Language of document : ECLI:EU:T:2022:455

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

13 juillet 2022 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Contrat à durée déterminée – Décision de non-renouvellement – Avis de vacance – Erreur manifeste d’appréciation – Devoir de sollicitude – Harcèlement moral – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑438/21,

TL, représentée par Mes L. Levi et N. Flandin, avocates,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. B. Mongin et Mme M. Brauhoff, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents et J. Laitenberger (rapporteur), juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 26 avril 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, TL, demande, d’une part, l’annulation de la décision de l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») de la Commission européenne du 29 octobre 2020 de ne pas renouveler son contrat de travail (ci-après la « décision attaquée ») et, pour autant que de besoin, de la décision du 20 avril 2021 rejetant sa réclamation introduite au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») contre ladite décision (ci-après la « décision rejetant la réclamation ») et, d’autre part, la réparation du préjudice qu’elle aurait subi du fait de ces actes.

 Antécédents du litige

2        Le 16 novembre 2017, la requérante a été engagée en tant qu’agent temporaire, au titre de l’article 2, sous b), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), au grade AD 7 auprès de la Commission. Son contrat a été conclu pour une période de trois ans et a pris fin le 15 novembre 2020. Elle a été affectée au poste d’analyste économique au sein de l’unité C.3 de la direction générale des affaires économiques et financières.

3        La procédure d’établissement du rapport d’évaluation de carrière de 2019 de la requérante a commencé au début de l’année 2020.

4        À partir du 24 février 2020, la requérante a été en congé de maladie jusqu’à la fin de son contrat de travail.

5        Le 29 avril 2020, la Commission a adopté, afin d’offrir aux services une souplesse suffisante leur permettant d’assurer leurs besoins en personnel dans le contexte de la pandémie de COVID‑19, une décision autorisant jusqu’au 31 décembre 2020 ses services compétents à prolonger au-delà de trois ans, sur demande dûment justifiée des services, les contrats conclus en vertu de l’article 2, sous b), du RAA, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une procédure de sélection au sens de l’article 3 de sa décision du 16 décembre 2013 relative à la politique d’engagement et d’emploi des agents temporaires, dans les cas où le contrat initial de la personne concernée prenait fin le 30 avril 2021 au plus tard (ci-après la « décision de la Commission du 29 avril 2020 »).

6        Le 10 septembre 2020, la requérante a eu un entretien téléphonique avec son chef d’unité, durant lequel ce dernier l’a informée du fait qu’il n’avait pas l’intention de demander la prolongation de son contrat de travail.

7        Le 14 septembre 2020, la requérante et son chef d’unité ont échangé des courriels récapitulant le contenu de cet entretien téléphonique.

8        Le même jour, la requérante a adressé un courrier au service médical de la Commission pour savoir comment il était possible que son chef d’unité puisse disposer d’informations sur sa situation médicale. Le service médical a répondu le 17 novembre 2020 en précisant qu’aucune information contenue dans son dossier médical n’avait été divulguée à qui que ce soit.

9        Le 2 octobre 2020, l’avis de vacance COM/2020/2132 pour un poste d’analyste économique au sein de l’unité C.3 de la direction générale des affaires économiques et financières, disponible à partir du 16 novembre 2020, a été publié.

10      Le 8 octobre 2020, le correspondant opérationnel des ressources humaines de la direction générale des affaires économiques et financières (ci-après le « HR BC ») a mené un entretien téléphonique avec la requérante, au cours duquel il lui a exposé les raisons pour lesquelles l’AHCC envisageait de ne pas renouveler son contrat. La requérante a à son tour informé le HR BC de l’existence d’un prétendu dysfonctionnement de l’unité C.3 résultant de son niveau de gestion.

11      Le 15 octobre 2020, un membre de l’Account Management Centre 1, entité responsable de la gestion de certaines procédures dans le domaine des ressources humaines pour la direction générale des affaires économiques et financières, a formellement informé la requérante de l’intention de l’AHCC de ne pas renouveler son contrat, en faisant référence aux explications susmentionnées que le HR BC lui avait fournies. Il a invité la requérante à présenter ses observations à cet égard.

12      Le 21 octobre 2020, la requérante a présenté ses observations. 

13      Le 29 octobre 2020, l’AHCC a adopté la décision attaquée.

14      Le 23 décembre 2020, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision attaquée.

15      Le 13 janvier 2021, la requérante a reçu son rapport d’évaluation pour l’année 2019. La requérante a depuis introduit un recours contre ce rapport qui fait l’objet de l’affaire T‑677/21, TL/Commission.

16      Le 20 avril 2021, l’AHCC a adopté la décision rejetant la réclamation.

17      Le 14 juillet 2021, la requérante a présenté, en vertu de l’article 24 du statut, une demande d’assistance fondée sur des allégations de harcèlement de la part de son chef d’unité.

 Conclusions des parties

18      Dans le dernier état de ses conclusions, la requérante demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler, pour autant que de besoin, la décision rejetant la réclamation ;

–        ordonner la réparation du préjudice résultant de la perte d’une chance sérieuse d’obtenir le renouvellement de son contrat de travail, à hauteur de 90 % de ses traitements bruts, y compris les contributions au régime de pensions, et ordonner la réparation du préjudice moral qu’elle aurait subi ;

–        condamner la Commission à tous les dépens.

