Language of document : ECLI:EU:T:2013:589

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

12 novembre 2013(*)

« Aides d’État – Service postal – Décision portant injonction de fournir des informations – Caractère approprié du délai – Obligation de motivation – Pertinence des informations demandées »

Dans l’affaire T‑570/08 RENV,

Deutsche Post AG, établie à Bonn (Allemagne), représentée par Mes J. Sedemund, T. Lübbig et M. Klasse, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Martenczuk et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 30 octobre 2008 portant injonction de fournir des informations dans la procédure d’aide d’État en faveur de la Deutsche Post AG [C 36/2007 (ex NN 25/2007)],

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, F. Dehousse (rapporteur) et J. Schwarcz, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 avril 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 8 juin 1989, la République fédérale d’Allemagne a adopté le Postverfassungsgesetz (loi sur l’organisation de la poste, BGBl. 1989 I, p. 1026, ci-après le « PostVerfG »). En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, du PostVerfG, l’administration postale allemande, la Deutsche Bundespost, a été scindée en trois entités juridiques distinctes, à savoir la Deutsche Bundespost Postdienst (ci-après la « DB‑Postdienst »), la Deutsche Bundespost Telekom et la Deutsche Bundespost Postbank (ci-après la « DB‑Postbank »). Conformément à l’article 65, paragraphe 2, du PostVerfG, ces entités étaient tenues de maintenir les services que la Deutsche Bundespost offrait. En particulier, la DB‑Postdienst a repris ses activités dans le secteur postal, y compris la prise en charge du service postal universel.

2        Le 14 septembre 1994, la République fédérale d’Allemagne a adopté le Postumwandlungsgesetz (loi sur la réorganisation de la poste, BGBl. 1994 I, p. 2339). En vertu des articles 1er et 2 de cette loi, les trois entités juridiques mentionnées ci-dessus ont été transformées en sociétés anonymes, à compter du 1er janvier 1995. Les activités de la DB‑Postdienst ont été reprises par la requérante, la Deutsche Post AG. Les activités de la Deutsche Bundespost Telekom et celles de la DB‑Postbank ont été reprises, respectivement, par la Deutsche Telekom AG et la Deutsche Postbank AG.

3        À la suite de plaintes en 1994 d’UPS Europe NV/SA et en 1997 de l’association des prestataires privés de services de messagerie et de livraison express du courrier et de colis, le Bundesverband Internationaler Express-und Kurierdienste eV (BIEK), la Commission des Communautés européennes a informé la République fédérale d’Allemagne, par lettre du 17 août 1999, publiée au Journal officiel des Communautés européennes le 23 octobre 1999 (JO C 306, p. 25), de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE à l’égard de diverses mesures en vertu desquelles la requérante avait bénéficié de fonds publics (ci-après la « décision d’ouverture de 1999 ») et lui a demandé de fournir un certain nombre de documents et d’informations.

4        Le 19 juin 2002, la Commission a adopté la décision 2002/753/CE, concernant des mesures prises par la République fédérale d’Allemagne en faveur de la requérante (JO L 247, p. 27, ci-après la « décision de 2002 »). Le dispositif de la décision de 2002 prévoit notamment que « l’aide publique d’un montant de 572 millions d’euros (1 118,7 millions de DEM) que [la République fédérale d’Allemagne] a accordée à [la requérante] est incompatible avec le marché commun ». Par son arrêt du 1er juillet 2008, Deutsche Post/Commission (T‑266/02, Rec. p. II‑1233), le Tribunal a annulé cette décision de 2002. Le pourvoi formé par la Commission contre ledit arrêt a été rejeté par l’arrêt de la Cour du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post (C‑399/08 P, Rec. p. I‑7831).

5        Le 11 mai 2004, UPS Europe a introduit une nouvelle plainte auprès de la Commission en faisant valoir que celle-ci, dans la décision de 2002, n’avait pas examiné toutes les mesures publiques mentionnées dans la plainte de 1994 et que les avantages dont bénéficiait la requérante dépassaient largement le montant dont la Commission avait ordonné la récupération. À son tour, le 16 juillet 2004, la TNT Post AG & Co. KG a introduit une plainte alléguant que les tarifs des services facturés par la requérante à la DB-Postbank étaient excessivement bas et que ces services étaient financés au moyen des recettes provenant du secteur réservé. À la suite de ces plaintes, la Commission a transmis des demandes d’information à la République fédérale d’Allemagne auxquelles cette dernière a répondu.

6        Par lettre du 12 septembre 2007, la Commission a notifié à la République fédérale d’Allemagne sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE en ce qui concerne l’aide d’État C 36/07 (ex NN 25/07) accordée par les autorités allemandes en faveur de la Deutsche Post (résumé au JO C 245, p. 21, ci-après la « décision d’ouverture de 2007 »). Cette décision d’ouverture de 2007 a fait l’objet d’un recours de la requérante le 22 novembre 2007. L’arrêt du Tribunal du 8 décembre 2011, Deutsche Post/Commission (T‑421/07, Rec. p. II‑8105), déclarant ce recours irrecevable a été annulé par la Cour (arrêt de la Cour du 24 octobre 2013, Deutsche Post/Commission, C‑77/12 P, non encore publié au Recueil), qui a renvoyé l’examen de l’affaire au Tribunal.

7        Par lettres du 14 décembre 2007 et du 10 juin 2008, la République fédérale d’Allemagne a exposé sa position concernant la décision d’ouverture de 2007. Des réunions ont eu lieu entre les autorités allemandes et les services de la Commission les 29 mai et 15 juillet 2008.

8        Le 17 juillet 2008, dans le cadre de la procédure d’examen de l’aide C 36/07 (ex NN 25/07), la Commission a transmis aux autorités allemandes une demande de renseignements comprenant notamment un questionnaire sur les recettes et les coûts de la requérante pour la période allant de 1989 à 2007 à fournir dans un délai de 20 jours ouvrables.

9        Le 5 août 2008, la République fédérale d’Allemagne a indiqué qu’il était possible de répondre dans le délai concernant les garanties de l’État et dans un délai d’au moins trois mois concernant les questions posées sur le financement des pensions. S’agissant du questionnaire relatif aux coûts et aux recettes de la requérante pour la période allant de 1989 à 2007, elle a précisé qu’elle devait demander à la requérante quel délai serait nécessaire pour répondre et qu’elle serait ensuite en mesure de demander la prolongation de délai nécessaire. Elle a ajouté que, depuis le 1er janvier 1995, la requérante était une société anonyme de droit privé qui n’avait plus reçu aucune compensation. Elle a réaffirmé, en se référant à ses courriers du 14 décembre 2007 et du 10 juin 2008 ainsi qu’à ses entretiens avec la Commission du 15 juillet 2008, que c’était d’abord sur la base de la période allant de 1989 à 1994 qu’il convenait de rechercher si une surcompensation avait eu lieu. Elle a également demandé un complément de motivation de la délimitation des périodes. Elle a enfin évoqué la protection du secret des affaires en demandant, d’une part, si l’entreprise privée de conseil chargée d’élaborer le questionnaire avait eu accès à certains documents déjà en possession de la Commission et, d’autre part, à titre préventif, si l’exploitation des réponses au questionnaire allait être confiée à cette entreprise de conseil, auquel cas il convenait de s’assurer que cette entreprise ne travaillait pas pour des concurrents de la requérante.

10      Le 12 août 2008, la Commission a envoyé une lettre à la République fédérale d’Allemagne, lui demandant de présenter sans retard une demande de prolongation de délai comportant un calendrier précis. Elle précisait également le but du questionnaire en justifiant la délimitation de la période en cause de 1989 à 2007. Elle ajoutait que l’entreprise de conseil s’était engagée par contrat à traiter d’une manière strictement confidentielle les informations et les documents, de sorte que la protection du secret des affaires de la requérante était totalement garantie.

