Language of document : ECLI:EU:T:2022:244

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

27 avril 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative LOPEZ DE HARO – Marque de l’Union européenne verbale antérieure LOPEZ DE HEREDIA – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑210/21,

Vintae Luxury Wine Specialists SLU, établie à Logroño (Espagne), représentée par Mes L. Broschat García et L. Polo Flores, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme S. Palmero Cabezas, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

R. Lopez de Heredia Viña Tondonia SA, établie à Haro (Espagne), représentée par Me A. Sanz Cerralbo, avocate,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 16 février 2021 (affaire R 1741/2020-5), relative à une procédure d’opposition entre R. Lopez de Heredia Viña Tondonia et Vintae Luxury Wine Specialists,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, présidente, M. F. Schalin et Mme P. Škvařilová-Pelzl (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 19 avril 2021,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 30 juillet 2021,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 6 août 2021,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 29 mai 2018, la requérante, Vintae Luxury Wine Specialists SLU, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Le produit pour lequel l’enregistrement a été demandé relève de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspond à la description suivante : « Vin ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2018/107, du 8 juin 2018.

5        Le 4 septembre 2018, l’intervenante, R. Lopez de Heredia Viña Tondonia SA, a formé opposition, au titre de l’article 46 du règlement 2017/1001, à l’enregistrement de la marque demandée pour le produit visé au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque verbale de l’Union européenne no 14342182 LOPEZ DE HEREDIA déposée le 9 juillet 2015 et enregistrée le 27 novembre 2015, désignant le produit relevant de la classe 33 et correspondant à la description suivante : « Vin » ;

–        la marque figurative espagnole no M1801915 reproduite ci-après, déposée le 4 février 1994 et enregistrée le 5 juin 1996, désignant notamment le produit relevant de la classe 33 et correspondant à la description suivante : « Vin » :

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7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et à l’article 8, paragraphe 5, du même règlement.

8        Le 22 juin 2020, la division d’opposition a fait droit à l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

9        Le 24 août 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 16 février 2021 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré que l’opposition pouvait être examinée en premier lieu par rapport à l’enregistrement de la marque de l’Union européenne no 14342182 (ci-après la « marque antérieure »).

11      Elle a conclu, en substance, à l’existence d’un risque de confusion, notamment pour le public pertinent non hispanophone. À cet égard, elle s’est fondée sur l’identité des produits en cause, sur le degré moyen de similitude sur les plans visuel et phonétique ainsi que sur le degré élevé de similitude sur le plan conceptuel entre les marques en conflit. Pour ce faire, elle a considéré que le premier élément verbal « lopez » figurant dans les deux marques attirait davantage l’attention du public pertinent que les derniers éléments verbaux des marques en conflit qui ne seraient pas compris par le public pertinent non hispanophone.

12      Eu égard à cette conclusion, la chambre de recours a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner l’opposition sur la base de la marque espagnole antérieure ou du motif d’opposition visé à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        autoriser l’enregistrement de la marque demandée pour le « vin » relevant de la classe 33 ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

14      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      Au soutien du recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

16      L’EUIPO, soutenu par l’intervenante, conteste les arguments de la requérante. Il soutient en outre que le deuxième chef de conclusions doit être rejeté comme irrecevable.

17      Le Tribunal estime, à l’instar de la chambre de recours, qu’il est opportun de commencer l’examen du recours sur la base de la marque de l’Union européenne antérieure LOPEZ DE HEREDIA, étant donné que, de prime abord, elle pourrait présenter davantage de similitudes avec la marque demandée.

18      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

19      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

20      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des signes en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services désignés par les marques en cause. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

21      La chambre de recours a conclu, aux points 22 à 24 de la décision attaquée, que les produits en cause visaient le grand public en général et que le niveau d’attention du public pertinent était moyen. Il convient de confirmer ces points, qui, au demeurant, n’ont pas été contestés par les parties.

