Language of document : ECLI:EU:T:2019:468


ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

2 juillet 2019 (*)

« Responsabilité non contractuelle – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre la République islamique d’Iran – Gel des fonds – Restriction en matière d’admission aux territoires des États membres – Réparation du dommage prétendument subi à la suite de l’inscription et du maintien du nom du requérant sur des listes de personnes et d’entités auxquelles s’appliquent des mesures restrictives – Préjudice matériel – Préjudice moral »

Dans l’affaire T‑406/15,

Fereydoun Mahmoudian, demeurant à Téhéran (Iran), représenté par Mes A. Bahrami et N. Korogiannakis, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme R. Liudvinaviciute-Cordeiro et M. M. Bishop, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée initialement par M. A. Aresu et Mme D. Gauci, puis par MM. Aresu et R. Tricot, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que le requérant aurait prétendument subi à la suite de l’adoption de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO 2010, L 195, p. 39), du règlement d’exécution (UE) no 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) no 423/2007 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2010, L 195, p. 25), de la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 (JO 2010, L 281, p. 81), et du règlement (UE) no 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) no 423/2007 (JO 2010, L 281, p. 1), par lesquels le nom du requérant avait été inscrit et maintenu sur les listes des personnes et des entités auxquelles s’appliquaient les mesures restrictives,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová (rapporteur), président, MM. V. Valančius et U. Öberg, juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 11 décembre 2018,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires (ci-après la « prolifération nucléaire »).

2        Le requérant, M. Fereydoun Mahmoudian, est actionnaire majoritaire et président du conseil d’administration de Fulmen. Cette dernière est une société iranienne, active notamment dans le secteur des équipements électriques.

3        Au sein de l’Union européenne, ont été adoptés la position commune 2007/140/PESC du Conseil, du 27 février 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 61, p. 49) et le règlement (CE) no 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 103, p. 1).

4        L’article 5, paragraphe 1, sous b), de la position commune 2007/140 prévoyait le gel de tous les fonds et de toutes les ressources économiques de certaines catégories de personnes et d’entités. La liste de ces personnes et entités figurait à l’annexe II de la position commune 2007/140.

5        Pour autant que les compétences de la Communauté européenne étaient concernées, l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 423/2007 prévoyait le gel des fonds des personnes, des entités ou des organismes reconnus par le Conseil de l’Union européenne comme participant à la prolifération nucléaire selon l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la position commune 2007/140. La liste de ces personnes, de ces entités et de ces organismes formait l’annexe V du règlement no 423/2007.

6        La position commune 2007/140 a été abrogée par la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 195, p. 39).

7        L’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413 prévoit le gel des fonds de plusieurs catégories d’entités. Cette disposition concerne, notamment, les « personnes et entités […] qui participent, sont directement associées ou apportent un appui [à la prolifération nucléaire], ou les personnes ou entités agissant pour leur compte ou sur leurs ordres, ou les entités qui sont leur propriété ou sont sous leur contrôle, y compris par des moyens illicites, […] telles qu’énumérées à l’annexe II ».

8        La liste de l’annexe II de la décision 2010/413 a été remplacée par une nouvelle liste, arrêtée dans la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 (JO L 281, p. 81).

9        Le 25 octobre 2010, le Conseil a adopté le règlement (UE) no 961/2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement no 423/2007 (JO L 281, p. 1).

10      Dès l’adoption de la décision 2010/413, le 26 juillet 2010, le nom du requérant a été inscrit par le Conseil dans la liste de personnes, d’entités et d’organismes figurant dans le tableau I de l’annexe II de ladite décision.

11      Par voie de conséquence, le nom du requérant a été inscrit dans la liste de personnes, d’entités et d’organismes figurant dans le tableau I de l’annexe V du règlement no 423/2007 par le règlement d’exécution (UE) no 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 423/2007 (JO L 195, p. 25). L’adoption du règlement d’exécution no 668/2010 a eu pour conséquence le gel des fonds et des ressources économiques du requérant.

12      Dans la décision 2010/413, de même que dans le règlement d’exécution no 668/2010, le Conseil a retenu les motifs suivants s’agissant du requérant : « Directeur de Fulmen ».

13      Par lettre du 26 août 2010, le requérant a demandé au Conseil de revenir sur son inclusion dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et dans celle de l’annexe V du règlement no 423/2007. Il a également invité le Conseil à lui communiquer les éléments sur lesquels il s’était fondé pour adopter les mesures restrictives à son égard.

14      L’inscription du nom du requérant dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 n’a pas été affectée par l’adoption de la décision 2010/644.

15      Le règlement no 423/2007 ayant été abrogé par le règlement no 961/2010, le nom du requérant a été inclus par le Conseil au point 14 du tableau A de l’annexe VIII de ce dernier règlement. Dès lors, les fonds du requérant ont été gelés en vertu de l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 961/2010.

16      Par lettre du 28 octobre 2010, le Conseil a répondu à la lettre du requérant du 26 août 2010 en indiquant que, après réexamen, il rejetait sa demande tendant à ce que son nom soit supprimé de la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et de celle de l’annexe VIII du règlement no 961/2010. Il a précisé, à cet égard, que, dans la mesure où le dossier ne comportait pas d’éléments nouveaux justifiant un changement de sa position, le requérant devait continuer à être soumis aux mesures restrictives prévues par lesdits textes. Le Conseil a indiqué, en outre, que sa décision de maintenir le nom du requérant inscrit sur ces listes n’était pas fondée sur des éléments autres que ceux mentionnés dans la motivation desdites listes.

17      Par arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), le Tribunal a annulé la décision 2010/413, le règlement d’exécution no 668/2010, la décision 2010/644 et le règlement no 961/2010, pour autant qu’ils concernaient Fulmen et le requérant.

18      En ce qui concerne les effets dans le temps de l’annulation des actes attaqués dans le cadre du recours ayant donné lieu à l’arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), au point 106 de cet arrêt, le Tribunal a, quant au règlement no 961/2010, rappelé que, en vertu de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, par dérogation à l’article 280 TFUE, les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, dudit statut ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci. En l’espèce, il a jugé que le risque d’une atteinte sérieuse et irréversible à l’efficacité des mesures restrictives qu’impose le règlement no 961/2010 n’apparaissait pas suffisamment élevé, compte tenu de l’importante incidence de ces mesures sur les droits et les libertés des requérants, pour justifier le maintien des effets dudit règlement à l’égard de ces derniers pendant une période allant au-delà de celle prévue à l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

19      En outre, au point 107 de l’arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), le Tribunal a maintenu les effets de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, jusqu’à la prise d’effet de l’annulation du règlement no 961/2010.

20      Le 4 juin 2012, le Conseil a formé un pourvoi devant la Cour contre l’arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142). Ce pourvoi a été enregistré sous la référence C‑280/12 P. À l’appui dudit pourvoi, le Conseil a notamment fait valoir que le Tribunal avait commis une erreur de droit en jugeant qu’il devait apporter des éléments permettant de prouver que Fulmen était intervenue sur le site de Qom/Fordoo (Iran) et cela nonobstant la circonstance que les éléments susceptibles d’être avancés provenaient de sources confidentielles et que les erreurs de droit commises par le Tribunal portaient sur deux aspects de la communication de ces éléments, le premier étant relatif à la communication au Conseil d’éléments de preuve par les États membres et le second à la communication des éléments confidentiels au juge.

21      Par arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian (C‑280/12 P, EU:C:2013:775), la Cour a rejeté le pourvoi comme étant non fondé, en confirmant ce que le Tribunal avait jugé au point 103 de l’arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), à savoir que le Conseil n’avait pas apporté la preuve que Fulmen était intervenue sur le site de Qom/Fordoo.

22      Par le règlement d’exécution (UE) no 1361/2013 du Conseil, du 18 décembre 2013, mettant en œuvre le règlement no 267/2012 (JO 2013, L 343, p. 7), le Conseil, tirant les conséquences de l’arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian (C‑280/12 P, EU:C:2013:775), a procédé à la radiation du nom du requérant des listes des personnes et entités, faisant l’objet de mesures restrictives, qui figurent respectivement à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe IX du règlement no 267/2012, avec effet au 19 décembre 2013. Depuis lors, le nom du requérant n’a pas été réinscrit sur une quelconque liste.

II.    Procédure et conclusions des parties

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 juillet 2015, le requérant a introduit le présent recours. L’affaire a été attribuée à la première chambre du Tribunal.

24      Le 9 novembre 2015, le Conseil a déposé le mémoire en défense.

25      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 novembre 2015, la Commission européenne a demandé à intervenir dans la présente procédure, au soutien des conclusions du Conseil.

26      Le 2 décembre 2015, le requérant a déposé ses observations sur la demande d’intervention de la Commission. Le Conseil n’a pas déposé d’observations sur cette demande dans le délai imparti.

27      Par décision du président de la première chambre du Tribunal du 10 décembre 2015, adoptée conformément à l’article 144, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, la Commission a été admise à intervenir dans le présent litige.

28      Le 12 janvier 2016, le requérant a déposé la réplique.

29      Le 25 janvier 2016, la Commission a déposé le mémoire en intervention. Ni le Conseil ni le requérant n’ont déposé d’observations sur ce mémoire.

30      Le 26 février 2016, le Conseil a déposé la duplique.

31      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 29 mars 2016, le requérant a demandé la tenue d’une audience de plaidoiries, conformément à l’article 106, paragraphe 1, du règlement de procédure.

32      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a adopté une première mesure d’organisation de la procédure consistant à entendre les parties sur une éventuelle suspension de la procédure dans l’attente de la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans l’affaire C‑45/15 P, Safa Nicu Sepahan/Conseil. Le Conseil a fait valoir ses observations à cet égard dans le délai imparti.

33      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

34      Par décision du 31 août 2016, le président de la première chambre du Tribunal a, décidé de suspendre la procédure dans la présente affaire.

35      À la suite du prononcé de l’arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil (C‑45/15 P, EU:C:2017:402), sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a adopté une seconde mesure d’organisation de la procédure consistant à entendre les parties sur les conséquences qu’elles tiraient de cet arrêt pour la présente affaire (ci-après la « seconde mesure d’organisation de la procédure »). Les parties principales et la Commission ont fait valoir leurs observations à cet égard dans le délai imparti.

36      Par lettre du 28 novembre 2018, la Commission a informé le Tribunal que, tout en continuant à soutenir la position du Conseil, elle n’estimait pas nécessaire de participer à l’audience dans la présente affaire.

37      Les parties principales ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 11 décembre 2018.

38      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer la requête recevable et fondée ;

–        condamner le Conseil à lui payer un montant de 2 227 000 euros, en réparation du dommage matériel qu’il a subi et un montant de 600 000 euros, en réparation du préjudice moral qu’il a subi du fait de cette même inscription ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

39      Le Conseil et la Commission concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la compétence du Tribunal

40      Dans la duplique, se fondant sur l’arrêt du 18 février 2016, Jannatian/Conseil (T‑328/14, non publié, EU:T:2016:86), le Conseil oppose que, pour autant que le requérant a fondé sa demande en réparation sur l’illégalité de l’inscription de son nom sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, le Tribunal n’est pas compétent pour statuer sur le présent recours, dans la mesure où l’article 275, second alinéa, TFUE ne confère pas de compétence au Tribunal pour statuer sur une demande en réparation fondée sur l’illégalité d’un acte relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC).

41      En réponse à une question posée par le Tribunal au cours de l’audience, l’invitant à faire part de ses observations sur la fin de non-recevoir du Conseil, le requérant a précisé que, par le présent recours, il entendait demander réparation du préjudice causé par les seuls règlements adoptés par le Conseil, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience. Au regard de ladite réponse, il y a lieu de considérer que, en substance, le requérant a modifié le deuxième chef de conclusions de la requête, de sorte que, finalement, il demande uniquement que le Tribunal condamne le Conseil à lui payer un montant de 2 227 000 euros en réparation du dommage matériel qu’il a subi du fait de l’inscription illégale de son nom sur les listes annexées au règlement d’exécution no 668/2010 et au règlement no 961/2010 (ci-après les « listes litigieuses ») et un montant de 600 000 euros en réparation du préjudice moral qu’il a subi du fait de cette même inscription.

42      En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 129 du règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, statuer sur les fins de non-recevoir d’ordre public, au rang desquelles figure, selon la jurisprudence, la compétence du juge de l’Union pour connaître du recours (voir, en ce sens, arrêts du 18 mars 1980, Ferriera Valsabbia e.a./Commission, 154/78, 205/78, 206/78, 226/78 à 228/78, 263/78, 264/78, 31/79, 39/79, 83/79 et 85/79, EU:C:1980:81, point 7, et du 17 juin 1998, Svenska Journalistförbundet/Conseil, T‑174/95, EU:T:1998:127, point 80).

43      À ce titre, il ressort de la jurisprudence que si un recours en indemnité tendant à la réparation du dommage prétendument subi du fait de l’adoption d’un acte en matière de PESC échappe à la compétence du Tribunal (arrêt du 18 février 2016, Jannatian/Conseil, T‑328/14, non publié, EU:T:2016:86, points 30 et 31), en revanche, le Tribunal s’est toujours reconnu compétent pour connaître d’une demande en réparation d’un dommage prétendument subi par une personne ou une entité, en raison de mesures restrictives adoptées à son égard, conformément à l’article 215 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié, EU:T:2007:207, points 232 à 251, et du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, points 45 à 149).

44      Il ne saurait en aller autrement s’agissant d’une demande en réparation d’un dommage prétendument subi par une personne ou une entité en raison de mesures restrictives prises à son égard, conformément à l’article 291, paragraphe 2, TFUE.

45      En effet, selon la jurisprudence, aucune disposition du traité FUE ne prévoit que la sixième partie de celui-ci, relative aux dispositions institutionnelles et financières, ne serait pas applicable en matière de mesures restrictives. Le recours à l’article 291, paragraphe 2, TFUE, selon lequel, « [l]orsque des conditions uniformes d’exécution des actes juridiquement contraignants de l’Union sont nécessaires, ces actes confèrent des compétences d’exécution à la Commission ou, dans des cas spécifiques dûment justifiés et dans les cas prévus aux articles 24 et 26 du traité sur l’Union européenne, au Conseil », n’est donc pas exclu, pour autant que les conditions prévues à cette disposition sont remplies (arrêt du 1er mars 2016, National Iranian Oil Company/Conseil, C‑440/14 P, EU:C:2016:128, point 35).

