Language of document : ECLI:EU:T:1998:95

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

14 mai 1998 (1)

«Concurrence — Article 85, paragraphe 1, du traité CE — Amende — Détermination du montant — Circonstances atténuantes — Motivation»

Dans l'affaire T-319/94,

Fiskeby Board AB, société de droit suédois, établie à Norrköping (Suède), représentée par Me Carl Wetter, avocat au barreau de Stockholm, et M. Christopher Vajda, barrister, du barreau d'Angleterre et du pays de Galles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Elvinger, Hoss et Prussen, 15, Côte d'Eich,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Julian Curall et Richard Lyal, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de réduction de l'amende infligée à la requérante par la décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une

procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/C/33.833 — Carton) (JO L 243, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, C. P. Briët, Mme P. Lindh, MM. A. Potocki et J. D. Cooke, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale qui s'est déroulée du 25 juin au 8 juillet 1997,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    La présente affaire concerne la décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/C/33.833 — Carton) (JO L 243, p. 1), rectifiée avant sa publication par une décision de la Commission du 26 juillet 1994 [C(94) 2135 final] (ci-après «décision»). La décision a infligé des amendes à 19 fabricants fournisseurs de carton dans la Communauté, du chef de violations de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

2.
    Par lettre du 22 novembre 1990, la British Printing Industries Federation, organisation professionnelle qui représente la majorité des fabricants de boîtes imprimées du Royaume-Uni (ci-après «BPIF»), a déposé une plainte informelle auprès de la Commission. Elle a fait valoir que les fabricants de carton approvisionnant le Royaume-Uni avaient introduit une série de hausses de prix simultanées et uniformes et demandé à la Commission de vérifier l'existence d'une éventuelle infraction aux règles communautaires de la concurrence. Afin d'assurer la publicité de son initiative, la BPIF a publié un communiqué de presse. Le contenu de ce communiqué a été relaté par la presse professionnelle spécialisée dans le courant du mois de décembre 1990.

3.
    Le 12 décembre 1990, la Fédération française du cartonnage a également déposé une plainte informelle auprès de la Commission, dans laquelle elle présentait des

observations relatives au marché français du carton en des termes analogues à ceux de la plainte déposée par la BPIF.

4.
    Les 23 et 24 avril 1991, des agents de la Commission, agissant au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après «règlement n° 17»), ont procédé à des vérifications simultanées sans avertissement préalable dans les locaux de plusieurs entreprises et associations professionnelles du secteur du carton.

5.
    A la suite de ces vérifications, la Commission a adressé des demandes de renseignements et de documents au titre de l'article 11 du règlement n° 17 à tous les destinataires de la décision.

6.
    Les éléments obtenus dans le cadre de ces vérifications et demandes de renseignements et de documents ont amené la Commission à conclure que les entreprises concernées avaient, du milieu de l'année 1986 à avril 1991 au moins (dans la plupart des cas), participé à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

7.
    En conséquence, elle a décidé d'engager une procédure en application de cette dernière disposition. Par lettre du 21 décembre 1992, elle a adressé une communication des griefs à chacune des entreprises concernées. Toutes les entreprises destinataires y ont répondu par écrit. Neuf entreprises ont demandé à être entendues oralement. Leur audition a eu lieu du 7 au 9 juin 1993.

8.
    Au terme de la procédure, la Commission a adopté la décision, qui comprend les dispositions suivantes:

«Article premier

Buchmann GmbH, Cascades SA, Enso-Gutzeit Oy, Europa Carton AG, Finnboard — the Finnish Board Mills Association, Fiskeby Board AB, Gruber & Weber GmbH & Co KG, Kartonfabriek De Eendracht NV (dont le nom commercial est BPB de Eendracht NV), NV Koninklijke KNP BT NV (anciennement Koninklijke Nederlandse Papierfabrieken NV), Laakmann Karton GmbH & Co KG, Mo Och Domsjö AB (MoDo), Mayr-Melnhof Gesellschaft mbH, Papeteries de Lancey SA, Rena Kartonfabrik AS, Sarrió SpA, SCA Holding Ltd [anciennement Reed Paper & Board (UK) Ltd], Stora Kopparbergs Bergslags AB, Enso Española SA (anciennement Tampella Española SA) et Moritz J. Weig GmbH & Co KG ont enfreint l'article 85 paragraphe 1 du traité CE en participant:

—    dans le cas de Buchmann et de Rena, de mars 1988 environ jusqu'à fin 1990 au moins,

—    dans le cas de Enso Española, de mars 1988 au moins jusqu'à fin avril 1991 au moins,

—    dans le cas de Gruber & Weber, de 1988 au moins jusqu'à fin 1990,

—    dans les autres cas, à compter de mi-1986 jusqu'à avril 1991 au moins,

à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de 1986, en vertu desquels les fournisseurs de carton de la Communauté européenne:

—    se sont rencontrés régulièrement dans le cadre de réunions secrètes et institutionnalisées, afin de négocier et d'adopter un plan sectoriel commun de restriction de la concurrence,

—    ont décidé d'un commun accord des augmentations régulières des prix pour chaque qualité de produit dans chaque monnaie nationale,

—    ont planifié et mis en oeuvre des augmentations de prix simultanées et uniformes dans l'ensemble de la Communauté européenne,

—    se sont entendues pour maintenir les parts de marché des principaux fabricants à des niveaux constants, avec des modifications occasionnelles,

—    ont pris, de plus en plus fréquemment à partir de début 1990, des mesures concertées de contrôle de l'approvisionnement du marché communautaire, afin d'assurer la mise en oeuvre desdites augmentations de prix concertées,

—    ont échangé des informations commerciales sur les livraisons, les prix, les arrêts de production, les commandes en carnet et les taux d'utilisation des machines, afin de soutenir les mesures mentionnées ci-dessus.

[...]

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises suivantes pour les infractions constatées à l'article 1er:

[...]

vi)    Fiskeby Board AB, une amende de 1 000 000 d'écus;

[...]»

9.
    Selon la décision, l'infraction s'est déroulée au sein d'un organisme dénommé «Groupe d'étude de produit Carton» (ci-après «GEP Carton»), composé de plusieurs groupes ou comités.

10.
    Cet organisme a été doté, au milieu de l'année 1986, d'un «Presidents Working Group» (ci-après «PWG») réunissant des représentants de haut niveau des principaux fournisseurs de carton de la Communauté (environ huit).

11.
    Le PWG avait notamment pour activités la discussion et la concertation concernant les marchés, les parts du marché, les prix et les capacités. En particulier, il a pris des décisions d'ordre général concernant le calendrier et le niveau des augmentations de prix à mettre en oeuvre par les fabricants.

12.
    Le PWG faisait rapport à la «President Conference» (ci-après «PC») à laquelle participait (plus ou moins régulièrement) la quasi-totalité des directeurs généraux des entreprises concernées. La PC s'est réunie deux fois par an pendant la période en cause.

13.
    A la fin de l'année 1987 a été créé le «Joint Marketing Committee» (ci-après «JMC»). Son objet principal consistait, d'une part, à déterminer si, et, dans l'affirmative, comment des augmentations de prix pouvaient être mises en oeuvre et, d'autre part, à définir les modalités des initiatives en matière de prix décidées par le PWG pays par pays et pour les principaux clients en vue d'établir un système de prix équivalent en Europe.