22      Il y a également lieu de confirmer la conclusion selon laquelle les produits en cause sont identiques, qui, par ailleurs, n’a pas été contestée par les parties.

 Sur la comparaison des signes

23      Selon la jurisprudence, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents, à savoir les aspects visuel, phonétique et conceptuel [arrêts du 21 janvier 2016, Rod Leichtmetallräder/OHMI – Rodi TR (ROD), T‑75/15, non publié, EU:T:2016:26, point 25 ; du 28 mars 2017, Regent University/EUIPO – Regent’s College (REGENT UNIVERSITY), T‑538/15, non publié, EU:T:2017:226, point 27, et du 8 novembre 2017, Steiniger/EUIPO – ista Deutschland (IST), T‑80/17, non publié, EU:T:2017:784, point 43].

24      En outre, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails. Par ailleurs, il y a lieu de tenir compte de la circonstance que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire (arrêts du 28 mars 2017, REGENT UNIVERSITY, T‑538/15, non publié, EU:T:2017:226, point 28, et du 8 novembre 2017, IST, T‑80/17, non publié, EU:T:2017:784, point 44).

25      En l’espèce, la chambre de recours a procédé, aux points 32 à 40 de la décision attaquée, à une analyse du caractère distinctif des différents éléments verbaux composant les marques en conflit. Elle a, notamment, considéré que les éléments verbaux « lopez », « haro » et « heredia » possédaient un caractère distinctif intrinsèque moyen eu égard aux produits en cause. Cela étant, elle a constaté que l’élément verbal « lopez » était plus frappant ou prédominant pour une grande partie du public pertinent non hispanophone de l’Union européenne. À cet égard, elle a tenu compte de la position initiale dudit élément dans les deux marques, du fait qu’il sera reconnu comme un nom de famille (notamment en raison de l’existence de personnages publics mondialement connus portant ce nom) et du fait que les autres éléments verbaux, respectivement « haro » de la marque demandée et « heredia » de la marque antérieure, n’avaient pas de signification pour le public pertinent non hispanophone. S’agissant de l’élément « de », la chambre de recours a conclu qu’il s’agissait d’une préposition dans les noms de famille espagnols qui aurait une fonction purement grammaticale et posséderait donc un faible caractère distinctif.

26      La requérante conteste ces conclusions. Elle fait valoir que l’existence de noms de famille avec des prépositions est familière au consommateur européen, qui percevra les signes en conflit comme des noms de famille composés ou comme deux termes reliés indissolublement par la particule « de ». La requérante soutient cette allégation en citant des exemples de noms de famille avec des prépositions d’origines diverses, en soulignant qu’une telle pratique existait déjà à l’époque romaine.

27      La requérante fait également valoir qu’il convient, en tout état de cause, de procéder à une comparaison des marques en conflit en examinant chaque marque dans son ensemble, les éléments « de heredia » et « de haro » n’étant pas négligeables. La requérante fonde cette affirmation sur le caractère distinctif plus faible du terme « lopez » en raison du caractère courant de ce nom de famille, sur l’usage courant du terme « lopez » dans le secteur du vin et sur la considération que le consommateur européen est habitué à des noms de vins composés de plusieurs mots et à des noms composés d’appellations d’origine différentes. Le consommateur européen serait donc capable de retenir, en regardant une marque, non seulement le nom de famille López, mais aussi d’autres noms ou mots. La requérante fournit, à cet égard, une recherche sur Internet montrant que la combinaison de mots « bodegas lópez » donne un total d’environ 4 340 000 résultats. La requérante considère donc que, lors de la comparaison des marques en conflit, l’accent doit être mis sur les éléments les plus distinctifs, à savoir les éléments « de heredia » et « de haro ».

