Language of document : ECLI:EU:T:2020:140




DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

2 avril 2020 (*)

« Fonction publique – Personnel de la BCE – Rémunération – Concours – Égalité de traitement entre candidats internes et externes – Classement en échelon »

Dans l’affaire T‑474/18,

Sebastian Veit, demeurant à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), représenté par Me K. Kujath, avocat,

partie requérante,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par MM. F. von Lindeiner et M. Rötting, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et sur l’article 50 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision de la BCE du 3 janvier 2018 dans la mesure où elle ne classe le requérant qu’à l’échelon 17 de la tranche de salaire F/G et, d’autre part, de la décision de la BCE du 25 mai 2018 rejetant la réclamation du requérant,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de MM. A. Kornezov (rapporteur), président, J. Passer et G. Hesse, juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 18 décembre 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er octobre 2015, à la suite d’un concours, la Banque centrale européenne (BCE) a recruté le requérant, M. Sebastian Veit, pour la période du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2018, en tant qu’analyste dans le domaine de la surveillance à la direction générale (DG) de la surveillance microprudentielle IV. Le contrat du requérant était un contrat à durée déterminée qui, à son expiration, pouvait être converti en un contrat à durée indéterminée.

2        Lors de son recrutement, le requérant a été classé, conformément à l’avis de vacance, dans la tranche de salaire E/F selon la structure salariale de la BCE. Au sein de cette tranche, la BCE lui a accordé l’échelon 70 au titre de son expérience professionnelle antérieure d’environ onze années et demi à la Deutsche Bundesbank (Banque fédérale, Allemagne), laquelle, selon une pratique administrative constante telle que codifiée dans un document intitulé « Salary Proposal Guidelines » (lignes directrices relatives aux propositions de salaire), adopté par la DG des ressources humaines de la BCE le 30 avril 2012 (ci-après la « pratique administrative constante pour le calcul des salaires des nouveaux membres du personnel »), a été comptabilisée à raison de six échelons par année d’expérience professionnelle antérieure pertinente acquise à un niveau équivalent ou supérieur à celui du poste à pourvoir (6 × 11,5 = 69 échelons, qui ont été ajoutés au premier échelon de la tranche de salaire E/F, ce qui a donné l’échelon 70).

3        Dans le cadre de la procédure de révision annuelle des salaires et des primes (ci-après la « procédure ASBR ») pour la période du 1er septembre 2015 au 31 août 2016, le requérant s’est vu accorder quatre échelons supplémentaires et a ainsi avancé jusqu’à l’échelon 74 de la tranche de salaire E/F.

4        Le 27 février 2017, à la suite d’un concours, la BCE a temporairement promu le requérant à une tranche de salaire plus élevée, pour la période du 1er mars 2017 au 30 septembre 2018, en tant que superviseur à la division de la supervision des banques importantes IX de la DG de la surveillance microprudentielle II, le classant à l’échelon 17 de la tranche de salaire F/G. Le contrat du requérant était à ce titre un contrat à durée déterminée qui ne pouvait pas être converti en un contrat à durée indéterminée.  

5        Le 2 juin 2017, la BCE a publié deux avis de vacance, l’un adressé aux candidats internes et l’autre adressé aux candidats externes, dont le contenu était quasi identique, pour des postes de superviseurs bancaires au sein de la DG de la surveillance microprudentielle I, rattachés à la tranche de salaire F/G. Dans le cadre du concours organisé à cet effet (ci-après le « concours »), les candidats internes et externes ont participé à la même procédure de sélection.

6        La candidature du requérant ayant été retenue, le 3 janvier 2018, la BCE l’a transféré, à partir du 1er janvier 2018, à un poste de superviseur à la division de la supervision des banques importantes I de la DG de la surveillance microprudentielle I, le promouvant à la tranche de salaire F/G et le classant à l’échelon 17 de celle-ci (ci-après la « décision attaquée »).

7        Le classement du requérant à l’échelon 17 de la tranche de salaire F/G dans la décision attaquée était fondé sur l’article 5, paragraphe 1, de la circulaire administrative 2/2011, du 19 juillet 2011, sur la promotion (ci-après la « circulaire 2/2011 »), selon lequel le salaire de base d’un candidat interne promu à une tranche de salaire plus élevée est, lors de la prise d’effet d’une promotion, porté au premier échelon de la tranche de salaire à laquelle le nouveau poste est rattaché ou augmenté de 3 %, le montant le plus élevé étant retenu. En l’espèce, le salaire de base du requérant correspondant à son poste d’analyste dans le domaine de la surveillance, classé à l’échelon 74 de la tranche de salaire E/F, a été augmenté de 3 %, ce niveau correspondant à l’échelon 17 de la tranche de salaire F/G.

8        Par courrier électronique du 8 février 2018, le requérant a sollicité un réexamen précontentieux de la décision attaquée, conformément à l’article 41 des conditions d’emploi du personnel de la BCE, adoptées par décision de cette dernière le 9 juin 1998, modifiée le 31 mars 1999 (JO 1999, L 125, p. 32), et ayant subi plusieurs modifications ultérieures (ci-après les « conditions d’emploi »), et à l’article 8.1.2 des règles applicables au personnel de la BCE (ci-après les « règles applicables au personnel »). Il demandait, en substance, à être classé à l’échelon 83 de la tranche de salaire F/G.