14.
    Enfin, le comité économique (ci-après «COE») débattait, notamment, des fluctuations de prix sur les marchés nationaux et des commandes en carnet et faisait rapport sur ses conclusions au JMC ou, jusqu'à la fin de l'année 1987, au prédécesseur du JMC, le Marketing Committee. Le COE était composé de directeurs commerciaux de la plupart des entreprises en cause et se réunissait plusieurs fois par an.

15.
    Il ressort, en outre, de la décision que la Commission a considéré que les activités du GEP Carton étaient soutenues par un échange d'informations par l'intermédiaire de la société fiduciaire Fides, dont le siège est à Zurich (Suisse). Selon la décision, la plupart des membres du GEP Carton fournissaient à la Fides des rapports périodiques sur les commandes, la production, les ventes et l'utilisation des capacités. Ces rapports étaient traités dans le cadre du système Fides et les données agrégées étaient envoyées aux participants.

16.
    La décision expose que la requérante, Fiskeby Board AB, a été achetée le 1er juin 1990 par la société américaine Manville Forest Products. Sur instruction de sa nouvelle société mère, la requérante a cessé de participer aux réunions du JMC dès juin 1990. Elle ne s'est toutefois pas retirée de la PC ni du Nordic Paperboard Institute, l'association professionnelle des fabricants scandinaves (ci-après «NPI»).

17.
    De plus, la décision relève que, après juin 1990, la requérante a continué à recevoir et à utiliser des informations d'autres fabricants sur les augmentations de prix à appliquer (point 163, premier alinéa, des considérants de la décision).

18.
    Pour ces motifs, la requérante a, selon l'article 1er de la décision, participé à l'entente pendant toute la période couverte par la décision, soit du milieu de l'année 1986 jusqu'à avril 1991.

Procédure

19.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 octobre 1994, la requérante a introduit le présent recours.

20.
    Seize des dix-huit autres entreprises tenues pour responsables de l'infraction ont également introduit un recours contre la décision (affaires T-295/94, T-301/94, T-304/94, T-308/94, T-309/94, T-310/94, T-311/94, T-317/94, T-327/94, T-334/94, T-337/94, T-338/94, T-347/94, T-348/94, T-352/94 et T-354/94).

21.
    La requérante dans l'affaire T-301/94, Laakmann Karton GmbH, s'est désistée deson recours par lettre déposée au greffe du Tribunal le 10 juin 1996, et l'affaire a été radiée du registre du Tribunal par ordonnance du 18 juillet 1996, Laakmann Karton/Commission (T-301/94, non publiée au Recueil).

22.
    Quatre entreprises finlandaises, membres du groupement professionnel Finnboard et, à ce titre, tenues pour solidairement responsables du paiement de l'amende infligée à celui-ci, ont également introduit des recours contre la décision (affaires jointes T-339/94, T-340/94, T-341/94 et T-342/94).

23.
    Enfin, un recours a été introduit par une association CEPI-Cartonboard, non destinataire de la décision. Cependant, celle-ci s'est désistée par lettre déposée au greffe du Tribunal le 8 janvier 1997, et l'affaire a été radiée du registre du Tribunal par ordonnance du 6 mars 1997, CEPI-Cartonboard/Commission (T-312/94, non publiée au Recueil).

24.
    Par lettre du 5 février 1997, le Tribunal a invité les parties à participer à une réunion informelle, notamment en vue de présenter leurs observations sur la jonction éventuelle des affaires T-295/94, T-304/94, T-308/94, T-309/94, T-310/94, T-311/94, T-317/94, T-319/94, T-327/94, T-334/94, T-337/94, T-338/94, T-347/94, T-348/94, T-352/94 et T-354/94 aux fins de la procédure orale. Lors de cette réunion, qui a eu lieu le 29 avril 1997, les parties ont accepté une telle jonction.

25.
    Par ordonnance du 4 juin 1997, le président de la troisième chambre élargie du Tribunal a joint les affaires précitées aux fins de la procédure orale, en raison de leur connexité, conformément à l'article 50 du règlement de procédure, et a accueilli une demande de traitement confidentiel introduite par la requérante dans l'affaire T-334/94.

26.
    Par ordonnance du 20 juin 1997, il a accueilli une demande de traitement confidentiel introduite par la requérante dans l'affaire T-337/94 relativement à un document produit en réponse à une question par écrit du Tribunal.

27.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale et a pris des mesures d'organisation de la procédure en demandant aux parties de répondre à certaines questions écrites et de produire certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes.

28.
    Les parties dans les affaires mentionnées au point 24 ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée du 25 juin au 8 juillet 1997.

Conclusions des parties

29.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    réduire substantiellement l'amende qui lui a été infligée;

—    condamner la Commission aux dépens.

30.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours comme non fondé;

—    condamner la requérante aux dépens.

Sur le fond

Sur le moyen tiré de ce que la Commission aurait dû tenir compte, lors de la détermination du montant de l'amende, des fluctuations du chiffre d'affaires de la requérante sur le marché communautaire du carton pendant la période d'infraction

Arguments des parties

31.
    La requérante fait valoir que, lorsque le chiffre d'affaires réalisé avec les produits concernés par l'infraction a fluctué durant la période couverte par l'infraction, la Commission doit, pour apprécier de manière adéquate l'ampleur de l'infraction, considérer le chiffre d'affaires réalisé durant toute la période en cause. Or, la Commission n'aurait considéré, pour déterminer le montant de l'amende, que le chiffre d'affaires réalisé en 1990 sur le marché communautaire du carton.

32.
    Il serait inéquitable, dans son cas, de se fonder sur ce seul chiffre d'affaires, car il ne serait pas représentatif du chiffre d'affaires réalisé au cours de la période couverte par l'infraction, soit du milieu de l'année 1986 à avril 1991. Le chiffre

d'affaires réalisé en 1990 sur le marché communautaire du carton aurait été quatre fois plus élevé que le chiffre d'affaires moyen réalisé en 1987 et 1988 et supérieur de plus de 80 % au chiffre d'affaires moyen réalisé sur la période 1987-1990. En fait, les faibles chiffres d'affaires réalisés en 1987 et 1988 résulteraient de la reconstruction de son unique machine à carton.

33.
    Le seul fait que 1990 était la dernière année complète de l'infraction n'aurait pas permis à la Commission d'omettre de tenir compte des événements survenus avant cette année. La Commission aurait dû prendre en considération la situation individuelle de la requérante en tant que destinataire de la décision lui infligeant une amende (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, Boehringer Mannheim/Commission, 45/69, Rec. p. 769, point 55). De même, elle aurait dû tenir compte du fait que la requérante avait quitté le marché en 1987 et 1988 en raison de la reconstruction de son unique machine. En effet, elle aurait admis qu'il peut être dérogé au choix du chiffre d'affaires de la dernière année complète de l'infraction en cas de circonstances particulières, telles que la sortie du marché d'une entreprise.

34.
    La particularité de la situation de la requérante, à savoir la chute anormale et considérable de son chiffre d'affaires, aurait dû d'autant plus être prise en considération que, selon la jurisprudence du Tribunal, le chiffre d'affaires réalisé dans le secteur concerné est supposé fournir des indications sur la gravité de l'infraction (voir arrêt du Tribunal du 14 juillet 1994, Parker Pen/Commission, T-77/92, Rec. p. II-549, point 94) et sur la puissance économique ainsi que sur l'influence sur le marché de l'entreprise en cause.

