Language of document : ECLI:EU:T:1999:84

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

27 avril 1999 (1)

«Fonctionnaires — Refus de promotion — Examen comparatif des mérites

— Autres critères à prendre en considération — Motivation»

Dans l'affaire T-283/97,

Germain Thinus, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, représenté par Mes Jean-Noël Louis, Thierry Demaseure, Françoise Parmentier et, initialement, Ariane Tornel, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 30, rue de Cessange,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes Christine Berardis-Kayser et Florence Duvieusart-Clotuche, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de ne pas promouvoir le requérant au grade B 3 au titre de l'exercice de promotion 1997,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme P. Lindh, juges,

greffier: M. A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 26 janvier 1999,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    Le requérant est entré au service de la Commission le 1er juillet 1990, en qualité de fonctionnaire stagiaire avec classement au grade B 5, échelon 3 . Il a été affecté à l'unité 1 «santé publique» de la direction E «santé et sécurité» de la direction générale Emploi, relations industrielles et affaires sociales (DG V), sous l'autorité hiérarchique de M. Berlin, chef de l'unité.

2.
    Le 1er avril 1991, le requérant a été titularisé dans son emploi.

3.
    Au mois de mars 1992, M. Gouvras a été nommé chef de l'unité précitée, devenant ainsi le supérieur hiérarchique du requérant.

4.
    Par décision du 6 septembre 1994, prenant effet le 1er janvier 1994, le requérant a été promu au grade B 4, échelon 2 . Il a ensuite bénéficié d'un échelon supplémentaire le 1er septembre 1995.

5.
    Au mois d'octobre 1994, le requérant a été muté à la direction F «santé publique et sécurité au travail» de la DG V (ci-après «direction V.F»), sous l'autorité du directeur M. Hunter.

6.
    Pour l'exercice de promotion 1996, le requérant a été proposé, par sa direction (V.F), en troisième position pour une promotion au grade B 3, mais il n'a pas été proposé par sa direction générale.

7.
    Par décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN») du 3 octobre 1996, adoptée dans le cadre de la réorganisation de la DG V, le requérant a été affecté, avec effet au 1er septembre 1996, à l'unité 2 «budget,

coordination financière et comptabilité» de la direction G «gestion des ressources» de la DG V (ci-après «direction V.G») , sous l'autorité de M. Prado.

8.
    Pour l'exercice de promotion 1997, M. Hunter, directeur de la direction V.F (ancienne affectation du requérant) a conseillé à M. Zangl, directeur de la direction V.G (nouvelle affectation du requérant), par lettre du 16 octobre 1996 , d'insérer le nom du requérant sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants. Par une note non datée, M. Hunter a fait savoir à M. Zangl que le requérant et un autre fonctionnaire avaient été retirés de la liste de promotion de la direction V.F afin qu'ils puissent être pris en compte au sein de la direction V.G .

9.
    Le requérant n'a toutefois pas été proposé par sa direction ni par la direction générale pour l'exercice de promotion 1997.

10.
    Par lettre du 18 décembre 1996, le requérant a demandé au président du comité de promotion B de faire examiner sa situation.

11.
    Par lettre du 3 janvier 1997, le président du comité de promotion B a fait savoir au requérant que son cas ferait l'objet d'un examen particulier lors de la réunion du comité.

12.
    Par décision du 17 janvier 1997, prenant effet au 1er janvier 1997, le requérant a été réaffecté, à sa demande, à la direction V.F , sous l'autorité de M. Gouvras .

13.
    Par lettre du 10 mars 1997, le président du comité de promotion B a informé le requérant que son nom ne serait pas repris sur le projet de liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour l'exercice 1997.

14.
    La liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour l'exercice de promotion 1997 arrétée par l'AIPN a été publiée aux Informations administratives n° 984 du 14 mars 1997 . Sur les quatre fonctionnaires de la DG V proposés pour une promotion au grade B 3 , trois ont été repris sur cette liste. Le nom du requérant n'y figurait pas .

