Language of document : ECLI:EU:T:2024:219

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

10 avril 2024 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Procédure disciplinaire – Sanction disciplinaire – Révocation – Enquête de l’OLAF – Principe de bonne administration – Article 22 de l’annexe IX du statut – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation – Article 10 de l’annexe IX du statut – Proportionnalité – Confiance légitime – Devoir de sollicitude »

Dans l’affaire T‑22/22,

AL, représenté par Me R. Rata, avocate,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer et M. Alver, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. R. da Silva Passos, président, Mmes N. Półtorak (rapporteure) et T. Pynnä, juges,

greffier : M. A. Marghelis, administrateur,

vu l’ordonnance du 31 mars 2022, AL/Conseil (T‑22/22 R, non publiée, EU:T:2022:200),

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 14 septembre 2023, lors de laquelle le Tribunal a décidé de rejeter la demande de suspension de la procédure introduite par le requérant,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, AL, demande l’annulation de la décision du Conseil de l’Union européenne du 27 septembre 2021 par laquelle il a été révoqué de ses fonctions (ci-après la « décision attaquée »).

I.      Antécédents du litige

2        Le requérant est fonctionnaire au secrétariat général du Conseil depuis le 1er décembre 2007.

3        Après que le requérant en a formulé la demande, diverses allocations lui ont été accordées entre 2009 et 2019, dans la mesure où sa mère ainsi que quatre autres personnes ont été assimilées à des enfants à sa charge au sens de l’article 2, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci‑après le « statut »).

4        Par une lettre du 7 septembre 2016, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a fait part à l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) de ses inquiétudes concernant les demandes d’allocations familiales introduites par le requérant.

5        Le 8 novembre 2016, l’OLAF a ouvert une enquête relative à des soupçons de fraude de la part du requérant en ce qui concernait la satisfaction des conditions requises pour obtenir des allocations familiales, dont, notamment, la composition de sa famille.

6        Le 23 décembre 2020, le requérant a été informé de la clôture de l’enquête de l’OLAF. Dans son rapport, l’OLAF a notamment recommandé, d’une part, au Conseil de prendre toutes les mesures appropriées pour le recouvrement d’un montant indûment versé au requérant au titre desdites allocations et, d’autre part, l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre du requérant.

7        Le 22 janvier 2021, le directeur général de l’administration du Conseil a adressé à l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) une note interne, laquelle contenait un certain nombre de suggestions en faveur de la mise en œuvre des recommandations de l’OLAF.

8        Le 10 février 2021, l’AIPN a décidé, conformément à l’article 3 de l’annexe IX du statut, d’engager une procédure disciplinaire à l’encontre du requérant.

9        Dans son avis motivé du 5 juillet 2021, le conseil de discipline du Conseil a proposé, comme sanction, le classement du requérant dans un groupe de fonctions inférieur, avec rétrogradation.

10      Le 27 septembre 2021, à l’issue de la procédure disciplinaire, l’AIPN a adopté la décision attaquée prévoyant la sanction de la révocation à l’égard du requérant conformément à l’article 9, paragraphe 1, sous h), de l’annexe IX du statut.

11      Le 22 décembre 2021, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision attaquée.

II.    Faits postérieurs à l’introduction du recours

12      À la suite de l’ordonnance du 31 mars 2022, AL/Conseil (T‑22/22 R, non publiée, EU:T:2022:200), accordant le sursis à l’exécution de la décision attaquée, le requérant a été réintégré dans ses fonctions avec effet au 1er octobre 2021.

13      Le 6 avril 2022, le Conseil a rejeté la réclamation du 22 décembre 2021.

III. Conclusions des parties

14      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        ordonner sa réintégration en tant que fonctionnaire du secrétariat général du Conseil, à son poste et dans ses fonctions antérieures ;

–        à titre subsidiaire, ordonner le renvoi du dossier au secrétariat général du Conseil en vue de la réouverture de la procédure disciplinaire conformément à l’article 28 de l’annexe IX du statut ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

15      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

IV.    En droit

A.      Sur la recevabilité du moyen nouveau, tiré d’une violation de l’article 25 de l’annexe IX du statut et de l’article 48 de la Charte

16      Par une lettre du 7 septembre 2023, le requérant a soulevé un moyen supplémentaire, tiré d’une violation de l’article 25 de l’annexe IX du statut, qui prévoit que, lorsque le fonctionnaire est poursuivi pénalement pour les faits qui ont justifié l’ouverture d’une procédure disciplinaire, sa situation n’est définitivement réglée qu’après que la décision rendue par la juridiction saisie est devenue définitive. En effet, selon le requérant, le Conseil a violé ledit article et le principe de la présomption d’innocence, prévu à l’article 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), en ce qu’il a adopté la décision attaquée au regard de faits faisant concomitamment l’objet d’une procédure pénale, avant que la juridiction pénale nationale saisie n’adopte une décision définitive.

17      Le Conseil a présenté ses observations sur ce moyen nouveau lors de l’audience de plaidoiries, qui s’est tenue le 14 septembre 2023, et a contesté tant la recevabilité de celui-ci que son bien-fondé.

18      En vertu de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

19      Aux termes de l’article 84, paragraphe 2, du règlement de procédure, s’il y a lieu, les moyens nouveaux sont produits lors du deuxième échange de mémoires et identifiés en tant que tels. Lorsque les éléments de droit et de fait qui justifient la production des moyens nouveaux sont connus après le deuxième échange de mémoires ou après qu’il a été décidé de ne pas autoriser un tel échange de mémoires, la partie principale concernée produit les moyens nouveaux dès qu’elle a connaissance de ces éléments.

20      En l’espèce, le requérant fait valoir, d’une part, qu’il a été informé qu’une procédure pénale concernant prétendument les mêmes faits que ceux ayant fondé la décision attaquée était en cours par une lettre de la Direcția Națională Anticorupție (Direction nationale anticorruption, Roumanie) du 27 septembre 2022 et, d’autre part, qu’il a été entendu par celle-ci le 19 octobre 2022. En outre, c’est seulement au cours de ce mois d’octobre que son représentant aurait été autorisé à accéder au dossier pénal le concernant.

21      Le requérant soutient également que, la réplique ayant été transmise le 26 octobre 2022, il n’était pas en possession, à ce moment précis, de toutes les informations nécessaires pour présenter ce moyen nouveau, tiré d’une violation de l’article 25 de l’annexe IX du statut et de l’article 48 de la Charte.

22      Or, le requérant ayant eu connaissance du fait qu’une procédure pénale était en cours, ainsi qu’il ressort du point 20 ci-dessus, avant le deuxième échange de mémoires, en vertu de l’article 84, paragraphe 2, du règlement de procédure, il lui incombait de présenter ce moyen nouveau lors de l’introduction de la réplique.

23      Par ailleurs, même dans l’hypothèse où le requérant n’était pas en possession de toutes les informations qu’il considérait nécessaires afin de présenter ledit moyen au moment de l’introduction de la réplique, il lui incombait de le présenter dès que possible conformément à l’article 84, paragraphe 2, du règlement de procédure. En l’espèce, le requérant n’a pas expliqué pour quelle raison il avait attendu plusieurs mois, après avoir eu connaissance de l’existence de la procédure pénale en cours en Roumanie, pour introduire sa demande de production d’un moyen nouveau.

24      Dès lors, le moyen nouveau, tiré d’une violation de l’article 25 de l’annexe IX du statut et de l’article 48 de la Charte, est irrecevable.

25      En tout état de cause, le Tribunal estime opportun de relever, en ce qui concerne le bien-fondé de ce moyen, que, lorsque le Conseil a adopté la décision attaquée, l’enquête pénale nationale n’impliquait pas l’engagement de poursuites pénales à l’égard du requérant. En effet, celui-ci n’a été identifié comme l’objet de poursuites pénales devant les juridictions roumaines qu’au mois de septembre 2022.

26      Par ailleurs, ainsi que le requérant l’a indiqué dans ses écritures, les autorités compétentes roumaines en matière de lutte contre la fraude et la corruption ont confirmé à plusieurs reprises qu’il n’était pas connu de leurs services, qu’aucune affaire en cours ne le visait et qu’il n’était ni suspect ni inculpé (voir, en ce sens, ordonnance du 31 mars 2022, AL/Conseil, T‑22/22 R, non publiée, EU:T:2022:200, point 56).

27      Or, il découle de la jurisprudence que la notion de « poursuites pénales », figurant à l’article 25 de l’annexe IX du statut, ne saurait inclure l’existence d’une simple enquête préliminaire (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2012, BG/Médiateur, F‑54/11, EU:F:2012:114, point 70). À cet égard, il y a lieu de relever que l’administration n’est tenue de suspendre une procédure disciplinaire que si le fonctionnaire démontre que des poursuites pénales ont été engagées à son égard, notion qui, du fait qu’elle implique la mise en mouvement de l’action publique pour l’application des peines, ne saurait inclure l’existence d’une enquête, d’une information ou d’une instruction, mais suppose que des poursuites pénales aient été engagées (voir arrêt du 19 juin 2013, Goetz/Comité des régions, F‑89/11, EU:F:2013:83, point 151 et jurisprudence citée).

28      Il s’ensuit que le moyen nouveau, tiré d’une violation de l’article 25 de l’annexe IX du statut, est irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.

B.      Sur le fond

29      Au soutien de son recours, le requérant soulève treize moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, les deuxième à quatrième, de la violation de l’article 10, sous a), de l’annexe IX du statut, le cinquième, de la violation de l’article 10, sous b), de l’annexe IX du statut, le sixième, de la violation de l’article 10, sous c), de l’annexe IX du statut, le septième, de la violation de l’article 10, sous d), de l’annexe IX du statut, le huitième, de la violation de l’article 10, sous e), de l’annexe IX du statut, le neuvième, de la violation de l’article 10, sous g), de l’annexe IX du statut, le dixième, de la violation de l’article 10, sous h), de l’annexe IX du statut, le onzième, de la violation de l’article 10, sous i), de l’annexe IX du statut, le douzième, de la violation du principe de protection de la confiance légitime et du principe de bonne administration et, le treizième, de la violation du devoir de sollicitude à l’égard des fonctionnaires et des personnes à leur charge.

30      À titre liminaire, il y a lieu de considérer que les deuxième à onzième moyens, tels qu’invoqués par le requérant, doivent être regardés comme constituant, en substance, un seul et même moyen, qui doit tenir lieu de deuxième moyen. Ledit moyen s’articule en deux branches, la première tirée de la violation de l’article 10 de l’annexe IX du statut, laquelle se décline en plusieurs griefs, eux-mêmes tirés des prétendues violations des différents critères énumérés audit article, et la seconde tirée de la violation de l’obligation de motivation.

