Language of document : ECLI:EU:T:2005:32

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
3 février 2005 (1)

« Organisation commune des marchés – Bananes – Importation des États ACP et des pays tiers – Règlement (CE) n° 896/2001 – Règlement (CE) n° 1121/2001 – Recours en annulation – Recevabilité  – Personne concernée individuellement  – Recours en indemnité »

Dans l'affaire T-139/01,

Comafrica SpA, établie à Gênes (Italie),

Dole Fresh Fruit Europe Ltd & Co., établie à Hambourg (Allemagne),

représentées par MM. B. O'Connor, solicitor, et P. Bastos-Martin, barrister,

parties requérantes,

soutenues par

Simba SpA, établie à Milan (Italie), représentée par Mes S. Carbone et F. Munari, avocats,

partie intervenante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. L. Visaggio, M. Niejahr et K. Fitch, puis par MM. Visaggio et Fitch, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume d'Espagne, représenté initialement par Mme R. Silva de Lapuerta, puis par Mme L. Fraguas Gadea, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation du règlement (CE) n° 896/2001 de la Commission, du 7 mai 2001, portant modalités d'application du règlement (CEE) n° 404/93 du Conseil en ce qui concerne le régime d'importation de bananes dans la Communauté (JO L 126, p. 6), et du règlement (CE) n° 1121/2001 de la Commission, du 7 juin 2001, fixant les coefficients d'adaptation à appliquer à la quantité de référence de chaque opérateur traditionnel dans le cadre des contingents tarifaires à l'importation de bananes (JO L 153, p. 12), et, d'autre part, une demande en réparation du préjudice prétendument causé aux requérantes par l'adoption des règlements nos 896/2001 et 1121/2001,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),



composé de Mme P. Lindh, président, MM. R. García-Valdecasas et J. D. Cooke, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 18 novembre 2003,

rend le présent



Arrêt




Cadre juridique

1
Une organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (ci-après l’« OCM bananes ») a été instituée par le règlement (CEE) n° 404/93 du Conseil, du 13 février 1993, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (JO L 47, p. 1). Ce règlement a eu pour effet d’introduire, à partir du 1er juillet 1993, un système commun d’importation remplaçant les divers systèmes nationaux existant auparavant.

2
Le titre IV du règlement n° 404/93, comportant les articles 15 à 20, traite du régime des échanges avec les pays tiers.

3
À la suite de procédures intentées par la République de l’Équateur et les États-Unis d’Amérique contre la Communauté dans le cadre du système de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le Conseil a arrêté le règlement (CE) n° 216/2001, du 29 janvier 2001, modifiant le règlement n° 404/93 (JO L 31, p. 2).

4
L’article 1er du règlement n° 216/2001 a procédé au remplacement des articles 16 à 20 du règlement n° 404/93, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1637/98 du Conseil, du 20 juillet 1998 (JO L 210, p. 28). En vertu des dispositions combinées de l’article 2, second alinéa, du règlement n° 216/2001 et de l’article 1er du règlement (CE) n° 395/2001 de la Commission, du 27 février 2001, portant fixation de certaines quantités indicatives et de plafonds individuels pour la délivrance de certificats à l’importation de bananes dans la Communauté pour le deuxième trimestre de l’année 2001 dans le cadre des contingents tarifaires et de la quantité de bananes traditionnelles ACP (JO L 58, p. 11), l’article 1er du règlement n° 216/2001 est applicable à partir du 1er juillet 2001.

5
Aux termes de l’article 17, premier alinéa, du règlement n° 404/93, tel que modifié par le règlement n° 216/2001, « [d]ans la mesure nécessaire, l’importation de bananes dans la Communauté est soumise à la présentation d’un certificat d’importation délivré par les États membres à tout intéressé qui en fait la demande, quel que soit le lieu de son établissement dans la Communauté, sans préjudice des dispositions particulières prises pour l’application des articles 18 et 19 ».

6
L’article 18 du règlement n° 404/93, tel que modifié par le règlement n° 216/2001, disposait :

« 1.  Chaque année à partir du 1er janvier sont ouverts les contingents tarifaires suivants :

a)
un contingent tarifaire de 2 200 000 tonnes, poids net, dit ‘contingent A’ ;

b)
un contingent tarifaire additionnel de 353 000 tonnes, poids net, dit ‘contingent B’ ;

c)
un contingent tarifaire autonome de 850 000 tonnes, poids net, dit ‘contingent C’.

Ces contingents tarifaires sont ouverts pour l’importation de produits originaires de tous pays tiers.

La Commission est autorisée, sur la base d’un accord avec les parties contractantes de l’[OMC] ayant un intérêt substantiel à la fourniture de bananes, à répartir les contingents tarifaires ‘A’ et ‘B’ entre les pays fournisseurs.

2.      Dans le cadre des contingents tarifaires ‘A’ et ‘B’, les importations sont assujetties à la perception d’un droit de douane de 75 euros par tonne.

3.      Dans le cadre du contingent tarifaire ‘C’, les importations sont assujetties à la perception d’un droit de douane de 300 euros par tonne

[…]

4.      Une préférence tarifaire de 300 euros par tonne est appliquée aux importations originaires des pays ACP dans le cadre des contingents tarifaires ainsi qu’en dehors de ces derniers.

[…] »

7
L’article 19 du règlement n° 404/93, tel que modifié par le règlement n° 216/2001, dispose :

« 1.  La gestion des contingents tarifaires peut être effectuée par l’application de la méthode fondée sur la prise en compte des courants d’échanges traditionnels (selon la méthode dite ‘traditionnels/nouveaux arrivés’) et/ou […] d’autres méthodes.

2.      La méthode arrêtée tient compte, le cas échéant, de la nécessité de maintenir l’équilibre dans l’approvisionnement du marché communautaire. » 

8
En vertu de l’article 20, sous a), du même règlement modifié, la Commission a le pouvoir d’arrêter, selon la procédure prévue à l’article 27 dudit règlement, les « modalités de gestion des contingents tarifaires visés à l’article 18 ».

9
Ces modalités de gestion sont définies par le règlement (CE) n° 896/2001 de la Commission, du 7 mai 2001, portant modalités d’application du règlement n° 404/93 en ce qui concerne le régime d’importation de bananes dans la Communauté (JO L 126, p. 6, ci-après le « régime de 2001 »). Conformément à son article 32, le règlement n° 896/2001 est entré en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes, soit le 9 mai 2001, mais n’a été applicable qu’à partir du 1er juillet 2001.

10
Les règles édictées par le règlement n° 896/2001 remplacent celles initialement fixées par le règlement (CEE) n° 1442/93 de la Commission, du 10 juin 1993, portant modalités d’application du régime d’importation de bananes dans la Communauté (JO L 142, p. 6, ci-après le « régime de 1993 »), pris en vertu du règlement n° 404/93 et en vigueur jusqu’au 31 décembre 1998. Le régime de 1993 a été remplacé par le régime institué par le règlement (CE) n° 2362/98 de la Commission, du 28 octobre 1998, portant modalités d’application du règlement n° 404/93 en ce qui concerne le régime d’importation de bananes dans la Communauté (JO L 293, p. 32, ci-après le « régime de 1999 »), entré en vigueur le 1er janvier 1999.

11
Sous l’empire du régime de 1993, les certificats d’importation étaient répartis entre trois catégories d’opérateurs (A, B et C). Les catégories A et B étaient elles-mêmes subdivisées selon trois différentes fonctions économiques exercées par les opérateurs, à savoir l’achat de bananes vertes ou importation primaire (fonction « a »), la mise en libre pratique de bananes vertes en tant que propriétaire ou importation secondaire (fonction « b ») et le mûrissage de bananes vertes en tant que propriétaire et leur mise sur le marché (fonction « c ») (voir article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1442/93). Cette répartition était mise en œuvre, du moins en ce qui concerne les opérateurs des catégories A et B, par référence aux trois années antérieures à l’année pour laquelle le contingent tarifaire était ouvert (voir article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1442/93).

12
Ce système de répartition a été supprimé par le régime de 1999, lequel se fondait, en substance, sur une distinction entre « opérateurs traditionnels » et « opérateurs nouveaux arrivés » (voir article 2 du règlement n° 2362/98). Dans le cadre de ce régime, les opérateurs traditionnels obtenaient, pour chaque année, une quantité de référence établie en fonction des quantités de bananes qu’ils avaient effectivement importées pendant la période de référence. Selon l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 2362/98, pour les importations réalisées en 1999, la période de référence était constituée par les années 1994, 1995 et 1996.

13
Le régime de 2001 a introduit un nouveau système de répartition des certificats d’importation, fondé, en substance, sur une distinction entre « opérateurs traditionnels » et « opérateurs non traditionnels», les premiers étant subdivisés en « opérateurs traditionnels A/B » et en « opérateurs traditionnels C ».

14
Ainsi, l’article 2 du règlement n° 896/2001, dans sa version initiale, dispose que 83 % des contingents tarifaires prévus à l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 404/93 sont ouverts aux « opérateurs traditionnels définis à l’article 3, paragraphe 1 », les 17 % restants étant ouverts aux « opérateurs non traditionnels définis à l’article 6 ».

15
Le titre II du règlement n° 896/2001, comportant les articles 3 à 21, porte sur la « gestion des contingents tarifaires ».

16
Les articles 3 à 5 de ce règlement, dans sa version initiale, disposaient :

« Article 3

Aux fins du présent règlement, on entend par :

1)
‘opérateur traditionnel’ : l’agent économique, personne physique ou morale, agent individuel ou groupement, établi dans la Communauté pendant la période qui détermine sa quantité de référence, qui, pour son propre compte, a réalisé l’achat d’une quantité minimale de bananes originaires des pays tiers auprès des producteurs, ou le cas échéant la production, suivi de leur expédition et de leur vente dans la Communauté.

L’opération définie à l’alinéa précédent est ci-après dénommée ‘importation primaire’.

[…]

2)
‘opérateur traditionnel A/B’ : l’opérateur traditionnel qui a réalisé la quantité minimale d’importations primaires de ‘bananes États tiers’ et/ou de bananes ‘non traditionnelles ACP’ selon les définitions données par l’article 16 du règlement [n° 404/93], dans sa version modifiée par le règlement […] n° 1637/98 […] ;

3)
‘opérateur traditionnel C’ : l’opérateur traditionnel qui a réalisé la quantité minimale d’importations primaires de ‘bananes traditionnelles ACP’ selon la définition donnée par l’article 16 précité, dans la version modifiée par le règlement […] n° 1637/98.

Article 4

1.      La quantité de référence de chaque opérateur traditionnel A/B est établie, sur simple demande écrite de l’opérateur présentée au plus tard le 11 mai 2001, sur la base de la moyenne des importations primaires de bananes États tiers et/ou de bananes non traditionnelles ACP pendant les années 1994, 1995 et 1996, prises en compte au titre de l’année 1998 pour la gestion du contingent tarifaire d’importation de bananes originaires des pays tiers et des quantités non traditionnelles ACP, conformément aux dispositions de l’article 19, paragraphe 2, du règlement […] n° 404/93, applicables en 1998 pour la catégorie d’opérateurs visée au paragraphe 1, [sous] a), du même article.

2.      La quantité de référence de chaque opérateur traditionnel C est établie, sur simple demande écrite de l’opérateur présentée au plus tard le 11 mai 2001, sur la base de la moyenne des importations primaires de bananes traditionnelles ACP pendant les années 1994, 1995 et 1996 réalisées dans le cadre des quantités traditionnelles de bananes des États ACP, au titre de l’année 1998.

3.      Les opérateurs issus de la fusion d’opérateurs traditionnels ayant chacun des droits en vertu du présent règlement bénéficient des mêmes droits que les opérateurs dont ils sont issus.

Article 5

1.      Les États membres communiquent, au plus tard le 15 mai 2001, à la Commission le total des quantités de référence mentionnées à l’article 4, paragraphes 1 et 2.

2.      Compte tenu des communications effectuées en application du paragraphe 1, et en fonction des quantités disponibles des contingents tarifaires A/B et C, la Commission fixe, s’il y a lieu, un coefficient d’adaptation à appliquer à la quantité de référence de chaque opérateur.

3.      En cas d’application du paragraphe 2, les autorités compétentes notifient à chaque opérateur sa quantité de référence ajustée du coefficient d’adaptation, au plus tard le 7 juin 2001.