35.
    Enfin, dans son arrêt du 6 avril 1995, Boël/Commission (T-142/89, Rec. p. II-867), le Tribunal aurait accueilli un moyen similaire au motif que la partie requérante avait démontré que le chiffre d'affaires qu'elle avait réalisé au cours de l'année de référence retenue par la Commission était plus élevé que ceux réalisés au cours de la période d'infraction, prise globalement.

36.
    La Commission déclare que, en prenant pour base l'exercice 1990, elle a délibérément cherché à évaluer la puissance économique des entreprises lors de la dernière année complète de l'infraction, afin de tenir compte du profit que les entreprises ayant participé à l'infraction avaient pu en retirer en termes d'augmentation du chiffre d'affaires. Se reportant à l'arrêt du Tribunal du 23 février 1994, CB et Europay/Commission (T-39/92 et T-40/92, Rec. p. II-49), elle soutient que cette considération a sa place dans toute politique de dissuasion.

37.
    La production de Fiskeby en 1987 et 1988 n'aurait pas reflété sa véritable puissance économique, puisqu'elle s'employait à reconstruire son outil de production.

38.
    En tout état de cause, afin d'éliminer toute source de discrimination, les amendes devraient être calculées sur une base commune, sauf circonstances particulières comme dans le cas d'une entreprise ayant quitté le marché précédemment.

Appréciation du Tribunal

39.
    Il est constant que le montant des amendes individuelles a été déterminé en tenant compte du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises destinataires de la décision sur le marché communautaire du carton en 1990.

40.
    C'est à juste titre que la Commission a retenu ce chiffre d'affaires parmi les éléments systématiquement pris en considération pour déterminer le montant des amendes.

41.
    En effet, l'année 1990 constituant la dernière année complète de l'infraction constatée à l'article 1er de la décision, la prise en compte du chiffre d'affaires réalisé au cours de cette année a permis à la Commission d'apprécier la taille et la puissance économique de chaque entreprise dans le secteur du carton ainsi que l'ampleur de l'infraction commise par chacune d'entre elles, ces éléments étant pertinents pour apprécier la gravité de l'infraction (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80, 101/80, 102/80 et 103/80, Rec. p. 1825, points 120 et 121).

42.
    Il importe de relever que, dans la mesure où il y a lieu de se fonder sur le chiffre d'affaires des entreprises impliquées dans une même infraction en vue de déterminer les relations entre les amendes à infliger, il convient de délimiter la période à prendre en considération de manière que les chiffres obtenus soient aussi comparables que possible (même arrêt, point 122). Il en résulte qu'une entreprise déterminée ne saurait exiger que la Commission se fonde, à son égard, sur une période différente de celle généralement retenue qu'à la condition qu'elle démontre que le chiffre d'affaires qu'elle a réalisé au cours de cette dernière période ne constitue pas, pour des raisons qui lui sont propres, une indication de sa véritable taille et de sa puissance économique, ni de l'ampleur de l'infraction qu'elle a commise.

43.
    En l'espèce, rien ne permet de considérer que la Commission aurait dû, dans le cas spécifique de la requérante, se fonder sur un chiffre d'affaires réalisé au cours d'une période différente de celle effectivement retenue, laquelle constituait, également pour la requérante, la dernière année complète de l'infraction constatée dans son chef.

44.
    En effet, s'il ressort des explications fournies par la requérante qu'elle a procédé à une reconstruction de son outil de production au cours des années 1987 et 1988, reconstruction qui a eu pour effet une baisse substantielle du chiffre d'affaires réalisé au cours de ces deux années, il n'en reste pas moins qu'il était prévisible et

même certain qu'il s'agirait d'une baisse temporaire et que, une fois la reconstruction achevée, le chiffre d'affaires atteindrait à nouveau un niveau normal et comparable, voire supérieur, à celui atteint au cours de l'année précédant le début des travaux de reconstruction.

45.
    Par conséquent, la Commission a pu considérer que le chiffre d'affaires réalisé par la requérante au cours de l'année de référence (1990) constituait une indication de sa véritable taille et de sa puissance économique dans le secteur du carton ainsi que de l'ampleur de l'infraction qu'elle avait commise. Elle aurait au contraire procédé à une appréciation inexacte de la situation de l'entreprise en cause et de l'ampleur de l'infraction si elle avait tenu compte, comme le demande la requérante, du chiffre d'affaires moyen réalisé au cours des exercices 1987 à 1990, dans la mesure où il était anormalement bas.

46.
    Il s'ensuit que la présente affaire se distingue de celle faisant l'objet de l'arrêt Boël/Commission, précité, invoqué par la requérante. Dans l'affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la partie requérante avait soutenu, sans être contredite par la Commission, que le chiffre d'affaires qu'elle avait réalisé au cours de l'année de référence retenue était anormalement élevé, en particulier par rapport aux chiffres d'affaires réalisés par les autres destinataires de la décision. Dans ces circonstances, le Tribunal pouvait estimer que le chiffre d'affaires sur lequel la Commission s'était fondée pour déterminer le montant de l'amende ne constituait pas une indication de la véritable taille et de la puissance économique de la partie requérante, ainsi que de l'ampleur de l'infraction qu'elle avait commise (point 133 de l'arrêt).

47.
    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

Sur le moyen tiré de l'existence de circonstances atténuantes

48.
    La requérante invoque une série de circonstances qui auraient dû, soutient-elle, être prises en considération en tant que circonstances atténuantes lors de la détermination du montant de l'amende qui lui a été infligée. En l'espèce, il y a lieu d'examiner séparément chacune de ces circonstances.

Sur le grief tiré de ce que la Commission aurait dû tenir compte du rôle mineur et passif joué par la requérante

— Arguments des parties

49.
    La requérante soutient que le niveau de l'amende qui lui a été infligée révèle que la Commission a négligé de tenir compte du rôle mineur et passif qu'elle a joué dans les accords collusoires.

50.
    Elle souligne qu'elle n'a jamais participé aux réunions du PWG, instigateur puis moteur de l'entente, dont la fonction consistait à «contribuer à réguler le marché» et comportait «la discussion et la concertation concernant les marchés, les parts du

marché, les prix ainsi que les hausses de prix et les capacités» (point 37 des considérants de la décision). Elle aurait assisté pour la dernière fois à une réunion du JMC ainsi qu'à une réunion de la Paper Agents Association (voir points 94 et suivants des considérants de la décision) en avril 1990 et aurait quitté le JMC de sa propre initiative en juin 1990, soit environ cinq mois avant que la BPIF n'adressât sa plainte à la Commission (novembre 1990).

51.
    Étant en réalité hors du marché en 1987 et 1988, elle aurait eu peu d'intérêt à prendre une part active dans le JMC. Elle ne conteste pas avoir reçu, après son départ du JMC, des informations sur les prix provenant d'autres fabricants à l'automne 1990 ni avoir utilisé celles-ci (point 163 des considérants de la décision). Toutefois, cet aspect concernerait la durée de l'infraction plutôt que le rôle joué dans l'entente.

52.
    Sa participation au JMC, aux augmentations de prix et aux annonces d'augmentations de prix aurait été mineure et passive, car elle n'aurait jamais proposé des augmentations de prix.

53.
    Une préoccupation cruciale de l'entente aurait, selon le point 51 des considérants de la décision, été de contrôler les volumes de manière à maintenir un quasi-équilibre entre la production et la consommation. Or, la requérante n'aurait jamais limité sa production en conséquence de sa participation à l'entente.

