Language of document : ECLI:EU:T:2023:758

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

29 novembre 2023 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine – Gel des fonds – Liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Inscription et maintien du nom du requérant sur les listes – Notion de “femme ou homme d’affaires influents” – Article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145/PESC – Article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement (UE) no 269/2014 – Exception d’illégalité – Obligation de motivation – Erreur d’appréciation »

Dans l’affaire T‑333/22,

German Khan, demeurant à Londres (Royaume-Uni), représenté par Mes T. Marembert et A. Bass, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J. Rurarz, Mme S. Van Overmeire et M. V. Piessevaux, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. D. Spielmann (rapporteur), président, Mme M. Brkan et M. T. Tóth, juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        la requête déposée au greffe du Tribunal le 6 juin 2022,

–        la décision du 27 juin 2022 rejetant la demande de procédure accélérée,

–        le mémoire en adaptation du requérant déposé au greffe du Tribunal le 24 novembre 2022,

à la suite de l’audience du 13 juin 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. German Khan, demande l’annulation, d’une part, de la décision (PESC) 2022/429 du Conseil, du 15 mars 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 87 I, p. 44), et du règlement d’exécution (UE) 2022/427 du Conseil, du 15 mars 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 87 I, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes initiaux »), et, d’autre part, après adaptation de la requête, de la décision (PESC) 2022/1530 du Conseil, du 14 septembre 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 149), et du règlement d’exécution (UE) 2022/1529 du Conseil, du 14 septembre 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien »), dans la mesure où ces actes (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués ») le concernent.

 Antécédents du litige

2        Le requérant est un homme d’affaires ayant les nationalités russe et israélienne.

3        Le 17 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2014/145/PESC, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16). Le même jour, il a adopté, sur le fondement de l’article 215 TFUE, le règlement (UE) no 269/2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6).

4        Le 21 février 2022, le président de la Fédération de Russie a signé un décret reconnaissant l’indépendance et la souveraineté de la « République populaire de Donetsk » et de la « République populaire de Lougansk », autoproclamées, et a ordonné le déploiement des forces armées russes dans ces zones.

5        Le 22 février 2022, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (ci-après le « haut représentant ») a publié une déclaration au nom de l’Union européenne condamnant ces actions, dès lors qu’elles constituaient une violation grave du droit international. Il a annoncé que l’Union réagirait à ces dernières violations par la Fédération de Russie en adoptant de toute urgence des mesures restrictives supplémentaires.

6        Le 25 février 2022, le Conseil a adopté une deuxième série de mesures restrictives. À cette même date, au vu de la gravité de la situation en Ukraine, le Conseil a adopté, d’une part, la décision (PESC) 2022/329, modifiant la décision 2014/145 (JO 2022, L 50, p. 1), et, d’autre part, le règlement (UE) 2022/330, modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2022, L 51, p. 1), afin notamment d’amender les critères en application desquels des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes pouvaient être visés par les mesures restrictives en cause.

7        L’article 2, paragraphes 1 et 2, de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, prévoit ce qui suit :

« 1.      Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant :

[…]

d) à des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes qui apportent un soutien matériel ou financier aux décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’Ukraine, ou qui tirent avantage de ces décideurs ;

[…]

g) à des femmes et hommes d’affaires influents ou des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine,

et les personnes physiques et morales, les entités ou les organismes qui leur sont associés, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent, dont la liste figure en annexe.

2.      Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe, ou mis à leur profit. »

8        Les modalités de ce gel de fonds sont définies à l’article 2, paragraphes 3 à 6, de la décision 2014/145.

9        Le règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330, impose l’adoption des mesures de gel de fonds et définit les modalités de ce gel en des termes identiques, en substance, à ceux de la décision 2014/145 telle que modifiée. En effet, l’article 3, paragraphe 1, sous a) à g), de ce règlement tel que modifié reprend pour l’essentiel l’article 2, paragraphe 1, sous a) à g), de ladite décision.

10      Dans ce contexte, par les actes initiaux, le Conseil a ajouté le nom du requérant sur les listes des personnes, des entités et des organismes faisant l’objet de mesures restrictives qui figuraient à l’annexe de la décision 2014/145 telle que modifiée et à l’annexe I du règlement no 269/2014 tel que modifié (ci-après les « listes litigieuses »).

11      Les motifs de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses sont les suivants :

« [Le requérant] est l’un des principaux actionnaires du conglomérat Alfa Group, qui comprend Alfa Bank, l’un des plus grands contribuables de la Russie. Il est considéré comme l’une des personnes les plus influentes de Russie. Comme d’autres propriétaires d’Alfa Bank (Mikhaïl Fridman et Piotr Aven), il entretient des relations étroites avec Vladimir Poutine et continue à échanger d’importantes faveurs avec lui. Les propriétaires d’Alfa Group bénéficient d’avantages commerciaux et juridiques découlant de cette relation. La fille aînée de Vladimir Poutine, Maria, a animé un projet caritatif, Alfa-Endo, qui était financé par Alfa Bank. Vladimir Poutine a récompensé Alfa Group pour sa loyauté envers les autorités russes en apportant un appui politique aux plans d’investissement du groupe à l’étranger.

Il apporte donc un soutien matériel ou financier actif aux décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’Ukraine, et tire avantage de ces décideurs. Il fait également partie des hommes d’affaires russes influents intervenant dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »

12      Le 16 mars 2022, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis à l’attention des personnes, entités et organismes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2014/145, modifiée par la décision 2022/429, et par le règlement no 269/2014, mis en œuvre par le règlement d’exécution 2022/427 (JO 2022, C 121 I, p. 1). Cet avis indiquait, notamment, que les personnes concernées pouvaient adresser au Conseil une demande de réexamen de la décision par laquelle leurs noms avaient été inscrits sur les listes annexées auxdits actes, en y joignant des pièces justificatives.

13      Par lettre du 21 mars 2022, le requérant a demandé au Conseil de lui communiquer le dossier sur lequel se fondait son inscription sur les listes litigeuses.

14      Le 29 mars 2022, le Conseil lui a adressé le dossier WK 3076/2022 (ci-après le « dossier de preuves »), sur lequel il avait fondé sa décision.

15      Le 1er juin 2022, le requérant a adressé au Conseil une demande de réexamen de la décision d’inscription de son nom sur les listes litigieuses.

16      Le 14 septembre 2022, le Conseil a adopté les actes de maintien, dont il résulte que les mesures restrictives individuelles applicables au requérant ont été prolongées jusqu’au 15 mars 2023 pour les mêmes motifs que ceux figurant dans les actes initiaux (voir point 11 ci-dessus).

17      Par courrier du 15 septembre 2022, le Conseil, se référant à la lettre du requérant du 1er juin 2022, a notamment indiqué au requérant que, après avoir examiné ses observations, il considérait qu’elles ne remettaient pas en cause son évaluation selon laquelle il existait des motifs suffisants de maintien de son nom sur les listes litigieuses. Le Conseil a également indiqué que, au vu de la similitude des arguments soulevés, il faisait référence à ses observations présentées en défense devant le Tribunal dans le cadre de la présente affaire. Il en a conclu que le nom du requérant devait être maintenu sur les listes litigieuses.

18      Le 15 septembre 2022, le Conseil a procédé à la publication au Journal officiel de l’Union européenne de l’avis à l’attention des personnes et entités faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2014/145, modifiée par la décision 2022/1530, et par le règlement no 269/2014, mis en œuvre par le règlement d’exécution 2022/1529 (JO 2022, C 353 I, p. 1).