[…] »

17
Les articles 6 à 12 du règlement nº 896/2001 concernent les opérateurs non traditionnels.

18
Les modalités de délivrance des certificats d’importation sont précisées aux articles 13 à 21 de ce règlement.

19
En vertu de l’article 13, paragraphe 1, dudit règlement, « les quantités des contingents tarifaires A et B prévus à l’article 18, paragraphe 1, [sous] a) et b), du règlement […] n° 404/93 sont additionnées » et « [l]es demandes présentées au titre de l’un ou l’autre des deux contingents A et B sont traitées conjointement ». L’article 13, paragraphe 2, du même règlement indique que les opérateurs traditionnels A/B ne peuvent introduire de demandes de certificats d’importation que dans le cadre du contingent tarifaire A/B et les opérateurs traditionnels C que dans le cadre du contingent tarifaire C. Il dispose également que ces différents opérateurs traditionnels « peuvent introduire des demandes de certificats au titre de l’autre contingent tarifaire s’ils sont enregistrés comme opérateur non traditionnel pour ce contingent tarifaire ».

20
Aux termes de l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 896/2001:

« Les demandes de certificats d’importation sont introduites, pour chaque trimestre, auprès des autorités compétentes de l’État membre indiquées à l’annexe du présent règlement, au cours des sept premiers jours du mois qui précède le trimestre au titre duquel les certificats sont délivrés.

Les demandes de certificats d’importation sont introduites, auprès des autorités compétentes de l’État membre qui a établi la quantité de référence, en ce qui concerne l’opérateur traditionnel, et de l’État membre où l’opérateur est enregistré, en ce qui concerne l’opérateur non traditionnel. »

21
Conformément à l’article 16 du règlement n° 896/2001, « [l]es autorités compétentes communiquent à la Commission les quantités qui font l’objet de demandes de certificats, dans les deux jours ouvrables qui suivent la fin de la période de l’introduction des demandes », en distinguant, pour chacun des contingents tarifaires A/B et C, les quantités demandées, d’une part, par les opérateurs traditionnels A /B et C et, d’autre part, par les opérateurs non traditionnels.

22
L’article 22, unique article du titre III du règlement n° 896/2001, traite des importations en dehors des contingents tarifaires.

23
Le titre V du règlement n° 896/2001, comportant les articles 28 à 30, prévoit certaines « dispositions transitoires ».

24
En vertu de l’article 28, paragraphe 1, de ce règlement, les quantités disponibles pour les contingents tarifaires A/B sont fixées à 1 137 159 tonnes pour le second semestre de 2001. L’article 28, paragraphe 2, du même règlement dispose que, pour ce même semestre, « la quantité de référence de chaque opérateur traditionnel établie conformément à l’article 4 et après application de l’article 5, paragraphe 2, est affectée du coefficient 0,4454 pour l’opérateur traditionnel A/B, et du coefficient 0,5992 pour l’opérateur traditionnel C ».

25
Les considérants 3 et 4 du règlement n° 896/2001 se lisent comme suit :

« (3) L’article 19 du règlement […] n° 404/93 prévoit que la gestion des contingents tarifaires peut être effectuée par l’application de la méthode fondée sur la prise en compte des courants d’échanges traditionnels (méthode dite ‘traditionnels/nouveaux arrivés’) et/ou sur d’autres méthodes. Pour la mise en œuvre du nouveau régime à partir du deuxième semestre 2001, il s’avère indiqué d’attribuer un accès aux contingents tarifaires aux opérateurs traditionnels qui ont assumé pour leur propre compte l’achat de produits frais auprès des producteurs des pays tiers, voire leur production, ainsi que leur expédition et leur déchargement sur le territoire douanier de la Communauté, pendant une période de référence. Ces activités sont dénommées ‘importations primaires’ dans le cadre du présent règlement.

(4)    Il est indiqué d’adopter une définition identique des opérateurs traditionnels pour l’ensemble des contingents tarifaires, et de déterminer leur quantité de référence selon les mêmes conditions, mais de manière distincte selon que ces opérateurs ont approvisionné le marché communautaire de bananes originaires des États tiers non ACP ou de bananes des quantités non traditionnelles ACP, ou qu’ils l’ont approvisionné en bananes des quantités traditionnelles ACP, pendant la période de référence, au sens des définitions de l’article 16 du règlement […] n° 404/93 applicables antérieurement à la modification introduite par le règlement […] n° 216/2001. »

26
Quant au considérant 5 du règlement n° 896/2001, il justifie le choix des années 1994, 1995 et 1996 en tant que « période de référence » dans les termes suivants :

« Il convient de retenir comme période de référence, pour la définition des catégories d’opérateurs et la détermination des quantités de référence des opérateurs traditionnels, la période triennale 1994-1996. La période triennale 1994-1996 est la dernière période triennale pour laquelle la Commission dispose de données suffisamment vérifiées sur les importations primaires. Cette période est susceptible également de résoudre un conflit ouvert depuis plusieurs années avec certains partenaires commerciaux de la Communauté. Compte tenu des quantités disponibles, établies pour la gestion des contingents ouverts en 1998, il n’est pas nécessaire de prévoir un enregistrement des opérateurs traditionnels. »

27
À la suite des communications à la Commission par les autorités nationales compétentes des États membres du total des quantités de référence résultant des demandes des opérateurs traditionnels présentées conformément aux dispositions de l’article 4 du règlement n° 896/2001, la Commission a arrêté le règlement (CE) n° 1121/2001, du 7 juin 2001, fixant les coefficients d’adaptation à appliquer à la quantité de référence de chaque opérateur traditionnel dans le cadre des contingents tarifaires à l’importation de bananes (JO L 153, p. 12). Le total des quantités de référence s’élevant à 1 964 154 tonnes pour l’ensemble des opérateurs traditionnels A/B (voir considérant 2 du règlement n° 1121/2001), la Commission a, conformément aux dispositions de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 1121/2001, fixé à « 1,07883 » pour chaque opérateur traditionnel A/B le coefficient d’adaptation prévu par l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 896/2001. S’agissant des opérateurs traditionnels C, elle a fixé à « 0,97286 » pour chacun de ceux-ci le coefficient d’adaptation.

28
L’article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 1121/2001 dispose que, « [p]our le deuxième semestre 2001, la quantité de référence de chaque opérateur traditionnel, établie conformément à l’article 4 du règlement […] n° 896/2001, est, après application du paragraphe 1, affectée du coefficient fixé à l’article 28, paragraphe 2, [de ce dernier règlement] ». 


Antécédents du litige

29
Le 4 octobre 2000, la Commission a transmis au Conseil la communication sur l’application de la règle du « premier arrivé, premier servi » au régime communautaire de la banane et les implications d’un système uniquement tarifaire [COM(2000) 621 final], où elle préconise l’adoption d’un système ouvert d’attribution des certificats pour importer des bananes de pays tiers. Cette proposition, examinée par le Conseil le 9 octobre 2000, a été jugée dans un premier temps comme pouvant constituer « une base pour un règlement du contentieux sur la banane, qui peut et doit […] trouver une solution rapide ». Le Conseil a invité les « instances compétentes » à « examiner les aspects techniques de cette communication en prenant notamment en compte les préoccupations exprimées par certaines délégations » et a appelé le Parlement à se prononcer sur la proposition de la Commission (communication à la presse 12012/00 relative à la 2 294e session du Conseil, p. 12 et 13).

30
Tandis que les aspects techniques de cette communication étaient examinés tant par les autorités nationales compétentes concernées que par les membres du comité de gestion de la banane, la Commission a entamé des négociations avec le représentant des États-Unis d’Amérique pour le commerce en vue de régler le différend persistant entre ce pays et la Communauté européenne au sujet de l’OCM bananes.

31
Le 7 février 2001, peu après l’adoption du règlement n° 216/2001 par le Conseil, la Commission a transmis une communication au Parlement intitulée « Cadre spécial d’assistance en faveur des fournisseurs ACP traditionnels de bananes [règlement (CE) n° 856/1999 du Conseil] – Rapport biennal de la Commission 2000 » [COM(2001) 67 final]. Sous le titre « Modification du régime communautaire à la suite des décisions de l’OMC », la Commission y indique au point 4 :

« Après des discussions approfondies avec les parties intéressées, la Commission a présenté, en novembre 1999, une proposition au Conseil concernant la modification du règlement n° 404/93. Cette proposition incluait l’instauration d’un système transitoire de contingents tarifaires (au nombre de 3), préalablement à l’introduction, au plus tard en 2006, d’un système uniquement tarifaire. Lors des discussions avec les tiers, il est apparu clairement que l’option privilégiée était un système de gestion des contingents tarifaires dans lequel la distribution des licences s’effectue sur la base des flux commerciaux traditionnels et d’un cadre de références historiques.

Après des mois de discussions intensives, il est apparu qu’il serait difficile de parvenir à l’instauration d’un système de contingents tarifaires dans le cadre duquel l’attribution des certificats se ferait soit sur la base des résultats historiques soit au moyen d’une adjudication et que les discussions sur les périodes de références historiques étaient dans l’impasse. La Commission a donc proposé dans sa communication au Conseil de juillet qu’elle conclue son examen de la méthode de gestion des contingents selon la formule du ‘premier arrivé, premier servi’. Après acceptation du Conseil, la Commission a, en octobre 2000, à la suite de son évaluation de la méthode du ‘premier arrivé, premier servi’, présenté une nouvelle communication au Conseil indiquant qu’elle considérait cette méthode comme une option viable.

[…]

Cette communication a été examinée dans le cadre du Conseil Affaires générales du 9 octobre 2000 tenu à Luxembourg. Le Conseil devrait adopter une position officielle une fois que le Parlement européen aura rendu son avis. Lors de sa session à Bruxelles du 9 au 12 octobre, l’Assemblée parlementaire paritaire a adopté une résolution sur la réforme du régime de l’Union européenne dans le secteur de la banane. »

32
Le 11 avril 2001, la Commission et les États-Unis d’Amérique ont conclu un « mémorandum d’accord sur les bananes » (ci-après le « mémorandum d’accord USA-UE »).

33
Le mémorandum d’accord USA-UE prévoit que la Communauté instaurera, au plus tard le 1er janvier 2006, un « régime uniquement tarifaire » pour les importations de bananes. Il indique que, « pendant la période intérimaire », la Communauté mettra en œuvre un régime d’importation fondé sur les « certificats antérieurs » et prévoit deux phases transitoires à cet égard.

34
Durant la première phase, en vigueur à compter du 1er juillet 2001, la Communauté doit établir un contingent tarifaire consolidé d’un volume de 2 200 000 tonnes (« contingent A ») et un contingent tarifaire autonome d’un volume de 353 000 tonnes (« contingent B »). Ces contingents tarifaires sont gérés comme un seul contingent, le volume du contingent total étant donc de 2 553 000 tonnes. Les bananes importées dans le cadre des contingents A et B sont assujetties à la perception d’un droit ne devant pas excéder 75 euros par tonne. La Communauté doit également fixer un contingent tarifaire C consolidé de 850 000 tonnes. Le contingent tarifaire A/B est ouvert à concurrence de 83 % aux opérateurs traditionnels en fonction du « volume de référence final annuel moyen (‘volume de référence’) pour [la période] 1994-1996 correspondant à chaque opérateur ‘traditionnel’ qualifié pour les contingents ‘A/B’ ». Les opérateurs « traditionnels » qualifiés sont « définis en fonction des certificats attribués conformément à l’article 19, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 404/93 et à l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1442/93 pour la ‘catégorie A, fonction a)’ ». Par ailleurs, « les importateurs n’[ont] pas besoin de produire de nouveaux éléments de preuve ». Les 17 % restants du contingent tarifaire A/B doivent être attribués à une nouvelle catégorie d’opérateurs définis comme « non traditionnels ». Ce mémorandum d’accord interdit l’utilisation des certificats du contingent C pour importer des bananes du contingent A/B et inversement.

35
Durant la seconde phase, applicable à partir de 2002, il est prévu de maintenir en vigueur, notamment, les règles de la première phase transitoire, mais que la partie « B » du contingent cumulé « A/B » sera majorée de 100 000 tonnes, portant ainsi le contingent annuel total disponible à 2 653 000 tonnes.

36
Le 30 avril 2001, la Commission et la République de l’Équateur ont conclu un mémorandum d’accord rédigé, en substance, de la même manière que le mémorandum d’accord USA-UE en vue de mettre un terme au différend qui opposait la Communauté et ce pays dans le secteur de la banane.


Faits et procédure

37
Comafrica SpA et Dole Fresh Fruit Europe Ltd & Co. (ci-après les « requérantes ») sont des sociétés établies, respectivement, en Italie et en Allemagne. Elles font partie du groupe de sociétés Dole, à la tête duquel se trouve la Dole Food Company Corp., établie en Californie (États-Unis). Ce groupe exerce des activités au niveau mondial dans la production, le traitement, la distribution et la commercialisation, notamment, de fruits et légumes frais, dont les bananes.

38
Les requérantes sont enregistrées comme opérateurs traditionnels A/B en Italie et en Allemagne, conformément aux dispositions de l’article 3 du règlement n° 896/2001.