15.
    La liste des fonctionnaires promus par l'AIPN en 1997 a été publiée aux Informations administratives n° 989 du 4 avril 1997. Les trois fonctionnaires de la DG V qui étaient sur la liste des plus méritants ont été promus. Ces derniers avaient déjà été proposés par la DG V pour une promotion en 1996.

16.
    Le 20 juin 1997, le requérant a introduit auprès de l'AIPN une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»), contre la décision de ne pas le promouvoir au grade B 3 pour l'exercice de promotion 1997.

17.
    Lors de sa réunion du 28 août 1997, le groupe interservices a examiné la réclamation du requérant, en présence de son conseil.

18.
    Par lettre du 1er septembre 1997, le conseil du requérant a demandé à Mme Haukka, administrateur à la direction générale Personnel et administration (DG IX), communication des motifs justifiant la décision de préférer des fonctionnaires ayant obtenu des rapports de notation contenant au maximum sept «excellent» alors que celui du requérant en contenait dix. Dans cette lettre, le conseil du requérant affirmait que le seul élément avancé lors de la réunion du groupe interservices était une ancienneté supérieure dans le grade.

19.
    L'AIPN ne s'étant pas prononcée sur la réclamation introduite le 20 juin 1997, celle-ci a fait l'objet, le 20 octobre 1997, d'une décision implicite de rejet.

Procédure et conclusions des parties

20.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 octobre 1997, le requérant a introduit le présent recours.

21.
    Par décision du 20 novembre 1997, la Commission a rejeté explicitement la réclamation du requérant. Cette décision, qui lui a été transmise le 27 novembre 1997, exposait les motifs de sa non-promotion. Ainsi, se basant sur les rapports de notation, mais aussi sur d'autres aspects des mérites des fonctionnaires susceptibles d'être promus, la Commission avait considéré que les mérites du requérant étaient comparables à ceux des fonctionnaires préférés. Elle avait décidé de promouvoir ces derniers en raison du fait qu'ils figuraient déjà l'année précédente sur la liste des plus méritants et en raison de leur âge et de leur ancienneté supérieure dans le grade.

22.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.

23.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leur réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 26 janvier 1999.

24.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision de la Commission de ne pas le promouvoir au grade B 3 au titre de l'exercice de promotion 1997,

—    condamner la Commission aux dépens.

25.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours comme non fondé,

—    statuer sur les dépens comme de droit.

Sur le fond

26.
    Le requérant invoque deux moyens à l'appui de son recours. Le premier moyen est tiré de la violation de l'article 45 du statut, d'une erreur manifeste d'appréciation, de la violation de la procédure de promotion et de la violation du principe d'égalité de traitement. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l'obligation de motivation.

Sur le premier moyen tiré de la violation de l'article 45 du statut, d'une erreur manifeste d'appréciation, de la violation de la procédure de promotion et de la violation du principe d'égalité de traitement

Arguments des parties

27.
    La Commission, selon le requérant, aurait commis une violation de l'article 45 du statut, de la procédure de promotion et du principe d'égalité de traitement ainsi qu'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle a préféré d'autres fonctionnaires lors de l'exercice de promotion 1997 alors qu'il était substantiellement plus méritant que ces derniers.

    

28.
    Le requérant soutient qu'il aurait dû être proposé par la direction V.G et sa direction générale, figurer sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants et être promu au grade B 3 pour l'exercice 1997.

29.
    A cet égard, le requérant fait valoir, en premier lieu, que la Commission a violé l'article 45 du statut en retenant l'ancienneté comme critère déterminant lors de l'adoption de sa décision de promotion. En effet, selon l'arrêt du Tribunal du 29 février 1996, Lopes/Cour de justice (T-280/94, RecFP p. II-239, point 138), ce ne serait qu'à mérites égaux que l'AIPN peut prendre en considération, à titre subsidiaire, l'ancienneté.

30.
    Or, contrairement à ce que soutient la Commission, il existerait des différences substantielles entre ses mérites et ceux des trois fonctionnaires promus. Les rapports de notation ne pourraient pas être considérés comme comparables et la Commission aurait retenu comme critère déterminant la seule ancienneté.