28      La requérante soutient, à cet égard, que les marques en conflit consistent en des noms de famille composés dont l’élément dominant se trouve dans la partie finale. Selon elle, lorsque deux signes partagent un élément commun connu, comme le nom de famille courant López, les consommateurs sauront que de nombreuses personnes possèdent le même nom de famille et, partant, les différences visuelles, phonétiques et conceptuelles présentes dans la seconde partie du nom de famille sont suffisantes pour écarter le risque de confusion.

29      L’EUIPO, soutenu par l’intervenante, conteste les arguments de la requérante.

30      En l’espèce, il convient d’abord de considérer, à l’instar de la chambre de recours, que la marque demandée est de nature figurative, mais que, malgré un certain style graphique, ladite marque est entièrement composée d’éléments verbaux, à savoir « lopez de haro ». La marque antérieure LOPEZ DE HEREDIA est, quant à elle, de nature verbale.

31      Il convient ensuite d’écarter l’argument selon lequel la chambre de recours n’aurait pas fait un examen des marques en conflit dans leur ensemble. En effet, contrairement à ce que prétend la requérante, la chambre de recours a apprécié le caractère distinctif des éléments composant les signes en conflit afin de déterminer leur importance dans l’impression d’ensemble produite par les signes sur le public pertinent, avant de procéder à une comparaison globale de ces derniers, sans faire abstraction de la présence d’aucun de leurs composants. Cela ressort de la structure de la décision attaquée et du contenu des points 27 à 52 de ladite décision. Si la chambre de recours qualifie l’élément « lopez » comme étant « dominant », son examen, aux points 27 à 52 de la décision attaquée, démontre clairement qu’elle ne qualifie pas les éléments « de heredia » ou « de haro » de négligeables. C’est ainsi que la chambre de recours énonce, au point 40 de la décision attaquée, que « les signes en conflit ne présentent aucun élément clairement plus dominant que les autres » et qu’elle ne conclut pas à une identité des marques en conflit lors de la comparaison sur les plans visuel, phonétique et conceptuel effectuée aux points 41 à 52 de la décision attaquée. Cela étant, il convient d’examiner les arguments de la requérante selon lesquels les parties finales des marques en conflit dominent l’impression des marques dans leur ensemble et, par conséquent, si la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en considérant que l’élément initial « lopez » attirerait davantage l’attention du public pertinent.

32      En ce qui concerne l’élément « lopez », il y a lieu de confirmer la conclusion de la chambre de recours selon laquelle ledit élément verbal sera reconnu comme un nom de famille par le public pertinent au motif qu’il est porté par des personnes publiques connues. Il convient également de confirmer la conclusion selon laquelle ledit élément verbal ne présente aucun lien avec les produits en cause et revêt ainsi un caractère distinctif intrinsèque moyen.

33      Par ailleurs, il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours, que l’élément verbal « de », n’étant qu’une préposition, doit être considéré comme ayant un caractère distinctif faible.

34      Les mots « haro » et « heredia » doivent également être considérés comme revêtant un caractère distinctif intrinsèque moyen, étant donné qu’ils ne présentent aucun lien avec les produits en cause. En outre, ces mots étant rares, voire inconnus du public pertinent non hispanophone, il y a lieu de constater que c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté que ces mots n’auront pas de signification pour cette partie du public pertinent qui ne percevrait ni la marque demandée, ni la marque antérieure comme un nom de famille composé, mais comme un nom de famille associé à un autre mot dont la signification demeure inconnue. Eu égard à ces considérations, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de savoir si la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en considérant qu’il est inhabituel pour le public pertinent en dehors de l’Espagne ou du Portugal d’utiliser des noms de famille composés. Partant, il y a lieu de rejeter comme inopérants les arguments de la requérante tendant à démontrer que le public pertinent est habitué aux noms de famille composés.