11      Par lettre du 14 août 2008, la République fédérale d’Allemagne a demandé un délai jusqu’au 28 novembre 2008 pour répondre aux questions sur le financement des pensions ainsi qu’au questionnaire sur la période allant du 1er juillet 1989 à la fin de 1994. Elle a cependant confirmé sa position déjà exprimée dans ses courriers des 14 décembre 2007 et 10 juin 2008 ainsi que lors des entretiens avec la Commission le 15 juillet 2008, selon laquelle la vérification intégrale des coûts et des recettes de la requérante après 1994 n’était pas nécessaire. Elle a également réaffirmé ses doutes quant à la protection du secret des affaires de la requérante.

12      Par lettre du 22 août 2008, la Commission a accordé une prolongation de délai jusqu’au 28 octobre 2008 concernant le financement public des pensions et elle a demandé à la République fédérale d’Allemagne dans quel délai elle envisageait de répondre de façon complète au questionnaire relatif aux coûts et aux recettes.

13      Par lettre du 26 septembre 2008, la République fédérale d’Allemagne a indiqué que, pour répondre au questionnaire concernant la période allant de 1989 à 1994, elle avait besoin d’un délai allant jusqu’à la fin de novembre 2008. Elle a également indiqué que l’intégration des coûts et des recettes de 1995 à 2007 dans le calcul de la surcompensation n’était pas justifiée. Selon elle, la recherche envisagée par la Commission pour ces années n’était pas indispensable et manquait de base juridique solide. En outre, elle a réaffirmé ses doutes concernant la protection du secret des affaires de la requérante.

14      Par courrier du 30 octobre 2008 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a enjoint à la République fédérale d’Allemagne, en application de l’article 10, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO L 83, p .1), de fournir dans les 20 jours toutes les informations nécessaires pour répondre au questionnaire en cause. Elle a ajouté que, si, malgré cette injonction, les autorités allemandes ne fournissaient pas dans les délais les informations demandées, elle prendrait sa décision en l’espèce sur la base des renseignements disponibles, conformément à l’article 13, paragraphe 1, dudit règlement.

15      Dans le courant de l’année 2009, notamment à la suite d’une réunion du 6 février 2009 avec les services de la Commission, la République fédérale d’Allemagne et la requérante ont accepté de fournir les informations concernant la période allant de 1989 à 2007.

16      Par la suite, la Commission a adopté la décision C (2011) 3081 final, du 10 mai 2011, d’étendre la procédure formelle d’examen en cours, concernant les aides d’État accordées par la République fédérale d’Allemagne à la Deutsche Post à titre de compensation de ses obligations de service universel, aux subventions versées par les autorités allemandes en faveur de la Deutsche Post en vue de couvrir le coût des pensions des salariés ayant le statut de fonctionnaire [aide C 36/2007 (ex NN 25/07)]. Cette décision a également fait l’objet d’un recours, actuellement pendant devant le Tribunal (affaire T‑388/11).

17      Par décision du 25 janvier 2012, la Commission a adopté une décision clôturant la procédure formelle d’examen [aide C 36/2007 (ex NN 25/2007)], par laquelle elle a considéré que le financement public des pensions était une aide incompatible avec le marché commun devant être récupérée, que les transferts publics constituaient une aide compatible avec le marché commun et que les garanties publiques constituaient une aide existante.

 Décision attaquée

18      La décision attaquée, après un rappel de la procédure suivie, décrit les mesures publiques en cause comme étant des transferts publics reçus par la requérante, des abandons de créances, l’octroi de garanties publiques et le financement public des pensions des fonctionnaires de la poste.

19      La Commission exprime tout d’abord ses doutes sur le caractère nécessaire et proportionné de la compensation accordée à la requérante au regard de ses obligations de service public. Comme le montant de ladite compensation n’avait pas fait l’objet de règles de calcul claires à l’avance, la Commission a estimé nécessaire de reconstituer en détail le montant de la compensation accordée et des coûts du service universel, en incluant le profit raisonnable que le fournisseur de service pouvait faire sur le capital utilisé. Elle s’est donc spécialement intéressée aux questions suivantes :

–        le montant de la compensation devait inclure les transferts publics, les garanties publiques et le financement public des pensions ;

–        dans l’évaluation de la surcompensation, il fallait prendre en compte les revenus des services réservés de courrier et des autres services universels de courrier et colis que la requérante fournissait ;

–        dès lors que la compensation devait être utilisée seulement pour l’opération de services universels et ne devait pas financer de façon croisée des activités commerciales, des recherches devaient être effectuées concernant l’allocation des coûts entre le service universel et les services commerciaux. Il convenait de déterminer si les coûts réclamés pour les services universels avaient été effectivement encourus pour lesdits services et si le service commercial contribuait de façon appropriée au financement des coûts du réseau postal fixés ;

–        dès lors que la compensation devait couvrir – en plus des coûts de service universel correctement alloués – un retour sur investissement raisonnable, la rentabilité de la requérante devait être étudiée en prenant en compte le taux moyen de profit dans le secteur et les risques assumés par la requérante.

20      Compte tenu de ces éléments, pour déterminer si la requérante avait bénéficié d’une surcompensation en contrepartie de ses obligations de service public, le champ du questionnaire devait inclure les coûts et les recettes des services universels et ceux des services commerciaux utilisant les infrastructures de la requérante. Ce questionnaire concernant les recettes et les coûts du service universel et des services commerciaux de la requérante pour la période allant de 1989 à 2007 est annexé à la décision attaquée.

21      La Commission a ensuite résumé les observations des autorités allemandes, selon lesquelles il n’y avait pas eu de transferts publics après le 1er janvier 1995, les informations demandées étaient disproportionnées et les autres mesures d’aides (garanties et financement public des pensions) devaient être analysées séparément.

22      Dans le cadre de son évaluation, la Commission a pris en compte l’arrêt de la Cour du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, Rec. p. I‑7747), selon lequel « la compensation ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations ». Elle a considéré que, pour déterminer le montant de la surcompensation, seule une analyse à long terme des coûts et des recettes pouvait donner des résultats économiquement parlants. Selon elle, une telle analyse à long terme n’était pas contraire à l’encadrement communautaire des aides d’État sous forme de compensations de service public (JO 2005, C 297, p. 4, ci-après l’ « encadrement communautaire de 2005 ») et n’était pas nécessairement désavantageuse pour la requérante.

23      De plus, la Commission a indiqué que les effets économiques allaient en l’espèce au-delà du 1er janvier 1995, ce qui justifiait une analyse à long terme. À cet égard, la Commission a, premièrement, souligné que l’annulation des dettes avec effet au 1er janvier 1995 n’entraînait pas une augmentation immédiate des liquidités de la requérante. Deuxièmement, elle a relevé que les transferts publics ayant permis le financement de nouveaux équipements et infrastructures étaient comparables à une mesure financière de long terme. Troisièmement, elle a souligné que, compte tenu des pertes supportées par la requérante dans les années 1990, les investissements dans des immobilisations de long terme n’auraient pas pu être financés sans les transferts publics. Elle a ajouté que la requérante avait bénéficié de garanties publiques et de financement de pensions au-delà de 1995, jusqu’au 31 décembre 2007.

24      La Commission a enfin estimé que le questionnaire n’impliquait pas une charge de travail disproportionnée compte tenu des obligations de séparation comptable entre les services publics et commerciaux imposées à la requérante par la Directive 97/67/CE du Parlement Européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service (JO 2008, L 15, p. 14, ci-après la « directive en matière postale ») et la Directive 80/723/CEE de la Commission, du 25 juin 1980, relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques (JO L 195, p. 35, ci-après la « directive en matière de transparence »).

25      La Commission en a conclu qu’une analyse de la période complète était nécessaire pour apprécier les effets sur la concurrence des transferts publics et autres moyens financiers injectés au profit de la requérante. Elle a ajouté que les autorités allemandes, qui étaient au courant du questionnaire depuis sa lettre du 17 juillet 2008, devaient déjà avoir une large partie des informations demandées compte tenu des obligations imposées par les directives en matière postale et en matière de transparence.