9        Le directeur général adjoint de la DG des ressources humaines de la BCE a rejeté cette demande par décision du 27 février 2018.

10      Par courrier électronique du 6 avril 2018, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 41 des conditions d’emploi ainsi que des articles 8.1.4 et 8.1.5 des règles applicables au personnel.

11      Cette réclamation a été rejetée par une décision du président de la BCE du 25 mai 2018, parvenue au requérant le 6 juin 2018 (ci-après la « décision du 25 mai 2018 »).

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 août 2018, le requérant a introduit le présent recours.

13      Le 17 octobre 2018, la BCE a produit le mémoire en défense.

14      Le 6 novembre 2018, le Tribunal a décidé, en vertu de l’article 83, paragraphe 1, de son règlement de procédure, qu’un deuxième échange de mémoires n’était pas nécessaire. Toutefois, le 3 décembre 2018, le requérant a introduit une demande de dépôt d’une réplique. Le 17 décembre 2018, le Tribunal a décidé de faire droit à cette demande.

15      La réplique a été déposée au greffe du Tribunal le 20 décembre 2018. La duplique est parvenue à ce dernier le 12 février 2019.

16      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 13 mars 2019, le requérant a demandé à être entendu dans le cadre d’une audience de plaidoiries, en application de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure.

17      Le 31 octobre 2019, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure au titre de l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a invité la BCE à répondre à des questions et à produire certains documents. La BCE a déposé sa réponse au greffe du Tribunal le 17 novembre 2019. La BCE a déposé un corrigendum à sa réponse au greffe du Tribunal le 2 décembre 2019.

18      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 18 décembre 2019. Lors de cette audience, le requérant a déposé une nouvelle offre de preuve et a expliqué sa pertinence aux fins de la solution du présent litige, ce dont il a été pris acte au procès-verbal de l’audience. Le Tribunal a versé cette nouvelle offre de preuve au dossier de l’affaire dans l’attente d’une décision sur sa recevabilité et a invité la BCE à prendre position sur celle-ci, ce dont il a également été pris acte au procès-verbal de l’audience.

19      Le 30 décembre 2019, la BCE a présenté ses observations sur la nouvelle offre de preuve déposée par le requérant lors de l’audience.

20      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où la BCE ne le classe qu’à l’échelon 17 de la tranche de salaire F/G ;

–        annuler la décision du 25 mai 2018 ;

–        condamner la BCE aux dépens.

21      La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du recours 

22      Le requérant conclut à l’annulation tant de la décision attaquée que de celle du 25 mai 2018, par laquelle la BCE a rejeté sa réclamation.

23      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome (voir arrêt du 12 juillet 2018, PA/Parlement, T‑608/16, non publié, EU:T:2018:440, point 22 et jurisprudence citée).

24      En l’espèce, il convient d’observer que la décision du 25 mai 2018 confirme la décision attaquée, en révélant les motifs venant au soutien de celle-ci. La légalité de la décision attaquée doit ainsi être examinée en prenant en considération la motivation figurant dans la décision du 25 mai 2018, cette motivation étant censée coïncider avec celle de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2018, PA/Parlement, T‑608/16, non publié, EU:T:2018:440, point 23 et jurisprudence citée).

25      Par conséquent, étant donné que les conclusions en annulation dirigées contre la décision du 25 mai 2018 sont dépourvues de contenu autonome, le recours doit être regardé comme étant formellement dirigé contre la décision attaquée, telle que précisée par la décision du 25 mai 2018 (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2018, PA/Parlement, T‑608/16, non publié, EU:T:2018:440, point 24 et jurisprudence citée).

 Sur le bien-fondé du recours

26      À l’appui de son recours, le requérant soulève deux moyens, tirés, le premier, d’une violation du principe d’égalité de traitement et, le second, d’une violation du devoir de sollicitude.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement

27      Le requérant soutient, en substance, que la décision attaquée est contraire au principe d’égalité de traitement, car, en ne le classant qu’à l’échelon 17 de la tranche de salaire F/G, la BCE lui aurait accordé, en tant que candidat interne ayant réussi le concours, un traitement moins favorable que celui accordé aux candidats externes ayant réussi le même concours.

28      Selon le requérant, il se trouverait dans une situation comparable à celle des candidats externes ayant réussi le concours dans la mesure, notamment, où tous les candidats, internes et externes, auraient postulé dans le cadre d’avis de vacance identiques, avec les mêmes profils de postes et d’exigences, participé à la même procédure de sélection et été évalués sur un pied d’égalité.

29      Or, la BCE aurait appliqué des règles différentes aux fins du classement en échelon de la tranche de salaire F/G pour les candidats internes et pour les candidats externes. En effet, tandis que, en ce qui concerne les candidats internes ayant réussi le concours, tel le requérant, elle aurait appliqué l’article 5, paragraphe 1, de la circulaire 2/2011, en ce qui concerne les candidats externes ayant réussi le même concours, elle aurait appliqué la pratique administrative constante pour le calcul des salaires des nouveaux membres du personnel, décrite au point 2 ci‑dessus. Par voie de conséquence, la BCE aurait traité les candidats internes faisant valoir une expérience pertinente antérieure de façon moins favorable que les candidats externes aux fins de leur classement en échelon.