39
Le 6 juin 2001, le Bundesanstalt für Landwirtschaft und Ernährung (autorité fédérale de l’agriculture et de l’alimentation), autorité nationale compétente de la République fédérale d’Allemagne, a avisé la requérante Dole Fresh Fruit Europe Ltd & Co. (ci-après « Dole ») de sa quote-part du contingent tarifaire A/B octroyé aux opérateurs traditionnels pour le second semestre de 2001, déterminée conformément aux règlements nos 896/2001 et 1121/2001 (ci-après les « règlements attaqués »).

40
Le 8 juin 2001, le Ministerio del commercio con l’estero (ministère du Commerce extérieur), autorité nationale compétente de la République italienne, a avisé Comafrica SpA (ci-après « Comafrica ») de sa quote-part du contingent tarifaire A/B susmentionné pour le second semestre de 2001, déterminée conformément aux règlements attaqués.

41
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 juin 2001, les requérantes ont introduit le présent recours.

42
Par acte séparé déposé au greffe le 21 juin 2001, elles ont introduit une demande de mesures provisoires, tendant à obtenir le sursis à l’exécution des règlements attaqués dans la mesure où ils les affectent et, à titre subsidiaire, le sursis à exécution erga omnes.

43
Par ordonnance du 12 septembre 2001, Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission (T-139/01 R, Rec. p. II-2415), le président du Tribunal a rejeté cette demande et a réservé les dépens.

44
Par acte déposé au greffe le 5 octobre 2001, le Royaume d’Espagne a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission. La Commission et les requérantes ont présenté leurs observations sur cette demande, respectivement, les 18 et 22 octobre 2001.

45
Par acte déposé au greffe le 25 octobre 2001, Simba Spa (ci-après « Simba ») a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions des requérantes. Les requérantes et la Commission ont présenté leurs observations sur cette demande, respectivement, les 9 et 23 novembre 2001.

46
Par lettre déposée au greffe le 22 octobre 2001, les requérantes ont demandé le traitement confidentiel, à l’égard du Royaume d’Espagne, de certains éléments de leur requête. Par lettre déposée au greffe le 9 novembre 2001, elles ont formulé la même demande à l’égard de Simba.

47
Par ordonnance de la cinquième chambre du 27 février 2002, Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission (T-139/01, Rec. p. II-799), le Tribunal a admis le Royaume d’Espagne à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission. Il a également admis l’intervention de Simba au soutien des conclusions des requérantes. La demande d’intervention de Simba ayant été déposée après l’expiration du délai visé à l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure, cette dernière a seulement été autorisée à présenter ses observations, sur la base du rapport d’audience qui lui serait communiqué, lors de la procédure orale. Enfin, le Tribunal a fait droit à la demande de traitement confidentiel à l’égard du Royaume d’Espagne.

48
Le Royaume d’Espagne a déposé son mémoire en intervention le 21 mars 2002, au sujet duquel les requérantes et la Commission ont présenté leurs observations le 5 juin 2002.

49
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, au titre des mesures d’organisation de la procédure, a invité les parties principales à répondre par écrit à certaines questions, ce qu’elles ont fait dans les délais impartis.

50
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 18 novembre 2003.


Conclusions des parties

51
Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

déclarer le recours recevable ;

annuler les règlements attaqués dans la mesure où ils les affectent ou, à titre subsidiaire, annuler ces règlements erga omnes ;

condamner la Commission à les indemniser du préjudice subi à la suite de l’adoption des règlements attaqués ;

condamner la Commission aux dépens.

52
La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter les conclusions en annulation comme irrecevables et, à titre subsidiaire, comme non fondées ;

rejeter les conclusions en indemnité comme non fondées ;

condamner les requérantes aux dépens.

53
Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter les conclusions en annulation comme irrecevables et, à titre subsidiaire, comme non fondées ;

rejeter les conclusions en indemnité comme non fondées ;

condamner les requérantes aux dépens.

54
Simba conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler les règlements attaqués ;

condamner la Commission aux dépens.


Sur la recevabilité des conclusions en annulation

Arguments des parties

Sur le règlement n° 896/2001

55
En premier lieu, les requérantes font valoir qu’elles sont individuellement concernées par le règlement n° 896/2001.

56
Premièrement, elles avancent que ce règlement doit s’analyser en un faisceau de décisions individuelles.

57
À cet égard, elles relèvent que le groupe d’opérateurs défini par l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 896/2001, et dont elles font partie, constitue un « cercle fixe et fermé ». Cette disposition ne viserait, en effet, que les opérateurs traditionnels qui disposent de quantités de référence au titre de la catégorie A, fonction a), pour la période 1994-1996 « prises en compte au titre de l’année 1998 ».

58
Les requérantes avancent que la Commission, lorsqu’elle a adopté le règlement n° 896/2001, connaissait l’identité et le nombre total des opérateurs appartenant à ce groupe ainsi que leurs quantités de référence individuelles pour les années 1994 à 1996 puisqu’ils s’étaient fait enregistrer en 1998. Selon elles, la Commission savait donc « quels opérateurs auraient droit à des certificats d’importation et les quantités qui leur seraient allouées ». Elles affirment que ce règlement avait pour effet de fixer directement la quantité de référence définitive de chacun desdits opérateurs, dès lors que, en son article 4, paragraphe 1, il prescrit qu’elle correspond à la quantité de référence fondée sur les importations primaires réalisées pendant les années 1994 à 1996 et prises en compte au titre de l’année 1998 et que ni la Commission ni les autorités compétentes des États membres ne sont autorisées à modifier ou à corriger ces données. Invoquant les mêmes éléments, les requérantes prétendent que les opérateurs connaissaient, dès l’adoption du règlement n° 896/2001, la quantité de référence définitive qui leur serait attribuée.

59
Selon les requérantes, le fait qu’un coefficient d’adaptation puisse être ultérieurement appliqué ne serait pas pertinent en ce que « cela n’affecte en rien le principe de base [selon lequel] chaque quantité de référence individuelle était fixée en 1998 ». La Commission ne saurait davantage invoquer le fait qu’elle ne pouvait prévoir à l’avance quels opérateurs introduiraient une demande écrite. Elle confondrait, à cet égard, le caractère individuel des droits accordés par le règlement n° 896/2001 et le choix offert au titulaire de ceux-ci d’en faire usage ou non.

60
Enfin, les requérantes estiment que la Commission ne saurait tirer argument de l’arrêt de la Cour du 21 janvier 1999, France/Comafrica e.a. (C-73/97 P, Rec. p. I-185), relevant que l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt ne mettait pas en cause un règlement d’application de la Commission, tel le règlement n° 896/2001, mais un règlement fixant le coefficient uniforme de réduction pour 1994. Elles ajoutent que, contrairement à la situation dans cette même affaire, le règlement n° 896/2001 ne permet nullement à la Commission ou aux autorités nationales compétentes de modifier ultérieurement la quantité de référence individuelle des opérateurs.

61
Les requérantes soutiennent, deuxièmement, que le règlement n° 896/2001 contient des dispositions particulières qui démontrent clairement qu’il n’a pas été rédigé en des termes abstraits et qu’il a été explicitement tenu compte de « chaque opérateur traditionnel qui est expressément identifié ».

62
Troisièmement, les requérantes exposent qu’elles sont deux des « quatre opérateurs [américains] sélectionnés » mentionnés dans un document présenté par la Commission dans le cadre des négociations qui ont abouti à la conclusion du mémorandum d’accord USA-UE et figurant à l’annexe 7 de la requête, document qui « détermine les quantités de référence totales de quatre opérateurs dans le règlement ». Elles prétendent que ce mémorandum d’accord a été « transposé en droit communautaire » par le règlement n° 896/2001 et que ces deux textes avaient pour objet de garantir que les « quatre opérateurs américains sélectionnés » puissent continuer à approvisionner la Communauté en bananes à concurrence de certaines quantités, et ce en leur assurant l’octroi d’un certain nombre de certificats d’importation. Le représentant des États-Unis d’Amérique pour le commerce aurait négocié le règlement du différend relatif à l’OCM bananes dans le but de « protéger » ces quatre opérateurs. Les requérantes insistent sur le fait que le mémorandum d’accord USA-UE constitue une solution négociée entre les États-Unis d’Amérique et la Communauté.

63
Quatrièmement, les requérantes prétendent qu’elles se distinguent de toute autre personne pouvant être affectée par le règlement n° 896/2001. À l’appui de cette affirmation, elles avancent que :

elles sont des opérateurs traditionnels et non des opérateurs non traditionnels ;

elles appartiennent au « petit groupe » d’opérateurs traditionnels qui disposaient de quantités de référence au titre de la catégorie A, fonction a), en 1998, par opposition aux opérateurs qui détenaient des quantités de référence au titre de la catégorie A, fonctions b) ou c), en 1998 ;

le règlement n° 896/2001 est explicitement conçu pour exclure de son champ d’application les opérateurs qui détenaient des quantités de référence au titre de la catégorie A, fonctions b) ou c), en 1998 et pour « limiter le nombre d’opérateurs bénéficiaires au petit groupe d’opérateurs relevant de la catégorie A, fonction a) ».

64
En second lieu, les requérantes estiment être directement concernées par le règlement n° 896/2001, dès lors que la détermination de leurs droits n’a nécessité aucun acte intermédiaire d’une quelconque autorité.

65
Elles relèvent, à cet égard, qu’il existe une différence essentielle entre ce règlement et les règlements en cause dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt France/Comafrica e.a., précité, et à l’arrêt du Tribunal du 12 juillet 2001, Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission (T‑198/95, T-171/96, T-230/97, T-174/98 et T-225/99, Rec. p. II-1975), en ce sens que ces derniers règlements contenaient tous des dispositions permettant de vérifier si les demandes de quantités de référence introduites par les opérateurs ne contenaient pas d’erreurs et, le cas échéant, de corriger celles-ci. Elles précisent que ces corrections pouvaient être effectuées à n’importe quel stade de la procédure, jusqu’à la détermination du coefficient d’adaptation, et que, à la date de publication de ces mêmes règlements, les demandeurs de certificats d’importation n’avaient donc pas la certitude que les quantités de référence demandées ne seraient pas ultérieurement modifiées. En revanche, selon les requérantes, au moment où le règlement n° 896/2001 a été adopté et/ou publié, tout demandeur savait quelle était la quantité de référence à laquelle il avait droit, sans que la Commission ou les autorités nationales compétentes puissent la modifier, « même si elles soupçonnaient, savaient ou devaient savoir que ces données étaient inexactes ».

66
Les requérantes ajoutent que la présente affaire se distingue également de celle ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour du 6 novembre 1990, Weddel/Commission (C-354/87, Rec. p. I-3847). Elles expliquent que, dans cette dernière affaire, la quantité de référence définitive était établie par les États membres, alors que, en l’espèce, la quantité de référence est déjà fixée par le règlement nº 896/2001 lui-même, seul un coefficient d’adaptation devant être appliqué dans l’hypothèse où la somme des quantités de référence faisant l’objet d’une demande s’écarterait du contingent total disponible.

67
La Commission et le Royaume d’Espagne contestent, en premier lieu, que les requérantes soient individuellement concernées par le règlement n° 896/2001.

68
Premièrement, ils soulignent que ce règlement constitue un acte normatif de portée générale et qu’il ne saurait être analysé comme un faisceau de décisions individuelles. En effet, il prescrirait des règles générales applicables à l’ensemble des opérateurs souhaitant obtenir une quantité de référence pour l’importation de bananes en 2001. En outre, il s’appliquerait à des situations déterminées objectivement et comporterait des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière abstraite.

69
La Commission conteste l’allégation des requérantes selon laquelle le règlement n° 896/2001 s’applique à un « cercle fixe et fermé » d’opérateurs, dont elle connaîtrait l’identité et les caractéristiques. Elle rappelle qu’il est de jurisprudence constante que la portée générale et, partant, la nature normative d’un acte ne sont pas mises en cause par la possibilité de déterminer avec plus ou moins de précision le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels il s’applique à un moment donné, tant qu’il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait, définie par l’acte en relation avec la finalité de ce dernier (arrêt Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, précité, point 100). Or, le règlement n° 896/2001 s’appliquerait aux requérantes, ainsi qu’à l’ensemble des opérateurs traditionnels, « de par le fait qu’ils ont demandé une quantité de référence et dans le but d’assurer le non-dépassement du contingent tarifaire ».

