Language of document : ECLI:EU:T:1999:102

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

19 mai 1999 (1)

«Fonctionnaires — Procédure disciplinaire — Révocation — Articles 11, 12 et 17 du statut — Liberté d'expression — Devoir de loyauté et de dignité de la fonction»

Dans les affaires jointes T-34/96 et T-163/96,

Bernard Connolly, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Everberg (Belgique), représenté par Mes Jacques Sambon et Pierre-Paul Van Gehuchten, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Louis Schiltz, 2, rue du Fort Rheinsheim,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Gianluigi Valsesia, conseiller juridique principal, et Julian Currall, membre du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation de l'avis du conseil de discipline du 7 décembre 1995 et de la décision de la Commission du

16 janvier 1996, portant révocation du requérant, et, d'autre part, une demande de dommages-intérêts,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, J. Pirrung et M. Vilaras, juges,

greffier: M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 10 février 1999,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    A la date des faits, le requérant, M. Connolly, était fonctionnaire, de grade A 4, échelon 4, de la Commission et chef de l'unité 3 «SME, politiques monétaires nationales et communautaire» au sein de la direction D «affaires monétaires» de la direction générale des affaires économiques et financières (DG II)(ci-après «unité II.D.3»).

2.
    A partir de 1991, M. Connolly a présenté, à trois reprises, des projets d'articles relatifs, respectivement, à l'application de théories monétaires, à l'évolution du système monétaire européen et aux implications monétaires du livre blanc sur l'avenir de l'Europe, pour lesquels il s'est vu refuser l'autorisation préalable de publication, prévue par l'article 17, second alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»).

3.
    Le 24 avril 1995, M. Connolly a présenté, en application de l'article 40 du statut, une demande de congé de convenance personnelle, pour une période de trois mois à compter du 3 juillet 1995, en déclarant que les raisons d'une telle demande étaient: a) d'assister son fils, pendant les vacances scolaires, dans sa préparation à l'entrée dans une université du Royaume-Uni, b) de permettre à son père de passer quelque temps avec sa famille, c) de consacrer du temps à la réflexion sur des sujets de théorie économique et de politique et de «rétablir sa relation avec la littérature». La Commission lui a accordé ce congé par décision du 2 juin 1995.

4.
    Par lettre du 18 août 1995, M. Connolly a demandé à être réintégré dans les services de la Commission à la fin de son congé de convenance personnelle. La

Commission l'a réintégré dans son emploi, à partir du 4 octobre 1995, par décision du 27 septembre 1995.

5.
    Pendant son congé de convenance personnelle, M. Connolly a publié un livre intitulé: The rotten heart of Europe. The dirty war for Europe's money, sans demander d'autorisation préalable.

6.
    Au début du mois de septembre, notamment du 4 au 10 septembre 1995, une série d'articles concernant ce livre a été publiée dans la presse européenne et surtout britannique.

7.
    Par lettre du 6 septembre 1995, le directeur général du personnel et de l'administration, en sa qualité d'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN»), a informé le requérant de sa décision d'ouvrir une procédure disciplinaire contre lui pour violation des articles 11, 12 et 17 du statut, et l'a convoqué à une audition préalable, en application de l'article 87 du statut.

8.
    Le 12 septembre 1995 a eu lieu une première audition du requérant au cours de laquelle celui-ci a déposé une déclaration écrite indiquant qu'il ne répondrait à aucune question sans connaître préalablement les manquements spécifiques qui lui étaient reprochés.

9.
    Par lettre du 13 septembre, l'AIPN a indiqué au requérant que les manquements allégués faisaient suite à la publication de son livre, à sa parution par extraits dans le quotidien The Times, ainsi qu'aux propos tenus par lui à cette occasion dans un entretien paru dans le même journal, en l'absence d'autorisation préalable, et l'a de nouveau convoqué pour qu'il soit entendu sur ces faits à la lumière de ses obligations découlant des articles 11, 12 et 17 du statut.

10.
    Le 26 septembre 1995, lors de sa seconde audition, le requérant a refusé de répondre aux questions qui lui étaient posées et a présenté une déclaration écrite dans laquelle il faisait valoir qu'il estimait possible de publier un ouvrage sans autorisation préalable dès lors qu'il était en congé de convenance personnelle. Le requérant ajoutait que la parution des extraits de son ouvrage dans la presse relevait de la responsabilité de son éditeur et que certains des propos relatés dans l'entretien visé lui étaient attribués à tort. Enfin, M. Connolly mettait en cause le caractère objectif de la procédure disciplinaire engagée contre lui, au regard, notamment, de déclarations à la presse le concernant par le président et le porte-parole de la Commission, ainsi que le respect de la confidentialité de ladite procédure.

11.
    Par décision du 27 septembre 1995, prise en vertu de l'article 88 du statut, l'AIPN a suspendu le requérant de ses fonctions à compter du 3 octobre 1995, avec retenue de la moitié de son traitement de base pendant la période de suspension.

12.
    Le 4 octobre 1995, l'AIPN a décidé de saisir le conseil de discipline, en application de l'article 1er de l'annexe IX du statut (ci-après «annexe IX»).

13.
    Par lettre du 18 octobre 1995, enregistrée au secrétariat général de la Commission le 27 octobre suivant, le requérant a saisi l'AIPN d'une réclamation, au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, contre les décisions d'engager une procédure disciplinaire et de saisir le conseil de discipline, ainsi que contre la décision du 27 septembre 1995 de le suspendre de ses fonctions.

14.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 octobre 1995, le requérant a introduit un recours, en vertu de l'article 91, paragraphe 4, du statut, ayant pour objet l'annulation des trois décisions de l'AIPN susvisées, ainsi que la condamnation de la Commission au paiement de dommages-intérêts (affaire T-203/95). Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit une demande de mesures provisoires.

15.
    Par ordonnance du président du Tribunal du 12 décembre 1995, Connolly/Commission (T-203/95 R, RecFP p. II-847), la Commission a été invitée à prendre toutes les mesures nécessaires pour qu'aucune information relative à la carrière de M. Connolly, à sa personnalité, à ses opinions ou à sa santé, et qui soit de nature à porter atteinte, directement ou indirectement, à sa réputation personnelle et professionnelle, ne soit divulguée par son personnel dans le cadre de contacts avec la presse ou de toute autre manière. La demande de mesures provisoires a été rejetée pour le surplus.

16.
    Le 7 décembre 1995, le conseil de discipline a émis son avis, notifié au requérant le 15 décembre suivant, dans lequel il recommandait d'infliger à celui-ci la sanction de la révocation, sans perte des droits à la pension d'ancienneté (ci-après «avis du conseil de discipline» ou «avis»).

17.
    Le 9 janvier 1996, le requérant a été entendu par l'AIPN, en application de l'article 7, troisième alinéa, de l'annexe IX.

18.
    Par décision en date du 16 janvier 1996, l'AIPN a infligé au requérant la sanction visée à l'article 86, paragraphe 2, sous f), du statut, à savoir la révocation sans suppression ni réduction des droits à la pension d'ancienneté (ci-après «décision de révocation»).

19.
    La décision de révocation est motivée dans les termes suivants:

«considérant que M. Connolly a été nommé, le 16 mai 1990, chef de l'unité [II.D.3];

considérant que, de par ses fonctions, M. Connolly était appelé, entre autres, à préparer et à participer aux travaux du comité monétaire, du sous-comité de politique monétaire et du comité des gouvernements, à suivre les politiques

monétaires dans les États membres et à analyser les implications monétaires de la mise en oeuvre de l'Union économique et monétaire;

considérant que M. Connolly a écrit un ouvrage qui a été publié au début de septembre 1995 sous le titre The Rotten Heart of Europe;

considérant que cet ouvrage porte sur l'évolution du processus d'intégration européenne au cours des dernières années dans le domaine économique et monétaire et qu'il a été élaboré par M. Connolly sur la base de son expérience professionnelle dans l'exercice de ses fonctions au sein de la Commission;

considérant que M. Connolly n'a pas demandé l'autorisation à l'AIPN de faire publier le livre en question conformément aux dispositions de l'article 17 du statut auxquelles tout fonctionnaire reste soumis;

considérant que M. Connolly ne pouvait ignorer que cette autorisation lui serait refusée pour les mêmes raisons que celles qui avaient dicté le refus d'autorisations antérieures de publier des articles où il avait déjà exposé ses lignes de pensée qui constituent le contenu essentiel du présent ouvrage;

considérant que M. Connolly mentionne dans la préface de son livre The Rotten Heart of Europe que celui-ci avait son origine dans le fait qu'il avait demandé une autorisation de publication d'un chapitre sur le SME pour un autre livre; que l'autorisation lui a été refusée et qu'il a estimé qu'il était important de retravailler ce chapitre et d'en faire un livre entier;

considérant que M. Connolly a approuvé et collaboré activement à la promotion de son livre notamment en accordant une interview au journal The Times le 4 septembre 1995, date à laquelle le Times a également publié des extraits de son livre, et en écrivant un article pour le Times publié le 6 septembre 1995;

considérant que M. Connolly ne pouvait pas ignorer que la publication de son ouvrage reflétait une opinion personnelle, discordante de la ligne de conduite adoptée par la Commission en tant qu'institution de l'Union européenne, responsable de la poursuite d'un objectif majeur et d'un choix politique fondamental inscrit dans le traité de l'Union qui est l'Union économique et monétaire;

considérant que, de par sa conduite, M. Connolly a gravement lésé les intérêts des Communautés et porté préjudice à l'image et à la réputation de l'institution;

considérant que M. Connolly reconnaît avoir perçu les droits d'auteur qui lui ont été payés par ses éditeurs en contrepartie de la publication de son oeuvre;

considérant que l'ensemble du comportement de M. Connolly a porté atteinte à la dignité de sa fonction en tant que fonctionnaire devant régler sa conduite en ayantuniquement en vue les intérêts de la Commission;

considérant que, ayant été souvent confronté à des refus d'autorisation de publication, la nature et la gravité de tels manquements ne sauraient échapper à un fonctionnaire normalement diligent, de son grade et de ses responsabilités;

considérant que, à aucun moment, au mépris des devoirs de loyauté et d'honnêteté à l'égard de l'institution, M. Connolly n'a averti ses supérieurs hiérarchiques de son intention de faire publier l'ouvrage en question alors qu'il demeurait soumis, en tant que fonctionnaire en congé de convenance personnelle, à ses obligations de réserve;

considérant que le comportement de M. Connolly, de par sa gravité, a rompu de façon irréparable la confiance que la Commission est en droit d'exiger de ses fonctionnaires et, en conséquence, rend impossible le maintien d'une quelconque relation de travail avec l'institution;

[...]»

    

20.
    Par lettre du 7 mars 1996, enregistrée au secrétariat général de la Commission le 14 mars suivant, le requérant a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, contre l'avis du conseil de discipline et contre la décision de révocation.

Procédure

21.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 mars 1996, le requérant a introduit un recours visant à l'annulation de l'avis du conseil de discipline (affaire T-34/96).

22.
    Par acte déposé au greffe du Tribunal le 11 avril 1996, la Commission a, dans l'affaire T-34/96, soulevé une exception d'irrecevabilité, au titre de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure. Par ordonnance du Tribunal (deuxième chambre) du 9 juillet 1996, l'exception a été jointe au fond.

23.
    Le 18 juillet 1996, le requérant s'est vu notifier la décision explicite de rejet de la réclamation qu'il avait introduite contre l'avis du conseil de discipline et la décision de révocation.

24.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 octobre 1996, le requérant a introduit un recours visant à obtenir l'annulation de l'avis du conseil de discipline et de la décision de révocation ainsi que l'octroi de dommages-intérêts (affaire T-163/96).

25.
    Par requête déposée au greffe le 23 décembre 1996, le requérant a saisi le Tribunal d'une demande de réparation des préjudices qu'il aurait subis à la suite de la publication dans la presse d'informations et de déclarations le concernant (affaire T-214/96).

26.
    Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 10 juin 1998, les affaires T-203/95, T-34/96, T-163/96 et T-214/96 ont été jointes aux fins de la procédure orale.

27.
    Par décision du Tribunal du 21 septembre 1998, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre, à laquelle les affaires T-203/95, T-34/96, T-163/96 et T-214/96 ont, par conséquent, été attribuées.