19      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux entiers dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige

20      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante applicable en matière de droit de la fonction publique de l’Union européenne, la réclamation administrative, telle que visée à l’article 90, paragraphe 2, du statut, et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Étant donné que, dans le système du statut ou du RAA, l’intéressé doit présenter une réclamation contre la décision qu’il conteste et introduire un recours contre la décision portant rejet de cette réclamation, le recours est recevable, qu’il soit dirigé contre la seule décision objet de la réclamation, contre la décision portant rejet de la réclamation ou contre ces deux décisions conjointement, pour autant que la réclamation et le recours ont été formés dans les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut (voir arrêt du 24 mars 2021, BK/EASO, T‑277/19, non publié, EU:T:2021:161, points 41 et 43 et jurisprudence citée).

21      Par ailleurs, selon la jurisprudence établie et conformément au principe d’économie de la procédure, le juge peut décider qu’il n’y a pas lieu de statuer spécifiquement sur les conclusions dirigées contre la décision portant rejet de la réclamation lorsqu’il constate que celles-ci sont dépourvues de contenu autonome et se confondent, en réalité, avec celles dirigées contre la décision contre laquelle la réclamation a été présentée (voir arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 72 et jurisprudence citée).

22      En l’espèce, dans la mesure où la décision rejetant la réclamation ne fait que confirmer la décision attaquée, elle est dépourvue de portée autonome. Partant, le recours de la requérante doit être considéré comme étant dirigé contre la seule décision attaquée. La légalité de la décision attaquée doit être examinée en prenant en considération la motivation figurant dans la décision rejetant la réclamation, cette motivation étant censée coïncider avec ledit acte (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2021, BK/EASO, T‑277/19, non publié, EU:T:2021:161, point 43).

 Sur la demande en annulation de la décision attaquée

23      À l’appui de sa demande en annulation, la requérante soulève, dans la requête, deux moyens. Le premier est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation. Le deuxième est tiré d’une violation du devoir de sollicitude. Lors de l’audience, la requérante a invoqué un troisième et nouveau moyen, tiré du fait que la Commission aurait, dans le mémoire en défense, modifié la motivation de la décision attaquée.

 Sur le troisième moyen, tiré de la modification de la motivation de la décision attaquée

24      La requérante a fait valoir, lors de l’audience, que la Commission avait modifié, au point 67 du mémoire en défense, la motivation de la décision attaquée. Selon ce point, la décision attaquée indiquerait que la « [direction générale des affaires économiques et financières] estimait pouvoir recruter un fonctionnaire pour pourvoir le poste permanent et qu’il était préférable de procéder de la sorte pour répondre à ses besoins en personnel plutôt que de demander le renouvellement exceptionnel d’un contrat TA 2b ». La requérante considère que la Commission a ainsi admis, pour la première fois, l’existence des besoins en personnel et a, par conséquent, modifié la motivation de la décision attaquée au cours de la phase contentieuse, ce qui rendrait cette motivation inadéquate et constituerait une violation de l’obligation de motivation.

25      La Commission conclut au rejet du troisième moyen.

26      À cet égard, il suffit de constater que l’extrait du point 67 du mémoire en défense cité par la requérante coïncide avec la motivation de la décision attaquée et, partant, que la requérante ne saurait reprocher à la Commission d’avoir, dans le mémoire en défense, substitué une nouvelle motivation à la décision attaquée. En effet, il est constaté ce qui suit dans la décision attaquée :

« [La direction générale des affaires économiques et financières] estime pouvoir à présent recruter un fonctionnaire afin de pourvoir le poste permanent occupé [par la requérante] et c’est la raison pour laquelle [elle a] publié un avis de vacance le 2 octobre 2020. Les postes permanents ayant principalement vocation à être pourvus par des fonctionnaires, il est préférable, si possible, de procéder de cette façon pour répondre à ses besoins en personnel plutôt que de demander le renouvellement exceptionnel d’un contrat TA 2b. »

27      Par conséquent, il convient de rejeter ce moyen au motif que l’argumentation de la requérante est erronée en fait.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

28      La requérante soutient que les motifs invoqués dans la décision attaquée et dans la décision rejetant la réclamation pour le non‑renouvellement de son contrat sont manifestement erronés.

29      En premier lieu, la requérante soutient que les besoins de l’unité C.3 par rapport à son ancien poste sont en réalité plus importants que ceux indiqués dans la décision attaquée. Cela serait confirmé par le fait que le poste faisant l’objet de l’avis de vacance COM/2020/2132 serait identique à celui faisant l’objet de l’avis de vacance du 22 juin 2017 pour lequel la requérante a été engagée (ci-après l’« avis de vacance de 2017 »). La circonstance qu’un fonctionnaire de l’Union ait la priorité sur un agent temporaire en ce qui concerne le pourvoi du poste en cause ne changerait rien au fait que la publication de cet avis de vacance démontrerait un besoin de recruter un membre du personnel à ce poste.

30      En deuxième lieu et plus particulièrement, la requérante conteste qu’elle ait principalement travaillé, pendant la durée de son engagement, sur le dossier du mécanisme de change européen II (ci-après le « MCE II ») en ce qui concerne l’entrée de la République de Bulgarie dans ce mécanisme et sur le rapport de convergence de la République de Bulgarie.