31      En outre, les prétendues violations de l’article 10, sous a), de l’annexe IX du statut, en ce qui concerne les allocations perçues, premièrement, pour la mère du requérant en tant qu’enfant à charge (deuxième moyen), deuxièmement, en raison du placement en famille d’accueil des deux enfants à charge (ci-après « A » et « B ») (troisième moyen) et, troisièmement, en raison de l’assimilation de deux jeunes filles en tant qu’enfants à charge (ci-après « C » et « D ») (quatrième moyen), constituent, en substance, un seul et même grief de la première branche du deuxième moyen.

32      Enfin, les prétendues violations de l’article 10, sous e) et g), de l’annexe IX du statut constituent un seul et même grief de la première branche du deuxième moyen et seront examinées ensemble, étant donné que le requérant invoque, en substance, les mêmes arguments.

33      Le Tribunal estime qu’il y a lieu d’analyser, en premier lieu, le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, en deuxième lieu, la seconde branche du deuxième moyen, tirée d’un défaut de motivation, et, en troisième lieu, la première branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l’article 10 de l’annexe IX du statut, d’une erreur manifeste d’appréciation, de la violation de la présomption d’innocence et du principe de proportionnalité. Cette branche se divise en plusieurs griefs concernant les violations de l’article 10, sous a), b), c), d), e), g), h) et i), de l’annexe IX du statut. En quatrième lieu, il convient d’analyser les troisième et quatrième moyens tirés respectivement de la violation du principe de protection de la confiance légitime ainsi que du principe de bonne administration et de la violation du devoir de sollicitude à l’égard des fonctionnaires et des personnes à leur charge.

1.      Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut 

34      Par son premier moyen, le requérant fait valoir que le Conseil a violé l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut et le principe de bonne administration, en ce qu’il n’a pas respecté le délai de deux mois entre la réception de l’avis motivé du conseil de discipline et l’adoption de la décision attaquée, sans fournir aucune justification à cet égard.

35      Selon le requérant, étant donné que le délai établi pour l’adoption d’une décision n’a pas été respecté, l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut ainsi que le principe de bonne administration ont été violés. Par ailleurs, la décision attaquée serait dépourvue de motivation au fond, notamment quant à la gravité de la faute. En effet, l’AIPN aurait écarté, sans motivation sérieuse, toutes les circonstances atténuantes. L’AIPN aurait également transformé des circonstances atténuantes en circonstances aggravantes, sans produire de nouveaux éléments de preuve. Cela serait également contraire au principe de bonne administration, ainsi qu’il ressortirait de l’arrêt du 29 janvier 1985, F./Commission (228/83, EU:C:1985:28). En outre, selon le requérant, le délai pour l’adoption de la décision attaquée a fait naître une confiance légitime quant au fait qu’une sanction moins sévère que la révocation serait adoptée.

36      Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

37      Aux termes de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, après avoir entendu le fonctionnaire, l’AIPN prend une décision motivée conformément aux articles 9 et 10 de cette même annexe, dans un délai de deux mois à compter de la réception de l’avis du conseil de discipline.

38      Il est de jurisprudence constante que le délai prévu à l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut n’est pas un délai péremptoire. Cette disposition énonce une règle de bonne administration dont le but est d’éviter, dans l’intérêt tant de l’administration que des fonctionnaires, un retard injustifié dans l’adoption de la décision qui met fin à la procédure disciplinaire (voir arrêts du 24 novembre 2021, CX/Commission, T-743/16 RENV II, non publié, EU:T:2021:824, points 339 et 340 et du 10 juin 2016, HI/Commission, F‑133/15, EU:F:2016:127, point 121).

39      En l’espèce, l’avis motivé du conseil de discipline a été communiqué à l’AIPN ainsi qu’au requérant le 5 juillet 2021 et, le 27 septembre 2021, l’AIPN a adopté la décision attaquée.

40      À cet égard, il convient de relever que, le 26 juillet 2021, le requérant a été entendu au titre de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut. Le requérant a ensuite déposé ses observations écrites le 6 août 2021 et a été entendu une nouvelle fois le 7 septembre 2021. Le jour suivant cette audition, à savoir le 8 septembre 2021, le conseil du requérant a transmis des observations écrites correspondant à celles qui avaient été exposées oralement par le requérant.

41      Dès lors, il y a lieu de considérer que, s’il est vrai que l’AIPN n’a pas pris sa décision dans un délai de deux mois à compter de la réception de l’avis du conseil de discipline, la complexité du dossier, notamment la circonstance que les faits se sont déroulés sur une longue période et ont concerné plusieurs demandes, la nature détaillée des arguments du requérant et le souci de l’entendre à plusieurs reprises justifient les délais écoulés. Ces éléments ressortent notamment de la motivation de la décision attaquée.

42      En effet, ainsi que le Conseil le relève dans ses écritures, le retard d’environ trois semaines par rapport au délai de deux mois prévu à l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut se justifie par l’examen approfondi du dossier administratif du requérant et par le fait que l’AIPN, afin de déterminer la sanction infligée, a permis au requérant d’être entendu à plusieurs reprises, en lui laissant le temps nécessaire pour préparer sa défense.

43      Enfin, s’agissant du préjudice potentiel, lié au fait que le retard dans l’adoption de la décision attaquée aurait fait naître chez le requérant la confiance légitime qu’une sanction moins sévère que la révocation serait choisie et l’aurait privé de la possibilité de se défendre efficacement dans le cadre de la procédure concernant le recouvrement financier des allocations perçues, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime suppose que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, soient fournies à l’intéressé par les autorités compétentes de l’Union européenne (voir arrêt du 19 avril 2023, PP e.a./Parlement, T‑39/21, EU:T:2023:204, point 119 et jurisprudence citée).

44      Or, le requérant part de la supposition qu’aucune charge n’avait été retenue contre lui, en particulier du fait de la proposition du conseil de discipline d’imposer une sanction moins sévère, de sa coopération en ce qui concernait l’appartement dont sa mère était propriétaire, de la procédure de réclamation à l’encontre de la décision de recouvrement des allocations, de la décision des juridictions roumaines concernant le placement en famille d’accueil des enfants A et B et du fait qu’aucune décision n’avait été prise au 5 septembre 2021.

45      Or, les éléments mentionnés au point 44 ci-dessus ne consistent pas en des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, et fournies à l’intéressé par les autorités compétentes de l’Union. Dès lors, aucun de ces éléments ne saurait créer une confiance légitime chez le requérant, au sens de la jurisprudence citée au point 43 ci-dessus, étant donné que les conditions requises ne sont pas remplies.

46      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré d’un défaut de motivation et d’une violation de l’article 10 de l’annexe IX du statut

47      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’article 10 de l’annexe IX du statut dispose ce qui suit :

« La sanction disciplinaire infligée est proportionnelle à la gravité de la faute commise. Pour déterminer la gravité de la faute et décider de la sanction disciplinaire à infliger, il est tenu compte notamment :

a)      de la nature de la faute et des circonstances dans lesquelles elle a été commise ;

b)      de l’importance du préjudice porté à l’intégrité, à la réputation ou aux intérêts des institutions en raison de la faute commise ;

c)      du degré d’intentionnalité ou de négligence dans la faute commise ;

d)      des motifs ayant amené le fonctionnaire à commettre la faute ;

e)      du grade et de l’ancienneté du fonctionnaire ;

f)      du degré de responsabilité personnelle du fonctionnaire ;

g)      du niveau des fonctions et responsabilités du fonctionnaire ;

h)      de la répétition de l’acte ou du comportement fautif ;

i)      de la conduite du fonctionnaire tout au long de sa carrière. »

48      À cet égard, il convient tout d’abord de relever que, en matière disciplinaire, le statut ne prévoit pas de rapport fixe entre les sanctions qui s’y trouvent indiquées et les catégories de manquements commis par les fonctionnaires (arrêt du 5 juin 2019, Bernaldo de Quirós/Commission, T‑273/18, non publié, EU:T:2019:371, point 126).

49      En outre, il y a lieu de rappeler que l’article 10 de l’annexe IX du statut énumère différentes catégories de critères devant être pris en compte par l’AIPN au moment de déterminer la gravité de la faute et de décider de la sanction disciplinaire à infliger (arrêt du 1er juin 2022, Cristescu/Commission, T‑754/20, non publié, EU:T:2022:316, point 216).

50      Cette disposition exige, de manière explicite, l’existence d’une proportionnalité entre la sanction disciplinaire infligée et la gravité de la faute commise, en conformité avec l’exigence générale de proportionnalité régissant l’action des institutions de l’Union, comme le prévoient l’article 5, paragraphe 4, TUE et le principe général reconnu sur ce point par la jurisprudence (arrêt du 1er juin 2022, Cristescu/Commission, T‑754/20, non publié, EU:T:2022:316, point 217).

51      La jurisprudence a déduit de ces éléments, au titre de la proportionnalité, que la détermination de la sanction devait être fondée sur une évaluation globale, à effectuer par l’AIPN, de tous les faits concrets et de toutes les circonstances propres à chaque cas d’espèce (voir arrêt du 1er juin 2022, Cristescu/Commission, T‑754/20, non publié, EU:T:2022:316, point 218 et jurisprudence citée).

52      En ce qui concerne le contrôle juridictionnel, une fois la matérialité des faits établie, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont jouit l’AIPN concernant le choix de la sanction adéquate en matière disciplinaire, ce contrôle doit se limiter à une vérification de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêt du 6 octobre 2021, AV et AW/Parlement, T‑43/20, non publié, EU:T:2021:666, point 136 ; voir, également, arrêt du 10 juin 2016, HI/Commission, F‑133/15, EU:F:2016:127, point 180 et jurisprudence citée).

53      En effet, le choix de la sanction adéquate appartient à l’AIPN lorsque la réalité des faits retenus à la charge du fonctionnaire est établie et le juge de l’Union ne saurait censurer ce choix, à moins que la sanction infligée ne soit disproportionnée par rapport aux faits relevés à la charge de l’agent (arrêt du 26 juin 2013, BM/BCE, F‑106/11, EU:F:2013:91, point 51).

54      En outre, bien que le statut ne prévoit pas de rapport fixe entre les sanctions disciplinaires qu’elles indiquent et les différentes sortes de manquements commis par les fonctionnaires et qu’elles ne précisent pas dans quelle mesure l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes doit intervenir dans le choix de la sanction, le respect de l’article 47 de la Charte suppose qu’une « peine » imposée par une autorité administrative ne remplissant pas elle-même les conditions prévues à cet article subisse le contrôle ultérieur d’un organe juridictionnel ayant le pouvoir d’apprécier pleinement la proportionnalité entre la faute et la sanction. À ce titre, le juge de l’Union vérifie notamment si la pondération des circonstances aggravantes et atténuantes par l’autorité disciplinaire a été effectuée de façon proportionnée (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, DI/BCE, T‑514/19, EU:T:2021:332, point 197 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, Cour EDH, 31 mars 2015, Andreasen c. Royaume-Uni et 26 autres États membres de l’Union européenne, CE:ECHR:2015:0331DEC002882711, point 73).