 Conclusions des parties

19      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

20      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en annulation ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait les mesures restrictives adoptées à l’encontre du requérant, ordonner que les effets des décisions 2022/429 et 2022/1530 soient maintenus jusqu’à ce que l’annulation partielle des règlements d’exécution 2022/427 et 2022/1529 prenne effet ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

21      À l’appui du recours, premièrement, le requérant invoque l’absence de base légale du critère visant les « femmes et hommes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie » [article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 telle que modifiée et article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014 tel que modifié] [ci-après le « critère g) »]. Comme précisé lors de l’audience, il excipe ce faisant de l’illégalité dudit critère pour défaut de base légale. Deuxièmement, il excipe de l’illégalité du même critère en invoquant la violation du principe de proportionnalité. Troisièmement, il fait valoir que son inscription sur les listes litigieuses, sur le fondement des deux critères appliqués, résulte d’une erreur manifeste d’appréciation. Dans le cadre de son mémoire en adaptation, le requérant réitère ses moyens et invoque en outre une violation des formes substantielles, et, en particulier, une violation de l’obligation de réexamen périodique et de l’obligation de motivation.

 Sur l’exception d’illégalité du critère g)

22      Le requérant excipe de l’illégalité du critère g), d’une part, pour défaut de base légale et, d’autre part, pour violation du principe de proportionnalité.

23      Selon l’article 277 TFUE, toute partie peut, à l’occasion d’un litige mettant en cause un acte de portée générale adopté par une institution, un organe ou un organisme de l’Union, se prévaloir des moyens prévus à l’article 263, deuxième alinéa, TFUE pour invoquer devant la Cour de justice de l’Union européenne l’inapplicabilité de cet acte.

24      L’article 277 TFUE constitue l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester, par voie incidente, en vue d’obtenir l’annulation d’une décision qui lui est adressée, la validité des actes de portée générale qui forment la base d’une telle décision si cette partie ne disposait pas du droit d’introduire, en vertu de l’article 263 TFUE, un recours direct contre ces actes, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d’en demander l’annulation. L’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours et il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l’acte général en question (voir arrêt du 17 février 2017, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, T‑14/14 et T‑87/14, EU:T:2017:102, point 55 et jurisprudence citée).

25      Concernant l’intensité du contrôle juridictionnel, selon une jurisprudence constante, les juridictions de l’Union doivent, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité FUE, assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union. Cette exigence est expressément consacrée à l’article 275, second alinéa, TFUE (voir arrêts du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 58 et jurisprudence citée, et du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 65 et jurisprudence citée).

26      Il n’en demeure pas moins que le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la définition générale et abstraite des critères juridiques et des modalités d’adoption des mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 41 et jurisprudence citée). Par conséquent, les règles de portée générale définissant ces critères et ces modalités, telles que les dispositions des actes attaqués prévoyant les critères litigieux visés par le présent moyen, font l’objet d’un contrôle juridictionnel restreint, se limitant à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur de droit ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir [voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 et T‑332/08, EU:T:2009:266, points 44 et 45, et du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 149 (non publié)].

27      En l’espèce, il résulte de l’article 2 et de l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014 tel que modifié que sont gelés les fonds et ressources économiques des femmes et hommes d’affaires influents, des personnes morales, des entités ou organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine.

 Sur le premier grief, tiré de l’illégalité du critère g) pour absence de base légale

28      Au soutien de ce grief, le requérant fait valoir que la jurisprudence applicable requiert, pour pouvoir adopter des mesures restrictives sur le fondement de l’article 215 TFUE, qu’il existe un lien suffisant entre les personnes visées et le pays tiers qui est la cible des mesures restrictives, sans que l’on puisse sanctionner des personnes physiques indépendamment de leur comportement personnel, lien qu’il conteste en l’espèce. En réplique, le requérant soutient que c’est à tort que le Conseil a écarté l’application de l’arrêt du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil (C‑376/10 P, EU:C:2012:138), au motif qu’il serait obsolète. Cette position serait également contraire aux lignes directrices de 2018 du Conseil relatives aux sanctions, préconisant des mesures ciblant des personnes identifiées comme responsables des politiques ou actions ayant déclenché les sanctions, ainsi que les personnes bénéficiant ou soutenant lesdites politiques ou actions. Il ajoute que, selon le critère g), ce sont les secteurs économiques, et non les personnes, qui fournissent une source substantielle de revenus et le seul fait de payer des impôts ne saurait constituer un soutien au pays tiers en cause. De plus, le critère syrien, invoqué par le Conseil, ne serait pas pertinent, dès lors qu’il instituerait une présomption de lien avec le régime qui ne serait pas applicable en l’espèce.

29      Le Conseil conteste cette argumentation.

30      Il convient de rappeler que le choix de la base juridique d’un acte de l’Union doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent, notamment, le but et le contenu de l’acte (arrêts du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, EU:C:2011:735, point 66 ; du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil, C‑376/10 P, EU:C:2012:138, point 46, et du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C‑220/14 P, EU:C:2015:147, point 42).

31      Or, en l’espèce, les actes attaqués sont fondés sur les traités et notamment sur l’article 29 TUE pour les décisions 2022/429 et 2022/1530 et sur l’article 215 TFUE pour les règlements d’exécution 2022/427 et 2022/1530.

32      Les actes attaqués sont donc fondés sur les bases légales pertinentes en matière de politique étrangère et de sécurité commune, ce qui n’est pas en tant que tel contesté.

33      L’argumentation du requérant, fondée sur l’arrêt du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil (C‑376/10 P, EU:C:2012:138), et sur le fait que l’on ne saurait sanctionner des personnes physiques indépendamment de leur comportement personnel, ne saurait être accueillie.

34      En effet, dans l’arrêt du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil (C‑376/10 P, EU:C:2012:138), la Cour a notamment jugé que, en considérant qu’il était permis de présumer que les membres de la famille des dirigeants d’entreprises importantes aient tiré également profit des politiques économiques du gouvernement, le Tribunal avait élargi la catégorie de personnes physiques susceptibles de faire l’objet de mesures restrictives ciblées et que cette application de mesures restrictives à des personnes physiques pour la seule raison de leur lien familial avec des personnes associées aux dirigeants du pays tiers concerné et indépendamment de leur comportement personnel se heurtait à la jurisprudence de la Cour relative aux articles 60 CE et 301 CE (arrêt du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil, C‑376/10 P, EU:C:2012:138, points 65 et 66). Elle a ajouté que le critère utilisé par le Tribunal pour l’inclusion des membres de la famille de dirigeants d’entreprises reposait sur une présomption qui n’avait été prévue ni dans le règlement litigieux ni dans les positions communes auxquelles celui-ci renvoyait et qui ne répondait pas à l’objectif de cette réglementation (arrêt du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil, C‑376/10 P, EU:C:2012:138, point 69). Le règlement litigieux a ainsi été annulé, pour défaut de base juridique, en ce qu’il concernait le requérant.

35      Toutefois, il ne saurait être déduit de cette jurisprudence que le critère appliqué en l’espèce serait dénué de base légale.

36      En effet, il résulte certes de la jurisprudence que les articles 60 CE et 301 CE, applicables avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, ne prévoyaient pas de pouvoirs d’action exprès ou implicites pour imposer des mesures restrictives à des personnes ou entités n’ayant aucun lien avec le régime dirigeant d’un pays tiers. Ainsi, pour imposer de telles mesures, il convenait, avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, de se fonder conjointement sur les articles 60 CE, 301 CE et 308 CE (arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 216).

