Language of document : ECLI:EU:T:2012:513

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

3 octobre 2012 (*)

« Procédure – Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑568/08 DEP,

Métropole télévision (M6), établie à Neuilly-sur-Seine (France), représentée par MR. Lazerges, avocat,

partie requérante,

soutenue par

Canal +, établie à Issy-les-Moulineaux (France), représentée par Me E. Guillaume, avocat,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Stromsky et B. Martenczuk, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République française, représentée par MM. G. de Bergues et L. Butel, en qualité d’agents,

et par

France Télévisions, établie à Paris (France), représentée par Mes J.‑P. Gunther et A. Giraud, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens à la suite de l’arrêt du Tribunal du 1er juillet 2010, M6 et TF1/Commission (T‑568/08 et T‑573/08, Rec. p. II‑3397)

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 décembre 2008, Métropole télévision (M6) a introduit un recours, inscrit au greffe du Tribunal sous le numéro T‑568/08, visant à l’annulation de la décision C (2008) 3506 final de la Commission, du 16 juillet 2008, relative au projet d’octroi par la République française d’une dotation en capital de 150 millions d’euros à France Télévisions (ci-après la « décision attaquée »).

2        Par requête déposée au greffe du Tribunal le même jour, Télévision française 1 SA (TF1) a introduit un recours, inscrit au greffe du Tribunal sous le numéro T‑573/08, visant également à l’annulation de la décision attaquée.

3        Par ordonnance du président de la cinquième chambre du 22 juin 2009, France Télévisions a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la Commission des Communautés européennes.

4        Par ordonnance du 2 février 2010, le président de la cinquième chambre a joint les affaires T-568/08 et T-573/08 aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

5        Par un arrêt du 1er juillet 2010, M6 et TF1/Commission (T‑568/08 et T‑573/08, Rec. p. II‑3397), le Tribunal a rejeté le recours de M6 et l’a condamnée à supporter les dépens exposés par France Télévisions dans l’affaire T-568/08, sur le fondement de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

6        Par lettre du 30 novembre 2010, France Télévisions a demandé à M6 le remboursement d’un montant de 37 598, 94 euros au titre des dépens qu’elle avait encourus dans la procédure devant le Tribunal.

7        Par lettre du 5 août 2011, France Télévisions a réitéré sa demande.

8        Par lettre du 5 octobre 2011, France Télévisions a mis en demeure M6 de lui régler la somme de 37 598, 94 euros.

9        Par lettre du 12 octobre 2011, M6 a contesté le montant des dépens réclamés par France Télévisions.

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 décembre 2011, France Télévisions a formé, au titre de l’article 92 du règlement de procédure, une demande de taxation des dépens.

11      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 1er février 2012, M6 a présenté ses observations sur cette demande.

12      France Télévisions conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        fixer le montant des dépens récupérables au titre de la procédure principale à 37 598, 94 euros ;

–        fixer le montant des dépens récupérables au titre de la procédure de taxation des dépens à 5 088 euros.

13      M6 conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande de France Télévisions de fixer le montant des dépens récupérables au titre de la procédure principale à 37 598, 94 euros ;

–        rejeter la demande de France Télévisions de fixer le montant des dépens récupérables au titre de la procédure de taxation des dépens à 5 088 euros ;

–        faire une juste appréciation des dépens récupérables au titre de la procédure principale ;

–        condamner France Télévisions aux dépens au titre de la procédure de taxation des dépens.

 En droit

14      Aux termes de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure, s’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, l’autre partie entendue dans ses observations.

15      Selon l’article 91, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ». Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (voir ordonnance du Tribunal du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, Rec. p. II‑1785, point 13, et la jurisprudence citée).

16      Selon une jurisprudence constante, le juge de l’Union n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces émoluments peuvent être récupérés auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils (voir ordonnance Airtours/Commission, point 15 supra, point 17, et la jurisprudence citée).

17      Il est également de jurisprudence constante que, à défaut de dispositions européennes de nature tarifaire applicables, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a présentés pour les parties (voir ordonnance Airtours/Commission, point 15 supra, point 18, et la jurisprudence citée).

18      C’est à la lumière de ces éléments qu’il convient d’apprécier le montant des dépens récupérables en l’espèce.

19      France Télévisions estime les dépens récupérables qu’elle a exposés dans le cadre des affaires T‑568/08 et T‑573/08 à 75 137, 87 euros, taxe sur la valeur ajoutée (TVA) comprise. Considérant que les arguments soulevés par M6 et par TF1 étaient sensiblement identiques et dans la mesure où les affaires T‑568/08 et T‑573/08 ont été jointes au cours de la procédure écrite, elle demande que le montant des dépens à rembourser par M6 soit fixé à la moitié de cette somme, soit 37 598,94 euros, TVA comprise.