28.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, la défenderesse a été invitée à produire, au titre des mesures d'organisation de la procédure, un exemplaire, dans sa version originale, de l'ouvrage ayant donné lieu à la sanction faisant l'objet du recours dans l'affaire T-163/96.

29.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience publique du 10 février 1999.

30.
    Lors de l'audience, il a été pris acte de ce que les demandes et les moyens invoqués dans le recours T-34/96 étaient intégralement repris dans le recours T-163/96 et que, en conséquence, le requérant se désistait de son recours dans l'affaire T-34/96.

Conclusions des parties

31.
    Dans l'affaire T-163/96, le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler l'avis du conseil de discipline;

—    annuler la décision de révocation;

—    annuler la décision de rejet de sa réclamation qui lui a été notifiée le 18 juillet 1996;

—    condamner la Commission au paiement de 7 500 000 BFR en réparation de son préjudice matériel, et de 1 500 000 BFR en réparation de son préjudice moral;

—    condamner la Commission aux dépens.

32.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours comme non fondé;

—    statuer comme de droit sur les dépens.

Sur les conclusions en annulation

33.
    Le requérant invoque sept moyens à l'appui de ses conclusions en annulation. Le premier est tiré d'irrégularités dans le déroulement de la procédure disciplinaire. Le deuxième est tiré d'un défaut de motivation et de la violation, par le conseil de discipline, de l'article 7 de l'annexe IX, des droits de la défense, ainsi que du principe de bonne administration. Les troisième, quatrième et cinquième moyens sont tirés, respectivement, de la violation des articles 11, 12 et 17 du statut. Le sixième moyen est pris d'une erreur manifeste d'appréciation et de la violation du principe de proportionnalité. Enfin, le septième moyen est tiré d'un détournement de pouvoir.

Sur le premier moyen, tiré d'irrégularités dans le déroulement de la procédure disciplinaire

34.
    Ce moyen s'articule en quatre branches. La première est tirée de la prise en compte dans l'avis du conseil de discipline et la décision de révocation d'éléments qui n'ont pas été soumis à la procédure disciplinaire. La deuxième est tirée du caractère irrégulier de l'audition du directeur général de la DG II par le conseil de discipline. La troisième est tirée du défaut d'établissement d'un rapport devant le conseil de discipline. La quatrième est tirée de la participation irrégulière du président du conseil de discipline à la procédure.

Sur la prise en compte d'éléments non soumis à la procédure disciplinaire

— Arguments des parties

35.
    Le requérant soutient que deux des éléments sur lesquels le conseil de discipline et l'AIPN se sont fondés, dans l'avis et la décision de révocation, n'ont été mentionnés ni lors des auditions préalables ni dans le rapport de saisine du conseil de discipline, de sorte qu'il n'a pas été en mesure de se justifier sur ces points lors de la procédure disciplinaire. Il en résulterait une violation de l'article 87, second alinéa, du statut et de l'article 1er de l'annexe IX, ainsi qu'une violation du principe du contradictoire.

36.
    En premier lieu, le requérant fait valoir que la considération de l'avis du conseil de discipline et de la décision de révocation, selon laquelle son ouvrage reflèterait une opinion discordante de la politique de la Commission en vue de la réalisation de l'Union économique et monétaire, constitue un grief qui n'aurait jamais été mentionné lors des auditions préalables, ni dans le cadre des correspondances

échangées avec l'AIPN. Le rapport de saisine du conseil de discipline se limiterait, à cet égard, à faire état de violations formelles des articles 11, 12 et 17 du statut, du fait de la publication de son livre sans autorisation préalable, sans pour autant évoquer le contenu de son ouvrage. Le caractère critique de l'ouvrage aurait, certes, été mentionné dans la décision de suspension du 27 septembre 1995 et dans les déclarations faites à la presse par des membres de la Commission. Néanmoins, dans la mesure où cet élément n'a pas été repris au cours de la procédure disciplinaire elle-même et notamment dans le rapport de saisine du conseil de discipline, le requérant aurait considéré que l'AIPN avait choisi de n'incriminer que les violations formelles des articles 11, 12 et 17 du statut. Par la suite, le requérant n'aurait pas été interrogé par le conseil de discipline sur la prétendue non-conformité de son ouvrage à la politique de la Commission.

37.
    Dans sa réplique, le requérant admet que l'objet du livre était, certes, évoqué dans le rapport de saisine du conseil de discipline, mais uniquement en vue d'établir que l'ouvrage concernait la Communauté européenne et relevait donc de l'article 17, second alinéa, du statut. Quant aux pièces jointes en annexes à ce rapport, parmi lesquelles les extraits du livre parus dans la presse et les entretiens accordés par lui à un journal britannique, elles seraient sans incidence sur l'étendue de la saisine du conseil de discipline.

38.
    En second lieu, le requérant reproche au conseil de discipline d'avoir visé, dans son avis, le fait qu'il avait écrit un article, publié le 6 septembre 1995 dans le quotidien The Times, et participé à un programme de télévision le 26 septembre suivant, alors que ces faits n'étaient pas non plus évoqués dans le rapport de saisine du conseil de discipline. De même, la décision de révocation se réfèrerait à tort à l'article du 6 septembre 1995.

39.
    La Commission rétorque, en premier lieu, que le rapport de saisine du conseil de discipline se réfère expressément, comme la décision de suspension du 27 septembre 1995, au contenu du livre, et non au seul fait de sa publication, ainsi qu'au préjudice porté aux intérêts des Communautés. Les étapes suivantes de la procédure disciplinaire démontreraient, de la même manière, que le requérant avait connaissance du reproche qui lui était fait à l'égard du contenu de son ouvrage. En effet, le requérant aurait lui-même justifié sa conduite devant le conseil de discipline en faisant l'apologie de son livre et de ses analyses. S'agissant, en second lieu, des interventions du requérant dans la presse et dans un programme télévisé, la Commission rétorque qu'elles sont mentionnées dans le rapport de saisine du conseil de discipline.

— Appréciation du Tribunal

40.
    Il y a lieu de rappeler que l'article 87, second alinéa, du statut exige qu'un fonctionnaire soit entendu par l'AIPN avant que celle-ci n'engage la procédure prévue à l'annexe IX. L'audition prévue à ce stade de la procédure disciplinaire,

à la demande de l'AIPN, doit permettre au fonctionnaire de s'expliquer sur les griefs qui lui sont adressés et à l'AIPN d'apprécier la gravité de ces griefs à la lumière des explications fournies par l'intéressé. Lorsque, à la suite de cette audition, des faits pouvant donner lieu à des sanctions plus graves que l'avertissement ou le blâme sont retenus à la charge du fonctionnaire, le conseil de discipline est saisi et l'intéressé doit alors bénéficier de toutes les garanties prévues à l'annexe IX (arrêt de la Cour du 11 juillet 1985, R./Commission, 255/83 et 256/83, Rec. p. 2473, points 20 et 21). A cet égard, l'article 1er de l'annexe IX dispose que le rapport de l'AIPN portant saisine du conseil de discipline doit indiquer clairement les faits reprochés et, s'il y a lieu, les circonstances dans lesquelles ils ont été commis.

41.
    Il convient dès lors de vérifier si, dans le cas d'espèce, l'AIPN n'a pas méconnu les droits de la défense, tels qu'ils sont garantis par l'article 87, second alinéa, du statut et l'article 1er de son annexe IX.

42.
    S'agissant de la violation alléguée de l'article 87, second alinéa, du statut, il convient de relever que, après avoir convoqué le requérant à une première audition préalable, au cours de laquelle celui-ci a déposé une déclaration écrite faisant état de l'absence d'accusations précises, l'AIPN l'a de nouveau invité, par lettre du 13 septembre 1995, à être préalablement entendu sur d'éventuels manquements aux articles 11, 12 et 17 du statut. L'AIPN lui précisait que les manquements qui luiétaient reprochés concernaient la publication de l'ouvrage dont il était l'auteur, sa parution par extraits dans le quotidien The Times, depuis le 4 septembre 1995, ainsi que les propos qu'il avait tenus à cette occasion dans un entretien paru dans le même journal, en l'absence d'autorisation préalable. L'AIPN l'invitait, en conséquence, à s'expliquer sur toutes les circonstances de cette affaire à la lumière des obligations résultant des dispositions susvisées.

43.
    Or, il ressort du dossier que, lors de cette seconde audition préalable du 26 septembre 1995, qui, au surplus, avait été reportée à deux reprises à sa demande, le requérant a de nouveau refusé de répondre à toute question et s'est limité à déposer une nouvelle déclaration écrite, dans laquelle, en tout état de cause, il s'expliquait sur les faits qui lui étaient reprochés. Il résulte de ces éléments que le requérant a été préalablement entendu, conformément à l'article 87, second alinéa, du statut, et, en raison de son attitude, celui-ci ne saurait valablement se prévaloir de ce que, lors de ces auditions, l'AIPN ne lui aurait pas expressément fait part de son appréciation quant au contenu de l'ouvrage publié.

44.
    Il convient également de rejeter l'argument du requérant selon lequel le rapport de l'AIPN portant saisine du conseil de discipline ne viserait pas le contenu du livre parmi les faits reprochés, mais se limiterait à faire état de violations formelles des articles 11, 12 et 17 du statut. A cet égard, il y a lieu de constater que ledit rapport faisait apparaître, sans ambiguïté, que le contenu de l'ouvrage en cause, et notamment son caractère polémique, constituait l'un des faits reprochés au requérant. En particulier, aux points 23 et suivants du rapport, l'AIPN invoquait un

manquement à l'article 12 du statut, aux motifs que «la publication du livre en elle-même porte atteinte à la dignité de la fonction de M. Connolly, puisqu'il a été chef de l'unité [II.D.3] chargée, au sein de la Commission, des questions évoquées dans son livre», et que «en outre, dans son livre, M. Connolly se livre à certaines attaques désobligeantes et non étayées envers des commissaires et d'autres membres du personnel de la Commission de manière à porter atteinte à la dignité de sa fonction et à discréditer la Commission, en violation des obligations qui lui incombent en vertu de l'article 12». Le rapport citait ensuite expressément certains des propos tenus par le requérant dans son ouvrage, et comportait, en annexe, de nombreux extraits du livre en cause.

45.
    Il s'ensuit que, conformément à l'article 1er de l'annexe IX, le rapport de l'AIPN exposait de manière suffisamment claire les faits reprochés au requérant pour qu'il soit en mesure d'exercer ses droits de la défense.

46.
    Cette interprétation est en outre confirmée par le fait que, ainsi qu'il ressort du procès-verbal de l'audition du requérant devant le conseil de discipline, celui-ci s'est, à cette occasion, expliqué à plusieurs reprises sur l'objet et le contenu de son ouvrage.

47.
    Par ailleurs, il y a lieu de relever que le requérant, lors de sa dernière audition par l'AIPN, le 9 janvier 1996, n'a pas prétendu que l'avis du conseil de discipline était fondé sur des griefs devant être considérés comme des faits nouveaux, ni demandé la réouverture de la procédure disciplinaire comme l'article 11 de l'annexe IX lui en reconnaissait le droit (voir, en ce sens, l'arrêt du Tribunal du 26 janvier 1995, D/Commission, T-549/93, RecFP p. II-43, point 55).

48.
    Quant à l'argument selon lequel le fait qu'il ait publié un article en vue de la promotion de son livre, le 6 septembre 1995, et qu'il ait participé à une émission télévisée le 26 septembre 1995 ne lui aurait pas non plus été reproché dans le rapport de saisine du conseil de discipline, il suffit de constater que, contrairement à ce qu'il allègue, l'AIPN y avait fait expressément référence au point 19 dudit rapport.

49.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, la première branche du moyen doit, par conséquent, être rejetée.

Sur le caractère irrégulier de l'audition du directeur général de la DG II par le conseil de discipline

— Arguments des parties

50.
    Le requérant soutient que l'audition du directeur général de la DG II par le conseil de discipline est irrégulière à plusieurs égards.

51.
    En premier lieu, ce témoin à charge a été cité par le conseil de discipline et non par la Commission, en violation des articles 4 et 5 de l'annexe IX, en vertu desquels ce droit n'est conféré qu'au fonctionnaire poursuivi et à la Commission. Le requérant ajoute qu'il avait protesté auprès du conseil de discipline contre cette audition, comme l'attesterait le mémoire complémentaire qu'il avait déposé. Dans sa réplique, le requérant conclut qu'en procédant de la sorte le conseil de discipline a, de facto, engagé une enquête complémentaire au sens de l'article 6 de l'annexe IX, ce qui exigeait, en tout état de cause, que cette enquête soit contradictoire.

