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CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. L. A. GEELHOED

présentées le 16 octobre 2003 (1)

Affaire C-230/02

Grossmann Air Service, Bedarfsluftfahrunternehmen GmbH & Co. KG

contre

République d'Autriche

«Interprétation de l'article 1er, paragraphe 3, en relation avec l'article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l'application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux - Personnes auxquelles des procédures de recours sont accessibles - Personnes ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché public - Personne ne pouvant exécuter la totalité d'un marché - Personne n'ayant pas utilisé une voie de recours ouverte lors d'un stade antérieur de la procédure»

I - Introduction

1.
    Dans cette affaire, le Bundesvergabeamt (Autriche) a posé des questions préjudicielles concernant l'interprétation de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l'application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (2), telle que modifiée par la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (3) (ci-après la «directive 89/665»).

2.
    Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Grossmann Air Service, Bedarfsluftfahrunternehmen GmbH & Co. KG (ci-après «Grossmann Air Service») à la république d'Autriche.

II - Le cadre juridique

A - La réglementation communautaire

3.
    L'article 1er, paragraphes 1 et 3, de la directive 89/665 dispose:

«1.    Les États membres prennent, en ce qui concerne les procédures de passation des marchés publics relevant du champ d'application des directives 71/305/CEE, 77/62/CEE et 92/50/CEE [...], les mesures nécessaires pour garantir que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l'objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, dans les conditions énoncées aux articles suivants, et notamment à l'article 2 paragraphe 7, au motif que ces décisions ont violé le droit communautaire en matière de marchés publics ou les règles nationales transposant ce droit.

[...]

3.    Les États membres assurent que les procédures de recours sont accessibles, selon des modalités que les États membres peuvent déterminer, au moins à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché public de fournitures ou de travaux déterminé et ayant été ou risquant d'être lésée par une violation alléguée. En particulier, ils peuvent exiger que la personne qui souhaite utiliser une telle procédure ait préalablement informé le pouvoir adjudicateur de la violation alléguée et de son intention d'introduire un recours.»

4.
    Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/665:

«1. Les États membres veillent à ce que les mesures prises aux fins des recours visés à l'article 1er prévoient les pouvoirs permettant :

[...]

b )    d'annuler ou de faire annuler les décisions illégales, y compris de supprimer les spécifications techniques, économiques ou financières discriminatoires figurant dans les documents de l'appel à la concurrence, dans les cahiers des charges ou dans tout autre document se rapportant à la procédure de passation du marché en cause».

B - La législation nationale

5.
    La directive 89/665 a été transposée en droit autrichien par le Bundesgesetz über die Vergabe von Aufträgen (Bundesvergabegesetz) 1997 (loi fédérale de 1997 sur la passation des marchés publics, BGBl. I, 1997/56, ci-après le «BVergG»). Le BVergG prévoit l'institution d'une Bundes-Vergabekontrollkommission (commission fédérale de contrôle des adjudications, ci-après la «B-VKK») et d'un Bundesvergabeamt (office fédéral des adjudications).

6.
    En vertu de l'article 109 du BVergG, la B-VKK est compétente, jusqu'à l'attribution du marché, pour concilier des divergences d'opinion entre l'entité adjudicatrice et un ou plusieurs candidats ou soumissionnaires relatives à l'application de la présente loi ou de ses règlements d'application (paragraphe 1). Une demande d'intervention de la B-VKK doit être présentée à la direction de cet organisme le plus rapidement possible après connaissance de la divergence d'opinion (paragraphe 6). En outre, l'entité adjudicatrice ne peut pas attribuer le marché dans un délai de quatre semaines à compter du moment où elle a été informée de la demande d'intervention, sous peine de nullité de l'adjudication (paragraphe 8).

7.
    L'article 113 du BVergG prévoit que le Bundesvergabeamt est compétent pour examiner les procédures de recours dont il est saisi (paragraphe 1). En vue de mettre fin aux violations de la présente loi fédérale et de ses règlements d'application, le Bundesvergabeamt est compétent, jusqu'à l'attribution du marché, pour prescrire des mesures provisoires et annuler des décisions illégales de l'entité adjudicatrice du pouvoir adjudicateur (paragraphe 2). Après l'attribution du marché ou après la clôture de la procédure d'adjudication, le Bundesvergabeamt est compétent pour constater que, du fait d'une infraction à la présente loi fédérale ou à ses règlements d'application, le marché n'a pas été attribué au mieux-disant (paragraphe 3).