70
La Commission ajoute que, lorsqu’elle a adopté le règlement n° 896/2001, elle ne connaissait pas, ni ne pouvait connaître, avec précision la catégorie des opérateurs qui demanderaient une quantité de référence au titre du régime de 2001. Elle fait observer, à ce propos, que certains des opérateurs qui avaient demandé une quantité de référence pour l’année 1998 avaient entre-temps cessé leurs activités ou avaient fusionné avec d’autres opérateurs et qu’elle n’avait aucune possibilité de connaître l’identité de leurs successeurs. De même, certains opérateurs pourraient avoir choisi de se faire enregistrer comme opérateurs non traditionnels, plutôt que traditionnels, au titre du contingent tarifaire A/B. La Commission indique également que l’article 4 du règlement n° 896/2001 n’a pas pour effet d’attribuer automatiquement une quantité de référence à chaque opérateur traditionnel qui avait obtenu une quantité de référence au titre de l’année 1998, les opérateurs devant présenter une demande écrite à cette fin au plus tard le 11 mai 2001. Elle soutient qu’elle ne pouvait prévoir l’effet que le règlement n° 896/2001 aurait sur les différents opérateurs puisque la quantité de référence à attribuer à chacun d’entre eux dépendait du niveau global des demandes. Elle fait ainsi remarquer que le total des quantités de référence ayant fait l’objet d’une demande de la part des opérateurs traditionnels A/B s’élevait à 1 964 000 tonnes et que, si tous les opérateurs traditionnels A/B qui étaient en droit de présenter une telle demande l’avaient fait, ce total se serait élevé à 1 971 000 tonnes.

71
Deuxièmement, la Commission fait valoir que les requérantes ne précisent pas les dispositions particulières du règlement n° 896/2001 qui démontrent clairement qu’il n’a pas été rédigé en des termes abstraits. En tout état de cause, ce règlement ne contiendrait aucune disposition identifiant expressément ou implicitement les requérantes ni aucun autre opérateur spécifique, ou qui pourrait impliquer que celles-ci sont traitées différemment de tout autre opérateur traditionnel.

72
Troisièmement, la Commission conteste que le mémorandum d’accord USA-UE ait été négocié dans le but exprès de protéger « quatre opérateurs [américains] sélectionnés », dont les requérantes. Elle admet que le régime de 2001 a été adopté en partie pour refléter le « dispositif convenu » avec les États-Unis d’Amérique, mais souligne qu’il est évident qu’elle entendait avant tout à exécuter les dispositions du règlement n° 404/93 et, en définitive, de l’article 33 CE. Elle avance qu’elle n’est pas en mesure de confirmer que le représentant des États-Unis d’Amérique pour le commerce a négocié le règlement du différend relatif à l’OCM bananes dans le but d’obtenir un certain résultat en faveur des requérantes. En tout état de cause, la position adoptée par un pays tiers dans le cadre de négociations serait sans pertinence pour la question de savoir si un requérant est individuellement concerné par un règlement. Elle souligne, par ailleurs, que les négociations intervenues entre la Communauté et les États-Unis d’Amérique étaient des « négociations politiques dans un cadre du droit international public » et que les requérantes n’étaient nullement impliquées dans celles-ci.

73
Quatrièmement, la Commission et le Royaume d’Espagne soutiennent que les requérantes ne démontrent pas, par d’autres éléments, qu’elles sont atteintes par le règlement n° 896/2001 en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne.

74
Cinquièmement, la Commission fait remarquer que, contrairement à ce que laissent entendre les requérantes, elle ne se fonde nullement sur l’arrêt France/Comafrica e.a., précité, pour justifier son affirmation selon laquelle ces dernières ne sont pas individuellement concernées par le règlement n° 896/2001.

75
En second lieu, la Commission avance que les requérantes ne sont pas directement concernées par le règlement n° 896/2001, dès lors que leur situation juridique, pour ce qui est de la quantité de référence, n’est susceptible d’être définie qu’une fois que toutes les demandes d’établissement de la quantité de référence au titre de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 896/2001 ont été présentées et traitées et qu’un coefficient d’adaptation a été fixé.

Sur le règlement n° 1121/2001

76
Les requérantes avancent qu’elles sont directement et individuellement concernées par le règlement n° 1121/2001. Elles estiment satisfaire aux critères de recevabilité définis par la Cour dans ses arrêts Weddel/Commission, précité, et France/Comafrica e.a., précité.

77
À cet égard, elles expliquent que :

le coefficient d’adaptation visé par ce règlement est déterminé à partir de deux éléments, à savoir, d’une part, la quantité globale de référence et, d’autre part, le contingent total disponible ;

la quantité globale de référence résulte de l’addition des quantités de référence individuelles de chacun des opérateurs traditionnels ;

la Commission connaissait, avant la fixation du coefficient d’adaptation, ces quantités de référence individuelles ;

la publication du coefficient d’adaptation a directement permis à chaque opérateur de connaître sa quantité de référence définitive et l’étendue de ses droits à des certificats d’importation, dès lors que, d’une part, il connaissait, avant la fixation de ce coefficient, sa quantité de référence prise en compte au titre de l’année 1998 et, d’autre part, cette quantité ne pouvait faire l’objet d’aucune modification.

78
Elles réaffirment que le régime de 2001, à la différence de celui de 1993 et de celui de 1999, ne prévoit aucun système de vérification et de correction des données communiquées. Elles ajoutent que « le coefficient d’adaptation n’était applicable qu’aux seuls opérateurs ayant introduit une demande de certificats d’importation sur la base de leurs quantités de référence ». Selon elles, il s’agit là d’une « classe entièrement fermée » et « l’application de quelque coefficient que ce soit se faisait à des opérateurs connus et à des quantités de référence connues ».

79
La Commission et le Royaume d’Espagne considèrent que le recours en annulation, en tant que dirigé contre le règlement n° 1121/2001, doit être déclaré irrecevable au vu de l’arrêt France/Comafrica e.a., précité, et de l’arrêt Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, précité.

80
La Commission admet que les régimes de 1993 et de 1999, mis en cause dans les affaires ayant donné lieu à ces arrêts, présentent des différences par rapport à celui de 2001. Elle estime toutefois que le raisonnement qui a conduit le juge communautaire à déclarer irrecevables les recours dans lesdits arrêts vaut également pour le cas d’espèce. Elle fait observer, à cet égard, que « tant la procédure de fixation du coefficient que ses effets sur les opérateurs sont fondamentalement les mêmes dans le régime de 2001 que dans les régimes antérieurs ». Elle précise que, dans chacun de ces régimes, le coefficient de réduction/d’adaptation est fixé en divisant le montant du contingent total disponible par le montant total des quantités de référence ayant fait l’objet de demandes valables, et est appliqué par les autorités compétentes des États membres à la quantité de référence de chaque opérateur, telle que calculée par ces autorités. Ces dernières notifieraient ensuite à chaque opérateur la quantité de référence établie à la suite de cet exercice.

81
Renvoyant au point 106 de l’arrêt Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, précité, la Commission fait valoir que l’objectif et l’effet juridique de l’adoption du coefficient d’adaptation n’étaient pas de décider de la suite à donner aux demandes individuelles des opérateurs auprès des autorités nationales compétentes, mais de tirer les conséquences d’une situation objective de fait, tenant à l’existence d’un excès de la référence quantitative communautaire globale par rapport au volume du contingent tarifaire. Elle indique que, dans son arrêt Weddel/Commission, précité, si la Cour a admis que le règlement litigieux comportait un faisceau de décisions individuelles, c’était au motif que, contrairement au cas d’espèce, en adoptant ce règlement, la Commission avait en fait décidé de la suite à donner à des demandes individuelles d’opérateurs.

82
La Commission ajoute que, dans son ordonnance du 28 juin 2001, Eridania e.a./Conseil (C-351/99 P, Rec. p. I-5007, points 53 à 55), la Cour a confirmé que l’arrêt Weddel/Commission, précité, ne visait que certaines situations spécifiques, dans lesquelles des droits individuels étaient accordés. Or, en l’espèce, selon la Commission, l’attribution de quantités de référence aux requérantes ne leur a conféré aucun droit d’importer des bananes, mais a simplement eu pour effet de limiter le volume de bananes qu’elles peuvent importer dans le cadre des contingents tarifaires. Elle rappelle que la conversion de la quantité de référence ajustée en certificats d’importation et la possibilité de faire usage de ceux-ci nécessitent l’introduction d’une demande de certificats d’importation.

83
Par ailleurs, la Commission fait observer que, lorsqu’elle a fixé le coefficient d’adaptation en cause, elle ne disposait pas d’informations sur les quantités de référence individuelles effectivement demandées par les différents opérateurs en 2001, les États membres n’étant tenus de lui communiquer que le total de ces quantités. Elle avance qu’elle ne pouvait donc savoir exactement quel effet la fixation du coefficient d’adaptation aurait sur la situation des différents opérateurs.

84
Enfin, la Commission avance que, s’il devait apparaître que les données sur lesquelles se fondent les quantités de référence pour 2001 sont entachées d’erreurs, en dépit du fait qu’elles ont déjà fait l’objet d’un contrôle approfondi dans le passé, elle-même ou les États membres seraient tenus d’y apporter les corrections nécessaires. Elle en conclut que, « même si la quantité de référence ‘provisoire’ d’un opérateur risque moins de subir d’importantes modifications qu’au cours des années précédentes, il demeure que la simple application du coefficient d’adaptation à la quantité de référence demandée ne permettra pas à un opérateur de calculer à coup sûr sa quantité de référence définitive pour 2001 ».

Appréciation du Tribunal

85
Aux termes de l’article 230, quatrième alinéa, CE, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement ou individuellement.

Sur la nature des règlements attaqués

86
Les requérantes mettent en cause la nature réglementaire des règlements attaqués et font valoir qu’ils doivent s’analyser en un faisceau de décisions individuelles.

87
Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante, le critère de distinction entre un règlement et une décision doit être recherché dans la portée générale ou non de l’acte en question (ordonnances de la Cour du 23 novembre 1995, Asocarne/Conseil, C-10/95 P, Rec. p. I-4149, point 28, et du 24 avril 1996, CNPAAP/Conseil, C-87/95 P, Rec. p. I-2003, point 33). Un acte a une portée générale s’il s’applique à des situations déterminées objectivement et s’il produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (voir arrêt du Tribunal du 10 juillet 1996, Weber/Commission, T-482/93, Rec. p. II‑609, point 55, et la jurisprudence citée).

88
En l’espèce, s’agissant, en premier lieu, du règlement n° 896/2001, il ne saurait être contesté que celui-ci constitue un acte normatif de portée générale (ordonnances du Tribunal du 25 septembre 2002, Di Lenardo/Commission, T-178/01, non publiée au Recueil, point 47, et Dilexport/Commission, T-179/01, non publiée au Recueil, point 47). Les règles qu’il contient sont, en effet, énoncées de manière générale, s’appliquent à des situations déterminées objectivement et comportent des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite.

89
Il doit ainsi être rappelé que ce règlement a, aux termes de son article 1er, pour objet d’établir les « modalités du régime d’importation de bananes applicables, d’une part, dans le cadre des contingents tarifaires prévus à l’article 18, paragraphe 1, du règlement [n° 404/93, tel que modifié par le règlement n° 216/2001], et, d’autre part, en dehors de ce cadre ». Il a été adopté par la Commission sur la base de l’article 20 du règlement n° 404/93, tel que modifié par le règlement n° 216/2001, article qui confère à cette dernière le pouvoir d’arrêter les modalités d’application du titre IV du même règlement et, notamment, les modalités de gestion des contingents tarifaires visés à l’article 18.

90
En son article 2, le règlement n° 896/2001 ouvre ces contingents tarifaires à concurrence de 83 % aux opérateurs traditionnels et de 17 % aux opérateurs non traditionnels. Ces deux catégories d’opérateurs sont définies sur la base de critères purement objectifs, définis, respectivement, aux articles 3 et 6 de ce règlement, et qui ne sont nullement soumis à des appréciations liées à la position spécifique de chaque opérateur (voir, en ce sens, ordonnance Di Lenardo/Commission, précitée, point 46, et ordonnance Dilexport/Commission, précitée, point 46). Il en va de même en ce qui concerne la définition des notions d’« opérateur traditionnel A/B » et d’« opérateur traditionnel C » contenue à l’article 3 du règlement nº 896/2001, qui prend en compte la réalisation de quantités minimales d’importations primaires de bananes États tiers et/ou de bananes non traditionnelles ACP, dans le premier cas, ou de bananes traditionnelles ACP, dans le second cas, et ce selon les définitions données par l’article 16 du règlement n° 404/93, dans sa version modifiée par le règlement n° 1637/98.

91
Le règlement n° 896/2001 définit les modalités d’accès de ces différentes catégories d’opérateurs aux contingents tarifaires en fonction de données de nature générale et abstraite, sans qu’il soit aucunement tenu compte de la situation des opérateurs individuels tels que les requérantes. En substance, il détermine, en des termes généraux et abstraits, la manière dont la quantité de référence des opérateurs traditionnels et l’allocation annuelle des opérateurs non traditionnels sont établies ainsi que la procédure d’enregistrement de ces derniers opérateurs et précise les modalités de délivrance des certificats d’importation.

92
Enfin, le règlement nº 896/2001 fixe, également en des termes généraux et abstraits, les modalités applicables à l’importation de bananes en dehors des contingents tarifaires.