52.
    En deuxième lieu, ce témoignage violerait les dispositions de l'annexe IX, ainsi que le principe du contradictoire. Tout d'abord, le requérant n'aurait pas été informé suffisamment tôt par le conseil de discipline de la convocation de ce témoin. Le préavis de deux heures, invoqué par la Commission, aurait été insuffisant pour permettre au requérant de préparer sa défense puisqu'il a été consacré à son audition.

53.
    Ensuite, le compte rendu de l'audition du directeur général de la DG II devant le conseil de discipline lui aurait été transmis tardivement, de sorte qu'il n'aurait pas pu exercer ses droits de la défense. L'argument selon lequel il n'aurait pas invoqué ce grief devant l'AIPN serait sans fondement, dès lors qu'il avait formellement protesté contre cette audition et que, en tout état de cause, l'AIPN n'était pas en mesure de remédier à ce vice, eu égard à l'indépendance du conseil de discipline.

54.
    Enfin, le compte rendu de cette audition serait incomplet sur plusieurs points et en donnerait une impression inexacte. Ainsi, la question posée au témoin, par l'un des membres du conseil de discipline, pour savoir si le livre contenait des informations confidentielles, ne serait pas retranscrite. Le fait que, selon le témoin, aucune remarque négative officielle ne lui avait été adressée à propos de ce livre ne serait pas non plus mentionné. De même, ne seraient pas consignées les protestations du requérant contre les déclarations du témoin, selon lesquelles l'ouvrage ne contenait aucune analyse économique, et était mal perçu par les fonctionnaires de la DG II.

55.
    La Commission fait valoir que le requérant et son conseil ont été informés de la décision du conseil de discipline d'entendre le directeur général de la DG II, environ deux heures avant l'audition de ce dernier, et que le requérant a eu la possibilité de commenter les déclarations du témoin. Quant au compte rendu de l'audition du témoin, le requérant n'aurait jamais signalé les erreurs alléguées auprès de l'AIPN. A supposer même qu'elles aient existé, de telles erreurs n'auraient pas pu influer sur l'appréciation des membres du conseil, dès lors que ces derniers avaient eux-mêmes procédé à l'audition du témoin.

— Appréciation du Tribunal

56.
    Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que les articles 4 et 5 de l'annexe IX reconnaissent au fonctionnaire incriminé et à l'institution concernée le droit de citer des témoins devant le conseil de discipline.

57.
    Par ailleurs, aux termes de l'article 6, premier alinéa, de l'annexe IX, le conseil de discipline peut, s'il ne se juge pas suffisamment éclairé sur les faits reprochés à l'intéressé, ou sur les circonstances dans lesquelles ces faits ont été commis, ordonner une enquête contradictoire. Or, selon la jurisprudence, le conseil de discipline dispose, en vertu de cette disposition, d'un pouvoir d'appréciation sur la nécessité de certaines mesures d'instruction complémentaires, telles que la requête de pièces ou la citation de témoins (arrêt R./Commission, précité, point 24). Il résulte, en outre, des dispositions de l'annexe IX que le conseil de discipline est un organe d'instruction qui, en cette qualité, a pour mission d'effectuer les enquêtes destinées à constater les infractions disciplinaires et à déterminer les circonstances essentielles pour établir le degré de sanction à infliger (arrêt de la Cour du 29 janvier 1985, F./Commission, 228/83, Rec. p. 275, point 16, ci-après «arrêt F./Commission»).

58.
    En l'espèce, il ressort des procès-verbaux versés au dossier que le conseil de discipline a estimé nécessaire de procéder à l'audition du supérieur hiérarchique du requérant, en vue d'être éclairé sur les circonstances ayant accompagné la publication de l'ouvrage de M. Connolly. Ce témoin n'ayant pas été préalablement cité par les parties, il y a donc lieu de considérer que l'audition dudit témoin par le conseil de discipline constituait une mesure d'instruction complémentaire, à laquelle, conformément à la jurisprudence susvisée, celui-ci pouvait avoir recours dans le cadre du pouvoir d'appréciation dont il dispose en vertu de l'article 6 de l'annexe IX, afin de mener à bien la mission d'organe d'instruction qui lui est assignée par le statut. Il en résulte que, ce faisant, le conseil de discipline a engagé une enquête au sens de l'article 6 susvisé, ainsi qu'il y était habilité.

59.
    Il importe néanmoins d'examiner si, ainsi qu'il est allégué, l'audition de ce témoin devant le conseil de discipline a été effectuée en violation du principe du caractère contradictoire de la procédure disciplinaire, qui constitue la garantie du respect des droits de la défense, et auquel l'article 6 de l'annexe IX fait expressément référence.

60.
    S'agissant, tout d'abord, de l'argument tiré de l'absence d'un préavis suffisamment long pour informer le requérant de l'audition du témoin en cause, cette circonstance ne saurait, en soi, démontrer une violation du principe du contradictoire.

61.
    A cet égard, il y a lieu de rappeler que le respect du caractère contradictoire de la procédure, dans le cadre d'une enquête telle que celle visée à l'article 6 de

l'annexe IX, exige que le fonctionnaire incriminé ou son défenseur soit mis en mesure d'assister aux auditions de témoins auxquelles il est procédé et de poser à ces derniers les questions qui lui paraissent utiles à sa défense (arrêt de la Cour du 20 juin 1985, De Compte/Parlement, 141/84, Rec. p. 1951, point 17, et D/Commission, précité, point 59).

62.
    Or, en l'espèce, le requérant se limite à invoquer le retard avec lequel il a été informé de l'audition du témoin sans préciser en quoi cette circonstance l'a effectivement empêché d'exercer ses droits de la défense au sens de la jurisprudence susvisée. Il ressort au contraire du dossier que, malgré la brièveté du délai alléguée, le requérant et son conseil non seulement ont été mis en mesure d'assister à l'audition du témoin cité par le conseil de discipline, mais ont pu également poser les questions qu'ils estimaient utiles à la défense, de même que présenter des observations sur le témoignage recueilli. En outre, le requérant n'a pas demandé au conseil de discipline de convoquer à nouveau ce témoin afin qu'il réponde à des questions que son conseil, ou lui-même, n'auraient pas eu le temps matériel de préparer pour la première audition.

63.
    Par conséquent, en l'espèce, il n'est pas établi que le fait pour le requérant d'avoir été averti tardivement de l'audition du témoin en cause ait porté atteinte au caractère contradictoire de la procédure disciplinaire et à l'exercice des droits de la défense.

        

64.
    De même, l'argument tiré de ce que le compte rendu de l'audition du témoin a été communiqué tardivement au requérant, à savoir une semaine après que le conseil de discipline a émis son avis, n'est pas non plus de nature à démontrer une violation du principe du contradictoire et doit être écarté. En effet, selon la jurisprudence, la transmission tardive de comptes rendus d'auditions de témoins ne porte pas atteinte au caractère contradictoire de la procédure et aux droits de la défense lorsque, comme en l'espèce, ces comptes rendus concernent uniquement des auditions auxquelles le requérant et ses conseils ont assisté, et lorsque le fonctionnaire poursuivi n'a pas été privé de la possibilité de présenter des observations utiles pour la constatation des faits lors de la procédure disciplinaire (arrêt F./Commission, points 27 et 28).

65.
    S'agissant de la teneur du compte rendu, elle n'est contestée par le requérant que sur des points qui ne remettent pas en cause le contenu des déclarations du témoin, ni la réalité des faits poursuivis. Ainsi, concernant la question, prétendument omise, portant sur le point de savoir si le livre contenait des informations confidentielles, le compte rendu souligne que le témoin a déclaré n'avoir pas lu le livre, de sorte que ses déclarations à cet égard ne pouvaient servir de fondement au grief tiré d'une violation du devoir de discrétion, grief qui n'a, en tout état de cause, pas été retenu par l'AIPN dans la décision de révocation (voir ci-dessous point 136). Est également dénué de pertinence l'argument selon lequel il ne serait pas précisé que les commentaires de tiers concernant l'ouvrage, que le témoin a déclaré avoir entendus, auraient été exprimés à titre officieux, dès lors que le compte rendu ne

prétend pas que le témoin les aurait qualifiés d'officiels. Quant à la circonstance que ne seraient pas consignées les protestations du requérant à l'égard de certaines déclarations du témoin, concernant le sentiment des fonctionnaires de la DG II et l'absence d'analyse économique dans l'ouvrage, il suffit de relever que le compte rendu en cause porte sur le témoignage de M. Ravasio, et non sur l'opinion du requérant, laquelle a été exposée dans le compte rendu de son audition.

66.
    Enfin, le requérant, comme il l'admet lui-même, n'a pas fait état des omissions alléguées lorsqu'il s'est vu notifier le compte rendu contesté, lors de son audition par l'AIPN le 9 janvier 1996 en application de l'article 7, troisième alinéa, de l'annexe IX.

67.
    Dans ces conditions, l'argument tiré du caractère incomplet de ce compte rendu ne saurait non plus être accueilli.

68.
    Il résulte de ces éléments que la deuxième branche du moyen doit être rejetée.

Sur le défaut d'établissement d'un rapport devant le conseil de discipline

— Arguments des parties

69.
    Le requérant estime que les articles 3 et 6 de l'annexe IX, ainsi que les principes exprimés aux points 4.6 et 4.7 d'une note du 24 novembre 1983 du président de la Commission, ont été méconnus aux motifs qu'aucun rapport sur l'ensemble de l'affaire n'a été effectué par l'un des membres du conseil de discipline et que les fonctions de rapporteur n'ont pas été exercées. A l'argument selon lequel l'établissement d'un rapport ne serait qu'une simple faculté, le requérant objecte que, en décidant lui-même d'entendre un témoin, le conseil de discipline a, de fait, engagé une enquête supplémentaire au sens de l'article 6 de l'annexe IX, lequel imposerait que l'enquête soit conduite par un rapporteur.

70.
    La Commission soutient que l'annexe IX n'impose pas qu'un rapport soit formellement établi et que, en tout état de cause, il faudrait démontrer, pour justifier l'annulation de la décision de révocation, que l'établissement d'un tel rapport aurait entraîné une autre sanction. S'agissant de l'argument tiré de l'absence d'un rapporteur, elle renvoie à l'acte de nomination de ce dernier.

— Appréciation du Tribunal

71.
    En vertu de l'article 3 de l'annexe IX, «lors de la première réunion du conseil de discipline, le président charge l'un de ses membres de faire rapport sur l'ensemble de l'affaire». L'article 6 de l'annexe susvisée dispose, par ailleurs, que l'enquête contradictoire «est conduite par le rapporteur».

72.
    Il y a lieu de souligner, à titre liminaire, que ces dispositions constituent, à l'instar d'autres dispositions de l'annexe IX, des règles de bonne administration et non des formalités substantielles dont la méconnaissance entraînerait, à elle seule, la nullité des actes accomplis durant la procédure disciplinaire (voir, par analogie, en ce qui concerne les délais prévus à l'article 7 de l'annexe IX, les arrêts de la Cour du 4 février 1970, Van Eick/Commission, 13/69, Rec. p. 3, points 3 et 4, F./Commission, point 30, et du 19 avril 1988, M./Conseil, 175/86 et 209/86, Rec. p. 1891, point 16; voir également l'arrêt du Tribunal du 26 novembre 1991, Williams/Cour des comptes, T-146/89, Rec. p. II-1293, point 49, ci-après «arrêt Williams/Cour des comptes I»). En effet, l'objet de ces dispositions est de permettre au conseil de discipline, dans le cadre de son organisation interne, de procéder à une enquête suffisamment complète présentant pour l'intéressé toutes les garanties voulues par le statut.

73.
    En l'espèce, il ressort du procès-verbal de la première séance du conseil de discipline que, conformément à l'article 3 de l'annexe IX, le président a désigné l'un de ses membres comme rapporteur, afin qu'il soit fait rapport sur l'ensemble de l'affaire. Si les procès-verbaux versés au dossier font, certes, apparaître que celui-ci n'a pas été le seul des membres du conseil de discipline à interroger le requérant et le témoin lors des auditions, il ne saurait pour autant en être déduit que les fonctions de rapporteur n'ont pas été exercées.