37      Toutefois, le traité de Lisbonne a changé l’état du droit en introduisant un nouvel article 215 TFUE. Ainsi, si l’article 215, paragraphe 1, TFUE couvre les domaines auparavant visés par les articles 60 CE et 301 CE (arrêt du 19 juillet 2012, Parlement/Conseil, C‑130/10, EU:C:2012:472, points 51 et 52), l’article 215, paragraphe 2, TFUE habilite le Conseil à adopter, par la voie d’un acte prévu à l’article 288 TFUE, des mesures restrictives à l’encontre de n’importe quelle « personne physique ou morale », « entité non étatique » ou n’importe quel « groupe » à la seule condition qu’une décision adoptée conformément au chapitre 2 du titre V du traité UE prévoie de telles mesures. En d’autres termes, si cette dernière condition est remplie, l’article 215, paragraphe 2, TFUE permet notamment au Conseil d’adopter des actes imposant des mesures restrictives à l’encontre de destinataires n’ayant aucun lien avec le régime dirigeant d’un pays tiers (arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 53).

38      Partant, les arguments que le requérant tire, plus spécifiquement, de la jurisprudence relative aux articles 60 et 301 CE sont dépourvus de pertinence (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, CW/Conseil, T‑224/14, non publié, EU:T:2016:375, point 74). Il en va de même de l’argument du requérant tiré de l’exigence d’un lien suffisant entre les personnes visées et le pays tiers en cause.

39      Il s’ensuit que le critère g) ne saurait être considéré comme étant dépourvu de base juridique.

40      L’argument, soulevé en réplique, tiré des lignes directrices de 2018 du Conseil relatives aux sanctions, qui reprendraient la solution dégagée dans l’arrêt du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil (C‑376/10 P, EU:C:2012:138), concernant l’exigence d’un lien, doit également être écarté, dès lors que le critère g) n’exige pas de lien entre la personne inscrite sur les listes litigieuses et le pays tiers en cause.

41      De même, l’argument du requérant selon lequel ce sont les secteurs économiques, et non les personnes, qui fournissent une source substantielle de revenus n’infirme pas ce constat. En effet, sont en cause les femmes et hommes d’affaires influents qui, par leur activité dans certains secteurs, sont visés, en tant que ces secteurs constituent, pour le gouvernement de la Fédération de Russie, une source substantielle de revenus et donc un soutien économique qui permet audit gouvernement de poursuivre sa politique de déstabilisation de l’Ukraine. Le lien, même indirect, entre les personnes visées et le pays tiers qui est la cible des mesures restrictives est donc suffisamment établi, dès lors que les conditions du critère g) sont remplies.

42      Enfin, le requérant soutient que le fait de payer des impôts n’est pas un critère du soutien au régime.

43      Toutefois, cet argument doit être écarté comme étant dénué de pertinence, au motif que la condition tenant au soutien du requérant au régime n’apparaît pas en tant que telle dans le cadre du critère g).

44      Certes, dans le point 188 de l’arrêt du 9 décembre 2014, Peftiev/Conseil (T‑441/11, non publié, EU:T:2014:1041), et le point 169 de l’arrêt du 6 octobre 2015, Chyzh e.a./Conseil (T‑276/12, non publié, EU:T:2015:748), il a été jugé, en substance, que le Conseil ne saurait inférer du paiement des impôts par une personne son soutien financier au régime, dans la mesure où un tel paiement constituait une obligation légale.

45      Toutefois, dans le cadre du critère g), c’est le secteur économique, et non l’homme d’affaires en tant que tel, qui est identifié comme étant la source substantielle de revenus pour la Fédération de Russie. Par conséquent, le critère applicable renvoie à l’ensemble des revenus générés par le secteur d’activités dans lequel l’homme ou la femme d’affaires intervient, et vise donc, notamment, les impôts générés par le secteur en cause, même non nécessairement versés par cet homme ou cette femme d’affaires.

46      Dès lors, l’argument du requérant selon lequel le fait de payer des impôts n’est pas un critère du soutien au régime doit être écarté comme ne venant pas utilement au soutien du défaut de base juridique du critère en cause.

47      Il découle de tout ce qui précède que l’argumentation tirée du défaut de base juridique du critère g) doit être rejetée.

 Sur le second grief, tiré de l’illégalité du critère g) pour violation du principe de proportionnalité

48      Au soutien de ce grief, le requérant fait valoir, en premier lieu, que le critère g) serait inapproprié au regard de l’objectif poursuivi, à savoir affaiblir la Fédération de Russie. Le requérant mentionne notamment le fait qu’il ne sanctionne que des personnes physiques qui ne sont pas des contribuables importants, mais qui se trouvent simplement avoir une activité dans des secteurs générant d’importantes recettes fiscales pour la Fédération de Russie. En second lieu, il soutient que des solutions de remplacement, telles que le fait d’élargir le périmètre des sanctions sectorielles, seraient moins contraignantes et plus appropriées au regard de l’objectif poursuivi.

49      Le Conseil conteste cette argumentation.

50      Le principe de proportionnalité exige que les limitations qui peuvent être apportées par des actes de droit de l’Union à des droits et libertés consacrés dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la satisfaction des objectifs légitimes poursuivis ou du besoin de protection des droits et libertés d’autrui, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés par celle-ci ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 26 avril 2022, Pologne/Parlement et Conseil, C‑401/19, EU:C:2022:297, point 65 et jurisprudence citée ; arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 168).

51      S’agissant du contrôle juridictionnel du respect du principe de proportionnalité, la Cour a jugé qu’il convenait de reconnaître un large pouvoir d’appréciation au législateur de l’Union dans des domaines qui impliquent de la part de ce dernier des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lesquels il est appelé à effectuer des appréciations complexes. Elle en a déduit que seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure adoptée en ces domaines, au regard de l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (voir arrêt du 25 juin 2020, VTB Bank/Conseil, C‑729/18 P, non publié, EU:C:2020:499, point 61 et jurisprudence citée).

52      En l’espèce, l’objectif déclaré des actes attaqués, et donc de l’adoption du critère g), est d’accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que le coût des actions de cette dernière visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et de promouvoir un règlement pacifique de la crise (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2020, Rosneft e.a./Conseil, C‑732/18 P, non publié, EU:C:2020:727, point 85). Un tel objectif cadre avec celui consistant à préserver la paix et la sécurité internationale, conformément aux objectifs de l’action extérieure de l’Union énoncés à l’article 21 TUE (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 115).

53      Or, le critère g) vise des « femmes et hommes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine », autrement dit des personnes à l’égard desquelles l’adoption des mesures restrictives en cause sont de nature à accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que le coût des actions de cette dernière.

54      Il existe donc un lien logique entre le fait de cibler les femmes et les hommes d’affaires influents exerçant leurs activités dans des secteurs économiques fournissant des revenus substantiels au gouvernement, au vu de l’importance que revêtent ces secteurs pour l’économie russe, et l’objectif des mesures restrictives en l’espèce, qui est d’accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que le coût des actions de cette dernière visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2018, Rosneft e.a./Conseil, T‑715/14, non publié, EU:T:2018:544, point 157).

55      L’approche consistant à cibler ces personnes doit être considérée comme répondant, de manière cohérente, à cet objectif d’accroître le coût des actions de la Fédération de Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et ne peut être considérée comme étant manifestement inappropriée au regard dudit objectif, au sens de la jurisprudence applicable rappelée au point 51 ci-dessus.

56      L’argument du requérant selon lequel le critère litigieux sanctionnerait uniquement des personnes physiques, qui ne seraient pas des contribuables importants mais qui se trouveraient simplement avoir une activité dans des secteurs générant d’importantes recettes fiscales pour la Russie, doit être écarté.