93
L’argument des requérantes selon lequel ce règlement contient des dispositions particulières démontrant qu’il n’a pas été rédigé en des termes abstraits et qu’il a été explicitement tenu compte de « chaque opérateur traditionnel, qui est expressément identifié », est donc dénué de tout fondement. Force est de constater, d’ailleurs, que les requérantes n’identifient nullement les dispositions particulières auxquelles elles font ainsi référence.

94
À supposer que les requérantes invoquent, à cet égard, l’article 4, paragraphe 1, du règlement nº 896/2001, il y a lieu de constater que celui-ci se présente clairement comme une mesure de portée générale. Cette disposition détermine, en des termes généraux et abstraits, la manière dont la quantité de référence des opérateurs traditionnels A/B est établie en prescrivant, d’une part, que l’intéressé doit présenter une demande écrite à cet effet au plus tard le 11 mai 2001 et, d’autre part, que cette quantité est calculée à partir de la « moyenne des importations primaires de bananes États tiers et/ou de bananes non traditionnelles ACP pendant les années 1994, 1995 et 1996, prises en compte au titre de l’année 1998 pour la gestion du contingent tarifaire d’importation de bananes originaires des pays tiers et des quantités non traditionnelles ACP, conformément aux dispositions de l’article 19, paragraphe 2, du règlement [n° 404/93], applicables en 1998 pour la catégorie d’opérateurs visée au point a) du même article ». Ces critères s’appliquent, sans distinction aucune, à tous les opérateurs traditionnels A/B, lesquels sont définis en des termes généraux et abstraits et sur la base de données purement objectives à l’article 3 du règlement n° 896/2001 (voir point 90 ci-dessus). Il s’agit donc indéniablement d’une mesure qui s’applique à une situation déterminée objectivement et qui comporte des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite. Elle concerne non seulement les requérantes, mais également tout autre agent économique placé dans une situation similaire.

95
Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument des requérantes selon lequel la Commission, lorsqu’elle a adopté le règlement n° 896/2001, connaissait l’identité et le nombre total des opérateurs visés par son article 4, paragraphe 1. D’une part, cet argument n’est pas fondé. En effet, au moment où ce règlement a été adopté, la Commission ne savait pas, et n’était pas en mesure de savoir, avec certitude quels opérateurs présenteraient une demande d’établissement de la quantité de référence dans le délai expirant le 11 mai 2001. Elle ne pouvait notamment présumer que tous les opérateurs traditionnels A/B qui disposaient d’une quantité de référence au titre de la catégorie A, fonction a), pour l’année 1998 demanderaient l’établissement d’une quantité de référence au titre du régime de 2001. En outre, ainsi que le relève à juste titre la Commission, il ne saurait être exclu que certains des opérateurs qui avaient obtenu une quantité de référence pour l’année 1998 aient, par la suite, cessé leurs activités ou fusionné avec d’autres opérateurs. D’autre part, l’argument des requérantes est dénué de pertinence. En effet, même s’il était établi que les sujets auxquels s’applique l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 896/2001 étaient identifiables au moment de son adoption, sa portée normative n’en serait pas remise en cause pour autant, compte tenu du fait que, comme indiqué au point 94 ci-dessus, cette disposition ne vise que des situations de fait ou de droit objectives (voir, en ce sens, ordonnance CNPAAP/Conseil, précitée, point 35, et ordonnance du Tribunal du 15 décembre 2000, Galileo et Galileo International/Conseil, T-113/99, Rec. p. II-4141, point 47, confirmée par ordonnance de la Cour du 25 avril 2002, Galileo et Galileo International/Conseil, C-96/01 P, Rec. p. I-4025).

96
Les requérantes ne sont pas davantage fondées à prétendre que l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 896/2001 avait pour effet de fixer directement la quantité de référence définitive de chacun des opérateurs traditionnels A/B et de leur permettre, ainsi qu’à la Commission, de connaître cette quantité de référence dès l’adoption de ce règlement. À ce stade, la quantité de référence visée par cette disposition ne pouvait avoir qu’un caractère provisoire en ce sens que, s’il devait y avoir un écart entre le total des quantités de référence demandées par les opérateurs traditionnels A/B et les quantités disponibles de contingents tarifaires, ladite quantité de référence serait affectée d’un coefficient d’adaptation fixé par la Commission (voir article 5, paragraphe 2, du règlement n° 896/2001). Or, à la date d’adoption du règlement n° 896/2001, ni la Commission ni les opérateurs traditionnels A/B ne pouvaient prévoir qu’un tel écart se présenterait ni, a fortiori, son étendue, puisque, comme relevé au point 95 ci-dessus, ces opérateurs avaient jusqu’au 11 mai 2001 pour présenter leur demande d’établissement de la quantité de référence et que rien ne permettait de présumer qu’ils exerceraient tous ce droit. En l’espèce, ainsi que la Commission l’a indiqué sans être contredite par les requérantes, le montant total des quantités de référence demandées par les opérateurs traditionnels A/B dans ce délai a d’ailleurs été inférieur à ce qu’il aurait été si tous les opérateurs traditionnels A/B en droit de présenter une telle demande l’avaient fait.

97
En second lieu, s’agissant du règlement n° 1121/2001, les requérantes contestent sa nature normative en se fondant, en substance, sur les principes dégagés par la Cour dans ses arrêts Weddel/Commission, précité, et France/Comafrica e.a., précité.

98
Premièrement, elles insistent sur le fait que ce règlement ne s’applique qu’à un cercle fermé et restreint de sujets de droit dont elles font partie.

99
À cet égard, il convient de constater que le règlement n° 1121/2001 ne vise effectivement que des opérateurs ayant présenté une demande écrite aux autorités nationales compétentes à une date se situant dans le passé, à savoir au plus tard le 11 mai 2001, aucune demande intervenue ultérieurement ne pouvant être prise en compte. En outre, le règlement nº 1121/2001 ne s’applique qu’à des opérateurs qui répondent à un certain nombre de conditions tant de fond que de procédure.

100
Toutefois, il est de jurisprudence constante que la portée générale d’un acte n’est pas remise en cause par la possibilité de déterminer avec plus ou moins de précision le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels il s’applique à un moment donné, tant qu’il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait, définie par l’acte en relation avec la finalité de ce dernier (arrêt de la Cour du 15 février 1996, Buralux e.a./Conseil, C-209/94 P, Rec. p. I-615, point 24, et ordonnance du Tribunal du 29 juin 1995, Cantina cooperativa fra produttori vitivinicoli di Torre di Mosto e.a./Commission, T-183/94, Rec. p. II-1941, point 48).

101
Or, tel est bien le cas en l’espèce. En effet, le règlement n° 1121/2001 vise, de manière générale, à assurer la mise en œuvre correcte du régime de gestion des contingents tarifaires établi par le règlement n° 896/2001, régime qui se fonde sur une répartition des contingents tarifaires entre deux catégories d’opérateurs, à savoir les opérateurs traditionnels et les opérateurs non traditionnels, et sur une gestion séparée des contingents tarifaires A et B, d’une part, et du contingent tarifaire C, d’autre part. Le règlement nº 1121/2001 a pour objectif d’ajuster globalement les quantités de référence demandées par les opérateurs traditionnels A/B, d’une part, et l’opérateur traditionnel C, d’autre part, aux quantités disponibles des contingents tarifaires A/B et C. Ainsi, s’agissant des opérateurs traditionnels A/B, il fixe, en son article 1er, paragraphe 1, à 1,07883 le coefficient d’adaptation à appliquer à leur quantité de référence individuelle, le montant total des quantités de référence demandées en application de l’article 4, paragraphe 1, du règlement nº 896/2001 s’étant révélé inférieur aux quantités disponibles des contingents tarifaires.

102
Deuxièmement, les requérantes soulignent les différences qui existent entre les régimes de 1993 et de 1999, d’une part, et le régime de 2001, d’autre part. Plus particulièrement, elles font valoir que le régime de 2001, à la différence des deux autres régimes, ne prévoit nullement la possibilité, pour la Commission ou pour les autorités nationales compétentes, de vérifier et, le cas échéant, de corriger la quantité de référence demandée par chacun des opérateurs.

103
À cet égard, il doit être constaté que, effectivement, les régimes de 1993 et de 1999 diffèrent de celui de 2001 pour ce qui est de l’établissement de la quantité de référence des opérateurs de la catégorie A (dans le régime de 1993) ou traditionnels (dans les régimes de 1999 et de 2001). Ainsi qu’il est expliqué au point 103 de l’arrêt Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, précité, dans le cadre des régimes de 1993 et de 1999, la Commission et les autorités nationales compétentes procédaient activement à la vérification et, le cas échéant, à la correction des quantités de référence individuelles des opérateurs afin d’éliminer les cas de double comptage. En revanche, s’agissant du régime de 2001, les quantités de référence des opérateurs traditionnels A/B sont déterminées sur la base de données historiques relatives aux importations primaires, déjà vérifiées et, éventuellement, corrigées dans le cadre des régimes précédents. De ce fait, ni l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 896/2001 ni aucune autre disposition de ce règlement n’envisagent expressément la possibilité, pour la Commission ou les autorités nationales compétentes, de réaliser une vérification ou une correction supplémentaires de ces données. Certes, un opérateur ne pourrait légitimement fonder une demande d’établissement de la quantité de référence sur des données manifestement erronées ou frauduleuses. Si la preuve d’une telle erreur ou fraude devait être rapportée, la Commission ou les autorités nationales compétentes devraient donc, même en l’absence de toute disposition expresse en ce sens dans le règlement n° 896/2001, effectuer les corrections nécessaires. En l’espèce, il apparaît toutefois qu’aucune nouvelle correction n’a, en pratique, été réalisée pour ce qui est des données relatives aux opérateurs traditionnels A/B. Le seul exemple que la Commission a pu fournir à ce sujet en réponse à une question écrite du Tribunal n’est guère concluant, s’agissant d’un cas dans lequel elle avait décidé de corriger le montant total qui lui avait été communiqué par les autorités françaises, conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement nº 896/2001, à la suite de la découverte non d’une déclaration frauduleuse ou exagérée de la part d’un opérateur ou d’une situation de double comptage, mais d’une erreur d’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, du même règlement par ces autorités.

104
Toutefois, il ne saurait être déduit des différences susvisées entre les régimes de 1993 et de 1999, d’une part, et le régime de 2001, d’autre part, que le règlement nº 1121/2001 doit s’analyser en un faisceau de décisions individuelles qui concerneraient chacun des opérateurs traditionnels A/B, dont les requérantes.

105
Ainsi qu’il a déjà été exposé au point 101 ci-dessus, le règlement nº 1121/2001 a, en effet, été arrêté au regard, non de la situation spécifique des opérateurs traditionnels A/B, mais d’une situation objective de fait, à savoir la circonstance que le total des quantités de référence communiquées globalement à la Commission par les États membres en application de l’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 896/2001 était inférieur aux quantités disponibles des contingents tarifaires. En d’autres termes, le coefficient d’adaptation de 1,07883 fixé par le règlement n° 1121/2001 est le résultat d’un simple calcul mathématique et non d’une appréciation de la situation particulière de chacun des opérateurs traditionnels A/B. Il affecte de manière uniforme tous les opérateurs traditionnels A/B qui avaient introduit une demande d’établissement de la quantité de référence avant le 11 mai 2001. L’objectif et l’effet juridique de l’adoption du règlement nº 1121/2001 ne sont donc pas de décider de la suite à donner aux demandes individuelles des opérateurs auprès des autorités nationales compétentes (voir, en ce sens, arrêt Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, précité, point 106).

106
Il doit être conclu de ce qui précède que les règlements attaqués ont, par leur nature, un caractère normatif de portée générale.

Sur la qualité pour agir des requérantes

107
Il convient de rappeler qu’un acte de portée générale tel qu’un règlement peut, dans certaines circonstances, concerner individuellement certaines personnes physiques ou morales, revêtant dès lors un caractère décisionnel à leur égard (voir, notamment, arrêts de la Cour du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C-358/89, Rec. p. I-2501, point 13 ; du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil, C-309/89, Rec. p. I-1853, point 19, et du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C-50/00 P, Rec. p. I-6677, point 36). Tel est le cas si l’acte en cause atteint une personne physique ou morale en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une décision le serait (voir, notamment, arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223 ; du 22 novembre 2001, Nederlandse Antillen/Conseil, C-452/98, Rec. p. I-8973, point 60, et du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C-50/00 P, Rec. p. I-6677, point 36).

108
En l’espèce, s’agissant, en premier lieu, du règlement nº 896/2001, il a été constaté aux points 88 à 92 et 94 ci-dessus que les règles qu’il contient, notamment dans son article 4, paragraphe 1, sont énoncées de manière générale, s’appliquent à des situations déterminées objectivement et comportent des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite. Ce règlement ne concerne les requérantes qu’en leur qualité objective d’opérateurs traditionnels A/B, et cela au même titre que tout autre opérateur de cette catégorie.