30      En effet, selon le requérant, il aurait disposé, à la date du 1er janvier 2018, d’au minimum 13,75 années d’expérience professionnelle antérieure pertinente. Ainsi, si la BCE avait pris en compte cette expérience professionnelle à raison de six échelons par année d’expérience professionnelle antérieure pertinente en application de la pratique administrative constante pour le calcul des salaires des nouveaux membres du personnel, comme elle l’aurait fait pour les candidats externes, au lieu de lui octroyer une augmentation de salaire de base de 3 % conformément à l’article 5, paragraphe 1, de la circulaire 2/2011, elle aurait dû lui accorder au minimum l’échelon 83, et non l’échelon 17, de la tranche de salaire F/G. Selon le requérant, cette différence de traitement n’est pas objectivement justifiée.

31      La BCE conteste les arguments du requérant.

32      Le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union européenne, désormais expressément consacré à l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), à laquelle l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, TUE reconnaît la même valeur juridique que les traités (arrêt du 22 mai 2014, Glatzel, C‑356/12, EU:C:2014:350, point 43).

33      Ainsi qu’il ressort de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, les dispositions de celle-ci s’adressent notamment aux institutions et aux organes de l’Union, qui sont, en conséquence, tenus de respecter les droits et d’observer les principes qu’elle consacre. L’article 52, paragraphe 1, de la Charte énonce que toute limitation de l’exercice des droits et des libertés reconnus par celle-ci doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés et que, dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent y être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui.

34      En matière d’emploi au sein de la BCE, le principe d’égalité de traitement est consacré à l’article 8, sous a), des conditions d’emploi dans leur version applicable au présent litige, aux termes duquel la BCE sélectionne, nomme et promeut son personnel en prenant dûment en considération les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination. L’article 9, sous c), deuxième, troisième et cinquième phrases, des conditions d’emploi, dans leur version applicable au présent litige, dispose, quant à lui, notamment, que les relations de travail au sein de la BCE sont régies par les principes généraux du droit de l’Union et par les règles contenues dans les règlements de l’Union et que, pour l’interprétation des droits et des obligations prévus par les conditions d’emploi, la BCE prendra dûment en considération les principes consacrés par les règlements, les règles et la jurisprudence s’appliquant au personnel des institutions de l’Union. 

35      Selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 11 septembre 2007, Lindorfer/Conseil, C‑227/04 P, EU:C:2007:490, point 63 et jurisprudence citée).

36      Il y a ainsi violation du principe d’égalité de traitement lorsque deux catégories de personnes, dont les situations factuelle et juridique ne présentent pas de différences essentielles, se voient appliquer un traitement différent (voir arrêt du 25 septembre 2014, Grazyte/Commission, T‑86/13 P, EU:T:2014:815, point 72 et jurisprudence citée). Ce principe n’est pas enfreint par des différences de traitement justifiées sur la base d’un critère objectif et raisonnable lorsque ces différences sont proportionnées au but poursuivi par la différenciation en question (voir arrêt du 28 avril 2017, Azoulay e.a./Parlement, T‑580/16, EU:T:2017:291, point 54 et jurisprudence citée).

37      Il convient donc d’examiner, premièrement, si le requérant, en tant que candidat interne ayant réussi le concours, se trouvait dans une situation comparable à celle des candidats externes ayant réussi le même concours, aux fins de leur classement en échelon. Si tel est le cas, il y aura lieu d’analyser, deuxièmement, si le requérant, en tant que candidat interne ayant réussi le concours, a fait l’objet d’une différence de traitement par rapport aux candidats externes ayant réussi le même concours, aux fins dudit classement. Dans l’affirmative, il conviendra d’examiner, troisièmement, si cette différence de traitement était justifiée sur la base d’un critère objectif et raisonnable ainsi que proportionnée au but poursuivi par la différenciation en question.

–       Sur la comparabilité des situations en cause

38      Selon une jurisprudence constante, la comparabilité des situations en cause doit être appréciée au regard de l’ensemble des éléments qui les caractérisent et l’examen de ce caractère comparable doit être effectué non pas de manière globale et abstraite, mais de manière spécifique et concrète, à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause et en prenant en considération, en outre, les principes et objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (voir arrêt du 4 décembre 2018, Janoha e.a./Commission, T‑517/16, non publié, EU:T:2018:874, point 82 et jurisprudence citée). Il est requis non pas que les situations soient identiques, mais seulement qu’elles soient comparables (voir arrêt du 7 mai 2019, WP/EUIPO, T‑407/18, non publié, EU:T:2019:290, point 134 et jurisprudence citée).

39      Le juge de l’Union a déjà eu l’occasion de juger que tous les fonctionnaires recrutés par une institution à partir d’un même concours se trouvaient dans une situation comparable et devaient, en l’absence de raisons objectives justifiant une différenciation, bénéficier du même traitement, notamment en matière de classement (voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 1997, Monaco/Parlement, T‑92/96, EU:T:1997:105, points 55 à 57, et du 8 juillet 2010, Lesniak/Commission, F‑67/06, EU:F:2010:79, point 61).