55      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si la décision attaquée est suffisamment motivée eu égard aux circonstances énumérées à l’article 10 de l’annexe IX du statut et si la sanction infligée par l’AIPN est proportionnée par rapport aux faits relevés à la charge du fonctionnaire.

a)      Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée d’un défaut de motivation

56      Le requérant fait valoir, en substance, que la décision attaquée est insuffisamment motivée en ce qui concerne l’analyse des circonstances énumérées à l’article 10, sous a) à i), de l’annexe IX du statut (voir point 47 ci-dessus).

57      En particulier, en premier lieu, le requérant allègue que l’AIPN n’a pas motivé la décision attaquée eu égard aux circonstances dans lesquelles les fautes alléguées s’étaient produites au sens de l’article 10, sous a), de l’annexe IX du statut. En outre, le requérant soutient que l’AIPN met en doute sa loyauté envers son employeur en concluant qu’il n’a pas exprimé de véritables remords.

58      En deuxième lieu, le requérant fait valoir que la décision attaquée ne contient pas de motivation cohérente quant au prétendu préjudice que la faute alléguée a porté à l’intégrité, à la réputation ou aux intérêts du Conseil au regard de l’article 10, sous b), de l’annexe IX du statut, en se contentant d’avancer qu’il n’a pas exprimé de véritables remords pour ses actes et de conclure qu’il représente un risque important pour la réputation et les intérêts du Conseil.

59      En troisième lieu, selon le requérant, la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée au regard, premièrement, de la nature intentionnelle de la faute, au titre de l’article 10, sous c), de l’annexe IX du statut, deuxièmement, du fait que, malgré l’avis motivé du conseil de discipline, l’AIPN a écarté les circonstances qui, selon lui, étaient atténuantes, en ce qui concernait l’article 10, sous d), de l’annexe IX du statut, troisièmement, des circonstances liées à son grade et à son ancienneté au titre de l’article 10, sous e), de l’annexe IX du statut, quatrièmement, de l’article 10, sous g), de l’annexe IX du statut en ce qui concerne ses fonctions et responsabilités, cinquièmement, de l’article 10, sous h), de l’annexe IX du statut en ce qui concerne la répétition du comportement fautif et, sixièmement, de l’article 10, sous i), de l’annexe IX du statut par rapport à sa conduite tout au long de sa carrière.

60      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

61      Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation visée à l’article 296 TFUE, rappelée à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte et reprise à l’article 25, deuxième alinéa, du statut est un principe essentiel du droit de l’Union qui a pour objectif, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et, d’autre part, d’en rendre possible le contrôle juridictionnel (arrêt du 19 novembre 2014, EH/Commission, F‑42/14, EU:F:2014:250, point 130 ; voir également, en ce sens, arrêts du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, EU:C:1981:284, point 22, et du 21 juin 1984, Lux/Cour des comptes, 69/83, EU:C:1984:225, point 16).

62      Il s’ensuit qu’une motivation ne doit pas être exhaustive, mais, au contraire, doit être considérée comme suffisante dès lors qu’elle expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 119 et jurisprudence citée).

63      En particulier, lorsque l’AIPN sanctionne un fonctionnaire, elle doit motiver sa décision au regard, notamment, de la proportionnalité qui doit exister entre la faute et la sanction (arrêt du 10 septembre 2019, DK/SEAE, T‑217/18, non publié, EU:T:2019:571, point 149).

64      En matière disciplinaire, la question de savoir si la motivation de la décision de l’AIPN imposant une sanction satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais également de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. À cet égard, si le conseil de discipline et l’AIPN sont tenus de mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de leurs décisions, de même que les considérations qui les ont amenés à les prendre, il n’est pas pour autant exigé d’eux qu’ils discutent tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés par l’intéressé au cours de la procédure (arrêt du 5 décembre 2002, Stevens/Commission, T‑277/01, EU:T:2002:302, point 71). En tout état de cause, une décision est suffisamment motivée dès lors qu’elle est intervenue dans un contexte connu du fonctionnaire concerné qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêts du 1er avril 2004, N/Commission, T‑198/02, EU:T:2004:101, point 70, et du 19 novembre 2014, EH/Commission, F‑42/14, EU:F:2014:250, point 131).

65      Toutefois, si la sanction infligée à l’intéressé est finalement plus sévère que celle suggérée par le conseil de discipline, la décision de l’AIPN doit préciser de façon circonstanciée les motifs qui ont conduit ladite autorité à s’écarter de l’avis émis par ce conseil (arrêts du 29 janvier 1985, F./Commission, 228/83, EU:C:1985:28, point 35 ; du 1er avril 2004, N/Commission, T‑198/02, EU:T:2004:101, point 95, et du 19 novembre 2014, EH/Commission, F‑42/14, EU:F:2014:250, point 132).

66      En l’espèce, tout d’abord, il y a lieu de rappeler le contenu de la décision attaquée en ce qui concerne les faits pertinents établis à l’égard du requérant, tels qu’ils figurent dans l’avis motivé du conseil de discipline.

67      Plus précisément, d’une part, il a été considéré comme établi, en ce qui concernait l’assimilation de la mère du requérant à un enfant à charge, au sens de l’article 2, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut, que ce dernier avait fait preuve d’une négligence grave lorsqu’il n’avait pas vérifié l’exactitude des informations qu’il avait fournies au sujet du patrimoine de sa mère. D’autre part, il a été considéré que le requérant avait sciemment décidé de ne pas indiquer les revenus qu’il percevait au titre d’une pension militaire et que le comportement qui lui était reproché avait débuté en septembre 2009. En ce qui concerne le placement en famille d’accueil des enfants A et B, il a été établi que le requérant avait fourni des informations inexactes aux autorités roumaines chargées de la protection de l’enfance consistant à leur faire croire, à tort, qu’il résidait à Bucarest (Roumanie) et que ses revenus provenaient d’une pension militaire alors que, en réalité, il résidait à Bruxelles (Belgique) et exerçait une activité salariée en tant que fonctionnaire de l’Union. Il découle également de la décision attaquée que, lorsque le placement en famille d’accueil a pris fin, il n’a pas informé le service compétent du secrétariat général du Conseil. En ce qui concerne le comportement du requérant en 2014 s’agissant de la reconnaissance de C et D comme enfants à charge, afin de pouvoir soumettre à nouveau une demande en ce sens au secrétariat général du Conseil, après le rejet de sa demande initiale, il ressort de la décision attaquée que le requérant a préparé des accords de médiation contenant des informations inexactes relatives à son statut de parrain et les a transmis à une juridiction roumaine afin de les faire reconnaître par celle-ci en vue d’utiliser la décision à intervenir au soutien d’une nouvelle demande d’allocations au secrétariat général du Conseil.

68      Ensuite, l’AIPN a apprécié lesdits faits, considérés comme étant établis, au regard des conditions prévues à l’article 10 de l’annexe IX du statut.

69      Or, premièrement, en ce qui concerne la nature de la faute et les circonstances dans lesquelles elle a été commise, au sens de l’article 10, sous a), de l’annexe IX du statut, l’AIPN a indiqué qu’il était légitime de penser que le requérant, en tant que fonctionnaire raisonnablement diligent, n’aurait pas produit, directement ou indirectement, des informations inexactes auprès du secrétariat général du Conseil aux fins d’obtenir des allocations familiales si son devoir de loyauté avait été au cœur de ses considérations et que le requérant, en dehors d’aveux de négligence, n’avait pas exprimé, de manière concrète, de remords pour ses actes et son comportement. En outre, l’AIPN a observé que les faits en cause dans la procédure disciplinaire concernaient des actes ayant débuté dans les deux années qui avaient suivi l’entrée en service du requérant et qui s’étaient étendus sur la majeure partie de sa carrière au sein du Conseil.

70      Deuxièmement, l’AIPN a relevé que le requérant représentait un risque important pour la réputation et les intérêts du secrétariat général du Conseil, au sens de l’article 10, sous b), de l’annexe IX du statut. Troisièmement, en ce qui concerne le degré d’intentionnalité ou de négligence dans la faute commise, au sens de l’article 10, sous c), de l’annexe IX du statut, l’AIPN a indiqué que l’absence de vérification du patrimoine immobilier de sa mère constituait une négligence grave de sa part et que son comportement dans le contexte des autres faits de la présente procédure constituait un comportement positif conscient de sa part.

71      Troisièmement, en ce qui concerne les motifs ayant amené le fonctionnaire à commettre la faute, au sens de l’article 10, sous d), de l’annexe IX du statut, l’AIPN a précisé que la simple absence d’intention malveillante identifiable et la prise en compte du bien-être des enfants ne pouvaient excuser le comportement du requérant qui s’était manifesté par une présentation inexacte de sa situation personnelle aux autorités nationales de son État membre d’origine et indirectement à l’AIPN pour faire en sorte que des fonds publics soient spécifiquement alloués à ces enfants. En outre, il a été considéré que la simple absence d’intention malveillante identifiable ou de volonté de s’enrichir personnellement ne constituait pas un élément suffisant pour atténuer la gravité des faits. Au contraire, l’AIPN observe que la malhonnêteté des moyens que le requérant a employés est un élément aggravant.

72      Quatrièmement, le grade et l’ancienneté relativement faibles du requérant, au sens de l’article 10, sous e), de l’annexe IX du statut, et le fait qu’il n’occupait pas un poste important sur le plan hiérarchique au sein du secrétariat général du Conseil ont été pris en compte par l’AIPN, qui a toutefois considéré que, étant donné que le requérant était un fonctionnaire raisonnablement diligent, dont le niveau de diligence, compte tenu notamment de la bonne connaissance du statut et des autres dispositions légales dont il faisait preuve, dépassait le niveau qui pouvait normalement être attendu d’un fonctionnaire de son grade et de son ancienneté, il ne pouvait ignorer les graves conséquences auxquelles il s’exposait.

73      Cinquièmement, l’AIPN a précisé que, bien que le niveau des fonctions et responsabilités du requérant, au sens de l’article 10, sous g), de l’annexe IX du statut, ne nécessitait pas de la part du titulaire du poste une capacité de jugement très élevée, il aurait néanmoins dû être clair pour lui que le comportement qui lui était reproché était inacceptable de la part de tout fonctionnaire de l’Union.