35      La chambre de recours était, en outre, fondée à considérer, au point 37 de la décision attaquée, que l’élément « lopez » serait davantage retenu par le public pertinent, dès lors qu’il constitue la partie initiale des deux signes en conflit, à laquelle ledit public attache normalement plus d’importance [voir, en ce sens, arrêts du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI – González Cabello et Iberia Líneas Aéreas de España (MUNDICOR), T‑183/02 et T‑184/02, EU:T:2004:79, point 81, et du 16 mars 2005, L’Oréal/OHMI – Revlon (FLEXI AIR), T‑112/03, EU:T:2005:102, points 64 et 65]. Il convient, à cet égard, de rejeter les arguments de la requérante selon lesquels l’élément verbal « lopez » aurait un caractère distinctif faible, voire serait dépourvu de caractère distinctif. En effet, ledit nom n’a pas de lien avec les produits en cause, ce qui lui confère, comme indiqué au point 32 ci-dessus, un caractère distinctif intrinsèque moyen et l’élément de preuve apporté sous la forme d’une recherche Internet ne démontre pas que l’utilisation du terme « lopez » aurait eu une incidence sur la perception dudit mot par le public pertinent espagnol et encore moins par le public pertinent non hispanophone. C’est donc sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a conclu, aux points 66 à 68 de la décision attaquée, que les résultats de la recherche sur Internet produits par la requérante « ne prouv[ait] pas que les consommateurs [avaient] effectivement visité ces pages web [ni que] des produits [avaient] été effectivement vendus sous la dénomination “[lopez]” » et que les documents produits « ne démontr[ai]ent pas que les consommateurs [avaient] été exposés à un usage intensif des marques incluant l’élément “[lopez]” et qu’ils s’y [étaient] habitués ».

36      Il s’ensuit que c’est à tort que la requérante avance que la comparaison des marques en conflit devrait se faire principalement entre les éléments « haro » et « heredia ». Au contraire, eu égard au positionnement et à la signification claire de l’élément « lopez », il y a lieu de constater que cet élément dominera l’impression des marques en conflit dans leur ensemble par comparaison aux éléments « haro » et « heredia » qui ne seront pas compris par le public pertinent non hispanophone.

37      Partant, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a conclu, en substance, au point 40 de la décision attaquée, que, même si les signes en conflit ne présentaient aucun élément clairement plus distinctif que les autres, il peut être affirmé que le terme « lopez » attire d’avantage l’attention du public pertinent.

 Sur la comparaison visuelle

38      La chambre de recours relève que les signes en conflit présentent en commun les mots « lopez » et « de » ainsi que la lettre « h » au début de leur troisième élément verbal tandis qu’ils se distinguent par la présence des suites de lettres « aro » et « eredia » dans le troisième élément verbal, respectivement, de la marque demandée et de la marque antérieure. Elle en a conclu, au point 46 de la décision attaquée, qu’ils présentent un degré de similitude visuelle moyen.

39      Cette appréciation est exempte de reproche. En effet, si la requérante estime que les signes en conflit sont différents sur le plan visuel en raison de la différence entre les éléments verbaux « haro » et « heredia », il n’en demeure pas moins qu’ils coïncident par l’élément « lopez de » et que cette coïncidence emporte une similitude moyenne sur le plan visuel entre les deux signes.

 Sur la comparaison phonétique

40      Selon la chambre de recours, au point 47 de la décision attaquée, les signes en conflit ont en commun la prononciation des mots « lopez de » et le « h » pour autant qu’il sera prononcé. Ils ne diffèrent que par les termes « eredia » et « aro ». Elle relève également que ces deux signes ont la même structure puisqu’ils sont composés de trois mots, dont les deux premiers sont identiques, et doivent donc être prononcés avec un rythme et une intonation similaires, et en a déduit, au point 50 de la décision attaquée, un degré moyen de similitude sur le plan phonétique.

41      Les arguments de la requérante, à cet égard, tirés de la différence de longueur et de rythme des signes en conflit, doivent également être rejetés. Si, certes, les deux signes diffèrent en ce que la marque antérieure comporte, dans son troisième élément, le mot de quatre syllabes « he-re-di-a » tandis que le signe dont l’enregistrement est demandé comporte, dans son troisième élément, le mot de deux syllabes « ha-ro », cela ne saurait suffire pour contrebalancer les similitudes crées par la prononciation des éléments initiaux communs « lopez de », justifiant ainsi la conclusion de la chambre de recours, selon laquelle les signes en conflit sont similaires à un degré moyen sur le plan phonétique.