46      En l’espèce, les mesures restrictives adoptées à l’égard du requérant, par la décision 2010/413, modifiée par la suite par la décision 2010/644, ont été mises en œuvre par le règlement d’exécution no 668/2010, adopté conformément à l’article 291, paragraphe 2, TFUE, et par le règlement no 961/2010, adopté conformément à l’article 215 TFUE.

47      Il s’ensuit que, si le Tribunal n’est pas compétent pour connaître de la demande en réparation du requérant, pour autant qu’elle vise à obtenir réparation du dommage qu’il aurait subi du fait de l’adoption de la décision 2010/413, modifiée par la suite par la décision 2010/644, il est, en revanche, compétent pour connaître de cette même demande, pour autant qu’elle vise la réparation du dommage qu’il aurait subi du fait de la mise en œuvre de cette même décision par le règlement d’exécution no 668/2010 et par le règlement no 961/2010 (ci-après les « actes litigieux »).

48      Par conséquent, il y a lieu de conclure que le Tribunal est compétent pour examiner le présent recours tel que modifié lors de l’audience, c’est-à-dire dans la mesure où celui-ci vise à la réparation du dommage que le requérant prétend avoir subi du fait que les mesures restrictives prises à son égard dans la décision 2010/413, modifiée par la suite par la décision 2010/644, ont été mises en œuvre par les actes litigieux (ci-après les « mesures litigieuses »).

B.      Sur le fond

49      En vertu de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, « [e]n matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions ». Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour comportement illicite des institutions, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le dommage invoqué (voir arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 106 et jurisprudence citée ; arrêts du 11 juillet 2007, Schneider Electric/Commission, T‑351/03, EU:T:2007:212, point 113, et du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 47).

50      À l’appui du présent recours, le requérant se prévaut de ce que les trois conditions susmentionnées sont réunies en l’espèce.

51      Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut au rejet du présent recours comme étant non fondé, au motif que le requérant ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que toutes les conditions pour engager la responsabilité non contractuelle de l’Union sont en l’espèce réunies.

52      Selon une jurisprudence constante, les conditions pour l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE,telles qu’elles ont déjà été énumérées au point 49 ci-dessus, sont cumulatives (arrêt du 7 décembre 2010, Fahas/Conseil, T‑49/07, EU:T:2010:499, points 92 et 93, et ordonnance du 17 février 2012, Dagher/Conseil, T‑218/11, non publiée, EU:T:2012:82, point 34).Il s’ensuit que, lorsque l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêt du 26 octobre 2011, Dufour/BCE, T‑436/09, EU:T:2011:634, point 193).

53      Il y a donc lieu de vérifier si, en l’espèce, le requérant rapporte la preuve, qui lui incombe, de l’illégalité du comportement qu’il reproche au Conseil, à savoir l’adoption des actes litigieux et le maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses, la réalité des préjudices matériel et moral qu’il prétend avoir subis et l’existence d’un lien de causalité entre ladite adoption et les préjudices qu’il invoque.

1.      Sur l’illégalité alléguée

54      Le requérant fait valoir que la condition tenant à l’illégalité du comportement d’une institution est remplie, car, en substance, l’adoption des actes litigieux et le maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses constituent une violation suffisamment caractérisée, par le Conseil, de règles de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, de nature, selon la jurisprudence, à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

55      À cet égard, premièrement, le requérant rappelle qu’il ressort de l’arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), ainsi que de l’arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian (C‑280/12 P, EU:C:2013:775), rendu sur pourvoi du Conseil et rejetant ledit pourvoi (voir point 21 ci-dessus), que les actes litigieux sont entachés d’illégalité.

56      En effet, d’une part, il rappelle que, dans l’arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), le Tribunal a considéré que le Conseil ne disposait pas du moindre élément à sa charge afin d’étayer l’inscription de son nom sur les listes litigieuses, et estime que ce fait constitue une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers de nature à engager la responsabilité extracontractuelle de l’Union. En réponse à la question posée dans le cadre de la seconde mesure d’organisation de la procédure, il indique que, compte tenu de la similarité des faits générateurs dans la présente affaire et dans celle ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil (C‑45/15 P, EU:C:2017:402), l’ensemble des constatations quant à la gravité de l’illégalité du comportement du Conseil dans cette dernière affaire est transposable mutatis mutandis à la présente affaire. Il ajoute que le Tribunal devrait conclure que la seule annulation des actes litigieux n’est pas de nature à constituer une réparation suffisante de son préjudice moral.

57      D’autre part, le requérant considère que la décision du Conseil, nonobstant le caractère flagrant de l’illégalité constatée par le Tribunal dans l’arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), d’introduire un pourvoi contre cet arrêt, constitue un détournement de pouvoir qui a eu pour conséquence l’aggravation du dommage qu’il a subi.

58      Deuxièmement, le requérant soutient que les mesures litigieuses ont eu pour conséquence d’enfreindre l’exercice de sa liberté d’entreprendre et son droit de propriété, dont il jouit en vertu des articles 16 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Cette violation de ces droits fondamentaux aggraverait l’illégalité commise par le Conseil, au point de constituer une infraction caractérisée.

59      Dans sa réponse à la question posée dans le cadre de la seconde mesure d’organisation de la procédure, le Conseil, soutenu par la Commission, ne conteste plus l’illégalité découlant de l’adoption des mesures litigieuses et reconnaît que les conclusions tirées par la Cour dans l’arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil (C‑45/15 P, EU:C:2017:402), relatives à l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers sont pertinentes dans la présente affaire, dans la mesure où la désignation du requérant est intervenue dans des circonstances proches de celles de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt. En revanche, il s’oppose aux allégations du requérant relatives à un détournement de pouvoir et à une violation des articles 16 et 17 de la Charte, et considère que l’arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil (C‑45/15 P, EU:C:2017:402), ne fournit aucune indication pertinente à cet égard.

60      En l’espèce, dans l’arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), le Tribunal a constaté l’illégalité des actes litigieux.

61      Néanmoins, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie du Tribunal, la constatation de l’illégalité d’un acte juridique ne suffit pas, pour regrettable que soit cette illégalité, pour considérer que la condition d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union tenant à l’illégalité du comportement reproché aux institutions est remplie (arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 50 ; voir également, en ce sens, arrêts du 6 mars 2003, Dole Fresh Fruit International/Conseil et Commission, T‑56/00, EU:T:2003:58, points 71 à 75, et du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, point 31). L’annulation éventuelle d’un ou de plusieurs actes du Conseil se trouvant à l’origine des préjudices invoqués par le requérant, même lorsqu’une telle annulation a été décidée par un arrêt du Tribunal prononcé avant l’introduction du recours indemnitaire, ne constitue donc pas la preuve irréfragable d’une violation suffisamment caractérisée de la part de cette institution, permettant de constater, ipso jure, la responsabilité non contractuelle de l’Union.

62      La condition tenant à l’existence d’un comportement illégal des institutions de l’Union requiert la violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 29 et jurisprudence citée).

63      L’exigence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers vise, quelle que soit la nature de l’acte illicite en cause, à éviter que le risque d’avoir à supporter les dommages allégués par les personnes concernées n’entrave la capacité de l’institution concernée à exercer pleinement ses compétences dans l’intérêt général, tant dans le cadre de son activité à portée normative ou impliquant des choix de politique économique que dans la sphère de sa compétence administrative, sans pour autant laisser peser sur des particuliers la charge des conséquences de manquements flagrants et inexcusables (voir arrêt du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, point 34 et jurisprudence citée ; arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 51).

64      Au regard de la jurisprudence rappelée aux points 59 à 61 ci-dessus, il convient d’examiner si les règles de droit dont la violation est invoquée en l’espèce par le requérant ont pour objet de conférer des droits aux particuliers et si le Conseil a commis une violation suffisamment caractérisée desdites règles.

65      Au soutien de sa demande en réparation, le requérant se prévaut, en substance, de deux chefs d’illégalité, à savoir, premièrement, l’adoption des actes litigieux et le maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses alors que le Conseil ne disposait d’aucun élément de preuve pour les étayer, illégalité dont les effets auraient été aggravés par un détournement de pouvoir commis par le Conseil, en ce qu’il a introduit un pourvoi contre l’arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), et, deuxièmement, une violation des articles 16 et 17 de la Charte.

66      Premièrement, s’agissant du chef d’illégalité pris de l’adoption des actes litigieux et le maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses par le Conseil alors qu’il ne disposait d’aucun élément de preuve pour les étayer, il convient de rappeler que, aux points 68 et 69 de l’arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil (T‑384/11, EU:T:2014:986), le Tribunal a jugé qu’une administration normalement prudente et diligente aurait été en mesure de comprendre que, au moment de l’adoption de l’acte attaqué dans l’affaire en question, il lui incombait de recueillir les informations ou éléments de preuve justifiant les mesures restrictives visant la requérante dans ladite affaire afin de pouvoir établir, en cas de contestation, le bien‑fondé desdites mesures par la production desdites informations ou desdits éléments de preuve devant le juge de l’Union. Il en a conclu que, en n’ayant pas agi de la sorte, le Conseil s’était rendu responsable d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, au sens de la jurisprudence citée aux points 61 et 62 ci-dessus. Au point 40 de l’arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil (C‑45/15 P, EU:C:2017:402), rendu sur pourvois contre l’arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil (T‑384/11, EU:T:2014:986), et rejetant lesdits pourvois, la Cour a jugé que c’était à bon droit que le Tribunal avait considéré, notamment aux points 68 et 69 de son arrêt, que la violation, pendant près de trois années, de l’obligation incombant au Conseil de fournir, en cas de contestation, les informations ou les éléments de preuve étayant les motifs de l’adoption de mesures restrictives à l’égard d’une personne physique ou morale, constituait une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

67      En l’espèce, ainsi que cela ressort de l’arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), tel que confirmé par la Cour, dans l’arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian (C‑280/12 P, EU:C:2013:775), force est de constater que la violation commise par le Conseil est non seulement identique quant à son objet, mais également plus longue, de six mois environ, que celle commise par le Conseil dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil (T‑384/11, EU:T:2014:986).

68      Il s’ensuit que, d’une part, la règle de droit dont la violation est invoquée en l’espèce est une règle de droit conférant des droits à des particuliers, parmi lesquels figure le requérant en tant que personne physique visée par les actes litigieux. D’autre part, la violation de ladite règle constitue une violation suffisamment caractérisée, au sens de la jurisprudence rappelée au point 63 ci-dessus.

69      Au demeurant, il ressort des observations formulées par les parties, à la suite de la seconde mesure d’organisation de la procédure, quant aux conséquences qu’elles tiraient de l’arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil (C‑45/15 P, EU:C:2017:402), sur la présente affaire, qu’elles s’accordent elles-mêmes, à présent, sur le fait que la présente illégalité constitue une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits à des particuliers.

70      S’agissant de l’allégation selon laquelle, en substance, cette dernière violation serait d’autant plus caractérisée qu’elle aurait été aggravée par le fait que le Conseil aurait commis un détournement de pouvoir en introduisant un pourvoi contre l’arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), cet argument ne saurait prospérer.

71      En effet, selon une jurisprudence constante, un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (voir arrêt du 29 novembre 2017, Montel/Parlement, T‑634/16, non publié, EU:T:2017:848, point 161 et jurisprudence citée).

72      À cet égard, d’une part, il convient de rappeler que le droit de former un pourvoi contre les arrêts du Tribunal est consacré par l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE et fait partie intégrante des voies de recours du système juridictionnel de l’Union. En vertu du même article, un pourvoi devant la Cour est limité aux questions de droit. Par ailleurs, en vertu de l’article 56, deuxième alinéa, première phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, un pourvoi peut être formé par toute partie ayant partiellement ou totalement succombé en ses conclusions. Il ressort des dispositions du droit primaire de l’Union que, dans le respect des limites qu’il prévoit, toute partie est libre non seulement de former un pourvoi contre un arrêt du Tribunal mais, en outre, de soulever tout moyen qu’elle considère utile pour faire valoir et prospérer sa cause. C’est ainsi que, à ce dernier titre, contrairement à ce qu’allègue le requérant, il ne saurait être reproché au Conseil d’avoir introduit un pourvoi contre l’arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), afin, ainsi qu’il le précise dans le mémoire en défense, de disposer d’« une jurisprudence bien établie concernant les mesures restrictives géographiques », un tel argument se rapportant manifestement à une question de droit, au sens de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE.

73      D’autre part, l’allégation du requérant selon laquelle le Conseil aurait formé un pourvoi contre l’arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), uniquement afin de faire pression sur la République islamique d’Iran pour qu’elle cesse son programme nucléaire, en maintenant ainsi les effets produits par les actes litigieux à l’encontre du requérant, ne saurait prospérer. En effet, non seulement cette allégation n’est corroborée par aucun élément de preuve ou d’information, mais, en tout état de cause, force est de constater que le maintien desdits effets est inhérent à la décision d’introduire un pourvoi et ce, en vertu de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. C’est ainsi que, en vertu de cet article, « [p]ar dérogation à l’article 280 [TFUE] les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, du présent statut ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci ».

74      En outre, il convient de rappeler (voir point 18 ci-dessus) que, s’agissant des effets dans le temps de l’annulation du règlement no 961/2010, au point 106 de l’arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), le Tribunal a jugé que, en l’espèce, le risque d’une atteinte sérieuse et irréversible à l’efficacité des mesures restrictives qu’impose le règlement no 961/2010 n’apparaissait pas suffisamment élevé pour justifier le maintien des effets dudit règlement à l’égard des requérants pendant une période allant au-delà de celle prévue à l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. De même, au point 107 du même arrêt (voir point 19 ci-dessus), il a décidé de maintenir les effets de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, jusqu’à la prise d’effet de l’annulation du règlement no 961/2010.

75      Il ressort des considérations qui précèdent que le maintien des effets produits par les actes litigieux à l’encontre du requérant, à la suite de l’annulation de ces derniers par l’arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), découle de l’application des dispositions du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’appréciation souveraine du Tribunal, et non pas du comportement reproché par le requérant au Conseil, en ce qu’il a introduit un pourvoi contre ledit arrêt.

76      Par conséquent, en l’absence d’un quelconque élément objectif, présenté par le requérant, susceptible de démontrer que le Conseil a introduit le pourvoi contre l’arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), dans le but de lui nuire ou de faire pression sur la République islamique d’Iran pour qu’elle cesse son programme nucléaire, l’argument pris d’un détournement de pouvoir commis par le Conseil qui aurait aggravé la violation de la règle de droit en cause en l’espèce doit être écarté comme non fondé.

