Language of document : ECLI:EU:T:2011:518

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

22 septembre 2011 (*)

« FEOGA – Section ‘Orientation’ – Réduction d’un concours financier – Concours financier alloué à un programme opérationnel destiné à l’amélioration de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles – Efficacité des contrôles – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑67/10,

Royaume d’Espagne, représenté par M. M. Muñoz Pérez, abogado del Estado,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. F. Jimeno Fernández et G. von Rintelen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2009) 9827 de la Commission, du 10 décembre 2009, portant application de corrections financières au concours du FEOGA, section « Orientation », alloué au programme opérationnel CCI 2000.ES.16.1.PO.007 (Espagne – Castille-et-Léon), en relation avec la mesure d’amélioration de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. E. Moavero Milanesi, président, N. Wahl (rapporteur) et S. Soldevila Fragoso, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 juin 2011,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Les articles 26 et 28 du règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) et modifiant et abrogeant certains règlements (JO L 160, p. 80), sont ainsi libellés :

« Article 26

1. Peuvent bénéficier de l’aide [à l’investissement destinée à faciliter l’amélioration de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles] les personnes responsables en dernière instance du financement des investissements dans les entreprises :

–        dont la viabilité économique peut être démontrée

et

–        qui satisfont aux normes minimales requises dans les domaines de l’environnement, de l’hygiène et du bien-être des animaux.

2. Les investissements doivent contribuer à l’amélioration de la situation du secteur de production agricole de base concerné. Ils doivent assurer une participation adéquate des producteurs des produits de base aux avantages économiques qui en découlent.

3. L’existence de débouchés commerciaux normaux pour les produits concernés doit être attestée par des preuves suffisantes.

[…]

Article 28

1. Sont exclus du soutien les investissements :

–        au niveau du commerce de détail ;

–        destinés à la commercialisation ou à la transformation de produits provenant des pays tiers.

[…] »

2        Le règlement n° 1257/1999 a été partiellement abrogé par le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil, du 20 septembre 2005, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 277, p. 1), mais a continué à s’appliquer aux actions approuvées par la Commission avant le 1er janvier 2007 (voir article 93, paragraphe 1, du règlement n° 1698/2005).

3        Le cadre juridique régissant les fonds à finalité structurelle, parmi lesquels figurent le FEOGA, section « Orientation », en ce qui concerne notamment les objectifs, l’organisation, le fonctionnement et la mise en œuvre des interventions, de même que le rôle et les compétences de la Commission et des États membres en la matière, est déterminé pour l’essentiel, s’agissant de la période de programmation 2000-2006, pertinente en l’espèce, dans le règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, portant dispositions générales sur les fonds structurels (JO L 161, p. 1).

4        L’article 38 du règlement n° 1260/1999 dispose :

« 1.  Sans préjudice de la responsabilité de la Commission dans l’exécution du budget général de l’Union européenne, les États membres assument en premier ressort la responsabilité du contrôle financier de l’intervention. À cette fin, ils prennent notamment les mesures suivantes :

a)       ils vérifient que des systèmes de gestion et de contrôle ont été mis en place et sont mis en œuvre de manière à assurer une utilisation efficace et régulière des fonds communautaires ;

b)       ils communiquent à la Commission une description de ces systèmes ;

c)       ils s’assurent que les interventions sont gérées conformément à l’ensemble de la réglementation communautaire applicable et que les fonds mis à leur disposition sont utilisés conformément aux principes de la bonne gestion financière ;

d)       ils certifient que les déclarations de dépenses présentées à la Commission sont exactes et veillent à ce qu’elles procèdent de systèmes de comptabilité basés sur des pièces justificatives susceptibles d’être vérifiées ;

e)       ils préviennent, détectent et corrigent les irrégularités ; conformément à la réglementation en vigueur, ils les communiquent à la Commission, qu’ils tiennent informée de l’évolution des poursuites administratives et judiciaires ;

f)       ils présentent à la Commission, lors de la clôture de chaque intervention, une déclaration établie par une personne ou un service fonctionnellement indépendant de l’autorité de gestion désignée. Cette déclaration fait la synthèse des conclusions des contrôles effectués les années précédentes et se prononce sur la validité de la demande de paiement du solde ainsi que sur la légalité et la régularité des opérations concernées par le certificat final des dépenses. Les États membres accompagnent ce certificat de leur avis s’ils le jugent nécessaire ;

g)       ils coopèrent avec la Commission pour assurer une utilisation des fonds communautaires conforme au principe de la bonne gestion financière ;

h)       ils récupèrent les montants perdus à la suite d’une irrégularité constatée, en appliquant, le cas échéant, des intérêts de retard. 