31      En troisième lieu, la requérante fait valoir que le constat figurant dans la décision attaquée selon lequel le dossier du MCE II aurait « perdu son importance depuis l’entrée de la Bulgarie […] » n’est pas correct.

32      La Commission conteste ces arguments.

33      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il ressort d’une lecture combinée de l’article 1er bis, paragraphe 1, du statut et des articles 2 à 5 du RAA que les emplois permanents des institutions ont, en principe, vocation à être pourvus par des fonctionnaires et que ce n’est donc qu’à titre d’exception que de tels emplois peuvent être occupés par d’autres agents (voir arrêt du 6 février 2019, Karp/Parlement, T‑580/17, non publié, EU:T:2019:62, point 65 et jurisprudence citée).

34      Ainsi, si l’article 2, sous b), du RAA prévoit expressément que des agents temporaires peuvent être engagés en vue d’occuper un emploi permanent, cet article précise que cet engagement ne peut être que temporaire. En outre, l’article 8, deuxième alinéa, du RAA dispose que le contrat d’engagement en qualité d’agent temporaire, au sens de l’article 2, sous b), ne peut excéder quatre ans et être renouvelé qu’une fois pour une durée de deux ans au plus. À l’issue de cette période, il est obligatoirement mis fin aux fonctions de l’agent temporaire soit par la cessation de ses fonctions, soit par une nomination en qualité de fonctionnaire dans les conditions fixées par le statut. Cette exception au principe selon lequel les emplois permanents ont vocation à être pourvus par la nomination de fonctionnaires ne peut avoir pour but que de pourvoir aux nécessités du service, dans un cas donné (arrêt du 21 septembre 2011, Adjemian e.a./Commission, T‑325/09 P, EU:T:2011:506, point 79).

35      Par ailleurs, selon l’article 3, paragraphe 2, sous a), troisième alinéa, de la décision de la Commission du 16 décembre 2013 relative à la politique d’engagement et d’emploi des agents temporaires, lorsqu’il est proposé de prolonger le contrat d’un agent temporaire relevant de l’article 2, sous b), du RAA au-delà de trois ans, il y a lieu d’organiser une procédure de sélection.

36      Enfin, le point 7.2 de la décision de la Commission du 29 avril 2020 autorise exceptionnellement, pour des raisons liées à la pandémie de COVID-19, et jusqu’au 31 décembre 2020, la direction générale des ressources humaines et de la sécurité à prolonger au-delà de trois ans, sur demande dûment justifiée des services, les contrats des agents temporaires recrutés au titre de l’article 2, sous b), du RAA, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une procédure de sélection, dans les cas où le contrat initial de la personne concernée prend fin le 30 avril 2021 au plus tard.

37      Le Tribunal rappelle que, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dévolu aux institutions au sujet du renouvellement des contrats, le contrôle du juge est, à cet égard, limité à la vérification de l’absence d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir (voir arrêt du 22 mars 2018, HJ/EMA, T‑579/16, non publié, EU:T:2018:168, point 94 et jurisprudence citée). Par ailleurs, une erreur peut seulement être qualifiée de manifeste lorsqu’elle est aisément perceptible et peut être détectée à l’évidence à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner l’exercice par l’administration de son pouvoir d’appréciation (voir arrêt du 22 mars 2018, HJ/EMA, T‑579/16, non publié, EU:T:2018:168, point 95 et jurisprudence citée).

38      En l’espèce, il convient de relever que l’AHCC a décidé de ne pas renouveler le contrat de la requérante parce qu’elle a considéré que les conditions pouvant justifier un tel renouvellement, exceptionnel dans le cas d’espèce, n’étaient pas remplies.

39      En premier lieu, la décision attaquée constate que le « dossier principal [de la requérante] – par lequel [elle avait] acquis de l’expérience – a perdu son importance depuis l’entrée de la Bulgarie dans le MCE [II] ». Dans la décision rejetant la réclamation, il est précisé que « le dossier MCE II était de loin le dossier principal de [la requérante] pendant son temps à [l’unité C.3 de la direction générale des affaires économiques et financières] ». Il y est également mentionné que la requérante a travaillé sur le rapport de convergence pendant les premiers mois de son engagement. Par ailleurs, selon cette décision, elle a suivi des développements économiques pour certains pays, a co-rédigé deux notes analytiques et a participé à plusieurs conférences.

40      À cet égard, premièrement, il y a lieu de constater que les arguments de la requérante selon lesquels elle n’aurait pas été recrutée pour les dossiers du MCE II et de la convergence sont inopérants. En effet, contrairement à ce que semble suggérer la requérante, la décision attaquée ne soutient pas qu’elle a été recrutée pour travailler sur ces dossiers et ne se fonde pas sur un tel constat. Cette décision se fonde, entre autres, sur le constat que ces tâches constituaient effectivement les tâches principales de la requérante pendant la durée de son contrat.