40      En l’espèce, le Tribunal constate que les candidats internes ayant réussi le concours, tel le requérant, et les candidats externes ayant réussi le même concours se trouvent dans des situations comparables.

41      En effet, premièrement, il y a lieu de constater que, ainsi que le met en exergue le requérant dans ses écritures, la teneur de l’avis de vacance pour les candidats internes et celle de l’avis de vacance pour les candidats externes en ce qui concerne les postes à pourvoir étaient quasi identiques. En effet, la nature, les tâches et les responsabilités des postes à pourvoir ainsi que les qualifications et l’expérience professionnelle requises, les compétences comportementales exigées et le délai de candidature étaient identiques pour les candidats internes et externes.

42      Deuxièmement, les candidats internes et externes ont participé au même concours et à la même procédure de sélection, lesquels se caractérisaient par un déroulement et des étapes procédurales identiques. En particulier, ils ont effectué, sans distinction, le même test d’aptitude en ligne et le même exercice écrit à distance et ils ont participé à des entretiens ayant la même durée et la même structure. En outre, il ressort des pièces du dossier que, parmi les 134 candidats qui ont effectué l’exercice écrit à distance et les 79 candidats qui ont participé aux entretiens, il y avait à la fois des candidats internes et des candidats externes.

43      Troisièmement, les candidats internes et externes ont été évalués sur la base des mêmes critères et sur un pied d’égalité.

44      Enfin, lors de l’audience, la BCE a confirmé l’identité des avis de vacance, de la procédure de sélection et des critères d’évaluation.

45      À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le requérant, en tant que candidat interne ayant réussi le concours, se trouvait dans une situation comparable à celle des candidats externes ayant réussi le même concours, aux fins du classement en échelon à la suite de la réussite audit concours.

46      Cette conclusion n’est pas infirmée par les arguments avancés par la BCE.

47      Premièrement, la BCE avance que, à la différence des candidats internes, déjà employés par elle, les candidats externes se trouvent, à la suite de leur réussite au concours, dans une relation contractuelle nouvellement créée, entraînant leur intégration dans son système de retraite et d’assurance ainsi que l’obligation de subir un examen médical, de se voir accorder un agrément de sécurité et de faire l’objet d’une période d’essai. En outre, pour les candidats externes, la date de début de cette nouvelle relation contractuelle déclenche le délai pour la conversion éventuelle de leur contrat de travail en un contrat à durée indéterminée.

48      Toutefois, ces différences n’ont pas de rapport avec le classement en échelon et la détermination du salaire des candidats internes et externes. En effet, il importe de souligner que, selon la jurisprudence citée au point 38, la comparabilité des situations doit être appréciée à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause. En l’espèce, tant l’article 5, paragraphe 1, de la circulaire 2/2011, applicable aux candidats internes, que la pratique administrative constante pour le calcul des salaires des nouveaux membres du personnel, applicable aux candidats externes, ont pour objet le classement en échelon et la détermination du salaire des candidats ayant réussi un concours. Or, les différences mises en exergue par la BCE sont étrangères à l’objet et au but des règles susvisées et ne sont donc pas pertinentes pour apprécier la comparabilité des situations en cause.

49      Deuxièmement, la BCE tire argument de l’arrêt du 15 mars 2007, Katalagarianakis/Commission (T‑402/03, EU:T:2007:86), pour arguer que les candidats internes et externes ayant réussi le même concours ne se trouvent pas dans une situation comparable aux fins de leur classement en échelon.

50      Cependant, l’arrêt du 15 mars 2007, Katalagarianakis/Commission (T‑402/03, EU:T:2007:86), n’est pas transposable à la présente affaire. Dans cet arrêt, portant sur le classement en échelon des candidats externes, le Tribunal a conclu que les fonctionnaires nouvellement recrutés avant la réforme du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») de 2004, au grade supérieur, conformément à l’article 31, paragraphe 2, du statut, et ceux recrutés au grade de base, conformément à l’article 32, premier alinéa, du statut, dans leur version applicable à l’époque, ne se trouvaient pas, lors de leur entrée en fonction, dans des situations factuelles et juridiques identiques aux fins de leur classement en échelon (arrêt du 15 mars 2007, Katalagarianakis/Commission, T‑402/03, EU:T:2007:86, point 71). En effet, alors que les premiers avaient déjà bénéficié de la prise en compte de leur expérience professionnelle du fait de leur nomination au grade supérieur, les seconds n’avaient pas bénéficié d’une telle prise en compte. Ainsi, les deux catégories en cause dans cette affaire ne comprenaient que des candidats externes de grades différents. En revanche, la présente affaire porte sur la situation de candidats internes et externes classés dans la même tranche de salaire, à savoir dans la tranche F/G, leur expérience professionnelle antérieure pertinente devant être prise en compte aux fins de leur classement en échelon de cette même tranche de salaire.

51      Partant, il y a lieu de conclure que, en l’espèce, les candidats internes et les candidats externes ayant réussi le même concours se trouvent dans des situations comparables aux fins de leur classement en échelon.