26      Dans le cadre de la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE et en se fondant sur l’article 10, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999, la Commission a donc enjoint à la République fédérale d’Allemagne de communiquer les informations nécessaires pour répondre au questionnaire dans les 20 jours à compter de la réception de la décision attaquée. Elle a ajouté que, si, malgré cette injonction, les autorités allemandes ne fournissaient pas dans les délais les informations demandées, elle prendrait sa décision en l’espèce sur la base des renseignements disponibles, conformément à l’article 13, paragraphe 1, dudit règlement.

 Procédure devant le Tribunal et la Cour de justice

27      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 décembre 2008, la requérante a demandé l’annulation de la décision attaquée et la condamnation de la Commission aux dépens.

28      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 19 mars 2009, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, par laquelle elle a demandé à ce dernier de rejeter le recours dont il était saisi comme étant irrecevable et de condamner la requérante aux dépens.

29      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité présentées le 29 mai 2009, la requérante a conclu au rejet de celle-ci et à la condamnation de la Commission aux dépens.

30      Par ordonnance du 14 juillet 2010, Deutsche Post/Commission (T‑570/08, non publiée au Recueil), le Tribunal (première chambre) a rejeté le recours comme étant irrecevable et a condamné la requérante à supporter ses propres dépens et ceux de la Commission.

31      Par une autre ordonnance du Tribunal du même jour, Allemagne/Commission (T‑571/08, non publiée au Recueil), le Tribunal a également rejeté le recours de la République fédérale d’Allemagne qui avait pour objet l’annulation de la même décision attaquée comme étant irrecevable.

32      Par requête déposée au greffe de la Cour le 22 décembre 2008, la requérante a, en vertu de l’article 56 du statut de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l’ordonnance Deutsche Post/Commission (point 30 supra), par lequel elle demandait à la Cour d’annuler ladite ordonnance, de déclarer recevable sa requête présentée devant le Tribunal, d’annuler l’acte attaqué et de condamner la Commission aux dépens. La République fédérale d’Allemagne a également formé un pourvoi contre l’ordonnance Allemagne/Commission (point 31 supra).

33      Par arrêt du 13 octobre 2011, Deutsche Post/Commission (C‑463/10 P et C‑475/10 P, non encore publié au Recueil), la Cour a annulé l’ordonnance Deutsche Post/Commission (point 30 supra) et l’ordonnance Allemagne/Commission (point 31 supra), et a rejeté les exceptions d’irrecevabilité soulevées par la Commission devant le Tribunal. Elle a renvoyé les affaires devant le Tribunal pour qu’il statue sur les conclusions de la requérante tendant à l’annulation de la décision attaquée et a réservé les dépens.

34      Les affaires ont été attribuées à la deuxième chambre du Tribunal.

35      Conformément à l’article 119, paragraphe 2, du règlement de procédure, la Commission a déposé un mémoire en défense au greffe du Tribunal le 16 février 2012 dans l’affaire T‑570/08 RENV. La requérante a déposé une réplique le 25 avril 2012. La Commission a déposé une duplique le 9 juillet 2012.

36      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 4 avril 2012, la République fédérale d’Allemagne a informé le Tribunal qu’elle se désistait de son recours dans l’affaire T‑571/08 RENV, qui a été rayée du registre du Tribunal par ordonnance du 10 mai 2012 du président de la deuxième chambre du Tribunal.

 Conclusions présentées par les parties à l’instance après renvoi

37      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

38      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

1.     Sur l’intérêt à agir de la requérante

39      La requérante soutient, en réplique, qu’elle a conservé un intérêt à agir. Elle fait valoir que l’adoption de la décision du 25 janvier 2012, par laquelle la procédure d’examen qui avait été engagée par la décision d’ouverture de 2007 a été clôturée, n’a pas rendu sans objet son recours contre l’injonction de fournir des renseignements. Selon elle, le risque existe que la Commission réutilise contre elle les informations ainsi obtenues dans le cadre d’une autre procédure d’examen relevant de la législation en matière d’aides. Lors de l’audience, elle a évoqué la possibilité de demander des dommages et intérêts en cas d’illégalité de la décision attaquée.

40      La Commission fait valoir, dans le cadre de la duplique, que la requérante ne démontre pas son intérêt à obtenir l’annulation de la décision attaquée, dès lors que ses arguments concernent une situation juridique future et incertaine, que les renseignements ont été communiqués par la République fédérale d’Allemagne et que celle-ci a retiré son recours à l’encontre de l’injonction attaquée.

41      Le Tribunal rappelle que la notion d’intérêt à agir renvoie à la nécessité pour toute personne physique ou morale ayant introduit un recours en annulation de justifier d’un intérêt né et actuel à voir l’acte annulé. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques ou, selon une autre formule, que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 septembre 2009, Commission/Koninklijke FrieslandCampina, C‑519/07 P, Rec. p. I‑8495, point 63, et la jurisprudence citée). En outre, selon une jurisprudence constante, l’intérêt à agir du requérant au vu de l’objet du recours s’apprécie au jour où ledit recours est formé et doit perdurer jusqu’à ce que le juge statue au fond (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 décembre 2011, ACEA/Commission, C‑319/09 P, non encore publié au Recueil, point 67). De plus, un requérant ne saurait invoquer des situations futures et incertaines pour justifier son intérêt à demander l’annulation de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 avril 2005, Sniace/Commission, T‑141/03, Rec. p. II‑1197, points 25 et 26, et la jurisprudence citée).

42      En l’espèce, il convient de relever que la Cour a jugé que l’injonction de fournir des informations attaquée produit des effets juridiques autonomes et qu’un recours introduit contre la décision mettant fin à la procédure, laquelle est intervenue entre-temps, n’est pas de nature à assurer une protection juridictionnelle suffisante à l’égard des requérantes (arrêt du 13 octobre 2011, Deutsche Post/Commission, point 33 supra, points 55 et 56). Cette appréciation se rapporte au caractère attaquable de l’injonction en cause. Il y a cependant lieu d’en déduire que, au moment de l’introduction du recours, l’annulation de l’injonction attaquée était susceptible de procurer un bénéfice à la requérante, laquelle disposait donc d’un intérêt à agir.

43      Les arguments de la Commission ne sont pas de nature à établir que cet intérêt à agir a disparu depuis lors.

44      En effet, le fait que la République fédérale d’Allemagne a finalement produit les informations demandées et s’est, ce faisant, conformée à la décision attaquée ne prive pas la requérante de son intérêt à agir en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 septembre 1985, Hoogovens Groep/Commission, 172/83 et 226/83, Rec. p. 2831, point 19).

45      De plus, il ne saurait être tiré aucune conclusion du choix du gouvernement allemand de se désister de son recours (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 novembre 2001, Mitteldeutsche Erdöl-Raffinerie/Commission, T‑9/98, Rec. p. II‑3367, point 35).

46      En outre, l’annulation de la décision attaquée est susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques, notamment en évitant le renouvellement d’une telle pratique de la part de la Commission (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 9 novembre 1994, Scottish Football/Commission, T‑46/92, Rec. p. II‑1039, point 14, et du 30 mai 2006, Bank Austria Creditanstalt/Commission, T‑198/03, Rec. p. II‑1429, point 44), et ce indépendamment du fait que la décision finale soit intervenue entre-temps.

47      Au surplus, même si, en raison des circonstances et en particulier du fait que la décision finale est intervenue entre-temps, la mise en œuvre de l’obligation incombant à la Commission de prendre les mesures d’exécution que comporterait une annulation de l’acte attaqué devait s’avérer impossible, le présent recours en annulation conserverait à tout le moins un intérêt en tant que base d’un recours éventuel en responsabilité (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C‑68/94 et C‑30/95, Rec. p. I‑1375, point 74).

48      Compte tenu de tout ce qui précède, la requérante doit être considérée comme ayant conservé un intérêt à agir, nonobstant la circonstance que celle-ci se réfère à un élément futur et incertain, tel que le risque que la Commission réutilise contre elle les informations obtenues dans le cadre d’une autre procédure.