74.
    S'agissant, par ailleurs, du grief selon lequel il n'aurait pas été fait rapport sur l'ensemble de l'affaire, il convient de souligner que l'article 3 de l'annexe IX se limite à prévoir la mission du rapporteur sans prescrire de formalités particulières pour l'exécution de celle-ci, comme la production d'un rapport écrit ou encore la communication aux parties d'un tel rapport. Par conséquent, il n'est pas exclu qu'un rapport puisse être présenté oralement par le rapporteur aux autres membres du conseil de discipline. En l'espèce, il n'est pas établi par le requérant qu'un tel rapport n'a pas été présenté. En outre, le requérant ne fournit pas le moindre élément de nature à démontrer que le conseil de discipline n'a pas procédé à une enquête suffisamment complète, présentant pour lui toutes les garanties voulues par le statut (voir l'arrêt F./Commission, point 30, et l'arrêt du Tribunal du 28 juin 1996, Y/Cour de justice, T-500/93, RecFP p. II-977, point 52), et, partant, qu'il n'a pas pu statuer en pleine connaissance de cause. Dans ces conditions, l'argumentation du requérant doit être rejetée.

75.
    Quant aux extraits cités par le requérant de la note du 24 novembre 1983, adressée aux membres de la Commission par le président de cette institution et par le membre en charge des questions de personnel, il convient de relever qu'ils concernent les «possibilités d'amélioration» du fonctionnement de la procédure disciplinaire alors envisagées au sein de la Commission [point 4, sous b)] et qu'il s'agit de simples propositions, adressées aux seuls membres de la Commission, et non de règles de droit que le requérant serait fondé à invoquer. Il y a lieu de constater, en outre, que les extraits cités ne comportent aucun élément permettant

de considérer que les règles de la procédure devant le conseil de discipline auraient, en l'espèce, été méconnues.

76.
    En conséquence, la troisième branche du moyen doit être rejetée.

Sur la participation irrégulière du président du conseil de discipline à la procédure

— Arguments des parties

77.
    Le requérant fait valoir, tout d'abord, que l'avis du conseil de discipline a été adopté avec la participation active de son président et, partant, en violation de l'article 8 de l'annexe IX. En outre, le président du conseil aurait fait preuve de partialité à l'occasion de l'audition du requérant, puisqu'il aurait qualifié son comportement de «malhonnête et déloyal», et aurait essayé de nier l'importance d'éléments produits à sa décharge.

78.
    La Commission répond qu'il n'a pas été nécessaire, en l'espèce, d'avoir recours au vote du président du conseil de discipline, dès lors que l'avis a été adopté à la majorité des membres du conseil. Il ne serait d'ailleurs même pas allégué que le président du conseil de discipline a participé au vote.

— Appréciation du Tribunal

79.
    En vertu de l'article 4 de l'annexe II du statut, «le ou les conseils de discipline sont composés d'un président et de quatre autres membres».

80.
    Aux termes de l'article 8, premier alinéa, de l'annexe IX, «le président du conseil de discipline ne participe pas aux décisions du conseil, sauf lorsqu'il s'agit de questions de procédure ou en cas de partage égal de voix».

81.
    Selon la jurisprudence, cette disposition a pour but de permettre au système paritaire, qui inspire la constitution des conseils de discipline, de fonctionner dans toute la mesure où les conseils sont capables, sur cette base, de former en leur sein une majorité. Elle doit donc être interprétée en ce sens que le président du conseil de discipline n'est appelé à participer, par son vote, qu'en cas de partage égal des voix et, pour le surplus, dans les décisions de procédure. Le président jouit toutefois, en vertu de sa qualité même, de tous les pouvoirs nécessaires en vue d'assurer le fonctionnement normal du conseil de discipline. En conséquence, lorsque le président du conseil de discipline n'a pas eu l'occasion d'intervenir, par son vote, dans la décision sur l'avis motivé, mais s'est limité à accomplir les divers actes relatifs à la procédure disciplinaire relevant de l'exercice normal de ses prérogatives, il ne saurait lui être reproché d'avoir pris une part active aux délibérations, en violation de l'article 8 susvisé (arrêts de la Cour du 30 mai 1973, De Greef/Commission, 46/72, Rec. p. 543, points 35 à 41, et Drescig/Commission, 49/72, Rec. p. 565, points 24 à 30).

82.
    En l'espèce, il ressort du texte même de l'avis du conseil de discipline que le président du conseil de discipline n'a pas eu à participer au vote sur l'avis motivé et que ce dernier a été adopté à la majorité des quatre autres membres. Il ressort également des procès-verbaux versés au dossier que, à l'ouverture du délibéré, le président du conseil de discipline s'est limité à inviter les membres de celui-ci à apprécier si les faits reprochés étaient établis et à déterminer le degré de sanction à infliger, ce qui relève de l'exercice normal de ses prérogatives. Dès lors, le requérant ne saurait valablement invoquer une violation de l'article 8 de l'annexe IX, au motif que le président du conseil de discipline aurait pris une part active aux délibérations.

83.
    En tout état de cause, il y a lieu de souligner que la présence du président aux délibérations du conseil de discipline s'avère nécessaire afin, notamment, de lui permettre, le cas échéant, de participer au vote en pleine connaissance de cause en cas de partage des voix ou lors de l'adoption de décisions de procédure.

84.
    Quant à la prétendue partialité du président du conseil de discipline à l'égard du requérant durant les auditions, elle n'est corroborée par aucun élément de preuve. Par conséquent, dans la mesure où, en outre, il n'est ni allégué ni démontré quele conseil de discipline aurait manqué au devoir qui est le sien, en sa qualité d'organe d'instruction, de statuer de manière indépendante et impartiale (voir, à cet égard, arrêt F./Commission, point 16, et arrêt du Tribunal du 19 mars 1998, Tzoanos/Commission, T-74/96, RecFP p. II-343, point 340), l'argumentation du requérant doit être rejetée.

85.
    Partant, la quatrième branche du moyen ne saurait être accueillie.

86.
    Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le premier moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré d'un défaut de motivation et de la violation, par le conseil de discipline, de l'article 7 de l'annexe IX, des droits de la défense, ainsi que du principe de bonne administration

Arguments des parties

87.
         Le requérant estime que, sous couvert d'une motivation formelle, l'avis du conseil de discipline et la décision de révocation sont, en réalité, entachés d'un défaut de motivation, dans la mesure où les moyens qu'il avait soulevés à l'appui de sa défense sont restés sans réponse.

88.
    Selon le requérant, ni le conseil de discipline ni l'AIPN n'auraient répondu à ses arguments concernant l'inapplicabilité aux fonctionnaires en congé de convenance personnelle de l'article 17, second alinéa, du statut et l'interprétation erronée, par l'AIPN, de l'article 12 du statut. Il n'aurait pas non plus été répondu à son argument concernant le caractère irrégulier de certaines déclarations faites par les responsables de la Commission, qui préjugeaient de l'issue de la procédure.

89.
    En outre, l'avis du conseil de discipline et la décision de révocation se limiteraient, sans motivation, à constater l'existence d'une contrariété entre son ouvrage et la politique de la Commission, alors que le requérant avait signalé l'imprécision du rapport de saisine du conseil à ce sujet, ainsi que la nécessité d'une audition préalable par l'AIPN avant tout examen des griefs de fond. Dans sa réplique, le requérant conteste la citation, extraite de l'avis du conseil de discipline, selon laquelle il aurait fait part de sa décision de rendre public le danger que représentait la politique de la Commission.

90.
    En tout état de cause, le requérant estime que le conseil de discipline n'a pas pu procéder à un examen sérieux de tous ces arguments, qui étaient développés dans des mémoires qu'il avait déposés lors de son audition, le 5 décembre 1995, puisque l'avis a été adopté le même jour. Le procès-verbal de la réunion du conseil de discipline attesterait d'ailleurs de l'absence de débat sur le dossier de la défense. En conséquence, le conseil de discipline aurait méconnu l'article 7 de l'annexe IX et violé les droits de la défense ainsi que le principe de bonne administration.

91.
    La Commission considère que le conseil de discipline et l'AIPN ont satisfait à l'obligation de motivation en exposant les éléments qu'ils estimaient pertinents et en répondant aux arguments essentiels soulevés pendant la procédure.

Appréciation du Tribunal

92.
    En vertu de l'article 7 de l'annexe IX, le conseil de discipline doit, au vu des pièces produites devant lui et compte tenu, le cas échéant, des déclarations écrites ou verbales de l'intéressé et des témoins, ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émettre un avis motivé sur la sanction que lui paraissent devoir entraîner les faits reprochés.

93.
    Par ailleurs, il résulte d'une jurisprudence constante que la motivation d'une décision faisant grief doit permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur sa légalité et de fournir à l'intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est bien fondée (arrêts de la Cour du 20 février 1997, Daffix/Commission, C-166/95 P, Rec. p. I-983, point 23, et du 20 novembre 1997, Commission/V, C-188/96 P, Rec. p. I-6561, point 26; arrêt du Tribunal du 16 juillet 1998, Y/Parlement, T-144/96, RecFP p. II-1153, point 21). La question de savoir si la motivation de l'acte en cause satisfait aux exigences du statut doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais également de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt Y/Parlement, précité, point 22). Il y a lieu de souligner, à cet égard, que si le conseil de discipline et l'AIPN sont tenus de mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de leurs décisions et les considérations qui les ont amenés à les prendre, il n'est pas pour autant exigé qu'ils discutent tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés par l'intéressé au cours de la

procédure (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82, Rec. p. 19, point 22).

94.
    En l'espèce, s'agissant de l'application de l'article 17, paragraphe 2, du statut, le conseil de discipline et l'AIPN l'ont motivée en considérant que «tout fonctionnaire [y] reste soumis», après qu'il a été explicitement relevé, dans l'avis du conseil de discipline, que le requérant la contestait au motif qu'il était en congé de convenance personnelle. L'application de l'article 12 du statut est également motivée à suffisance de droit. En effet, l'avis du conseil de discipline et la décision de révocation rappellent les fonctions du requérant, soulignent la teneur des propos contenus dans son ouvrage, ainsi que la manière dont ce dernier s'était assuré de sa publication, et en concluent que l'ensemble du comportement du requérant a nui à la dignité de sa fonction. L'avis et la décision de révocation mettent donc clairement en rapport le comportement du requérant avec le contenu de l'interdiction de l'article 12 du statut et exposent les raisons essentielles pour lesquelles le conseil de discipline et l'AIPN ont estimé que les dispositions de cet article avaient été violées. La question de savoir si une telle appréciation est adéquate relève de l'examen au fond, et non de celui du caractère suffisant ou non de la motivation.

95.
    S'agissant du grief tiré de ce qu'il n'aurait pas été répondu à l'argument selon lequel certaines déclarations de membres de la Commission mettaient en cause l'impartialité de la procédure engagée contre lui, il ressort du dossier que, par cet argument, le requérant s'était limité à faire valoir, devant le conseil de discipline, que «cette situation appel[ait] donc une vigilance et une indépendance toute particulière [de celui-ci]» (annexe A.1 à la requête, p. 17). Or, le requérant n'allègue pas que, en l'espèce, le conseil de discipline a manqué au devoir qui est le sien, en sa qualité d'organe d'instruction, de statuer de manière indépendante et impartiale. Par conséquent, ce grief est dépourvu de pertinence.

96.
    Au surplus, il importe de relever que l'argument en cause n'évoquait pas d'élément de fait ou de droit dont dépendait la justification de la sanction recommandée, de sorte que la décision de révocation ne saurait être entachée d'un défaut de motivation sur ce point. En effet, les déclarations citées par le requérant envisageaient uniquement la possibilité que des sanctions soient adoptées contre lui au terme de la procédure disciplinaire et ne pouvaient pas altérer la régularité de cette procédure dans laquelle, en tout état de cause, l'administration est la partie qui prend l'initiative. A cet égard, il y a lieu de souligner que, d'une part, le conseil de discipline connaît la position de l'administration par le biais de documents bien plus exhaustifs que ces déclarations à la presse, et que, d'autre part, la constatation d'un éventuel manquement du fonctionnaire poursuivi à ses obligations, et l'adoption en conséquence d'une sanction disciplinaire, appartiennent à l'administration elle-même, après une procédure contradictoire au cours de laquelle l'intéressé peut faire valoir son point de vue (voir l'ordonnance Connolly/Commission, précitée, point 38).