31.
    A l'appui de son affirmation, le requérant fait valoir, tout d'abord, que son dernier rapport de notation, relatif à la période 1993/1995, lui accordait dix appréciations «excellent» et quatre appréciations «très bon». Par contre, les rapports de notation des trois fonctionnaires promus ne contiendraient, respectivement, que sept«excellent», six «très bon» et un «bon», six «excellent» et huit «très bon», et sept «excellent» et six «très bon». D'ailleurs, son supérieur hiérarchique pendant la

dernière période de notation serait intervenu avec insistance pour appuyer sa promotion pour l'exercice 1997.

32.
    Le requérant fait valoir ensuite que l'évolution de sa carrière montre une nette progression de ses mérites.

33.
    Son rapport de notation pour la période 1991/1993 précisait dans les appréciations analytiques qu'il possédait des «connaissances parfaitement adéquates non seulement à ses fonctions propres mais aussi en rapport avec d'autres tâches qui lui sont confiées du fait du manque de personnel de grade 'A‘».

34.
    Son rapport de notation pour la période 1993/1995 lui attribuait cinq «excellent» supplémentaires par rapport à la notation précédente. Ce rapport faisait à nouveau état de «connaissances parfaitement adéquates non seulement à ses fonctions propres mais aussi en rapport avec d'autres tâches qui lui sont confiées». Le notateur aurait également regretté «le retard considérable apporté à la carrière de M. Thinus, notamment pour sa promotion en B 4, empêchant ainsi sa hiérarchie de lui exprimer la reconnaissance de ses compétences». En conséquence, il a été un des fonctionnaires proposés par sa direction pour une promotion au grade B 3 pour l'exercice 1996.

35.
    En second lieu, le requérant relève qu'il a travaillé sous les ordres de cinq supérieurs hiérarchiques différents depuis son recrutement, ce qui aurait influencé négativement sa carrière. En particulier, son changement d'affectation au sein de la DG V l'aurait privé d'une chance d'être promu.

36.
    En troisième lieu, le requérant invoque le principe de protection de la confiance légitime. Selon lui, il pouvait légitimement espérer être à tout le moins proposé pour une promotion après les diverses interventions de son supérieur hiérarchique, le directeur de la direction V.F, M. Hunter.

37.
    La Commission fait valoir, en premier lieu, pour ce qui est de l'argument du requérant selon lequel ses mérites ne seraient pas comparables à ceux des fonctionnaires qui lui ont été préférés, qu'en fait la différence entre leurs mérites était marginale et que l'AIPN a donc pris en considération l'ancienneté à titre subsidiaire.

38.
    Même si l'intéressé bénéficiait d'appréciations légèrement meilleures que celles des trois autres fonctionnaires finalement promus, le directeur général de la DG V aurait considéré, au vu notamment des commentaires figurant dans leurs rapports de notation et compte tenu du fait qu'ils avaient déjà été présentés l'année précédente par la direction générale, que leurs mérites étaient tout au plus comparables. En effet, ces trois fonctionnaires figuraient en 4e, 5e et 6e places sur la liste des fonctionnaires de la DG V proposés pour une promotion vers le grade B 3 en 1996 , mais n'avaient pu être promus. Ils avaient, par ailleurs, tous été proposés par leurs directions respectives en 1995, en 1996 et en 1997 . En outre, le

requérant disposait d'une ancienneté dans le grade de trois années seulement, alors que les fonctionnaires de la DG V finalement promus avaient une ancienneté de sept, six et cinq années.

39.
    La Commission souligne, par ailleurs, que les rapports de notation des fonctionnaires proposés ainsi que celui du requérant ont été élaborés par des notateurs distincts au sein de la DG V, ce qui confirme le caractère relatif des appréciations analytiques dans les différentes rubriques des rapports de notation.