 Sur la comparaison conceptuelle

42      Au point 51 de la décision attaquée, la chambre de recours indique que le terme « lopez » sera effectivement perçu par le public pertinent comme un nom de famille, tandis que les termes « heredia » ou « haro » ne revêtiront aucune signification spécifique pour une grande partie du public pertinent. Selon elle, le terme « de » pourrait désigner tout au plus un lieu évoquant l’origine des produits commercialisés sous le signe LOPEZ, comme la cave ou le vignoble d’où provient le vin en question.

43      Par conséquent, les deux signes partageant l’élément « lopez » et l’élément « de », la chambre de recours a estimé qu’ils présentent un degré élevé de similitude sur le plan conceptuel.

44      Il y a lieu de juger que cette approche est exempte d’erreur. En effet, s’agissant de l’élément « lopez » qui est présent dans les deux marques en conflit, celui-ci sera reconnu comme un nom de famille courant par la partie hispanophone du public pertinent. La partie non hispanophone dudit public le reconnaîtra également comme un nom de famille au motif que ce dernier est porté par des personnes célèbres. Toutefois, n’étant pas consciente de la fréquence d’utilisation des différents noms de famille hispaniques, ladite partie du public pertinent ne le percevra pas comme un nom de famille courant et sera donc susceptible de penser que différentes personnes qui portent ce nom appartiennent à la même famille. De plus, il y a lieu d’observer que, dans le monde vitivinicole, les noms importent beaucoup, qu’il s’agisse de noms de famille ou de noms de domaine, dans la mesure où ils servent usuellement à référencer et à désigner les vins [arrêt du 27 juin 2019, Sandrone/EUIPO – J. García Carrión (Luciano Sandrone), T‑268/18, EU:T:2019:452, point 99]. Il s’ensuit qu’il est vraisemblable que la partie non hispanophone du public pertinent associera le nom López, présent dans les deux marques en conflit, à des personnes appartenant à une même famille de viticulteurs commercialisant leurs vins sous leur propre nom.

45      En ce qui concerne les mots « heredia » et « haro », il convient de constater que ceux-ci seront compris par la partie hispanophone du public pertinent comme étant des noms de famille complétant le nom de famille qui les précède pour constituer des noms de famille composés. Quant à la partie non hispanophone dudit public, celle-ci les percevra uniquement comme des termes sans signification sémantique concrète ou dont elle ignore la signification.

46      S’agissant du mot « de » présent dans les deux marques en conflit, il convient de considérer que la partie hispanophone du public pertinent pourrait comprendre qu’il s’agit d’une préposition liant les deux noms de famille. La partie non hispanophone du public pertinent le comprendra, tout au plus, comme une préposition pouvant servir à désigner l’origine géographique de quelqu’un ou de quelque chose. Ainsi, cette dernière partie du public pertinent pourrait éventuellement comprendre que les personnes appartenant à une même famille de viticulteurs exploitent différents domaines dans des lieux dénommés « heredia » ou « haro ».

47      Il résulte ainsi de ce qui précède que si l’ensemble du public pertinent comprendra le terme « lopez » comme désignant un nom de famille, la majorité du public pertinent, à savoir la partie non hispanophone de ce public, pourra associer les marques en conflit à des personnes appartenant à une même famille de viticulteurs commercialisant, sous leur propre nom, des vins issus de différents domaines viticoles. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a conclu à un degré élevé de similitude des marques en conflit sur le plan conceptuel.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