74      Sixièmement, en ce qui concerne la répétition de l’acte ou du comportement fautif, au sens de l’article 10, sous h), de l’annexe IX du statut, le comportement du requérant en ce qui concerne l’assimilation de sa mère à un enfant à charge a commencé peu après sa titularisation en tant que fonctionnaire et a été réitéré par l’introduction de huit demandes similaires au cours d’une décennie. En ce qui concerne les allocations pour les quatre enfants à charge, le comportement du requérant correspond à un schéma selon lequel les fins sont considérées comme justifiant les moyens et consiste en une présentation erronée de sa situation personnelle aux autorités nationales afin d’obtenir des décisions qu’il pouvait utiliser ultérieurement pour convaincre le service compétent du secrétariat général du Conseil de lui accorder des allocations familiales.

75      Septièmement, l’AIPN a expliqué que les prestations satisfaisantes constantes du requérant dans l’exécution des tâches qui lui étaient assignées dans le cadre de ses fonctions, au sens de l’article 10, sous i), de l’annexe IX du statut, ne constituaient pas un élément suffisant pour atténuer de manière significative la gravité des faits. En effet, la relation de confiance et de loyauté entre un fonctionnaire et son institution ne se limite pas à l’exécution correcte des tâches assignées au fonctionnaire, mais englobe le comportement général de celui-ci envers son institution, y compris sur les questions touchant à sa situation personnelle.

76      Enfin, l’AIPN a conclu, eu égard à l’ensemble de ces considérations, que la sanction proposée par le conseil de discipline, à savoir le classement du requérant dans un groupe de fonctions inférieur, avec rétrogradation, n’était pas proportionnée par rapport à la gravité de la faute et qu’une sanction plus sévère s’imposait, en raison notamment de la gravité du comportement du requérant, de la répétition de la faute pendant presque l’intégralité de la période durant laquelle il avait été en service au Conseil et du fait qu’il n’avait exprimé aucun regret.

77      Il y a donc lieu de considérer que l’AIPN a motivé de manière suffisante la décision attaquée et a notamment exposé de façon circonstanciée les raisons qui l’avaient conduite à infliger une sanction plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline. Dès lors, elle n’a pas violé l’obligation de motivation.

78      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter la seconde branche du deuxième moyen.

b)      Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l’article 10 de l’annexe IX du statut

79      La première branche du deuxième moyen se divise en sept griefs, tirés de l’erreur manifeste d’appréciation du Conseil, afin de déterminer la gravité de la faute et de décider de la sanction disciplinaire à infliger, au regard de la nature de la faute et des circonstances dans lesquelles elle a été commise, de l’importance du préjudice porté à l’intégrité, à la réputation ou aux intérêts des institutions en raison de la faute commise, du degré d’intentionnalité ou de négligence dans la faute commise, des motifs ayant amené le fonctionnaire à commettre la faute, du grade et de l’ancienneté du fonctionnaire, du niveau des fonctions et responsabilités du fonctionnaire, de la répétition de l’acte ou du comportement fautif et de la conduite du fonctionnaire tout au long de sa carrière.

1)      Sur le premier grief de la première branche du deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 10, sous a), de l’annexe IX du statut

80      Par son premier grief, le requérant fait valoir, en substance, que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne la sanction infligée par rapport à la nature des fautes alléguées, en ce qu’il n’a pas tenu compte de la nature de la faute et des circonstances dans lesquelles elle avait été commise, au titre de l’article 10, sous a), de l’annexe IX du statut.

81      En particulier, le requérant soutient que ce n’est qu’en recevant le rapport final de l’OLAF, le 23 décembre 2020, qu’il s’est rendu compte du fait que sa mère était propriétaire d’un appartement à Bucarest et qu’il a immédiatement contacté le PMO pour l’en informer. Il avance également qu’il n’a pas omis de communiquer qu’il percevait une pension militaire dans un but malveillant. En effet, il considérait que cette pension représentait un don ou une rémunération au sens de l’article 11, deuxième alinéa, du statut et qu’elle ne devait donc pas être déclarée dans le cadre des demandes d’assimilation de sa mère à un enfant à charge. Il énonce que le principe de gratitude envers les militaires pour leur loyauté et leurs sacrifices s’opposerait à ce que cette pension ait une incidence sur le calcul des allocations dans le cadre des demandes en question.

82      En ce qui concerne les enfants A et B, le requérant avance que, en annulant la décision de recouvrement concernant les allocations qui avaient été versées pour la période allant du 1er août 2010 au 31 janvier 2013, l’AIPN a admis trois semaines après sa révocation qu’il n’avait commis aucune irrégularité concernant lesdites allocations et a donc écarté toute faute à cet égard. Par conséquent, la décision attaquée ne pourrait plus se fonder sur une quelconque faute du requérant. Il ajoute qu’il n’avait pas été informé en temps utile que la commission pour la protection de l’enfance avait mis fin de manière anticipée au placement en famille d’accueil des enfants A et B.

83      En ce qui concerne C et D, le requérant soutient qu’il n’a pas décrit de façon inexacte la réalité de sa situation familiale à la juridiction roumaine qui avait entendu celles-ci ainsi que leurs parents respectifs. Or, lorsque l’AIPN estime que la décision de la juridiction roumaine aurait été différente si le requérant avait présenté la réalité de ses liens familiaux avec C et D, elle substituerait sa propre appréciation à celle de la juridiction roumaine.

84      Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

85      En l’espèce, il ressort du dossier que le conseil de discipline ainsi que l’AIPN ont examiné les faits et les circonstances dans le cadre desquelles le requérant a agi.

86      En particulier, en premier lieu, en ce qui concerne la demande d’allocation pour la mère du requérant, ce dernier a répondu de manière explicite, dans le formulaire relatif à cette demande qui a été présentée à plusieurs reprises, pour la période allant de 2009 à 2014, d’une part, qu’il ne percevait pas d’autres revenus, tels qu’une pension, et, d’autre part, que sa mère n’était pas propriétaire d’un logement. Il y est précisé que le requérant déclare sur l’honneur que les informations qui y sont contenues sont exactes et qu’il s’engage à informer l’administration de tout changement de ces données.

87      S’agissant du logement dont la mère du requérant est propriétaire, le conseil de discipline, dans son avis motivé, a conclu que, en l’absence d’éléments de preuve suffisants, il ne saurait considérer comme un fait établi que le requérant avait sciemment omis de déclarer ledit logement. En revanche, s’agissant des revenus perçus par le requérant au titre d’une pension militaire, le conseil de discipline a considéré que, lorsqu’il avait complété sa demande en vue de l’assimilation de sa mère à un enfant à charge, le requérant avait délibérément décidé de ne pas communiquer à l’AIPN des informations relatives à ces revenus.

88      À cet égard, le requérant soutient que le fait de n’avoir pas déclaré recevoir une pension militaire ne prouve pas le caractère intentionnel de la faute qui lui est reprochée. En effet, il soutient qu’il était convaincu de ne pas être tenu à une telle déclaration au motif qu’il s’agissait de paiements au titre de l’article 11, deuxième alinéa, du statut, et non d’un revenu au titre de l’article 7 de la décision du Conseil du 29 avril 2004 portant adoption des dispositions générales d’exécution en matière de personne assimilée à l’enfant à charge.

89      Or, il convient de relever que l’article 11, deuxième alinéa, du statut, figurant au titre II, intitulé « Droits et obligations du fonctionnaire », fait défense au fonctionnaire d’accepter d’une source extérieure à son institution, sans autorisation de l’AIPN, une faveur, un don, une rémunération de quelque nature qu’ils soient, sauf pour services rendus soit avant sa nomination, soit au cours d’un congé spécial pour service militaire ou national, et au titre de tels services.

90      Il découle du libellé et du contexte de l’article 11, deuxième alinéa, du statut qu’il établit une obligation pour le fonctionnaire de soumettre à l’autorisation préalable de l’AIPN l’acceptation de certains revenus ainsi que les exceptions à cette obligation et que cet article ne concerne pas la déclaration de ses revenus afin de percevoir une allocation pour personne assimilée à un enfant à charge au titre de l’article 2, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut. Dès lors, l’article 11, deuxième alinéa, du statut n’est pas pertinent en l’espèce et ne pouvait pas dispenser le requérant de l’obligation de déclarer une partie de ses revenus, telle que sa pension militaire, dans le cadre d’une demande d’allocation. En effet, ledit article ne concerne que la question de savoir si la pension militaire du requérant pouvait ou non être assimilée à des dons ou rémunérations et n’est pas pertinent en ce qui concerne les déclarations sur les revenus qui doivent être effectuées dans le cadre des demandes introduites au titre de l’article 2, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut.

91      Ainsi, bien qu’un fonctionnaire puisse percevoir, en vertu de l’article 11, deuxième alinéa, du statut, des pensions pour des services militaires passés, sans autorisation préalable de l’AIPN, cela ne l’exonère pas de l’obligation de déclarer ces revenus dans le cadre d’une demande d’allocation au titre de l’article 2, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut.

92      Or, alors qu’il percevait des revenus au titre d’une pension militaire, le requérant a explicitement répondu par la négative à la question de savoir s’il percevait d’autres revenus, tels qu’une pension, en déclarant sur l’honneur que les informations fournies étaient exactes et en s’engageant à informer l’administration de tout changement, et cela pendant plusieurs années, dans le cadre de la présentation d’un formulaire de demande pour l’allocation en question au titre de l’article 2, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut. Dans la mesure où, en outre, le texte dudit formulaire ne laisse place à aucun doute raisonnable quant aux revenus devant être déclarés, l’AIPN a pu conclure à bon droit, que l’article 11, deuxième alinéa, du statut ne pouvait pas être invoqué par le requérant afin de justifier la gravité de la faute alléguée.

93      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’allégation du requérant selon laquelle un ancien fonctionnaire travaillant à la direction des ressources humaines du Conseil a fourni des renseignements sur l’application de l’article 11 du statut, lors de la formation dans le cadre des journées pour les nouveaux arrivants, en décembre 2007. Premièrement, le requérant n’a ni affirmé ni prouvé qu’une telle explication concernait le fait que sa pension militaire entrait dans le champ d’application de l’article 11 du statut et ne devait pas être déclarée, pour ce motif, dans le cadre d’une éventuelle demande d’allocation au titre de l’article 2, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut. Deuxièmement, de telles explications étaient de nature générale et ne portaient pas sur la situation spécifique du requérant concernant l’octroi de ladite allocation, de sorte que cela n’était pas de nature à justifier le comportement reproché.