77      S’agissant du second chef d’illégalité, pris d’une violation des articles 16 et 17 de la Charte, il y a lieu de relever que le requérant se borne à rappeler les conditions nécessaires pour constituer une atteinte à l’exercice des droits et libertés reconnus par la Charte et à faire valoir que les mesures litigieuses imposées à son égard ont eu pour objet et pour effet des restrictions conséquentes sur son droit de propriété et sa liberté d’exercice d’une activité économique, tels qu’ils sont reconnus par les articles 16 et 17 de la Charte.

78      Or, si, selon une jurisprudence constante, le droit de propriété est garanti par l’article 17 de la Charte, il ne jouit pas, en droit de l’Union, d’une protection absolue, mais doit être pris en considération au regard de sa fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage de ce droit, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 97 et jurisprudence citée). Cette jurisprudence peut être transposée, par analogie, à la liberté d’entreprise, qui est garantie par l’article 16 de la Charte.

79      En l’espèce, premièrement, il convient de relever que l’adoption des actes litigieux à l’encontre du requérant, en ce qu’ils prévoyaient le gel de ses fonds, de ses avoirs financiers et de ses autres ressources économiques, poursuivait l’objectif d’empêcher la prolifération nucléaire et d’exercer ainsi une pression sur la République islamique d’Iran afin qu’elle mette fin aux activités concernées. Cet objectif s’inscrivait dans le cadre plus général des efforts liés au maintien de la paix et de la sécurité internationales et était, par conséquent, légitime et adéquat (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, points 100 et 101 et jurisprudence citée).

80      Deuxièmement, les mesures litigieuses revêtaient également un caractère nécessaire dès lors que d’autres mesures, moins contraignantes, telles qu’un système d’autorisation préalable ou une obligation de justification a posteriori de l’usage des fonds versés, ne permettaient pas d’atteindre aussi efficacement l’objectif poursuivi, à savoir d’empêcher la prolifération nucléaire et d’exercer ainsi une pression sur la République islamique d’Iran afin qu’elle mette fin aux activités concernées, notamment eu égard à la possibilité de contourner les restrictions imposées (voir, par analogie, arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 101 et jurisprudence citée).

81      Partant, le requérant n’a pas démontré que les actes litigieux ont violé les droits qu’il tire des articles 16 et 17 de la Charte.

82      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que seul le premier chef d’illégalité, pris de l’adoption des actes litigieux et le maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses par le Conseil, alors qu’il ne disposait d’aucun élément de preuve pour les étayer, constitue une illégalité susceptible d’engager la responsabilité de l’Union, au sens de la jurisprudence rappelée au point 63 ci-dessus.

2.      Sur le dommage allégué et l’existence d’un lien de causalité entre l’illégalité du comportement reproché et ce dommage

83      Le requérant estime avoir démontré le caractère réel et certain des préjudices moral et matériel qu’il a subis du fait des actes litigieux et le lien de causalité entre l’illégalité du comportement reproché et le dommage allégué. Compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, il considère que l’arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil (C‑45/15 P, EU:C:2017:402), ne remet pas en cause le bien-fondé de sa demande indemnitaire.

84      Le Conseil, soutenu par la Commission, s’oppose aux arguments exposés par le requérant. Il estime que les conclusions de la Cour dans l’arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil (C‑45/15 P, EU:C:2017:402), relatives aux conditions d’indemnisation du préjudice matériel et immatériel sont pertinentes et favorables à ses arguments dans la présente affaire.

85      Il convient d’examiner si le requérant a rapporté la preuve du dommage allégué et du lien de causalité entre l’illégalité du comportement reproché et ce dommage.

86      En ce qui concerne la condition de la réalité du dommage, selon la jurisprudence, la responsabilité non contractuelle de l’Union ne saurait être engagée que si le requérant a effectivement subi un dommage réel et certain (voir, en ce sens, arrêts du 27 janvier 1982, De Franceschi/Conseil et Commission, 51/81, EU:C:1982:20, point 9, et du 16 janvier 1996, Candiotte/Conseil, T‑108/94, EU:T:1996:5, point 54). Il appartient au requérant de prouver que cette condition est remplie (voir arrêt du 9 novembre 2006, Agraz e.a./Commission, C‑243/05 P, EU:C:2006:708, point 27 et jurisprudence citée) et, plus particulièrement, d’apporter des preuves concluantes tant de l’existence que de l’étendue du dommage (voir arrêt du 16 septembre 1997, Blackspur DIY e.a./Conseil et Commission, C‑362/95 P, EU:C:1997:401, point 31 et jurisprudence citée).

87      Plus spécifiquement, toute demande en réparation d’un dommage, qu’il s’agisse d’un dommage matériel ou moral, à titre symbolique ou pour l’obtention d’une indemnité substantielle, doit préciser la nature du dommage allégué au regard du comportement reproché et, même de façon approximative, évaluer l’ensemble de ce dommage (voir arrêt du 26 février 2015, Sabbagh/Conseil, T‑652/11, non publié, EU:T:2015:112, point 65 et jurisprudence citée).

88      S’agissant de la condition relative à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le dommage allégués, ledit dommage doit découler de façon suffisamment directe du comportement allégué, ce dernier devant constituer la cause déterminante du dommage, alors qu’il n’y a pas d’obligation de réparer toute conséquence préjudiciable, même éloignée, d’une situation illégale (voir arrêt du 10 mai 2006, Galileo International Technology e.a./Commission, T‑279/03, EU:T:2006:121, point 130 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 4 octobre 1979, Dumortier e.a./Conseil, 64/76, 113/76, 167/78, 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, EU:C:1979:223, point 21). Il appartient au requérant d’apporter la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le dommage allégués (voir arrêt du 30 septembre 1998, Coldiretti e.a./Conseil et Commission, T‑149/96, EU:T:1998:228, point 101 et jurisprudence citée).

89      C’est au regard de la jurisprudence rappelée ci-dessus qu’il convient d’examiner si, en l’espèce, le requérant a démontré le caractère réel et certain des préjudices moral et matériel qu’il aurait subis à la suite de l’adoption des actes litigieux et le maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses et l’existence d’un lien de causalité entre ladite adoption et ces préjudices.

a)      Sur le dommage matériel allégué et l’existence d’un lien de causalité

90      Le requérant prétend avoir été particulièrement touché par les mesures litigieuses prises à son égard, du fait que, au moment de l’adoption des actes litigieux, le centre de ses intérêts se trouvait en France, au sein de l’Union, puisqu’il avait acquis la nationalité française et qu’il résidait en France, où il avait ouvert des comptes bancaires. Il soutient avoir subi quatre types de dommages matériels, à savoir, premièrement, la moins-value liée à l’absence de gestion dynamique de ses actifs financiers, deuxièmement, la perte des gains que lui aurait procuré la gestion de ses biens immobiliers, troisièmement, les pertes réalisées dans des sociétés européennes et, quatrièmement, les frais légaux engagés pour obtenir un dégel partiel de ses fonds, puis pour libérer les comptes bancaires saisis. Au titre de ces différents dommages matériels, il demande que le Conseil soit condamné à lui payer des indemnités pour un montant total de 2 227 000 euros.

91      Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut au rejet de la demande en réparation du dommage matériel allégué.

1)      Sur la moins-value liée à l’absence de gestion dynamique des actifs financiers du requérant

92      Concernant la moins-value liée à l’absence de gestion dynamique de ses actifs financiers, dans la requête, le requérant affirme qu’il disposait dans son portefeuille d’actifs d’environ 15 millions d’euros, dont une grande partie était investie dans des actions de sociétés européennes cotées en bourse, d’actions d’autres sociétés, de dépôts à terme en diverses devises et d’obligations de sociétés et d’États, dont des obligations de l’État grec. Par ailleurs, il estime que, dans la mesure où les gestionnaires de fonds se rémunèrent en moyenne à concurrence de 2 % des fonds en gestion, le présent préjudice, dont il demande réparation, s’élève à 2 % par an du montant de ses fonds qu’il évalue à 11 millions d’euros, sans tenir compte de ses actifs inscrits sur des comptes bancaires ouverts en Belgique, soit un montant total de 660 000 euros sur une base de trois ans.

93      Dans la réplique, tout d’abord, le requérant précise qu’un portefeuille « dynamique », qui se définit au regard de sa composition, est caractérisé par une prise de risque supérieure à la prise de risque du détenteur d’un portefeuille « équilibré », en contrepartie de performances plus élevées à long terme. L’objectif même de l’article 1er du règlement no 423/2007 serait précisément d’empêcher toute personne faisant l’objet de mesures restrictives de gérer de manière adéquate un portefeuille « dynamique ». Partant, l’application de mesures restrictives serait le fait générateur d’un préjudice financier qui devrait être automatiquement dédommagé lorsque lesdites mesures sont par la suite déclarées illégales.

94      Or, le requérant affirme que son portefeuille auprès de la banque BNP Paribas nécessitait une gestion « dynamique ». À titre d’exemple d’une gestion dynamique, il joint en annexe à la réplique un relevé de compte titres BNP Paribas. Il ajoute que l’exception prévue à l’article 29, paragraphe 2, du règlement (UE) no 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) no 961/2010 (JO L 88, p. 1), ne s’appliquerait pas à des comptes ayant de telles caractéristiques, mais à des comptes tels que le compte à vue dont il disposait auprès de la banque Belfius, qui ne nécessitait pas une gestion dynamique, ce qui expliquerait qu’il ne l’ait pas inclus parmi les portefeuilles au titre desquels il demande réparation du préjudice prétendument subi. Ainsi, durant la période comprise entre juillet 2010 et le début de l’année 2014, l’absence de gestion des comptes du requérant ouverts auprès de la banque BNP Paribas l’aurait empêché de vendre des positions à fort risque, telles que les obligations de l’État grec, de mettre à profit les fluctuations du marché, de réaliser les arbitrages indispensables à une gestion dynamique pour adapter ses investissements et de placer ses liquidités, générées par le remboursement des produits à terme, le paiement des dividendes et des intérêts.

95      Le Conseil, soutenu par la Commission, s’oppose à l’argumentation du requérant.

96      Il convient de rappeler que, selon que l’article 76 du règlement de procédure, la requête doit contenir, inter alia, les conclusions du requérant et les preuves et offres de preuve, s’il y a lieu. L’article 85 du règlement de procédure exige qu’une telle preuve soit présentée dans le cadre du premier échange de mémoires. De plus, une preuve supplémentaire ne peut être introduite au stade de la réplique que si le retard est justifié.

97      Or, en l’espèce, en ce qui concerne le dommage pris de la moins-value consécutive à l’absence de gestion dynamique de ses actifs financiers, c’est de manière très laconique voire confuse que, dans la requête, le requérant tente de démontrer le dommage qu’il aurait subi. En effet, s’agissant du dommage prétendument subi, dans la requête, le requérant se contente de décrire de manière générale le type d’investissements qu’il aurait entrepris et la composition de son portefeuille d’actifs, qu’il évalue, dans un premier temps, au point 66 de la requête, à 15 millions d’euros.

98      D’une part, à aucun moment dans la requête, il n’identifie les établissements bancaires à qui il aurait confié la gestion de ses actifs, ni même le montant de ces derniers. Tout au plus y renvoie-t-il de manière globale en faisant référence, dans une note en bas de page insérée sous le point 66 de la requête, à deux annexes de la requête, intitulées respectivement « Relevés de comptes et courriers des institutions bancaires » et « Courriers des banques », sans indiquer, de manière précise, à quels éléments ou passages desdites annexes il fait référence.

99      Or, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui doivent figurer dans la requête. De plus, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2005, Honeywell/Commission, T‑209/01, EU:T:2005:455, point 57 et jurisprudence citée).

100    D’autre part, au point 67 de la requête, le requérant chiffre finalement, sans donner de justification, son portefeuille d’actifs à 11 millions d’euros et, sur cette base, il applique un taux de 2 %, qu’il déclare, sans apporter aucune preuve, correspondre à la rémunération moyenne des gestionnaires de fonds, et, consécutivement, il évalue son préjudice à 660 000 euros sur une période de trois ans.

101    Une argumentation aussi laconique et confuse dans la requête apparaît trop imprécise pour déterminer l’ampleur du présent dommage et, partant, permettre au Tribunal de comprendre, au regard des dispositions du règlement de procédure rappelées ci-dessus, la portée des prétentions du requérant. Partant, elle doit être écartée comme étant irrecevable.

102    À titre surabondant, à supposer même que, malgré ces circonstances, dans le cas d’espèce, le Tribunal puisse entreprendre des recherches d’éléments de preuve dans les annexes de la requête mentionnées au point 96 ci-dessus, il conviendrait alors de constater que celles-ci ne permettent pas de déterminer avec certitude l’ampleur du présent dommage.

103    En effet, s’agissant de l’annexe intitulée « Relevés de comptes et courriers des institutions bancaires », elle contient plusieurs documents non identifiés individuellement par le requérant. Le Tribunal observe toutefois qu’il semble s’agir de documents qui pourraient être identifiés comme suit :

–        un relevé de compte de la banque Dexia daté du 30 juillet 2010 (pages 23 à 25 du dossier des annexes de la requête), lequel ne fait aucunement apparaître le nom du requérant comme étant le détenteur du compte concerné ;

–        une attestation de solde arrêté à la date du 28 juin 2010 d’un compte du requérant auprès de la Banque Belfius, datée du 23 juillet 2015, accompagnée d’un relevé dudit compte sur la période du 1er juin 2010 au 9 octobre 2010 (pages 26 à 29 du dossier des annexes de la requête), attestation et relevé qui s’avèrent, en définitive, dénués de pertinence, puisque, dans la réplique, le requérant indique expressément qu’il n’en tient pas compte dans la présente demande d’indemnisation ;

–        les relevés de deux comptes du requérant ouverts à la banque Société Générale (pages 30 et 31 du dossier des annexes de la requête) ;

–        un relevé de compte d’épargne salariale du requérant auprès des établissements Amundi et Inter Expansion (pages 32 et 33 du dossier des annexes de la requête) ;

–        un document intitulé « Portfolio Management Report » émanant de la banque BNP Paribas Wealth Management, lequel ne fait aucunement apparaître le nom du requérant comme détenteur du compte concerné (pages 34 à 38 du dossier des annexes de la requête) ;

–        un tableau identifiant des comptes ouverts dans six établissements ainsi que leur valorisation et leur nature, sans aucune précision quant à l’identité de leur détenteur.

104    Ainsi, outre le fait que certains des documents susvisés ne permettent pas d’identifier le nom du détenteur du compte concerné, aucun élément de l’annexe en cause ne permet de comprendre de manière réelle et certaine quel est le préjudice prétendument subi par le requérant.