57      En effet, contrairement à ce que soutient le requérant, le critère litigieux ne sanctionne pas que des personnes physiques, dès lors que, en ce qui concerne le gel des fonds, sont également visées les personnes morales, entités ou organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie.

58      En outre, le fait de viser les personnes en cause, indépendamment de leur imposition fiscale en Russie, dès lors qu’elles ont une activité dans des secteurs économiquement importants pour la Russie, répond à l’objectif poursuivi et n’apparaît donc pas comme étant manifestement inapproprié.

59      De plus, l’appréciation du caractère disproportionné de l’application, aux situations individuelles, des mesures restrictives en cause ne relève pas de l’appréciation de la légalité du critère. En tout état de cause, il y a lieu de constater à cet égard qu’il s’agit de restrictions temporaires et réversibles et qui prévoient des possibilités de dérogations accordées par les États membres.

60      Par ailleurs, le requérant souligne que le considérant 11 de la décision 2022/329, qui évoque les personnes et entités qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement, est libellé différemment du critère g). Toutefois, ainsi que cela résulte d’une jurisprudence constante, le préambule d’un acte de l’Union n’a pas de valeur juridique contraignante et ne saurait être invoqué ni pour déroger aux dispositions mêmes de l’acte concerné ni pour interpréter ces dispositions dans un sens manifestement contraire à leur libellé (arrêts du 19 novembre 1998, Nilsson e.a., C‑162/97, EU:C:1998:554, point 54 ; du 24 novembre 2005, Deutsches Milch-Kontor, C‑136/04, EU:C:2005:716, point 32, et du 19 juin 2014, Karen Millen Fashions, C‑345/13, EU:C:2014:2013, point 31).

61      Enfin, l’existence de solutions de remplacement, moins contraignantes selon le requérant, telles que celles consistant à élargir le périmètre des sanctions sectorielles, n’infirme pas le constat du caractère proportionné du critère litigieux, lesdites solutions ayant, au demeurant, déjà été adoptées par le Conseil.

62      Il résulte de ce qui précède que le critère g) n’est pas entaché d’illégalité au motif qu’il aurait enfreint le principe de proportionnalité.

63      Partant, le second grief doit être rejeté de même que l’exception d’illégalité.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation 

64      À titre liminaire, il importe de relever que le premier moyen doit être considéré comme tiré d’une erreur d’appréciation, et non d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, s’il est certes vrai que le Conseil dispose d’un certain pouvoir d’appréciation pour déterminer, au cas par cas, si les critères juridiques sur lesquels se fondent les mesures restrictives en cause sont remplis, il n’en reste pas moins que les juridictions de l’Union doivent assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union (voir arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 61 et jurisprudence citée).

65      Il résulte de la motivation de l’inscription et du maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses qu’il est visé par les mesures restrictives en cause au titre, premièrement, du critère visant les « personnes physiques qui apportent un soutien matériel ou financier aux décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’Ukraine, ou qui tirent avantage de ces décideurs » [ci-après le « critère d) »] et, deuxièmement, du critère g).

66      Dans le cadre du présent moyen, premièrement, le requérant conteste la valeur probante des preuves produites au soutien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses et, deuxièmement, fait valoir le caractère manifestement erroné des appréciations figurant dans la motivation des actes attaqués.

67      Le Tribunal estime pertinent de commencer par l’examen de ces deux branches au regard du critère g).

 Sur la première branche, tirée de l’absence de valeur probante des preuves produites au soutien du critère g)

68      Dans le cadre de la première branche, le requérant soutient que les articles de presse produits par le Conseil sont anciens, parfois anonymes, et qu’ils ne sont ni fiables, ni crédibles, ni concordants. Aucune vérification de leur vraisemblance n’aurait été effectuée par des recoupements avec d’autres sources, contrairement à ce qu’exige la jurisprudence.

69      Le Conseil conteste cette argumentation.

70      Il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’activité du juge de l’Union est régie par le principe de libre appréciation des preuves et le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. À cet égard, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue en tenant compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir arrêts du 31 mai 2018, Kaddour/Conseil, T‑461/16, EU:T:2018:316, point 107 et jurisprudence citée, et du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 95 (non publié) et jurisprudence citée].

71      En l’absence de pouvoirs d’enquête dans des pays tiers, l’appréciation des autorités de l’Union doit, de fait, se fonder sur des sources d’information accessibles au public, des rapports, des articles de presse, des rapports des services secrets ou d’autres sources d’information similaires (arrêts du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 107, et du 1er juin 2022, Prigozhin/Conseil, T‑723/20, non publié, EU:T:2022:317, point 59).

72      En outre, il importe de relever que, la situation de conflit dans lequel la Fédération de Russie et l’Ukraine sont impliquées rend en pratique particulièrement difficile l’accès à certaines sources, l’indication expresse de la source primaire de certaines informations ainsi que l’éventuel recueil de témoignages de la part de personnes acceptant d’être identifiées. Les difficultés d’investigation qui s’ensuivent peuvent ainsi contribuer à faire obstacle à ce que des preuves précises et des éléments d’information objectifs soient apportés [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 46, et du 24 novembre 2021, Al Zoubi/Conseil, T‑257/19, EU:T:2021:819, point 73 (non publié)].

73      En l’espèce, pour justifier l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses au regard du critère g), le Conseil s’est fondé en substance sur trois documents.

74      L’article extrait du site Internet « astral.ru » (élément de preuve no 2), quoique non daté, contient un sous-titre démontrant qu’il concerne les plus gros contribuables de Russie en 2020. En outre, même si, comme l’indique le requérant, il s’agit du site commercial d’un fournisseur de services numériques russe, il se réfère à une ordonnance du service fédéral des impôts de Russie, qui établit le classement des plus gros contribuables selon des critères précisés dans l’article qui résume ladite ordonnance. La valeur probante de cet article ne saurait donc être écartée.

75      L’article publié sur le site Internet « banki.ru » le 30 août 2018 (élément de preuve no 5) se réfère au classement du magazine Forbes concernant les Russes les plus influents. Même s’il s’agit d’une source secondaire, il cite sa source comme étant le classement d’influence de Forbes 2018 et sa valeur probante ne saurait donc être écartée.

76      L’article du 6 avril 2018, publié sur un site d’actualités des États-Unis, the Daily Beast, rédigé par une historienne des États-Unis (élément de preuve no 9), revêt, quant à lui, la valeur probante d’une source journalistique.

77      Au vu de tout ce qui précède, compte tenu du contexte caractérisant la situation de la Fédération de Russie et en l’absence de pouvoirs d’enquête du Conseil dans des pays tiers (voir la jurisprudence citée aux points 71 et 72 ci-dessus), la valeur probante des pièces du dossier de preuves ne saurait être écartée.

 Sur la seconde branche, tirée d’une appréciation erronée des faits

78      Il convient de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

79      C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121, et du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil, T‑565/12, EU:T:2014:608, point 57).

80      L’appréciation du bien-fondé de ces motifs doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre la personne sujette à une mesure restrictive et le régime ou, en général, les situations combattues (voir arrêt du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 99 et jurisprudence citée).

81      C’est à l’aune de ces principes jurisprudentiels qu’il convient de déterminer si le Conseil a commis une erreur d’appréciation en considérant que, en l’espèce, il existait une base factuelle suffisamment solide pouvant justifier, d’une part, l’inscription initiale et, d’autre part, le maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses.

–       Concernant les actes initiaux

82      Le requérant souligne qu’il entretient des liens étroits avec l’Ukraine et que les sanctions prises par l’Union ont d’importantes conséquences sur sa vie personnelle et professionnelle.