–       Sur l’existence d’une différence de traitement

52      La BCE a appliqué des règles différentes aux fins du classement en échelon de la tranche de salaire F/G des candidats internes ayant réussi le concours, tel le requérant, d’une part, et des candidats externes ayant réussi le même concours, d’autre part.

53      En ce qui concerne les candidats internes ayant réussi le concours, tel le requérant, la BCE a appliqué l’article 5, paragraphe 1, de la circulaire 2/2011, selon lequel le salaire de base d’un candidat interne promu à une tranche de salaire plus élevée est, lors de la prise d’effet d’une promotion, porté au premier échelon de la tranche de salaire à laquelle le nouveau poste est rattaché ou augmenté de 3 %, le montant le plus élevé étant retenu. En revanche, en ce qui concerne les candidats externes ayant réussi le même concours,  elle a appliqué la pratique administrative constante pour le calcul des salaires des nouveaux membres du personnel, selon laquelle, au moment de leur recrutement, lesdits candidats se voient accorder six échelons par année d’expérience professionnelle antérieure pertinente acquise à un niveau équivalent ou supérieur à celui du poste à pourvoir.

54      Or, il convient de constater que l’application des règles différentes mentionnées au point 53 ci-dessus aux fins du classement en échelon des candidats internes et externes est susceptible d’entraîner des résultats différents, alors même que l’expérience professionnelle antérieure pertinente des candidats internes et externes est la même.

55      Il y a donc lieu de conclure que les candidats internes ayant réussi le concours, tel le requérant, ont fait l’objet d’une différence de traitement par rapport aux candidats externes ayant réussi le même concours, aux fins de leur classement en échelon.

–       Sur la justification de la différence de traitement en cause

56      Il convient de se poser la question de savoir si la différence de traitement constatée est justifiée sur la base d’un critère objectif et raisonnable et si elle est proportionnée au but poursuivi par la différenciation en question, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

57      À titre liminaire, il y a lieu de relever que ni les conditions d’emploi, ni les règles applicables au personnel, ni la circulaire 2/2011, ni les lignes directrices relatives aux propositions de salaire adoptées par la DG des ressources humaines de la BCE le 30 avril 2012 ne fournissent des précisions ou des indications quant à l’objectif sous-tendant la différence de traitement entre les candidats internes et les candidats externes ayant réussi un concours aux fins de leur classement en échelon. Cependant, il ressort des explications données par la BCE au cours de la présente procédure que cette différence de traitement serait justifiée par l’objectif sous-tendant l’article 5, paragraphe 1, de la circulaire 2/2011 d’assurer, au cours du déroulement normal de la carrière d’un agent en activité auprès de la BCE, la plus grande continuité possible dans l’évolution de son salaire.

58      Il convient de relever, à cet égard, que, si le juge de l’Union n’a, jusqu’à présent, pas eu l’occasion de se pencher sur la conformité avec le principe général d’égalité de traitement des règles applicables au personnel de la BCE, il a déjà eu l’occasion de statuer, à plusieurs reprises, sur l’interprétation des dispositions du statut relatives au classement en échelon d’un fonctionnaire en activité nommé dans un nouvel emploi à la suite d’un concours général (voir, en ce sens, arrêts du 15 janvier 1985, Samara/Commission, 266/83, EU:C:1985:9 ; du 29 janvier 1985, Michel/Commission, 273/83, EU:C:1985:31 ; du 28 septembre 1993, Baiwir e.a./Commission, T‑103/92 à T‑105/92, EU:T:1993:79, et du 14 décembre 2011, De Luca/Commission, T‑563/10 P, EU:T:2011:746).

59      S’il est vrai que les dispositions du statut ne sont pas directement applicables au personnel de la BCE, les enseignements découlant de la jurisprudence mentionnée au point 58 ci-dessus demeurent pleinement pertinents dans la mesure où ils concernent le principe général d’égalité de traitement désormais consacré à l’article 20 de la Charte et applicable, en vertu de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, à toutes les institutions et organes de l’Union, y compris la BCE. De surcroît, aux termes mêmes de l’article 9, sous c), cinquième phrase, des conditions d’emploi, pour l’interprétation des droits et des obligations prévus par celles-ci, la BCE est censée prendre dûment en considération les principes consacrés par les règlements, les règles et la jurisprudence s’appliquant au personnel des institutions de l’Union.

60      Dans les affaires citées au point 58 ci‑dessus, le juge de l’Union était appelé à décider, en l’absence d’une base légale spécifique pour le classement en échelon d’un fonctionnaire en activité nommé dans un nouvel emploi à la suite d’un concours général, si ledit classement devait être régi, par analogie, soit par l’article 32 du statut, applicable au recrutement de personnes admises pour la première fois dans le corps de fonctionnaires de l’Union, soit par l’article 46 du statut, applicable à la promotion de personnes faisant déjà partie dudit corps. Alors que, dans le premier cas, conformément à l’article 32, deuxième alinéa, du statut, dans sa version applicable à l’époque, l’autorité investie du pouvoir de nomination pouvait accorder à l’intéressé une bonification d’ancienneté d’échelon, pour tenir compte de sa formation et de son expérience professionnelle, dans le second cas, conformément à l’article 46, premier alinéa, du statut, dans sa version applicable à l’époque, l’échelon du fonctionnaire promu à un grade supérieur était calculé par référence à son échelon dans son ancien grade, sans qu’il existe une possibilité d’obtenir une bonification d’ancienneté d’échelon (voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 1985, Samara/Commission, 266/83, EU:C:1985:9, point 8).