8.
    L'article 115, paragraphe 1, du BVergG dispose que tout entrepreneur qui allègue un intérêt à la conclusion d'un contrat soumis au champ d'application de la présente loi fédérale peut introduire, contre les décisions prises par le pouvoir adjudicateur dans le cadre de la procédure d'adjudication, une procédure de recours pour illégalité, lorsque cette illégalité l'a lésé ou risque de le léser.

III - Les faits et la procédure

9.
    Le 27 janvier 1998, le ministère fédéral des Finances a lancé un appel d'offres portant sur la fourniture de services de transport non réguliers pour le gouvernement autrichien et ses délégations en jet ou en avion à hélice. C'est dans ce cadre que Grossmann Air Service a présenté une offre.

10.
    La procédure de passation de marché a toutefois été annulée le 3 avril 1998. Le 28 juillet 1998, un nouvel appel d'offres a été lancé concernant les services de transport précités. Bien que Grossmann Air Service se soit procurée les documents de cet appel d'offres, elle n'a pas présenté d'offre.

11.
    Par lettre du 8 octobre 1998, le gouvernement autrichien a informé Grossmann Air Service de son intention d'attribuer le marché à Lauda Air Luftfahrt AG (ci-après «Lauda Air»). Grossmann Air Service a reçu cette lettre le 9 octobre 1998. Le contrat avec Lauda Air a été conclu le 29 octobre 1998.

12.
    Par requête du 19 octobre 1998, postée le 23 octobre 1998 et parvenue au Bundesvergabeamt le 27 octobre 1998, Grossmann Air Service a saisi celui-ci d'un recours tendant à l'annulation de la décision du pouvoir adjudicateur d'attribuer le marché à Lauda Air. Elle faisait valoir que l'appel d'offres avait été conçu dès le départ de manière à ne convenir qu'à un seul soumissionnaire, à savoir Lauda Air, de sorte que les autres candidats n'avaient par avance aucune chance de se voir attribuer le marché.

13.
    Par décision du 4 janvier 1999, le Bundesvergabeamt a rejeté ce recours sur le fondement des articles 115, paragraphe 1, et 113, paragraphes 2 et 3, du BVergG.

14.
    Le Bundesvergabeamt a estimé que Grossmann Air Service avait omis de faire valoir son intérêt à obtenir l'ensemble du marché. Ne disposant pas des avions de grande taille demandés, elle n'aurait pas été en mesure de fournir l'ensemble des prestations demandées. Elle avait en outre renoncé à présenter une offre lors de la seconde procédure de passation de marché. De plus, le Bundesvergabeamt n'avait plus compétence pour procéder à l'annulation du marché après que celui-ci avait été attribué.

15.
    Grossmann Air Service a saisi le Verfassungsgerichtshof (Autriche) d'un recours en annulation contre la décision du Bundesvergabeamt. Dans son arrêt du 10 décembre 2001 (B 405/99-9), le Verfassungsgerichtshof a annulé la décision attaquée pour violation du droit constitutionnel à une procédure devant un juge ordinaire. Le Verfassungsgerichtshof a en outre expliqué que le seul fait que Grossmann Air Service n'a pas soulevé la prétendue illégalité de l'appel d'offres à un stade antérieur de la procédure de passation de marché n'est pas nécessairement suffisant pour pouvoir constater l'absence d'intérêt juridique à agir.

16.
    En conséquence, le Bundesvergabeamt a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

Les questions préjudicielles

«1)    Faut-il interpréter l'article 1er, paragraphe 3, de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l'application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux en ce sens que les procédures de recours sont accessibles à tout entrepreneur qui a présenté une offre lors d'une procédure de passation de marché ou qui a demandé à participer à une telle procédure?

