Language of document : ECLI:EU:C:2024:199

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR

29 février 2024 (*)

« Pourvoi – Demande d’intervention – Article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne – Intérêt à la solution du litige – Absence »

Dans l’affaire C‑413/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 5 juillet 2023,

Contrôleur européen de la protection des données (CEPD), représenté par Mme P. Candellier, MM. G. Devin, X. Lareo, D. Nardi et T. Zerdick, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenu par :

Comité européen de la protection des données, représenté par Mmes C. Foglia, M. Gufflet, M. G. Le Grand et Mme I. Vereecken, en qualité d’agents, assistés de Mes E. de Lophem, G. Ryelandt et P. Vernet, avocats,

partie intervenante au pourvoi,

l’autre partie à la procédure étant :

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par Mmes H. Ehlers, M. Fernández Rupérez et A. Lapresta Bienz, en qualité d’agents, assistées de Mes M. Braun et H.-G. Kamann, Rechtsanwälte, et de Me F. Louis, avocat,

partie demanderesse en première instance,

soutenu par :

Commission européenne, représentée par MM. A. Bouchagiar et H. Kranenborg, en qualité d’agents,

partie intervenante au pourvoi,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR,

vu la proposition de M. T. von Danwitz, juge rapporteur,

l’avocat général, M. A. M. Collins, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 26 avril 2023, CRU/CEPD (T‑557/20, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2023:219), par lequel celui-ci a annulé la décision révisée du CEPD, du 24 novembre 2020, adoptée à la suite de la demande de réexamen présentée par le Conseil de résolution unique (CRU) de la décision du CEPD, du 24 juin 2020, concernant cinq réclamations soumises par plusieurs réclamants (affaires 2019-947, 2019-998, 2019-999, 2019-1000 et 2019-1122) (ci-après la « décision litigieuse »).

2        Par acte déposé au greffe de la Cour le 10 novembre 2023, ANONOS Inc. a demandé, sur le fondement de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que des articles 129 et 130 du règlement de procédure de la Cour, à être admise à intervenir au soutien des conclusions du CEPD.

3        À la suite de la signification aux parties par le greffier de la Cour, conformément à l’article 131, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 190, paragraphe 1, de celui-ci, de cette demande d’intervention, le CEPD et le CRU ont présenté leurs observations écrites sur cette demande. Seul le CRU a conclu au rejet de ladite demande.

 Sur la demande d’intervention

 Argumentation

4        Au soutien de sa demande d’intervention, ANONOS fait valoir qu’elle a un intérêt direct et actuel à la solution du litige soumis à la Cour. À cet égard, elle expose qu’elle est une personne morale dont l’activité consiste à fournir des services de data embassy et à vendre des logiciels d’anonymisation et de pseudonymisation de données à caractère personnel. Ce faisant, elle contribuerait à faire évoluer l’état des connaissances et la technologie, afin d’atteindre le niveau élevé de protection des données à caractère personnel et de protection de la vie privée exigé par la législation de l’Union.

5        Elle fait valoir que le litige auquel elle demande à intervenir porte sur la notion de « données à caractère personnel », au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) n° 45/2001 et la décision n° 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39), ainsi que sur les notions d’« anonymisation » et de « pseudonymisation », au sens de ce règlement. Elle estime que l’issue de celui-ci aura des conséquences directes sur le cadre réglementaire dans lequel elle exerce son activité commerciale et, dès lors, sur sa position économique.

6        ANONOS reconnaît que sa demande d’intervention, en date du 10 novembre 2023, a été déposée plus de six semaines après le 21 août 2023, date de publication au Journal officiel de l’Union européenne de l’avis relatif au pourvoi, et qu’elle méconnaîtrait ainsi les prescriptions de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure. Elle indique qu’elle a cependant été induite en erreur sur ses possibilités d’intervention par les informations fournies par la Cour sur son site Internet et qu’elle devrait, en tout état de cause, être admise à intervenir pour présenter ses observations lors de l’audience de plaidoiries, en vertu de l’article 129, paragraphe 4, de ce règlement.