105    Ce caractère confus de l’argumentation du requérant se trouve accentué à la lecture des précisions qu’il apporte dans la réplique, car, selon elles, il conviendrait alors de ne tenir compte que des actifs confiés à la banque BNP Paribas. Or, lesdits actifs, à les supposer détenus par le requérant, s’élèveraient, selon le document intitulé « Portfolio Management Report » reproduit aux pages 34 à 38 du dossier des annexes de la requête, à 7 746 855 euros, soit un montant bien inférieur aux 11 000 000 euros sur lesquels le requérant base finalement le calcul du préjudice qu’il prétend avoir subi.

106    S’agissant de l’annexe intitulée « Courriers des banques », elle contient trois lettres de trois établissements bancaires ou de gestions d’actifs, lettres qui font uniquement état du fait que ces établissements tirent les conséquences des actes litigieux, à savoir, le gel des avoirs du requérant et leur souhait de respecter la réglementation en vigueur. S’agissant de la lettre de la banque BNP Paribas Wealth Management du 11 février 2011, son auteur ajoute être dans l’impossibilité de passer, comme l’aurait souhaité le requérant, à une gestion « de type conservateur », et donc plus sécuritaire, de ses avoirs (page 157 du dossier des annexes de la requête). Force est de constater que ces documents ne permettent pas de déterminer l’ampleur du préjudice allégué par le requérant. Il résulte des considérations surabondantes qui précèdent que sa demande de réparation du dommage pris de la moins-value consécutive à l’absence de gestion dynamique des actifs financiers devrait, en tout état de cause, être rejetée comme non fondée.

107    Au regard de la conclusion tirée au point 101 ci-dessus et sans qu’il y ait lieu d’examiner si le requérant a rapporté la preuve du lien de causalité, la demande de réparation du dommage pris de la moins-value consécutive à l’absence de gestion dynamique des actifs financiers doit être rejetée comme irrecevable.

2)      Sur la perte des gains au titre de la gestion des biens immobiliers

108    Concernant la perte des gains que lui procurait la gestion de ses biens immobiliers, le requérant indique que la gestion des deux appartements, dont il est propriétaire, en France et en Belgique, est devenue impossible à la suite de l’adoption des actes litigieux, puisqu’il était dans l’impossibilité de percevoir des loyers, de payer des travaux et des polices d’assurance.

109    Dans la réplique, le requérant précise que l’article 29 paragraphe 2, sous b), du règlement no 267/2012, qui permet de continuer à percevoir des loyers sur les contrats de location en cours, n’était pas applicable dans le cas de l’appartement situé en France, lequel n’était pas en location à la date à laquelle le nom du requérant a été inscrit pour la première fois sur des listes de personnes et d’entités auxquelles s’appliquent des mesures restrictives, en raison de menus travaux qui devaient y être effectués. En s’appuyant sur un contrat signé le 18 octobre 2014, après la levée des mesures litigieuses prises à son égard, le requérant soutient que la valeur locative de l’appartement en question s’élève à 2 500 euros par mois, de sorte que le manque à gagner correspondant au défaut de location peut être évalué à un montant de 102 500 euros.

110    Le Conseil, soutenu par la Commission, s’oppose à l’argumentation du requérant.

111    À titre principal, ainsi que cela a été rappelé au point 96 ci-dessus, la requête doit contenir, inter alia, les conclusions du requérant et les preuves et offres de preuve, s’il y a lieu. De plus, une preuve supplémentaire ne peut être introduite au stade de la réplique que si le retard est justifié.

112    Or, en l’espèce, force est de constater que, au point 68 de la requête, seul point de celle-ci consacré au dommage pris de l’impossibilité de gérer ses avoirs immobiliers, le requérant se contente d’affirmer que ledit dommage résulte de « l’impossibilité de percevoir des loyers, de payer des travaux et des assurances, etc. » et ne produit strictement aucun document ou élément susceptible d’étayer cette affirmation, de prouver ses titres de propriété et de rapporter la preuve du dommage et du lien de causalité. Certes, s’agissant uniquement de l’appartement dont il serait propriétaire en France, dans la réplique, le requérant a produit une annexe C.2 contenant trois documents, à savoir, un contrat de bail signé le 18 octobre 2014, un avis d’impôt 2013 « taxes sur les logements vacants » établi le 29 octobre 2013 et une lettre du 20 octobre 2014 adressée au service des impôts. Toutefois, alors que ces trois documents ont été établis antérieurement à l’introduction du présent recours, le requérant ne justifie aucunement leur production tardive, au stade de la réplique. Partant, l’annexe C.2 de la réplique doit être écartée comme étant irrecevable. Au regard des considérations qui précèdent, la demande de réparation du chef de préjudice susmentionné doit donc être rejetée comme irrecevable.

113    À titre surabondant, à supposer même que, dans le cas d’espèce, ladite demande et l’annexe C.2 soient déclarées recevables, force serait de constater que le requérant ne rapporte aucune preuve quant au caractère réel et certain du dommage allégué, au titre du préjudice en cause. En effet, il y a lieu, en particulier, de constater que le requérant ne produit ni la preuve de ses titres de propriété se rapportant aux deux appartements dont il prétend être propriétaire ni celle que ces biens immobiliers étaient destinés à être loués au moment de l’adoption des actes litigieux.

114    Par ailleurs, contrairement à ce qu’il affirme, les actes litigieux ne l’empêchaient aucunement de continuer à résider, si tel avait été le cas auparavant, dans un appartement dont il était propriétaire ; ce d’autant plus que, ainsi qu’il le rappelle au point 65 de la requête, au moment de l’adoption des actes litigieux, il avait la nationalité française et résidait en France.

115    Il résulte des considérations surabondantes qui précèdent que le requérant ne rapporte pas la preuve du dommage allégué en relation avec les deux appartements dont il serait propriétaire en France et en Belgique, de sorte que sa demande d’indemnisation au titre du préjudice pris de la perte de revenus locatifs devrait, en tout état de cause, être rejetée comme non fondée.

116    Au regard de la conclusion tirée au point 112 ci-dessus et sans qu’il y ait lieu d’examiner si le requérant a rapporté la preuve du lien de causalité, la demande de réparation du chef de préjudice pris de l’impossibilité pour le requérant de pouvoir gérer ses avoirs immobiliers doit être rejetée comme irrecevable.

3)      Sur les pertes réalisées dans des sociétés européennes

117    En ce qui concerne les pertes réalisées dans des sociétés européennes, le requérant indique que, lors de l’adoption des actes litigieux, il détenait 26 % des parts dans la société française Codefa Connectique S.A.S. (« ci-après « Codefa ») et était actionnaire des sociétés allemandes Decom Technology GmbH (ci-après « Decom ») et Senteg GmbH, à travers la société belge Soreltek S.A. Lesdits actes auraient entraîné des difficultés insurmontables pour lesdites sociétés et, partant, une dépréciation de leur valeur. Afin de démontrer l’existence du préjudice matériel subi dans les chefs de Codefa et de Decom, il produit un rapport, daté du 21 juillet 2015, établi par une société d’expertise comptable inscrite à l’ordre des experts-comptables de la région Paris Île-de-France (France), joint en annexe A.14 à la requête (ci-après le « rapport d’expertise comptable »).

118    Le Conseil, soutenu par la Commission, s’oppose à l’argumentation du requérant.

i)      Sur les pertes réalisées dans Senteg et Decom

119    S’agissant de la demande de réparation du préjudice pris des pertes réalisées dans Senteg et Decom, le Conseil, soutenu par la Commission, considère que cette demande est irrecevable. En effet, le requérant ne possèderait aucune participation dans ces sociétés. Concernant Soreltek, qui détiendrait 80 % des parts de Decom et 20 % des parts de Senteg et dont le requérant prétend être l’unique bénéficiaire économique, il ne ressortirait pas de ses statuts ou des autres éléments du dossier qu’elle serait, directement ou indirectement, détenue par le requérant, car elle serait possédée à 99 % par la société luxembourgeoise Wirkkraft S.A. et à 1 % par une société tierce. Même si le requérant était le bénéficiaire économique de Wirkkraft, son intérêt à agir serait trop indirect par rapport à Senteg ou à Decom.

120    Dans la réplique, le requérant soutient qu’il détient les titres au porteur de Wirkkraft, qu’il offre de produire pour autant que de besoin, qu’il assure l’intégralité du financement de cette société et qu’il est l’unique bénéficiaire économique de Wirkkraft et de Soreltek.

121    En premier lieu, s’agissant de Soreltek, conformément à la jurisprudence rappelée au point 99 ci-dessus, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours. Or, en l’espèce, au point 76 de la requête, le requérant se contente d’affirmer « [avoir] été identifié comme [le] bénéficiaire économique unique » de Soreltek. Au soutien de cette affirmation, il se contente de renvoyer, sans aucune précision, à quatre documents joints dans l’annexe A.13 de la requête.

122    En tout état de cause, à supposer même que, dans le cas d’espèce, le Tribunal puisse rechercher et identifier les éléments susceptibles de soutenir cette affirmation du requérant, force serait de constater qu’aucun desdits documents joints dans l’annexe A.13 de la requête ne le permettrait.

123    En effet, premièrement, les statuts de Soreltek, tels qu’ils ont été enregistrés au Moniteur belge (voir pages 269 à 271 du dossier des annexes de la requête) ne font aucunement état de la soi-disant qualité de bénéficiaire économique unique du requérant dans cette société. Tout au plus en ressort-il que 209 des 210 parts de Soreltek, soit un peu plus de 99 % desdites parts, sont détenues par Wirkkraft et la dernière part par la société Transnational Consulting Group. Par ailleurs, le requérant n’apparaît pas non plus comme occupant les fonctions ni d’administrateur ni d’administrateur délégué de Soreltek (voir page 271 du dossier des annexes de la requête).

124    Deuxièmement, les deux lettres adressées par la banque Dexia à Soreltek, datées des 11 août 2010 et 8 septembre 2010 (pages 272 et 273 du dossier des annexes de la requête), visent à informer ladite société de ce que, à la demande du procureur du Roi de Bruxelles (Belgique), deux de ses comptes ont été bloqués, puis liquidés. En aucun cas il n’est fait état d’un quelconque statut de bénéficiaire économique unique du requérant par rapport à cette société.

125    Troisièmement, la lettre du 11 février 2014 (reproduite à deux reprises en double aux pages 274 et 275 du dossier des annexes de la requête), adressée par un cabinet d’avocats au parquet du procureur du Roi de Bruxelles, ne fait état que de la qualité des signataires en tant qu’« avocats du requérant et de sa société la SA Soreltek » et de la demande de restitution des avoirs bancaires de leurs clients. Aucun élément de cette lettre ne permet de corroborer le prétendu statut de bénéficiaire économique unique du requérant par rapport à Soreltek.

126    Quatrièmement, la lettre du procureur du Roi de Bruxelles du 6 décembre 2013 (page 276 du dossier des annexes de la requête) informe l’avocat du requérant qu’il a « ordonné ce jour la mainlevée des avoirs saisis dans ce dossier à charge de M. Mahmoudian et [de] la SA Soreltek » et communique la copie d’une demande adressée par « la banque ING à l’O.C.S.C. concernant le dossier titres de M. Mahmoudian (Titres Befimmo SCA-SICAFI) ». En aucun cas, il n’est fait état d’un quelconque statut de bénéficiaire économique unique du requérant par rapport à Soreltek.

127    Par ailleurs, il y a lieu de relever que, au point 93 de la réplique, le requérant s’est contenté de répéter qu’il était le bénéficiaire économique de Soreltek et d’en déduire que cette société faisait partie de ses actifs.

128    En second lieu, s’agissant de Wirkkraft, force est de constater que, dans la requête, le requérant ne produit aucun élément susceptible d’étayer son allégation, au point 92 de la réplique, selon laquelle il serait le bénéficiaire économique et détenteur de titres au porteur de cette société. Tout au plus, dans la réplique, se dit-il « disposé » à produire l’original desdits titres et, d’autre part, affirme-t-il que « [l]e financement de […] Wirkkraft est entièrement assuré par le requérant qui en est le “bénéficiaire économique” comme il ressort de la déclaration produite en [a]nnexe C.6 ».

129    Or, d’une part, au regard des dispositions des articles 76 et 85 du règlement de procédure, il incombait au requérant de produire, dès le stade de la requête, les éléments de preuve de ce qu’il était, ainsi qu’il l’allègue, détenteur de titres aux porteurs de Wirkkraft. En aucune mesure, il ne tente d’expliquer pour quelle raison, y compris au stade de la réplique, il n’a pas produit une telle preuve supplémentaire.

130    D’autre part, s’agissant de la déclaration produite en annexe C.6 de la réplique, il y a lieu de relever que, alors qu’elle est datée du 9 décembre 2013, soit un peu moins de deux ans avant l’introduction du présent recours, le requérant ne justifie aucunement le fait qu’elle soit produite au stade de la réplique. Partant, l’annexe C.6 de la réplique, qui s’avère ne contenir qu’une simple déclaration sur l’honneur signée par le requérant et aucunement étayée, doit être écartée comme irrecevable.

131    Il ressort des considérations qui précèdent que le requérant n’a pas démontré que, ainsi qu’il l’affirme, il serait le « bénéficiaire économique » et le détenteur des titres au porteur de Wirkkraft.

132    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que, en tout état de cause, faute d’apporter le moindre élément de preuve à l’appui de ses affirmations, le requérant s’est prévalu, pour introduire sa demande de réparation du préjudice pris des pertes réalisées dans Senteg et Decom, d’un dommage dont il n’a pas, conformément à la jurisprudence rappelée au point 86 ci-dessus, prouvé la réalité.

133    Par conséquent, il y a lieu de rejeter cette dernière demande comme étant irrecevable et, en tout état de cause, non fondée.

ii)    Sur les pertes liées à Codefa

134    S’agissant de la demande de réparation du préjudice pris des pertes liées à Codefa, afin de démontrer le préjudice matériel qu’il prétend avoir subi en ce qui concerne Codefa, le requérant se fonde, d’une part, sur le rapport d’expertise comptable et, d’autre part, sur plusieurs copies de documents concernant Codefa, jointes en annexe A.5 à la requête.