109
Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argumentation que les requérantes tirent du tableau figurant à l’annexe 7 de la requête. Ce tableau indique, pour les années 1989 à 1996, le montant total des quantités de référence des opérateurs relevant de la catégorie A, fonction a), à savoir des importateurs primaires, le montant total des quantités de référence de « quatre opérateurs sélectionnés » et le pourcentage résultant du rapport entre ce dernier montant et le premier. Il n’est pas contesté par la Commission que les « quatre opérateurs sélectionnés » sont les requérantes et deux entreprises appartenant au groupe Chiquita. Toutefois, le fait, à le supposer établi, que des données globalisées relatives à ces opérateurs aient été examinées par la Commission et le représentant des États-Unis d’Amérique pour le commerce dans le cadre des négociations en vue de régler le différend relatif, à l’OCM bananes n’implique nullement que le règlement nº 896/2001 a été arrêté en vue d’aboutir à un certain résultat en faveur desdits opérateurs et, notamment, de leur garantir l’octroi d’un certain nombre de certificats d’importation ainsi que le prétendent les requérantes. De même, le simple fait que la Commission disposait d’informations sur les importations primaires réalisées, notamment, par les requérantes ne suffit pas non plus pour individualiser ces dernières au regard du règlement n° 896/2001 par rapport à tous les autres opérateurs concernés par celui-ci.

110
Il convient, en fait, de distinguer deux situations. D’une part, il y a celle dans laquelle, comme en l’espèce, le législateur examine des informations et données relatives au marché afin d’assurer que la situation de celui-ci soit correctement prise en compte dans les dispositions et objectifs de l’acte qu’il entend adopter. D’autre part, il y a la situation dans laquelle le législateur arrête un acte en vue d’aboutir à un résultat spécifique en faveur de certains sujets de droit déterminés, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

111
Les requérantes ne sauraient davantage invoquer le fait qu’elles appartiennent à la catégorie des opérateurs traditionnels, par opposition à celle des opérateurs non traditionnels, ainsi qu’au « petit groupe » d’opérateurs disposant de quantités de référence au titre de la catégorie A, fonction a), en 1998 pour prétendre qu’elles se distinguent de tout autre opérateur concerné par le règlement nº 896/2001 (voir point 63 ci-dessus).

112
Ainsi qu’il ressort des points 13 et 90 ci-dessus, c’est précisément sur une distinction principale entre « opérateurs traditionnels » et « opérateurs non traditionnels » que se fonde le système de répartition des contingents tarifaires instauré par le règlement nº 896/2001. Ces deux catégories d’opérateurs constituent des catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (voir point 90 ci-dessus). La qualité objective d’opérateur traditionnel que possèdent les requérantes n’a donc pas pour effet d’individualiser ces dernières au regard du règlement n° 896/2001.

113
La même conclusion s’impose à propos de l’argument que les requérantes tirent du fait qu’elles appartiennent au « petit groupe d’opérateurs » qui disposaient de quantités de référence au titre de la catégorie A, fonction a), en 1998. S’il est vrai, dans le cadre du règlement n° 896/2001, que seuls les importateurs primaires sont susceptibles d’être considérés comme des opérateurs traditionnels et que la quantité de référence de ces derniers est déterminée sur la base de la moyenne des importations primaires réalisées au cours des années 1994 à 1996 et prises en compte en 1998, il n’en reste pas moins qu’il s’agit là de critères généraux et abstraits (voir points 90 et 94 ci-dessus). Les éléments invoqués par la requérante ne sont donc pas de nature à l’individualiser.

114
S’agissant, en second lieu, du règlement n° 1121/2001, il suffit de constater que les requérantes ne démontrent ni n’allèguent qu’elles sont atteintes par celui-ci en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le serait le destinataire.

115
Il résulte des considérations qui précèdent que les règlements attaqués constituent des mesures de portée générale et que les requérantes ne sont pas atteintes par ceux-ci en raison de certaines circonstances qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise. Les requérantes ne peuvent donc être considérées comme individuellement concernées par les règlements attaqués. Dès lors qu’elles ne satisfont pas à l’une des conditions de recevabilité posées par l’article 230, quatrième alinéa, CE, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de savoir si les règlements attaqués les concernent directement.

116
Il s’ensuit que le recours, pour autant qu’il vise à l’annulation des règlements attaqués, doit être rejeté comme irrecevable.


Sur les conclusions en indemnité

Arguments des parties

117
Les requérantes font valoir que, en prévoyant dans le règlement nº 896/2001 que la quantité de référence des opérateurs traditionnels A/B est établie sur la base de la moyenne des importations primaires de bananes États tiers et/ou de bananes non traditionnelles ACP réalisées pendant les années 1994 à 1996, prises en compte au titre de l’année 1998 pour la gestion du contingent tarifaire d’importation de bananes originaires des pays tiers et des quantités non traditionnelles ACP, et en arrêtant, au vu du total des quantités de référence ainsi déterminées, le règlement nº 1121/2001, la Commission a eu un comportement illégal aux conséquences préjudiciables. Elles estiment que les conditions d’engagement de la responsabilité extracontractuelle de la Communauté sont réunies.

118
En premier lieu, les requérantes soutiennent, à titre principal, que les règlements attaqués ne sont pas des mesures législatives comportant des choix de politique économique et que, en les adoptant, la Commission s’est rendue coupable d’une « déficience administrative ».

119
Elles prétendent que les données relatives aux importations primaires de bananes pendant les années 1994 à 1996, prises en compte au titre de l’année 1998, sont gravement erronées. Dans de nombreux cas, en effet, les quantités déclarées à l’époque par les opérateurs auraient été frauduleusement majorées par ceux-ci ou auraient fait l’objet d’un double comptage. Dans leur requête, elles estiment que la marge d’erreur (« demandes excessives par rapport aux certificats utilisés ») représente, pour les années 1994 à 1996, 23,98 % en moyenne. Dans leur réplique, elles réduisent cette marge d’erreur à 13,6 %.

120
Les requérantes soutiennent que la Commission savait que lesdites données étaient incorrectes et qu’elle a d’ailleurs admis une marge d’erreur moyenne de 11 % environ dans le cadre de la procédure en référé. Elles critiquent le fait que la Commission a néanmoins décidé d’utiliser ces données dans les règlements attaqués, et ce sans prévoir la possibilité, pour elle-même ou pour les États membres, de les vérifier et, le cas échéant, de les corriger. Selon les requérantes, il n’existait pourtant aucun obstacle d’ordre juridique ou pratique à pareille vérification ou correction. En agissant de la sorte, la Commission aurait manqué à son devoir de « déterminer le coefficient d’adaptation dans le respect du droit » et n’aurait pas géré de manière régulière l’OCM bananes.

121
Les requérantes estiment que la Commission ne saurait invoquer le fait que la période de référence 1994-1996 était la dernière période pour laquelle elle disposait de données suffisamment vérifiées sur les importations primaires. Elles font observer que la marge d’erreur pour l’année 1994 était particulièrement élevée et que, si la Commission avait choisi la période triennale 1995-1997, la marge d’erreur moyenne aurait été moins importante. Elles contestent l’allégation de la Commission selon laquelle les années 1994 à 1996 étaient les années les plus récentes pour lesquelles des données sur les importations primaires étaient disponibles, avançant que de telles données étaient également disponibles pour les années 1997 et 1998, même si elles n’avaient pas encore été vérifiées par la Commission et les autorités nationales compétentes. Enfin, elles estiment que la Commission ne saurait tirer argument des constatations faites par le Tribunal au point 149 de son arrêt Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, précité.

122
Dans l’hypothèse où le Tribunal considérerait que les règlements attaqués constituent des mesures législatives comportant des choix de politique économique, les requérantes font valoir, à titre subsidiaire, que la Commission a violé une règle supérieure de droit visant à la protection des particuliers et que cette violation est suffisamment caractérisée. Elles invoquent, plus particulièrement, une violation du principe de bonne administration ou du « principe selon lequel l’application de la législation communautaire doit être certaine et prévisible » (arrêt de la Cour du 15 décembre 1987, Pays‑Bas/Commission, 326/85, Rec. p. 5091). Selon les requérantes, « une institution ne saurait adopter un acte sur la base de faits dont elle sait ou dont elle aurait manifestement dû savoir qu’ils étaient erronés, en particulier lorsqu’un tel acte porte atteinte aux droits des particuliers ».

123
En deuxième lieu, les requérantes prétendent avoir subi un préjudice du fait de l’adoption des règlements attaqués consistant, premièrement, dans la perte du droit d’importer certaines quantités de bananes.

124
Ainsi, dans leur requête, elles estiment avoir perdu, en 2001, le droit d’importer les quantités suivantes de bananes : […] (2) tonnes pour ce qui concerne Comafrica et […] tonnes pour ce qui concerne Dole. Elles aboutissent à ces chiffres en effectuant les calculs suivants :

le contingent tarifaire global disponible pour l’année 2001 s’élevait à 2 553 000 tonnes ;

le contingent tarifaire disponible pour les opérateurs traditionnels A/B représentait 83 % de cette quantité, soit 2 118 990 tonnes ;

pendant la période de référence 1994-1996, les certificats d’importation ont été utilisés à concurrence de 1 590 050 tonnes ;

le coefficient d’adaptation aurait donc dû être fixé à 1,3327 ;

la moyenne des importations réalisées par Comafrica pendant la période de référence s’élève à […] tonnes ;

en appliquant à cette quantité le coefficient d’adaptation de 1,3327, Comafrica serait en droit de présenter une demande de certificats à concurrence de […] tonnes ;

en appliquant à la quantité susmentionnée de […] tonnes le coefficient d’adaptation de 1,07883 prévu par le règlement n° 1121/2001, Comafrica n’est en droit de présenter une demande de certificats qu’à concurrence de […] tonnes ;

la moyenne des importations réalisées par Dole pendant la période de référence s’élève à [...] tonnes ;

en appliquant à cette quantité le coefficient d’adaptation de 1,3327, Dole serait en droit de présenter une demande de certificats à concurrence de […] tonnes ;

en appliquant à la quantité susmentionnée de […] tonnes le coefficient d’adaptation de 1,07883 prévu par le règlement n° 1121/2001, Dole n’est en droit de présenter une demande de certificats qu’à concurrence de […] tonnes.

125
Dans leur réplique, les requérantes admettent que leur estimation du volume des demandes excessives, telle que formulée dans la requête, ne tient pas compte des importations réalisées en Autriche, en Finlande et en Suède (voir point 133 ci-après). Elles prétendent que la Commission reconnaît « un taux de demandes excessives de 11,24 % » en moyenne pour la période 1994-1996 et suggèrent que ce pourcentage serve de base pour le calcul de leur préjudice. Par ailleurs, elles renvoient aux données et aux informations relatives au préjudice contenues dans leur demande de mesures provisoires, en proposant de les actualiser.

126
Dans leurs observations sur le mémoire en intervention du Royaume d’Espagne, les requérantes suggèrent d’actualiser les données et les informations figurant dans leur requête. Enfin, dans leur réponse à l’une des questions écrites qui leur avait été posée par le Tribunal (voir point 49 ci-dessus), les requérantes reconnaissent qu’elles ont oublié de tenir compte, dans leur calcul de ce premier volet du préjudice, des dispositions de l’article 28, paragraphe 2, du règlement n° 896/2001 et ajustent en conséquence les chiffres contenus dans leur requête.

127
Deuxièmement, les requérantes font valoir la « perte de droits futurs en ce qui concerne les volumes perdus ».

128
Troisièmement, elles soutiennent que l’utilisation de quantités de référence illicites a également entraîné une diminution de leurs parts de marché.

129
Enfin, les requérantes demandent que les montants qui leur seront alloués à titre de réparation soient majorés d’intérêts compensatoires.

130
En troisième lieu, s’agissant du lien de causalité, elles soutiennent que, en l’absence des mesures illégales prises par la Commission dans le cadre des règlements nºs 896/2001 et 1121/2001, elles auraient pu obtenir des quantités de référence plus élevées et, par voie de conséquence, des droits à des certificats d’importation plus importants.

131
La Commission rejette ces allégations.

132
En premier lieu, elle fait valoir qu’aucun comportement illégal ne peut lui être reproché. Elle souligne qu’elle dispose d’un large pouvoir d’appréciation en matière de politique agricole commune et en conclut que sa responsabilité extracontractuelle ne saurait être engagée qu’en présence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit destinée à conférer des droits aux particuliers.

133
La Commission conteste que la marge d’erreur représente 23,98 % en moyenne pour la période triennale et soit supérieure à 50 % pour l’année 1994. Elle fait observer, plus particulièrement, que les chiffres que les requérantes avancent pour 1994 ne tiennent pas compte des importations réalisées en Autriche, en Finlande et en Suède, qui, à l’époque, ne faisaient pas partie de la Communauté.