61      À cet égard, premièrement, le juge de l’Union a relevé que les différences entre les dispositions relatives au classement en échelon en cas de recrutement et de promotion s’expliquaient par les finalités respectives des articles 32 et 46 du statut. Alors qu’il s’agissait, dans le premier cas, d’un agent entrant au service de l’Union et dont la formation et l’expérience professionnelle antérieure pouvaient, dans des limites assez strictes, être prises en compte, il a été relevé que l’article 46 du statut avait notamment pour but d’assurer, au cours du déroulement normal de la carrière d’un fonctionnaire, la plus grande continuité possible dans l’évolution de son ancienneté (arrêt du 15 janvier 1985, Samara/Commission, 266/83, EU:C:1985:9, point 11).

62      Deuxièmement, le juge de l’Union a établi que le classement en échelon d’un fonctionnaire en activité nommé dans un nouvel emploi à la suite d’un concours général devait, en principe, être effectué, par analogie, en application des dispositions statutaires et des principes généraux régissant le déroulement normal de la carrière des fonctionnaires au sein de leur corps, c’est-à-dire ceux relatifs à la promotion, compte tenu du but poursuivi par ces règles d’assurer, pendant le déroulement de la carrière du fonctionnaire, la plus grande continuité possible dans l’évolution de son ancienneté et de son traitement, et ce même en cas de changement de catégorie, de cadre ou de groupe de fonctions par le biais d’un concours général (arrêt du 14 décembre 2011, De Luca/Commission, T‑563/10 P, EU:T:2011:746, point 47).

63      Troisièmement, le juge de l’Union a jugé que, à titre exceptionnel, il était possible d’appliquer, par analogie, les règles relatives au recrutement pour le classement en échelon de personnes ayant déjà la qualité de fonctionnaire à la suite d’un concours général, permettant ainsi de prendre en compte l’expérience professionnelle spécifique acquise par l’intéressé avant son admission dans le corps des fonctionnaires de l’Union, par le biais de l’octroi d’une bonification d’ancienneté d’échelon (arrêt du 14 décembre 2011, De Luca/Commission, T‑563/10 P, EU:T:2011:746, point 48 ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 janvier 1985, Samara/Commission, 266/83, EU:C:1985:9, point 15).

64      En particulier, le Tribunal a jugé que devaient être classés sur la base de l’article 46 du statut, relatif à la promotion, tous les fonctionnaires pour lesquels l’application de cette disposition permettait une quelconque prise en compte de la formation et de l’expérience professionnelle spécifique acquise par les intéressés avant leur entrée en service, même si celle-ci était inférieure à celle qui aurait pu résulter de l’application de l’article 32 du statut. En revanche, devaient être classés sur la base dudit article, relatif au recrutement, tous les fonctionnaires pour lesquels l’application de l’article 46 du statut ne permettait pas une telle prise en compte. Selon le Tribunal, cette solution est compatible avec la raison d’être des articles 32 et 46 du statut. En effet, pour les fonctionnaires envers lesquels l’application de l’article 46 du statut permettait la prise en compte de l’expérience acquise antérieurement à leur entrée en service, étant donné le niveau élevé qu’ils avaient atteint dans leur catégorie, que ce soit en grade ou en échelon, le passage à une catégorie supérieure s’inscrivait dans le déroulement normal de leur carrière. En revanche, pour les autres fonctionnaires, le passage à la catégorie supérieure ne s’inscrivait pas dans la continuité du déroulement de leur carrière, mais devait plutôt être assimilé au début d’une nouvelle carrière, ce qui justifiait alors l’application de l’article 32 du statut (arrêt du 28 septembre 1993, Baiwir e.a./Commission, T‑103/92 à T‑105/92, EU:T:1993:79, points 43 et 44).

65      Ainsi, le juge de l’Union a établi que, en règle générale, le classement en échelon d’un fonctionnaire en activité nommé dans un nouvel emploi à la suite d’un concours général était régi, par analogie, par l’article 46 du statut, relatif à la promotion, lorsque l’application de cette disposition permettait une quelconque prise en compte de l’expérience professionnelle antérieure du fonctionnaire. À titre exceptionnel, toutefois, ledit classement est régi, par analogie, par l’article 32 du statut, relatif au recrutement, lorsque l’application de l’article 46 du statut ne permet aucune prise en compte de l’expérience professionnelle pertinente acquise par les intéressés avant leur entrée en service.

66      Les considérations sous-tendant l’articulation entre les articles 32 et 46 du statut, d’une part, et entre la pratique administrative constante pour le calcul des salaires des nouveaux membres du personnel et l’article 5, paragraphe 1, de la circulaire 2/2011, d’autre part, sont comparables. En effet, dans les deux cas, il s’agit de déterminer si le classement en échelon d’un membre du personnel en activité nommé dans un nouvel emploi à la suite d’un concours général doit être régi soit par les dispositions relatives au recrutement, à savoir l’article 32 du statut ou, comme en l’espèce, la pratique administrative constante pour le calcul des salaires des nouveaux membres du personnel, soit par les dispositions relatives à la promotion, à savoir l’article 46 du statut ou, comme en l’espèce, l’article 5, paragraphe 1, de la circulaire 2/2011. C’est donc à la lumière de la jurisprudence citée aux points 58 à 64 ci‑dessus qu’il y a lieu d’apprécier la justification et la proportionnalité de la différence de traitement constatée dans la présente affaire.