49      La requérante doit donc être considérée comme ayant un intérêt à agir en l’espèce.

2.     Sur le fond

50      À l’appui de la requête, la requérante a soulevé quatre moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 10, paragraphe 3, et de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 659/1999, le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 253 CE en raison du caractère erroné de la motivation, le troisième moyen est tiré de la violation des articles 287 et 10 CE en combinaison avec les principes de respect des droits de la défense et de régularité de la procédure administrative et le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 1, et de l’article 86, paragraphe 2, CE.

51      Lors de l’audience, la requérante a déclaré se désister du troisième moyen, ce dont il a été pris acte au procès-verbal d’audience.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 10, paragraphe 3, et de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 659/1999

52      Il convient de rappeler que l’article 13, paragraphe 1, du règlement nº 659/1999 a repris et consacré la jurisprudence de la Cour en vertu de laquelle la Commission est habilitée à adopter une décision sur la base des informations disponibles lorsqu’elle est confrontée à un État membre qui ne satisfait pas à son devoir de collaboration et qui s’abstient de lui fournir les renseignements que celle-ci lui a demandés pour examiner la compatibilité d’une aide avec le marché commun.

53      Cependant, eu égard au caractère très large de cette faculté accordée à la Commission, celle-ci, avant de prendre une telle décision, doit respecter certaines exigences procédurales. Ces exigences sont prévues à l’article 5, paragraphe 2, à l’article 10, paragraphe 3, et à l’article 13, paragraphe 1, du règlement nº 659/1999 (voir arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, MTU Friedrichshafen/Commission, T‑196/02, Rec. p. II‑2889, points 39 et 40, et la jurisprudence citée).

54      L’article 5 du règlement n° 659/1999 prévoit :

« Demande de renseignements

1. Si la Commission considère que les informations fournies par l’État membre concerné au sujet d’une mesure notifiée conformément à l’article 2 sont incomplètes, elle demande tous les renseignements complémentaires dont elle a besoin. Si un État membre répond à une telle demande, la Commission informe l’État membre de la réception de la réponse.

2. Si l’État membre ne fournit pas les renseignements demandés dans le délai imparti par la Commission, ou les lui fournit de façon incomplète, celle-ci lui adresse un rappel, en fixant un délai supplémentaire adéquat dans lequel les renseignements doivent être communiqués.

3. Si les renseignements demandés ne sont pas fournis dans le délai fixé, la notification est réputée avoir été retirée […] »

55      L’article 10 du règlement n° 659/1999 prévoit :

« Examen, demande de renseignements et injonction de fournir des informations

1. Lorsque la Commission a en sa possession des informations concernant une aide prétendue illégale, quelle qu’en soit la source, elle examine ces informations sans délai.

2. Le cas échéant, elle demande à l’État membre concerné de lui fournir des renseignements. L’article 2, paragraphe 2, et l’article 5, paragraphes 1 et 2, s’appliquent mutatis mutandis.

3. Si, en dépit du rappel qui lui a été adressé en vertu de l’article 5, paragraphe 2, l’État membre concerné ne fournit pas les renseignements demandés dans le délai imparti par la Commission ou les fournit de façon incomplète, la Commission arrête une décision lui enjoignant de fournir lesdits renseignements (ci-après dénommée « injonction de fournir des informations »). Cette décision précise la nature des informations requises et fixe un délai approprié pour leur communication. »

56      Ainsi, dans le cas d’une aide non notifiée, si la Commission l’estime nécessaire, elle demande à l’État membre de lui fournir des renseignements dans un certain délai (article 10, paragraphe 2, et article 5, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999). Si l’État membre n’obtempère pas dans le délai imparti ou fournit des renseignements incomplets, elle lui adresse un rappel assorti d’un délai supplémentaire adéquat (article 10, paragraphe 2, et article 5, paragraphe 2, du règlement n° 659/1999). Si, malgré ce rappel, les renseignements demandés ne sont pas fournis dans le délai imparti ou le sont de façon incomplète, la Commission arrête une injonction de fournir des informations (article 10, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999).

57      La requérante soutient que la Commission a enfreint les règles procédurales applicables à trois égards.

 Sur la première branche, tirée de l’absence de validité du délai fixé dans la demande de renseignements

58      Premièrement, les parties s’opposent quant à l’acte constituant la première demande de renseignements en l’espèce. La Commission soutient que la décision d’ouverture de 2007 constitue la première demande de renseignements, ce que la requérante conteste.

59      Il convient de rappeler que l’article 6, paragraphe 1, du règlement n 659/1999 prévoit :

« Procédure formelle d’examen

La décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun. La décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois. Dans certains cas dûment justifiés, la Commission peut proroger ce délai. »

60      Par la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen et sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, l’État membre et les autres parties intéressées sont ainsi informés des faits sur lesquels la Commission entend fonder sa décision et invités à présenter leurs observations dans un délai déterminé, en l’occurrence d’un mois.

61      En l’espèce, il convient de relever que la décision d’ouverture de 2007 ne contient pas de demande de renseignements spécifiques. En effet, la Commission s’est bornée à demander à la République fédérale d’Allemagne de fournir ses observations et toute information pouvant contribuer à l’évaluation des mesures en cause (paragraphe 105 de ladite décision). Le fait qu’aux paragraphes points 80 à 104 de cette décision la Commission a décrit la méthode qu’elle envisageait d’appliquer pour constater si une surcompensation avait eu lieu de 1989 à 2007 en précisant la nature des recettes et des dépenses qu’elle entendait intégrer dans ses calculs n’infirme pas cette conclusion.

62      En revanche, ainsi que la requérante le souligne, la lettre de la Commission du 17 juillet 2008 contient des questions spécifiques élaborées à l’aide d’un expert choisi à la suite d’un appel d’offres du 23 janvier 2008.

63      Il y a donc lieu de considérer que, en l’espèce, la première demande de renseignements au sens de l’article 10, paragraphe 2, et de l’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 n’est pas la décision d’ouverture de 2007, mais la lettre du 17 juillet 2008.

64      Deuxièmement, la requérante soutient que le délai de 20 jours ouvrables, fixé par la lettre du 17 juillet 2008 pour fournir les renseignements demandés, était trop bref pour être opérant. Il serait donc dépourvu de valeur juridique et contraire au principe de proportionnalité.

65      Le Tribunal relève, à cet égard, que l’article 10 du règlement n° 659/1999 ne fixe pas de délai précis (voir points 55 et 56 ci-dessus).

66      En outre, il suffit de relever qu’il ressort des éléments du dossier qu’aucune demande de prorogation de délai n’a été demandée concernant le questionnaire des coûts et des recettes pour la période allant de 1995 à 2007 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Finnboard/Commission, T‑338/94, Rec. p. II‑1617, point 54).

67      En effet, le 5 août 2008, la République fédérale d’Allemagne a indiqué qu’elle devait consulter la requérante pour évaluer le délai nécessaire pour répondre au questionnaire. Par lettre du 14 août 2008, elle a demandé un délai jusqu’au 28 novembre 2008 pour répondre au questionnaire sur la période antérieure à 1995 uniquement, mais a confirmé sa position selon laquelle la vérification intégrale des coûts et des recettes de la requérante après 1994 n’était pas nécessaire. En réponse à la lettre du 22 août 2008 par laquelle la Commission lui a demandé dans quel délai elle envisageait de répondre de façon complète au questionnaire relatif aux coûts et aux recettes, elle a confirmé, par lettre du 26 septembre 2008, que la recherche envisagée par la Commission pour les années postérieures à 1994 n’était pas indispensable et manquait de base juridique solide.

68      Partant, lors de l’adoption de l’injonction attaquée, la République fédérale d’Allemagne n’avait toujours pas demandé de prorogation du délai fixé par la Commission.

69      De plus, la République fédérale d’Allemagne avait à plusieurs reprises indiqué qu’elle estimait les informations demandées concernant les coûts et les recettes pour la période postérieure à 1994 comme étant injustifiées, non nécessaires et manquant de base juridique. Il convient de considérer donc qu’elle refusait de communiquer lesdites informations.