    En cas de réponse négative à cette question:

2)    La disposition de la directive précitée doit-elle être comprise en ce sens qu'un entrepreneur n'a ou n'avait un intérêt à obtenir à un marché public déterminé que lorsque - outre sa participation à la procédure de passation de marché - il prend ou a pris toutes les mesures à sa disposition, en vertu des dispositions nationales, pour faire obstacle à l'attribution du marché à un autre soumissionnaire?

3)    Faut-il interpréter les dispositions combinées de l'article 1er, paragraphe 3, en liaison avec l'article 2, paragraphe 1, sous b) de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l'application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux en ce sens qu'il doit être donné à un entrepreneur la possibilité d'introduire un recours à l'encontre d'un appel d'offres qu'il estime illégal ou discriminatoire alors qu'il n'est pas en mesure de fournir l'ensemble des prestations qui font l'objet dudit appel d'offres et qu'il n'a par conséquent présenté aucune offre dans la procédure de passation de marché en cause?»

Précisions concernant les questions préjudicielles

17.
    La juridiction de renvoi fait observer, eu égard aux deux premières questions préjudicielles, que Grossmann Air Service a laissé passer un délai de quatorze jours entre la notification de la décision d'attribution (le 9 octobre 1998) et l'introduction du recours auprès du Bundesvergabeamt (le 23 octobre 1998), sans introduire une demande de conciliation auprès de la B-VKK, demande qui aurait fait courir le délai de quatre semaines prévu à l'article 109, paragraphe 8, du BVergG, ou, en cas d'échec de la procédure de conciliation, sans demander l'octroi, par le Bundesvergabeamt, de mesures provisoires et l'annulation de la décision d'attribution. Il importe dès lors de savoir, selon la juridiction de renvoi, si les conditions pour pouvoir présenter une demande conformément aux dispositions combinées des articles 115, paragraphe 1, et 109, paragraphe 1, point 1, paragraphes 6 et 8, du BVergG, interprétées à la lumière de l'article 1er, paragraphe 3, de la directive 89/665 doivent être comprises en ce sens que tout soumissionnaire qui entend obtenir un marché public déterminé faisant l'objet d'un appel d'offres justifie, de ce seul fait, d'un intérêt à obtenir un marché relevant du champ d'application de la loi fédérale ou si le fait que l'ensemble des voies de recours internes ne sont pas épuisées implique la disparition de cet intérêt.

18.
    S'agissant de la troisième question, le Bundesvergabeamt relève que le Verfassungsgerichtshof a, dans son arrêt du 10 décembre 2001, souligné que l'article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 89/665 impose de prévoir la possibilité de supprimer des spécifications discriminatoires figurant dans les documents de l'appel d'offres et qu'une interprétation, selon laquelle l'intérêt à agir à l'encontre de telles spécifications est fonction de ce que le requérant est concrètement en mesure d'y satisfaire, pourrait être contraire à l'objectif (inscrit dans le droit communautaire) d'assurer une protection complète et efficace des procédures de passation de marché. Par conséquent, une compagnie aérienne qui fait valoir de manière crédible qu'elle est intéressée à la conclusion d'un contrat relatif à des prestations aériennes et qui considère qu'elle fait l'objet d'une discrimination, du fait de la forme de l'adjudication - sous forme de contrat global - devrait se voir reconnaître un intérêt juridique au sens de l'article 115, paragraphe 1, du BVergG et, partant, un intérêt à ce que les conditions de l'appel d'offres dont elle dénonce l'illégalité soit examinées, au motif qu'elle ne saurait, sinon, démontrer qu'il s'agit d'un appel d'offres illégal et le préjudice susceptible d'en résulter pour elle.

19.
    Dans ces conditions, il importe également de savoir si un entrepreneur a un intérêt à agir en vertu de l'article 1er, paragraphe 3, de la directive 89/665 lorsque, en raison de conditions de l'appel d'offres comportant, selon lui, des dispositions discriminatoires au sens de l'article 2, paragraphe 1, sous b), de ladite directive, il saisit l'instance de recours pour faire valoir les dommages qu'il a subis ou qui le menacent, bien qu'il ne soit pas en mesure de fournir les prestations en cause de la manière décrite dans ledit appel d'offres et que, par conséquent, il n'ait présenté aucune offre dans la procédure de passation de marché en cause.