67      Il convient donc d’examiner si l’expérience professionnelle antérieure pertinente que le requérant fait valoir en l’espèce a déjà été répercutée sur son classement en échelon de la tranche de salaire F/G résultant de l’application de l’article 5, paragraphe 1, de la circulaire 2/2011.

68      À cet égard, il y a lieu de constater, à l’instar de la BCE, que, en l’espèce, l’application de l’article 5, paragraphe 1, de la circulaire 2/2011 a effectivement permis au requérant une certaine prise en compte de son expérience professionnelle antérieure pertinente, au sens de l’arrêt du 28 septembre 1993, Baiwir e.a./Commission (T‑103/92 à T‑105/92, EU:T:1993:79, point 43).

69      En effet, il convient de constater, sur la base des données versées au dossier, que, en octobre 2015, le requérant a été recruté par la BCE pour occuper un poste d’analyste dans le domaine de la surveillance à la DG de la surveillance microprudentielle IV et classé à l’échelon 70 de la tranche de salaire E/F. Ce classement en échelon a été calculé sur la base de la pratique administrative constante pour le calcul des salaires des nouveaux membres du personnel en prenant en compte l’expérience professionnelle antérieure pertinente du requérant d’environ onze années et demi à la Banque fédérale. Ensuite, sur le fondement de la procédure ASBR pour la période du 1er septembre 2015 au 31 août 2016, le requérant a avancé jusqu’à l’échelon 74 de la tranche de salaire E/F. Puis, à partir du 1er mars 2017, le requérant a occupé un poste temporaire de superviseur à la DG de la surveillance microprudentielle II, étant classé à l’échelon 17 de la tranche de salaire F/G. À la suite de l’adoption de la décision attaquée, le requérant a occupé, à partir du 1er janvier 2018, un poste de superviseur à la DG de la surveillance microprudentielle I, étant classé à l’échelon 17 de la tranche de salaire F/G. Ce classement a été calculé sur la base de l’article 5, paragraphe 1, de la circulaire 2/2011, son salaire de base ayant été augmenté de 3 % par rapport à son salaire antérieur d’analyste dans le domaine de la surveillance rattaché à l’échelon 74 de la tranche de salaire E/F. Concomitamment, sur le fondement des procédures ASBR pour les deux périodes suivantes, le requérant a avancé d’abord jusqu’à l’échelon 20, puis jusqu’à l’échelon 23 de la tranche de salaire F/G.

70      Il s’ensuit que, comme le soutient à juste titre la BCE, l’ensemble de l’expérience professionnelle antérieure pertinente que le requérant fait valoir en l’espèce, à savoir tant son expérience professionnelle pertinente antérieure que postérieure à son entrée au service de la BCE, a été répercuté sur son classement en échelon de la tranche de salaire F/G résultant de l’application de l’article 5, paragraphe 1, de la circulaire 2/2011.

71      Certes, il n’est pas exclu que l’application aux candidats internes, tel le requérant, de la pratique administrative constante pour le calcul des salaires des nouveaux membres du personnel, au lieu de l’article 5, paragraphe 1, de la circulaire 2/2011, ait pu aboutir à un classement en échelon plus élevé.

72      Toutefois, il y a lieu de relever que, conformément à la jurisprudence citée au point 58 ci‑dessus, les fonctionnaires en activité nommés dans un nouvel emploi à la suite d’un concours général doivent être classés sur la base des dispositions relatives à la promotion lorsqu’elles permettent une quelconque prise en compte de l’expérience professionnelle pertinente acquise par ceux-ci avant leur entrée en service, même dans les cas où celle-ci est inférieure à celle qui aurait pu résulter de l’application des dispositions relatives au recrutement. Par ailleurs, la Cour a déjà jugé que le fait qu’il était tenu compte des expériences professionnelles des candidats internes et des candidats externes ayant réussi le même concours par le moyen de deux systèmes distincts n’était pas contraire au principe d’égalité de traitement si les deux groupes se distinguaient de manière objective et si les deux systèmes étaient adaptés aux besoins particuliers de chacun d’eux, et ce même si, dans un cas spécifique, l’autre système s’avérait plus avantageux pour le candidat en cause (voir, en ce sens, arrêt du 29 janvier 1985, Michel/Commission, 273/83, EU:C:1985:31, point 25).

73      En outre, comme le fait valoir la BCE, l’application au cas d’espèce de la pratique administrative constante pour le calcul des salaires des nouveaux membres du personnel risquerait d’entraîner une prise en compte à deux reprises de la même expérience professionnelle du requérant, dans la mesure où celle-ci a déjà été comptabilisée, soit lors de son recrutement initial, en ce qui concerne son expérience professionnelle pertinente acquise antérieurement à son entrée au service de la BCE, soit dans le cadre des procédures ASBR, en ce qui concerne son expérience professionnelle acquise au sein de la BCE.