41      Deuxièmement, il ressort, certes, des éléments de preuve avancés par la requérante, et notamment des rapports d’évaluation de 2018 et 2019 et de la planification de ses tâches dans le système Sysper à la date du 23 octobre 2020, que la requérante a accompli ou qu’elle était censée accomplir certaines autres tâches. Toutefois, le simple fait qu’elle a accompli d’autres tâches, notamment en 2018 et en 2020 avant son congé de maladie, ne démontre pas que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, l’AHCC n’a pas affirmé que la requérante avait étudié uniquement le dossier MCE II, mais a constaté, tout en reconnaissant l’existence d’autres tâches, que ce dossier était le dossier principal de la requérante. Les éléments de preuve avancés par la requérante ne démontrent pas que les autres tâches étaient tellement importantes qu’elles rendaient ce constat de l’AHCC manifestement erroné.

42      Troisièmement, les constats dressés dans la décision attaquée et dans la décision rejetant la réclamation et visés au point 39 ci-dessus sont confirmés par d’autres éléments du dossier. L’importance du dossier MCE II parmi les tâches de la requérante ressort notamment des extraits des rapports d’évaluation de la requérante de 2018 et 2019. Le dernier de ces rapports constate plus particulièrement que « [s]a principale mission a été d’assurer le suivi du processus d’entrée de la Bulgarie dans le MCE II ».

43      En deuxième lieu, les parties sont en désaccord sur la question de savoir si le dossier MCE II a perdu en importance depuis l’entrée de la République de Bulgarie dans le MCE II et également sur celle de savoir dans quelle mesure l’ancienne unité de la requérante est impliquée dans le travail subséquent concernant le passage d’un État membre tel que la République de Bulgarie à l’euro. Or, la requérante n’a pas démontré, éléments factuels à l’appui, que le constat figurant à cet égard dans la décision attaquée et visé au point 39 ci-dessus était manifestement erroné.

44      Premièrement, le courriel du directeur général de la direction générale des affaires économiques et financières, envoyé le 5 octobre 2020 à l’ensemble de son personnel, invoqué par la requérante, ne contient aucun élément permettant de conclure que le dossier MCE II, pour lequel la requérante a œuvré, demeure d’une importance particulière à la suite de l’entrée de la République de Bulgarie dans le MCE II. Le directeur général y mentionne que la direction générale des affaires économiques et financières est chargée de superviser le programme de passage à l’euro et a un rôle à jouer dans la communication. Il n’indique toutefois pas que l’ancienne unité de la requérante sera chargée de ce travail.

45      Deuxièmement, la requérante ne fournit aucun élément de preuve à l’appui de son affirmation selon laquelle la préparation du passage d’un État membre à l’euro relève de la responsabilité particulière de son ancienne unité, permettant de mettre en cause les affirmations contraires de la Commission à cet égard.

46      Troisièmement, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la considération exprimée par l’AHCC dans la décision rejetant la réclamation, relative à l’improbabilité que d’autres États membres demandent à rejoindre le MCE II en 2021 et 2022, serait très subjective, comme le démontrerait le fait que, au début de son contrat, il n’aurait pas été prévu que la République de Bulgarie et la République de Croatie formulent une telle demande. D’une part, cet argument ne démontre pas que cette considération exprimée par l’AHCC est erronée. D’autre part, les prévisions de charge de travail, tributaires des facteurs externes et hors contrôle de l’administration, revêtent, par définition, un certain degré d’incertitude.

47      En troisième lieu, en ce qui concerne les besoins en personnel de l’unité et la possibilité de recruter un fonctionnaire pour faire face à ces besoins, il est constaté dans la décision attaquée que le renouvellement exceptionnel du contrat de la requérante ne pourrait être justifié ni par son expertise spécifique relative au dossier MCE II ni par la continuité des opérations à cet égard. Ainsi qu’il a été constaté au point 26 ci-dessus, cette décision indique que la direction générale des affaires économiques et financières a estimé pouvoir recruter un fonctionnaire sur le poste que la requérante occupait, et qu’il était préférable de procéder ainsi pour répondre aux besoins en personnel si cela était possible plutôt que de demander le renouvellement exceptionnel d’un contrat d’agent temporaire relevant de l’article 2, sous b), du RAA, car les postes permanents avaient principalement vocation à être pourvus par des fonctionnaires.

48      La décision rejetant la réclamation indique qu’il n’y a pas de contradiction entre le fait que peu de travail soit attendu sur les dossiers MCE II en 2021 et 2022 et la publication d’un avis de vacance similaire à l’avis de vacance de 2017 sur la base duquel la requérante a été recrutée. En effet, selon cette décision, les avis de vacance reflètent souvent le mandat de l’unité concernée. Il serait très probable que le fonctionnaire qui sera recruté travaille à un moment ultérieur, dans le cadre de ses fonctions, sur des aspects de convergence tels que le MCE II ou le rapport de convergence. Néanmoins, selon cette décision, en pratique, ces tâches ne deviendront pas importantes en 2021 et 2022, à l’exception du rapport de convergence. Ainsi, le fonctionnaire à recruter aurait suffisamment de temps pour acquérir les connaissances nécessaires sans créer des problèmes relatifs à la continuité des opérations. Enfin, la décision rejetant la réclamation souligne que l’avis de vacance COM/2020/2132 contient une phrase supplémentaire par rapport à l’avis de vacance de 2017 selon laquelle le candidat ou la candidate devrait avoir une « expérience dans la réalisation de travaux d’analyse sur des questions macroéconomiques et une bonne compréhension des incidences politiques de l’analyse économique » dans la perspective de la réalisation de tâches autres que celles liées au MCE II et au rapport de convergence, et notamment de tâches analytiques concernant des questions macroéconomiques.