70      À cet égard, le fait que la Commission ait demandé à la République fédérale d’Allemagne dans quel délai celle-ci envisageait de communiquer les informations en cause confirme qu’une prolongation de délai était envisageable. Une telle prolongation a d’ailleurs été accordée concernant les informations relatives au financement public des pensions. Contrairement à ce qu’affirme la requérante, le fait que la Commission ait incité la République fédérale d’Allemagne à demander une prolongation de délai participe de l’obligation de coopération loyale prévue à l’article 10 CE, sans que cela ait de signification particulière sur le caractère raisonnable ou non du délai initial.

71      Dès lors, au vu des circonstances de l’espèce, sans qu’il soit besoin d’examiner plus avant le caractère disproportionné du délai imparti, il y a lieu de considérer que la requérante n’est pas fondée à alléguer le caractère insuffisant, inopérant ou disproportionné du délai de 20 jours ouvrables fixé dans la demande de renseignements du 17 juillet 2008.

72      La première branche du présent moyen doit donc être rejetée.

 Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de rappel fixant un délai supplémentaire

73      La requérante soutient que, s’il devait être admis que la demande de renseignements du 17 juillet 2008 fixait un délai, il n’y aurait pas eu de rappel fixant un délai supplémentaire au sens de l’article 5, paragraphe 2, in fine, et de l’article 10, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999, dans les lettres des 12 et 22 août 2008 de la Commission, ce qui entache de nullité la décision attaquée.

74      Le Tribunal relève que, si l’État membre ne fournit pas les informations demandées dans la première demande de renseignements, il résulte de l’article 10, paragraphe 2, combiné avec l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 659/1999, que la Commission lui adresse un rappel assorti d’un délai supplémentaire adéquat.

75      En l’espèce, dans sa lettre du 12 août 2008, la Commission a demandé à la République fédérale d’Allemagne de présenter sans retard une demande de prolongation comportant un calendrier précis. De même, dans la lettre du 22 août 2008, elle lui a demandé dans quel délai celle-ci envisageait de répondre de façon complète au questionnaire relatif aux coûts et aux recettes.

76      Au vu de ces circonstances, il convient de considérer que, par le biais de ses lettres des 12 et 22 août 2008, la Commission a respecté les dispositions applicables.

77      En effet, la Commission s’est montrée prête à accorder une prolongation de délai et le fait que la durée de cette prolongation n’ait pas été formellement fixée s’explique par le fait que la République fédérale d’Allemagne n’a pas proposé de calendrier précis et s’est bornée à confirmer sa position selon laquelle les informations demandées concernant la période allant de 1995 à 2007 étaient selon elle injustifiées et non nécessaires. L’argument de la requérante, tiré du fait que la lettre du 22 août 2008 accorde une prolongation de délai qui ne serait applicable qu’à la question du financement des pensions et non au questionnaire relatif aux coûts et aux recettes, n’infirme pas cette conclusion, la République fédérale d’Allemagne ayant spécifiquement sollicité une telle prolongation dans sa lettre du 14 août 2008.

78      En outre, la requérante fait valoir que le rappel fixant un délai supplémentaire aurait une fonction d’avertissement ainsi que de protection des droits patrimoniaux et des secrets d’affaires des entreprises concernées et qu’il constituerait ainsi une condition de validité de la décision enjoignant de fournir des informations. Cet argument ne saurait être accueilli. En effet, à supposer qu’une atteinte aux droits invoqués par la requérante puisse se produire en l’espèce, elle résulterait de la décision d’injonction attaquée, mais ne saurait être causée par l’absence de délai supplémentaire fixé dans la lettre de rappel alléguée par la requérante.

79      Enfin, conformément à l’obligation de coopération loyale prévue à l’article 10 CE, la Commission peut accorder des prolongations de délais dans des cas justifiés, ce qui implique qu’une demande de prolongation soit formulée et motivée. Dans ce contexte, l’argument de la requérante, selon lequel le refus de la République fédérale d’Allemagne de fournir les informations demandées ne saurait justifier de supprimer l’obligation de fixer un délai supplémentaire, doit également être écarté.

80      Dès lors, compte tenu des circonstances de l’espèce, la requérante n’est pas fondée à invoquer le fait que l’absence de rappel fixant un délai supplémentaire entacherait d’illégalité la décision attaquée.

81      La deuxième branche du présent moyen doit donc être rejetée.

 Sur la troisième branche, tirée de l’absence de validité du délai fixé dans la décision attaquée

82      À titre subsidiaire, la requérante soutient que, au vu des informations demandées pour la période allant de 1995 à 2007, le délai de 20 jours fixé par la décision attaquée était impossible à respecter et contraire au principe de proportionnalité. Selon elle, il aurait fallu huit mois supplémentaires pour traiter la période allant de 1995 à 2007 et ce délai de 20 jours revêtait un caractère « punitif ». Elle souligne le volume de travail lié à la redécouverte et à l’identification des données en matière de coûts et de recettes qui datent pour partie de plus de 10 ans. Elle évoque également la nécessité, au vu du questionnaire, de fournir des données en matière de coûts et de recettes, de donner des descriptions très étendues des fonctions des entreprises et des interpénétrations fonctionnelles qui se sont modifiées au cours de la période s’étendant de 1989 à 2007 et d’établir des profils de risque pour l’ensemble des activités économiques de l’entreprise au cours de ces années, ce qui soulèverait des difficultés particulières a posteriori.

83      Le Tribunal rappelle que l’article 10, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999 prévoit que, si, en dépit du rappel qui lui a été adressé en vertu de l’article 5, paragraphe 2, l’État membre concerné ne fournit pas les renseignements demandés dans le délai imparti par la Commission ou les fournit de façon incomplète, la Commission arrête une injonction de fournir des informations qui précise la nature des informations requises et fixe un délai approprié pour leur communication.

84      L’article 13, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 prévoit que, au cas où un État membre omet de se conformer à une injonction de fournir des informations, la décision clôturant la procédure formelle d’examen est prise sur la base des renseignements disponibles.

85      Il résulte de ces dispositions que le délai approprié, visé à l’article 10, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999 doit être fixé de sorte à permettre au destinataire de la demande de fournir une réponse exacte et complète. Le caractère approprié du délai fixé doit être déterminé en fonction de l’étendue et du degré de difficulté des renseignements demandés ainsi que des circonstances de l’espèce.

86      En l’espèce, le questionnaire comportait plus d’une centaine de questions et concernait notamment l’analyse des coûts et des revenus de la requérante (notamment ses activités, ses coûts, la comptabilisation de ses coûts et de ses recettes, la structure de ses coûts et les changements opérés pendant la période analysée), l’analyse fonctionnelle (production, distribution et autres fonctions comme l’achat, le marketing et la publicité, les ressources humaines et les autres services centralisés ou non, la répartition entre services universels et services commerciaux) ainsi que le profil de risque de la requérante (en fonction notamment du marché, de la règlementation, des produits, etc.).

87      Il convient de relever que, ainsi que la Commission le souligne , certaines questions évoquées dans le questionnaire, notamment concernant les descriptions des fonctions internes à l’entreprise et des interdépendances fonctionnelles, se posent quotidiennement à la direction d’une entreprise comme la requérante et font normalement l’objet d’audits internes. De plus, certaines informations demandées devaient déjà être à la disposition de la requérante en application de la règlementation applicable.

88      En outre, il convient de tenir compte des circonstances de l’espèce.

89      En particulier, au moment de l’adoption de la décision attaquée, le questionnaire avait déjà été communiqué en annexe de la lettre du 17 juillet 2008. Pourtant, aucune information, concernant notamment la période allant de 1995 à 2007, n’avait été fournie. De même, aucune demande de prorogation de délai n’avait été formulée, alors même que les lettres des 12 et 22 août 2008 de la Commission, qui demandait à la République fédérale d’Allemagne dans quel délai elle envisageait de répondre de façon complète, suggéraient à tout le moins qu’une telle possibilité n’était pas exclue. Contrairement à ce que la requérante soutient , cette circonstance n’est pas dénuée de pertinence en l’espèce (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, point 45, et arrêt Finnboard/Commission, point 66 supra, point 54).