2.       La Commission, dans le cadre de sa responsabilité dans l’exécution du budget général de l’Union européenne, s’assure de l’existence et du bon fonctionnement dans les États membres de systèmes de gestion et de contrôle de manière à ce que les fonds communautaires soient utilisés de manière régulière et efficace.

À cette fin, sans préjudice des contrôles effectués par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, des fonctionnaires ou agents de la Commission peuvent, conformément aux arrangements convenus conclus avec les États membres dans le cadre de la coopération visée au paragraphe 3, effectuer des contrôles sur place, notamment par sondage, des opérations financées par les fonds et des systèmes de gestion et de contrôle, avec un préavis d’un jour ouvrable au minimum. La Commission en informe l’État membre concerné, de manière à obtenir toute l’aide nécessaire. Des fonctionnaires ou agents de l’État membre peuvent participer à ces contrôles.

La Commission peut demander à l’État membre concerné d’effectuer un contrôle sur place pour vérifier la régularité d’une ou plusieurs opérations. Des fonctionnaires ou des agents de la Commission peuvent participer à ces contrôles.

3.       Sur la base d’arrangements administratifs bilatéraux, la Commission et les États membres coopèrent pour coordonner les programmes, la méthodologie et la mise en œuvre des contrôles afin de maximiser l’utilité des contrôles effectués. Ils se transmettent sans délai les résultats des contrôles effectués.

Une fois par an au moins et, en tout cas, avant l’examen annuel prévu à l’article 34, paragraphe 2, les éléments mentionnés ci-après sont examinés et évalués :

a)       les résultats des contrôles effectués par l’État membre et la Commission ;

b)       les observations éventuelles des autres organes ou institutions de contrôle nationaux ou communautaires ;

c)       l’impact financier des irrégularités constatées, les mesures déjà prises ou encore nécessaires pour les corriger et, le cas échéant, les modifications des systèmes de gestion et de contrôle.

4.       À la suite de cet examen et de cette évaluation et sans préjudice des mesures à prendre sans délai par l’État membre au titre du présent article et de l’article 39, la Commission peut formuler des observations, notamment sur l’impact financier des irrégularités éventuellement constatées. Ces observations sont adressées à l’État membre et à l’autorité de gestion de l’intervention concernée. Ces observations sont assorties, le cas échéant, de demandes de mesures correctives visant à remédier aux insuffisances de gestion et à corriger les irrégularités détectées qui n’auraient pas déjà été corrigées. L’État membre a la possibilité de commenter ces observations.

Lorsque, à la suite ou en l’absence d’observations de l’État membre, la Commission adopte des conclusions, l’État membre prend, dans le délai imparti, les mesures requises pour donner suite aux demandes de la Commission et informe la Commission des dispositions qu’il prend.

5.       Sans préjudice du présent article, la Commission, après vérification en bonne et due forme, peut suspendre tout ou partie d’un paiement intermédiaire si elle constate que les dépenses en cause sont entachées d’une grave irrégularité qui n’a pas été corrigée et qu’il faut agir sans délai. Elle informe l’État membre concerné des mesures prises et de leur motivation. Si, après cinq mois, les motifs ayant justifié la suspension subsistent ou si l’État membre concerné n’a pas communiqué à la Commission les mesures prises pour corriger la grave irrégularité, l’article 39 s’applique.