134
La Commission, se référant à l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 404/93, dans sa version modifiée par le règlement n° 216/2001, expose que la gestion des contingents tarifaires pouvait être effectuée par l’application de la méthode fondée sur la prise en compte des courants d’échanges traditionnels, méthode pour laquelle elle a opté. Elle explique qu’elle a ainsi décidé de prendre en considération les données historiques disponibles et que les plus fiables étaient forcément celles qui avaient déjà été communiquées et vérifiées aux fins de l’attribution de quantités de référence au cours des années précédentes. Les années 1994 à 1996 auraient été les années les plus récentes pour lesquelles de telles données étaient disponibles, l’année 1998 étant la dernière année d’application du régime de 1993 et pour laquelle des données sur les importations primaires avaient été utilisées. La Commission insiste sur le fait que ces données avaient été soigneusement examinées et corrigées et souligne que les chiffres qu’elle a fournis « en ce qui concerne le degré possible d’inexactitude des chiffres de 1994-1996 » ont déjà été acceptés par le Tribunal dans l’arrêt Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, précité. Elle précise également que l’utilisation des données relatives à la période 1994-1996 a permis de mettre rapidement en place le nouveau système, qui était essentiellement transitoire, et qu’il a été jugé opportun de retenir une période triennale, comme auparavant, dès lors que cela permettait d’estomper les fluctuations enregistrées sur le marché de la banane d’une année sur l’autre.

135
La Commission conteste le bien-fondé de l’affirmation des requérantes selon laquelle des données sur les importations primaires étaient également disponibles pour les années 1997 et 1998. Elle explique que, par télécopie du 24 mai 2000, elle a invité tous les États membres à lui transmettre les données relatives aux quantités commercialisées par les importateurs primaires en 1997 et en 1998 ou, le cas échéant, à lui indiquer que ces données n’étaient pas disponibles. Sept États membres n’auraient pas donné suite à cette demande. S’agissant des autres États membres, la situation aurait été la suivante :

la République hellénique et la République de Finlande ont fourni des chiffres globaux sur les importations primaires sans ventilation par opérateur ;

la République d’Autriche n’a fourni de détails que sur le niveau général des importations ;

les autres États membres, à l’exception de la République italienne, ont répondu que les données fournies par leurs opérateurs pour 1997 n’avaient jamais été vérifiées par les autorités compétentes, tandis que les données pour 1998 n’avaient jamais été collectées ;

les données de 1997 n’étaient pas disponibles pour la République portugaise ;

seule la République italienne avait été en mesure de fournir des données, quoique incomplètes, pour 1997 et 1998, tout en soulignant qu’il s’agissait de données brutes transmises par les opérateurs italiens et qui n’avaient jamais été vérifiées par les autorités compétentes.

136
S’agissant du grief tiré de ce qu’elle ne s’est pas réservé la possibilité de vérifier l’exactitude des données communiquées, la Commission souligne que le système d’établissement des quantités de référence prévu par le règlement n° 896/2001 ne repose pas sur des demandes fondées sur de nouvelles données, mais sur des données relatives à la période 1994-1996. Or, ces dernières données auraient déjà fait l’objet de vérifications approfondies de la part des États membres et de la Commission ainsi que cela a été constaté par le Tribunal dans l’arrêt Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, précité. Elle précise que s’il est vrai que ces mêmes données n’étaient pas parfaites, dans cet arrêt, le Tribunal a toutefois estimé que les raisons avancées pour justifier ces imperfections étaient valables et a reconnu que l’utilisation desdites données n’était pas manifestement inappropriée.

137
Pour ce qui est des griefs que les requérantes font valoir à l’encontre du règlement n° 1121/2001, la Commission avance qu’ils reposent sur le postulat erroné selon lequel le règlement n° 896/2001 est illégal.

138
En deuxième lieu, en ce qui concerne le préjudice allégué, la Commission fait valoir, tout d’abord, que la demande des requérantes fondée sur une diminution de leurs parts de marché est extrêmement vague et doit donc être rejetée comme irrecevable. S’agissant du préjudice consistant dans la perte du droit d’importer certaines quantités de bananes, elle avance que « les quantités de référence confèrent simplement une possibilité de demander des certificats d’importation ». À cet égard, elle fait remarquer que les volumes pour lesquels les requérantes affirment qu’elles auraient dû avoir une quantité de référence, ainsi que ceux pour lesquels elles ont obtenu cette quantité en application du règlement n° 1121/2001, sont sensiblement supérieurs aux volumes qu’elles ont effectivement importés durant la période 1994-1996. Inversement, les requérantes n’auraient pas été dans l’impossibilité d’importer certaines quantités de bananes du fait qu’elles n’avaient pas bénéficié d’une quantité de référence suffisamment élevée, dès lors qu’elles auraient pu acquérir des droits d’importation supplémentaires auprès de tiers. La Commission en conclut que les requérantes n’ont pas fourni de base adéquate pour déterminer le préjudice allégué et, plus généralement, qu’elles n’ont pas présenté leur demande de dommages et intérêts de manière suffisamment circonstanciée.

139
Le Royaume d’Espagne soutient qu’aucun comportement illégal ne peut être imputé en l’espèce à la Commission. Il se réfère, plus particulièrement, aux constatations faites par le Tribunal aux points 149 et 150 de son arrêt Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, précité.

140
Par ailleurs, il considère que les requérantes n’ont pas établi la réalité et l’ampleur du préjudice allégué ni l’existence d’un lien de causalité entre le comportement illégal qu’elles reprochent à la Commission et ce préjudice.

Appréciation du Tribunal

141
Il résulte d’une jurisprudence constante que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16 ; arrêts du Tribunal du 11 juillet 1996, International Procurement Services/Commission, T-175/94, Rec. p. II-729, point 44 ; du 16 octobre 1996, Efisol/Commission, T-336/94, Rec. p. II-1343, point 30, et du 11 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T-267/94, Rec. p. II-1239, point 20). Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours en indemnité doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions d’engagement de ladite responsabilité (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C-146/91, Rec. p. I-4199, point 19, et arrêt du Tribunal du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T-170/00, Rec. p. II-515, point 37).

142
En l’espèce, il convient d’examiner les conclusions en indemnité au regard de la première de ces conditions, relative à l’existence d’un comportement illégal. S’agissant de cette condition, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêt de la Cour du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C-352/98 P, Rec. p. I-5291, point 42). Pour ce qui est de l’exigence selon laquelle la violation doit être suffisamment caractérisée, le critère décisif permettant de considérer qu’elle est remplie est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution communautaire concernée, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. Lorsque cette institution ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit communautaire peut suffire pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (arrêt Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, précité, point 134, et arrêt du Tribunal du 10 février 2004, Afrikanische Frucht-Compagnie et Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Conseil et Commission, T-64/01 et T-65/01, non encore publié au Recueil, point 71).

143
Le comportement illicite dénoncé en l’espèce tient, en substance, au fait que, dans le règlement nº 896/2001, la Commission aurait retenu, aux fins de l’établissement de la quantité de référence des opérateurs traditionnels A/B, la moyenne des importations primaires de bananes États tiers et/ou de bananes non traditionnelles ACP réalisées par ceux-ci pendant les années 1994 à 1996 et prises en compte au titre de l’année 1998, alors qu’elle savait que ces données étaient incorrectes, et en omettant de prévoir un mécanisme de vérification et de correction de celles-ci. En agissant de la sorte, la Commission se serait rendue coupable d’une « déficience administrative » ou d’une violation du principe de bonne administration ou du « principe selon lequel l’application de la législation communautaire doit être certaine et prévisible ».

144
Il y a lieu de vérifier, eu égard aux critères dégagés par la jurisprudence citée au point 142 ci-dessus, l’exigence selon laquelle la violation doit être suffisamment caractérisée. À cet égard, il convient d’examiner séparément les règlements attaqués.

145
S’agissant, en premier lieu, du règlement n° 896/2001, il est indéniable que celui-ci a été adopté par la Commission dans l’exercice d’un large pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C-280/93, Rec p. I-4973, point 89, et du 15 juillet 2004, Di Lenardo et Dilexport, C-37/02 et C-38/02, non encore publié au Recueil, points 57 et 71).

146
Ce règlement se fonde sur l’article 20 du règlement n° 404/93, tel que modifié par le règlement n° 216/2001, lequel article confère à la Commission le pouvoir d’arrêter, notamment, les modalités de gestion des contingents tarifaires. L’article 19 de ce règlement laisse une large marge d’appréciation à la Commission quant à la méthode à appliquer pour effectuer cette gestion (voir, en ce sens, arrêt Di Lenardo et Dilexport, précité, point 57). En son paragraphe 1, il prévoit, en effet, que ladite gestion « peut être effectuée par l’application de la méthode fondée sur la prise en compte des courants d’échanges traditionnels (selon la méthode dite ‘traditionnels/nouveaux arrivés’) et/ou sur d’autres méthodes ». La seule limitation apportée à cette large marge d’appréciation est contenue au paragraphe 2 du même article 19, aux termes duquel « [l]a méthode arrêtée tient compte, le cas échéant, de la nécessité de maintenir l’équilibre dans l’approvisionnement du marché communautaire ».

147
Faisant usage du large pouvoir d’appréciation qui lui a ainsi été conféré, la Commission, en adoptant le règlement n° 896/2001, a décidé de mettre en œuvre, à partir du 1er juillet 2001 et à titre transitoire jusqu’au 1er janvier 2006 au plus tard, une méthode d’attribution des certificats d’importation fondée, dans une large mesure, sur des références historiques et sur une distinction entre « opérateurs traditionnels » et « opérateurs non traditionnels », les premiers étant définis en fonction de la réalisation d’importations primaires de bananes.

148
Il convient de constater, tout d’abord, que rien ne permet de critiquer le choix de la Commission de recourir à cette méthode, plutôt qu’à une autre des méthodes qui avaient été précédemment envisagées, et notamment celle fondée sur la règle du « premier arrivé, premier servi ». Il doit être souligné, à cet égard, que l’adoption du règlement n° 896/2001 est intervenue à l’issue d’une négociation internationale complexe et délicate, dans le cadre de laquelle des points de vue très contradictoires ont été exprimés et ont dû être conciliés. La Commission a dû tenir compte non seulement des intérêts des producteurs communautaires, mais également de ses obligations à l’égard des États ACP et des engagements internationaux souscrits par la Communauté dans le cadre de l’OMC.

149
Il y a lieu de considérer, ensuite, que le choix, dans le cadre de la méthode d’attribution des certificats ainsi retenue par la Commission, des années 1994 à 1996 en tant que période de référence pour la définition des catégories d’opérateurs et la détermination des quantités de référence des opérateurs traditionnels n’apparaît pas manifestement inapproprié.

150
Premièrement, il ne saurait être contesté que le choix d’une période antérieure n’aurait pas été adéquat eu égard, plus particulièrement, au fait que le système commun d’importation de bananes introduit par le règlement n° 404/93 n’est entré en vigueur que le 1er juillet 1993. Avant cette date, l’importation des bananes dans la Communauté était soumise à des régimes juridiques qui différaient, parfois sensiblement, d’un État membre à l’autre.

151
Deuxièmement, ainsi qu’il est exposé au considérant 5 du règlement n° 896/2001, les données historiques les plus fiables relatives aux importations primaires dont disposait la Commission lorsqu’elle a adopté le règlement n° 896/2001 étaient celles se rapportant aux années 1994 à 1996. De telles données avaient, en effet, été utilisées dans le cadre du régime de 1993, lequel prévoyait un système de répartition des certificats d’importation fondé notamment sur une subdivision des catégories A et B selon trois fonctions économiques différentes, dont l’importation primaire (fonction « a ») (voir point 11 ci-dessus). En outre, ces données avaient, à l’époque, fait l’objet de vérifications approfondies et, le cas échéant, de corrections, et ce tant de la part des autorités nationales compétentes que de la part de la Commission. S’agissant de cette dernière, il convient ainsi de rappeler que le Tribunal a constaté, au point 146 de l’arrêt Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, précité, qu’elle « [avait] agi avec une prudence et une diligence très importantes dans la vérification et la correction des disparités dans les chiffres communiqués par les autorités nationales compétentes et l’élimination des cas de double comptage ».

152
Certes, ces vérifications n’ont pas permis d’éliminer tous les cas de double comptage, et ce pour les motifs exposés au point 147 de l’arrêt Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, précité. Une marge d’erreur subsistait donc, notamment en ce qui concerne les données relatives aux importations primaires. Les parties s’accordent ainsi sur le fait que, pendant les années 1994 à 1996, les quantités de bananes importées sous le couvert de certificats de la catégorie A, fonction a), étaient inférieures aux quantités de référence déclarées par les opérateurs concernés et que la marge d’erreur intervenue se situe, en moyenne, aux alentours des 11 %. Il y a lieu de considérer, toutefois, que, en dépit de ces imperfections, les données en question donnent un bon aperçu général de la situation sur le marché de la banane dans la Communauté au cours de la période en question.