La procédure devant la Cour

20.
    L'ordonnance de renvoi a été enregistrée au greffe de la Cour le 20 juin 2002. Des observations écrites ont été déposées par Grossmann Air Service, par le gouvernement autrichien et par la Commission, lesquels ont précisé leur point de vue à l'audience du 10 septembre 2003.

IV - Appréciation

21.
    Au vu de la jurisprudence récente de la Cour, les deux premières questions ne nécessitent pas d'amples développements. Elles visent en fait à savoir si un entrepreneur a ou a eu un intérêt à obtenir un marché public au sens de l'article 1er, paragraphe 3, de la directive 89/665 et, partant, s'il peut utiliser les procédures de recours prévues par ladite directive pour faire constater l'illégalité d'une décision d'attribution même s'il n'a pas épuisé l'ensemble des voies de recours disponibles en droit interne afin d'empêcher que le marché soit attribué à un tiers.

22.
    Ces questions ont entre autres été soulevées récemment dans le cadre de l'arrêt Hackermüller (4) et, plus particulièrement, dans le cadre de l'arrêt Fritsch, Chiari & Partner e.a. (5).

23.
    Une des questions posées dans ces deux affaires visait à savoir si les procédures de recours étaient, en vertu de l'article 1er, paragraphe 3, de la directive 89/665, accessibles à tout entrepreneur qui souhaite obtenir l'adjudication d'un marché public. Il résulte de l'arrêt Hackemüller que tel n'est pas le cas et que l'État membre est en droit d'exiger, en plus, que la personne concernée ait été lésée ou risque d'être lésée par la violation qu'elle allègue.

24.
    Quant à la deuxième question, l'arrêt Fritsch, Chiari & Partner e.a. y répond de manière explicite. Dans cette affaire, la question s'est également posée de savoir si le législateur national peut faire dépendre l'intérêt d'un soumissionnaire à obtenir un marché public déterminé, et donc le droit de celui-ci d'accéder aux procédures de recours prévues par ladite directive, de la condition qu'il ait saisi, au préalable, une commission de conciliation, telle la B-VKK. La Cour a répondu à cette question par la négative. Une telle condition serait contraire aux objectifs de rapidité et d'efficacité de cette directive. Quand bien même l'article 1er, paragraphe 3, de la directive 89/665 permet expressément aux États membres de déterminer les modalités selon lesquelles ils doivent rendre les procédures de recours prévues par ladite directive accessibles à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché public déterminé et ayant été ou risquant d'être lésée par une violation alléguée, cela ne les autorise toutefois pas à donner à la notion d'«intérêt à obtenir un marché public» une interprétation qui soit susceptible de porter atteinte à l'effet utile de ladite directive. Il en est ainsi lorsqu'un entrepreneur est considéré comme ayant perdu son intérêt au motif qu'il a omis de saisir au préalable une commission de conciliation telle que la B-VKK.

25.
    Dans les affaires susvisées, les candidats avaient participé aux procédures de passation de marché concernées. Il ressort de la décision de renvoi que ce n'est pas le cas en l'espèce. Comme la Commission, nous sommes d'avis que la participation à une procédure de passation de marché est, en principe, une condition préalable pour pouvoir démontrer soit un intérêt à obtenir le marché, soit un éventuel préjudice causé par le caractère prétendument illégal de l'attribution. Une personne qui n'a pas participé à une procédure de passation de marché ne peut guère affirmer qu'elle dispose d'un intérêt à s'opposer à une décision d'attribution prétendument illégale.

26.
    La troisième question vise une situation tout à fait différente, situation dans laquelle il n'est pas raisonnable pour des candidats potentiels à une procédure de passation de présenter une offre puisque les prestations à fournir sont définies d'une manière telle qu'ils ne sont, à l'avance, pas en mesure d'y satisfaire. La question posée est donc celle de savoir si, dans une telle situation, il y a lieu de prévoir la possibilité de recourir directement contre de telles spécifications discriminatoires.