83      Il fait valoir qu’Alfa Group n’existe pas sur le plan juridique et conteste être un homme d’affaires important. Il souligne le caractère minoritaire de sa participation dans Alfa Bank, indique n’avoir touché aucun dividende de ladite banque pendant les cinq dernières années et avoir cédé l’intégralité de sa participation avant l’adoption des actes initiaux. En réplique, il soutient que c’est à tort que le Conseil considère que la preuve de la vente de ses parts n’a pas été rapportée. Il conteste l’interprétation du critère effectuée par le Conseil concernant la notion d’« influent » au sens d’ « important ». Le terme « influent » résulterait d’autres versions linguistiques et le parallèle avec le régime syrien ne serait pas pertinent.

84      Il conteste l’affirmation selon laquelle il est « l’une des personnes les plus influentes de Russie », fondée sur le classement douteux de l’édition russe du magazine Forbes, et conteste que son influence supposée puisse se déduire de ses seules fonctions.

85      Enfin, le requérant conteste être actif dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement russe et soutient que la motivation du Conseil ne repose que sur le fait que le logo d’Alfa Bank figure sur un document publicitaire anonyme. Il expose, en réplique, que le système d’imposition russe est divisé en trois niveaux, local, régional et fédéral, et que l’impôt sur les sociétés ne représente que 6 % du budget fédéral. Selon lui, les entreprises publiques et celles opérant dans les secteurs énergétiques et miniers fournissent au gouvernement russe d’importantes sources de revenus, mais tel n’est pas le cas d’Alfa Bank, banque qui alimente les budgets régionaux.

86      Le Conseil conteste cette argumentation.

87      Il y a lieu de rappeler que le nom du requérant a été inscrit sur les listes litigieuses sur le fondement du critère g), au motif qu’il « est l’un des principaux actionnaires du conglomérat Alfa Group, qui comprend Alfa Bank, l’un des plus grands contribuables de la Russie », et qu’il « est considéré comme l’une des personnes les plus influentes de Russie ».

88      Il convient de constater que le critère g) implique la notion de « femme ou homme d’affaires influents » en corrélation avec l’exercice d’une « activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement russe », sans autre condition concernant un lien, direct ou indirect, avec ledit gouvernement. La finalité poursuivie par ce critère est en effet d’exercer une pression maximale sur les autorités russes, afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et politiques déstabilisant l’Ukraine ainsi qu’à l’agression militaire de ce pays (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 163 et jurisprudence citée).

89      À cet égard, comme indiqué précédemment (voir point 54 ci-dessus), il existe un lien logique entre, d’une part, le fait de cibler les hommes et les femmes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques fournissant des revenus substantiels au gouvernement russe et, d’autre part, l’objectif des mesures restrictives en l’espèce, qui est de faire pression sur le gouvernement russe et d’accroître le coût des actions de la Fédération de Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2018, Rosneft e.a./Conseil, T‑715/14, non publié, EU:T:2018:544, point 157).

90      Toutefois, rien dans les considérants ou les dispositions de la décision 2014/145 et du règlement no 269/2014 tels que modifiés ne permet de conclure qu’il incomberait au Conseil de démontrer l’existence d’un lien étroit ou d’une interdépendance entre, d’une part, la personne dont le nom est inscrit sur les listes litigieuses et, d’autre part, le gouvernement russe ou ses actions compromettant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.

91      Partant, eu égard au libellé du critère et à l’objectif des mesures restrictives en cause, il y a lieu de considérer que les personnes visées doivent être considérées comme influentes du fait de leur importance dans le secteur dans lequel elles exercent leur activité et de l’importance que revêt ce secteur pour l’économie russe (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2018, Rosneft e.a./Conseil, T‑715/14, non publié, EU:T:2018:544, point 157 et jurisprudence citée). À cet égard, la notion d’« homme d’affaires influent » doit donc être comprise comme visant leur importance au regard, notamment, de leurs statuts professionnels, de l’importance de leurs activités économiques, de l’ampleur de leurs possessions capitalistiques ou de leurs fonctions au sein d’une ou de plusieurs entreprises dans lesquelles ils exercent ces activités.

92      L’argument du requérant tiré de ce que certaines versions linguistiques des actes initiaux utiliseraient le terme « influent » et non le terme « important » doit être écarté. En effet, en cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d’un texte de l’Union, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir, en ce sens, arrêts du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C‑220/14 P, EU:C:2015:147, point 69, et du 13 septembre 2018, Vnesheconombank/Conseil, T‑737/14, non publié, EU:T:2018:543, point 82), ce qui conduit en l’espèce à l’interprétation effectuée ci-dessus.

93      En outre, l’argument du requérant selon lequel la notion d’influence ne saurait être liée aux seules fonctions des personnes en cause doit être écarté. En effet, cet argument se fonde sur deux arrêts, qui concernent, d’une part, un journaliste (arrêt du 23 septembre 2014, Mikhalchanka/Conseil, T‑196/11 et T‑542/12, non publié, EU:T:2014:801) et, d’autre part, un membre d’un comité électoral (arrêt du 14 juillet 2021, Moreno Reyes/Conseil, T‑552/18, non publié, EU:T:2021:455). Dès lors, ces arrêts, relatifs à des critères de désignation non comparables, ne sont pas pertinents en l’espèce. Au demeurant, si les fonctions du requérant peuvent constituer un élément permettant d’étayer la qualité d’homme d’affaires influent au sens du critère g), elles ne sont toutefois pas le seul élément pouvant être pris en compte par le Conseil.

94      Il convient donc, à l’aune de cette interprétation du critère g), d’examiner le bien-fondé des motifs des actes initiaux.

95      En premier lieu, concernant la qualité d’homme d’affaires influent appliquée au requérant, il y a lieu de rappeler que le requérant indique avoir fondé Alfa Bank en décembre 1990. Ainsi que cela résulte notamment de l’élément de preuve no 9, il est également le co-fondateur d’Alfa Group, qui est un grand groupe industriel et financier privé de Russie et qui, comme admis lors de l’audience, a des intérêts dans différents secteurs, notamment dans le secteur bancaire. Comme indiqué à l’audience par le requérant, Alfa Group détient ainsi, par le biais de sa structure bancaire ABH Holdings, quasiment 100 % d’Alfa Bank.

96      Il ressort également de l’élément de preuve no 5 que le magazine Forbes a compilé un classement des Russes les plus influents incluant des politiciens, des parlementaires, des gouverneurs ainsi que des directeurs des plus grandes entreprises de Russie et que le requérant est cité dans la liste des cent personnes russes les plus influentes. Comme l’indique le Conseil, si l’on peut avoir des opinions divergentes sur les paramètres utilisés pour réaliser le classement en question, ce dernier n’en est pas moins indicatif des personnes occupant une position importante dans les domaines économique, politique ou administratif en Russie.

97      De plus, le constat selon lequel Alfa Bank est l’un des plus grands contribuables de la Russie repose sur des éléments de preuve concordants produits par le Conseil. En particulier, l’élément de preuve no 2 contient la liste des 24 plus gros contribuables russes de 2020, parmi lesquels Alfa Bank. En outre, l’élément de preuve no 9 mentionne Alfa Bank comme une des plus grandes banques privées de Russie.

98      Enfin, il ressort des éléments du dossier et des précisions apportées par le requérant lors de l’audience que ce dernier détenait, à tout le moins jusqu’à l’adoption des actes attaqués, 21 % du capital d’Alfa Bank.