6.       Sauf disposition contraire figurant dans les arrangements administratifs bilatéraux, au cours des trois années suivant le paiement par la Commission du solde relatif à une intervention, les autorités responsables tiennent à la disposition de la Commission toutes les pièces justificatives (soit les originaux, soit des copies certifiées conformes aux originaux sur des supports de données généralement acceptés) relatives aux dépenses et aux contrôles afférents à l’intervention concernée. Ce délai est suspendu soit en cas de poursuites judiciaires, soit à la demande dûment motivée de la Commission. »

5        L’article 39 du règlement n° 1260/1999, intitulé « Corrections financières », est ainsi libellé :

« 1.  Il incombe en premier lieu aux États membres de poursuivre les irrégularités et d’agir lorsque est constatée une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en œuvre ou de contrôle d’une intervention, et d’effectuer les corrections financières nécessaires.

Les États membres procèdent aux corrections financières requises en liaison avec l’irrégularité individuelle ou systémique. Les corrections auxquelles procède l’État membre consistent en une suppression totale ou partielle de la participation communautaire. Les fonds communautaires ainsi libérés peuvent être réaffectés par l’État membre à l’intervention concernée, dans le respect des modalités à définir en vertu de l’article 53, paragraphe 2.

2.       Si, après avoir procédé aux vérifications nécessaires, la Commission conclut :

a)       qu’un État membre ne s’est pas conformé aux obligations qui lui incombent en vertu du paragraphe 1

ou

b)       qu’une partie ou la totalité d’une intervention ne justifie ni une partie ni la totalité de la participation des fonds

ou

c)       qu’il existe des insuffisances graves dans les systèmes de gestion ou de contrôle qui pourraient conduire à des irrégularités de caractère systémique,

la Commission suspend les paiements intermédiaires concernés et demande, en indiquant ses motifs, à l’État membre de présenter ses observations et, le cas échéant, d’effectuer les corrections éventuelles dans un délai déterminé.

Si l’État membre conteste les observations de la Commission, celle-ci l’invite à une audience au cours de laquelle les deux parties s’efforcent, dans un esprit de coopération fondée sur le partenariat, de parvenir à un accord sur les observations et les conclusions à en tirer.

3.       À l’expiration du délai fixé par la Commission, en l’absence d’accord et si l’État membre n’a pas effectué les corrections et compte tenu des observations éventuelles de l’État membre, la Commission peut décider, dans un délai de trois mois :

[…]

b)       de procéder aux corrections financières requises en supprimant tout ou partie de la participation des fonds à l’intervention concernée.

Lorsqu’elle établit le montant d’une correction, la Commission tient compte, conformément au principe de proportionnalité, de la nature de l’irrégularité ou de la modification ainsi que de l’étendue et des conséquences financières des défaillances constatées dans les systèmes de gestion ou de contrôle des États membres.

[…] »

6        Le règlement n° 1260/1999 a été abrogé par le règlement (CE) n° 1083/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion (JO L 210, p. 25), mais, conformément à l’article 105, paragraphe 1, et à l’article 107 de ce dernier, le règlement n° 1260/1999 continue à s’appliquer aux programmes opérationnels antérieurs.

7        L’article 4 du règlement (CE) n° 438/2001 de la Commission, du 2 mars 2001, fixant les modalités d’application du règlement n° 1260/1999 en ce qui concerne les systèmes de gestion et de contrôle du concours octroyé au titre des fonds structurels (JO L 63, p. 21), énonce :

« Les systèmes de gestion et de contrôle prévoient des procédures pour vérifier la remise des produits et services cofinancés et la réalité des dépenses déclarées ainsi que pour assurer le respect des conditions établies dans la décision correspondante de la Commission au titre de l’article 28 du règlement […] n° 1260/1999 et avec les règles nationales et communautaires en vigueur concernant, en particulier, l’éligibilité des dépenses pour le concours des fonds structurels au titre de l’intervention concernée, les marchés publics, les aides d’État (y compris les règles relatives au cumul des aides), la protection de l’environnement et l’égalité des chances.