40.
    En second lieu, quant à l'argument du requérant selon lequel ses changements d'affectation au sein de la DG V auraient influencé négativement sa carrière, la Commission relève que deux des trois fonctionnaires proposés ont, comme lui, fait l'objet d'une mutation au sein de la DG V lors de la restructuration de celle-ci en septembre 1996. Or, certaines directions, dont celle à laquelle appartenait le requérant en septembre 1996, n'ont pas manqué de proposer à la promotion pour l'exercice 1997 des fonctionnaires émanant d'autres directions.

41.
    Enfin, pour ce qui est de la prétendue violation du principe de confiance légitime, la Commission rappelle que le statut ne confère aucun droit à une promotion, même aux fonctionnaires qui réunissent toutes les conditions pour pouvoir être promus (arrêt du Tribunal du 9 février 1994, Latham/Commission, T-3/92, RecFP p. II-83, point 50) . Le requérant ne saurait, dès lors, invoquer la confiance légitime qu'il aurait placée dans les notes adressées par son ancien directeur à son nouveau directeur en l'absence d'une promesse précise émanant de l'AIPN compétente pour les promotions.

Appréciation du Tribunal

42.
    Selon une jurisprudence constante, aux fins de l'examen comparatif des mérites à prendre en considération dans le cadre d'une décision de promotion prévue à l'article 45 du statut, l'AIPN dispose d'un large pouvoir d'appréciation et, dans ce domaine, le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l'administration à son appréciation, celle-ci s'est tenue dans des limites non critiquables et n'a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le Tribunal ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications et mérites des fonctionnaires à celle de l'AIPN (voir arrêts de la Cour du 21 avril 1983, Ragusa/Commission, 282/81, Rec. p. 1245, points 9 et 13, et du 4 février 1987, Bouteiller/Commission, 324/85, Rec. p. 529, point 6, et du Tribunal du 13 juillet 1995, Rasmussen/Commission, T-557/93, Rec. p. II-603, point 19, et du 6 juin 1996, Baiwir/Commission, T-262/94, RecFP p. II-739, point 66 ).

43.
    C'est à la lumière de ces principes qu'il convient d'examiner si, en l'espèce, la comparaison des mérites a été réalisée correctement.

44.
    Pour ce qui est des appréciations analytiques contenues dans les rapports de notation, il ressort du dossier administratif que le requérant a trois «excellents» de plus que deux des fonctionnaires promus, et quatre de plus que le troisième fonctionnaire promu . En effet, son dernier rapport de notation, relatif à la période 1993/1995, lui accorde dix appréciations «excellent» et quatre appréciations «très bon». Les rapports de notation des trois fonctionnaires qui lui ont été préférés contiennent, respectivement, sept «excellent», six «très bon» et un «bon», sept «excellent» et six «très bon», et six «excellent» et huit «très bon».

45.
    Quant aux appréciations d'ordre général, le rapport de notation du requérant mentionne expressément le fait que le niveau des tâches qui lui sont confiées dépasse largement le cadre des fonctions normalement attachées à celles d'un fonctionnaire de niveau B. Pour ce qui est de ses qualités professionnelles, le notateur a signalé son sens aigu des responsabilités, un grand esprit d'initiative, une remarquable disponibilité et un réel pragmatisme. Quant à ses qualités humaines et relationnelles, le notateur souligne son esprit de collaboration, son intelligence, son ambition du travail bien fait et son respect de la hiérarchie.

46.
    Les rapports de notation des fonctionnaires promus font référence, en ce qui concerne M. X, à la contribution très significative apportée aux travaux de l'unité, à son autonomie remarquable, à ses excellentes connaissances et à sa disponibilité permanente à aider ses collègues. Pour M. Y, le rapport indique qu'il a montré un sens de l'initiative et des responsabilités élevé, que sa compréhension des tâches à accomplir est excellente et que la qualité de son travail est de haut niveau. Enfin, pour ce qui est de M. Z, son rapport indique qu'il a fait preuve d'une très bonne performance, que son travail est toujours soigné, de très bonne qualité et dans les délais impartis. Ledit rapport souligne l'efficacité avec laquelle il a fait face à un élargissement de ses responsabilités et à une charge de travail accrue ainsi que son excellente organisation .