99      Il s’ensuit que, quand bien même le requérant n’aurait pas perçu de dividendes depuis les cinq dernières années, le Conseil n’a pas commis d’erreur d’appréciation en le qualifiant de « grand actionnaire du conglomérat d’Alfa Group, qui comprend Alfa Bank », au regard du fait qu’il détenait une participation, même minoritaire à hauteur de 21 %, dans une société telle qu’Alfa Bank.

100    Certes, le requérant soutient qu’il a cédé ses parts dans Alfa Bank avant l’adoption des actes initiaux. Il produit à cet égard une dépêche du 15 mars 2022 d’Interfax, dont il résulte qu’Alfa Bank a annoncé un changement dans la structure de son actionnariat et que le requérant n’était plus « co-propriétaire ». Selon cette dépêche, « Alfa Bank, l’une des plus grandes banques privées de Russie, compt[ait] désormais cinq actionnaires minoritaires, dont aucun ne dét[enai]t une participation majoritaire ».

101    Toutefois, un tel document ne saurait suffire à démontrer la cession, à une date non précisée dans la dépêche en cause, des parts du requérant. En effet, la valeur probante d’un tel document doit être relativisée en application de la jurisprudence précitée (voir point 70 ci-dessus). D’une part, à supposer que l’on prenne en compte ce document, il impliquerait que le requérant était co-propriétaire d’Alfa Bank, à tout le moins jusqu’à la veille de l’adoption des actes initiaux. Ce prétendu changement de situation, intervenu la veille de l’adoption des actes initiaux, à le supposer avéré, ne saurait permettre d’écarter, en l’espèce, la qualité d’homme d’affaires influent du requérant et de constater une erreur d’appréciation du Conseil à cet égard.

102    De plus, au vu du critère g), la notion de « femme et homme d’affaires influents » se réfère à des éléments factuels qui s’inscrivent à la fois dans le passé et dans la durée. Dès lors, le fait que les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses se réfèrent à une situation factuelle qui existait avant l’adoption des actes initiaux et qui aurait très récemment été modifiée n’implique pas nécessairement l’obsolescence des mesures restrictives adoptées à son égard par lesdits actes (voir, par analogie, arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 83).

103    D’autre part, ainsi qu’il ressort du point 70 ci-dessus, pour apprécier la valeur probante d’un document, il convient de tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable.

104    Or, en l’espèce, la dépêche du 15 mars 2022 d’Interfax selon laquelle Alfa Bank a annoncé un changement dans la structure de son actionnariat et indiquant que le requérant n’était plus « co-propriétaire », produite sans autre document officiel à l’appui et sans précision notamment quant à la date exacte de ce changement ou quant à l’identité du cessionnaire des parts du requérant, ne saurait suffire à démontrer la cession des parts du requérant.

105    Partant, au vu de l’ensemble de ces éléments, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que, à la date d’adoption des actes initiaux, le Conseil a considéré que le requérant remplissait les conditions de l’homme d’affaires influent au sens du critère g).

106    En second lieu, concernant le secteur économique en cause, il y a lieu de relever qu’Alfa Bank est une banque privée qui apparaît comme l’une des plus grandes banques commerciales et d’affaires privées russes. À cet égard, il importe de souligner qu’il ressort du critère g) que c’est le secteur économique, et non la personne physique ou morale dont le nom est inscrit sur les listes litigieuses, qui doit constituer une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie. Le secteur économique en cause est, en l’espèce, le secteur bancaire et c’est à juste titre que le Conseil a considéré qu’il était une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie.

107    En outre, les arguments du requérant selon lesquels, dans le système d’imposition russe, l’impôt sur les sociétés ne représenterait que 6 % du budget fédéral et que Alfa Bank alimenterait les budgets régionaux doivent être écartés.

108    En effet, à supposer établie l’allégation selon laquelle la contribution d’Alfa Bank serait minime par rapport aux recettes fiscales totales du budget de l’État russe, il n’en demeure pas moins que, bien que moins importantes que d’autres recettes fiscales, telles que celles tirées du secteur de l’énergie, les recettes du secteur bancaire peuvent s’avérer substantielles au sens du critère g). D’ailleurs, force est de constater que l’application dudit critère n’implique pas nécessairement que le Conseil prenne en compte la totalité des recettes fiscales du budget de l’État russe, mais qu’il vérifie si le secteur économique dans lequel le requérant a ses activités constitue une source de revenus substantielle pour le gouvernement de la Fédération de Russie.

109    En outre, l’argument selon lequel l’impôt sur les sociétés, payé par Alfa Bank, alimente essentiellement les budgets régionaux, doit également être écarté. En effet, à supposer même que l’impôt sur les sociétés alimente essentiellement les budgets régionaux et seulement dans une moindre mesure le budget fédéral, il y a lieu de relever que le critère g) applicable en l’espèce évoque la notion de source substantielle de revenus « pour le gouvernement de la Fédération de Russie » dans sa globalité, sans distinguer selon que ces revenus émanent du budget fédéral ou des budgets régionaux.

110    De plus, contrairement à ce que prétend le requérant, il n’y a pas lieu de se limiter aux impôts directs, tels que l’impôt sur les sociétés, pour vérifier si les conditions du critère g) sont réunies. Quand bien même des impôts indirects, tels que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), seraient collectés auprès des consommateurs et payés par ceux-ci, il n’en demeure pas moins qu’ils peuvent être une source substantielle de revenus dont il convient de tenir compte au titre des revenus que le gouvernement de la Fédération de Russie tire des activités du secteur concerné. À cet égard, rien dans le libellé du critère g) ne permet d’exclure la prise en compte d’impôts indirects liés audit secteur, tels que la TVA.

111    Il résulte de tout ce qui précède que le Conseil a établi, par des indices suffisamment concrets, précis et concordants, qu’Alfa Group, qui comprend Alfa Bank, intervient dans un secteur économique, en l’occurrence le secteur bancaire, fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement russe.

112    Enfin, au vu du critère g) applicable en l’espèce, les autres arguments du requérant, fondés notamment sur l’importance de ses liens avec l’Ukraine, sur ses œuvres caritatives en Ukraine, sur l’importance de ses activités économiques en Europe, sur les éléments de sa distanciation avec la guerre en Ukraine ou sur sa situation personnelle, doivent être écartés comme inopérants. En effet, de tels éléments ne sont pas pertinents pour apprécier si les conditions du critère g), tel que précisé aux points 87 à 94 ci-dessus, sont remplies ou non.

113    Au vu de l’ensemble de ces considérations, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a considéré, dans les actes initiaux, que le requérant remplissait les conditions d’application du critère g).

–       Concernant les actes de maintien

114    Le requérant soulève, dans le mémoire en adaptation, les mêmes moyens que dans la requête, notamment en ce qui concerne l’erreur d’appréciation prétendument commise. Au titre des éléments nouveaux, il mentionne l’absence d’impact des sanctions prévues dans les actes attaqués sur la Fédération de Russie et les décideurs russes et l’impact négatif des sanctions sur sa vie privée et professionnelle, sur l’économie européenne et sur l’Ukraine.

115    Le Conseil conteste cette argumentation.

116    Il importe de rappeler que les mesures restrictives ont une nature conservatoire et, par définition, provisoire, dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé. C’est ainsi qu’il incombe au Conseil, lors du réexamen périodique de ces mesures restrictives, de procéder à une appréciation actualisée de la situation et d’établir un bilan de l’impact de telles mesures, en vue de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des noms des personnes et des entités concernées sur la liste litigieuse ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion concernant lesdites personnes et entités (voir arrêt du 27 avril 2022, Ilunga Luyoyo/Conseil, T‑108/21, EU:T:2022:253, point 55 et jurisprudence citée ; arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 67).