135    En premier lieu, il convient d’apprécier la valeur probante du rapport d’expertise comptable.

136    À ce titre, en l’absence d’une réglementation de l’Union sur la notion de preuve, le juge de l’Union a consacré un principe de libre administration ou de liberté des moyens de preuve, lequel doit être compris comme étant la faculté de se prévaloir, pour prouver un fait donné, de moyens de preuve de toute nature, tels des témoignages, des preuves documentaires, des aveux, etc. (voir, en ce sens, arrêts du 23 mars 2000, Met-Trans et Sagpol, C‑310/98 et C‑406/98, EU:C:2000:154, point 29 ; du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, EU:T:2004:220, point 72, et conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Archer Daniels Midland/Commission, C‑511/06 P, EU:C:2008:604, points 113 et 114). Corrélativement, le juge de l’Union a consacré un principe de libre appréciation de la preuve, selon lequel la détermination de la crédibilité ou, en d’autres termes, de la valeur probante d’un élément de preuve est laissée à l’intime conviction du juge (arrêt du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, EU:T:2004:220, point 72, et conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Archer Daniels Midland/Commission, C‑511/06 P, EU:C:2008:604, points 111 et 112).

137    Pour établir la valeur probante d’un document, il faut tenir compte de plusieurs éléments, tels que l’origine du document, les circonstances de son élaboration, son destinataire, son contenu, et se demander si, d’après ces éléments, l’information qu’il contient paraît sensée et fiable (arrêts du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, EU:T:2000:77, point 1838, et du 7 novembre 2002, Vela et Tecnagrind/Commission, T‑141/99, T‑142/99, T‑150/99 et T‑151/99, EU:T:2002:270, point 223).

138    Dans ce contexte, le juge de l’Union a déjà estimé qu’une analyse, produite par un requérant, ne pouvait être considérée comme une expertise neutre et indépendante, dans la mesure où elle avait été demandée et financée par le requérant lui-même et établie sur le fondement de bases de données mises à disposition par celui-ci, sans que l’exactitude ou la pertinence de ces données aient fait l’objet d’une quelconque vérification indépendante (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2011, Siemens/Commission, T‑110/07, EU:T:2011:68, point 137).

139    Le juge de l’Union a également déjà eu l’occasion d’affirmer qu’un rapport d’expertise ne pouvait être considéré comme probant qu’en raison de son contenu objectif et qu’une simple affirmation non étayée, figurant dans un tel document, n’était pas, en elle-même, concluante (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2004, Valmont/Commission, T‑274/01, EU:T:2004:266, point 71).

140    C’est à la lumière des principes rappelés aux points 136 à 139 ci-dessus qu’il y a lieu d’apprécier, en l’espèce, la valeur probante du rapport d’expertise comptable.

141    À cet égard, il convient d’observer que le rapport d’expertise comptable a été établi par une société d’expertise comptable inscrite à l’ordre des experts-comptables de la région Paris Île-de-France. Il ressort de la lettre qui figure en pages 2 et 3 dudit rapport, adressée au requérant et datée du 21 juillet 2015, que, conformément aux conditions fixées lors d’une réunion du 18 juin 2015, l’objectif de la mission confiée par le requérant à cette société était d’évaluer les préjudices que lui avaient causés les mesures litigieuses, s’agissant de sa participation dans le capital de Codefa et de Decom. Au titre de la réalisation de cette mission, il est en particulier précisé dans cette lettre que « [ce] rapport a été préparé sur la base des documents que M. Fereydoun Mahmoudian nous a fournis ». Il ressort des termes de ladite lettre que le rapport d’expertise comptable a été établi à la demande du requérant aux fins d’attester, dans le cadre du présent litige, la réalité et l’ampleur du dommage matériel allégué et qu’il repose essentiellement sur des documents fournis par le requérant. Il importe de souligner que lesdits documents, auxquels il est parfois renvoyé par des notes en bas de page, ne sont pas annexés au rapport d’expertise comptable.

142    En raison du contexte dans lequel le rapport d’expertise comptable a été établi et en vertu des principes rappelés aux points 136 à 139 ci-dessus, la valeur probante de ce rapport doit être relativisée. Celui-ci ne peut être considéré comme étant suffisant pour faire la preuve de ce qui y est contenu, notamment en ce qui concerne la réalité et l’ampleur du dommage allégué. Tout au plus peut-il valoir en tant que commencement de preuve, à condition d’être corroboré par d’autres éléments probants.

143    En deuxième lieu, s’agissant des copies de documents concernant Codefa, jointes en annexe A.5 à la requête, mais aussi du rapport d’expertise comptable auquel le requérant renvoie de manière globale au point 71 de la requête, d’emblée, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 99 ci-dessus, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours. Cela est d’autant plus le cas lorsqu’une annexe s’apparente à un dossier compilant plusieurs documents se rapportant à un sujet ou à une personne, documents qui sont reproduits sur un nombre volumineux de pages. Dans un tel cas, faute d’un renvoi précis, par la partie qui les communique, aux éléments et passages desdites annexes qu’elle souhaite mettre en exergue pour prouver le bien-fondé de son argumentation, au regard de la jurisprudence susmentionnée, de telles annexes voient leur valeur probatoire et instrumentale fortement réduite.

144    Tel est manifestement le cas, en l’espèce, s’agissant, de l’annexe A.5 de la requête, qui consiste, ainsi que le requérant la désigne, en des « [c]opies de documents concernant la société CODEFA », reproduits aux pages 41 à 154 du dossier des annexes de la requête, soit un total de 114 pages. En l’absence d’un renvoi précis, dans la requête, aux éléments figurant parmi ces 114 pages de l’annexe A.5, il y a lieu de considérer que le requérant n’a pas démontré le bien-fondé de son argumentation en cause en l’espèce.

145    S’agissant du renvoi global, au point 71 de la requête, au rapport d’expertise comptable pour démontrer l’existence du préjudice subi par le requérant, en particulier au titre de ses participations dans Codefa, de nouveau, il y a lieu de considérer que, au regard des dispositions de l’article 76 du règlement de procédure et de la jurisprudence rappelée au point 99 ci-dessus, un tel renvoi général audit rapport, reproduit aux pages 277 à 290 du dossier des annexes de la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui doivent figurer dans la requête.

146    En troisième lieu, s’agissant de sa demande de réparation du dommage pris des pertes liées à Codefa, le requérant fait valoir que, à la suite de l’adoption des actes litigieux à l’encontre du requérant et de Fulmen, Codefa a rencontré des difficultés, de sorte qu’il n’aurait pas pu obtenir le remboursement des prêts qu’il lui avait consentis, à concurrence de 220 000 euros, ni récupérer son investissement, au titre de l’achat d’actions, dans cette société en 2009. Au titre desdites difficultés, le requérant allègue que, en octobre 2010, la banque Société Générale a clôturé le compte de Codefa et a annulé une autorisation de découvert dont elle bénéficiait. En outre, elle n’aurait pas pu ouvrir un compte dans un autre établissement bancaire. Enfin, en raison des sanctions frappant le requérant et Fulmen, elle n’aurait pas pu bénéficier de l’aide de l’État français accordée aux entreprises en difficulté, alors qu’elle y était éligible. Faute de concours financier pouvant être apporté par un actionnaire, ces difficultés financières auraient abouti à sa liquidation en 2012.

147    Premièrement, en ce qui concerne les deux prêts d’un montant total de 220 000 euros prétendument consentis par le requérant à Codefa, à titre principal, il y a lieu de constater que, dans la note en bas de page insérée sous le point 72 de la requête, le requérant renvoie uniquement et sans aucune précision à l’annexe A.5 de la requête. Partant, le requérant n’a pas rapporté la preuve de l’existence de ces deux prêts, de sorte que, au regard des dispositions de l’article 76 du règlement de procédure, cette argumentation doit être écartée comme irrecevable.

148    À titre surabondant, à supposer même que l’on considère qu’un tel renvoi soit, dans le cas d’espèce, suffisant, de sorte que le Tribunal serait autorisé à rechercher dans l’annexe A.5 de la requête si un document démontre l’existence des prêts en question, il conviendrait, à tout le moins, de retenir les deux documents reproduits respectivement aux pages 43 et 44, d’une part, et aux pages 45 et 46, d’autre part, du dossier des annexes de la requête. Ces deux documents consistent en deux contrats de prêts conclus entre Codefa, en qualité d’emprunteur, et le requérant, en qualité de prêteur, pour un montant respectif de 70 000 euros et 150 000 euros, soit, un montant total de 220 000 euros, qui s’avère correspondre à celui dont se prévaut le requérant. Toutefois, il y a lieu de relever que, ainsi que le requérant l’a lui-même reconnu au cours de l’audience, ces deux contrats, rédigés en anglais, ne sont ni paraphés ni signés. Dans ces conditions, même à supposer recevable l’argumentation fondée sur ces deux documents, leur valeur probante respective serait fortement limitée dans la mesure où ils ne permettent pas d’établir avec certitude l’existence de la créance sur laquelle le requérant se fonde pour demander réparation du préjudice en cause. Cette conclusion ne saurait être pondérée au regard du fait que, ainsi que le requérant l’a signalé lors de l’audience, il ressort du détail du bilan passif de Codefa (états de synthèse au 30 juin 2011), reproduit aux pages 80 et 81 du dossier des annexes de la requête, que sous la rubrique « Découverts et concours bancaires », la ligne 455002 « MAHMOUDIAN Féreidoun » fait état d’un montant de dette de 220 000 euros net au 30 juin 2011. En effet, dans la mesure où Codefa a été liquidée plus de six mois après l’établissement de ces états de synthèse, il n’est pas possible d’acquérir la certitude que les prêts accordés par le requérant à Codefa n’auraient pas été, pour partie voire intégralement, remboursés entre-temps. Partant, à supposer même que le Tribunal puisse tenir compte de ce document figurant dans l’annexe A.5 de la requête, auquel le requérant n’a pas fait précisément référence dans la requête, en tout état de cause, une telle mention ne permettrait pas de démontrer la réalité du dommage allégué.

149    Deuxièmement, en ce qui concerne la décision de la banque Société Générale de clôturer les comptes de Codefa et d’annuler une autorisation de découvert dont elle bénéficiait, à titre principal, il y a lieu de constater que, dans la note en bas de page insérée sous le point 73 de la requête, le requérant renvoie uniquement et sans autre précision, à l'« [a]nnexe A.5, voir courrier de la Société Générale du 2.09.2010 ». Ainsi que cela a déjà été considéré au point 144 ci-dessus, un tel renvoi est insuffisant s’agissant d’une annexe contenant une multitude de documents reproduits sur un total de 114 pages. Partant, le requérant n’a pas rapporté la preuve de l’existence de telles décisions prises par la banque Société Générale, de sorte que, au regard des dispositions de l’article 76 du règlement de procédure, cet argument doit être rejeté comme irrecevable.

150    À titre surabondant, à supposer même qu’il puisse être considéré, dans le cas d’espèce, qu’un tel renvoi est suffisant, de sorte que le Tribunal devrait rechercher dans l’annexe A.5 de la requête quel document constitue le « courrier de la Société Générale du 2.09.2010 », il serait alors permis de constater que ledit document est reproduit sur la première page de l’annexe A.5, à savoir à la page 41 du dossier des annexes de la requête. Or, force est de relever que, ainsi que le requérant l’a reconnu lui-même au cours de l’audience, il ne ressort aucunement des termes de cette lettre de la banque Société Générale que la clôture du compte de Codefa, ainsi que l’annulation de l’autorisation de découvert de 80 000 euros dont elle bénéficiait, découlent de l’adoption des actes litigieux.

151    Troisièmement, en ce qui concerne le refus prétendument opposé par un autre établissement bancaire à l’ouverture d’un compte bancaire au nom de Codefa en raison des actes litigieux prononcés à l’encontre du requérant, force est de constater que cette allégation figurant dans la requête n’est étayée par aucun élément de preuve. Partant, au regard des dispositions de l’article 76 du règlement de procédure, cet argument doit être rejeté comme irrecevable.

152    Quatrièmement, en ce qui concerne l’allégation selon laquelle Codefa n’aurait pas pu bénéficier de l’aide accordée habituellement aux entreprises en difficulté alors qu’elle y était pourtant éligible, force est de nouveau de constater que cette allégation figurant dans la requête n’est étayée par aucun élément de preuve. Partant, au regard des dispositions de l’article 76 du règlement de procédure, cet argument doit être rejeté comme irrecevable.

153    Cinquièmement, s’agissant de l’allégation selon laquelle le requérant, en raison de la liquidation de Codefa, n’aurait pas pu « récupérer directement ou indirectement son investissement [au titre] de l’achat d’actions en 2009 », force est de constater que cet argument figurant dans la requête n’est étayé par aucun élément de preuve. En particulier, le requérant ne précise ni le montant total qu’il aurait investi pour acquérir des actions dans Codefa, ni le nombre de parts, ni leur valeur nominale. Partant, au regard des dispositions de l’article 76 du règlement de procédure, cet argument doit être rejeté comme irrecevable.

154    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent que, dans la mesure où les arguments exposés au soutien de la demande de réparation du dommage pris des pertes liées à Codefa sont pour partie irrecevables et pour partie non fondés, le requérant n’a pas étayé ladite demande. Partant, il y a lieu de conclure qu’elle doit être rejetée comme non fondée.

155    Par conséquent, au regard des conclusions tirées aux points 133 et 154 ci-dessus, la demande de réparation du préjudice pris des pertes réalisées par le requérant dans des sociétés européennes doit être rejetée comme pour partie irrecevable et pour partie non fondée.

4)      Sur les frais légaux engagés pour obtenir un dégel partiel des fonds du requérant, puis pour libérer les comptes bancaires saisis

156    Concernant les frais légaux engagés pour obtenir un dégel partiel de ses fonds puis pour libérer les comptes bancaires saisis, le requérant fait valoir qu’aucune information ne lui a été transmise sur la procédure à suivre pour disposer des fonds nécessaires à la couverture de ses dépenses personnelles. De ce fait, pour obtenir le dégel de 1 000 euros par mois, il a eu recours à un cabinet d’avocats, en France, qui lui a adressé une note d’honoraires de 8 875 euros. De façon similaire, il a mandaté un cabinet d’avocats en Belgique, d’abord pour intervenir auprès des autorités belges, puis, après l’arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian (C‑280/12 P, EU:C:2013:775), pour faire les démarches nécessaires afin de libérer ses comptes bancaires saisis, ce qui a justifié une note d’honoraires de 8 838 euros. Au total, les frais légaux en cause se seraient donc élevés à un montant d’honoraires de 17 713 euros.

157    Au stade de la réplique, le requérant souligne que, étant donné son âge et sa situation personnelle, l’aide d’un conseil spécialisé était nécessaire pour faire valoir efficacement ses droits auprès des banques et des autorités publiques ; le fait qu’il ait fallu un an pour obtenir le dégel des sommes nécessaires à ses dépenses essentielles démontrerait que ce combat était compliqué et difficile ; en outre, il ressortirait des pièces du dossier que le blocage de ses comptes en Belgique était directement lié aux actes litigieux.