49      À cet égard, premièrement, le Tribunal constate que le fait que la Commission a publié l’avis de vacance COM/2020/2132, qui est similaire à l’avis de vacance de 2017, ne démontre pas l’existence d’un besoin urgent en personnel temporaire ou des problèmes relatifs à la continuité des opérations de l’unité en cause, mais seulement la possibilité de pourvoir à la vacance d’un emploi permanent qui, tel que rappelé aux points 33 et 34 ci-dessus, a vocation à être pourvu par la nomination d’un fonctionnaire. De plus, les considérations exprimées par l’AHCC selon lesquelles la charge de travail relativement faible prévue sur les dossiers MCE II et sur le rapport de convergence permettra au fonctionnaire à recruter d’acquérir les connaissances nécessaires sans que cela engendre des problèmes relatifs à la continuité des opérations sont plausibles et ne sont pas remises en cause par la requérante.

50      Les questions de savoir si et, le cas échéant, dans quelle mesure l’avis de vacance COM/2020/2132 est identique à l’avis de vacance de 2017, sous quel sous-titre de l’avis de vacance COM/2020/2132 des modifications ont été insérées, et si la requérante répond au profil recherché sont ainsi dénuées de pertinence afin de déterminer si la conclusion formulée par l’AHCC quant à l’absence de raisons justifiant le renouvellement exceptionnel de son contrat et à la possibilité de recruter un fonctionnaire pour occuper un emploi permanent est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. Par conséquent, les arguments de la requérante relatifs à ces éléments doivent être rejetés.

51      Deuxièmement, l’AHCC a indiqué, dans la décision rejetant la réclamation, que le fait que les responsabilités de l’unité C.3 ont été étendues n’avait pas créé de besoin en personnel dans cette unité. En effet, deux membres du personnel de l’unité qui était responsable à l’origine ont été transférés à l’unité C.3 pour s’acquitter de ces nouvelles responsabilités. La requérante n’avance aucun argument susceptible de remettre en cause ce constat plausible.

52      Troisièmement, l’argument de la requérante selon lequel les besoins en personnel de la direction générale des affaires économiques et financières ont augmenté à la suite de trois flux d’activités nouveaux visant à combattre les effets négatifs de la crise de COVID-19 ne démontre ni l’existence d’un besoin spécifique en ce qui concerne l’ancien poste de la requérante ni même celle d’un tel besoin au sein de l’ancienne unité de la requérante.

53      Quatrièmement, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le fait que le 23 octobre 2020 certaines tâches ont été introduites dans le système Sysper au titre de la planification pour la période du 1er janvier 2020 au 22 octobre 2022 du travail correspondant au poste occupé par la requérante ne contredit pas les conclusions de l’AHCC relatives à l’absence de raisons justifiant le renouvellement exceptionnel de son contrat. En effet, ces mentions n’indiquent pas que ces tâches sont urgentes ou particulièrement importantes. Le simple fait que des tâches étaient prévues pour le poste occupé par la requérante ne démontre pas l’existence de raisons justifiant le renouvellement exceptionnel de son contrat. La requérante n’avance aucun argument indiquant que ces tâches ne pourraient pas être effectuées par une autre personne, et notamment par le fonctionnaire à recruter.

54      Par conséquent, la requérante n’a pas démontré que la décision attaquée était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. Partant, il convient de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du devoir de sollicitude

55      Dans le cadre du deuxième moyen, en premier lieu, la requérante fait valoir que rien dans la décision attaquée, ni dans la décision rejetant la réclamation, n’indique que la Commission a procédé à une mise en balance de l’intérêt du service et de l’intérêt de l’agent, comme l’exigerait pourtant la jurisprudence. Il ressortirait de la décision attaquée que seul le besoin en personnel a été pris en considération. Selon la décision rejetant la réclamation, l’intérêt de la requérante aurait seulement été pris en considération et non mis en balance avec l’intérêt du service.

56      Par ailleurs, les motifs invoqués par le chef d’unité de la requérante et par les responsables des ressources humaines relèveraient uniquement de l’intérêt du service, à l’exception d’un seul motif dont la prise en compte serait néanmoins illégale. Le chef d’unité aurait, lors de l’entretien téléphonique du 10 septembre 2020, justifié la décision de ne pas renouveler le contrat, entre autres, par l’état de santé de la requérante et par le fait que, sur la base de discussions avec des psychologues, il n’était pas recommandé à celle-ci de retourner dans l’unité. Selon la requérante, si la Commission a pris en considération son état de santé, la décision attaquée est illégale en raison d’une violation des données médicales personnelles. Toujours selon la requérante, si la Commission ne l’a pas pris en considération, il n’y a aucun élément démontrant que la Commission a mis en balance l’intérêt du service et le sien.