153
Troisièmement, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir inclus, dans la période de référence, l’année 1994, en dépit du fait que celle-ci était particulièrement affectée par les disparités critiquées par les requérantes. D’une part, elle n’aurait pu retenir les années 1995 à 1997 comme période de référence dès lors que, malgré ses efforts en ce sens, elle n’avait pu obtenir des différents États membres des données fiables et complètes sur les importations primaires en 1997. Cela est démontré de manière convaincante par les éléments de preuve présentés par la Commission au soutien de ses affirmations et exposés au point 135 ci-dessus. Dans leur réplique, les requérantes reconnaissent d’ailleurs expressément que les données relatives aux importations primaires pour les années 1997 et 1998 n’avaient été vérifiées ni par les autorités nationales compétentes ni par la Commission. D’autre part, il n’aurait pas été adéquat de se contenter de choisir une période biennale, soit les années 1995 et 1996. En effet, ainsi que la Commission le relève à juste titre, la prise en compte d’une période triennale donne une vision plus représentative du marché de la banane, les fluctuations enregistrées sur ce marché étant réduites d’une année à l’autre. Il doit être ajouté que, dans les régimes de 1993 et de 1999, l’attribution des certificats d’importation se faisait déjà en fonction des quantités de bananes commercialisées (régime de 1993) ou effectivement importées (régime de 1999) pendant une période de référence triennale.

154
Quatrièmement, il convient de rappeler que le régime de 2001 est conçu comme un régime transitoire et que la prise en compte de données disponibles et déjà soigneusement vérifiées dans le passé a permis de le mettre rapidement en place.

155
Cinquièmement, le choix des années 1994 à 1996 comme période de référence est intervenu dans le contexte de négociations internationales délicates et complexes et est l’un des éléments susceptibles de résoudre le différend qui opposait depuis plusieurs années la Communauté, d’une part, et les États-Unis d’Amérique et la République de l’Équateur, d’autre part, dans le secteur de la banane.

156
Enfin, en ce qui concerne les critiques des requérantes relatives à l’absence de mécanisme de vérification et de correction des quantités de référence des opérateurs traditionnels dans le règlement n° 896/2001, il suffit de relever que, par principe, un tel mécanisme ne se justifiait pas dans le cadre du régime de 2001, les données sur lesquelles ces quantités se fondaient ayant déjà fait l’objet de vérifications approfondies et, le cas échéant, de corrections, dans le passé (voir point 151 ci-dessus). Certes, une certaine marge d’erreur subsistait, mais celle-ci était inévitable et devait être acceptée pour les motifs exposés aux points 149 à 155 ci-dessus. En outre, il est douteux, au vu du temps écoulé depuis le début de la période de référence et de l’absence d’obligation, pour les opérateurs et les États membres, de conserver les pièces justificatives relatives aux importations de bananes réalisées au cours des années 1994 à 1996, que de nouvelles vérifications auraient été possibles ou, à tout le moins, qu’elles auraient permis de découvrir un nombre significatif d’inexactitudes supplémentaires dans les chiffres communiqués. En tout état de cause, ainsi qu’il a déjà été exposé au point 103 ci-dessus, s’il devait apparaître que des données étaient manifestement erronées ou frauduleuses, la Commission ou les autorités nationales compétentes devraient, même en l’absence de toute disposition expresse en ce sens dans le règlement n° 896/2001, y apporter les corrections nécessaires.

157
Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la Commission n’a pas méconnu de manière manifeste et grave les limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation en adoptant le règlement n° 896/2001. Il s’ensuit qu’aucun comportement illégal de nature à engager la responsabilité extracontractuelle de la Communauté ne peut lui être reproché à cet égard.

158
S’agissant, en second lieu, du règlement n° 1121/2001, il y a lieu de rappeler que celui-ci a été arrêté au vu de l’article 4, paragraphes 1 et 2, et de l’article 5, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 896/2001. La Commission est obligée de fixer, conformément à l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 896/2001, un coefficient d’adaptation s’il existe un écart entre le total des quantités de référence mentionnées à l’article 4, paragraphes 1 et 2, du même règlement que lui a communiqué chacun des États membres et les quantités disponibles des contingents tarifaires. Elle ne dispose donc d’aucune marge d’appréciation quant à l’opportunité de la fixation du coefficient d’adaptation et quant au choix des quantités à prendre en compte à cet égard. Par conséquent, pour ce qui est de l’adoption du règlement n° 1121/2001, une simple infraction au droit communautaire peut, en toute hypothèse, suffire à engager la responsabilité extracontractuelle de la Communauté.

159
Le comportement illégal que les requérantes reprochent à la Commission en rapport avec le règlement n° 1121/2001 se fonde sur le postulat selon lequel le règlement n° 896/2001 est illégal en ce qu’il prévoit la prise en compte, aux fins de l’établissement de la quantité de référence des opérateurs traditionnels A/B, de données relatives aux importations primaires réalisées par ceux-ci au cours des années 1994 à 1996, et ce sans prévoir de mécanisme de vérification et de correction de ces données. Or, ainsi qu’il résulte des considérations exposées aux points 145 à 157 ci-dessus, la Commission n’a commis aucune illégalité dans le cadre de l’adoption du règlement n° 896/2001. Il s’ensuit qu’aucun comportement illégal de nature à engager la responsabilité extracontractuelle de la Communauté ne peut non plus être reproché à la Commission en ce qui concerne le règlement n° 1221/2001

160
Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, les conclusions en indemnité doivent être rejetées comme non fondées, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions d’engagement de la responsabilité extracontractuelle de la Communauté.

161
À titre surabondant, il convient, toutefois, de relever que les requérantes n’établissent pas de manière satisfaisante l’existence et l’étendue du préjudice qu’elles invoquent.

162
En premier lieu, s’agissant du préjudice consistant dans la perte du droit d’importer certaines quantités de bananes en 2001, plusieurs critiques doivent être formulées à l’encontre, d’une part, de la démarche qu’elles adoptent pour tenter d’en démontrer la réalité et, d’autre part, de la manière dont elles le calculent.

163
Premièrement, les requérantes soutiennent que, si la quantité de référence des opérateurs traditionnels A/B avait été établie sur la base de données correctes, le coefficient d’adaptation à appliquer à cette quantité de référence aurait été fixé non à 1,07883, mais à 1,3327. Elles estiment avoir perdu des « droits d’importer » des bananes à concurrence de la différence entre la quantité obtenue en appliquant à leur quantité de référence respective, à savoir la moyenne des importations primaires de bananes qu’elles ont réalisées au cours des années 1994 à 1996, le coefficient de 1,3327 et celle obtenue en appliquant, à la même quantité de référence, le coefficient de 1,07883.

164
À supposer même que les chiffres et calculs avancés par les requérantes soient exacts, le fait que celles-ci aient obtenu une quantité de référence individuelle inférieure à celle à laquelle elles auraient pu prétendre si un coefficient d’adaptation plus élevé avait été appliqué n’implique pas nécessairement qu’elles ont subi un préjudice correspondant. Il doit être rappelé, en effet, que la quantité de référence ne représente pas en soi un droit d’importer des bananes mais constitue uniquement une base de référence pour des opérations ultérieures, à savoir, plus particulièrement, la demande et l’attribution de certificats d’importation. Un opérateur ne demandera pas nécessairement des certificats d’importation à concurrence de la totalité de la quantité de référence qui lui a été attribuée. Encore faut-il, ainsi que le relève la Commission à juste titre, qu’il dispose d’une quantité suffisante de bananes à importer sous le couvert de ces certificats et de perspectives raisonnables de les vendre dans la Communauté. En l’espèce, aucune indication en ce sens n’a été donnée par les requérantes. Une démonstration plus circonstanciée de la réalité de ce préjudice s’imposait d’autant plus que, pour la période en cause (à savoir le second semestre de l’année 2001), le coefficient d’adaptation fixé par le règlement n° 1121/2001 était positif. En d’autres termes, la quantité de référence individuelle qui a été attribuée aux requérantes s’est en fait révélée supérieure aux importations primaires qu’elles avaient réalisées pendant la période de référence. En tenant compte du coefficient d’adaptation dont elles réclament l’application, leur quantité de référence individuelle est même sensiblement plus élevée.

165
Il convient de relever, en outre, que, aux termes de l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 896/2001, « [p]our les trois premiers trimestres, il peut être prévu que la ou les demandes de certificats présentées par un opérateur ne doivent pas porter globalement sur une quantité supérieure à un certain pourcentage, selon le cas, de la quantité de référence établie en application de l’article 5, ou de l’allocation annuelle établie en application de l’article 9, paragraphe 3 ».

166
Deuxièmement, les requérantes font preuve d’un manque total de sérieux et de rigueur dans leur calcul du préjudice consistant dans la perte du droit d’importer certaines quantités de bananes en 2001. Ainsi, dans leur réplique, elles ont admis qu’elles avaient omis de tenir compte des importations réalisées en Autriche, en Finlande et en Suède en 1994 et qu’elles avaient donc largement surestimé la marge d’erreur moyenne mentionnée dans leur requête. Celle-ci est ainsi passée de 30,4 à 13,6 %. Dans leur réplique, elles proposent tout à la fois d’utiliser, pour calculer leur préjudice, le « taux de 11,24 % » accepté par la Commission dans le cadre de la procédure en référé et d’actualiser les données et les informations contenues dans leur demande de mesures provisoires. Ensuite, dans leur réponse à l’une des questions écrites qui leur avait été posée par le Tribunal (voir point 49 ci-dessus), les requérantes ont reconnu qu’elles avaient omis de tenir compte, dans leur calcul, des dispositions de l’article 28, paragraphe 2, du règlement n° 896/2001 et que les chiffres mentionnés dans la requête concernent l’ensemble de l’année 2001 alors que le règlement n° 896/2001 n’était applicable qu’à partir du second semestre de cette année. Elles appliquent en conséquence le coefficient de 0,4454 prévu par cette disposition aux quantités de bananes que, dans leur requête, elles prétendaient ne pas avoir eu le droit d’importer et aboutissent ainsi à […] tonnes pour ce qui concerne Comafrica et à […] tonnes pour ce qui concerne Dole. Outre le fait qu’il s’agit là, encore une fois, d’une réduction substantielle de leurs prétentions, force est de constater que les requérantes fondent leur nouveau calcul sur les données relatives à l’année 1994 que, dans leur réplique, elles avaient pourtant admis être largement surestimées. En d’autres termes, outre le fait qu’il n’est pas possible de déterminer avec certitude quelle est la base de calcul finalement proposée par les requérantes, celle-ci se fonde dans tous les cas sur des chiffres inexacts.

167
En second lieu, en ce qui concerne les deuxième et troisième volets du préjudice allégué, consistant dans la perte de « droits futurs en ce qui concerne les volumes perdus » et dans une diminution de leurs parts de marché, il doit être constaté que les requérantes se contentent de les présenter en des termes extrêmement vagues, sans indiquer clairement les éléments qui permettent d’en apprécier la nature et l’étendue ni préciser les critères sur la base desquels ils devaient être calculés.

168
Il s’ensuit que la satisfaction de la deuxième condition d’engagement de la responsabilité extracontractuelle de la Communauté n’a pas non plus été démontrée. Pour ce motif également, les conclusions en indemnité doivent donc être rejetées comme non fondées.


Sur la demande de mesures d’instruction

169
Les requérantes demandent à ce que le Tribunal, à titre de mesures d’instruction, invite la Commission à :

confirmer que les quatre opérateurs mentionnés dans l’annexe 7 de la requête comprennent les requérantes ;

donner des renseignements sur l’utilisation des certificats d’importation pendant les années 1994 à 1996, sur les chiffres concernant les importations effectives et sur la manière dont elle est parvenue à sa propre estimation du niveau des demandes excessives.

170
La Commission s’oppose à cette demande.

171
Le Tribunal considère qu’il n’y a pas lieu de donner suite à la demande de mesures d’instruction formulée par les requérantes, les éléments contenus dans le dossier et les explications données lors de l’audience étant suffisants pour lui permettre de se prononcer en l’espèce.

172
Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.


Sur les dépens

173
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé en leurs conclusions, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission, en ce compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions de cette dernière.

174
Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure.

175
Simba supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)
Les conclusions en annulation sont rejetées comme irrecevables.

2)
Les conclusions en indemnité sont rejetées comme non fondées.

3)
Les requérantes supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans l’affaire au principal et dans la procédure en référé.

4)
Les parties intervenantes supporteront leurs propres dépens.

Lindh

García-Valdecasas

Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 février 2005.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Lindh


1
Langue de procédure : l'anglais.


2
Données confidentielles occultées.