117    Pour justifier le maintien du nom d’une personne sur la liste en cause, il n’est pas interdit au Conseil de se fonder sur les mêmes éléments de preuve ayant justifié l’inscription initiale, la réinscription ou le maintien précédent du nom de la personne concernée sur cette liste, pour autant que, d’une part, les motifs d’inscription demeurent inchangés et, d’autre part, le contexte n’a pas évolué d’une manière telle que ces éléments de preuve seraient devenus obsolètes (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 99). Ledit contexte inclut non seulement la situation du pays à l’égard duquel le système de mesures restrictives a été établi, mais également la situation particulière de la personne concernée [arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 78 ; voir, également, arrêt du 9 juin 2021, Borborudi/Conseil, T‑580/19, EU:T:2021:330, point 60 (non publié) et jurisprudence citée]. De même, le maintien sur la liste litigieuse reste justifié au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes et, notamment, au regard du fait que les objectifs visés par les mesures restrictives n’auraient pas été atteints (voir, en ce sens, arrêts du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, points 83 et 84 ; du 27 avril 2022, Boshab/Conseil, T‑103/21, non publié, EU:T:2022:248, point 121, et du 27 avril 2022, Ilunga Luyoyo/Conseil, T‑108/21, EU:T:2022:253, point 56).

118    En l’espèce, il résulte de l’article 6 de la décision 2014/145 telle que modifiée que cette décision fait l’objet d’un suivi constant et est prorogée, ou modifiée le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints. L’article 14, paragraphe 4, du règlement 269/2014 tel que modifié prévoit quant à lui la révision à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois de la liste contenue en annexe à ce dernier.

119    Dans le cadre des actes de maintien, il y a lieu de constater que les motifs d’inscription sont demeurés inchangés par rapport aux actes initiaux.

120    Il convient donc, en application de la jurisprudence précitée (voir point 117 ci-dessus), de vérifier si le contexte, les objectifs et la situation individuelle du requérant permettaient de maintenir l’inscription de son nom sur le fondement de motifs inchangés.

121    Il y a lieu de souligner que le contexte général de la situation de l’Ukraine en ce qui concerne les menaces à son intégrité territoriale, à sa souveraineté et à son indépendance est resté inchangé depuis l’adoption des actes initiaux.

122    De même, les mesures restrictives sont toujours justifiées au regard de l’objectif poursuivi, à savoir d’exercer une pression maximale sur les autorités russes, afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et politiques déstabilisant l’Ukraine ainsi qu’à l’agression militaire de ce pays, et d’accroître le coût des actions de la Fédération de Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.

123    S’agissant de la situation individuelle du requérant, il convient de relever que, dans sa demande de réexamen adressée le 1er juin 2022 au Conseil, le requérant a souligné la faiblesse de la base documentaire du Conseil, a fait valoir qu’il n’était pas un oligarque, mais un homme d’affaires européen vivant avec sa famille au Royaume-Uni, a rappelé les éléments le rattachant à l’Ukraine et a souligné l’absence d’impact des sanctions sur la Russie et leur impact négatif sur sa vie privée et professionnelle ainsi que sur l’économie européenne et l’Ukraine.

124    Dès lors, les éléments avancés par le requérant dans ses documents adressés au Conseil en vue du réexamen des mesures restrictives en cause ont pu, à juste titre, être considérés par le Conseil comme n’étant ni nouveaux ni décisifs par rapport aux échanges ayant eu lieu dans le cadre de la présente affaire concernant les actes initiaux.

125    Il s’ensuit que, au vu de ces éléments, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a constaté l’absence de changement dans la situation individuelle du requérant et s’est fondé sur les mêmes éléments pour maintenir l’inscription de son nom sur les listes litigieuses.

126    Les autres arguments du requérant doivent être écartés.

127    Premièrement, les arguments concernant l’absence de bilan ou d’évaluation des mesures restrictives en cause et l’inefficacité desdites mesures ne sauraient prospérer. En effet, ils ne sont pas de nature à démontrer une erreur d’appréciation dans l’évaluation de la situation individuelle du requérant en l’espèce au regard du critère applicable.

128    Deuxièmement, les arguments du requérant concernant l’impact négatif des sanctions sur sa situation personnelle ainsi que sur l’économie européenne et sur l’Ukraine doivent être écartés comme dénués de pertinence au regard du critère appliqué.

129    Troisièmement, s’agissant de l’argument du requérant tiré de la cession de ses parts dans Alfa Bank, il y a lieu de considérer que ladite cession n’a pas été démontrée par des éléments suffisamment convaincants dans le cadre de la procédure devant le Tribunal. En effet, comme rappelé précédemment (point 70 ci-dessus), pour apprécier la valeur probante d’un document, il convient de tenir compte, notamment, de l’origine de celui-ci, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable.

130    Or, en l’espèce, la dépêche du 15 mars 2022 d’Interfax selon laquelle Alfa Bank a annoncé un changement dans la structure de son actionnariat et indiquant que le requérant n’était plus « co-propriétaire », produite sans autre document officiel à l’appui et sans précision notamment quant à la date exacte de ce changement ou quant à l’identité du cessionnaire des parts du requérant, ne saurait suffire à démontrer la cession des parts du requérant.

131    Dès lors, dans les circonstances de l’espèce, il convient de considérer que, en l’absence de preuve de la cession des parts, alléguée par le requérant, à une tierce personne qui ne lui serait pas liée, c’est à juste titre que le Conseil a estimé que la situation individuelle du requérant n’avait pas évolué d’une manière telle que les éléments du dossier de preuves existant dans le cadre de l’inscription initiale de son nom sur les listes litigieuses seraient devenus obsolètes.

132    Dès lors, compte tenu de la gravité de la situation en Ukraine qui demeure, du fait que les objectifs visés par les mesures restrictives n’ont pas été atteints et de l’absence d’éléments probants attestant que la situation individuelle du requérant avait changé, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a maintenu les mesures restrictives en cause.

133    Au vu de tout ce qui précède, il convient de considérer que le motif d’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses, fondé sur le statut d’homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, correspondant au critère g), est suffisamment étayé, de sorte que, au regard de celui-ci, l’inscription et le maintien de son nom sur les listes litigieuses, résultant des actes initiaux et des actes de maintien, sont fondés.

134    Or, selon la jurisprudence, s’agissant du contrôle de la légalité d’une décision adoptant des mesures restrictives, et eu égard à leur nature préventive, si le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi un fondement suffisant pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 72 et jurisprudence citée).

135    Dès lors, il y a lieu, sans qu’il soit besoin d’examiner le bien-fondé des autres griefs soulevés par le requérant et visant à remettre en cause l’appréciation du Conseil au regard du critère d), de rejeter le premier moyen, en ce qui concerne tant les actes initiaux que les actes de maintien, comme non fondé.

 Sur le second moyen, soulevé dans le cadre de l’adaptation des conclusions et tiré d’une violation des formes substantielles

136    Le requérant soutient que le Conseil a renouvelé son inscription sur la liste des personnes sanctionnées en violation, d’une part, de l’obligation de réexamen périodique et, d’autre part, de l’obligation de motivation. Selon lui, la motivation de la décision de maintenir son inscription est fondée sur un exposé des motifs vague et stéréotypé. Il fait également valoir que le réexamen périodique supposait une appréciation actualisée de sa situation, qui n’a pas eu lieu. Il souligne à cet égard que sa demande de réexamen contenait des éléments supplémentaires liés à l’absence d’impact des sanctions sur la Fédération de Russie et à l’impact négatif sur sa situation, sur celle de l’économie européenne et sur celle de l’Ukraine, qui n’ont pas été pris en compte. Selon lui, en renvoyant à ses écritures en défense devant le Tribunal, le Conseil admet ne pas avoir effectué une appréciation actualisée de sa situation. Le Conseil ne répondrait donc pas aux critiques concernant les erreurs affectant sa motivation et son refus de prendre en compte les témoignages produits confinerait à la mauvaise foi.