54.
    Dans ce contexte, s'agissant plus particulièrement de l'affirmation de la Commission selon laquelle une infraction unique a été constatée, consistant en un «plan sectoriel de restriction de la concurrence» comportant notamment un accord de répartition des marchés et des mesures concertées de maîtrise de l'offre du produit, la requérante reconnaît avoir joué un rôle mineur dans les actions en cause en fournissant au sein du JMC des informations qui pouvaient être utilisées par les membres du PWG en vue de limiter la production. Cependant, le contrôle des volumes ne serait devenu une question ayant une importance pratique qu'à partir des premiers mois de l'année 1990, après que l'industrie eut cessé de tourner à pleine capacité.

55.
    La requérante conclut qu'elle n'a pu participer à une infraction relative à la maîtrise de l'offre que pendant un maximum de quatre ans (du milieu de l'année 1986 à avril 1990), alors que les informations n'ont acquis une importance pratique que pendant les premiers mois de l'année 1990.

    

56.
    La Commission précise qu'elle a constaté une infraction unique consistant en «un plan sectoriel de restriction de la concurrence», comportant des hausses de prix convenues, un accord de répartition des marchés, des mesures concertées de maîtrise de l'offre du produit et l'échange d'informations commerciales pour soutenir ces politiques. Tous les destinataires de la décision auraient commis cette infraction dans sa totalité, même s'ils n'ont pas eu à accomplir chaque acte que

supposait le système. En conséquence, la requérante ne pourrait demander une réduction de son amende au motif qu'elle n'a pas pris de mesures pour restreindre sa propre production.

57.
    Les mesures de restriction de la production auraient été effectivement appliquées par les producteurs siégeant au PWG, dans l'intérêt de tous. Elles auraient été destinées à renforcer les mesures en matière de prix, dans lesquelles les petits producteurs auraient été directement impliqués.

58.
    La contribution de la requérante au contrôle des volumes serait confirmée par sa connaissance et son acceptation de la politique de répartition du marché du PWG, par le fait qu'elle aurait fourni des informations à la Fides sur sa production, ses ventes et l'utilisation de ses capacités, et par le fait qu'elle aurait participé à des discussions relatives aux commandes en carnet au sein du JMC.

59.
    La Commission reconnaît que la requérante n'était pas l'un des «chefs de file» de l'entente. Toutefois, cela ne signifierait pas automatiquement que son rôle ait été mineur et passif. La requérante aurait siégé à la PC, au JMC et au COE, aurait coopéré avec le PWG en tant que membre du JMC et aurait participé de la même manière que les autres aux initiatives en matière de prix.

— Appréciation du Tribunal

60.
    Afin de déterminer le montant de l'amende infligée à chacun des destinataires de la décision, la Commission déclare qu'elle a notamment tenu compte du rôle joué par chacun d'entre eux dans les accords collusoires (point 169, premier alinéa, premier tiret, des considérants de la décision). En outre, elle explique, au point 170 des considérants, que les entreprises ayant participé aux réunions du PWG ont, en principe, été considérées comme des «chefs de file» de l'entente, alors que les autres entreprises ont été considérées comme des «membres ordinaires» de celle-ci. Enfin, il est constant que des taux de base de 9 et de 7,5 % du chiffre d'affaires réalisé par chacun des destinataires de la décision sur le marché communautaire du carton en 1990 ont été appliqués pour déterminer l'amende à infliger, respectivement, aux «chefs de file» de l'entente et aux «membres ordinaires» de celle-ci.

61.
    La requérante a précisé, lors de l'audience, qu'elle ne conteste pas sa participation à l'infraction constatée à l'article 1er de la décision. Elle ne conteste que l'appréciation faite par la Commission du rôle qu'elle a prétendument joué dans l'infraction constatée.

62.
    De plus, la requérante ne conteste pas la description du rôle de chacun des organes du GEP Carton. A cet égard, il ressort de la décision que le PWG a été l'organe au sein duquel les principales décisions à objet anticoncurrentiel ont été adoptées. En outre, bien que la Commission estime que toutes les entreprises mentionnées à l'article 1er de la décision doivent être considérées comme ayant participé à

l'ensemble des éléments constitutifs de l'infraction mentionnés dans ladite disposition, il ressort de la décision que la collusion visant à maintenir les parts de marché des principaux producteurs à des niveaux constants, avec des modifications occasionnelles, n'a porté que sur les parts de marché des entreprises participant aux réunions du PWG (points 51 à 60 des considérants de la décision). Enfin, la Commission admet qu'en ce qui concerne la collusion sur les temps d'arrêt des installations «il semble que ce soient à nouveau les principaux producteurs qui aient supporté la charge de la réduction de la production pour maintenir les niveaux des prix» (point 71, deuxième alinéa, des considérants de la décision).

63.
    Au vu de ces éléments, le grief de la requérante selon lequel la Commission n'aurait pas correctement apprécié son rôle dans l'entente ne saurait être accueilli.

64.
    En premier lieu, la requérante n'a pas été considérée comme l'un des «chefs de file» de l'entente. La Commission a donc tenu compte de l'absence de participation de la requérante aux réunions du PWG.

65.
    En second lieu, il est expliqué dans la décision que les entreprises ne participant pas aux réunions du PWG ont été informées des décisions adoptées par celui-ci lors des réunions du JMC et que cet organe constituait l'enceinte principale tant pour la préparation des décisions adoptées par le PWG que pour les discussions détaillées portant sur la mise en oeuvre desdites décisions (voir, en particulier, points 44 à 48 des considérants de la décision).

66.
    La requérante admet avoir participé aux réunions du JMC et aux réunions de l'organe qui l'a précédé, le Marketing Committee, pendant la période allant de 1983 à avril 1990, mais elle n'a pas été en mesure de fournir des informations précises quant aux réunions auxquelles elle avait assisté avant le début de l'année 1989 (voir tableau 4 annexé à la décision). Pour ce qui est des réunions du JMC qui se sont tenues au cours de la période allant du début de l'année 1989 à avril 1990, pour laquelle des informations précises ont été fournies, la requérante admet sa participation à cinq des neuf réunions du JMC (même tableau). Enfin, elle admet que, à quelques occasions, un représentant du NPI lui a donné des informations par téléphone sur des sujets traités lors de réunions du JMC auxquelles elle n'était pas représentée (point 46, premier alinéa, des considérants de la décision).

67.
    Dans ces conditions, dès lors que la requérante ne conteste ni la description contenue dans la décision des fonctions du JMC, ni sa participation à l'infraction constatée à l'article 1er de la décision, elle ne peut soutenir valablement que la Commission aurait dû la considérer comme ayant joué un rôle moins important dans l'entente que celui des autres entreprises considérées comme des «membres ordinaires».

68.
    Cette constatation n'est en rien modifiée par le fait que la requérante n'aurait plus participé aux réunions du JMC après le mois d'avril 1990.

69.
    En effet, la requérante ne conteste pas l'affirmation contenue au point 163, premier alinéa, des considérants de la décision, selon laquelle, même si elle a cessé de participer aux réunions du JMC, elle a continué à recevoir, et à utiliser, des informations d'autres fabricants sur les augmentations de prix à appliquer. S'il est certes vrai qu'il ressort de la décision, comme la requérante le souligne, que ce n'est qu'au cours de l'année 1990 que les conditions du marché ont été telles que les producteurs se sont vus contraints de procéder à des temps d'arrêt des installations afin de maintenir le niveau des prix (point 70 des considérants), il en ressort également que la question de l'utilisation des capacités et des temps d'arrêt a été examinée, au sein du JMC, dans le contexte de la préparation des augmentations de prix concertées, avant même la date à laquelle des temps d'arrêt ont été effectivement appliqués (voir notamment point 69 des considérants).