Les procédures prévoient de garder trace des vérifications d’opérations individuelles sur place. Les dossiers concernés font rapport du travail accompli, des résultats des vérifications et des mesures prises à l’égard des anomalies constatées. Si les vérifications physiques ou administratives ne sont pas exhaustives, mais ont été effectuées sur un échantillon d’opérations, les dossiers identifient les opérations sélectionnées et décrivent la méthode d’échantillonnage. »

8        Par un document C(2001) 476, du 2 mars 2001, la Commission a élaboré des orientations définissant les principes, les critères et les barèmes indicatifs à appliquer par ses services pour la détermination des corrections financières visées à l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999 (ci-après les « orientations de 2001 »).

9        Aux termes du point 1, sous e), de ce document :

« Dans les cas d’infractions individuelles ou d’irrégularités systémiques dont les conséquences financières ne sont pas quantifiables, parce qu’elles sont assujetties à trop de variables ou produisent des effets diffus, comme celles découlant d’un manque de contrôles efficaces visant à prévenir ou détecter les irrégularités ou à assurer le respect d’une condition de l’intervention ou d’une règle communautaire, mais dans les situations où il serait néanmoins disproportionné de supprimer le concours totalement, il y a lieu d’appliquer des corrections forfaitaires.

[…] Les corrections forfaitaires sont déterminées en fonction de la gravité de la défaillance du système de gestion ou de contrôle ou de l’infraction déterminée ainsi que des conséquences financières de l’irrégularité […] »

 Antécédents du litige

10      Le 22 février 2001, la Commission a adopté la décision C (2001) 248 relative à l’octroi d’une aide du Fonds européen de développement régional (FEDER), du FEOGA, section « Orientation » et du Fonds social européen (FSE) à un programme opérationnel intégré de la communauté autonome de Castille-et-Léon (Espagne), qui s’inscrivait dans le cadre communautaire d’appui des aides structurelles aux régions espagnoles concernées par l’objectif n° 1 pour la période 2000-2006 (programme opérationnel CCI 2000.ES.16.1.PO.007) (ci-après le « Programme »).

11      Du 18 au 29 octobre 2004, les services de la Commission ont, conformément à l’article 38, paragraphe 2, du règlement n° 1260/1999, effectué une mission d’audit en Espagne en vue d’examiner le fonctionnement du système de gestion et de contrôle mis en place en ce qui concerne le Programme.

12      Par lettre du 18 juillet 2005, les résultats de cette mission ont été communiqués aux autorités espagnoles. Les services de la Commission y indiquaient que des carences avaient été détectées au niveau des vérifications devant être effectuées au titre de l’article 4 du règlement n° 438/2001, qui étaient de nature à avoir une incidence sur les critères d’éligibilité prévus aux articles 26 et 28 du règlement n° 1257/1999 en ce qui concerne la mesure 1.2 portant sur l’amélioration de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles.

13      Les autorités espagnoles ont répondu en date du 18 octobre 2005.

14      Le 2 juillet 2008, la Commission a communiqué ses conclusions officielles et a convoqué les autorités espagnoles compétentes à une réunion bilatérale. Un compte rendu de cette dernière réunion, qui s’est tenue le 23 septembre 2008, a été transmis auxdites autorités le 18 décembre 2008.

15      Les autorités espagnoles ont fourni des informations complémentaires à la Commission le 21 janvier 2009.

16      En date du 18 septembre 2009, la Commission a fait part aux autorités espagnoles de sa position finale. Elle concluait, en substance, que, eu égard aux constatations effectuées lors de la mission d’audit et en tenant compte des explications fournies par les autorités espagnoles, elle maintenait qu’il existait des déficiences dans le système de gestion et de contrôle ayant dû être mis en place et qu’il convenait, à ce titre, d’appliquer une correction financière de 5 % du concours octroyé au titre du Programme.

17      Par la décision C (2009) 9827 de la Commission, du 10 décembre 2009, portant application de corrections financières au concours du FEOGA, section « Orientation », alloué au programme opérationnel CCI 2000.ES.16.1.PO.007 (Espagne – Castille-et-Léon), en relation avec la mesure d’amélioration de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles (ci-après la « décision attaquée »), le concours qui a été alloué en application de la décision C (2001) 248 a été réduit de 6 959 950,60 euros.

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée le 17 février 2010 au greffe du Tribunal, le Royaume d’Espagne a introduit le présent recours.