137    Le Conseil conteste cette argumentation.

138    Selon la jurisprudence, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 49).

139    Toutefois, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de cet acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par ledit acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est notamment pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, ni qu’elle réponde de manière détaillée aux considérations formulées par l’intéressé lors de sa consultation avant l’adoption du même acte, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 53 ; voir, également, arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 48 et jurisprudence citée).

140    Ainsi, d’une part, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard. D’autre part, le degré de précision de la motivation d’un acte doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles celui-ci doit intervenir (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 104 et jurisprudence citée).

141    En outre, la jurisprudence a précisé que la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure restrictive ne devait pas seulement identifier la base juridique de cette mesure, mais également les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considérait, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé devait faire l’objet d’une telle mesure (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 105 et jurisprudence citée).

142    Premièrement, le requérant invoque une violation de l’obligation de motivation en soulignant que l’exposé des motifs des actes de maintien est vague et stéréotypé.

143    En l’espèce, la décision 2022/1530 se réfère à la décision 2014/145, qu’elle modifie, et indique, dans son considérant 3, que, compte tenu de la poursuite des actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, il convient de proroger la décision 2014/145 pour six mois. Le considérant 4 de la décision 2022/1530 indique que, sur le fondement d’un réexamen effectué par le Conseil en ce qui concerne les différentes désignations figurant dans l’annexe de la décision 2014/145, il convient de mettre à jour les informations concernant certaines personnes et entités et de supprimer les doublons. Quant au règlement d’exécution 2022/1529, il se réfère de même au règlement 269/2014, qu’il modifie, et, sur le fondement d’un réexamen effectué par le Conseil, modifie également, en conséquence, les informations figurant dans l’annexe I du règlement 269/2014.

144    Il s’ensuit que les actes de maintien ne sauraient être lus isolément. Ils s’inscrivent au contraire dans le contexte, connu du requérant, des actes initiaux ainsi modifiés et indiquent clairement les fondements juridiques sur le fondement desquels ils ont été adoptés.

145    En outre, l’énoncé des circonstances factuelles, tel que mentionné au point 11 ci-dessus, est rappelé dans les annexes des actes de maintien et constitue une motivation suffisamment claire et précise pour permettre au requérant de comprendre les motifs individuels, inchangés par rapport aux motifs des actes initiaux, pour lesquels son nom a été maintenu sur les listes litigieuses.

146    Le grief tiré de ce que l’exposé des motifs des actes de maintien serait vague et stéréotypé et de ce que la motivation serait insuffisamment précise doit être écarté. En effet, ces actes, intervenus dans un contexte connu du requérant, lui permettent de comprendre la portée de la mesure prise à son égard et apparaissent donc comme suffisamment motivés au sens de la jurisprudence applicable.

147    Deuxièmement, le requérant invoque une violation de l’obligation de réexamen périodique. Selon lui, le Conseil, en renvoyant à ses écritures en défense devant le Tribunal, n’aurait effectué ni l’appréciation actualisée de sa situation ni le bilan d’impact qu’il était tenu de faire.

148    Il y a lieu de constater que le Conseil, après réception de la demande de réexamen du requérant, lui a adressé une lettre le 15 septembre 2022, dans laquelle il a indiqué avoir examiné ses observations et a conclu qu’elles ne remettaient pas en cause son appréciation selon laquelle il existait des motifs suffisants pour maintenir son nom sur les listes litigieuses.

149    Après avoir rappelé les critères applicables, premièrement, le Conseil a répondu aux arguments du requérant tirés d’une prétendue erreur manifeste d’appréciation. Il a expliqué que le requérant satisfaisait au critère g), « dans la mesure où il [était] un actionnaire important d’Alfa Bank, une entreprise du secteur bancaire qui figur[ait] parmi les vingt-quatre plus grands contribuables de la Russie » et que « [l]e secteur bancaire – et le secteur des services financiers et des assurances en général – [était] un secteur économique qui fourni[ssai]t une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie ». Il a également précisé que c’est à travers les bénéfices d’Alfa Bank, dont il était l’un des principaux propriétaires, comme démontré par le dossier de preuves, que le requérant tirait avantage des décideurs russes, responsables de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’Ukraine. Deuxièmement, le Conseil a renvoyé au mémoire en défense déposé dans la présente affaire, compte tenu de la similarité des arguments présentés dans la demande de réexamen et dans la requête en annulation.

150    Ce faisant, le Conseil a analysé la demande de réexamen soumise par le requérant et a considéré que sa situation n’avait pas changé depuis l’adoption des actes initiaux le 15 mars 2022. En raison de la similitude des arguments, le Conseil a estimé que ses précédentes observations dans le cadre de la présente affaire étaient applicables. Or, contrairement à ce que le requérant soutient, cela ne signifie pas qu’il n’a pas effectué une appréciation actualisée. Il en résulte au contraire que le Conseil a considéré que les motifs du maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses étaient les mêmes que ceux ayant justifié l’inscription initiale de son nom sur lesdites listes.

151    Le fait que le Conseil n’ait pas modifié son appréciation en dépit des critiques avancées par le requérant, notamment concernant les erreurs d’appréciation soulevées en réplique, ou en dépit de témoignages produits, relève de l’appréciation du bien-fondé desdites appréciations et ne démontre pas l’absence d’examen actualisé par le Conseil.

152    À cet égard, en effet, on ne saurait reprocher au Conseil de maintenir ses appréciations s’il les estime toujours fondées, alors qu’un recours est pendant concernant ces appréciations et que leur bien-fondé n’a pas encore été tranché. En outre, le fait qu’il n’ait pas répondu point par point aux observations et documents transmis par le requérant ne démontre pas qu’il ne les a pas pris en compte dans le cadre du réexamen de la situation du requérant (voir la jurisprudence citée au point 139 ci-dessus).

153    De même, l’argument du requérant selon lequel aucun bilan de l’impact des mesures n’aurait été effectué doit être écarté. En effet, à supposer qu’il s’agisse d’un élément pertinent au regard des critères applicables, ne peut être exclu le fait que, comme le souligne le Conseil, l’absence d’impact des mesures restrictives en cause justifie au contraire le maintien desdites mesures dans le contexte actuel. Il ressort d’ailleurs du considérant 3 de la décision 2022/1530, qui maintient le nom du requérant sur les listes litigieuses, que, compte tenu de la poursuite des actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, il convient de proroger les mesures restrictives en cause, ce qui implicitement signifie que l’impact desdites mesures n’est pas suffisant et que l’objectif n’a pas été atteint.

154    Enfin, il ne ressort pas du mémoire en adaptation du requérant qu’il a soulevé des éléments nouveaux, par rapport à la requête et à la réplique, qui auraient justifié un réexamen plus détaillé de sa situation de la part du Conseil.

155    Il résulte de tout ce qui précède que le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation, d’une part, et celui tiré de la violation de l’obligation de réexamen périodique de la situation du requérant, d’autre part, doivent être rejetés.

156    Il convient, dès lors, de rejeter le second moyen et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

157    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. German Khan est condamné aux dépens.

Spielmann

Brkan

Tóth

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 novembre 2023.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

S. Papasavvas


*      Langue de procédure : le français.