48      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

49      En appliquant le principe d’interdépendance, la chambre de recours a conclu, aux points 57 à 65 de la décision attaquée, que l’identité entre les produits en cause et les similitudes entre les signes, y compris le fait que leur premier élément verbal, le terme « lopez », soit le même, entraîneront un risque de confusion, notamment un risque d’association, entre les marques en conflit, pour une partie significative du public pertinent. Elle a également tenu compte de facteurs tels que les modalités de vente des produits en cause. À cet égard, elle considère que, lorsque les produits sont vendus dans des endroits bruyants (bars, boîtes de nuit), la similitude phonétique est prépondérante, mais que, même lorsque les produits en cause sont exposés visuellement aux consommateurs, les différences ne sont pas suffisantes pour éviter le risque de confusion.

50      La requérante conteste cette conclusion par les arguments exposés aux points 26 à 28 ci-dessus. Elle estime, par ailleurs, que les marques en conflit ont coexisté paisiblement et souligne que l’intervenante ne s’est pas opposée à l’enregistrement d’autres marques contenant l’élément « lopez de haro », dont certaines ont même été enregistrées avant la marque antérieure. Elle invoque également une décision « cruciale » de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) qui démontrerait qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les marques en conflit pour le public anglophone et, par extension, pour le public non hispanophone.

51      L’EUIPO, soutenu par l’intervenante, conteste les arguments de la requérante.

52      Il convient de considérer, à l’instar de la chambre de recours, que, en l’espèce, la partie initiale des éléments verbaux des marques en conflit contribue à les rapprocher d’un point de vue visuel, phonétique et surtout conceptuel. Les différences au niveau du troisième élément des deux marques sont insuffisantes pour contrebalancer ces similitudes. En effet, dans la mesure où les éléments verbaux « lopez » et « de » constituent la partie initiale des marques en conflit, ils sont susceptibles de retenir l’attention du consommateur davantage que la partie suivante [voir en ce sens, arrêts du 17 mars 2004, MUNDICOR, T‑183/02 et T‑184/02, EU:T:2004:79, point 81, et du 13 mai 2015, Harper Hygienics/OHMI – Clinique Laboratories (CLEANIC natural beauty), T‑363/12, non publié, EU:T:2015:278, point 69] . Il en va notamment ainsi en ce qui concerne les marques en conflit étant donné que, comme cela a déjà été relevé au point 32 ci-dessus, l’élément commun « lopez » sera perçu par le public pertinent comme un nom de famille et qu’il ne présente pas de lien avec les produits en cause, ce qui lui confère un caractère distinctif intrinsèque moyen.

53      Un facteur supplémentaire à prendre en considération, à cet égard, est que les éléments « haro » et « heredia » ne seront pas compris par la majorité du public pertinent, à savoir la partie non hispanophone de ce public, qui, de ce fait, les mémorisera plus difficilement. Cela a pour effet, comme l’a constaté la chambre de recours au point 63 de la décision attaquée, que la majorité du public pertinent puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. En effet, il est habituel que les entreprises utilisent des marques dérivant d’une marque principale et partageant avec elle un élément dominant commun, pour distinguer leurs différentes lignes de production [voir, par analogie, arrêt du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, EU:T:2002:262, point 49]. Il convient à cet égard de rappeler que le risque de confusion, qui comprend le risque d’association, couvre également les cas dans lesquels le public ne confond pas seulement directement les marques, mais leur attribue la même origine commerciale. Dès lors, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement (arrêts du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger, C‑9/93, EU:C:1994:261, points 34 et 37, et du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, points 28 et 29). Cela vaut notamment en l’espèce dans la mesure où, comme il a été relevé au point 47 ci-dessus, la partie non hispanophone du public pertinent pourra associer les marques en conflit à des personnes appartenant à une même famille de viticulteurs et commercialisant sous leur nom des vins issus de différents domaines viticoles.