97.
    Doit également être rejeté l'argument du requérant selon lequel l'avis du conseil de discipline et la décision de révocation seraient insuffisamment motivés dans la mesure où ils considèrent que le requérant «ne pouvait ignorer que la publication de son ouvrage reflétait une opinion personnelle, discordante de la ligne de conduite adoptée par la Commission en tant qu'institution de l'Union européenne responsable de la poursuite d'un objectif majeur et d'un choix politique irréversible inscrit dans le traité de l'Union qui est l'Union économique et monétaire». En effet, il convient de relever que le litige concernait un conflit d'opinion évident et connu entre le requérant et la Commission quant à la politique monétaire de l'Union (ordonnance Connolly/Commission, précitée, point 36), dont l'ouvrage en cause, ainsi qu'il ressort du dossier, constitue l'expression manifeste, le requérant y écrivant, notamment, que «[sa] thèse centrale est que le MTC [le mécanisme des taux de change] et l'UEM ne sont pas seulement inefficaces, mais aussi antidémocratiques: un danger, non seulement pour [la] richesse [de l'Union], mais aussi pour les quatre libertés et, finalement, pour la paix» (p. 12 du livre) [«My central thesis is that ERM and EMU are not only inefficient but also undemocratic: a danger not only to our wealth but to our four freedoms and, ultimately, our peace»].

98.
    Il convient d'ajouter que l'avis et la décision de révocation constituent l'aboutissement de la procédure disciplinaire, dont les détails étaient suffisamment connus de l'intéressé (arrêt Daffix/Commission, précité, point 34). Or, ainsi qu'il ressort de l'avis du conseil de discipline, le requérant avait lui-même exposé, lors de son audition le 5 décembre 1995, que, pendant plusieurs années, il avait fait état, dans des documents rédigés dans le cadre de ses fonctions de chef de l'unité II.D.3, «des contradictions qu'il avait détectées dans les orientations de la Commission en matière économique et monétaire», et que, «ses analyses et propositions s'étant heurtées à l'opposition de ses supérieurs, il avait décidé, étant donné l'importance vitale du sujet en question et le danger que la politique poursuivie par la Commission comportait pour le futur de l'Union, de les rendre publiques». Bien que, dans sa réplique, le requérant ait contesté ces considérations de l'avis du conseil de discipline, il y a lieu néanmoins de constater qu'elles sont clairement confirmées par le procès-verbal de son audition, dont il ne conteste pas le contenu (voir, précisément, p. 4 à 7 du procès-verbal d'audition).

99.
    Au regard de ces éléments, la motivation de l'avis du conseil de discipline et de la décision de révocation ne sauraient, par conséquent, être considérées comme insuffisantes sur ce point.

100.
    Quant à la thèse du requérant selon laquelle le conseil de discipline n'aurait pas été en mesure de procéder à un examen sérieux de tous ses arguments, elle ne saurait non plus être accueillie. D'une part, il ressort clairement du procès-verbal de l'audition du requérant que celui-ci a exposé l'ensemble des arguments développés dans ses mémoires déposés auprès du conseil de discipline, de sorte que ce dernier a pu prendre connaissance de tous les éléments invoqués à l'appui

de sa défense. D'autre part, il résulte de ce qui précède que, conformément à l'article 7 de l'annexe IX, l'avis du conseil de discipline indique de manière suffisamment précise les faits retenus à la charge du requérant et les considérations l'ayant amené à recommander la sanction de la révocation, tout en répondant aux arguments essentiels soulevés pendant la procédure.

101.
    Enfin, compte tenu des éléments exposés ci-dessus, une violation du principe de bonne administration et des droits de la défense ne saurait être alléguée au motif que le conseil de discipline a délibéré le jour même de l'audition du requérant, une telle circonstance étant de nature à démontrer que cet organe a, au contraire, agi de manière diligente. Il convient, en outre, de constater que l'avis du conseil dediscipline a été définitivement adopté deux jours après cette audition.

102.
    Il découle de l'ensemble de ces considérations que le moyen doit être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l'article 11 du statut

Arguments des parties

103.
    Le requérant estime que l'avis du conseil de discipline et la décision de révocation sont fondés sur une interprétation erronée de l'article 11 du statut. Cette disposition aurait pour objet non pas d'interdire aux fonctionnaires de percevoir des droits d'auteur du fait de la publication de leurs ouvrages, mais de garantir leur indépendance en leur défendant d'accepter des instructions de personnes extérieures à leur institution. Or, en percevant des droits d'auteur, le requérant ne se serait mis sous l'autorité d'aucune personne extérieure à la Commission. L'interprétation donnée, en l'espèce, de l'article 11 du statut serait d'autant plus erronée qu'elle conduirait à interdire toutes les rémunérations de quelque source extérieure que ce soit, en ce compris les revenus de valeurs mobilières, et serait, dès lors, contraire à l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après «CEDH»), relatif au droit de propriété. En outre, une telle interprétation serait en contradiction avec la pratique de la Commission, qui serait d'admettre la perception de droits d'auteur, par les fonctionnaires, pour des services rendus lors de congés de convenance personnelle.

104.
    Dans sa réplique, le requérant soutient que la Commission elle-même reconnaît l'absence de gravité de l'infraction alléguée en admettant que ce fait n'aurait jamais, à lui seul, entraîné la sanction de la révocation.

105.
    La Commission soutient que, dans la mesure où la perception de droits d'auteur n'aurait certes pas entraîné, à elle seule, la révocation du requérant, le fait d'avoir accepté cette rémunération d'une source extérieure à l'institution n'en est pas moins contraire à l'article 11, second alinéa, du statut. Contrairement à la thèse du requérant, il ne s'agirait pas d'un revenu assimilable à celui provenant de valeurs mobilières, mais d'une rémunération extérieure.

Appréciation du Tribunal

106.
    L'article 11 du statut dispose:

«Le fonctionnaire doit s'acquitter de ses fonctions et régler sa conduite en ayant uniquement en vue les intérêts des Communautés, sans solliciter ni accepter d'instruction d'aucun gouvernement, autorité, organisation ou personne extérieure à son institution.

Le fonctionnaire ne peut accepter d'aucun gouvernement ni d'aucune source extérieure à l'institution à laquelle il appartient, sans autorisation de l'[AIPN], une distinction honorifique, une décoration, une faveur, un don, une rémunération, de quelque nature qu'ils soient, sauf pour services rendus soit avant sa nomination, soit au cours d'un congé spécial pour service militaire ou national, et au titre de tels services.»

107.
    En l'espèce, tant le conseil de discipline que l'AIPN ont, dans l'avis et la décision de révocation, retenu une violation de l'article 11 du statut à la charge du requérant. La décision de révocation relève, en particulier, que «M. Connolly reconnaît avoir perçu les droits d'auteur qui lui ont été payés par ses éditeurs en contrepartie de la publication de son oeuvre».

108.
    A cet égard, il ressort des déclarations du requérant au conseil de discipline, ainsi que de l'attestation de son éditeur qu'il avait alors produite, que des «royalties» sur les ventes de son ouvrage lui ont effectivement été versées par ce dernier. Dès lors, ne saurait être accueilli l'argument du requérant selon lequel l'article 11 du statut ne serait pas violé, au motif que la perception de ces rémunérations n'impliquait pas qu'il fût sous l'influence d'une personne extérieure à son institution d'appartenance. En effet, une telle argumentation méconnaît les conditions objectives de la prohibition prévue par l'article 11, second alinéa, du statut, à savoir l'acceptation d'une rémunération, de quelque nature qu'elle soit, de la part d'une personne extérieure à l'institution, sans autorisation de l'AIPN. Or, force est de constater que ces conditions étaient réunies en l'espèce.

109.
    Le requérant ne peut valablement soutenir que cette interprétation de l'article 11, second alinéa, du statut conduit à une violation du droit de propriété tel qu'il est consacré par l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de la CEDH.

110.
    Tout d'abord, il convient de relever qu'il n'y a eu, en l'espèce, aucune atteinte au droit de propriété, la Commission n'ayant pas privé le requérant des sommes qu'il a perçues en rémunération de son ouvrage.

111.
         Il y a lieu de souligner, en outre, que, selon la jurisprudence, l'exercice de droits fondamentaux tels que le droit de propriété peut être soumis à des restrictions, à condition que celles-ci répondent à des objectifs d'intérêt général poursuivis par la

Communauté et ne constituent pas une intervention démesurée et intolérable portant atteinte à la substance même des droits garantis (voir l'arrêt de la Cour du 11 juillet 1989, Schräder HS Kraftfutter, 265/87, Rec. p. 2237, point 15, et la jurisprudence citée). Or, les prescriptions de l'article 11 du statut, dont il résulte que le fonctionnaire doit régler sa conduite en ayant uniquement en vue les intérêts des Communautés, répondent au souci légitime de garantir non seulement l'indépendance, mais aussi la loyauté du fonctionnaire à l'égard de son institution (voir, à cet égard, l'arrêt du Tribunal du 15 mai 1997, N/Commission, T-273/94, RecFP p. II-289, points 128 et 129, ci-après «arrêt N/Commission»), objectif dont la poursuite justifie l'inconvénient mineur d'obtenir une autorisation de l'AIPN pour la réception de sommes provenant de sources extérieures à l'institution d'appartenance.

112.
    L'argumentation du requérant selon laquelle le manquement n'était pas suffisamment grave pour entraîner, à lui seul, sa révocation est dénuée de pertinence dans le cadre du présent moyen, en ce qu'elle n'est pas non plus de nature à infirmer la constatation d'un manquement à l'obligation en cause. La question de savoir si la sanction imposée était disproportionnée relève du sixième moyen et doit être examinée dans le cadre de celui-ci au regard de l'ensemble des faits reprochés.

113.
    Quant à l'existence prétendue d'une pratique de la Commission consistant à admettre la perception de droits d'auteur, pour des services rendus par des fonctionnaires lors de congés de convenance personnelle, force est de constater qu'elle n'est nullement démontrée. Cette argumentation n'est, de surcroît, pas pertinente dès lors qu'il n'est pas allégué que la pratique en question aurait visé la publication d'ouvrages n'ayant pas reçu l'autorisation préalable visée à l'article 17 du statut. Le requérant ne soutient donc pas qu'il existait des assurances précises ayant éventuellement pu créer, dans son chef, des espérances fondées de ne pas avoir à solliciter l'autorisation prévue à l'article 11 du statut.

114.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, le moyen doit être rejeté.

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l'article 12 du statut

Arguments des parties

115.
    Le requérant fait valoir que le grief concernant une violation de l'article 12 du statut est illicite au motif qu'il est contraire au principe de la liberté d'expression, consacré explicitement par l'article 10 de la CEDH. En effet, l'interprétation de l'article 12 du statut à laquelle a procédé l'AIPN conduirait à interdire au fonctionnaire toute opinion personnelle, même en dehors du cadre professionnel. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme démontrerait d'ailleurs que la liberté d'expression d'un fonctionnaire ne peut être limitée que dans les cas visés à l'article 10, paragraphe 2, de la CEDH. Or, aucune des

exceptions visées à cet article n'aurait été invoquée par l'AIPN pour justifier la sanction infligée.

116.
    Par ailleurs, ce grief manquerait en fait. L'ouvrage en cause constituerait, tout d'abord, un travail d'analyse économique, l'analyse n'excluant toutefois pas la polémique. Ensuite, il ne serait pas établi que l'analyse contenue dans son ouvrage est contraire aux intérêts de la Communauté, d'autant plus que le requérant ne s'est pas opposé aux objectifs du traité. Comme l'attesteraient, au contraire, les notes internes qu'il avait élaborées, il se serait toujours conformé au devoir d'assistance et de conseil qui était le sien, en vertu de l'article 21 du statut, en signalant à ses supérieurs le caractère dangereux des moyens choisis pour parvenir à l'Union économique et monétaire.

117.
    Le requérant estime que la Commission dénature la portée de l'obligation de loyauté. En effet, celle-ci impliquerait de la part du fonctionnaire une certaine loyauté à l'égard des traités, mais pas un lien de confiance personnel dans l'institution qui l'emploie. En outre, le grief tiré d'une violation du devoir de loyauté viserait, selon la jurisprudence, l'article 21 du statut (arrêt Williams/Cour des comptes I), et non l'article 12. Aucune violation de l'article 21 du statut, n'ayant été formulée dans le rapport de l'AIPN portant saisine du conseil de discipline, il en résulterait une extension injustifiée de la procédure disciplinaire.