94      En deuxième lieu, en ce qui concerne les demandes d’allocations pour les enfants A et B, premièrement, il ressort du dossier que la circonstance que le requérant a renseigné son ancienne adresse à Bucarest, et non son lieu de résidence en Belgique, et des revenus imprécis concernant son salaire, lors de la demande de placement en famille d’accueil introduite auprès des autorités nationales roumaines, constitue un acte conscient de fournir des informations inexactes aux autorités publiques roumaines.

95      Deuxièmement, la décision annulant la décision de recouvrement en ce qui concerne les allocations perçues pour, notamment, l’entretien de son fils adoptif au cours de la période allant du 1er août 2010 au 31 janvier 2013 est sans pertinence aux fins de la procédure disciplinaire, dans la mesure où cette dernière procédure vise le comportement du requérant s’agissant de la communication d’informations inexactes.

96      En effet, bien que les comportements reprochés au requérant soient directement liés au caractère indu des allocations familiales qu’il a demandées (voir, en ce sens, ordonnance du 31 mars 2022, AL/Conseil, T‑22/22 R, non publiée, EU:T:2022:200, points 54 et 55), la décision attaquée n’est pas fondée sur l’octroi desdites allocations, mais sur le fait que le requérant a présenté des déclarations inexactes, tant aux autorités roumaines qu’au Conseil, afin d’obtenir lesdites allocations.

97      En troisième lieu, s’agissant des demandes introduites en 2014 au titre d’allocations pour C et D, dans la décision attaquée, l’AIPN, en suivant l’avis motivé du conseil de discipline, a considéré que le requérant avait présenté des informations inexactes tant à une juridiction roumaine concernant sa situation personnelle et les liens familiaux avec ces deux enfants qu’au Conseil aux fins de la reconnaissance de celles-ci comme des enfants à charge. En particulier, le Conseil fait valoir que le requérant, en se présentant comme étant l’un de leurs parrains, a saisi la juridiction roumaine afin qu’elle prenne acte des accords de médiation avec les parents de C et D et pour obtenir une certification du fait que celles-ci auraient résidé auprès de lui en Belgique. Or, selon l’AIPN, d’une part, étant donné que le requérant n’avait pas entretenu des relations avec elles, il n’était pas possible de conclure qu’il présentait des liens familiaux étroits avec elles. D’autre part, lesdits accords de médiation auraient été conclus en l’absence d’une dispute, quant au lieu de résidence de C et D, entre le requérant et leurs parents. En effet, le seul but desdits accords aurait été celui d’obtenir une décision de la juridiction roumaine qui pouvait être présentée au Conseil en vue de l’octroi des allocations en question.

98      C’est en tenant compte de ces éléments que le Conseil a apprécié la nature intentionnelle de la faute et les circonstances de l’espèce dans lesquelles elle avait été commise.

99      Or, le requérant conteste l’appréciation de l’AIPN en ce qu’elle considère que la décision de la juridiction roumaine prenant acte des accords de médiation était fondée sur des informations inexactes délibérément fournies par le requérant et, partant, ne lui reconnaît pas le droit de percevoir les allocations demandées.

100    À cet égard, il y a lieu de relever que la décision de la juridiction roumaine a été rendue dans le cadre d’une procédure d’authentification des accords de médiation. Bien que, conformément à la législation nationale applicable, les accords de médiation sont établis en présence d’un désaccord entre les parties, il ressort du rapport de l’OLAF, et notamment des échanges de courriels entre le requérant et les parents de C et D, que ceux-ci étaient d’accord sur le fait que la résidence de celles-ci se trouvait en Belgique et sur la façon de procéder afin qu’elles soient considérées comme étant à la charge du requérant. L’absence de désaccord est également corroborée par la chronologie des faits. En effet, le requérant a introduit sa première demande d’allocation le 28 juillet 2014 et, après avoir reçu une réponse négative, a demandé l’établissement des accords de médiation le 18 août 2014, en soutenant que, désormais, les parents de C et D n’étaient plus d’accord.

101    Il s’ensuit que le Conseil n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que le requérant avait intentionnellement fourni des informations inexactes à des autorités nationales et de l’Union.

102    En outre, le fait qu’aucune allocation n’a été accordée pour C et D en 2014 n’est pas pertinent, étant donné que la décision attaquée a pris en compte le comportement du requérant, et non l’éventuel préjudice financier pour le budget de l’Union.

103    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de relever que l’AIPN n’a pas violé l’article 10, sous a), de l’annexe IX du statut.

104    Ainsi, le premier grief de la première branche du deuxième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

2)      Sur le deuxième grief du deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 10, sous b), de l’annexe IX du statut

105    Par son deuxième grief, le requérant conteste les appréciations de l’AIPN relatives au préjudice porté à l’intégrité, à la réputation ou aux intérêts de l’institution en raison de la faute qui lui est reprochée, soit le critère figurant à l’article 10, sous b), de l’annexe IX du statut.

106    En particulier, le requérant souligne que l’existence d’un préjudice porté à la réputation d’une institution a été reconnue par le juge de l’Union dans des situations très différentes de celles de l’espèce, caractérisées notamment par des affirmations agressives, dénigrantes, souvent injurieuses, portant atteinte à l’honneur des personnes et des institutions auxquelles elles se référaient et qui avaient connu une publicité importante.

107    Le requérant ajoute qu’il n’exerce pas une fonction de représentation du Conseil à l’égard du public, qu’il ne possède aucun compte de média social sur Internet, qu’il a toujours préservé le caractère privé des informations relatives à sa vie familiale et qu’il n’a jamais parlé au nom du Conseil.

108    En outre, le préjudice allégué aux intérêts financiers de l’Union ne serait pas considérable au sens du considérant 18 et de l’article 7 de la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2017, relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au moyen du droit pénal (JO 2017, L 198, p. 29).

109    Le requérant fait également valoir que l’argument de l’AIPN selon lequel il n’a pas exprimé de véritables remords pour ses actes ne porte pas en soi préjudice à l’intégrité, à la réputation et aux intérêts du Conseil.

110    Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

111    Au titre de l’article 10, sous b), de l’annexe IX du statut, l’institution peut prendre en compte, à titre de circonstance aggravante, le risque auquel le comportement du fonctionnaire a exposé son intégrité, sa réputation ou ses intérêts, sans être tenue de démontrer si et combien de personnes extérieures à elle ont été au courant des comportements en cause du fonctionnaire concerné (voir arrêt du 19 avril 2023, OQ/Commission, T‑162/22, non publié, EU:T:2023:205, point 33 et jurisprudence citée).

112    À cet égard, un fonctionnaire doit éviter tout comportement susceptible d’affecter objectivement l’image des institutions et de saper la confiance que celles-ci doivent inspirer au public (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2016, HI/Commission, F‑133/15, EU:F:2016:127, point 204).

113    En outre, dans le cadre disciplinaire de l’article 10 de l’annexe IX du statut, il importe peu que le préjudice ait pu donner lieu, partiellement ou totalement, à réparation, un tel fait étant indifférent dès lors que l’objectif de la disposition n’est pas d’organiser une indemnisation, mais d’infliger une sanction (voir arrêt du 15 juillet 2021, DK/SEAE, C‑851/19 P, EU:C:2021:607, point 44 et jurisprudence citée).

114    L’obligation du fonctionnaire d’éviter tout comportement susceptible de porter atteinte à l’image ou à la réputation des institutions constitue une expression spécifique de l’obligation fondamentale de loyauté et de coopération du fonctionnaire à l’égard de l’Union et de ses supérieurs. Ce devoir comporte, au premier chef, l’obligation pour le fonctionnaire de s’abstenir de conduites attentatoires à la dignité de la fonction et au respect dû à l’Union. Ainsi, il doit notamment faire preuve d’un comportement au-dessus de tout soupçon, afin que les liens de confiance existant entre l’Union et lui-même soient toujours préservés (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2016, HI/Commission, F‑133/15, EU:F:2016:127, point 187 et jurisprudence citée).

115    Ces règles, qui expriment les devoirs et responsabilités qui pèsent sur la fonction publique de l’Union, trouvent leur justification dans les missions d’intérêt général dont l’Union est chargée, impliquant que les citoyens de l’Union et les États membres doivent pouvoir avoir confiance dans le fait que les institutions, par l’entremise de leurs fonctionnaires et agents, veillent au bon accomplissement desdites missions. Ainsi, de telles obligations sont destinées principalement à préserver la relation de confiance qui doit exister entre l’Union et ses fonctionnaires ou agents (arrêt du 23 octobre 2013, Gomes Moreira/ECDC, F‑80/11, EU:F:2013:159, point 62 ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, EU:C:2001:127, points 44 et 46).

116    Ainsi, par leur comportement, les fonctionnaires et agents de l’Union doivent présenter une image de dignité conforme à la conduite particulièrement correcte et respectueuse qu’il est légitime d’attendre des membres du personnel d’une organisation publique internationale (arrêts du 7 mars 1996, Williams/Cour des comptes, T‑146/94, EU:T:1996:34, point 65, et du 10 juin 2016, HI/Commission, F‑133/15, EU:F:2016:127, point 190).

117    En l’espèce, le comportement reproché au requérant concerne la description inexacte de sa situation personnelle, tant aux autorités nationales roumaines afin d’obtenir des documents qui lui permettaient de se voir octroyer des allocations pour enfants à charge qu’au Conseil, dans les demandes d’allocations qu’il a présentées, afin qu’il fasse droit à ses demandes.

118    Les circonstances de l’espèce montrent que le requérant n’a pas fait preuve d’un comportement au-dessus de tout soupçon attendu d’un fonctionnaire au sens de la jurisprudence rappelée au point 114 ci-dessus, étant donné qu’il cherchait à percevoir des allocations auxquelles il n’avait pas droit, entraînant ainsi des dépenses indues à la charge du budget de l’Union.

119    En outre, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, le comportement du requérant porte atteinte à la réputation du secrétariat général du Conseil.

120    Concernant l’argument du requérant selon lequel le préjudice allégué aux intérêts financiers du Conseil n’est pas lié à une infraction pénale et le montant du préjudice a été réduit de manière substantielle en raison de la décision annulant en partie la décision de recouvrement, il y a lieu de relever que ce qui était en cause dans le cadre de la procédure disciplinaire était le comportement du requérant et non le montant des sommes indument perçues. En effet, c’est ledit comportement qui est pertinent aux fins de déterminer si le fonctionnaire s’expose à une sanction disciplinaire au titre de l’article 86, paragraphe 1, du statut et en ce qui concerne les critères qui permettent de déterminer la gravité de la faute et de décider de la sanction disciplinaire au titre de l’article 10 de l’annexe IX du statut.

121    Il y a également lieu de relever que l’AIPN a considéré que l’absence de remords du requérant suggérait qu’il n’avait pas saisi le caractère fautif de ses comportements et que, dès lors, il continuait à représenter une menace réelle et significative pour les intérêts de l’Union, puisqu’il n’était pas garanti qu’il ne répéterait pas ce même comportement.