19      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a demandé à la Commission de produire un document. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 16 juin 2011.

20      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

 En droit

22      La requérante présente deux moyens au soutien de son recours. Le premier moyen est pris d’une violation de l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999 en ce que les irrégularités qui ont motivé la correction financière litigieuse n’auraient pas existé. Le second moyen est tiré d’une méconnaissance du principe de proportionnalité, principe qui est énoncé à cette même disposition et qui doit être lu à l’aune des orientations de 2001.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999 en ce que les irrégularités qui ont motivé la correction financière litigieuse n’auraient pas existé

23      Il importe de rappeler, à titre liminaire, que le financement par le FEOGA des dépenses effectuées par ses autorités nationales est régi par la règle selon laquelle seules les dépenses effectuées en conformité avec les règles communautaires sont à la charge du budget de l’Union (arrêt de la Cour du 6 octobre 1993, Italie/Commission, C‑55/91, Rec. p. I‑4813, point 67 ; voir arrêt du Tribunal du 18 juin 2010, Luxembourg/Commission, T‑549/08, non encore publié au Recueil, point 45, et la jurisprudence citée).

24      En vertu de l’article 39, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 1260/1999, la Commission suspend les paiements intermédiaires si, après avoir procédé aux vérifications nécessaires, elle conclut qu’il existe des insuffisances graves dans les systèmes de gestion ou de contrôle qui pourraient conduire à des irrégularités de caractère systémique. L’article 39, paragraphe 3, du même règlement indique que la Commission peut ensuite, le cas échéant, procéder aux corrections financières requises en supprimant tout ou partie de la participation du fonds à l’intervention concernée.

25      Conformément à l’exigence de bonne gestion financière qui s’impose dans la mise en œuvre des fonds structurels et eu égard aux responsabilités dévolues aux autorités nationales dans cette mise en œuvre, l’obligation des États membres de mettre en place des systèmes de gestion et de contrôle, visée à l’article 38, paragraphe 1, du règlement n° 1260/1999 et dont les modalités sont précisées aux articles 2 à 8 du règlement n° 438/2001, revêt un caractère essentiel (arrêt Luxembourg/Commission, précité, point 47).

26      En l’espèce, il y a lieu de déterminer si c’est à bon droit que la Commission a conclu que les autorités espagnoles ne s’étaient pas conformées à l’obligation, prévue à l’article 4 du règlement n° 438/2001, de mettre en place des procédures efficaces en vue de vérifier si les critères d’éligibilité des dépenses énoncés aux articles 26 et 28 du règlement n° 1257/1999 étaient remplis.

27      Il importe de souligner que, en l’occurrence, les services de la Commission ont constaté, lors de la mission d’audit, que non seulement les instructions édictées par les autorités espagnoles ne détaillaient pas la nature des contrôles devant être effectués en vue de garantir le respect de toutes les conditions d’éligibilité des aides énoncées aux articles 26 et 28 du règlement n° 1257/1999, mais que la preuve documentée de ce que les demandeurs d’aides remplissaient lesdites conditions n’était pas systématiquement exigée. Ainsi que cela ressort du considérant 10 de la décision attaquée, après examen des informations fournies par le Royaume d’Espagne dans le cadre de la procédure administrative de correction financière, la Commission a maintenu que le système de gestion et de contrôle mis en place dans le cadre du Programme était défaillant. Elle a notamment considéré que, s’il était vrai que les autorités nationales effectuaient des vérifications complémentaires portant sur les projets financés et qu’elles s’étaient, à la suite de la mission d’audit, engagées dans la mise en œuvre d’un plan de contrôle, il n’en restait pas moins que les vérifications requises par les articles 26 et 28 du règlement n° 1257/1999 n’avaient pas été exécutées de manière exhaustive au stade des décisions d’octroi des concours financiers. La Commission en a conclu qu’il existait une défaillance au niveau du contrôle du respect des exigences découlant de ces dispositions ainsi que de l’article 4 du règlement n° 438/2001.