 Appréciation

7        L’article 40, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne dispose que les États membres et les institutions de l’Union européenne peuvent intervenir aux litiges soumis à la Cour. Le deuxième alinéa de cet article 40 confère le même droit aux organes et aux organismes de l’Union et à toute autre personne s’ils peuvent justifier d’un intérêt à la solution du litige.

8        Selon une jurisprudence constante, la notion d’« intérêt à la solution du litige », au sens de cette disposition, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme étant un intérêt direct et actuel porté au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme étant un intérêt à l’égard des moyens soulevés ou des arguments invoqués. En effet, les termes « solution du litige » renvoient à la décision finale demandée, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt ou de l’ordonnance à intervenir (ordonnance du président de la Cour du 1er septembre 2022, Google et Alphabet/Commission, C‑48/22 P, EU:C:2022:667, point 6 ainsi que jurisprudence citée).

9        Il s’agit ainsi, plus précisément, d’un intérêt direct et actuel à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la partie que le demandeur en intervention se propose de soutenir (ordonnance du président de la Cour du 28 janvier 2020, VodafoneZiggo Group/Commission, C‑689/19 P, EU:C:2020:50, point 7 et jurisprudence citée).

10      À cet égard, il convient notamment de vérifier que le demandeur en intervention est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à l’issue du litige est certain. En principe, un intérêt à la solution du litige ne saurait être considéré comme suffisamment direct que dans la mesure où cette solution est de nature à modifier la position juridique du demandeur en intervention (ordonnance du président de la Cour du 30 avril 2020, Commission/HSBC Holdings e.a., C‑806/19 P, EU:C:2020:364, point 8).

11      En l’espèce, le pourvoi tend à l’annulation de l’arrêt attaqué en ce qu’il a annulé la décision litigieuse, laquelle a été adoptée par le CEPD à la suite de réclamations, au titre du règlement 2018/1725, d’actionnaires et de créanciers affectés par la résolution de l’établissement de crédit Banco Popular Español SA. En particulier, les réclamants ont contesté la procédure suivie par le CRU pour lui permettre de prendre une décision finale sur la nécessité ou non de leur accorder un dédommagement en raison de la résolution de Banco Popular Español. Ils lui ont reproché de ne pas les avoir informés du fait que leurs données à caractère personnel, collectées au moyen d’un formulaire de questions destiné à leur permettre de présenter des commentaires sur la décision préliminaire d’accorder un tel dédommagement et sur la version non confidentielle de la valorisation de la différence de traitement réalisée afin de déterminer s’ils auraient bénéficié d’un meilleur traitement si Banco Popular Español avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité, seraient transmises à des tiers. Par la décision litigieuse, le CEPD a considéré que le CRU, en tant que responsable du traitement de ces données, avait manqué à l’obligation d’information prévue à l’article 15, paragraphe 1, sous d), de ce règlement à leur égard.

12      Or, ANONOS n’est pas une actionnaire ou une créancière affectée par la résolution de l’établissement de crédit Banco Popular Español, n’a pas participé à la procédure ayant conduit à l’adoption de cette décision et ne saurait être touchée directement par l’arrêt attaqué.

13      Dans ces circonstances, contrairement à ce que soutient ANONOS, le sort réservé au pourvoi n’est pas de nature à modifier sa position juridique sur le marché des biens et des services qu’elle fournit et n’aura aucune incidence directe sur sa situation juridique.

14      Il s’ensuit que, sans qu’il soit besoin de se prononcer, en l’espèce, sur les conséquences procédurales de la méconnaissance du délai d’un mois fixé à l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure pour présenter les demandes d’intervention, augmenté du délai de distance forfaitaire de dix jours prévu à l’article 51 de ce règlement, ANONOS n’a pas démontré avoir un intérêt à la solution du litige, au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Dès lors, sa demande d’intervention doit être rejetée.

 Sur les dépens

15      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

16      ANONOS ayant succombé en sa demande d’intervention et le CEPD et le CRU n’ayant pas conclu à sa condamnation aux dépens, il y a lieu de décider qu’ils supporteront chacun leurs propres dépens afférents à la demande d’intervention d’ANONOS.

Par ces motifs, le président de la Cour ordonne :

1)      La demande d’intervention d’ANONOS Inc. est rejetée.

2)      ANONOS Inc., le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) et le Conseil de résolution unique (CRU) supportent leurs propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.