70.
    Dans la mesure où la requérante a participé, avant avril 1990, aux réunions du JMC, elle n'a pas pu ignorer le contexte collusoire plus général dans lequel s'inscrivaient les informations qu'elle a obtenues et utilisées après avril 1990 pour déterminer sa propre politique de prix. Le seul fait que des temps d'arrêt n'aient, peut-être, été effectivement appliqués qu'après la date à laquelle la requérante a assisté, pour la dernière fois, à une réunion du JMC est donc dénué de pertinencepour ce qui est de l'appréciation du rôle qu'elle a joué dans l'infraction.

71.
    Sur la base de ces considérations, le grief de la requérante ne peut pas être accueilli.

Sur le grief tiré de ce que la Commission aurait dû tenir compte, en tant que circonstance atténuante, des pertes enregistrées par la requérante

— Arguments des parties

72.
    Selon la requérante, la Commission aurait dû considérer que les pertes qu'elle avait subies pendant la période d'infraction constituaient des circonstances atténuantes. Cette conclusion serait confirmée par la décision 86/398/CEE de la Commission, du 23 avril 1986, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.149 — Polypropylène) (JO L 230, p. 1, ci-après «décision Polypropylène»). La Commission aurait également considéré, à tort, que la requérante avait tiré profit de l'infraction.

73.
    La Commission relève que la requérante ne suggère pas que le secteur n'était pas rentable au cours de la période en cause. Pourtant, l'absence de difficultés majeures rencontrées par le secteur durant cette période distinguerait cette situation de celle examinée dans la décision Polypropylène.

74.
    En tout état de cause, elle ne serait pas tenue de considérer les pertes systématiquement comme une circonstance atténuante, car une telle position pourrait être jugée contraire à l'objectif d'interdiction des collusions, notamment lorsque celles-ci ont lieu dans les secteurs en difficulté.

— Appréciation du Tribunal

75.
    La requérante ne soutient pas que le secteur du carton s'est trouvé dans une situation de crise pendant la période couverte par la décision, mais uniquement que la Commission aurait dû prendre en considération sa situation financière déficitaire en tant que circonstance atténuante.

76.
    Toutefois, comme cela a déjà été jugé par la Cour, la reconnaissance de pareille obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché (arrêt du 8 novembre 1983, IAZ e.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec. p. 3369, point 55).

77.
    Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.

Sur le grief tiré de ce que la Commission aurait dû considérer, en tant que circonstance atténuante, le programme d'alignement introduit par la requérante

— Arguments des parties

78.
    La requérante soutient que constitue également une circonstance atténuante le fait d'avoir pris des mesures pour éviter des infractions nouvelles, à savoir l'introduction d'un programme d'alignement et la cessation de la fourniture d'informations à l'association CEPI-Cartonboard, le successeur de la société fiduciaire Fides pour ce qui est du traitement des informations, jusqu'à ce que la situation soit clarifiée en ce qui concerne l'échange d'informations.

79.
    Elle rejette l'argument de la Commission selon lequel le programme d'alignement ne serait qu'un élément de sa politique, déjà récompensée, qui a consisté à ne pas contester les faits après la communication des griefs. Son comportement envers la Commission au regard de l'infraction passée et l'introduction d'un programme d'alignement visant à éviter une infraction future constitueraient deux points distincts.

80.
    La Commission reconnaît qu'un programme d'alignement peut constituer une circonstance atténuante (arrêt Parker Pen/Commission, précité, point 93), en fonction des éléments de l'espèce. En l'occurrence, le programme d'alignement introduit par la requérante ferait partie de sa politique, déjà récompensée, qui a consisté à ne pas contester les allégations de fait avancées dans la communication

des griefs. De plus, ce programme n'aurait pas eu d'effet sur l'infraction elle-même ni sur la participation de la requérante à celle-ci.

— Appréciation du Tribunal

81.
    La gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C-137/95 P, Rec. p. I-1611, point 54).

82.
    Il s'ensuit que, si la mise en oeuvre d'un programme d'alignement démontre la volonté de l'entreprise en cause de prévenir les infractions futures et constitue donc un élément permettant à la Commission de mieux accomplir sa mission consistant, notamment, à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le traité et à orienter en ce sens les entreprises, le seul fait que, dans certains cas, la Commission a pris en considération, dans sa pratique décisionnelle antérieure, la mise en place d'un programme d'alignement en tant que circonstance atténuante n'impliquait pas pour elle une obligation de procéder de la même façon dans le cas présent.

83.
    Dès lors, la Commission a été en droit de considérer qu'il convenait, en l'espèce, de récompenser uniquement le comportement des entreprises lui ayant permis de constater l'infraction concernée avec moins de difficulté. Par conséquent, la requérante ayant bénéficié d'une réduction du montant de l'amende d'un tiers en raison de sa coopération avec la Commission pendant la procédure administrative, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir accordé à la requérante une réduction supplémentaire du montant de l'amende qui lui a été infligée.

84.
    Enfin, s'il est certes important que la requérante ait pris des mesures pour empêcher que de nouvelles infractions au droit communautaire de la concurrence soient commises à l'avenir par des membres de son personnel, ce fait ne change rien à la réalité de l'infraction qui a été constatée en l'espèce (arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7/89, Rec. p. II-1711, point 357).

85.
    Le présent grief doit donc être également rejeté.

Sur le moyen tiré de la violation du principe d'égalité de traitement en ce que l'amende infligée à Fiskeby serait trop élevée par rapport à celle infligée aux «chefs de file»

Arguments des parties

86.
    La requérante constate que l'amende de un million d'écus qui lui a été infligée correspond à 5 % de son chiffre d'affaires réalisé sur le marché communautaire du carton en 1990.

87.
    Elle estime que cette amende est beaucoup trop élevée par rapport à celle des «chefs de file» qui n'ont pas coopéré (d'un montant correspondant à 9 % de leur chiffre d'affaires communautaire), à savoir Finnboard, May-Melnhof et MoDo. Ces entreprises devraient, comme le souligne la Commission, porter une responsabilité particulière pour l'infraction. Les pourcentages des amendes devraient correctement refléter les degrés respectifs de participation à l'entente des «chefs de file» et des sociétés ayant joué un rôle mineur, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce, dans la mesure où les «chefs de file» qui ont coopéré dans la même mesure que Fiskeby ne seraient frappés que d'une amende correspondant à 6 % de leur chiffre d'affaires.

88.
    Quant à l'amende infligée à Stora, elle ne correspondrait qu'à 3 % de son chiffre d'affaires réalisé sur le marché communautaire du carton en 1990. La requérante estime injuste que l'amende qui lui a été infligée ait été fixée à un niveau supérieur à celui de l'amende infligée à Stora.

89.
    Enfin, l'amende infligée à la requérante serait également disproportionnée par rapport à celles infligées à deux des «chefs de file», KNP et Weig.

90.
    La Commission estime que la requérante n'est pas fondée à solliciter une réduction du montant de l'amende. La majoration de l'amende pour les «chefs de file» (taux de base de 9 % au lieu de 7,5 %) serait largement conforme à ce qui a été admis par la Cour et le Tribunal dans d'autres affaires.