28      À cet égard, il est incontestable que l’appréciation du point de savoir si un demandeur d’aide aux investissements dans le secteur visé remplit les exigences des articles 26 et 28 du règlement n° 1257/1999 doit avoir été effectuée au stade de l’octroi du concours financier, et non à un stade ultérieur. En effet, par définition, la preuve que les demandeurs de concours financés, en tout ou partie, par les fonds structurels remplissent les conditions d’éligibilité prévues par la réglementation pertinente doit avoir été établie à la date d’octroi du concours financier. Ce n’est qu’à cette condition, qui permet d’éviter l’engagement de dépenses et l’exécution indue de paiements à l’égard d’opérations non conformes aux objectifs poursuivis, que peut être garanti le respect du principe de bonne gestion financière des ressources allouées au titre d’un programme financé par les fonds structurels, principe auquel les États membres doivent, en collaboration avec la Commission, veiller dans le cadre de la gestion partagée des fonds structurels. Cette appréciation n’a, au demeurant, pas été contestée par le Royaume d’Espagne.

29      Or, s’agissant, en l’espèce, du contrôle du respect tant des exigences prévues dans le domaine de l’environnement, de l’hygiène et du bien-être des animaux que de l’exclusion du bénéfice du régime d’aide des investissements relatifs à la commercialisation ou à la transformation de produits provenant des pays tiers, il apparaît que la Commission n’a pas pu obtenir la garantie que les critères d’éligibilité des concours financés au titre du Programme étaient remplis au stade des décisions d’octroi desdits concours.

30      Outre le fait que les vérifications des conditions d’éligibilité établies aux articles 26 et 28 du règlement n° 1257/1999 étaient effectuées sur la base d’éléments présentés postérieurement à l’octroi des concours, il ressort des informations transmises par les autorités nationales compétentes, d’une part, que, antérieurement au 1er août 2005, aucune instruction précise n’avait été donnée par ces autorités au sujet desdites vérifications, et, d’autre part, qu’il n’a pas été établi qu’étaient effectuées de manière systématique des vérifications. S’agissant de ce dernier aspect, il est en effet apparu que, en ce qui concernait les projets pour lesquels les paiements finaux avaient été effectués avant le 1er août 2005, seul un échantillon de 15 % des projets avait fait l’objet des vérifications exigées par les articles 26 et 28 du règlement n° 1257/1999 (voir considérant 11 de la décision attaquée).

31      La simple référence à certaines dispositions nationales, à savoir à l’article 4 du Real Decreto 117/2001, de 9 de febrero, por el que se establece la normativa básica de fomento de las inversiones para la mejora de las condiciones de transformaciόn y comercializaciόn de los productos agrarios, silvícolas y de la alimentaciόn (décret royal 117/2001, du 9 février 2001, portant réglementation de base relative à la promotion des investissements en faveur de l’amélioration de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, sylvicoles et alimentaires) (BOE n° 36, du 10 février 2001, p. 5155) et aux articles 7, 14, 15 et 61 de l’Orden de 3 de mayo de 2001 de la Consejería de agricultura y Ganadería de la Junta de Castilla y Leόn, de regulaciόn y convocatoria de ayudas a la transformaciόn y comercializaciόn de los productos agrarios, silvícolas y de la alimentaciόn en Castilla y Leόn (arrêté du 3 mai 2001 du département ministériel de l’Agriculture et de l’Élevage du gouvernement de Castille-et-Léon, portant réglementation et demande de concours en faveur de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, sylvicoles et alimentaires en Castille-et-Léon) (BOCYL n° 92, du 14 mai 2001, p. 7349), à l’élaboration de certains rapports techniques sans explication additionnelle portant sur les instructions communiquées concrètement par les autorités compétentes ainsi que sur l’effectivité et l’exhaustivité des contrôles mis en place ne saurait convaincre. Elle n’est notamment pas de nature à lever les doutes qu’éprouvait la Commission quant au caractère systématique et documenté des vérifications effectuées par les services provinciaux en vue de se conformer aux exigences découlant de la réglementation applicable. À cet égard, et ainsi que la Commission l’a souligné à l’audience, ce n’est pas tant l’existence de vérifications des conditions d’éligibilité des aides conformes aux dispositions de l’article 4 du règlement n° 438/2001 qui a été mise en cause par les services de la Commission, mais plutôt le fait, d’une part, que n’avaient pas été détaillées les vérifications à effectuer pour s’assurer du respect de ces conditions et, d’autre part, qu’il n’avait pas été exigé de manière systématique la preuve du respect desdites exigences.

