a lieu de constater que, quels que soient les types et les gammes des produits visés dans les arguments des requérantes et vendus dans le cadre de ventes de projets, certains de ces produits relevaient notamment du sous-groupe de produits des articles en céramique sur lesquels porte l’infraction constatée. D’autre part, il y a lieu de considérer que, à supposer que les ventes de produits relevant de ce dernier sous-groupe aient été soumises à un barème de prix distinct selon qu’ils étaient vendus dans le cadre de ventes individuelles ou de ventes de projets, et que seul celui concernant les premières ait fait l’objet des discussions illicites relevant de l’infraction constatée, il n’en demeure pas moins que ces opérations de vente étaient réalisées dans les deux cas entre les requérantes et les mêmes grossistes, ces derniers ayant connaissance des barèmes de prix pratiqués dans le cadre des ventes individuelles. Partant, le Tribunal estime que, quels que soient les rabais pratiqués dans le cadre des ventes de projets, les agissements reprochés aux requérantes dans le cadre de ventes individuelles étaient susceptibles d’influencer, de manière indirecte, les conditions de détermination des prix pratiqués dans le cadre des ventes de projets.

362    Partant, eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter l’argumentation des requérantes selon laquelle il convient d’exclure les ventes de projets de la valeur des ventes lors du calcul du montant de l’amende, dans la mesure où lesdites ventes reposaient sur un canal de distribution et portaient sur des produits, gammes de produits, structures de rabais et de prix ainsi que sur des barèmes de prix qui différaient de ceux caractérisant des ventes individuelles aux consommateurs finaux, par l’intermédiaire des grossistes, sur lesquelles porte l’infraction constatée.

363    Cinquièmement, pour autant que les requérantes invoquent la disproportion du montant de l’amende compte tenu de la nature de l’infraction et de son absence d’effets, il y a lieu de rappeler que les restrictions de concurrence en cause comptent parmi les plus graves et que l’absence de rigueur dans leur mise en œuvre a été prise en compte dans le cadre de la fixation du montant de base de l’amende. Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argumentation des requérantes selon laquelle le montant de l’amende est manifestement disproportionné compte tenu de la nature de l’infraction qui concernait des barèmes de prix et du fait que la Commission n’aurait ni identifié ni cherché à identifier les effets réels des infractions alléguées.

364    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le neuvième moyen comme étant non fondé.

3.     Sur les autres éléments et motifs susceptibles de justifier une réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes

365    D’une part, le Tribunal estime que, en vertu de sa compétence de pleine juridiction, aucun des éléments invoqués à un quelconque titre par les requérantes dans la présente affaire ni aucun motif d’ordre public ne justifie qu’il fasse usage dudit pouvoir, pour réduire de manière appropriée le montant total de l’amende de 50 580 701 euros, à infliger aux requérantes autres qu’Allia et PCT.

366    Tel est notamment le cas s’agissant de la prise en compte du territoire de la France par la Commission, lors de l’examen de la portée géographique de l’infraction aux fins d’en apprécier la gravité et de fixer le montant de base de l’amende en appliquant un coefficient « gravité de l’infraction » égal à 15 % de la valeur des ventes. En effet, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 357 et 358 ci-dessus, le Tribunal estime qu’il n’est pas opportun, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, d’accorder une réduction au regard de l’erreur relevée par le Tribunal au point 121 ci-dessus concernant la participation des requérantes, en France, à l’infraction constatée.

367    D’autre part, il y a lieu de considérer que, compte tenu de l’ensemble des éléments avancés devant lui, une amende d’un montant total de 50 580 701 euros constitue, au regard de la durée et de la gravité de l’infraction à laquelle les requérantes autres qu’Allia et PCT ont participé, une sanction appropriée permettant de réprimer, de manière appropriée et dissuasive, leur comportement anticoncurrentiel.

368    À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient, conformément aux constatations figurant aux points 329 et 368 ci-dessus, premièrement, d’annuler partiellement l’article 1er, paragraphe 1, point 6, de la décision attaquée pour le motif exposé aux points 325 et 326 ci-dessus, deuxièmement, d’annuler l’article 2, paragraphe 7, de la décision attaquée pour autant qu’il dépasse 50 580 701 euros et, troisièmement, de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

369    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs de conclusions.

370    Le recours ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que les requérantes supporteront les trois quarts de leurs propres dépens. La Commission supportera un quart des dépens exposés par les requérantes ainsi que ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’article 1er, paragraphe 1, point 6, de la décision C (2010) 4185 final de la Commission, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains), est annulé pour autant que la Commission européenne y conclut que, d’une part, Allia SAS et Produits Céramique de Touraine SA ont participé à une infraction relative à une entente sur le marché français pour une période comprise entre le 25 février 2004 et le 9 novembre 2004 et, d’autre part, Pozzi Ginori SpA a participé à une infraction relative à une entente sur le marché italien pour une période autre que celle comprise entre le 14 mai 1996 et le 9 mars 2001.