90      Dès lors, compte tenu de l’absence de réponse des autorités allemandes aux demandes de la Commission de fixer un calendrier précis, le délai fixé, nonobstant sa brièveté, ne revêt pas un caractère inapproprié en l’espèce. Le fait que le délai fixé coïncide avec une période de congé, qui n’implique cependant pas la fermeture des administrations nationales ni celle des entreprises, à le supposer pertinent, n’infirme pas cette conclusion.

91      De plus, un tel délai ne saurait revêtir le caractère d’une sanction. En effet, d’une part, la sanction du non-respect de l’obligation de fournir les informations demandées figure à l’article 13, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, précédemment rappelé (point 84 ci-dessus), et consiste en ce que la décision clôturant la procédure formelle d’examen est prise sur la base des renseignements disponibles. D’autre part, ce délai peut être prolongé en application du principe de coopération loyale. Il l’a d’ailleurs été en l’espèce dès que la République fédérale d’Allemagne a indiqué, postérieurement à la décision attaquée, qu’elle était prête à fournir les informations demandées.

92      Dès lors, si le délai fixé dans la décision attaquée peut paraître bref au regard du nombre de questions et des problématiques soulevées, il reste que, compte tenu des circonstances de l’espèce, il y a lieu de considérer que ce délai était approprié au sens de l’article 10, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999.

93      Enfin, ce délai n’enfreint pas davantage le principe de proportionnalité. En effet, ce principe exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt de la Cour du 5 mai 1998, National Farmers’ Union e.a., C‑157/96, Rec. p. I‑2211, point 60). En l’espèce, compte tenu des circonstances de l’espèce précédemment rappelées (voir en particulier points 89 à 91 ci-dessus), le délai fixé dans la décision attaquée n’apparaît pas comme étant disproportionné par rapport aux objectifs poursuivis. Dès lors, le principe de proportionnalité n’a pas été enfreint.

94      Cette troisième branche doit donc être rejetée et, partant, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation et du caractère erroné de la motivation

95      En premier lieu, la requérante allègue l’insuffisance de la motivation de la décision attaquée.

96      Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver une décision individuelle, qui résulte de manière générale de l’article 253 CE, a pour but de permettre au juge communautaire d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité, étant précisé que la portée de cette obligation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (arrêt de la Cour du 11 janvier 1973, Pays-Bas/Commission, 13/72, Rec. p. 27, point 11, et arrêts du Tribunal Scottish Football/Commission, point 46 supra, point 19, et du 12 juillet 2007, CB/Commission, T‑266/03, non publié au Recueil, point 35).

97      S’agissant plus particulièrement d’une décision d’injonction de fournir des informations, l’article 10 du règlement n° 659/1999 définit les éléments essentiels de motivation d’une injonction de fournir des informations (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 26 juin 1980, National Panasonic/Commission, 136/79, Rec. p. 2033, point 25 ; arrêts du Tribunal du 8 mars 1995, Société Générale/Commission, T‑34/93, Rec. p. II‑545, point 62, et du 22 mars 2012, Slovak Telekom/Commission, T‑458/09 et T‑171/10, non encore publié au Recueil, point 76).

98      Ainsi, l’article 10 du règlement n° 659/1999 prévoit que la Commission « précise la nature des informations requises et fixe un délai approprié pour leur communication ».

99      La Commission n’est pas tenue de communiquer au destinataire d’une telle décision toutes les informations dont elle dispose à propos d’infractions présumées, ni de procéder à une qualification juridique rigoureuse de ces infractions, mais elle doit indiquer clairement les présomptions qu’elle entend vérifier (voir, par analogie, arrêts Société Générale/Commission, point 97 supra, point 63, et Slovak Telekom/Commission, point 97 supra, point 77).

100    De plus, ainsi que la Cour l’a jugé dans l’arrêt du 13 octobre 2011, Deutsche Post/Commission (point 33 supra, point 52), le présent recours en annulation ne devrait pas amener le juge de l’Union européenne à se prononcer sur l’existence d’une aide d’État ou sur la compatibilité éventuelle de celle-ci avec le marché intérieur.

101    En l’espèce, dans la décision attaquée (voir points 18 à 26 ci-dessus), la Commission a résumé les arguments de la République fédérale d’Allemagne et, dans le cadre de son appréciation, a indiqué les raisons pour lesquelles elle estimait nécessaire de disposer des informations demandées concernant la période allant de 1995 à 2007. Elle a notamment exposé que l’analyse des recettes et des coûts à long terme était nécessaire pour déterminer le montant de la surcompensation et qu’elle était conforme à la jurisprudence ainsi qu’à l’encadrement communautaire de 2005. Elle a également estimé que les effets économiques des mesures en cause allaient au-delà du 1er janvier 1995 et que le questionnaire n’impliquait pas une charge de travail disproportionnée. Elle en a conclu qu’une analyse de la période complète était nécessaire pour apprécier les effets sur la concurrence des transferts publics et autres moyens financiers injectés au profit de la requérante. Elle a joint le questionnaire déjà adressé le 17 juillet 2008.

102    Ce faisant, la Commission a suffisamment motivé la décision attaquée au regard de la jurisprudence précédemment rappelée (points 95 à 100 ci-dessus).

103    Les arguments de la requérante, pour autant qu’elle allègue l’insuffisance de motivation, n’infirment pas cette conclusion.

104    En particulier, son argument selon lequel l’injonction attaquée produit des effets juridiques autonomes et devait faire l’objet d’une motivation « particulièrement étendue » doit être écarté. En effet, le fait que la décision attaquée produise des effets juridiques autonomes ne justifie pas d’exiger une motivation plus détaillée ou particulièrement circonstanciée que celle exigée par la jurisprudence précédemment citée (points 95 à 100 ci-dessus). Partant, la décision attaquée est suffisamment motivée au regard des exigences de la jurisprudence applicable, ainsi qu’il a été précédemment constaté (voir point 102 ci-dessus).

105    En deuxième lieu, la requérante allègue des erreurs de motivation.

106    Premièrement, elle fait valoir qu’elle n’a pas refusé de répondre au questionnaire pour la période postérieure à 1994, mais a estimé que ce n’était pas nécessaire et s’est concentrée d’abord sur la période antérieure.

107    À cet égard, il suffit de relever que, ainsi qu’il ressort des pièces du dossier, au jour de la décision attaquée, la République fédérale d’Allemagne n’avait pas apporté de réponse au questionnaire pour cette période et n’avait pas indiqué à la Commission dans quel délai elle pouvait y répondre. Elle a, à plusieurs reprises, indiqué que les informations concernant les coûts et les recettes postérieurs à 1994 n’étaient pas nécessaires (voir en particulier les courriers rappelés points 11 et 13 ci-dessus).

108    Dans ces circonstances, même dans l’hypothèse où la République fédérale d’Allemagne n’aurait pas expressément refusé de communiquer les informations en cause, il reste que l’absence de communication desdites informations est avérée.

109    Dès lors, l’argument tiré du caractère erroné de la motivation de la décision attaquée doit être écarté.

110    Deuxièmement, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas suffisamment pris en compte les arguments juridiques de la République fédérale d’Allemagne. En particulier, elle aurait ignoré les arguments fondés sur la contradiction avec la pratique décisionnelle de la Commission, en violation du principe de non-discrimination, et sur le fait que la République fédérale d’Allemagne n’avait pas invoqué l’article 86, paragraphe 2, CE.

111    Toutefois, il suffit de relever que, au regard de la jurisprudence applicable (points 96 à 100 ci-dessus), la Commission n’était pas tenue de discuter ces éléments dans la motivation de la décision. Le fait qu’elle n’ait pas examiné tous les arguments de la République fédérale d’Allemagne dans la décision attaquée n’est pas de nature à entraver la compréhension de la portée de ladite décision ni les moyens de défense possibles à son encontre, ni enfin le contrôle juridictionnel exercé par le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt Scottish Football/Commission, point 46 supra, point 23).