20      De manière liminaire, le Tribunal relève que France Télévisions étant assujettie à la TVA, elle a le droit de récupérer auprès des autorités fiscales la TVA payée sur les biens et les services qu’elle achète, de sorte que les montants correspondants ne doivent pas être pris en compte aux fins du calcul des dépenses récupérables (ordonnance du Tribunal du 22 février 2010, Kronofrance/Commission, T‑27/02 DEP, non publiée au Recueil, point 53).

21      En ce qui concerne l’objet et la nature du litige ainsi que son importance sous l’angle du droit de l’Union, il convient de souligner que, si le litige, en ce qu’il concernait une demande d’annulation d’une décision de la Commission prise sur le fondement de l’article 88, paragraphe 2, CE, soulevait des questions analogues à un nombre important de recours introduits en matière d’aide d’État, il pouvait revêtir une certaine importance s’agissant de la question de la compatibilité avec le droit de l’Union des aides d’État ayant pour objet le financement d’un service public.

22      En effet, dans la mesure où était en cause une dotation en capital de 150 millions d’euros destinée à compenser les pertes de recettes pour France Télévisions liées à la suppression à terme de la publicité télévisée sur la télévision publique, l’examen des moyens de M6 et de TF1 visant à démontrer l’existence de difficultés sérieuses qui auraient requis l’ouverture de la procédure formelle d’examen impliquait, notamment, de prendre en considération la dualité des activités, commerciale et de service public, de France Télévisions ainsi que d’apprécier la fiabilité de l’évaluation des pertes de recettes occasionnées par la suppression annoncée de la publicité.

23      Par ailleurs, il y a lieu de relever que le litige représentait un intérêt économique particulièrement important pour France Télévisions en tant que bénéficiaire de la dotation litigieuse.

24      Cependant, force est de constater que les difficultés de la cause ont été, en partie, réduites du fait de l’absence de contestation par M6 et TF1 de l’estimation figurant dans la décision attaquée relative à l’ampleur de la baisse des recettes et de l’augmentation des coûts de programmation occasionnée par la suppression de la publicité ainsi que du caractère inférieur à ce montant de la dotation litigieuse.

25      En outre, l’ampleur du travail fourni par les avocats de France Télévisions doit également être relativisée, en ce que, en règle générale, la tâche procédurale d’une partie intervenante est sensiblement facilitée par le travail de la partie principale au soutien de laquelle elle est intervenue (ordonnance du Tribunal du 12 décembre 2008, Endesa/Commission, T‑417/05 DEP, non publiée au Recueil, point 45).

26      Lors de la fixation du montant des dépens récupérables, il convient de tenir compte notamment du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels les prestations effectuées ont pu être réparties (voir, en ce sens, ordonnance Endesa/Commission, point 25 supra, point 44).

27      Il ressort des documents fournis au Tribunal par France Télévisions que 160 heures de travail ont été facturées globalement par ses avocats pour les affaires T‑568/08 et T‑573/08 à des taux horaires négociés entre 315 euros et 110 euros, pour un total de 60 693,05 euros hors TVA.

28      Il résulte des considérations qui précèdent que, si des honoraires élevés sont justifiés, les 160 heures de travail que France Télévisions fait valoir, et dont elle demande le remboursement pour moitié à M6 et pour moitié à TF1, n’apparaissent pas objectivement indispensables.

29      À cet égard, doit être considéré comme excédant les frais indispensables aux fins de la présente affaire le montant de 14 346,52 euros sur le total de 30 346,52 euros réclamé à l’égard de M6.

30      Sur la base des considérations qui précèdent et d’un examen des documents fournis par France Télévisions, le Tribunal estime approprié de fixer les honoraires d’avocat récupérables concernant la présente affaire à 16 000 euros.

31      S’agissant des débours, il ressort du dossier que France Télévisions ne fournit aucune pièce justificative à leur égard. Par conséquent, il y a lieu d’évaluer, de manière forfaitaire, leur montant à 5 % des honoraires des avocats, soit 800 euros.

32      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables en fixant leur montant total à 16 800 euros hors TVA.

33      Étant donné que ce montant tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de l’adoption de la présente ordonnance, il n’y a pas lieu de statuer séparément sur le remboursement des frais exposés par France Télévisions aux fins de la présente procédure de taxation des dépens (voir ordonnance Airtours/Commission, point 15 supra, point 81).

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

Le montant total des dépens que Métropole télévision (M6) doit rembourser à France Télévisions est fixé à la somme de 16 800 euros.

Fait à Luxembourg, le 3 octobre 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       A. Dittrich


* Langue de procédure : le français.