91.
    De plus, l'amende de la requérante, fixée à 5 % du chiffre d'affaires au motif que celle-ci n'avait pas contesté les principales allégations de fait contenues dans la communication des griefs, correspondrait, en termes relatifs, à un peu plus de la moitié de celle des «chefs de file» qui n'avaient pas coopéré avec la Commission.

92.
    En raison de la particularité de leur participation au PWG, un taux initial inférieur à 9 % aurait été retenu pour les «chefs de file» KNP et Weig. Le taux de l'amende de KNP aurait ensuite été réduit en raison de la coopération de cette entreprise, pour se situer entre 5 % et 6 % du chiffre d'affaires communautaire de celle-ci pour le carton en 1990.

93.
    Enfin, le comportement de Stora, beaucoup plus utile à la Commission que celui de la requérante, aurait justifié la réduction très sensible de l'amende. Cette récompense n'aurait d'ailleurs rien à voir avec le fait que Stora était un chef de file, ainsi que le prouverait le cas de Rena, membre ordinaire, dont l'amende aurait également été réduite des deux tiers.

Appréciation du Tribunal

94.
    Il a déjà été rappelé que les amendes ont été calculées sur la base du chiffre d'affaires réalisé par chacun des destinataires de la décision sur le marché communautaire du carton en 1990 et que des taux de base de 9 et de 7,5 % de ce chiffre d'affaires ont été ensuite appliqués pour déterminer l'amende à infliger, respectivement, aux «chefs de file» de l'entente et aux «membres ordinaires» de celle-ci. Il est en outre constant que Rena et Stora ont bénéficié d'une réduction des deux tiers du montant de leurs amendes en raison de leur coopération active, dès le départ, avec la Commission, alors que certaines autres entreprises, dont la requérante, ont bénéficié d'une réduction d'un tiers du montant de leurs amendes du fait qu'elles n'avaient pas contesté, dans leurs réponses à la communication des griefs, les principales allégations de fait sur lesquels la Commission fondait ses griefs à leur égard (voir points 171 et 172 des considérants de la décision).

95.
    L'amende infligée à la requérante correspond ainsi, conformément aux critères susmentionnés, à 7,5 % du chiffre d'affaires qu'elle a réalisé sur le marché communautaire du carton en 1990, taux réduit ensuite d'un tiers au motif que l'entreprise n'a pas, dans sa réponse à la communication des griefs, contesté les principales allégations de fait sur lesquelles la Commission fondait ses griefs à son égard.

96.
    Avant d'examiner si ce niveau d'amende est excessif par rapport à celui des amendes infligées aux entreprises considérées comme des «chefs de file» de l'entente, il y a lieu de souligner que, comme cela a déjà été constaté, la Commission a, à bon droit, systématiquement tenu compte du chiffre d'affaires réalisé en 1990 par chacune des entreprises destinataires de la décision sur le marché communautaire du carton.

97.
    Pour ce qui est, en premier lieu, de la question de savoir si le montant de l'amende infligée à la requérante est excessif par rapport aux amendes infligées aux «chefs de file» qui n'ont bénéficié d'aucune réduction du montant de leurs amendes au titre de la coopération avec la Commission, il convient de souligner que laCommission a considéré à juste titre que les entreprises ayant participé aux réunions du PWG devaient porter une responsabilité particulière pour l'infraction (point 170 des considérants de la décision). Elle a ensuite fait une juste appréciation de la gravité de l'infraction commise respectivement par les «chefs de file» de l'entente et par les «membres ordinaires» de celle-ci en retenant, aux fins du calcul des amendes infligées à ces deux catégories d'entreprises, des taux de base de 9 et de 7,5 % du chiffre d'affaires pertinent.

98.
    Il doit être souligné, dans ce contexte, que la requérante n'a pas contesté la description de l'infraction contenue dans la décision ni invoqué des éléments précis susceptibles d'étayer son affirmation selon laquelle les taux de base retenus aux fins du calcul des amendes ne refléteraient pas correctement la responsabilité particulière devant être supportée par les entreprises ayant participé aux réunions du PWG.

99.
    En second lieu, rien ne permet de critiquer le choix de la Commission d'accorder des réductions du montant des amendes initialement calculées. Dès lors, ayant bénéficié d'une réduction d'un tiers du montant de l'amende au titre de sa coopération avec la Commission, la requérante n'a fait l'objet d'aucun traitement discriminatoire par rapport aux «chefs de file» qui ont bénéficié, selon le point 172 des considérants de la décision, d'une réduction identique. En toute hypothèse, la requérante n'a même pas soutenu qu'elle aurait coopéré avec la Commission de manière plus importante que les autres entreprises qui ont bénéficié d'une réduction d'un tiers du montant de leurs amendes.

100.
    En troisième lieu, pour ce qui est de la comparaison opérée par la requérante avec le traitement accordé à KNP et à Weig, il ressort d'un tableau fourni par la Commission en réponse à une question écrite du Tribunal que les amendes infligées à ces deux entreprises sont d'un niveau supérieur à celui de l'amende infligée à la requérante, mais que leurs amendes ont été calculées sur la base d'un taux inférieur au taux de base de 9 % retenu à l'égard des autres entreprises qui ont participé aux réunions du PWG.

101.
    Or, la décision contient des explications suffisantes permettant de comprendre les raisons pour lesquelles le taux de base de 9 % retenu pour les «chefs de file» de l'entente n'a pas été appliqué à KNP et à Weig. Ainsi, selon le point 170, deuxième alinéa, des considérants, KNP n'a été considérée comme l'un des «chefs de file» de l'entente que pendant la durée de sa participation aux réunions du PWG, soit une durée plus brève que celle de sa participation à l'entente. En outre, la Commission déclare avoir tenu compte du fait que Weig, bien que membre du PWG, ne semblait pas avoir joué un rôle important dans la détermination de la politique de l'entente (point 170, troisième alinéa, des considérants). L'affirmation de la requérante selon laquelle l'amende qui lui a été infligée serait disproportionnée par rapport à celles infligées à KNP et à Weig est donc dénuée de fondement.

102.
    Enfin, en quatrième lieu, Stora a fourni à la Commission des déclarations comportant une description très détaillée de la nature et de l'objet de l'infraction, du fonctionnement des divers organes du GEP Carton et de la participation à l'infraction des différents producteurs. Par ces déclarations, Stora a fourni des renseignements allant bien au-delà de ceux dont la production peut être exigée par la Commission en vertu de l'article 11 du règlement n° 17. Bien que la Commission déclare, dans la décision, qu'elle a obtenu des éléments de preuve corroborant les

renseignements contenus dans les déclarations de Stora (points 112 et 113 des considérants), il apparaît clairement que les déclarations de Stora ont constitué le principal élément de preuve de l'existence de l'infraction. Sans ces déclarations, il aurait donc été, à tout le moins, beaucoup plus difficile pour la Commission de constater et, le cas échéant, de mettre fin à l'infraction faisant l'objet de la décision.

103.
    Dans ces conditions, la Commission n'a pas, en réduisant des deux tiers le montant de l'amende infligée à Stora, dépassé la marge d'appréciation dont elle dispose lors de la détermination du montant des amendes. La requérante ne saurait donc valablement prétendre que l'amende qui lui a été infligée est excessive par rapport à celle infligée à Stora.