118.
    Quant aux références de la Commission aux observations faites dans son livre à l'égard de certaines personnes, le requérant rétorque que ni l'avis du conseil de discipline ni la décision de révocation n'ont finalement retenu le grief, formulé dans le rapport de l'AIPN, tiré de l'existence, dans son livre, d'attaques personnelles désobligeantes non étayées. Ces «légèretés de plume» étant intervenues dans un contexte d'analyse économique, elles devraient, de toute façon, être distinguées des injures et des diffamations qui faisaient l'objet de l'arrêt Williams/Cour des comptes I, dans lequel la sanction infligée était, en outre, plus modérée qu'en l'espèce.

119.
    La Commission fait valoir que le grief retenu à l'encontre du requérant, au titre de l'article 12 du statut, vise aussi plus largement le manquement à l'obligation de loyauté incombant aux fonctionnaires à l'égard de l'institution qui les emploie, obligation dont l'article 12 du statut constituerait, à l'instar des articles 11 et 17, une manifestation particulière (arrêt de la Cour du 14 décembre 1966, Alfieri/Parlement, 3/66, Rec. p. 633; arrêts du Tribunal Williams/Cour des comptes I, point 72, et du 7 mars 1996, Williams/Cour des comptes, T-146/94, RecFP p. II-329, points 98 et 99, ci-après «arrêt Williams/Cour des comptes II»).

120.
    Dans ce contexte, l'argumentation du requérant méconnaîtrait le fait que la liberté d'expression doit être conciliée avec les limites imposées par la relation de travail et le statut de fonctionnaire. A supposer même que la CEDH soit directement applicable, la jurisprudence de la Commission et de la Cour européenne des droits

de l'homme confirmerait d'ailleurs que la révocation d'un fonctionnaire s'étant exprimé publiquement, de façon incompatible avec sa fonction, n'est pas contraire à l'article 10 de la CEDH (arrêts du 28 août 1986, Kosiek/Allemagne, série A n° 105, et du 26 septembre 1995, Vogt/Allemagne, série A n° 323).

121.
    S'agissant de la nature même de l'ouvrage, la Commission estime qu'il s'agit d'un récit à vocation polémique, et non d'un traité d'économie. Elle renvoie, à titre d'exemple, à plusieurs extraits du livre (annexe 3 au mémoire en défense) et souligne que le requérant lui-même a qualifié son livre de «polémique» dans un article paru dans le quotidien britannique The Times, le 6 septembre 1995. Le livre comporterait, notamment, des observations péjoratives à l'égard de certainsresponsables de l'époque, comme l'attesteraient certains passages dans lesquels, par exemple, le chancelier allemand H. Kohl est qualifié de «Bismarck in a cardigan» (p. 337 du livre), le Premier ministre britannique J. Major de «clueless amateur» (p. 126 et 282), et le président de la Commission J. Delors, de menteur (p. 71) et «Euroracist» (p. 294), ce dernier étant en outre assimilé à un économiste nazi («Nazi professor») (p. 231). Seraient également formulées des appréciations non étayées sur, notamment, le prétendu «rôle ambigu» de la Cour de justice des Communautés européennes (p. 208) ou le fait que le personnel de la Commission serait toujours le défenseur des intérêts français (p. 4). Enfin, l'illustration choisie pour la couverture du livre serait difficilement compatible avec l'allégation selon laquelle il s'agirait d'un ouvrage d'analyse économique.

122.
    Outre le caractère insultant de l'ouvrage, la gravité du manquement du requérant à ses obligations statutaires résulterait du fait que, par ce livre, il se serait opposé, de manière publique, à la politique qu'il avait la responsabilité de promouvoir. L'argument selon lequel le fait d'avoir des opinions personnelles non conformes serait interdit au sein de la Commission serait également dénué de fondement. Comme l'attesteraient les notes produites par le requérant lui-même, les opinions de ce dernier étaient déjà connues auparavant, sans que cela ait jamais donné lieu à une procédure disciplinaire. Seul le fait d'avoir porté ces idées sur la place publique aurait été sanctionné.

Appréciation du Tribunal

123.
    Aux termes de l'article 12, premier alinéa, du statut, «le fonctionnaire doit s'abstenir de tout acte et, en particulier, de toute expression publique d'opinions qui puisse porter atteinte à la dignité de sa fonction».

124.
    Selon une jurisprudence constante, cette disposition vise, tout d'abord, à garantir que les fonctionnaires communautaires présentent, dans leur comportement, une image de dignité conforme à la conduite particulièrement correcte et respectable que l'on est en droit d'attendre des membres d'une fonction publique internationale (arrêts du Tribunal Williams/Cour des comptes II, point 65, N/Commission, point 127, et du 17 février 1998, E/CES, T-183/96, RecFP p. II-159, point 39, ci-après «arrêt E/CES»). Il en résulte, notamment, que des injures exprimées publiquement

par un fonctionnaire, et portant atteinte à l'honneur des personnes auxquelles elles se réfèrent, constituent en soi une atteinte à la dignité de la fonction au sens de l'article 12, premier alinéa, du statut (ordonnance de la Cour du 21 janvier 1997, Williams/Cour des comptes, C-156/96 P, Rec. p. I-239, point 21; arrêts Williams/Cour des comptes I, point 76 et 80, et Williams/Cour des comptes II, point 66).

125.
    En l'espèce, il ressort du dossier et des extraits du livre cités par la Commission que l'ouvrage litigieux contient de nombreuses affirmations agressives, dénigrantes, et souvent injurieuses, portant atteinte à l'honneur des personnes et des institutions auxquelles elles se réfèrent, et qui ont connu une publicité importante, notamment par voie de presse. Contrairement à ce que prétend le requérant, les propos cités par la Commission, et visés dans le rapport de l'AIPN portant saisine du conseil de discipline, ne sauraient être qualifiés de simples «légèretés de plume», mais doivent être considérés comme étant constitutifs, en soi, d'une atteinte à la dignité de la fonction.

126.
    L'argument selon lequel ni le conseil de discipline ni l'AIPN n'auraient finalement retenu ce dernier grief pour justifier sa révocation est dénué de fondement. Tous deux ont, en effet, expressément considéré, dans l'avis et la décision de révocation, que «l'ensemble du comportement de M. Connolly a porté atteinte à la dignité de sa fonction». Le fait que des extraits du livre ne sont pas cités expressis verbis dans la décision de révocation comme ils l'étaient dans le rapport de l'AIPN portant saisine du conseil de discipline ne saurait, dès lors, être interprété comme impliquant l'abandon du grief tiré d'une violation de l'article 12, premier alinéa, du statut. Il en est d'autant plus ainsi que la décision de révocation constitue l'aboutissement d'une procédure disciplinaire dont les détails étaient suffisamment connus de l'intéressé et au cours de laquelle, ainsi qu'il ressort des procès-verbaux versés au dossier, celui-ci a eu l'occasion de s'expliquer sur la teneur des propos contenus dans son livre.

127.
    Il y a lieu, ensuite, de souligner que l'article 12, premier alinéa, du statut constitue, au même titre que les articles 11 et 21, l'une des expressions spécifiques de l'obligation de loyauté qui s'impose à tout fonctionnaire (voir l'arrêt N/Commission, point 129, confirmé sur pourvoi par l'ordonnance de la Cour du 16 juillet 1998, N/Commission, C-252/97 P, Rec. p. I-4874). Contrairement à ce que fait valoir le requérant, il ne saurait être déduit de l'arrêt Williams/Cour des comptes I que cette obligation découle du seul article 21 du statut, le Tribunal ayant souligné, dans cet arrêt, que l'obligation de loyauté constitue un devoir fondamental, qui incombe à tout fonctionnaire vis-à-vis de l'institution dont il relève et de ses supérieurs, «dont l'article 21 du statut est une manifestation particulière». Par conséquent, doit être rejeté l'argument selon lequel l'AIPN ne pouvait valablement retenir, à l'encontre du requérant, une violation du devoir de loyauté, au motif que le rapport portant saisine de l'AIPN ne lui reprochait pas une violation de l'article 21 du statut.

128.
    De même, doit être rejetée la thèse selon laquelle le devoir de loyauté n'impliquerait pas la préservation d'un lien de confiance personnel entre le fonctionnaire et son institution, mais seulement une loyauté à l'égard des traités. En effet, l'obligation de loyauté impose non seulement que le fonctionnaire concerné s'abstienne de conduites attentatoires à la dignité de la fonction et au respect dû à l'institution et à ses autorités (voir, par exemple, l'arrêt Williams/Cour des comptes I, point 72, et l'arrêt du Tribunal du 18 juin 1996, Vela Palacios/CES, T-293/94, RecFP p. II-893, point 43), mais également qu'il fasse preuve, d'autant plus s'il a un grade élevé, d'un comportement au-dessus de tout soupçon, afin que les liens de confiance existant entre cette institution et lui-même soient toujours préservés (arrêt N/Commission, point 129). Or, en l'espèce, il convient de rappeler que l'ouvrage litigieux, outre le fait qu'il comportait des propos portant en soi atteinte à la dignité de la fonction, exprimait publiquement, ainsi que l'AIPN l'a constaté, une opposition fondamentale du requérant à la politique de la Commission qu'il avait pour fonction de mettre en oeuvre, à savoir la réalisation de l'Union économique et monétaire, objectif, par ailleurs, assigné par le traité.

129.
    Le requérant ne saurait utilement invoquer, dans ce contexte, une violation du principe de la liberté d'expression. Il ressort en effet de la jurisprudence en la matière que, si la liberté d'expression constitue un droit fondamental dont jouissent également les fonctionnaires communautaires (arrêt de la Cour du 13 décembre 1989, Oyowe et Traore/Commission, C-100/88, Rec. p. 4285, point 16), il n'en demeure pas moins que l'article 12 du statut, tel qu'interprété ci-dessus, ne constitue pas une entrave à la liberté d'expression des fonctionnaires, mais impose des limites raisonnables à l'exercice de ce droit dans l'intérêt du service (arrêt E/CES, point 41).

130.
    Il y a lieu de souligner, enfin, que cette interprétation de l'article 12, premier alinéa, du statut ne saurait être mise en cause au motif que, en l'espèce, la publication de l'ouvrage litigieux est intervenue lors d'une période de congé de convenance personnelle. A cet égard, il résulte de l'article 35 du statut que le congé de convenance personnelle constitue l'une des positions dans lesquelles peut être placé un fonctionnaire, de sorte que, pendant cette période, l'intéressé demeure soumis aux obligations découlant du statut, sauf dispositions contraires expresses. L'article 12 du statut visant tous les fonctionnaires, sans distinguer selon leur position, une telle circonstance ne pouvait, dès lors, exonérer le requérant des obligations que lui imposent cet article. Il en est d'autant plus ainsi que le respect dû par le fonctionnaire à la dignité de sa fonction ne se limite pas au moment particulier où il exerce telle ou telle tâche spécifique, mais s'impose à lui en toute circonstance (arrêt Williams/Cour des comptes II, point 68). Il en va de même de l'obligation de loyauté, laquelle, selon la jurisprudence, ne s'impose pas seulement dans la réalisation de tâches spécifiques, mais s'étend aussi à toute la sphère des relations existant entre le fonctionnaire et l'institution (arrêts Williams/Cour des comptes I, point 72, et E/CES, point 47).

131.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'AIPN a pu légitimement considérer que le requérant avait, de par son comportement, nui à la dignité de sa fonction et rompu de façon irréparable la confiance que la Commission est en droit d'exiger de ses fonctionnaires.

132.
    Il s'ensuit que le moyen doit être rejeté.

Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l'article 17 du statut

Sur la violation de l'article 17, premier alinéa, du statut

— Arguments des parties

133.
    Le requérant soutient que le conseil de discipline et l'AIPN ont retenu, à tort, qu'il avait violé le devoir de discrétion, prévu à l'article 17, premier alinéa, du statut, dans la mesure où, ainsi qu'il l'avait démontré lors de la procédure, les informations que le rapport de l'AIPN lui reprochait d'avoir publiées dans son livre provenaient de sources publiques.