122    À cet égard, il ressort de la jurisprudence que l’absence de remords de la partie requérante, en ce qui concerne notamment l’absence de prise de conscience de la gravité des manquements qui lui étaient reprochés, peut, dans certains cas, être pris en compte au titre de l’article 10 de l’annexe IX du statut (voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2014, BG/Médiateur, T‑406/12 P, EU:T:2014:273, point 70).

123    Ainsi, il y a lieu d’écarter le deuxième grief de la première branche du deuxième moyen comme non fondé.

3)      Sur le troisième grief de la première branche du deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 10, sous c), de l’annexe IX du statut

124    Le requérant renvoie, en substance, à ses arguments concernant la prétendue violation de l’article 10, sous a), de l’annexe IX du statut pour démontrer que la faute qu’il aurait commise, en ce qui concerne l’assimilation de sa mère à un enfant à charge, le placement en famille d’accueil des enfants A et B, ainsi que sa demande de 2014 relative à C et D n’impliquait aucun acte intentionnel, mais résultait d’une négligence.

125    Le Conseil conteste ces arguments.

126    Il y a lieu de relever que, afin de déterminer la gravité de la faute et de décider de la sanction disciplinaire à infliger, au titre de l’article 10, sous c), de l’annexe IX du statut, il y a lieu de tenir compte du degré d’intentionnalité ou de négligence dans la faute commise.

127    En l’espèce, l’AIPN a considéré, dans la décision attaquée, que le requérant était conscient de son comportement et qu’il avait intentionnellement fourni des déclarations inexactes, tant aux autorités de son État membre d’origine qu’aux institutions de l’Union, afin d’atteindre un but précis, à savoir se voir octroyer les allocations demandées.

128    À cet égard, en premier lieu, il convient de constater que, en ce qui concerne les demandes d’allocations pour sa mère, dans le formulaire relatif à cette demande, il était explicitement demandé si le fonctionnaire concerné percevait d’autres revenus, tels que, notamment, une pension. Or, le requérant a répondu par la négative à cette question à plusieurs reprises, pour la période allant de 2009 à 2019, en attestant sur l’honneur de la véracité de cette information. Par ailleurs, si le requérant avait des doutes sur ce que recouvrait la notion de « pension » qui devait être prise en compte en tant qu’autres revenus dans ledit formulaire, il aurait dû demander des renseignements à cet égard. Ainsi, l’AIPN n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en déterminant le caractère intentionnel du comportement du requérant en ce qui concerne la non-déclaration de sa pension militaire dans le formulaire concernant la demande d’assimilation de sa mère en tant qu’enfant à charge.

129    En deuxième lieu, en ce qui concerne la décision ayant mis fin aux mesures de placement des enfants A et B du 30 janvier 2013, le requérant conteste en avoir eu connaissance en raison du fait qu’il n’aurait pas reçu de notification et il explique que c’est pour cette raison qu’il ne l’avait pas notifiée au Conseil.

130    À cet égard, il convient de relever que, en l’absence d’une notification de la décision de fin de placement, le requérant aurait pu demander des informations aux autorités nationales compétentes. En effet, même si le requérant n’a pas reçu de notification de ladite décision, il avait connaissance du fait que le placement desdits enfants allait prendre fin. Or, avant d’introduire une demande pour les allocations en question, le devoir de diligence impliquait de vérifier l’état de la procédure visant à la fin du placement en famille d’accueil, étant donné que la perception desdites allocations dépendait du traitement de cette procédure. En outre, étant donné que le requérant lui-même avait demandé, conjointement avec les parents des enfants en question, aux autorités roumaines compétentes de mettre fin au placement en famille d’accueil, il était en mesure d’informer le Conseil du changement souhaité en ce qui concernait sa situation personnelle et du fait qu’une procédure à cet égard était pendante.

131    Il s’ensuit que l’AIPN a conclu, à juste titre, que le requérant avait délibérément omis de communiquer ces informations concernant le terme du placement en famille d’accueil pour les enfants A et B à partir du 1er février 2013.

132    Il convient également de relever que, ainsi que le Conseil le fait valoir, lorsque le requérant a fourni son ancienne adresse à Bucarest, au lieu de son lieu de résidence en Belgique, et des revenus imprécis concernant son salaire, lors de la demande de placement en famille d’accueil des enfants A et B devant les autorités roumaines compétentes, il était conscient de fournir des informations inexactes aux autorités publiques roumaines.

133    En troisième lieu, ainsi qu’il ressort du point 97 ci-dessus, s’agissant des demandes d’allocation pour C et D, dans la décision attaquée, l’AIPN a estimé que, en faisant établir les accords de médiation et en les soumettant à une autorité judiciaire roumaine, le requérant avait intentionnellement créé un dossier présentant à cette autorité judiciaire des informations inexactes concernant sa situation personnelle, et ce dans le but d’obtenir une décision judiciaire reconnaissant C et D comme ses enfants à charge afin de la présenter au service compétent au sein du Conseil.

134    Or, ainsi qu’il découle du point 100 ci-dessus, il apparaît que le but des accords de médiation, fondés sur des informations inexactes, était d’obtenir une attestation d’une autorité nationale de sorte que le Conseil a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, considérer que le requérant avait sciemment produit des informations inexactes afin d’obtenir les allocations en cause.

135    Par conséquent, le comportement du requérant révèle des actes intentionnels, au sens de l’article 10, sous c), de l’annexe IX du statut, dont l’AIPN a tenu compte afin de déterminer la sanction infligée.

136    Dès lors, le troisième grief de la première branche du deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

4)      Sur le quatrième grief de la première branche du deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 10, sous d), de l’annexe IX du statut

137    Par son quatrième grief, le requérant conteste les appréciations de l’AIPN en ce qu’elle n’a pas pris en compte en tant que circonstance atténuante le fait que les motifs l’ayant amené à commettre la faute alléguée, au sens de l’article 10, sous d), de l’annexe IX du statut, étaient principalement liés à l’intérêt supérieur et au bien-être des enfants en question, à savoir A et B ainsi que C et D.

138    En particulier, le requérant soutient qu’il a toujours agi dans l’intérêt supérieur de ceux-ci. À cet égard, il rappelle que A souffre d’un handicap grave et qu’il assume ses lourds traitements et ses frais universitaires en tant que parent unique et que C poursuit des études universitaires.

139    Le requérant affirme que le conseil de discipline a noté, en ce qui concernait A, sa générosité et que, dans la décision attaquée, l’AIPN a cité l’avis motivé dudit conseil et souligné que rien ne prouvait une intention malveillante de sa part ou une volonté de s’enrichir personnellement.

140    Or, en estimant que la simple absence d’intention malveillante identifiable ou de volonté de s’enrichir personnellement ne constituait pas un élément de nature à atténuer la gravité des faits, l’AIPN aurait violé le principe de proportionnalité. Une telle position reviendrait en effet à considérer que l’absence de circonstances aggravantes n’est pas une circonstance atténuante, mais une circonstance aggravante. Or, l’article 10, sous d), de l’annexe IX du statut se réfèrerait strictement aux motifs de la faute alléguée. À cet égard, la décision attaquée serait donc contradictoire, car, bien que reconnaissant que le requérant n’était pas motivé par une intention malveillante, elle lui a finalement infligé la sanction la plus sévère. En outre, le requérant renvoie aux points 61 à 63 de l’ordonnance du 31 mars 2022, AL/Conseil (T‑22/22 R, non publiée, EU:T:2022:200), dont il découlerait que l’AIPN aurait dû tenir compte de cette circonstance en tant que motif l’ayant amené à commettre la faute, au titre de l’article 10, sous d), de l’annexe IX du statut.

141    Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

142    En l’espèce, le requérant a présenté des informations inexactes tant aux autorités roumaines qu’au Conseil afin que des fonds publics soient alloués pour des frais liés à la charge de certains enfants dont il avait demandé le placement dans sa famille d’accueil ou qu’il avait adoptés. Or, bien que l’AIPN doit tenir compte du motif ayant amené la partie requérante à commettre la faute, au titre de l’article 10, sous d), de l’annexe IX du statut, même si elle n’a pas manifesté une intention malveillante ou la volonté de s’enrichir personnellement, le bien-être des enfants ne saurait, en soi, excuser le comportement du requérant (ordonnance du 31 mars 2022, AL/Conseil, T‑22/22 R, non publiée, EU:T:2022:200, point 61).

143    En effet, cette circonstance a été prise en compte par le conseil de discipline qui a proposé, à l’unanimité, le classement du requérant dans un groupe de fonctions inférieur, avec rétrogradation. En revanche, l’AIPN a conclu que les moyens employés par le requérant pour atteindre ces objectifs avaient donné lieu au comportement fautif, sur lequel il n’avait exprimé aucun regret et que, dès lors, le bien-être des enfants ne pouvait pas justifier son comportement.

144    À cet égard, il y a lieu de relever qu’un membre du personnel, qui a manqué à ses obligations professionnelles, ne saurait invoquer sa bonne foi pour échapper à toute sanction disciplinaire [voir arrêt du 13 octobre 2021, IB/EUIPO, T‑22/20, EU:T:2021:689, point 134 (non publié) et jurisprudence citée].

145    Or, même en l’absence d’intention malveillante identifiable et même en supposant que le requérant avait comme fin ultime le bien-être desdits enfants, il y a lieu de relever que la raison première pour laquelle il a adopté le comportement qui lui est reproché est celle d’obtenir le versement des allocations familiales demandées, même s’il n’était pas éligible à les percevoir.

146    Ainsi, compte tenu de ces circonstances factuelles, il y a lieu de conclure que l’AIPN a analysé, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, les motifs ayant amené le requérant à commettre la faute qui lui est reprochée et n’a donc pas violé l’article 10, sous d), de l’annexe IX du statut.

147    Dès lors, le quatrième grief de la première branche du deuxième moyen doit être écarté comme étant non fondé.

5)      Sur le cinquième grief de la première branche du deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 10, sous e) et g), de l’annexe IX du statut

148    Par son cinquième grief, le requérant fait valoir, en substance, que l’AIPN a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne l’appréciation de son grade et de son ancienneté ainsi que le niveau de ses responsabilités et fonctions afin de déterminer la sanction à infliger.

149    En particulier, le requérant fait valoir que la circonstance qu’il n’occupait pas un poste important sur le plan hiérarchique au sein du secrétariat général du Conseil aurait dû constituer une circonstance atténuante en sa faveur. En outre, la décision attaquée serait non seulement insuffisamment motivée, mais également contradictoire étant donné que, tout en reconnaissant que ses responsabilités se situaient au niveau hiérarchique le plus bas, elle lui a finalement infligé la sanction la plus sévère.