104.
    A la lumière de ce qui précède, le présent moyen doit être rejeté.

Sur le moyen, invoqué à titre subsidiaire, tiré d'une violation de l'article 190 du traité

Arguments des parties

105.
    La requérante estime que la décision est entachée d'un défaut de motivation, car son contenu ne lui permet pas de vérifier adéquatement les circonstances qui ont conduit la Commission à lui infliger une amende de un million d'écus. La décision ne remplirait donc pas les exigences posées par la Cour (arrêts du 4 juillet 1963, Allemagne/Commission, 24/62, Rec. p. 129, 143, et du 7 avril 1992, Compagnia italiana alcool/Commission, C-358/90, Rec. p. I-2457, point 40).

106.
    Bien que des considérations divulguées pour la première fois à l'occasion d'une conférence de presse tenue le 13 juillet 1994 par un membre de la Commission aient manifestement constitué des éléments d'une grande importance dans le raisonnement suivi par celle-ci lors de la détermination du niveau des amendes, elles ne figureraient pas dans la décision.

107.
    La Commission n'aurait pas indiqué, ainsi que l'exigerait la jurisprudence précitée, les principaux points de fait lui servant de support et aurait omis de faire apparaître son raisonnement, ce qui serait nécessaire afin de permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et de défendre leurs droits et au Tribunal d'exercer son contrôle. Ainsi, la décision n'indiquerait pas l'année de référence du chiffre d'affaires choisi comme base de calcul des amendes, le pourcentage de l'amende infligée aux «chefs de file» et aux autres entreprises, ni les montants des réductions accordées à Stora et à la requérante.

108.
    Plus particulièrement, la requérante conteste avoir disposé, comme l'affirme la Commission, d'indications relatives au choix de l'exercice 1990 pour le calcul de l'amende. En ce qui concerne le premier document mentionné par la Commission, à savoir une lettre de demande de renseignements au titre de l'article 11 du règlement n° 17, datée du 16 juillet 1991, il contiendrait une invitation de la Commission à communiquer le chiffre d'affaires réalisé «durant les cinq dernières

années». S'agissant des chiffres d'affaires indiqués dans les renseignements individuels joints à la communication des griefs, ils concerneraient quatre années (de 1987 à 1990). Enfin, le passage de la décision auquel renvoie la Commission (point 168, troisième tiret, des considérants) n'indiquerait en rien que l'année de référence choisie était l'année 1990.

109.
    A supposer que la Commission ait voulu se fonder sur les critères généraux définis au point 169 des considérants de la décision pour justifier l'amende infligée à la requérante, la motivation contenue dans ce point serait alors insuffisante. En effet, les destinataires qui ont invoqué des circonstances atténuantes (notion d'ailleurs non définie par la Commission) se trouveraient dans l'impossibilité de savoir lesquelles de ces circonstances ont finalement été prises en considération. La Commission ne saurait justifier l'absence d'examen des circonstances atténuantes invoquées en affirmant qu'elles ne constituaient pas des «circonstances atténuantes réelles».

110.
    En outre, elle aurait dû expliquer comment les critères généraux retenus pour toutes les entreprises aux fins de la détermination du montant de l'amende devaient s'appliquer aux diverses entreprises considérées individuellement (voir, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Petrofina/Commission, T-2/89, Rec. p. II-1087). Cette exigence se serait imposée, dès lors que la Commission a l'obligation d'expliquer les circonstances atténuantes dont elle tient compte lorsqu'elle arrête une décision concernant l'amende infligée à une seule entreprise.

111.
    Enfin, la Commission aurait dû d'autant plus motiver sa décision que le montant de l'amende était élevé et que la procédure en matière de concurrence, susceptible d'aboutir à une sanction, revêt un caractère pénal, ainsi que la commission européenne des droits de l'homme l'aurait considéré (avis dans l'affaire Société Stenuit/État français n° 11598/85, Rapport du 30 mai 1991, série A, n° 232-A).

112.
    La Commission fait valoir que la décision est suffisamment motivée.

113.
    En ce qui concerne le choix du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice 1990, une référence audit chiffre d'affaires aurait été contenue dans plusieurs documents, à savoir dans une lettre adressée en 1991 à la requérante au titre de l'article 11 du règlement n° 17 et dans les renseignements individuels joints à la communication des griefs. En outre, le choix de l'année de référence pourrait être déduit du troisième tiret du point 168 des considérants de la décision, lequel indiquerait la valeur du marché communautaire du carton. La présente décision ressemblerait donc étroitement à la décision Polypropylène, que le Tribunal aurait maintenue dans ses aspects essentiels.

114.
    En tout état de cause, la Commission n'aurait pas à indiquer l'exercice pris en considération dans les décisions infligeant des amendes. Cette pratique décisionnelle n'aurait d'ailleurs pas été censurée par le juge communautaire.

115.
    En ce qui concerne les autres justifications contenues dans la décision, la Commission renvoie aux motifs de la décision pour l'explication relative à la notion d'infraction unique, à l'amende forfaitaire en découlant (notamment points 61 et suivants, et 129 et suivants des considérants) et à la gravité de l'infraction (points 167 et 168 des considérants, et arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Atochem/Commission, T-3/89, Rec. p. II-1177, point 227), ainsi que pour la prise en compte du rôle des entreprises ayant participé à l'infraction (points 171 et 172 des considérants).

116.
    Le seul fait que le membre de la Commission en charge de la politique de la concurrence ait ajouté certains détails supplémentaires lors de sa conférence de presse du 13 juillet 1994 ne signifierait aucunement que la décision soit insuffisamment motivée. Le Tribunal ne devrait pas tenir compte de ces indications dans son contrôle de la décision.

117.
    Enfin, la Commission n'aurait pas à répondre à chaque argument avancé par chaque entreprise mais uniquement aux arguments principaux (arrêts de la Cour du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 14, et du 11 juillet 1989, Belasco e.a./Commission, 246/86, Rec. p. 2117, point 55). En l'espèce, elle aurait pris en compte les circonstances atténuantes réelles, aurait indiqué dans la décision qui en profitait, en particulier la requérante (points 171 et 172 des considérants de la décision), et aurait considéré qu'il n'y avait pas d'autres circonstances atténuantes individuelles ni aucune circonstance atténuante générale.

Appréciation du Tribunal

118.
    Il ressort d'une jurisprudence constante que l'obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité, étant précisé que la portée de cetteobligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T-49/95, Rec. p. II-1799, point 51).

119.
    Pour ce qui est d'une décision infligeant, comme en l'espèce, des amendes à plusieurs entreprises pour une infraction aux règles communautaires de la concurrence, la portée de l'obligation de motivation doit être notamment déterminée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance SPO e.a./Commission, précitée, point 54).

120.
    De plus, lors de la fixation du montant de chaque amende, la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation, et elle ne saurait être considérée comme tenue d'appliquer, à cet effet, une formule mathématique précise (voir, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T-150/89, Rec. p. II 1165, point 59).

121.
    Dans la décision, les critères pris en compte pour déterminer le niveau général des amendes et le montant des amendes individuelles figurent, respectivement, aux points 168 et 169 des considérants. En outre, pour ce qui est des amendes individuelles, la Commission explique au point 170 des considérants que les entreprises ayant participé aux réunions du PWG ont, en principe, été considérées comme des «chefs de file» de l'entente, alors que les autres entreprises ont été considérées comme des «membres ordinaires» de celle-ci. Enfin, aux points 171 et 172 des considérants, elle indique que les montants des amendes infligées à Rena et à Stora doivent être considérablement réduits pour tenir compte de leur coopération active avec la Commission et que huit autres entreprises, dont la requérante, peuvent également bénéficier d'une réduction dans une proportion moindre, du fait qu'elles n'ont pas, dans leurs réponses à la communication des griefs, nié les principales allégations de fait sur lesquelles la Commission fondait ses griefs.