112    De même, au vu de la jurisprudence applicable (voir points 96 à 100 ci-dessus) et du contenu de la décision attaquée, le fait que ladite décision se fonde sur l’article 86, paragraphe 2, CE alors même qu’il n’était pas invoqué par la République fédérale d’Allemagne n’est pas de nature à établir le caractère insuffisant ou erroné de la motivation de la décision attaquée.

113    Enfin, pour autant que la requérante allègue la violation du principe de non-discrimination, il est renvoyé à l’examen du quatrième grief du quatrième moyen (points 175 à 179 ci-dessous).

114    En troisième lieu, la requérante fait valoir, en réplique, que la décision finale du 25 janvier 2012 n’évoque ni n’utilise les renseignements concernant la période allant de 1995 à 2007 et que la décision attaquée enfreint donc le principe de bonne administration, garanti par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

115    Toutefois, le Tribunal relève que le principe de bonne administration n’est pas invoqué dans la requête et que l’allégation de son non-respect ne se fonde pas sur des éléments de fait ou de droit révélés pendant la procédure. Cette allégation constitue donc un moyen irrecevable en application de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure. En outre et en tout état de cause, ce moyen est dénué de tout fondement, dès lors qu’il vise à établir une insuffisance de motivation de la décision attaquée en se fondant sur un acte adopté postérieurement à celle-ci.

116    Il résulte de tout ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 1, et de l’article 86, paragraphe 2, CE

117    La requérante soutient que les données relatives aux coûts et aux recettes des années allant de 1995 à 2007 sont dénuées de pertinence aux fins de l’appréciation, d’une part, de la compensation financière pour la période allant de 1990 à 1994 et, d’autre part, de la compensation des charges en matière de pensions et que la décision attaquée est donc illégale.

118    Il convient de rappeler à cet égard que les informations demandées doivent être pertinentes pour l’appréciation de la mesure étatique au regard des articles 87 CE et 88 CE, sans quoi elles sont disproportionnées, ainsi que cela ressort de l’arrêt du 13 octobre 2011, Deutsche Post/Commission (point 33 supra, point 57).

119    S’agissant de la notion d’information pertinente, elle doit être interprétée en fonction des finalités en vue desquelles les pouvoirs d’enquête en cause ont été conférés à la Commission. Il est satisfait à l’exigence d’une corrélation entre la demande de renseignements et l’infraction présumée, dès lors que, à ce stade de la procédure, ladite demande peut être légitimement regardée comme présentant un rapport avec l’infraction présumée, en ce sens que la Commission puisse raisonnablement supposer que le document l’aidera à déterminer l’existence de l’infraction alléguée (voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 12 décembre 1991, SEP/Commission, T‑39/90, Rec. p. II‑1497, point 29, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 19 mai 1994, SEP/Commission, C‑36/92 P, Rec. p. I‑1911, point 21, et Slovak Telekom/Commission, point 97 supra, point 42 ; voir également, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Jacobs sous l’arrêt SEP/Commission, précité, Rec. p. I‑1914, point 21).

120    En outre, en matière d’aide d’État, la marge d’appréciation de la Commission pour demander des informations doit être d’autant plus large que, à ce stade de la procédure, elle ne dispose pas d’autres informations que celles communiquées par les différentes parties.

121    C’est au regard de ces éléments qu’il convient d’examiner le présent moyen.

 Sur la première branche, tirée de ce que les données relatives aux coûts et aux recettes des années allant de 1995 à 2007 sont dénuées de pertinence aux fins de l’appréciation de la compensation financière pour la période allant de 1990 à 1994

–       Sur le premier grief, tiré de la violation de l’encadrement communautaire de 2005

122    La requérante soutient que la décision attaquée enfreint le paragraphe 21 de l’encadrement communautaire de 2005, qui prévoit le principe d’un calcul annuel de la surcompensation et exclut une utilisation des coûts et des recettes venant à échéance de 1995 à 2007. Elle invoque également les règles relatives au calcul des intérêts en cas de récupération d’aide.

123    Le Tribunal relève, tout d’abord, que l’encadrement communautaire de 2005 prévoit, à son paragraphe 25, qu’il s’applique pendant une période de six ans à compter de la date de sa publication au Journal officiel. Ayant été publié au Journal officiel du 29 novembre 2005, il est donc applicable du 29 novembre 2005 au 29 novembre 2011.

124    Le paragraphe 26 de l’encadrement communautaire de 2005 dispose :

« La Commission appliquera les dispositions du présent encadrement à tous les projets d’aide qui lui seront notifiés et statuera sur ces projets après la publication de l’encadrement au Journal officiel, même si ces projets ont fait l’objet d’une notification avant cette publication. Pour les aides non notifiées, la Commission appliquera:

a)      les dispositions du présent encadrement si l’aide a été octroyée après la publication de l’encadrement au Journal officiel;

b)      les dispositions en vigueur au moment de l’octroi de l’aide dans les autres cas. »

125    En l’espèce, les paiements compensatoires des années allant de 1990 à 1994 n’ont pas été notifiés. Dès lors, l’encadrement communautaire de 2005 ne leur est pas applicable ratione temporis. Ces paiements doivent donc être appréciés au regard des dispositions en vigueur au moment de leur octroi, c’est-à-dire au regard de l’article 86, paragraphe 2, CE.

126    En outre et en tout état de cause, l’encadrement communautaire de 2005, qui a pour objet de préciser dans quelles conditions les aides d’État peuvent être compatibles avec le marché commun conformément aux dispositions de l’article 86, paragraphe 2, CE, indique, à son paragraphe 20, que les États membres doivent procéder, ou faire procéder, à un contrôle pour s’assurer qu’il n’y a pas eu de surcompensation. Il ajoute que, la surcompensation n’étant pas nécessaire au fonctionnement du service d’intérêt économique général, elle constitue une aide d’État incompatible qui doit être remboursée à l’État et que, pour l’avenir, les paramètres de calcul de la compensation doivent être mis à jour.

127    Le paragraphe 21 de l’encadrement communautaire de 2005 prévoit que :

« Lorsque le montant de la surcompensation ne dépasse pas 10 % du montant de la compensation annuelle, il peut être reporté sur l’année suivante. Certains services d’intérêt économique général peuvent présenter des coûts très variables selon les années, notamment en ce qui concerne des investissements spécifiques. En pareille hypothèse, une surcompensation exceptionnelle supérieure à 10 % certaines années peut se révéler nécessaire au fonctionnement du service d’intérêt économique général. La situation spécifique susceptible de justifier une surcompensation supérieure à 10 % doit être expliquée dans la notification à la Commission. Il convient toutefois qu’un bilan soit effectué selon une périodicité adaptée à chaque secteur d’activité qui, en tout état de cause, ne devrait pas dépasser quatre ans. Toute surcompensation constatée à l’issue de cette période doit être remboursée. »

128    Comme cela a été indiqué par la Commission (paragraphe 21 de la décision attaquée), le paragraphe 21 de l’encadrement communautaire de 2005 institue une instruction spécifique aux États membres concernant la période maximale après laquelle un contrôle de la situation doit être effectué et les surcompensations éventuelles récupérées. Cette disposition concerne ainsi les modalités de contrôle d’une surcompensation éventuelle par l’État membre et non l’appréciation par la Commission de la surcompensation au regard du droit des aides d’État.

129    En particulier, cette disposition ne peut être interprétée comme signifiant que les informations demandées en l’espèce ne sont pas pertinentes pour se prononcer sur l’existence et la compatibilité d’une surcompensation au motif qu’elles concernent une période plus longue que celle correspondant aux paiements compensatoires effectués sur la période allant de 1990 à 1994.

130    Dès lors, l’argument de la requérante tiré de la violation de l’encadrement communautaire de 2005, à le supposer applicable, doit être rejeté.

131    En outre, la requérante invoque le fait que, en cas d’aides illégales, les règles en matière de récupération prévoient que l’avantage octroyé inclut les intérêts composés qui produisent eux-mêmes des intérêts chaque année. Le calcul des intérêts composés supposerait donc un calcul annuel d’une surcompensation.