150    Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

151    En l’espèce, le requérant a exercé des fonctions liées aux grades AST 1 à AST 4, au cours de la période allant de 2009 à 2019.

152    Or, le conseil de discipline et l’AIPN ont considéré que, bien que le requérant ne disposait pas d’un grade ou d’un niveau de responsabilités élevés, il découlait des faits et des circonstances de l’espèce, compte tenu également de son ancienneté au Conseil, qu’il disposait d’une bonne connaissance des dispositions du statut et des conséquences potentielles de son comportement.

153    En outre, la faute reprochée au requérant n’était pas liée à l’exercice des fonctions et responsabilités, mais concernait son comportement dans le cadre de déclarations sur sa situation personnelle, à l’égard desquelles il ne pouvait ignorer ni que les informations fournies étaient inexactes, ni que de telles déclarations aux autorités nationales et au Conseil constituaient un manquement à ses obligations en tant que fonctionnaire d’une institution de l’Union.

154    Il y a également lieu de relever que les faits reprochés au requérant constituent une faute grave de la part d’un fonctionnaire de l’Union, quel que soit son grade ou ses responsabilités. Cette gravité étant amplifiée par le fait que ledit comportement a débuté dans un laps de temps relativement court après l’entrée en service du requérant et ne s’est pas limité à un seul incident ou à une période de temps limitée, mais s’est exercé en continu au cours de la plus grande partie de son service au sein de ladite institution.

155    Ainsi, l’AIPN était fondée à considérer que la faiblesse du grade et le degré de responsabilité personnelle du requérant ne pouvaient pas, eu égard aux circonstances de l’espèce, constituer des circonstances atténuantes.

156    Il s’ensuit que le cinquième grief de la première branche du deuxième moyen doit être rejeté.

6)      Sur le sixième grief de la première branche du deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 10, sous h), de l’annexe IX du statut

157    Le requérant reprend en substance les arguments déjà invoqués au sujet de la prétendue violation de l’article 10, sous a), de l’annexe IX du statut afin de démontrer que les fautes qu’il a commises n’impliquaient « aucun schéma de comportement systématique », au sens de l’article 10, sous h), de l’annexe IX du statut.

158    Le Conseil conteste ces arguments.

159    En vertu de l’article 10, sous h), de l’annexe IX du statut, pour déterminer la gravité de la faute et décider de la sanction à infliger, il est tenu compte de la répétition de l’acte ou du comportement fautif.

160    Selon la jurisprudence, si la répétition du comportement fautif peut justifier un alourdissement de la sanction disciplinaire, en vertu de l’article 10, sous h), de l’annexe IX du statut, l’absence de celle-ci ne saurait, en revanche, constituer une circonstance atténuante dès lors que, par principe, un fonctionnaire est tenu de s’abstenir de tout comportement qui puisse porter atteinte à la dignité de sa fonction (arrêt du 22 mai 2014, BG/Médiateur, T‑406/12 P, EU:T:2014:273, point 75).

161    Or, il est constant que les comportements en cause ont débuté dans la période de deux ans après l’entrée en fonction du requérant et se sont manifestés dans le cadre de la majorité de sa carrière. En particulier, s’agissant de l’assimilation de la mère du requérant à un enfant à charge, ce comportement a commencé par l’introduction de sa première demande en septembre 2009 et a été réitéré par l’introduction de huit demandes similaires au cours d’une décennie. En ce qui concerne les quatre enfants à charge, le requérant a présenté sciemment des informations inexactes concernant sa situation personnelle aux autorités nationales afin d’obtenir des décisions qu’il pourrait utiliser ultérieurement pour se voir accorder des allocations familiales.

162    En effet, en ce qui concerne l’ensemble des comportements reprochés au requérant, était en cause le fait que celui-ci fournissait des informations incomplètes ou inexactes, tant aux institutions de l’Union qu’aux autorités nationales, et cela parfois en recourant à la saisine des autorités nationales compétentes afin d’obtenir des décisions à l’appui de ses demandes, l’inexactitude de ces déclarations étant de nature à lui ouvrir le droit à des allocations pour les personnes concernées.

163    Ainsi, l’AIPN n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que ces comportements suivaient un certain schéma de comportement répété.

164    Dès lors, le sixième grief de la première branche du deuxième moyen doit être écarté comme non fondé.

7)      Sur le septième grief de la première branche du deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 10, sous i), de l’annexe IX du statut

165    Par son septième grief, le requérant fait valoir une violation de l’article 10, sous i), de l’annexe IX du statut, dans la mesure où l’AIPN a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elle n’a pas pris en compte sa conduite au vu de l’ensemble de sa carrière.

166    En particulier, le requérant avance que, au cours de sa carrière, il a donné satisfaction à ses supérieurs dans le cadre de ses prestations et que la constance de ses bonnes prestations transparaît dans ses rapports d’évaluation annuels. Or, dans la décision attaquée, l’AIPN transformerait ce qui devrait normalement être perçu comme une circonstance positive et elle ferait primer des suppositions générales et non détaillées sur des critères objectifs.

167    Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

168    Il ressort de la jurisprudence que, à supposer même que l’AIPN estime qu’un fonctionnaire a eu de bons états de service tout au long de sa carrière, elle peut néanmoins légitimement considérer, même dans cette hypothèse, que, eu égard à la gravité des faits retenus, une telle circonstance n’était pas susceptible d’atténuer la sanction à infliger (voir, en ce sens, arrêt du 11 avril 2016, FU/Commission, F‑49/15, EU:F:2016:72, point 129).

169    Dans l’hypothèse de violations graves et de longue durée, comme en l’espèce, la prise en compte de la bonne conduite de l’agent sanctionné au titre des circonstances atténuantes ne s’impose pas, de sorte qu’une éventuelle bonne conduite de cet agent n’a pas vocation à s’opposer à l’imposition d’une sanction lourde, telle que la révocation (voir, en ce sens, arrêt du 19 avril 2023, OQ/Commission, T‑162/22, non publié, EU:T:2023:205, point 55 et jurisprudence citée).

170    En l’espèce, la conduite du requérant a été considérée comme constituant une circonstance atténuante par le conseil de discipline. Toutefois, l’AIPN a estimé que la bonne conduite du requérant dans l’exercice des fonctions qui lui avaient été confiées ne constituait pas un élément suffisant pour atténuer de manière significative la gravité des faits reprochés. Elle a ajouté à cet égard que la relation de confiance et de loyauté entre un fonctionnaire et son institution ne se limitait pas à la bonne exécution des tâches confiées au fonctionnaire, mais englobait le comportement global du fonctionnaire à l’égard de son institution, y compris en ce qui concernait les questions relatives à sa situation personnelle.

171    Une telle appréciation est conforme à la jurisprudence citée au point 169 ci-dessus, dans la mesure où, afin de déterminer la sanction adéquate à infliger, il y a lieu de prendre en compte le comportement et la conduite du fonctionnaire dans sa globalité, sans se limiter à la bonne conduite de celui-ci dans le cadre de l’exercice de ses fonctions au sein de l’institution, eu égard à la gravité des agissements reprochés en l’espèce.

172    En effet, l’AIPN a considéré, à juste titre, que l’obligation de loyauté imposait au fonctionnaire non seulement de s’abstenir de conduites attentatoires à la dignité de ses fonctions et au respect dû à l’institution et à ses autorités, mais également de faire preuve d’un comportement au-dessus de tout soupçon, afin que les liens de confiance existant entre l’institution et le fonctionnaire soient toujours préservés. En particulier, l’AIPN a indiqué que les actions et le comportement du requérant, tant à l’égard de son institution qu’à l’égard des autorités de son État membre d’origine, n’avaient pas satisfait ces exigences et avaient causé un préjudice grave à cette relation de confiance.

173    À cet égard, il y a lieu de relever que les évaluations positives contenues dans les rapports d’évaluation du requérant en ce qui concerne sa conduite concernent son comportement au sein du service du Conseil dans lequel il était affecté et non son comportement par rapport à cette institution dans le traitement de ses affaires personnelles.

174    Par ailleurs, afin de justifier la rupture du lien de confiance, l’AIPN a relevé que le requérant n’avait pas exprimé de remords pour son comportement, ce qui représentait un élément aggravant, étant donné que, en tant que fonctionnaire en activité, il n’existait aucune assurance qu’il ne reproduirait pas ce même comportement, et qu’il ne possédait pas le niveau d’intégrité requis des fonctionnaires de l’Union. En effet, l’AIPN a déclaré que, dans son appréciation des faits en cause, elle aurait pu démontrer un certain degré de clémence à l’égard du requérant si elle avait pu constater, même au stade avancé de la procédure disciplinaire devant le conseil de discipline, que celui-ci manifestait l’intention d’être transparent au sujet de sa situation personnelle, de ses actions et de son comportement passé. Toutefois, le requérant, tant devant le conseil de discipline que dans des observations écrites au cours de la procédure disciplinaire, a fait part de sa méfiance à l’égard de son institution ainsi que de l’OLAF et a reproché à l’AIPN ainsi qu’à l’OLAF d’avoir dénaturé le dossier afin de nuire à sa capacité de se défendre utilement contre les accusations portées contre lui. Dans ces circonstances, l’AIPN a considéré que sa relation de confiance avec le requérant avait été irrémédiablement compromise.

175    À cet égard, au vu de l’absence de remords du requérant au cours de la procédure disciplinaire et, en substance, du manque de conscience de sa part de la gravité des violations reprochées, bien que ses prestations passées auraient pu constituer une circonstance susceptible d’atténuer la gravité d’un manquement, au sens de l’article 10, sous i), de l’annexe IX du statut, et donc la sanction encourue, il y a lieu de considérer que, en l’espèce, ces prestations n’étaient pas de nature à remettre en cause la conclusion selon laquelle le lien de confiance entre le Conseil et le requérant était rompu, notamment en raison de la nature délibérée et répétée des actions du requérant.

176    Dès lors, le septième grief de la première branche du deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

177    Eu égard à l’ensemble de ces considérations, et notamment celles mentionnées aux points 85 à 103, 117 à 123, 126 à 136, 142 à 147, 151 à 156, 159 à 164 et 168 à 176 ci-dessus, il y a lieu de relever que le Conseil a infligé au requérant une sanction disciplinaire proportionnée à la gravité de la faute commise, en appréciant de manière correcte la totalité des circonstances de l’espèce et, notamment, celles énumérées à l’article 10 de l’annexe IX du statut. Dès lors, la pondération des circonstances aggravantes et atténuantes par le Conseil a été effectuée de façon proportionnée, au sens de la jurisprudence citée au point 54 ci-dessus.