57      En second lieu, la requérante soutient qu’elle a été victime d’un harcèlement moral, au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, de la part de son chef d’unité à partir de 2018. La requérante aurait notamment été exclue des échanges de courriels, ignorée par son chef d’unité, priée d’effectuer de longues recherches scientifiques inutiles et fait l’objet d’accusations et d’insinuations selon lesquelles elle n’aurait pas voulu effectuer de telles recherches. Elle aurait en outre reçu des instructions dans certains dossiers qui auraient engendré des tensions avec d’autres collègues. Enfin, son chef d’unité lui aurait reproché de partir en vacances ou de quitter le bureau plus tôt que d’habitude, et l’aurait dévalorisée sur le plan professionnel. La situation de harcèlement aurait abouti au congé de maladie de la requérante et, finalement, au non‑renouvellement de son contrat. En effet, l’un des motifs invoqués pour ne pas renouveler le contrat aurait été que les dossiers sur lesquels travaillait la requérante avaient été réattribués à d’autres collègues pendant son congé de maladie.

58      La requérante fait valoir que la Commission n’a effectué aucune tentative pour trouver une solution, malgré le fait que la requérante ait tenté de discuter de la situation avec son chef d’unité, et bien qu’elle ait rencontré un conseiller confidentiel et le service médical de la Commission à plusieurs reprises. Plus particulièrement, le conseiller confidentiel l’aurait dissuadée d’engager une procédure concernant le harcèlement moral. La requérante n’aurait reçu aucun soutien du service médical de la Commission.

59      La Commission conteste ces arguments.

60      À cet égard, il convient tout d’abord de rappeler que le renouvellement d’un contrat d’agent temporaire est une simple possibilité laissée à l’appréciation de l’autorité compétente, en l’occurrence l’AHCC (arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 118).

61      En effet, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services, en fonction des missions qui leur sont dévolues, et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, même si cette affectation doit se faire dans l’intérêt du service. Ainsi, l’autorité compétente est tenue, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent, de prendre en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision, c’est-à-dire non seulement l’intérêt du service, mais aussi, notamment, celui de l’agent concerné. Cela résulte, en effet, du devoir de sollicitude de l’administration, qui reflète l’équilibre des droits et obligations réciproques que le statut et, par analogie, le RAA ont créé dans les relations entre l’autorité publique et ses agents (voir arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 119 et jurisprudence citée).

62      En revanche, la prise en compte de l’intérêt personnel de l’agent ne saurait aller jusqu’à interdire à l’autorité compétente de ne pas renouveler un contrat à durée déterminée malgré l’opposition de cet agent, dès lors que l’intérêt du service l’exige (voir arrêt du 14 juillet 2021, IN/Eismea, T‑119/20, non publié, EU:T:2021:427, point 88 et jurisprudence citée). Dans ce cas, le devoir de sollicitude se traduit par l’obligation, pour l’autorité compétente, d’indiquer, dans la motivation de la décision de ne pas procéder au renouvellement, les raisons l’ayant conduite à faire prévaloir l’intérêt du service (voir ordonnance du 22 octobre 2015, Macchia/Commission, T‑80/15 P, EU:T:2015:845, point 31 et jurisprudence citée).

63      En l’espèce, il ressort clairement du dossier que, au stade de la décision attaquée, l’AHCC a pris en considération tant l’intérêt du service que celui de la requérante. En effet, il ressort de la décision attaquée que l’AHCC a pris en considération tous les éléments avancés par la requérante dans ses observations du 21 octobre 2020, et notamment son expertise spécifique relative au dossier MCE II. Par ailleurs, cette décision indique qu’il n’était pas possible de transférer la requérante à un autre poste, étant donné que son contrat était lié à un poste spécifique pour lequel il n’avait pas été possible de recruter un fonctionnaire. Enfin, l’AHCC a indiqué les raisons pour lesquelles elle a considéré que les conditions pouvant justifier exceptionnellement un tel renouvellement n’étaient pas remplies après avoir dûment pris en compte les observations de la requérante. À cet égard, l’AHCC a indiqué dans la décision attaquée que le renouvellement exceptionnel du contrat de la requérante ne pourrait être justifié ni par son expertise spécifique relative au dossier MCE ni par la continuité des opérations, étant donné que le dossier principal de la requérante avait perdu de son importance et que les autres dossiers avaient été réattribués. De plus, il y est expliqué que la direction générale des affaires économiques et financières a estimé pouvoir recruter un fonctionnaire pour le poste occupé par la requérante.

64      L’argument de la requérante selon lequel les dialogues entre elle et, d’une part, son chef d’unité et, d’autre part, les responsables des ressources humaines peuvent, certes, démontrer qu’elle a eu l’opportunité de prendre connaissance à l’oral et par écrit de la motivation de la décision attaquée, mais ne démontrent pas que la Commission a mis en balance l’intérêt du service et son intérêt ne remet pas non plus en cause la conclusion selon laquelle il ressort de la décision attaquée que l’AHCC a pris en considération tant l’intérêt du service que celui de la requérante.

65      Par conséquent, l’allégation de la requérante selon laquelle aucun élément relevant de son intérêt personnel n’a été pris en compte n’est pas fondée.

66      S’agissant, plus particulièrement, de la question de savoir si l’AHCC a pris en compte l’état de santé de la requérante pour justifier la décision de ne pas prolonger le contrat, il convient de relever que la Commission conteste qu’une telle prise en compte ait été effectuée.