158    Le Conseil, soutenu par la Commission, s’oppose à l’argumentation du requérant.

159    En substance, au titre du préjudice pris des frais légaux qu’il aurait engagés pour obtenir, en France et en Belgique, un dégel partiel de ses fonds, durant la période litigieuse, puis pour libérer ses comptes bancaires saisis, le requérant demande le remboursement des honoraires d’avocats qu’il aurait payés à cette fin. À ce titre, il produit, en annexes à la requête, d’une part, des échanges entre le cabinet d’avocats établi en France avec la direction générale du Trésor (France) et des échanges entre le cabinet d’avocats établi en Belgique avec le parquet de Bruxelles et, d’autre part, deux notes d’honoraires respectivement établies par les cabinet d’avocats concernés. Il y a lieu de considérer que, par « période litigieuse », le requérante vise la période comprise entre la première inscription de son nom le 26 juillet 2010 (voir point 10 ci-dessus) et la radiation dudit nom des listes litigieuses le 19 décembre 2013 (voir point 22 ci-dessus) (ci-après la « période litigieuse »).

160    À cet égard, en ce qui concerne la preuve de la réalité du dommage, qu’il incombe au requérant, conformément à la jurisprudence rappelée au point 86 ci-dessus, de rapporter, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la question de savoir si, dans le cadre des procédures nationales en cause en l’espèce, le requérant était tenu de s’adjoindre les services d’un avocat, force est de constater qu’il se limite à produire deux notes d’honoraires, émises par ses avocats, qui lui ont été adressées personnellement, pour un montant total de 17 713 euros. En revanche, il ne produit aucune preuve de ce que ces deux notes d’honoraires ont non seulement effectivement été réglées, mais surtout, puisqu’il en demande le remboursement au titre du présent préjudice, qu’elles l’auraient été sur ses propres deniers.

161    Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que le requérant n’a manifestement pas apporté des preuves concluantes tant de l’existence que de l’étendue du préjudice qu’il invoque quant aux frais d’avocats qu’il a décidé d’exposer au titre de services d’assistance devant les autorités nationales françaises et belges. Ainsi, il a manifestement manqué de prouver que le dommage, pris des frais légaux qu’il aurait engagés en France et en Belgique et dont il demande la réparation, était réel et certain. Par suite, la demande de remboursement des frais d’avocats exposés par le requérant en France et en Belgique doit être rejetée (voir, en ce sens, ordonnance du 7 février 2018, AEIM et Kazenas/Commission, T‑436/16, non publiée, EU:T:2018:78, points 46 et 47).

162    Au regard des conclusions tirées aux points 107, 116, 155 et 161 ci-dessus, il y a lieu de rejeter la demande d’indemnisation du préjudice matériel prétendument subi comme partiellement irrecevable, et, en tout état de cause non fondée, et partiellement non fondée.

b)      Sur le préjudice moral allégué et l’existence d’un lien de causalité

163    Le requérant soutient que l’adoption des actes litigieux et le maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses lui a causé deux types de dommages moraux, à savoir, d’une part, l’atteinte portée à son honorabilité et à sa réputation, pour laquelle il réclame un montant de 100 000 euros, et, d’autre part, la souffrance qui en résulte au regard tant des difficultés occasionnées à sa vie quotidienne que de l’atteinte portée à sa santé, pour lesquelles il réclame un montant de 500 000 euros.

164    Dans sa réponse à la question posée dans le cadre de la seconde mesure d’organisation de la procédure sur les conséquences de l’arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil (C‑45/15 P, EU:C:2017:402), pour la présente affaire, il estime que, compte tenu des circonstances aggravantes prises, en particulier, du détournement de pouvoir commis par le Conseil, la réparation intégrale de son préjudice moral requiert un montant supérieur à celui retenu dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt susmentionné.

165    Le Conseil, soutenu par la Commission, considère qu’il y a lieu de rejeter la demande en réparation du préjudice moral allégué.

1)      Sur l’atteinte à l’honorabilité et à la réputation

166    Le requérant soutient que l’atteinte portée à son honorabilité et à sa réputation par l’adoption et la publication des actes litigieux lui aurait causé un préjudice moral distinct du préjudice matériel résultant de l’affectation de ses relations personnelles avec des tiers.

167    Par ailleurs, l’annulation a posteriori des actes litigieux ne permettrait pas de réparer intégralement le préjudice moral qu’il aurait subi du fait de l’atteinte ainsi portée à son honorabilité et à sa réputation, lequel a été prolongé et accentué par le fait que le Conseil a épuisé toutes les voies de recours disponibles. Ce ne serait que dans le cadre de la procédure de pourvoi que le Conseil a, pour la première fois, allégué l’existence d’éléments confidentiels justifiant l’adoption des actes litigieux, existence qui n’a jamais été établie. Nonobstant ses protestations qui étaient fondées, le Conseil aurait décidé, sans aucun élément de preuve et sans procéder à aucune vérification, de maintenir son nom inscrit sur les listes litigieuses pendant près de trois ans et demi, entre le 26 juillet 2010 et le 19 décembre 2013.

168    L’inscription de son nom sur les listes litigieuses aurait été l’objet d’une certaine publicité, notamment grâce à l’utilisation des médias par le Conseil, et ce tant dans les milieux d’affaires iraniens qu’en Europe, ce qui aurait davantage terni sa réputation.

169    En réponse aux arguments du Conseil, le requérant objecte que, dans l’arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil (T‑384/11, EU:T:2014:986), le Tribunal a reconnu qu’un dommage moral pouvait résulter, sous certaines conditions, de mesures restrictives, sans faire de distinction entre personnes physiques et personnes morales ; les émissions de la BBC et le reportage de la chaîne de télévision française TF1 diffusé le 6 juillet 2014, auxquels il renvoie, démontrent l’ampleur de la médiatisation de son cas et indiquent la juste mesure du préjudice moral qu’il a subi en ayant été stigmatisé par le Conseil, en France, en particulier, et en Occident, en général.

170    Concernant l’atteinte portée à l’honorabilité et à la réputation du requérant, le Conseil, soutenu par la Commission, s’oppose à l’argumentation du requérant.

171    Premièrement, il soutient que, en ce qui concerne la réparation du préjudice moral, l’atteinte portée à la réputation d’une personne physique doit être distinguée de celle portée à une société ayant une activité commerciale. Ainsi, le cas d’espèce devrait être en particulier rapproché de celui de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission (C‑239/12 P, EU:C:2013:331), et non de celui de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil (T‑384/11, EU:T:2014:986). Dès lors, l’annulation des actes litigieux pris à l’encontre du requérant, qui est une personne physique, constituerait une forme adéquate de réparation de l’atteinte portée à sa réputation.

172    Deuxièmement, le requérant n’apporterait aucune preuve tangible d’une atteinte à sa réputation personnelle ou à son honorabilité ou, en d’autres termes, du caractère réel et certain du préjudice qu’il invoque.

173    En premier lieu, il convient d’emblée d’examiner l’argument du Conseil selon lequel l’atteinte portée à la réputation d’une personne physique devrait être distinguée, en ce qui concerne la réparation d’un dommage moral, de l’atteinte portée à la réputation d’une société ayant une activité commerciale. Ainsi, le cas d’espèce se rapprocherait notamment de ceux des affaires ayant donné lieu aux arrêts du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission (C‑239/12 P, EU:C:2013:331), et du 18 février 2016, Jannatian/Conseil (T‑328/14, non publié, EU:T:2016:86), et non de celui de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil (T‑384/11, EU:T:2014:986), car l’annulation des actes litigieux pris à l’encontre du requérant, qui est une personne physique, constituerait une forme adéquate de réparation de l’atteinte portée à sa réputation. À la différence d’une société commerciale, dont le préjudice à la réputation entraînerait des conséquences financières et pourrait être quantifié sur le plan monétaire, il serait difficile d’appliquer le même principe à une personne physique.

174    Cet argument du Conseil, qui postule que la Cour aurait consacré, au titre de la responsabilité non contractuelle de l’Union en matière de réparation du préjudice moral tiré d’une atteinte à la réputation, une distinction entre une personne physique et une personne morale ne saurait prospérer. En effet, d’une part, il convient de constater que, au point 72 de l’arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission (C‑239/12 P, EU:C:2013:331), la Cour a uniquement constaté que l’illégalité de l’acte en cause dans cette affaire, dont la nature et l’objet étaient similaires à ceux des actes litigieux, était de nature à réhabiliter le requérant dans cette affaire, personne physique, ou à constituer une forme de réparation du préjudice moral qu’il avait subi du fait de cette illégalité, et à justifier ainsi la persistance de son intérêt à agir. Il ressort du point susmentionné de l’arrêt que la Cour a simplement considéré, dans cette affaire, que la reconnaissance de l’illégalité de l’acte en cause était de nature à justifier la persistance de l’intérêt à agir du requérant, alors même que son nom avait été retiré de la liste litigieuse dans ladite affaire.

175    Ainsi, contrairement à ce que soutient, en substance, le Conseil, dans l’arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission (C‑239/12 P, EU:C:2013:331), la Cour n’a pas pris position sur la question de savoir si un tel constat suffisait pour réhabiliter intégralement le requérant dans cette affaire ou à constituer une forme de réparation intégrale du préjudice moral qu’il avait subi. Au demeurant, force est de relever que, au point 49 de l’arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil (C‑45/15 P, EU:C:2017:402), la Cour a dit pour droit que si, dans l’arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission (C‑239/12 P, EU:C:2013:331), elle a jugé que l’annulation de mesures restrictives illégales était de nature à constituer une forme de réparation du préjudice immatériel subi, il n’en découlait pas pour autant que cette forme de réparation suffisait nécessairement, dans tous les cas, à assurer la réparation intégrale de ce préjudice.

176    De même, il convient de constater que, toujours au point 72 de l’arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission (C‑239/12 P, EU:C:2013:331), la Cour n’a pas non plus limité les effets du constat qui y figure aux seules personnes physiques. À cet égard, il convient du reste de rappeler que, au point 70 du même arrêt, la Cour a notamment relevé que les mesures restrictives concernées avaient des conséquences négatives considérables et une incidence importante sur les droits et les libertés des personnes visées par lesdites mesures. Or, celles-ci avaient été adoptées en application du règlement (CE) no 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement (CE) no 467/2001 du Conseil interdisant l’exportation de certaines marchandises et de certains services vers l’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidées à l’encontre des Taliban d’Afghanistan (JO L 139, p. 9). Ainsi, ledit règlement était susceptible de viser tant des personnes physiques que des entités juridiques.

177    Au regard des considérations qui précèdent, c’est à tort que le Conseil soutient, en substance, que l’atteinte portée à la réputation d’une personne physique devrait être distinguée, en ce qui concerne la réparation du dommage, de l’atteinte portée à la réputation d’une société ayant une activité commerciale.

178    En deuxième lieu, s’agissant à présent de la demande de réparation du préjudice moral allégué par le requérant au titre de l’atteinte portée à son honorabilité et à sa réputation, il convient de relever que les mesures litigieuses ont des conséquences négatives considérables et une incidence importante sur les droits et libertés des personnes visées (voir, en ce sens, arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 70). À cet égard, lorsqu’une personne est visée par des mesures restrictives, en raison de l’appui qu’elle a prétendument apporté à la prolifération nucléaire, elle est associée publiquement à un comportement qui est considéré comme une menace grave pour la paix et pour la sécurité internationale, avec la conséquence de susciter l’opprobre et la méfiance à son égard, affectant ainsi sa réputation, et de lui causer, partant, un préjudice moral (arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 80).

179    D’une part, l’opprobre et la méfiance suscités par des mesures restrictives telles que les mesures litigieuses concernent sa volonté d’être impliquée dans des activités considérées comme répréhensibles par la communauté internationale. Ainsi, la personne concernée est affectée au-delà de la sphère de ses intérêts économiques et financiers courants (arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 82).

180    D’autre part, l’atteinte à la réputation de la personne en question est d’autant plus grave qu’elle résulte non de l’expression d’une opinion personnelle, mais d’une prise de position officielle d’une institution de l’Union, publiée au Journal officiel de l’Union européenne et assortie de conséquences juridiques obligatoires (arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 83).

181    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que, en l’espèce, l’adoption des actes litigieux et le maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses lui ont causé un préjudice moral, distinct du préjudice matériel dû à l’affectation de ses intérêts économiques et financiers. Par conséquent, il y a lieu de lui reconnaître le droit à être indemnisé de ce préjudice (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 85).

182    S’agissant de la réalité du préjudice moral prétendument subi, il convient de rappeler que, en ce qui concerne plus particulièrement un tel préjudice, si la présentation de preuves ou d’offres de preuve n’est pas nécessairement considérée comme une condition de la reconnaissance d’un tel dommage, il incombe tout au moins à la partie requérante d’établir que le comportement reproché à l’institution concernée était de nature à lui causer un tel préjudice (voir arrêt du 16 octobre 2014, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑297/12, non publié, EU:T:2014:888, point 31 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 28 janvier 1999, BAI/Commission, T‑230/95, EU:T:1999:11, point 39).

183    En outre, si, dans l’arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission (C‑239/12 P, EU:C:2013:331), la Cour a jugé que l’annulation de mesures restrictives illégales était de nature à constituer une forme de réparation du préjudice moral subi, il n’en découle pas pour autant que cette forme de réparation suffit nécessairement, dans tous les cas, à assurer la réparation intégrale de ce préjudice, toute décision à cet égard devant être prise sur la base d’une appréciation des circonstances de l’espèce (arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 49).

184    En l’espèce, certes l’annulation des actes litigieux par l’arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), constatant que l’association du requérant avec la prolifération nucléaire est injustifiée et, partant, illégale, est de nature à constituer une forme de réparation du préjudice moral que celui-ci a subi et dont il demande réparation dans la présente affaire. Toutefois, dans les circonstances de l’espèce, cette annulation ne saurait constituer une réparation intégrale dudit préjudice.

185    En effet, ainsi que cela découle de la jurisprudence rappelée au point 178 ci-dessus, l’adoption des actes litigieux et, à ce titre, l’allégation de l’implication du requérant dans la prolifération nucléaire, a eu pour conséquence de susciter l’opprobre et la méfiance à son égard, affectant ainsi sa réputation et, partant, ses relations sociales et familiales (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 88).