178    En outre, en ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel le Conseil a méconnu le droit à la présomption d’innocence, en ce que les circonstances dans lesquelles la faute alléguée s’est produite seraient contestées dans des procédures nationales, le Conseil s’est borné, en substance, à sanctionner une faute commise par un fonctionnaire à l’égard d’une institution de l’Union. Cette décision ne renferme ainsi aucun constat de culpabilité du requérant au regard du droit pénal et s’inscrit dans le cadre de l’autonomie de la qualification juridique par l’administration d’un manquement disciplinaire par rapport à la répression pénale visant les mêmes faits (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, DI/BCE, T‑514/19, EU:T:2021:332, point 120). En outre, elle se fonde sur une appréciation globale de tous les faits concrets et propres au cas individuel du requérant. Partant, le Conseil n’a pas méconnu le droit du requérant à la présomption d’innocence en adoptant la décision attaquée.

179    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la première branche du deuxième moyen ainsi que le deuxième moyen dans son intégralité comme étant non fondé.

3.      Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime et du principe de bonne administration

180    Le requérant soutient qu’il a été transparent avec l’AIPN dès le début de leur relation de travail. Premièrement, il aurait transmis l’information selon laquelle il était en retraite anticipée en tant que fonctionnaire militaire. Deuxièmement, il aurait demandé et obtenu des éclaircissements, lors de la formation dans le cadre des journées pour les nouveaux arrivants en décembre 2007, concernant l’application de l’article 11, deuxième alinéa, du statut aux dons au titre de son service militaire passé. Ainsi, l’AIPN aurait manqué à son devoir d’assistance dans le cadre de l’enquête de l’OLAF.

181    Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

182    Par son troisième moyen, le requérant fait valoir, en substance, que le Conseil devait avoir connaissance du fait qu’il percevait une pension militaire et que ce dernier a violé les principes de protection de la confiance légitime et de bonne administration, en ce qu’il ne l’a pas assisté pour éviter la faute qui lui a été reprochée par l’OLAF.

183    Il convient de relever que, certes, la carte d’identité du requérant de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) mentionnant qu’il était un membre du personnel militaire a été transmise à l’AIPN, lors de son entrée en fonction au sein du Conseil, et le requérant a précisé être un fonctionnaire ayant démissionné dans le cadre d’une retraite anticipée. Toutefois, ces éléments n’impliquent pas que le Conseil était tenu de déduire, dans le contexte d’une procédure différente de celle relative à son entrée en fonction dans le cadre de laquelle ces informations avaient été fournies, que le requérant percevait une pension militaire.

184    Le fait que le requérant aurait obtenu des éclaircissements, dans le cadre des journées pour les nouveaux arrivants en décembre 2007, concernant l’application de l’article 11 du statut ne pourrait pas donner lieu à une confiance légitime à ce titre. En effet, selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 28 septembre 2022, Grieger/Commission, T‑517/21, non publié, EU:T:2022:588, point 81 et jurisprudence citée).

185    Or, en l’espèce, ces conditions ne sont pas remplies étant donné que le requérant n’a pas reçu de la part de l’administration d’assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, au sens de la jurisprudence citée au point 184 ci-dessus.

186    S’agissant de la prétendue violation du principe de bonne administration, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, l’administration est tenue, en vertu de ce principe qui est consacré par l’article 41 de la Charte, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce dont elle est saisie et de réunir tous les éléments de fait et de droit nécessaires à l’exercice de son pouvoir d’appréciation ainsi que d’assurer le bon déroulement et l’efficacité des procédures qu’elle met en œuvre (voir arrêt du 30 mars 2022, KF/BEI, T‑299/20, non publié, EU:T:2022:171, point 45 et jurisprudence citée).

187    Or, il ressort du dossier que, ainsi que le relève le Conseil, l’AIPN a examiné et traité toutes les demandes d’allocations introduites par le requérant au vu de sa situation familiale. Toutefois, étant donné que le requérant avait explicitement déclaré ne pas percevoir d’autres revenus et n’avait pas demandé à l’administration des renseignements quant à la nature de sa pension militaire, il ne saurait avoir été attendu du Conseil qu’il remette en cause ces déclarations ni qu’il demande au requérant s’il percevait une pension militaire de retraite, en contradiction avec ce qu’il avait explicitement déclaré dans sa demande d’allocations.

188    En effet, il a été jugé que la situation d’une administration chargée d’assurer le paiement de milliers de traitements et d’allocations diverses ne saurait être comparée à celle du fonctionnaire, qui a un intérêt personnel à vérifier les sommes qui lui sont mensuellement versées et à signaler tout ce qui pourrait constituer une erreur à son détriment ou à son avantage. Un fonctionnaire diligent, qui a pris connaissance des dispositions statutaires sur le fondement desquelles une prestation lui est servie à sa demande, notamment lorsque ces dispositions sont rappelées dans la décision d’octroi de la prestation concernée, ne saurait se borner à continuer de percevoir silencieusement ladite prestation, alors même que les conditions pour la percevoir n’étaient pas remplies. Dans une telle situation, admettre comme circonstance atténuante une négligence de l’administration reviendrait à encourager les fonctionnaires et agents à tirer éventuellement profit des erreurs de cette dernière (voir arrêt du 19 novembre 2014, EH/Commission, F‑42/14, EU:F:2014:250, points 106 et 107 et jurisprudence citée).

189    Dès lors, il y a lieu d’écarter ces arguments ainsi que de rejeter le troisième moyen.

4.      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du devoir de sollicitude à légard des fonctionnaires et des personnes à leur charge 

190    Par son quatrième moyen, le requérant prétend que le Conseil a violé le devoir de sollicitude en ce que, en adoptant la décision attaquée, impliquant la fin de la couverture du régime d’assurance maladie commun aux institutions des Communautés européennes (RCAM), il n’aurait pas pris en compte l’état de santé de son fils adoptif.

191    En particulier, le requérant avance que l’AIPN n’a pas tenu compte du bien-être et des besoins médicaux de son fils adoptif. Il rappelle que le conseil de discipline a, dans son avis motivé, tenu compte de la situation de cet enfant et qu’il a préconisé sa réintégration à un grade inférieur. Cependant, l’AIPN a adopté la sanction de la révocation, ce qui ne serait pas proportionné à la conduite reprochée et au prétendu préjudice.

192    Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

193    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le devoir de sollicitude reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Cet équilibre implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi, notamment, de celui du fonctionnaire concerné. Cette dernière obligation est imposée à l’administration également par le principe de bonne administration consacré à l’article 41 de la Charte (voir arrêt du 13 octobre 2021, IB/EUIPO, T‑22/20, EU:T:2021:689, point 66 et jurisprudence citée).

194    Il ressort également de la jurisprudence que les exigences du devoir de sollicitude incombant à l’administration ne sauraient empêcher l’AIPN d’adopter les mesures qu’elle estime nécessaires dans l’intérêt du service (voir arrêt du 7 février 2019, RK/Conseil, T‑11/17, EU:T:2019:65, point 190 et jurisprudence citée).

195    S’il est concevable que le devoir de sollicitude puisse éventuellement, dans certaines circonstances, conduire l’AIPN à réduire, voire à supprimer, la sanction envisagée, la prise en compte des intérêts du fonctionnaire, dont son état de santé ou l’état de santé d’un membre de sa famille, ne saurait en revanche aller jusqu’à priver celle-ci de la possibilité d’infliger une sanction, même la sanction majeure de révocation (voir arrêt du 13 octobre 2021, IB/EUIPO, T‑22/20, EU:T:2021:689, point 68 et jurisprudence citée).

196    En l’espèce, ainsi qu’il ressort de la décision statuant sur la réclamation, le Conseil ne conteste pas la gravité du handicap du fils adoptif du requérant et le besoin de ce dernier de bénéficier d’un soutien médical.

197    Toutefois, le requérant se borne à affirmer que la fin de la couverture des soins de son fils adoptif par le RCAM prive ce dernier de tout le soutien médical et éducatif dont il avait bénéficié auparavant. L’élément de preuve produit au soutien de cette argumentation est une lettre d’un médecin psychiatre, du 4 décembre 2021, qui mentionne que, à la suite des mesures défavorables prises en 2021, le fils adoptif du requérant a perdu une partie importante des mesures de soutien renforcé dont il bénéficiait, y compris, depuis le mois d’octobre 2021, son logement d’étudiant adapté, ce qui présenterait un risque vital ou entraînerait une détérioration grave et irréversible de son état de santé physique et mental.

198    Or, il y a lieu de relever que le requérant n’apporte pas d’éléments de preuve concernant la perte dudit logement, ni n’indique si un autre logement adapté équivalent a été trouvé.

199    En outre, bien que, ainsi qu’il ressort du point 30 de l’ordonnance du 31 mars 2022, AL/Conseil (T‑22/22 R, non publiée, EU:T:2022:200), le soutien médical pour le fils du requérant pourrait être réduit par la perte des allocations et des avantages financiers auxquels le requérant et son fils adoptif avaient droit en vertu de la qualité de fonctionnaire du requérant, il ressort du dossier que celui-ci n’a pas établi que la perte des mesures de soutien et de l’affiliation au RCAM exposait son fils adoptif à un risque réel pour son état de santé et qu’il serait dans l’impossibilité de bénéficier de mesures de soutien auprès d’autres instances.

200    En outre, conformément au devoir de sollicitude, le Conseil a prorogé le terme du délai pour le recouvrement des créances découlant de l’adoption de la décision attaquée. De même, l’affiliation au RCAM du fils adoptif du requérant a été prorogée jusqu’au 31 mars 2022.

201    Ainsi, premièrement, le requérant n’a pas apporté d’éléments concrets relatifs à l’effet préjudiciable de la décision attaquée sur l’état de santé de son fils et, deuxièmement, ainsi qu’il ressort du point 195 ci-dessus, le devoir de sollicitude incombant à l’administration ne saurait empêcher l’AIPN d’adopter la sanction qu’elle estime nécessaire dans l’intérêt du service. Or, c’est compte tenu des éléments de faits évoqués ci-dessus que, dans la décision attaquée, l’AIPN a pu considérer, à juste titre, que la gravité du comportement du requérant justifiait une sanction, telle que la révocation.

202    Par conséquent, le quatrième moyen ainsi que le recours dans son ensemble doivent être rejetés comme étant non fondés.

V.      Sur les dépens

203    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

204    Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil. Néanmoins, quant aux dépens afférents à la procédure de référé, le Conseil ayant succombé à l’issue de cette procédure devant le Tribunal, il y a lieu de condamner celui-ci à les supporter.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      AL est condamné aux dépens afférents à la présente procédure.

3)      Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens afférents à la procédure de référé.

da Silva Passos

Półtorak

Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 avril 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.