67      À cet égard, il y a lieu de constater que l’état de santé de la requérante n’a été invoqué comme motif justifiant la décision de ne pas renouveler son contrat ni dans la décision attaquée ni dans la décision rejetant la réclamation. Il est vrai que la requérante a, dans son courriel du 14 septembre 2020 adressé à son chef d’unité, indiqué que, lors de leur entretien téléphonique du 10 septembre 2020, celui-ci aurait, notamment, invoqué son état de santé comme motif justifiant de ne pas proposer le renouvellement de son contrat. Néanmoins, il ressort du dossier que le chef d’unité a, par courriels du 14 septembre 2020, directement apporté des clarifications à cet égard en indiquant qu’il n’avait pas d’informations concernant l’état de santé de la requérante et qu’il n’avait pas fondé sa décision de ne pas proposer le renouvellement de son contrat sur des informations relatives à son état de santé. De plus, le service médical a confirmé qu’aucune information du dossier médical de la requérante n’avait été divulguée à l’extérieur du service médical.

68      Par conséquent, la requérante n’a pas démontré que l’AHCC avait pris en compte son état de santé pour justifier la décision de ne pas renouveler son contrat.

69      Lors de l’audience de plaidoiries, la requérante a fait valoir que la Commission aurait dû prendre en compte le fait que son état de santé avait été affecté et examiner la situation avec ouverture d’esprit.

70      À cet égard, premièrement, il convient de constater que cet argument contredit l’argument de la requérante mentionné au point 56 ci-dessus selon lequel la Commission n’aurait pas dû prendre en compte son état de santé. Deuxièmement, en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience de plaidoiries, la requérante a précisé qu’elle ne faisait pas valoir que la Commission aurait dû décider de prolonger son contrat du fait de sa maladie, mais que la Commission aurait dû prendre en compte celle-ci. Troisièmement, dans ses observations du 21 octobre 2020, la requérante a indiqué que son état de santé s’était amélioré de manière significative et qu’elle était prête à retourner au travail sur un autre poste. Aussi, la requérante n’a pas précisé dans quelle mesure la Commission n’aurait pas examiné la situation avec ouverture d’esprit avant l’adoption de la décision attaquée.

71      Par conséquent, il convient de rejeter cet argument soulevé lors de l’audience de plaidoiries.

72      En outre, il y a lieu d’écarter les arguments de la requérante selon lesquels, d’une part, la durée de ses services n’aurait pas été prise en compte et, d’autre part, son évaluation de 2019 n’aurait pas été achevée avant la fin de son contrat.

73      En effet, la requérante n’explique notamment pas de quelle manière la durée de son service et le fait que la procédure relative au rapport était en cours lorsque l’AHCC a adopté la décision attaquée pourraient être pertinents pour remettre en cause cette décision, fondée sur des considérations tout à fait distinctes. Le Tribunal rappelle que les motifs de l’AHCC pour ne pas renouveler le contrat, de façon exceptionnelle, à l’expiration de sa durée initiale convenue entre la requérante et la Commission, qui a été entièrement respectée, étaient la perte d’importance du dossier principal de la requérante et la possibilité de recruter un fonctionnaire sur l’emploi permanent que la requérante occupait. La durée du service de la requérante et son rapport d’évaluation de 2019 ne présentent aucun lien avec ces motifs.

74      S’agissant de l’argument de la requérante tiré d’un prétendu harcèlement moral dont elle aurait été victime, il importe de préciser que la jurisprudence reconnaît la possibilité d’invoquer l’existence d’un harcèlement moral non seulement au soutien de conclusions aux fins d’annulation qui sont dirigées contre le rejet d’une demande d’assistance introduite par un agent au motif qu’il estime être victime d’un harcèlement, mais également au soutien de conclusions aux fins d’annulation qui sont dirigées contre d’autres décisions prises par l’administration (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2019, FV/Conseil, T‑27/18 RENV, non publié, EU:T:2019:621, point 147 et jurisprudence citée). Toutefois, l’allégation par une partie requérante de l’existence d’un harcèlement moral exercé par ses supérieurs hiérarchiques ne suffit pas pour établir que tout acte adopté par sa hiérarchie est illégal. En effet, encore faut-il que l’intéressé démontre l’incidence des agissements qui seraient constitutifs d’un harcèlement moral sur la teneur de chaque acte attaqué. Ainsi, ce n’est que par exception qu’un moyen tiré d’un prétendu harcèlement peut être invoqué dans le cadre du contrôle de la légalité d’un acte faisant grief s’il apparaît qu’un lien existe entre le harcèlement allégué et les motifs de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 2017, HQ/OCVV, T‑592/16, non publié, EU:T:2017:897, point 96, et du 19 septembre 2019, FV/Conseil, T‑27/18 RENV, non publié, EU:T:2019:621, point 148 et jurisprudence citée).

75      Dans le cadre du présent recours, la requérante avance deux arguments visant à établir l’existence d’un lien entre le prétendu harcèlement moral et les motifs de la décision attaquée. Premièrement, le prétendu harcèlement moral aurait abouti à sa maladie et, aussi, au non-renouvellement de son contrat. Deuxièmement, un tel lien existerait du fait que l’un des motifs invoqués dans la décision attaquée était que certains des dossiers sur lesquels la requérante travaillait avaient été réattribués à d’autres collègues pendant son congé de maladie.