2)      L’article 2, paragraphe 7, de la décision C (2010) 4185 final est annulé pour autant que le montant total de l’amende imposée à Keramag Keramische Werke AG, à Koralle Sanitärprodukte GmbH, à Koninklijke Sphinx BV, à Pozzi Ginori et à Sanitec Europe Oy dépasse 50 580 701 euros.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Keramag Keramische Werke, Koralle Sanitärprodukte, Koninklijke Sphinx, Allia, Produits Céramique de Touraine, Pozzi Ginori et Sanitec Europe supporteront les trois quarts de leurs propres dépens.

5)      La Commission supportera un quart des dépens exposés par Keramag Keramische Werke, par Koralle Sanitärprodukte, par Koninklijke Sphinx, par Allia, par Produits Céramique de Touraine, par Pozzi Ginori et par Sanitec Europe, ainsi que ses propres dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 2013.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

I –  Sur les conclusions, présentées à titre principal, tendant à l’annulation de la décision attaquée

A –  Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission a commis des erreurs d’appréciation l’ayant amenée à conclure que les agissements reprochés aux requérantes avaient un objet anticoncurrentiel

B –  Sur le deuxième moyen, tiré de ce que les requérantes ne pouvaient pas être tenues pour responsables d’une infraction en ce qui concerne les articles de robinetterie

1.  Rappels de jurisprudence et observations liminaires

2.  Sur l’imputation aux requérantes de la responsabilité au titre de l’infraction constatée

C –  Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit et d’erreurs d’appréciation commises par la Commission quant aux éléments de preuve concernant la participation des requérantes à l’infraction constatée en France, en Allemagne et en Italie

1.  Sur l’erreur de droit prétendument commise par la Commission en présumant de l’objet anticoncurrentiel de discussions entre non-concurrents

2.  Sur les erreurs d’appréciation commises par la Commission quant à l’examen des éléments de preuve

a)  Sur la première branche du troisième moyen, relative aux éléments de preuve concernant l’infraction commise en France

b)  Sur la deuxième branche du troisième moyen relative aux éléments de preuve concernant l’infraction commise en Allemagne

Sur les éléments de preuve relatifs aux agissements anticoncurrentiels en Allemagne

–  Sur les réunions de l’organisme de coordination IFS

–  Sur les éléments de preuve relatifs aux réunions de l’association spécialisée FSKI

–  Sur la liste de Hansgrohe

Sur le caractère précis et concordant du faisceau d’indices invoqué par la Commission afin de démontrer la participation de Keramag à l’entente en Allemagne entre le 7 juillet 2000 et le 9 novembre 2004

c)  Sur la troisième branche du troisième moyen, relative aux éléments de preuve concernant l’infraction commise en Italie

Sur les éléments de preuve relatifs aux agissements anticoncurrentiels en Italie

–  Sur les éléments de preuve relatifs aux réunions de l’association multi produits Michelangelo ayant eu lieu avant le 14 mai 1999

–  Sur les éléments de preuve relatifs aux réunions de l’association multiproduits Michelangelo ayant eu lieu après le 14 mai 1999

Sur le caractère précis et concordant du faisceau d’indices invoqué par la Commission afin de démontrer la participation de Pozzi Ginori à l’entente en Italie du 14 mai 1996 au 14 septembre 2001

D –  Sur le quatrième moyen, tiré de l’absence d’intérêt à constater une infraction aux Pays-Bas

E –  Sur le cinquième moyen, tiré de la violation des droits de la défense

1.  Sur la première branche du cinquième moyen, tirée de ce que la Commission n’a pas donné aux requérantes un accès adéquat au dossier de la Commission

2.  Sur la seconde branche du cinquième moyen, tirée de ce que la Commission n’a pas exposé à suffisance de droit les griefs retenus dans la communication des griefs

F –  Sur le sixième moyen soulevé dans l’affaire T‑381/10, tiré de ce qu’une amende a été imposée directement et individuellement à Sanitec Europe

G –  Sur le septième moyen soulevé dans l’affaire T‑381/10, tiré de l’imputation à Sanitec Europe du comportement de Keramag

H –  Conclusion sur l’examen des conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée.

II –  Sur les conclusions, présentées à titre subsidiaire, tendant à la réduction du montant de l’amende imposée aux requérantes

A –  Sur les conséquences à tirer de l’erreur commise par la Commission sur le montant de l’amende

B –  Sur les arguments additionnels soulevés par les requérantes au soutien des conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende infligée

1.  Sur le huitième moyen, tiré de ce que les poursuites engagées par la Commission étaient arbitraires et sélectives

2.  Sur le neuvième moyen, tiré de ce que la Commission a surévalué le montant de l’amende infligée aux requérantes

3.  Sur les autres éléments et motifs susceptibles de justifier une réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.