32      L’argumentation du Royaume d’Espagne selon laquelle, contrairement à ce qu’aurait suggéré la Commission, le plan de contrôle adopté par les autorités espagnoles à la suite de la mission d’audit ne visait pas à compenser l’absence de vérifications préalables à l’octroi des aides financières, mais seulement à vérifier l’efficacité de ces dernières, n’est pas de nature à remettre en cause la conclusion à laquelle est parvenue la Commission. En effet, dès lors qu’il a été établi que les vérifications préalables à l’octroi des concours financiers au titre des projets financés dans le cadre du Programme étaient caractérisées par certaines carences, les résultats des contrôles effectués après l’octroi desdits concours étaient de nature à être faussés.

33      Il résulte de l’ensemble de ces considérations que c’est à bon droit que la Commission a considéré que les autorités espagnoles avaient méconnu les exigences découlant de l’article 4 du règlement n° 438/2001 et des articles 26 et 28 du règlement n° 1257/1999, méconnaissance qui était de nature à justifier l’imposition d’une correction financière en application de l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999.

34      Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

35      Le Royaume d’Espagne conteste le caractère proportionné de la correction de 5 % imposée en l’espèce. Il fait valoir en substance que le risque de pertes auquel a été exposé le FEOGA, qui, ainsi qu’il ressort du plan de contrôle mis en place à la suite de la mission d’audit, est de 2,37 %, est bien inférieur au niveau de cette correction financière.

36      Or, si, ainsi que le Royaume d’Espagne l’évoque, le risque de perte auquel les fonds communautaires ont été exposés, constitue, selon le point 2.1 des orientations de 2001, le facteur clé pour évaluer le caractère approprié de la correction financière forfaitaire, il ne saurait être fait référence aux résultats du plan de contrôle mis en place à la suite de la mission d’audit. Ainsi qu’il ressort des considérations exposées ci-dessus, le plan d’action mis en œuvre par les autorités espagnoles, qui visait à mettre en place des vérifications quant au respect des conditions d’éligibilité postérieurement à l’octroi des aides sur la base d’informations disponibles à la date de ces vérifications, ne peut être considéré comme pertinent dans l’évaluation du niveau d’efficacité des vérifications du respect des critères d’éligibilité visés aux articles 26 et 28 du règlement n° 1257/1999, qui doivent être opérées préalablement à l’octroi des concours financiers.

37      Par ailleurs, la Commission a, en conformité avec l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999, tenu compte de la nature de l’irrégularité ou de la modification ainsi que de l’étendue et des conséquences financières des défaillances constatées dans les systèmes de gestion ou de contrôle. Dès lors que les conséquences financières des irrégularités constatées en l’espèce n’étaient pas quantifiables, parce qu’elles étaient assujetties à trop de variables ou qu’elles produisaient des effets diffus, elle a, en conformité avec les orientations de 2001, décidé d’appliquer une correction forfaitaire. Par ailleurs, la nature et la gravité des manquements constatés justifiaient à tout le moins en l’espèce l’application du taux de correction de 5 % envisagé au point 2.3 desdites orientations dans l’hypothèse où tous les éléments clés du système fonctionnent, mais où leur cohérence, leur fréquence ou leur intensité n’est pas conforme à la réglementation.

38      Partant, il ne saurait être conclu que la Commission a méconnu le principe de proportionnalité en imposant une correction financière correspondant à 5 % des dépenses du concours octroyé au titre du FEOGA.

39      Pour ces motifs, il y a également lieu de rejeter le second moyen soulevé par le Royaume d’Espagne et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

40      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Royaume d’Espagne ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Royaume d’Espagne est condamné aux dépens.

Moavero Milanesi

Wahl

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 septembre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.