54      Il convient également de considérer, comme l’avance l’EUIPO à juste titre, que l’existence de noms de vins composés n’exclut pas la possibilité que le public y fasse référence sous une forme simplifiée, surtout si le nom est en partie incompréhensible. Dans ce cas, il ne peut pas non plus être exclu que le public pertinent garde en mémoire une version simplifiée du nom du vin plutôt que son nom complet. Il convient de rappeler, à cet égard, que le public pertinent est constitué du grand public, qui n’est pas nécessairement un connaisseur de vins ou d’appellations d’origine.

55      Outre les facteurs mentionnés ci-dessus, il y a lieu de souligner que les produits en cause sont identiques, ce qui, en application du principe d’interdépendance, contribue au risque de confusion.

56      Eu égard à ce qui précède, il convient de juger que, au terme d’une appréciation globale, il existe un risque de confusion pour le public pertinent présentant un niveau d’attention moyen.

57      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante selon lesquelles les marques en cause auraient coexisté paisiblement.

58      En effet, l’éventualité qu’une coexistence de marques antérieures sur le marché puisse amoindrir le risque de confusion constaté ne saurait être prise en considération que si, à tout le moins, au cours de la procédure concernant des motifs relatifs de refus devant l’EUIPO, le demandeur de la marque de l’Union européenne a démontré à suffisance que ladite coexistence reposait sur l’absence d’un risque de confusion, dans l’esprit du public pertinent, entre les marques antérieures dont il se prévaut et la marque antérieure qui fonde l’opposition, et sous réserve que les marques antérieures invoquées par le demandeur et la marque antérieure de la partie intervenante qui fonde l’opposition soient identiques [voir arrêts du 12 juin 2018, Cotécnica/EUIPO – Mignini & Petrini (cotecnica MAXIMA), T‑136/17, non publié, EU:T:2018:339, point 85 et jurisprudence citée, et du 27 février 2020, Knaus Tabbert/EUIPO – Carado (CaraTour), T‑202/19, non publié, EU:T:2020:75, point 84 et jurisprudence citée]. Si la marque antérieure sur laquelle est fondée l’opposition est une marque de l’Union européenne, il incombe à la partie invoquant une coexistence entre cette marque antérieure et d’autres marques de la prouver sur le territoire de l’ensemble des États membres [voir arrêt du 20 novembre 2017, Cotécnica/EUIPO – Visán Industrias Zootécnicas (cotecnica OPTIMA), T‑465/16, non publié, EU:T:2017:825, point 99 et jurisprudence citée]. Or, en l’espèce, la requérante n’a fourni aucun argumentaire ou document permettant d’établir que les conditions susvisées sont remplies en l’espèce.

59      Il en va de même en ce qui concerne la décision de l’OPIC autorisant l’enregistrement de la marque figurative canadienne no 187668, Hacienda López de Haro, malgré l’opposition formée par l’intervenante, qui démontrerait qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les marques en conflit pour le public anglo-saxon et, par extension, pour le public non hispanophone.

60      En effet, hormis le fait que la décision invoquée par la requérante ne concerne pas des signes identiques à ceux qui sont en cause dans le cadre du présent recours et que l’OPIC ne se prononce pas sur le risque de confusion dans ladite décision, il convient de rappeler que le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national et la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO devant être appréciée uniquement sur le fondement de la réglementation de l’Union pertinente (voir arrêt du 17 juillet 2008, L & D/OHMI, C‑488/06 P, EU:C:2008:420, point 58 et jurisprudence citée). Dès lors, l’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue dans un État membre ou dans un pays tiers admettant ou refusant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale [voir, en ce sens, arrêt du 17 janvier 2019, Ecolab USA/EUIPO (SOLIDPOWER), T‑40/18, non publié, EU:T:2019:18, point 47].

61      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le moyen unique et, partant, le recours dans son ensemble comme non fondé sans qu’il soit nécessaire d’examiner la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante et de procéder à l’examen d’un éventuel risque de confusion sur la base de la seconde marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

63      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Vintae Luxury Wine Specialists SLU est condamnée aux dépens.

Tomljenović

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 avril 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.