47.
    La comparaison des qualifications et mérites des fonctionnaires promus et du requérant, tels qu'ils ressortent des rapports de notation, démontre donc qu'ils sont équivalents et on ne peut pas considérer que les différences dans les appréciations analytiques constituent des différences substantielles.

48.
    Toutefois, pour procéder à l'examen des mérites des fonctionnaires susceptibles d'être promus, l'AIPN n'est pas tenue de prendre uniquement en considération leurs rapports de notation mais peut également fonder son appréciation sur d'autres aspects desdits mérites, tels que d'autres informations concernant leur situation administrative et personnelle, de nature à relativiser l'appréciation portée uniquement au vu des rapports de notation (arrêts du Tribunal du 25 novembre 1993, X/Commission, T-89/91, T-21/92 et T-89/92, Rec. p. II-1235, points 49 et 50, et du 5 mars 1998, T-221/96, Manzo-Tafaro/Commission, RecFP p. II-307, point 18).

49.
    L'AIPN peut enfin, à titre subsidiaire, prendre en considération, comme critère de sélection pour les promotions, l'âge des fonctionnaires susceptibles d'être promus et leur ancienneté dans le grade ou dans le service et, à égalité de qualifications et de mérites de ces fonctionnaires, ces éléments peuvent même constituer un facteur décisif dans le choix de l'AIPN (voir arrêts Baiwir/Commission, précité, point 143, et Manzo-Tafaro/Commission, précité, point 17).

50.
    En l'espèce, il y a lieu de comparer la régularité avec laquelle les fonctionnaires ont été proposés, non seulement par leur directeur général, mais aussi par leurs directions respectives, critère dont le requérant a lui-même reconnu la validité lors de l'audience. Il ressort du dossier administratif que, depuis leur dernière promotion, MM. X, Y et Z avaient toujours été proposés par leurs directions respectives et par leur directeur général. Par contre, pour l'exercice de promotion 1996, le requérant n'a pas été proposé par sa direction générale.

51.
    En ce qui concerne le critère de l'ancienneté dans le grade, il y a lieu de constater que le requérant avait trois ans d'ancienneté, tandis que les fonctionnaires promus en avaient respectivement sept, six et cinq.

52.
    Quant à l'argument du requérant selon lequel le fait de ne pas avoir été proposé pour l'exercice 1997 par sa propre direction ou par sa direction générale serait la conséquence de plusieurs changements d'affectation au sein de la DG V, il n'est justifié par aucun élément.

53.
    En outre, il y a lieu de relever que deux des trois fonctionnaires promus avaient, comme le requérant, fait l'objet d'une mutation au sein de la DG V lors de la restructuration de celle-ci en septembre 1996 et que la propre direction du requérant avait proposé à la promotion pour l'exercice 1997 des fonctionnaires provenant d'autres directions.

54.
    Il y a lieu, dès lors, de conclure que le directeur général, au vu des mérites respectifs de MM. X, Y et Z et du requérant, compte tenu des possibilités depromotions en 1997 et du fait que celui-ci n'avait que trois ans d'ancienneté, a pu à bon droit considérer ne pas devoir le proposer pour l'exercice de promotion 1997.

55.
    Pour ce qui est du principe de protection de la confiance légitime, le seul argument invoqué par le requérant est tiré du fait que son supérieur hiérarchique était intervenu plusieurs fois pour appuyer sa promotion.

56.
    Or, selon une jurisprudence constante, si tout fonctionnaire est en droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime, il ne peut, toutefois, invoquer ce principe que s'il a obtenu de l'administration des assurances précises tenant compte des dispositions statutaires (arrêt du Tribunal du 12 mai 1998, Wenk/Commission, T-159/96, RecFP p. II-593, point 91)

57.
    Dans le cas d'espèce, en l'absence d'une promesse précise émanant de l'AIPN compétente pour les promotions, l'intervention du supérieur hiérarchique du requérant ne saurait être considérée comme une assurance précise d'être promu.