186    Or, ces effets, qui ont duré pendant presque trois ans et demi et sont à l’origine du préjudice moral subi par le requérant, ne sont pas susceptibles d’être contrebalancés intégralement par la constatation, en l’espèce, a posteriori, de l’illégalité des actes litigieux, ce pour les raisons suivantes.

187    Premièrement, l’adoption des mesures restrictives à l’égard d’une personne tend à attirer plus d’attention et à susciter plus de réactions, notamment en dehors de l’Union, que leur annulation subséquente (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 88).

188    Deuxièmement, l’allégation retenue par le Conseil à l’encontre du requérant est particulièrement grave, en ce qu’elle l’associe à la prolifération nucléaire, c’est-à-dire à une activité présentant, selon le Conseil, un danger pour la paix et la sécurité internationales (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 89).

189    Troisièmement, ainsi que cela ressort du point 21 ci-dessus, cette allégation n’a pas été étayée par le moindre élément d’information ou de preuve pertinent (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 90).

190    Quatrièmement, et en tout état de cause, alors que l’inscription du nom du requérant, qui a été publiée au Journal officiel, aurait pu être retirée par le Conseil à tout moment, ou à tout le moins modifiée ou complétée, afin de remédier à d’éventuelles illégalités qui pourraient l’entacher, elle a été maintenue pendant presque trois ans et demi, nonobstant les protestations du requérant, notamment quant à l’absence de preuves s’agissant de l’allégation portée contre lui. À cet égard, le dossier ne contient pas d’éléments suggérant que le Conseil ait vérifié, à un quelconque moment ou à un quelconque titre, de sa propre initiative ou en réponse aux protestations du requérant, le bien-fondé de ladite allégation, afin de limiter les conséquences préjudiciables en découlant pour le requérant (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 91).

191    Une telle vérification eut été en tout cas particulièrement justifiée en l’espèce, après le prononcé de l’arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), au regard de la gravité de l’illégalité qu’il a constatée, sur le fondement d’une jurisprudence établie. En effet, si cet arrêt a pu, en tout cas partiellement, constituer une réparation du préjudice moral subi par le requérant, il ne saurait en aucun cas avoir produit un quelconque effet en ce sens s’agissant de la période postérieure à son prononcé, période d’environ un an et neuf mois durant laquelle l’inscription du nom du requérant a été maintenue en l’état.

192    Sans aucunement remettre en cause le droit de l’institution concernée d’introduire un pourvoi à l’encontre de la décision du Tribunal mettant fin à l’instance ni le report des effets d’une telle décision, tel qu’il résulte des dispositions de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, il y a lieu de considérer que, dans une Union de droit, au regard de la gravité du comportement illégal constaté par le Tribunal, il incombe à l’institution concernée de procéder, fût-ce en parallèle à l’introduction d’un pourvoi, à une vérification des appréciations qui ont été sanctionnées par le Tribunal. Une telle exigence ne vise pas à imposer à l’institution concernée qu’elle exécute d’ores et déjà l’arrêt du Tribunal mais, ainsi que cela ressort du point 91 de l’arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil (T‑384/11, EU:T:2014:986), qu’elle vérifie si, au regard des conclusions tirées par le Tribunal, les actes contestés ne pourraient, voire ne devraient pas, être retirés, remplacés ou modifiés, afin d’en limiter les conséquences préjudiciables.

193    En effet, le préjudice moral ainsi causé, par le maintien de l’inscription du nom du requérant postérieurement au prononcé de l’arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), tel que le requérant le dénonce explicitement dans la requête, se distingue de celui intervenu antérieurement au prononcé de cet arrêt. C’est ainsi que, dans ledit arrêt, le Tribunal a formellement conclu, comme le soutenait le requérant, au caractère illégal de l’inscription de son nom, au regard d’une jurisprudence établie, en raison de l’absence d’éléments de preuve au soutien de l’allégation portée contre lui.

194    En l’espèce, c’est donc notamment à la lumière des appréciations et conclusions formulées par le Tribunal dans l’arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), que le Conseil aurait pu examiner si le maintien de l’inscription du nom du requérant en l’état, à savoir sans aucun élément de preuve au soutien de l’allégation portée contre lui, était justifié, sans risquer d’aggraver encore plus le préjudice qu’il avait d’ores et déjà subi, à la date du prononcé dudit arrêt.

195    Cette conclusion ne saurait être modifiée, au regard de l’arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian (C‑280/12 P, EU:C:2013:775). En effet, dans ledit arrêt, la Cour ayant uniquement examiné et rejeté le pourvoi introduit par le Conseil contre l’arrêt d’annulation du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), il n’a pas pu statuer sur la réparation du préjudice moral causé par le maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses, après le prononcé de ce dernier arrêt.

196    Au regard des considérations qui précèdent et, en tout état de cause, de celles figurant aux points 190 à 195 ci-dessus, il y a lieu de conclure que l’annulation de l’inscription du nom du requérant par l’arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), n’a pas constitué une réparation intégrale du préjudice moral subi par le requérant.

197    En troisième lieu, il convient d’examiner si, ainsi que le prétend le requérant, certains facteurs additionnels pourraient avoir contribué à aggraver le préjudice moral qu’il a subi et, partant, devraient être pris en compte au titre de l’évaluation de l’indemnisation du préjudice qu’il a subi.

198    Tout d’abord, s’agissant de la prétendue prolongation et aggravation du préjudice moral subi par le requérant, au motif que le Conseil aurait, d’une part, épuisé les voies de recours à sa disposition en vertu du traité FUE, notamment en introduisant un pourvoi contre l’arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), et, d’autre part, soulevé, pour la première fois devant la Cour, certains moyens ou arguments au soutien dudit pourvoi, y compris en faisant état, sans les avoir pour autant communiqués, d’éléments confidentiels qui étaieraient les actes litigieux, cet argument ne saurait prospérer. En effet, de la même façon et pour les mêmes raisons qu’il a été jugé aux points 70 à 76 ci-dessus que de telles circonstances ne sauraient constituer un facteur aggravant de l’illégalité commise par le Conseil, elles ne sauraient pas plus, en principe, être à l’origine d’un quelconque préjudice moral, susceptible d’engager la responsabilité extracontractuelle de l’Union.

199    Ensuite, s’agissant de la diffusion du reportage de l’émission « sept à huit » par la chaîne de télévision française TF1, loin de faire état, comme l’allègue le requérant, du fait de son contenu, d’un préjudice moral aggravé qu’il aurait subi, cette émission, disponible en ligne sur Internet, était en effet exclusivement consacrée aux effets des actes litigieux sur Fulmen et non sur le requérant. En tout état de cause, même en considérant que cette émission se rapportait également aux intérêts du requérant, il en ressort qu’elle a pu participer au rétablissement de la réputation de celui-ci. En effet, elle assure notamment la publicité de l’annulation des actes litigieux par le juge de l’Union. Pour autant, au regard de l’allégation particulièrement grave retenue par le Conseil à l’encontre du requérant, la diffusion de cette émission ne saurait, contrairement à ce que soutient le Conseil, être considérée comme susceptible de contrebalancer les effets négatifs des mesures litigieuses sur la réputation du requérant.

200    Enfin, s’agissant de la diffusion par la BBC d’une photo du requérant et, le 24 mai 2011, d’une émission dans laquelle, selon le requérant, la porte-parole du Conseil serait intervenue et aurait déclaré, à propos de plusieurs individus ayant fait l’objet de sanctions du Conseil, que « finalement il a été prouvé que toutes les décisions prises par l’Union européenne étaient justes », outre le fait que le requérant ne communique dans la requête aucune indication permettant au Tribunal de constater l’existence et le contenu de ces diffusions, il y lieu de considérer que les diffusions en question et les propos tenus, selon le Conseil, par la porte-parole du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) et non du Conseil, ne sauraient avoir aggravé le préjudice causé au requérant par les actes litigieux. En effet, bien que ces propos aient été tenus alors que le Tribunal était saisi d’un recours tendant à obtenir l’annulation des actes litigieux, lesdits propos, tels qu’ils sont rapportés par le requérant dans la requête, ne feraient que refléter la conviction de leur auteur, agent d’une institution de l’Union, quant à la légalité des décisions que cette institution a adoptées à l’égard d’un « certain nombre d’individus sanctionnés par le Conseil ». Ainsi, outre le fait que toute partie à une affaire en instance devant une juridiction de l’Union est libre d’exprimer sa conviction quant à son bon droit, il convient de constater que, en tout état de cause, les propos qui auraient ainsi été tenus ne visaient pas de manière individuelle le requérant.

201    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir la demande de réparation du préjudice moral pris de l’atteinte portée à l’honorabilité et à la réputation du requérant. À ce titre, le Tribunal, évaluant ledit préjudice ex æquo et bono, estime que l’allocation d’un montant de 50 000 euros constitue une indemnisation adéquate.

2)      Sur le dommage lié aux difficultés de vie au quotidien et à l’atteinte portée à la santé

202    Concernant le préjudice pris de la souffrance endurée en raison des difficultés de vie au quotidien et de l’atteinte portée à sa santé, le requérant l’évalue à 500 000 euros.

203    Le Conseil, soutenu par la Commission, considère que les pièces fournies par le requérant ne sont pas suffisantes pour justifier l’indemnisation d’un préjudice moral à hauteur d’un montant de 500 000 euros.

i)      Sur le préjudice pris de la souffrance endurée en raison des difficultés de vie au quotidien

204    Le requérant fait valoir que, à la suite de l’adoption des actes litigieux, ses fonds détenus au sein de l’Union ayant été gelés, il s’est retrouvé dans une situation financière et personnelle très difficile, privé de la possibilité, non seulement de maintenir son train de vie, mais encore de subvenir à ses besoins élémentaires voire à ceux de ses proches, tels, notamment, le paiement de frais de santé, le remplacement de son téléphone portable, le paiement de son assurance habitation. Il affirme que ce n’est qu’à partir de janvier 2012, soit 18 mois après l’adoption des premiers actes litigieux, qu’il se serait vu attribuer un montant mensuel de 1 000 euros pour subvenir à ses besoins quotidiens. Ainsi, pendant plus d’un an il aurait dû vivre grâce à des prêts consentis par son entourage.

205    Quant à ses dépenses, il rappelle qu’il devait déposer auprès de l’autorité compétente une demande motivée afin d’obtenir le montant nécessaire. L’autorisation pour le paiement de ses impôts, de ses assurances et de ses charges n’ayant été délivrée que le 25 mars 2011, il en serait résulté des retards de paiement importants, des pénalités et de nombreux tracas administratifs. Il ajoute que tout paiement nécessitait le dépôt de la facture et l’autorisation spéciale de la banque ou de l’autorité administrative compétente ou le recours à un règlement en espèces, ce qui était source pour lui de grands tracas et d’une angoisse supplémentaire au quotidien. Il n’avait pas le droit de voyager dans des pays européens autres que la France, ni de faire escale dans un aéroport de l’Union situé ailleurs qu’en France lors de voyages à l’extérieur de l’Union. Toutes les personnes de son entourage familial, social et professionnel, jusqu’au locataire de son appartement en Belgique, auraient été interrogées par des services de sécurité d’États membres. Sa nièce se serait vu refuser sa demande de naturalisation française, sous prétexte qu’elle avait un lien avec lui et qu’elle avait fait un stage de deux mois chez Fulmen, ce qui aurait été, pour lui, à l’origine d’un sentiment de culpabilité. Le fait de devoir s’endetter envers ses proches, pour un montant de plus de 20 000 euros, afin de subvenir à ses besoins élémentaires, l’aurait humilié et il aurait vécu dans l’angoisse de l’avenir, en cas de dégradation de son état de santé. Il aurait également éprouvé un fort sentiment d’injustice face à sa situation. Le reportage télévisé de l’émission « sept à huit », diffusé sur la chaîne de télévision française TF1 le 6 juillet 2014, montrerait l’ampleur de l’impact des mesures restrictives sur sa situation personnelle.

206    Dans la réplique, le requérant rejette catégoriquement l’insinuation du Conseil selon laquelle il n’avait qu’à quitter la France pour aller s’installer en Iran.

207    Concernant la souffrance endurée par le requérant en raison des difficultés de vie au quotidien, le Conseil indique ne pas contester que les mesures litigieuses ont affecté la vie quotidienne de celui-ci. Pour autant, il précise, dans la duplique, ne pas reconnaître expressément l’existence d’un préjudice moral indemnisable subi par le requérant.En effet,il fait valoir que les dépenses auxquelles le requérant fait référence, à savoir les frais de santé et d’assurance ou les impôts, sont couvertes par les dispositions de l’article 26 du règlement no 267/2012, qui prévoit le déblocage des fonds nécessaires pour couvrir les besoins essentiels de la personne visée par une mesure de gel des fonds. Il ne pourrait pas être tenu responsable de la lenteur ou du mauvais fonctionnement du système mis en place par les États membres, en application de cette disposition. Il ne pourrait pas non plus être tenu responsable des interrogatoires de l’entourage familial, social et professionnel du requérant ainsi que de son locataire, qui ont été décidés par les services de sûreté ou de police des États membres. En ce qui concerne le refus de naturalisation française de la nièce du requérant, la réglementation de l’Union en matière de mesures restrictives ne comporterait aucune disposition qui aurait pour objet ou pour effet d’empêcher la naturalisation des membres de la famille des personnes visées par de telles mesures. En tout état de cause, d’une part, il ne s’agirait pas d’un dommage personnel subi par le requérant et, d’autre part, le refus de naturalisation invoqué se fonderait sur le fait que la nièce du requérant avait effectué un stage au sein de Fulmen et non sur le lien familial avec le requérant.

208    En ce qui concerne l’impossibilité pour le requérant de maintenir son train de vie, il s’agirait d’une circonstance difficile à qualifier de dommage réel et certain et dont l’ampleur réelle serait, en tout état de cause, contestable. Au vu de la nature du dommage allégué, dans les circonstances de l’espèce, il n’y aurait pas lieu d’accorder une indemnisation. La vie du requérant n’aurait pas été bouleversée au point auquel il le prétend, car il aurait toujours conservé la nationalité iranienne ainsi que sa résidence et des liens économiques en Iran, où il pouvait continuer de jouir de son train de vie habituel, même quand celui-ci était affecté en Europe.

209    Le requérant ne serait pas recevable à demander l’indemnisation d’un prétendu préjudice résultant d’une restriction en matière d’admission, en l’occurrence un refus d’embarquement dans un aéroport situé ailleurs qu’en France, dans la mesure où, contrairement aux mesures de gel des fonds, les restrictions en matière d’admission ne sont pas mises en œuvre par l’adoption d’un règlement sur la base de l’article 215 TFUE.