134.
    En réponse à l'argument de la Commission selon lequel ce grief n'a pas été retenu dans la décision de révocation, le requérant en déduit, dans sa réplique, qu'il y a lieu de constater l'abandon de celui-ci par l'AIPN et, de fait, une aggravation de la sanction recommandée par le conseil, puisque le nombre d'incriminations était ainsi réduit. Dans la mesure où l'AIPN est tenue de motiver les raisons spécifiques pour lesquelles elle s'est écartée de l'avis du conseil de discipline, il en résulterait que la décision de révocation est entachée d'un défaut de motivation sur ce point.

135.
    La Commission soutient que le grief tiré d'une violation de l'article 17, premier alinéa, du statut n'a pas été retenu dans la décision de révocation et en déduit qu'il n'y a donc pas lieu de se prononcer à cet égard. En tout état de cause, l'AIPN ayant infligé au requérant la sanction recommandée par le conseil de discipline, et non pas une sanction plus grave, sa décision ne saurait être entachée d'un défaut de motivation sur ce point.

— Appréciation du Tribunal

136.
    Le requérant ayant pris acte, tant dans sa réplique que lors de l'audience, que l'AIPN n'avait pas retenu contre lui un manquement au devoir de discrétion dans la décision de révocation, le grief tiré d'une violation de l'article 17, premier alinéa, du statut est devenu sans objet (voir, en ce sens, l'arrêt E/CES, point 37).

137.
    S'agissant du grief tiré d'un défaut de motivation de la décision de révocation, pour autant qu'elle s'écarterait de l'avis du conseil de discipline en aggravant la sanction infligée, il n'a été soulevé qu'au stade de la réplique et, conformément à l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, il doit donc être rejeté comme

irrecevable en tant que moyen nouveau soulevé en cours d'instance. En tout état de cause, ce grief ne pourrait être accueilli en l'espèce. D'une part, il est constant que l'AIPN a infligé au requérant la sanction recommandée par le conseil de discipline, à savoir la révocation sans perte des droits à pension, de sorte qu'aucun surcroît de motivation n'était nécessaire. D'autre part, il ressort du deuxième moyen que l'AIPN a suffisamment exposé, dans la décision de révocation, les raisons pour lesquelles elle estimait que le comportement du requérant, de par sa gravité, rendait impossible le maintien d'une quelconque relation de travail avec la Commission.

138.
    En conséquence, la première branche du moyen doit être rejetée.

Sur la violation de l'article 17, second alinéa, du statut

— Arguments des parties

139.
    Le requérant soutient, en premier lieu, que l'interprétation de l'article 17, second alinéa, du statut, sur laquelle sont fondés l'avis du conseil de discipline et la décision de révocation, est contraire au principe de la liberté d'expression, consacré par l'article 10 de la CEDH, dans la mesure où elle conduit à interdire, par principe, toute publication. Or, des entraves à la liberté d'expression ne seraient autorisées que dans les hypothèses exceptionnelles énumérées à l'article 10, paragraphe 2, de la CEDH, dont la Commission aurait néanmoins admis, dans la décision de rejet de la réclamation, précitée, qu'elles n'étaient pas applicables en l'espèce. Dès lors, l'interprétation selon laquelle un fonctionnaire devrait obtenir une autorisation préalable pour toute publication quelle qu'elle soit, en dehors même des cas visés à l'article 10, paragraphe 2, de la CEDH, constituerait une entrave injustifiée à la liberté d'expression.

140.
    Selon le requérant, cette analyse n'est pas démentie par le fait que l'article 17, second alinéa, du statut institue un régime d'autorisation préalable, dans la mesure où il est ainsi permis à l'institution concernée d'exercer une censure sans limites. Par ailleurs, l'argument de la Commission, selon lequel le cas d'espèce ne relèverait pas de l'article 10 de la CEDH dès lors que l'AIPN est intervenue en qualité d'employeur, et non en tant qu'autorité publique à l'égard de tiers, serait erroné, au motif que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, les fonctionnaires peuvent se prévaloir de la CEDH en leur qualité de fonctionnaire (arrêt Vogt/Allemagne, précité).

141.
    En second lieu, le requérant soutient que l'article 17, second alinéa, du statut n'est pas applicable aux fonctionnaires en congé de convenance personnelle. En effet, dans la mesure où seul le premier alinéa de l'article 17 du statut précise qu'il s'impose au fonctionnaire après la cessation de ses fonctions, il en résulterait a contrario que le second alinéa du même article ne s'applique qu'aux fonctionnaires en activité. Cette interprétation serait confirmée par le fait que l'article 37 du statut, relatif à la position du fonctionnaire en détachement, dispose expressément

que celui-ci reste soumis aux obligations qui lui incombent en raison de son appartenance à son institution d'origine, alors que l'article 40 du statut, relatif à la position du fonctionnaire en congé de convenance personnelle, ne contient aucune disposition similaire.

142.
    Le requérant soutient que, en tout état de cause, il était fondé à croire en cette interprétation de l'article 17, second alinéa, du statut, compte tenu de la pratique suivie par la Commission, à tout le moins au sein de la DG II. A cet égard, il ressortirait de l'attestation de l'ancien directeur général de la DG II, déposée auprès du conseil de discipline, qu'une autorisation préalable de publication n'était jamais nécessaire pour les fonctionnaires en congé de convenance personnelle. L'argument de la Commission, selon lequel il serait alors inutile de demander aux fonctionnaires de préciser les activités qu'ils envisagent d'exercer pendant un congé de convenance personnelle, serait sans pertinence, dès lors qu'il est seulement demandé d'indiquer les motifs personnels du congé. Quant au fait, mentionné dans la décision de révocation, qu'il s'était déjà vu refuser des autorisations de publications, le requérant oppose que des autorisations lui avaient aussi été accordées.

143.
    La Commission rétorque, en premier lieu, que, dans la mesure où la révocation d'un fonctionnaire pour manquement à son devoir de loyauté échappe au domaine d'application de la CEDH ou, en tout état de cause, n'est pas contraire à son article 10, l'obligation de demander une autorisation préalable de publication est d'autant plus justifiée qu'il s'agit d'une mesure préventive, permettant ainsi au fonctionnaire d'éviter des sanctions. En outre, l'article 17, second alinéa, du statut instaurerait un droit de publier, puisqu'un refus doit être motivé par la mise en jeu des intérêts des Communautés, ce qui serait, notamment, le cas lorsque l'opinion exprimée est incompatible avec les fonctions de l'intéressé.

144.
    En second lieu, la Commission fait valoir qu'un fonctionnaire en congé de convenance personnelle reste soumis à l'obligation prévue à l'article 17, paragraphe 2, du statut, dès lors que, en vertu de l'article 35 du statut, il demeure fonctionnaire pendant cette période de congé.

145.
    Quant à l'existence alléguée d'une pratique antérieure au sein de la Commission, elle serait démentie par le fait qu'il est toujours préalablement demandé aux fonctionnaires sollicitant un congé de convenance personnelle d'indiquer les activités qu'ils comptent avoir pendant cette période. A supposer même qu'une telle pratique ait existé au sein de la DG II, le requérant ne pouvait avoir aucune confiance légitime dans son maintien: d'une part, cela aurait supposé une promesse spécifique à son intention; d'autre part, en admettant même que le précédent supérieur hiérarchique du requérant ait formulé une telle promesse, elle serait inopposable à la Commission puisqu'elle serait illégale et émanerait d'une personne n'ayant pas la qualité d'AIPN.

— Appréciation du Tribunal

146.
    L'article 17, second alinéa, du statut, dispose:

«Le fonctionnaire ne doit ni publier ni faire publier, seul ou en collaboration, un texte quelconque dont l'objet se rattache à l'activité des Communautés sans l'autorisation de l'[AIPN]. Cette autorisation ne peut être refusée que si la publication envisagée est de nature à mettre en jeu les intérêts des Communautés.»

147.
    En l'espèce, il est constant que le requérant a procédé à la publication de son ouvrage sans demander l'autorisation préalable prévue par la disposition précitée. Toutefois, le requérant, sans soulever expressément une exception d'illégalité visant à mettre en cause la validité de l'article 17, second alinéa, du statut dans son ensemble, considère que la Commission a procédé à une interprétation de cette disposition contraire au principe de la liberté d'expression.

148.
    A cet égard, il convient de rappeler que le droit à la liberté d'expression, consacré par l'article 10 de la CEDH, constitue, ainsi qu'il a déjà été souligné, un droit fondamental dont le juge communautaire assure le respect et dont jouissent, en particulier, les fonctionnaires communautaires (arrêts Oyowe et Traore/Commission, précité, point 16, et E/CES, point 41). Néanmoins, il résulte également d'une jurisprudence constante que les droits fondamentaux n'apparaissent pas comme des prérogatives absolues, mais peuvent comporter des restrictions, à condition que celles-ci répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général poursuivis par la Communauté et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (arrêts de la Cour Schräder HS Kraftfutter, précité, point 15, et du 5 octobre 1994, X/Commission, C-404/92 P, Rec. p. I-4737, point 18; arrêts du Tribunal du 13 juillet 1995, K/Commission, T-176/94, RecFP p. II-621, point 33, et N/Commission, point 73).

149.
    Examiné à la lumière de ces principes, et à l'instar de ce qui a été jugé à propos de l'article 12 du statut (voir, ci-dessus, point 129, et arrêt E/CES, point 41), l'article 17, second alinéa, tel qu'il a été interprété dans la décision de révocation, ne saurait être considéré comme imposant une restriction injustifiée à la liberté d'expression des fonctionnaires.

150.
    En effet, il convient, en premier lieu, de souligner que l'exigence d'une autorisation préalable de publication répond à l'objectif légitime qu'un texte ayant trait à l'activité des Communautés ne puisse pas porter atteinte à leurs intérêts et, notamment, comme en l'espèce, à la réputation et à l'image de l'une des institutions.

151.
    En second lieu, l'article 17, second alinéa, du statut ne constitue pas une mesure disproportionnée à l'objectif d'intérêt général que ledit article vise à sauvegarder.

152.
    A cet égard, il convient, tout d'abord, de relever que, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne saurait être déduit de l'article 17, second alinéa, du statut que le régime d'autorisation préalable qu'il prévoit permet à l'institution concernée d'exercer, par ce biais, une censure sans limites. D'une part, en vertu de cette disposition, l'autorisation préalable de publication n'est exigée que lorsque le texte que le fonctionnaire intéressé envisage de publier, ou de faire publier, «se rattache à l'activité des Communautés». D'autre part, il ressort de cette même disposition qu'il n'est institué aucune prohibition absolue de publication, mesure qui, en soi, porterait atteinte à la substance même du droit à la liberté d'expression. Force est, au contraire, de constater que l'article 17, second alinéa, dernière phrase, du statut établit clairement le principe d'octroi de l'autorisation de publication en disposant expressément qu'une telle autorisation ne peut être refusée que si la publication en cause est de nature à mettre en jeu les intérêts des Communautés. Une telle décision étant, par ailleurs, susceptible de recours conformément aux articles 90 et 91 du statut, il en résulte qu'un fonctionnaire, estimant qu'un refus d'autorisation lui aurait été opposé en violation des dispositions du statut, a la possibilité de recourir aux voies de droit qui lui sont ouvertes en vue de soumettre au contrôle du juge communautaire l'appréciation de l'institution concernée.

153.
    Il importe également de souligner que la formalité exigée par l'article 17, second alinéa, du statut constitue une mesure préventive, permettant, d'une part, de ne pas mettre en péril les intérêts des Communautés et, d'autre part, ainsi que le fait valoir la Commission à juste titre, d'éviter, postérieurement à la publication d'un texte mettant en cause les intérêts des Communautés, l'adoption, par l'institution concernée, de sanctions disciplinaires à l'encontre du fonctionnaire ayant exercé son droit d'expression de manière incompatible avec ses fonctions.

154.
    En l'espèce, il y a lieu de constater que, dans la décision de révocation, l'AIPN a retenu, à l'encontre du requérant, un manquement à cette disposition aux motifs, d'une part, que l'intéressé n'avait pas demandé d'autorisation de publication pour son ouvrage, d'autre part, qu'il ne pouvait ignorer qu'une telle autorisation lui serait refusée pour les mêmes raisons que celles ayant dicté le refus d'autorisations antérieures de publier certains articles ayant un contenu similaire et, enfin, que, par sa conduite, le requérant avait gravement lésé les intérêts des Communautés et porté préjudice à l'image et à la réputation de l'institution.