58.
    En tout état de cause, dans le cadre d'une décision de promotion, l'AIPN doit respecter les critères définis par le statut et doit procéder à un examen comparatif des mérites en application de son article 45. Il s'ensuit qu'une telle promesse, à la supposer établie, n'aurait pu créer une confiance légitime dans le chef du requérant, étant donné qu'elle aurait été donnée sans tenir compte des dispositions statutaires applicables (arrêts du Tribunal, Wenk/Commission, précité, point 92, et du 26 octobre 1993, Weißenfels/Parlement, T-22/92, Rec. p. II-1095, point 92).

59.
    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la Commission n'a pas violé le principe de protection de la confiance légitime.

60.
    Il résulte de tout ce qui précède que, bien que les mérites du requérant soient remarquables, l'AIPN a exercé ses attributions conformément aux dispositions de l'article 45 du statut, en restant dans des limites non critiquables et sans user de son pouvoir de manière erronée.

61.
    Il s'ensuit que ce moyen doit être rejeté.

Sur le second moyen tiré de la violation de l'obligation de motivation

Arguments des parties

62.
    Le requérant rappelle la jurisprudence du Tribunal selon laquelle l'AIPN n'est pas tenue de motiver les décisions de promotion à l'égard des fonctionnaires non promus, mais en revanche elle est tenue de motiver sa décision portant rejet de la réclamation d'un fonctionnaire non promu, la motivation de cette décision de rejet étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée (arrêt du Tribunal du 11 juin 1996, Anacoreta Correia/Commission, T-118/95, RecFP p. II-835, point 82).

63.
    Or, la seule motivation en sa possession résiderait dans la lettre du 10 mars 1997 du président du comité de promotion formulée comme suit :

«Je regrette de vous informer que le comité n'a pas pu placer votre nom sur le projet de liste des fonctionnaires jugés le plus méritants pour l'exercice 1997.»

64.
    Cette note ne lui permettrait pas d'apprécier le bien-fondé de la décision attaquée .

65.
    D'ailleurs, ce ne serait que lors de la communication du mémoire en défense qu'il aurait pu prendre connaissance des appréciations analytiques reprises dans les rapports de notation des fonctionnaires qui lui ont été préférés .

66.
    Le défaut de motivation aurait persisté malgré la demande qu'il a adressée à plusieurs reprises à l'AIPN tendant à ce qu'il soit informé sur les motifs justifiant la décision de ne pas le promouvoir, en particulier lors de la réunion du groupe interservices du 28 août 1997 et dans la lettre du 1er septembre 1997 adressée à Mme Haukka, administrateur à la DG IX .

67.
    La Commission fait valoir, en premier lieu, qu'une motivation expresse a été apportée dans la décision de rejet explicite de la réclamation adoptée par l'AIPN le 21 novembre et notifiée au requérant le 27 novembre 1997, même si celui-ci n'a pas attendu cette notification pour introduire son recours, qu'il a déposé quelques jours à peine après l'expiration du délai au terme duquel l'absence de décision de l'AIPN vaut rejet implicite .

68.
    En second lieu, la Commission considère que, en tout état de cause, le requérant était en mesure de connaître la plupart des raisons ayant motivé le choix de l'AIPN et notamment le fait que, contrairement aux autres fonctionnaires de la DG V finalement promus, il était le seul à ne pas avoir fait l'objet d'une proposition de sa direction générale au cours des exercices précédents. Il savait, en outre, comme l'aurait reconnu son conseil, qu'il bénéficiait d'une ancienneté inférieure dans le grade .

69.
    Enfin, et dans l'hypothèse où l'on considérerait que le contexte dans lequel est intervenue la décision ne constitue pas une motivation suffisante, la Commission soutient que, en l'espèce, le requérant n'a aucun intérêt légitime à solliciter une telle annulation pour vice de forme. En effet, une annulation de la décision de non-promotion prise par l'AIPN ne pourrait que donner lieu à une décision identique quant au fond. A cet égard, la Commission fait référence à l'arrêt du Tribunal du 27 juin 1991, Valverde Mordt/Cour de justice (T-156/89, Rec. p. II-407, points 130 à 143).