74      De surcroît, il importe de souligner que, selon les pièces du dossier, l’attribution aux candidats externes de six échelons par année d’expérience professionnelle antérieure pertinente acquise à un niveau équivalent ou supérieur à celui du poste à pourvoir, en vertu de la pratique administrative constante pour le calcul des salaires des nouveaux membres du personnel, s’explique par le fait que, dans le cadre des procédures ASBR, les membres du personnel de la BCE se voient accorder, en moyenne, six échelons par année de service. En effet, selon les lignes directrices relatives aux propositions de salaire adoptées par la DG des ressources humaines de la BCE le 30 avril 2012, le but de la pratique administrative constante pour le calcul des salaires des nouveaux membres du personnel est de garantir, en substance, que le salaire des candidats externes nouvellement recrutés par la BCE se rapproche de celui de leurs collègues déjà employés par la BCE à des postes similaires. Il ressort également des pièces du dossier que le nombre d’échelons accordés aux candidats externes par année d’expérience professionnelle antérieure pertinente a évolué parallèlement aux variations du budget affecté par la BCE à la procédure ASBR. Ces éléments tendent à démontrer que, aux fins du classement en échelon des candidats internes et des candidats externes à la suite de la réussite d’un concours, la BCE vise à tenir compte de l’expérience professionnelle des deux catégories de candidats d’une manière analogue et symétrique.

75      À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la différence de traitement en cause entre, d’une part, le requérant, en tant que candidat interne ayant réussi le concours, et, d’autre part, les candidats externes ayant réussi le même concours, aux fins de leur classement en échelon, est justifiée sur la base de l’objectif poursuivi par l’article 5, paragraphe 1, de la circulaire 2/2011 consistant à assurer, au cours du déroulement normal de la carrière d’un agent en activité auprès de la BCE, la plus grande continuité possible dans l’évolution de sa carrière et de son salaire et est proportionnée audit objectif dans la mesure où l’expérience professionnelle antérieure pertinente que le requérant fait valoir en l’espèce a été répercutée sur son classement en échelon de la tranche de salaire F/G résultant de l’application de l’article 5, paragraphe 1, de la circulaire 2/2011.

76      Certes, il découle de la jurisprudence citée aux points 58 à 64 ci‑dessus que, lorsque l’application de l’article 5, paragraphe 1, de la circulaire 2/2011 ne permet aucune prise en compte de l’expérience professionnelle antérieure pertinente d’un candidat interne, il y a lieu d’appliquer les règles sur le recrutement, à savoir, en l’espèce, la pratique administrative constante pour le calcul des salaires des nouveaux membres du personnel. Tel peut être le cas, par exemple, lorsque l’expérience professionnelle antérieure n’a pas été considérée comme pertinente aux fins du premier recrutement du candidat, mais doit en revanche être désormais qualifiée comme telle au regard du profil du nouveau poste auquel il a été promu à la suite du concours. Tel n’est cependant pas le cas en l’espèce, l’expérience professionnelle antérieure pertinente du requérant ayant été répercutée au cours du déroulement de sa carrière au sein de la BCE, y compris lors de sa promotion au poste de superviseur à la suite de l’adoption de la décision attaquée, ainsi qu’il ressort des points 68 à 70 ci‑dessus.

77      Enfin, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner la recevabilité de la nouvelle offre de preuve produite par le requérant lors de l’audience, consistant en une impression d’une page du site Intranet de la BCE faisant référence à l’adoption de nouvelles règles qui seraient applicables à partir de l’année 2020 et qui auraient pour objectif de garantir un « traitement cohérent des candidats internes et externes en ce qui concerne le niveau de leur rémunération dans une campagne de recrutement externe », il suffit de relever que ces nouvelles règles, dont le libellé exact n’a pas été présenté devant le Tribunal, n’étaient pas applicables ratione temporis lors du classement en échelon du requérant.

78      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation du devoir de sollicitude

79      Le requérant soutient que la décision attaquée enfreint le devoir de sollicitude incombant à la BCE, en vertu duquel les membres du personnel ne sauraient être défavorisés, sans justification de fond, par rapport à des candidats qui ne sont pas encore dans un rapport d’emploi avec l’institution qui les recrute.

80      La BCE excipe de l’irrecevabilité du second moyen au motif que le requérant n’aurait pas soulevé un tel grief au cours de la procédure administrative et que ce moyen ne serait pas conforme à l’article 76, sous d), du règlement de procédure. Elle conteste également les arguments du requérant sur le fond.

81      En l’espèce, le requérant n’avance aucun argument autonome au soutien de son second moyen eu égard à ceux présentés dans le cadre du premier moyen. Le second moyen repose ainsi, en réalité, sur la prémisse d’une violation du principe d’égalité de traitement. Or, cette prémisse ayant été rejetée précédemment comme non fondée, le second moyen doit être rejeté également comme non fondé, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur sa recevabilité.

82      Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter comme non fondé le second moyen et, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

83      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la BCE.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Sebastian Veit est condamné aux dépens.

Kornezov

Passer

Hesse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 avril 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.