210    S’agissant du préjudice pris de la souffrance endurée en raison des difficultés de vie au quotidien, il y a lieu de distinguer trois catégories de dommages allégués par le requérant.

211    Premièrement, en ce qui concerne l’interdiction de voyager dans des pays européens autres que la France et de faire escale dans un aéroport situé ailleurs qu’en France lors de voyages à l’extérieur de l’Union, de sorte que le requérant aurait notamment fait l’objet d’une décision de refus d’embarquement le 17 juillet 2011, force est de rappeler que, ainsi que le fait valoir le Conseil, de telles mesures se fondent sur les dispositions de l’article 19 de la décision 2010/413, qui remplacent les dispositions de l’article 4 de la position commune 2007/140. Or, ainsi qu’il a été conclu aux points 47 et 48 ci-dessus, le Tribunal n’est pas compétent pour connaître de la demande en réparation du requérant, pour autant qu’il vise à obtenir réparation du dommage qu’il aurait subi du fait de l’adoption de la décision 2010/413. Partant, le requérant n’est pas recevable à demander l’indemnisation de ce dommage.

212    Deuxièmement, c’est à tort que le requérant dirige contre le Conseil un grief pris, en substance, des lenteurs dont auraient fait preuve les autorités nationales dans le traitement des demandes du requérant tendant à obtenir un montant mensuel pour subvenir à l’ensemble de ses besoins essentiels au quotidien.

213    En effet, conformément aux dispositions de l’article 19 du règlement no 961/2010, à savoir un des actes litigieux, il était prévu que, par dérogation à l’article 16 du règlement no 961/2010, les autorités compétentes des États membres, ainsi désignées sur les sites Internet énumérés à l’annexe V dudit règlement, pouvaient, sous certaines conditions, autoriser le déblocage ou la mise à disposition de certains fonds ou ressources économiques gelés, en particulier, en vertu de l’article 19, paragraphe 1, sous a), i) dudit règlement, « nécessaires pour répondre aux besoins essentiels des personnes citées aux annexes VII ou VIII et des membres de leur famille qui sont à leur charge, notamment pour le paiement des vivres, des loyers ou des mensualités de prêts hypothécaires, des médicaments et des frais médicaux, des impôts, des primes d'assurance et des factures de services d'utilité publique ».

214    Partant, c’est à tort que le requérant tient le Conseil pour responsable des préjudices qu’auraient pu lui causer les lenteurs de traitement de ses demandes, adressées aux autorités compétentes des États membres, de déblocage ou de mise à disposition de ses fonds ou ressources économiques gelés pour subvenir à ses besoins essentiels au quotidien, à savoir, donc, en particulier, le paiement de frais de santé, y compris d’un membre de sa famille, sachant que le requérant ne précise pas si ledit membre était à sa charge, d’une assurance habitation, de ses impôts, de ses charges, d’une ligne téléphonique voire même d’un nouveau téléphone. De tels préjudices, à les supposer établis, ne peuvent être imputés qu’aux autorités compétentes des États membres, ainsi désignées par le règlement no 961/2010.

215    Troisièmement, en ce qui concerne le préjudice pris, en substance, du stress et des sentiments d’angoisse, d’humiliation et de culpabilité, en particulier envers ses proches, que les actes litigieux auraient causé au requérant, en le privant de tout moyen de maintenir son train de vie antérieur, il convient d’emblée de préciser que ce préjudice se distingue du préjudice pris de l’atteinte à l’honorabilité et à la réputation du requérant, qui a été examiné ci-dessus et pour lequel le Tribunal a décidé, au point 201 ci-dessus, de l’indemniser à concurrence de 50 000 euros. En effet, ainsi que cela ressort du point 82 de l’arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil (T‑384/11, EU:T:2014:986), ce dernier préjudice découle, en particulier, de l’opprobre et de la méfiance, suscités par des mesures restrictives telles les mesures litigieuses, qui concernent la volonté de la personne désignée d’être impliquée dans des activités considérées comme répréhensibles par la communauté internationale.

216    Or, en l’espèce, s’agissant du préjudice moral allégué, qui se rapporte à une atteinte portée par les actes litigieux à la vie sociale et familiale du requérant, il convient de constater qu’il ne découle pas de l’opprobre ou de la méfiance mettant en cause la prétendue volonté du requérant « d’être impliqu[é] dans des activités considérées comme répréhensibles par la communauté internationale » mais, en tant que personne physique, de la dégradation, en substance, de son image familiale voire sociale, du fait de son incapacité subite, en raison du gel de ses avoirs financiers et économiques, de maintenir son train de vie antérieur.

217    Or, il ressort de l’ensemble des éléments du dossier qui se rapportent spécifiquement au standing de vie sociale et familiale du requérant que ce dernier a rapporté la preuve du caractère réel et certain du préjudice présentement allégué et examiné. Par ailleurs, il ressort des mêmes éléments que ledit dommage découle nécessairement et directement des actes litigieux. Du reste, si le Conseil ne reconnaît pas l’existence d’un préjudice moral à cet égard, il ressort tant de ses écritures que de ses propos tenus lors de l’audience qu’il ne conteste pas que les mesures litigieuses ont affecté la vie quotidienne du requérant.

218    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que l’adoption des actes litigieux et le maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses le visant ont causé au requérant un préjudice moral indemnisable, distinct non seulement du préjudice matériel dû à l’affectation de ses intérêts économiques et financiers, mais également du préjudice moral pris de l’atteinte à son honorabilité et à sa réputation.

219    S’agissant du montant de l’indemnisation à accorder au requérant, au titre dudit préjudice moral, dans les circonstances de l’espèce, si l’annulation de l’inscription du nom du requérant devrait lui avoir permis, en principe, de retrouver toute latitude pour user librement de ses avoirs et ressources économiques qui avaient été gelés, en revanche, elle ne saurait d’une quelconque manière avoir réparé le préjudice présentement examiné et qui a produit ses effets durant la période litigieuse. En effet, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, le gel des fonds en tant que tel, par sa large portée, bouleverse la vie tant professionnelle que familiale des personnes visées (voir arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 70 et jurisprudence citée). Partant, il y a lieu de considérer que l’annulation des actes litigieux n’est susceptible, à elle seule, ni de constituer une réparation intégrale dudit préjudice ni même de modérer le montant de l’indemnisation accordée.

220    Au regard du type et de la gravité du préjudice moral ainsi subi par le requérant et compte tenu de l’impossibilité de calculer, sur la base d’éléments chiffrés et chiffrables, ce type de préjudice moral, il y a lieu de l’évaluer ex æquo et bono. À cet égard, au titre d’une indemnisation adéquate, il convient de retenir une allocation correspondant à 500 euros pour chaque mois durant lesquels le nom du requérant a été inscrit sur les listes litigieuses. Ainsi, le requérant ayant été inscrit sur lesdites listes du mois de juillet 2010 au mois de décembre 2013, soit durant 42 mois, une allocation d’un montant de 21 000 euros constitue une indemnisation adéquate du préjudice pris de la souffrance endurée en raison des difficultés de vie au quotidien, à savoir, en substance, de l’atteinte portée au standing de vie sociale et familiale du requérant.

ii)    Sur le préjudice pris de l’atteinte à la santé

221    S’agissant du préjudice pris de l’atteinte portée à sa santé, le requérant soutient que, à la suite de l’adoption des actes litigieux, il a dû prendre un traitement antidépresseur et, à ce titre, produit, en annexe A.11 à la requête, un certificat médical.

222    En annexe C.8 à la réplique, le requérant joint, « pour autant que de besoin », un nouveau certificat médical.

223    En ce qui concerne l’atteinte portée à la santé du requérant, le Conseil soutient qu’une indemnisation éventuelle devrait se fonder sur des éléments de preuve tangibles. Or, en l’espèce, le requérant n’aurait pas présenté de rapport d’expertise médicale, mais se serait borné à produire un premier certificat médical, mentionnant une atteinte à sa santé qui ne serait ni permanente ni irréversible, ainsi que, dans la réplique, un second certificat médical, particulièrement sommaire et ne permettant pas d’évaluer les séquelles sur la santé du requérant que les actes litigieux auraient pu entraîner.

224    S’agissant du préjudice pris de l’atteinte portée à sa santé, le requérant affirme avoir pris un traitement antidépresseur et, à cet égard, il produit en annexe A.11 à la requête, un certificat médical, daté du 14 décembre 2010, établi par un médecin psychiatre hospitalier parisien. Il ressort dudit certificat que ce médecin atteste que le requérant présentait alors un « syndrome anxieux et dépressif majeur » qui a nécessité une prise en charge pharmacologique et psychiatrique très régulière. Selon le même médecin, une dégradation notable de l’état de santé du requérant serait survenue fin juillet 2010.

225    Certes, ce certificat médical produit par le requérant est susceptible, en soi, de corroborer son affirmation selon laquelle il avait dû prendre un traitement antidépresseur à la suite de l’adoption des actes litigieux. Toutefois, il ressort de manière implicite du dernier alinéa dudit certificat qu’il a été établi sur la base des seules informations communiquées par le requérant. Il ne ressort pas du certificat médical en cause que le diagnostic du médecin repose soit sur un suivi médical du requérant qu’il aurait réalisé par le passé, soit sur des rapports et examens médicaux qui auraient été établis par un ou plusieurs médecins ayant auparavant suivi le requérant. Du reste, il convient de relever que, ainsi que l’atteste ledit médecin, il n’a pris en charge le requérant qu’à compter du mois de septembre 2010, soit deux mois après l’adoption des actes litigieux. Dans de telles circonstances, afin de rapporter la preuve de la dégradation de son état de santé qui serait intervenue au moment où les actes litigieux ont été adoptés, il eut, à tout le moins, fallu que le requérant communique audit médecin des documents susceptibles de lui permettre d’évaluer son état de santé général voire psychiatrique antérieurement à l’adoption desdits actes. Or aucun élément du dossier de l’affaire ne permet de constater qu’une telle communication avait été ainsi effectuée. Par ailleurs, force est de constater que le requérant ne produit aucun document attestant qu’un traitement antidépresseur lui aurait été prescrit postérieurement à la date d’établissement du certificat médical.

226    S’agissant du certificat médical produit au stade de la réplique, en annexe C.8 à cette dernière, il convient de relever que celui-ci est daté du 12 janvier 2016 et a été établi par un médecin psychiatre. En ce qui concerne la recevabilité d’un tel document, certes, il ne peut qu’être constaté que le requérant ne justifie aucunement, si ce n’est par la formule usuelle « pour autant que de besoin », la production de ce nouveau certificat au stade de la réplique. Toutefois, s’agissant d’un préjudice pris d’une atteinte portée à la santé, il eut tout à fait été possible voire suffisant, que, en l’espèce, le requérant précise qu’il souhaitait faire part de l’évolution de sa santé depuis le premier certificat médical établi en 2010. En tout état de cause, même en considérant cette pièce du dossier de l’affaire recevable, la lecture dudit certificat ne fait pas apparaître une évolution particulière de l’état de santé du requérant ; tout au plus y est-il attesté que le requérant présente un syndrome anxieux et dépressif nécessitant le maintien d’un traitement.

227    Si les certificats médicaux produits par le requérant permettent de constater qu’il connaissait certains troubles de santé en 2010 et 2016, ils ne contiennent pas d’élément suggérant que ces troubles seraient liés aux actes litigieux. Dès lors, ils ne sont pas susceptibles de démontrer l’existence d’un lien de causalité et la demande en réparation du préjudice pris de l’atteinte portée à la santé du requérant doit donc être rejetée (voir, par analogie, arrêt du 12 septembre 2007, Combescot/Commission, T‑250/04, EU:T:2007:262, point 100).

228    Il résulte des considérations qui précèdent que le requérant ne rapporte la preuve ni du caractère réel et certain du préjudice pris de l’atteinte portée à sa santé ni du lien de causalité. Partant, il convient de rejeter la demande de réparation de ce préjudice comme non fondée.

229    Au regard des conclusions tirées aux points 201, 220 et 228 ci-dessus, il y a lieu d’accueillir partiellement la demande de réparation du préjudice moral allégué par le requérant. Le Tribunal considère que, au titre de l’évaluation ex æquo et bono du préjudice moral subi par le requérant, l’allocation d’un montant de 71 000 euros constitue une indemnisation adéquate.

230    En conclusion, il y a lieu d’accueillir le présent recours en indemnité et, à ce titre, d’accorder au requérant une indemnité de 71 000 euros au titre du préjudice moral qu’il a subi. En revanche, sa demande d’indemnisation du préjudice matériel est rejetée.

IV.    Sur les dépens

231    Aux termes de l’article 134, paragraphe 2, de son règlement de procédure, si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens.

232    En l’espèce, le Conseil a pour partie succombé en ce qui concerne la demande de réparation du préjudice moral subi par le requérant, tandis que ce dernier a succombé en sa demande de réparation du préjudice matériel. Dans ces circonstances, il y a lieu de décider que les parties supporteront chacune leurs propres dépens.

233    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. Dès lors, la Commission supportera ses propres dépens.



Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le Conseil de l’Union européenne est condamné à verser à M. Fereydoun Mahmoudian une indemnité de 71 000 euros au titre du préjudice moral subi.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      M. Fereydoun Mahmoudian, le Conseil et la Commission supporteront respectivement leurs propres dépens.

Pelikánová

Valančius

Öberg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 juillet 2019.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

P. Nihoul


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la compétence du Tribunal

B. Sur le fond

1. Sur l’illégalité alléguée

2. Sur le dommage allégué et l’existence d’un lien de causalité entre l’illégalité du comportement reproché et ce dommage

a) Sur le dommage matériel allégué et l’existence d’un lien de causalité

1) Sur la moins-value liée à l’absence de gestion dynamique des actifs financiers du requérant

2) Sur la perte des gains au titre de la gestion des biens immobiliers

3) Sur les pertes réalisées dans des sociétés européennes

i) Sur les pertes réalisées dans Senteg et Decom

ii) Sur les pertes liées à Codefa

4) Sur les frais légaux engagés pour obtenir un dégel partiel des fonds du requérant, puis pour libérer les comptes bancaires saisis

b) Sur le préjudice moral allégué et l’existence d’un lien de causalité

1) Sur l’atteinte à l’honorabilité et à la réputation

2) Sur le dommage lié aux difficultés de vie au quotidien et à l’atteinte portée à la santé

i) Sur le préjudice pris de la souffrance endurée en raison des difficultés de vie au quotidien

ii) Sur le préjudice pris de l’atteinte à la santé

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.