155.
    Dès lors, et à la lumière de l'ensemble des considérations qui précèdent, il ne peut être déduit de la décision de révocation que le manquement à l'article 17, second alinéa, du statut, reproché au requérant, aurait également été retenu en l'absence de toute atteinte à l'intérêt des Communautés, de sorte que la portée donnée à cette disposition par l'AIPN n'apparaît pas comme excédant l'objectif poursuivi et, partant, comme contraire au principe de la liberté d'expression.

156.
    Dans ces conditions, le grief tiré d'une violation du droit à la libre expression doit être rejeté.

157.
    L'argument selon lequel l'article 17, second alinéa, du statut ne serait pas applicable aux fonctionnaires en congé de convenance personnelle est également dénué de fondement. En effet, ainsi qu'il a été souligné ci-dessus (voir point 130),il résulte de l'article 35 du statut qu'un fonctionnaire en congé de convenance personnelle conserve la qualité de fonctionnaire pendant cette période et qu'il demeure donc soumis aux obligations qui découlent du statut sauf dispositions expresses contraires. Or, l'article 17, second alinéa, du statut vise tout fonctionnaire, sans distinguer selon la position de l'intéressé. Par conséquent, le fait que le requérant était en congé de convenance personnelle lors de la publication de son ouvrage ne l'exonérait pas de l'obligation que lui imposait l'article 17, second alinéa, du statut de solliciter préalablement une autorisation de publication auprès de l'AIPN.

158.
    Cette interprétation n'est pas contredite par le fait que, à l'inverse du second alinéa, de l'article 17, du statut, le premier alinéa du même article dispose expressément qu'un fonctionnaire demeure soumis au devoir de discrétion après la cessation de ses fonctions. En effet, un fonctionnaire en position de congé de convenance personnelle ne saurait être assimilé à celui ayant définitivement cessé ses fonctions, visé à l'article 47 du statut, et qui, partant, ne relève pas de l'une des positions du fonctionnaire, énumérées à l'article 35 du statut.

159.
    Est également sans pertinence l'argument a contrario tiré de ce que, en vertu de l'article 37, second alinéa, du statut, le fonctionnaire en détachement «reste soumis aux obligations qui lui incombent en raison de son appartenance à son institution d'origine». En effet, le détachement peut impliquer une mise à la disposition d'une autre institution que l'institution d'origine (ou d'une personne exerçant un mandat au sein d'une autre institution). Cette disposition vise donc seulement à déterminer si le fonctionnaire concerné demeure également soumis à ses obligations statutaires vis-à-vis de son institution d'origine. Aucun argument ne peut, dès lors, en être déduit pour ce qui est des obligations du fonctionnaire en position de congé de convenance personnelle, pour lequel la question de l'appartenance à une autre institution communautaire ne se pose pas.

160.
    Il résulte de l'ensemble de ces éléments que c'est à juste titre que le conseil de discipline et l'AIPN ont considéré que le requérant avait violé l'article 17, second alinéa, du statut.

161.
    Enfin, la prétendue existence d'une pratique générale de la Commission, en vertu de laquelle une autorisation préalable de publication n'était pas exigée des fonctionnaires en congé de convenance personnelle, n'est nullement démontrée par la déclaration qu'invoque le requérant. Par ladite déclaration, l'ancien directeur général de la DG II se limite, en effet, à attester que M. Connolly s'était déjà vu accorder, en 1985, un congé de convenance personnelle d'une année afin de travailler au sein d'une institution financière privée et que, pendant cette période, il n'avait pas estimé devoir approuver les textes rédigés par le requérant pour le

compte de cette institution, ou même émettre des observations à leur égard. Il s'ensuit que l'argument n'est pas fondé.

162.
    Par suite, le moyen doit être rejeté.

Sur le sixième moyen, tiré d'une erreur manifeste d'appréciation et de la violation du principe de proportionnalité

Arguments des parties

163.
    Le requérant estime que la décision de révocation est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des faits et viole le principe de proportionnalité, en ce qu'elle omet de tenir compte de plusieurs circonstances atténuantes, à savoir, d'une part, ses bons états de service, et, d'autre part, sa bonne foi quant à la liberté de publier pendant une période de congé de convenance personnelle. Il soutient, en outre, que les fonctionnaires affectés à la DG II savaient que son congé serait l'occasion de préparer un ouvrage et que certains d'entre eux lui avaient même recommandé de le rédiger. Enfin, la sanction serait d'autant plus disproportionnée que seules des infractions formelles aux articles 11, 12 et 17, du statut lui étaient initialement reprochées.

164.
    La Commission répond que le fait de ne pas avoir fait l'objet de procédures disciplinaires auparavant est inopérant. Par ailleurs, il serait malvenu pour le requérant d'invoquer sa bonne foi, dès lors que, dans sa demande de congé, celui-ci avait indiqué d'autres motifs que celui de la préparation d'un livre.

Appréciation du Tribunal

165.
    Selon une jurisprudence constante, dès lors que la réalité des faits retenus à la charge du fonctionnaire est établie, le choix de la sanction adéquate appartient à l'AIPN, et le juge communautaire ne saurait substituer son appréciation à celle de cette autorité, sauf en cas d'erreur manifeste ou de détournement de pouvoir (arrêts De Greef/Commission, précité, point 45, F./Commission, point 34, Williams/Cour des comptes I, point 83, et D/Commission, précité, point 96). Il convient de rappeler également que la détermination de la sanction à infliger est fondée sur une évaluation globale par l'AIPN de tous les faits concrets et circonstances propres à chaque cas individuel, les articles 86 et 89 du statut ne prévoyant pas de rapports fixes entre les sanctions disciplinaires indiquées et les différentes sortes de manquements et ne précisant pas dans quelle mesure l'existence de circonstances aggravantes ou atténuantes intervient dans le choix de la sanction (arrêt de la Cour du 5 février 1987, F./Commission, 403/85, Rec. p. 645, point 26; arrêts Williams/Cour des comptes I, point 83, et Y/Parlement, précité, point 34).

166.
    En l'espèce, il convient de constater, tout d'abord, que la réalité des faits reprochés au requérant est établie.

167.
    Il y a lieu de relever, ensuite, que la sanction infligée ne saurait être considérée comme étant disproportionnée ou comme résultant d'une erreur manifeste d'appréciation. Même s'il n'est pas contesté que le requérant avait de bons états de service, l'AIPN pouvait néanmoins légitimement considérer que, eu égard à la gravité des faits retenus, au grade et aux responsabilités du requérant, une telle circonstance n'était pas susceptible d'atténuer la sanction à infliger.

168.
    Par ailleurs, l'argument du requérant, selon lequel il aurait dû être tenu compte de sa bonne foi quant à la portée des devoirs du fonctionnaire en congé de convenance personnelle, ne peut être accueilli. Il résulte, en effet, de la jurisprudence que les fonctionnaires sont censés connaître le statut (arrêts du Tribunal du 18 décembre 1997, Daffix/Commission, T-12/94, RecFP p. II-1197, point 116, et du 7 juillet 1998, Telchini e.a./Commission, T-116/96, T-212/96 et T-215/96, RecFP p. II-947, point 59), de sorte que leur prétendue ignorance des obligations leur incombant à ce titre ne saurait être constitutive de bonne foi. L'argument est d'autant moins fondé en l'espèce qu'il est admis par le requérant que ses collègues connaissaient son intention de préparer l'ouvrage litigieux pendant son congé de convenance personnelle, alors que, dans la demande qu'il avait adressée à l'AIPN en application de l'article 40 du statut, il avait indiqué d'autres motifs que la préparation de cet ouvrage. Étant donné que de telles déclarations sont contraires aux liens de loyauté et de confiance qui doivent régir les relations entre administration et fonctionnaires, et inconciliables avec l'intégrité exigée de tout fonctionnaire (voir, en ce sens, arrêt M./Conseil, précité, point 21), l'AIPN pouvait, dès lors, considérer à juste titre que l'argument du requérant, concernant sa prétendue bonne foi, n'était pas fondé.

169.
    En conséquence, le moyen doit être rejeté.

Sur le septième moyen, tiré d'un détournement de pouvoir

170.
    Le requérant fait valoir qu'un ensemble d'indices démontre l'existence d'un détournement de pouvoir. Il invoque, à cet égard, les déclarations de certains membres de la Commission, qui démontreraient que le choix de la sanction avait déjà été décidé avant l'ouverture de la procédure disciplinaire; le fait que la Commission n'ait pas pris soin de l'avertir des problèmes posés par la publication de son ouvrage, alors qu'elle en avait connaissance par un article de presse du 10 juillet 1995; l'initiative qu'elle aurait prise, par une note du 28 juillet 1995, de modifier les modalités de calcul de la réduction des traitements en cas de suspension; les irrégularités de procédure dénoncées dans le présent recours et, enfin, l'absence de prise en considération de sa bonne foi quant au fait qu'il n'avait pas averti ses supérieurs de ses intentions.

171.
    Il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence, le détournement de pouvoir consiste, pour une autorité administrative, à user de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Dès lors, une décision n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêt Williams/Cour des comptes I, points 87 et 88).

172.
    Sur les déclarations faites par certains membres de la Commission avant l'ouverture de la procédure disciplinaire, il suffit de rappeler que, ainsi qu'il a été souligné au point 96 ci-dessus, ces déclarations ne reflétaient qu'une appréciation provisoire de la part des membres de la Commission concernés et qu'elles ne pouvaient pas, dans les circonstances de l'espèce, altérer la régularité de la procédure disciplinaire.

173.
    De même, l'argument du requérant selon lequel la Commission aurait dû l'avertir des risques qu'il encourait en publiant son ouvrage ne peut davantage être accueilli. Ainsi que le fait valoir la Commission à juste titre, celle-ci ne saurait être tenue pour responsable des initiatives que le requérant avait, en outre, pris soin de lui dissimuler lors de sa demande de congé de convenance personnelle. Par ailleurs, pour les raisons exposées dans le cadre des premier et sixième moyens, il y a lieu également de rejeter les arguments tirés de l'existence d'irrégularités dans le déroulement de la procédure disciplinaire et de la bonne foi du requérant.

174.
    Quant à l'argument tiré d'une modification, par la Commission, des modalités générales de calcul de la réduction des traitements en cas de suspension, il suffit de relever qu'elle ne concerne pas spécifiquement la révocation du requérant, et qu'elle ne peut donc démontrer le détournement de pouvoir allégué.

175.
    Dès lors, il n'est pas établi que, en infligeant la sanction prononcée, l'AIPN a poursuivi un but autre que celui de sauvegarder l'ordre interne de la fonction publique communautaire. Le septième moyen doit donc être rejeté.

176.
    Il découle de tout ce qui précède que les conclusions en annulation doivent être rejetées.

Sur les conclusions en indemnité

177.
    Le requérant soutient que les irrégularités dénoncées dans le cadre de son recours en annulation lui ont causé un préjudice matériel et moral.

178.
    A cet égard, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, des conclusions tendant à la réparation du préjudice matériel ou moral doivent être rejetées dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées soit comme irrecevables, soit comme non fondées (arrêt N/Commission, point 159, et la jurisprudence citée).

179.
    En l'espèce, il existe un lien étroit entre les conclusions en annulation et les conclusions en indemnité, l'objet de ces dernières étant d'obtenir «réparation des irrégularités dénoncées dans le cadre du recours en annulation». Partant, dans la mesure où l'examen des moyens présentés au soutien des conclusions en annulationn'a révélé aucune illégalité commise par la Commission, et donc aucune faute de nature à engager sa responsabilité, les conclusions en indemnité doivent être rejetées.

180.
    Le recours doit, en conséquence, être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

181.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à ce que le Tribunal statue sur les dépens comme de droit, chacune des parties supportera ses propres dépens.

182.
    En outre, aux termes de l'article 87, paragraphe 5, troisième alinéa, du règlement de procédure, en cas de désistement, et à défaut de conclusions sur les dépens, chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête:

1)    Les affaires T-34/96 et T-163/96 sont jointes aux fins de l'arrêt. L'affaire T-34/96 est radiée du registre du Tribunal.

2)    Le recours dans l'affaire T-163/96 est rejeté.

3)    Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Vesterdorf
Pirrung
Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 mai 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: le français.