76      Ces arguments ne sauraient cependant pas prospérer.

77      Premièrement, il a déjà été constaté que la requérante n’a pas démontré que son état de santé avait été pris en compte par l’AHCC pour justifier l’adoption de la décision attaquée.

78      Deuxièmement, la requérante ne démontre pas non plus un autre lien entre le prétendu harcèlement moral et les motifs de la décision attaquée. En ce qui concerne plus particulièrement la réattribution de certains de ses dossiers à la suite de son congé de maladie, force est de constater que le fait qu’il a été possible de réattribuer certains de ses dossiers à d’autres collègues pendant son congé de maladie a corroboré le constat d’une absence de besoin en personnel résultant de ces dossiers qui aurait pu justifier le renouvellement exceptionnel de son contrat. L’existence de cette possibilité n’a aucun lien avec le prétendu harcèlement moral.

79      En tout état de cause, la requérante n’a aucunement étayé ses allégations de harcèlement moral avant l’adoption de la décision attaquée et notamment dans ses observations du 21 octobre 2020. Par ailleurs, en ce qui concerne le lien entre ces allégations et l’intention de ne pas renouveler son contrat, elle se borne à affirmer, dans ses observations, que le non-renouvellement de son contrat serait une sanction pour sa maladie, qui résulterait de ses conditions de travail. En l’absence de détail ou d’élément de preuve fourni par la requérante, l’AHCC n’était pas en mesure de prendre en compte le prétendu harcèlement moral lors de la décision sur le non-renouvellement exceptionnel de son contrat. De plus, ainsi que cela a été constaté au point 68 ci-dessus, la requérante n’a pas démontré que son état de santé avait eu une quelconque influence sur la décision attaquée. En outre, il ressort du dossier que l’AHCC a réagi de manière tout à fait conforme au devoir de sollicitude en encourageant la requérante à introduire une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut si elle estimait avoir été victime de harcèlement. Enfin, bien que la requérante ait précisé au stade de la réclamation, dans une certaine mesure, ses allégations de harcèlement moral, elle restait toujours en défaut d’expliquer de quelle manière le prétendu harcèlement moral aurait pu avoir une incidence sur la décision attaquée.

80      Il s’ensuit qu’il convient de rejeter les arguments de la requérante tirés de l’existence d’un prétendu harcèlement moral.

81      Pour les même raisons, il convient de rejeter les arguments de la requérante selon lesquels, d’une part, la Commission n’aurait effectué aucune tentative pour trouver une solution et, d’autre part, le conseiller confidentiel l’aurait dissuadée d’engager une procédure concernant le harcèlement. À le supposer établi, un tel comportement, adopté à propos d’allégations dont le lien avec la décision attaquée n’a pas été établi, ne présente lui-même aucun lien avec cette décision. En tout état de cause, le Tribunal observe que ces arguments de la requérante ne sont pas étayés et rappelle que l’AHCC, dans la décision attaquée, a explicitement encouragé la requérante à introduire une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut si elle s’estimait victime d’un harcèlement moral.

82      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la flexibilité pour répondre aux besoins en personnel de la Commission dans le cadre de la pandémie de COVID-19, introduite par la décision de la Commission du 29 avril 2020, ne saurait être interprétée comme permettant de violer le devoir de sollicitude de la Commission, il suffit de constater qu’aucune violation du devoir de sollicitude n’a été établie en l’espèce. Cet argument est donc rejeté.

83      Par conséquent, il convient de rejeter le deuxième moyen et, partant, les conclusions en annulation visant la décision attaquée.

 Sur les conclusions indemnitaires

84      La requérante considère que les illégalités affectant la décision attaquée et la décision rejetant la réclamation constituent des fautes. En raison de ces illégalités, elle aurait perdu une chance très sérieuse d’obtenir le renouvellement de son contrat. Par conséquent, la requérante demande le paiement d’une réparation à hauteur de 90 % de ses traitements bruts, y compris les contributions au régime de pensions.

85      La requérante demande également la réparation du préjudice moral qu’elle aurait subi du fait de ces illégalités qui lui auraient causé un stress important et un grand sentiment d’injustice. Ces agissements illégaux constitueraient en outre un manque de respect, seraient diffamatoires et auraient nui à sa santé ainsi qu’à sa dignité et à sa réputation professionnelle de manière irréversible. Elle aurait connu une grave défaillance à partir de 2019, qui aurait abouti à un congé de maladie de plusieurs mois en 2020. Elle continuerait à suivre une thérapie et serait toujours sans emploi. La requérante estime le préjudice moral ex æquo et bono à la date de dépôt du présent recours à un montant de 45 000 euros, correspondant à six mois de traitement brut, y compris les contributions au régime des pensions.

86      La Commission conteste ces arguments.

87      Selon une jurisprudence constante, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice doivent être rejetées dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation, qui ont elles-mêmes été rejetées soit comme irrecevables soit comme non fondées (voir arrêt du 1er avril 2009, Valero Jordana/Commission, T‑385/04, EU:T:2009:97, point 90 et jurisprudence citée).

88      Dès lors que la demande en annulation de la décision attaquée doit être rejetée, il y a lieu de rejeter la demande indemnitaire et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

89      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

90      En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      TL est condamnée aux dépens.

Svenningsen

Barents

Laitenberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juillet 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.