27.
    Cette question appelle à notre sens une réponse affirmative. Dans sa jurisprudence récente, la Cour a fourni une interprétation large de la notion de «décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs» figurant à l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 89/665 (6). Il ressort du libellé de l'article 2, paragraphe 1, sous b), de ladite directive que les compétences juridictionnelles attribuées aux fins des recours permettent entre autres «d'annuler [...] les décisions illégales, y compris de supprimer les spécifications techniques, économiques ou financières discriminatoires [...]». Il nous paraît dès lors incontestable que les possibilités de recours visées par la directive 89/665 englobent également les décisions décrivant les prestations demandées dans le cadre d'un appel d'offres.

28.
    Une telle possibilité de recours aurait en outre une portée pratique limitée si elle ne s'offrait pas aux entreprises qui seraient par avance exclues de toute participation à des procédures de passation de marché par lesdites spécifications discriminatoires. Il serait par ailleurs excessif de demander dans une telle situation à ces entreprises de faire l'effort de présenter une offre et de supporter les coûts y relatifs uniquement pour voir limiter leur droit de recours contre les conditions de l'appel d'offres. Ces entreprises doivent par conséquent être considérées en principe comme ayant un intérêt à obtenir un marché public et partant comme fondées à former un recours.

29.
    Dans le litige au principal, les spécifications des prestations demandées ne sont pas dénuées d'incidence. Le fait que les divers éléments des services de transport aérien demandés ont été rassemblés en un seul paquet a considérablement réduit le groupe de candidats susceptibles de fournir ledit paquet dans son ensemble tandis que les candidats potentiels à la fourniture d'une ou de plusieurs composantes de ce paquet étaient exclus par avance. Il découle des considérations formulées au point précédent que ces derniers doivent eux aussi être considérés comme ayant un intérêt à obtenir un marché public et, partant, comme disposant d'un droit de recours, et ce à condition toutefois qu'ils auraient été en mesure de participer à la procédure en l'absence des prétendues spécifications discriminatoires.

30.
    Il convient enfin de noter que la nécessité de garantir la sécurité juridique requiert que l'utilisation de cette possibilité de recours intervienne le plus tôt possible dans la procédure. Le dépôt d'un tel recours après que le marché a été attribué pourra être considéré comme tardif. Cela relèvera toutefois de l'appréciation du juge national.

V - Conclusion

31.
    Eu égard aux éléments qui précèdent, nous suggérons à la Cour de répondre aux questions préjudicielles du Bundesvergabeamt de la manière suivante:

«1)    Il y a lieu d'interpréter l'article 1er, paragraphe 3, de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l'application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux, telle que modifiée par la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, en ce sens que les procédures de recours visées par ladite directive sont accessibles à toute personne qui a présenté une offre lors d'une procédure de passation de marché ou à toute personne qui a participé à une telle procédure.

2)    L'article 1er, paragraphe 3, de la directive 89/665 s'oppose à ce qu'un entrepreneur qui a participé à une procédure de passation d'un marché public soit considéré comme ayant perdu son intérêt à obtenir ce marché au motif que, avant d'introduire une procédure de recours prévue par ladite directive, il a omis de saisir une commission de conciliation, telle la Bundes-Vergabekontrollkommission, instituée par le Bundesgesetz über die Vergabe von Aufträgen (Bundesvergabegesetz) 1997.

3)    Il y a lieu d'interpréter les dispositions combinées de l'article 1er, paragraphe 3, en liaison avec l'article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/665 en ce sens qu'il doit être donné à un entrepreneur ayant un intérêt à obtenir un marché public la possibilité d'introduire un recours direct à l'encontre des spécifications qu'il estime illégales ou discriminatoires dans l'appel d'offres. Il convient également de reconnaître cette possibilité aux personnes qui peuvent justifier du fait qu'elles auraient présenté une offre lors de la procédure de passation de marché en l'absence des spécifications discriminatoires en cause.»


1: -     Langue originale: le néerlandais.


2: -    JO L 395, p. 33.


3: -    JO L 209, p. 1.


4: -    Arrêt du 19 juin 2003 (C-249/01, Rec. p. I-6319).


5: -    Arrêt du 19 juin 2003, (C-410/01, Rec. p. I-6413).


6: -    Arrêt du 18 juin 2002, HI (C-92/00, Rec. p. I-5553).