70.
    Le requérant réfute l'argument de la Commission selon lequel il aurait dû attendre la notification explicite de rejet, qui lui a été notifiée le 27 novembre 1997. Il serait de jurisprudence constante que l'absence totale de motivation d'une décision ne pourrait être couverte par des explications fournies par l'AIPN après l'introduction d'un recours. A ce stade, de telles explications ne rempliraient plus leur fonction. En effet, l'obligation de motivation, qui résulte des dispositions combinées des articles 25, deuxième alinéa, et 90, paragraphe 2, du statut, aurait pour but, d'une part, de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé du rejet de sa non-promotion et l'opportunité d'introduire un recours devant le Tribunal et, d'autre part, de permettre à celui-ci d'exercer son contrôle (arrêt du Tribunal du 12 février 1992, Volger/Parlement, T-52/90, Rec p. II-121, point 40).

71.
    Enfin, quant à l'argument de la Commission selon lequel il était en mesure de connaître la plupart des raisons ayant motivé le choix de l'AIPN, le requérant rappelle que, lors de la réunion du groupe interservices, le seul élément avancé, à

la demande de son conseil, a été une ancienneté supérieure dans le grade. Même si le représentant de la DG V a fait référence à des critères objectifs pris en considération lors de l'examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables, il aurait toutefois refusé de les communiquer.

72.
    Le requérant conclut que la décision attaquée est entachée d'une absence totale de motivation, qui ne peut être couverte par des explications fournies après le dépôt du recours en annulation.

Appréciation du Tribunal

73.
    Selon une jurisprudence constante, l'obligation de motivation, inscrite à l'article 25, premier alinéa, du statut, a pour but, d'une part, de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l'acte lui faisant grief et l'opportunité d'introduire un recours devant le Tribunal et, d'autre part, de permettre à ce dernier d'exercer son contrôle. Son étendue doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (arrêts du Tribunal du 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice, T-60/94, RecFP p. II-77, points 31 et 32, et Lopes/Cour de justice, précité, point 148).

74.
    Il est également de jurisprudence constante que l'AIPN n'est pas tenue de motiver les décisions de promotion à l'égard des fonctionnaires non promus, mais qu'elle est, en revanche, tenue de motiver sa décision portant rejet de la réclamation d'un fonctionnaire non promu, la motivation de cette décision de rejet étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée (arrêt de la Cour du 7 février 1990, Culin/Commission, C-343/87, Rec. p. I-225, point 13, et arrêt Anacoreta Correia/Commission, précité, point 82).

75.
    En cas d'absence totale de motivation avant l'introduction d'un recours, il est de jurisprudence que ladite absence ne peut être couverte par des explications fournies par l'AIPN après l'introduction du recours. A ce stade, de telles explications ne rempliraient plus leurs fonctions. L'introduction d'un recours met donc un terme à la possibilité d'une réponse explicite à une réclamation après l'expiration du délai statutaire de quatre mois prévu à cette fin par l'article 90, paragraphe 2, troisième tiret (arrêt Volger/Parlement, précité, point 40).

76.
    Toutefois, s'il s'avère que les éléments dont le requérant disposait avant l'introduction du recours constituaient, au moins, un début de motivation, il sera nécessaire d'examiner si un tel défaut de motivation a été pallié en cours d'instance puisqu'il est de jurisprudence que, dans un tel cas, des précisions complémentaires peuvent être apportées en cours d'instance (arrêt du Tribunal du 17 mai 1995, Benecos/Commission, T-16/94, RecFP p. II-335, point 36).

        

77.
    Enfin, il ressort de la jurisprudence que, pour juger du caractère suffisant d'une motivation, il y a lieu de la replacer dans le contexte dans lequel s'est inscrite

l'adoption de l'acte attaqué (arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C-350/88, Rec. p. I-395, point 16, et arrêt Benecos/Commission, précité, point 33).