122.
    Dans ses écritures devant le Tribunal ainsi que dans sa réponse à une question écrite de celui-ci, la Commission a expliqué que les amendes ont été calculées sur la base du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises destinataires de la décision sur le marché communautaire du carton en 1990. Des amendes d'un niveau de base de 9 ou de 7,5 % de ce chiffre d'affaires individuel ont ainsi été infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme les «chefs de file» de l'entente et aux autres entreprises. Enfin, la Commission a tenu compte de l'éventuelle attitude coopérative de certaines entreprises au cours de la procédure devant elle. Deux entreprises ont bénéficié à ce titre d'une réduction des deux tiers du montant de leurs amendes, tandis que d'autres entreprises ont bénéficié d'une réduction d'un tiers.

123.
    Il ressort, par ailleurs, d'un tableau fourni par la Commission et contenant des indications quant à la fixation du montant de chacune des amendes individuelles que, si celles-ci n'ont pas été déterminées en appliquant de manière strictement mathématique les seules données chiffrées susmentionnées, lesdites données ont cependant été systématiquement prises en compte aux fins du calcul des amendes.

124.
    Or, la décision ne précise pas que les amendes ont été calculées sur la base du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises sur le marché communautaire du carton en 1990. Sur ce point, il y a lieu de souligner que, contrairement à ce qu'affirme la Commission, aucune indication de l'année de référence retenue ne figure au point 168, troisième tiret, des considérants de la décision, ni dans les

renseignements individuels de la communication des griefs, ni dans la demande de renseignements invoquée par la Commission.

125.
    Il doit être rappelé ensuite que les taux de base appliqués de 9 et de 7,5 % pour calculer les amendes infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme des «chefs de file» et à celles considérées comme des «membres ordinaires» ne figurent pas, non plus, dans la décision. N'y figurent pas davantage les taux des réductions accordées à Rena et à Stora, d'une part, et à huit autres entreprises, dont la requérante, d'autre part.

126.
    En l'espèce, il y a lieu de considérer, en premier lieu, que, interprétés à la lumière de l'exposé détaillé, dans la décision, des allégations factuelles formulées à l'égard de chaque destinataire de la décision, les points 169 à 172 des considérants de celle-ci contiennent une indication suffisante et pertinente des éléments d'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée de l'infraction commise par chacune des entreprises en cause (voir, dans le même sens, arrêt Petrofina/Commission, précité, point 264).

127.
    Il ne saurait, dans ce contexte, être reproché à la Commission de ne pas avoir expressément indiqué, dans la décision, les raisons pour lesquelles elle avait estimé ne pas devoir prendre en considération les prétendues circonstances atténuantes invoquées par la requérante. Si, en vertu de l'article 190 du traité, la Commission est tenue de mentionner les éléments de fait dont dépend la justification de la décision et les considérations qui l'ont amenée à prendre celle-ci, cette disposition n'exige pas en effet que la Commission discute tous les points de fait et de droit qui auraient été traités au cours de la procédure administrative (voir arrêt Michelin/Commission, précité, points 14 et 15).

128.
    En second lieu, lorsque le montant de chaque amende est, comme en l'espèce, déterminé sur la base de la prise en compte systématique de certaines données précises, l'indication, dans la décision, de chacun de ces facteurs permettrait aux entreprises de mieux apprécier, d'une part, si la Commission a commis des erreurs lors de la fixation du montant de l'amende individuelle et, d'autre part, si le montant de chaque amende individuelle est justifié par rapport aux critères généraux appliqués. En l'espèce, l'indication dans la décision des facteurs en cause, soit le chiffre d'affaires de référence, l'année de référence, les taux de base retenus et les taux de réduction du montant des amendes, n'aurait comporté aucune divulgation implicite du chiffre d'affaires précis des entreprises destinataires de la décision, divulgation qui aurait pu constituer une violation de l'article 214 du traité. En effet, le montant final de chaque amende individuelle ne résulte pas, comme la Commission l'a elle-même souligné, d'une application strictement mathématique desdits facteurs.

129.
    La Commission a d'ailleurs reconnu, lors de l'audience, que rien ne l'aurait empêchée d'indiquer, dans la décision, les facteurs qui avaient été pris systématiquement en compte et qui avaient été divulgués pendant une conférence

de presse tenue le jour même de l'adoption de cette décision. A cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation d'une décision doit figurer dans le corps même de celle-ci et que des explications postérieures fournies par la Commission ne sauraient, sauf circonstances particulières, être prises en compte (voir arrêt du Tribunal du 2 juillet 1992, Dansk Pelsdyravlerforening/Commission, T-61/89, Rec. p. II-1931, point 131, et, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T-30/89, Rec. p. II-1439, point 136).

130.
    Malgré ces constatations, il doit être relevé que la motivation relative à la fixation du montant des amendes contenue aux points 167 à 172 des considérants de la décision est, au moins, aussi détaillée que celles contenues dans les décisions antérieures de la Commission portant sur des infractions similaires. Or, bien que le moyen tiré d'un vice de motivation soit d'ordre public, aucune critique n'avait, au moment de l'adoption de la décision, été soulevée par le juge communautaire quant à la pratique suivie par la Commission en matière de motivation des amendes infligées. Ce n'est que dans l'arrêt du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission (T-148/89, Rec. p. II-1063, point 142), et dans deux autres arrêts rendus le même jour, Société métallurgique de Normandie/Commission (T-147/89, Rec. p. II-1057, publication sommaire), et Société des treillis et panneaux soudés/Commission (T-151/89, Rec. p. II-1191, publication sommaire), que le Tribunal a, pour la première fois, souligné qu'il est souhaitable que les entreprises puissent connaître en détail le mode de calcul de l'amende qui leur est infligée, sans être obligées, pour ce faire, d'introduire un recours juridictionnel contre la décision de la Commission.

131.
    Il s'ensuit que lorsqu'elle constate, dans une décision, une infraction aux règles de la concurrence et inflige des amendes aux entreprises ayant participé à celle-ci la Commission doit, si elle a systématiquement pris en compte certains éléments de base pour fixer le montant des amendes, indiquer ces éléments dans le corps de la décision afin de permettre aux destinataires de celle-ci de vérifier le bien-fondé du niveau de l'amende et d'apprécier l'existence d'une éventuelle discrimination.

132.
    Dans les circonstances particulières relevées au point 129 ci-dessus, et compte tenu du fait que la Commission s'est montrée disposée à fournir, lors de la procédure contentieuse, tout renseignement pertinent relatif au mode de calcul des amendes, l'absence de motivation spécifique dans la décision sur le mode de calcul des amendes ne doit pas, en l'espèce, être considérée comme constitutive d'une violation de l'obligation de motivation justifiant l'annulation totale ou partielle des amendes infligées.

133.
    Par conséquent, le présent moyen ne saurait être retenu.

134.
    Au vu de l'ensemble de ce qui précède, le recours doit être rejeté.

Sur les dépens

135.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La requérante est condamnée aux dépens.

Vesterdorf             Briët     Lindh

     Potocki      Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 mai 1998.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: l'anglais.