    

78.
    En premier lieu, pour ce qui est de la motivation dont le requérant disposait avant l'introduction de son recours, il y a lieu de relever que la lettre du 10 mars 1997 du président du comité de promotion est dépourvue de toute motivation car elle se borne à affirmer que le requérant n'a pas été placé sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour l'exercice 1997.

79.
    Néanmoins, il découle de la lettre du 1er septembre 1997 envoyée par le conseil du requérant à Mme Haukka, que le requérant a été informé, lors de la réunion du groupe interservices, du fait que les fonctionnaires promus avaient des rapports de notation contenant au maximum sept «excellent» et une ancienneté dans le grade supérieure à la sienne.

80.
    Dès lors, il ne saurait être question d'une absence totale de motivation. La motivation fournie par la Commission ne saurait cependant être considérée comme suffisante, l'AIPN n'ayant pas indiqué au requérant le motif individuel et pertinent justifiant sa non-promotion, et ceci malgré les demandes réitérées du conseil de ce dernier (arrêts du Tribunal du 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T-25/92, Rec. p. II-201, point 25, et Benecos/Commission, précité, point 35).

81.
    C'est dans ce contexte qu'il y a lieu, en second lieu, de vérifier si les précisions complémentaires qui ont été apportées par la Commission en cours d'instance ontpu pallier cette insuffisance de motivation (arrêt Benecos/Commission, précité, point 36).

82.
    A cet égard, il y a lieu de constater que, dans sa réponse explicite à la réclamation du requérant, reçue par celui-ci le 27 novembre 1997, la Commission a précisé les motifs pour lesquels elle avait rejeté la promotion du requérant, à savoir le fait que l'AIPN, considérant les mérites du requérant comparables à ceux des trois fonctionnaires proposés, avait décidé de promouvoir ces derniers en raison du fait qu'ils figuraient déjà l'année précédente sur la liste des plus méritants, et en raison de leur âge et de leur ancienneté supérieure dans le grade. En outre, dans son mémoire en défense, la Commission a mentionné un élément supplémentaire d'appréciation qui manquait au requérant, à savoir les appréciations d'ordre général des fonctionnaires promus.

83.
    Eu égard à ce qui précède, le Tribunal considère que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation a, dès lors, été rendu sans objet par les explications que la Commission a données en cours d'instance (arrêts Vela Palacios/CES, précité, point 27, et Benecos/Commission, précité, point 38).

84.
    De surcroît, le moyen de fond soulevé par le requérant à l'encontre de la décision attaquée ayant été rejeté, il y a lieu de constater que l'annulation de cette décision pour défaut de motivation ne pourrait que donner lieu à l'intervention d'une nouvelle décision, identique à celle du 20 novembre 1997, de rejet explicite de sa réclamation.

85.
    Par conséquent, ce moyen doit être rejeté.

Sur les dépens

86.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci.

87.
    Néanmoins, en ce qui concerne les dépens du requérant, le Tribunal relève que celui-ci a été obligé d'introduire le présent recours afin d'obtenir une motivation complète de la décision portant rejet de sa promotion. Le Tribunal estime, en conséquence, qu'il y a lieu, au vu des conclusions du requérant et de la Commission, de condamner la Commission à rembourser les dépens exposés par le requérant jusqu'à la date de réception de la décision de rejet de la réclamation. Les dépens exposés par le requérant postérieurement à cette date seront supportés par lui-même (arrêt Wenk/Commission, précité, points 128 et 129).

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La Commission supportera ses propres dépens et les dépens exposés par le requérant jusqu'à la date de réception par celui-ci de la décision de rejet de sa réclamation. Le requérant supportera les dépens qu'il a dû exposer à partir de la date de réception de la décision de rejet de sa réclamation.

Cooke

García-Valdecasas
Lindh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 avril 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. D. Cooke


1: Langue de procédure: le français.

RecFP