132    À cet égard, l’article 14 du règlement n° 659/1999 prévoit que la récupération de l’aide illégale inclut les intérêts qui courent à compter de la date à laquelle l’aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu’à celle de sa récupération. L’article 11 du règlement (CE) n 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement n° 659/1999 (JO L 140, p. 1) prévoit que le taux d’intérêt est appliqué sur une base composée jusqu’à la date de récupération de l’aide et que les intérêts courus pour une année produisent des intérêts chaque année suivante.

133    Toutefois, ces règles sont relatives au calcul des intérêts en cas de récupération de l’aide illégale et ne sauraient être interprétées comme signifiant que les informations demandées en l’espèce dans la décision attaquée ne sont pas pertinentes au sens de la jurisprudence applicable.

134    Dès lors, le grief de la requérante selon lequel les coûts et les recettes postérieurs à la fin de l’année 1994 seraient dénués de pertinence en raison d’un principe selon lequel le calcul de la surcompensation financière serait annuel doit être rejeté.

–       Sur le deuxième grief, tiré de ce que la décision attaquée porte atteinte à la répartition des compétences entre l’Union européenne et les États membres, en violation de l’article 86, paragraphe 2, et de l’article 87, paragraphe 1, CE, de ce qu’elle constitue un détournement de pouvoir et de ce qu’elle enfreint le principe de proportionnalité

135    En premier lieu, la requérante fait valoir que la question de savoir si une entreprise reçoit une compensation pour les surcoûts liés à l’accomplissement des missions d’intérêt économique général relève exclusivement des États membres, de même que l’étendue matérielle et temporelle des paiements de compensation. Selon elle, le fait d’étendre la période de compensation affecte cette compétence des États membres.

136    Il résulte de l’article 86 CE que les États membres sont compétents pour octroyer à une entreprise chargée de la gestion de services d’intérêt économique général une compensation de service public pour les surcoûts occasionnés (article 86, paragraphe 1, CE) et que la Commission dispose d’un pouvoir de contrôle (article 86, paragraphe 3, CE).

137    En l’espèce, contrairement à ce qu’affirme la requérante, le fait que les paiements compensatoires aient été limités à une période allant de 1990 à 1994 n’empêche pas la Commission d’exercer son contrôle de la façon qu’elle estime appropriée pour apprécier l’existence d’une éventuelle surcompensation.

138    En particulier, il n’est pas porté atteinte à la répartition des compétences entre les États membres et la Commission dans le cas où, comme en l’espèce, la Commission demande des informations sur l’ensemble de la durée du mandat conférant à l’entreprise sa mission de service public expirant en l’espèce en 2007, alors même que les paiements compensatoires en cause ont cessé à la fin de l’année 1994.

139    Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument de la requérante selon lequel les coûts et les recettes existants dix ou quinze ans plus tard ne sont pas prévisibles et ne sont donc pas susceptibles d’être pris en compte aux fins de la fixation des paiements compensatoires. À cet égard, ainsi que la Commission le souligne, des projections à long terme sont possibles, en particulier dans les entreprises des industries de réseaux, dont les infrastructures s’amortissent sur de longues périodes.

140    Dès lors, l’argument tiré de la violation de la répartition des compétences doit être rejeté.

141    En deuxième lieu, la requérante soutient que, en demandant des informations relatives aux années 1995 à 2007 dans le cadre d’un contrôle d’une compensation versée de 1990 à 1994, la Commission commet un détournement de pouvoir.

142    La notion de détournement de pouvoir se réfère au fait, pour une autorité administrative, d’avoir usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise à une telle fin. En cas de pluralité de buts poursuivis, même si un motif non justifié se joint aux motifs valables, la décision ne serait pas pour autant entachée de détournement de pouvoir, dès lors qu’elle ne sacrifie pas le but essentiel (arrêt du Tribunal du 4 février 2009, Omya/Commission, T‑145/06, Rec. p. II‑145, point 99).

143    En l’espèce, il suffit de relever que la requérante procède par affirmation et n’apporte aucun indice objectif, pertinent et concordant venant étayer son allégation, qui doit donc être rejetée.

144    En troisième lieu, la requérante soutient que la décision attaquée enfreint le principe de proportionnalité en raison de l’étendue du travail liée à la demande d’informations relatives à la période allant de 1995 à 2007 et de l’absence de pertinence de ces informations. Elle affirme également que la Commission ne s’est pas interrogée sur la pertinence des informations demandées. Elle allègue enfin, en réplique, la violation de l’article 284 CE.

145    À cet égard, il convient de rappeler que le respect du principe de proportionnalité, qui exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis, implique que l’obligation imposée à une entreprise de fournir un renseignement ne doit pas représenter pour elle une charge manifestement démesurée par rapport aux nécessités de l’enquête (voir, en ce sens et par analogie, arrêts Omya/Commission, point 142 supra, point 34, et Slovak Telekom/Commission, point 97 supra, point 81).

146    En matière d’aide d’État, l’injonction est disproportionnée si les informations demandées ne sont pas pertinentes pour l’appréciation de la mesure étatique au regard des articles 87 CE et 88 CE (voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2011, Deutsche Post/Commission, point 33 supra, point 57).

147    En l’espèce, la requérante n’étaye aucunement son affirmation concernant le caractère disproportionné de la charge de travail qui serait liée à la demande d’informations en cause. Le fait qu’elle ait eu recours à des experts externes pour répondre aux questions posées, ce qui a entraîné des coûts importants, comme elle l’a indiqué lors de l’audience, ne suffit pas à démontrer le caractère disproportionné de la charge de travail compte tenu de la taille de l’entreprise requérante et de l’enjeu économique du dossier en cause. De plus, ainsi que la Commission l’a souligné à l’audience, l’attitude de la République fédérale d’Allemagne à la date de l’adoption de la décision attaquée a contribué à justifier le nombre et la précision des questions posées.

148    En outre, la requérante ne démontre pas l’absence de pertinence des informations demandées pour apprécier la nature des mesures en cause et leur compatibilité avec le marché intérieur au regard du droit des aides d’État.

149    À cet égard, il convient de relever que la Commission a pu raisonnablement estimer que les effets économiques des compensations versées entre 1989 et 1994 pouvaient aller au-delà du 1er janvier 1995, ce qui justifiait une analyse à long terme.

150    En effet, ainsi que la Commission l’a souligné paragraphes points 24 et 25 de la décision attaquée, l’annulation des dettes avec effet au 1er janvier 1995 n’entraînait pas une augmentation immédiate des liquidités de la requérante. En outre, les transferts publics ayant permis le financement de nouveaux équipements et infrastructures étaient comparables à une mesure financière de long terme. De plus, la Commission a tenu compte du fait que, au vu des pertes supportées par la requérante dans les années 1990, les investissements dans des immobilisations de long terme n’auraient pas pu être financés sans les transferts publics. Elle a ajouté que la requérante avait bénéficié de garanties publiques et de financement de pensions au-delà de 1995 et jusqu’au 31 décembre 2007 (voir points 22 et 23 ci-dessus).

151    La requérante n’établit pas le caractère erroné de cette analyse.

152    D’ailleurs, à cet égard, ainsi que la Commission l’a indiqué dans la décision attaquée, la prise en compte d’une période plus longue peut avoir pour conséquence que le montant de la surcompensation éventuelle s’avère inférieur à ce qu’il serait en prenant en compte exclusivement la période antérieure au 1er janvier 1995 (paragraphe 23 de la décision attaquée, point 22 ci-dessus).

153    Au vu de ces éléments, d’une part, il y a lieu de constater que les informations demandées, y compris concernant la période allant de 1995 à 2007, pouvaient légitimement être regardées comme pertinentes, en ce sens que la Commission pouvait raisonnablement supposer que ces informations l’aideraient à déterminer l’existence ou non d’une surcompensation constituant une aide et à apprécier sa compatibilité avec le marché intérieur. D’autre part, il résulte également de ce qui précède que, contrairement à ce qu’affirme la requérante , la Commission s’est interrogée sur la pertinence des informations demandées.

154    Enfin, l’argument de la requérante selon lequel la décision finale du 25 janvier 2012 n’évoque pas ces éléments d’informations doit être écarté, dès lors que la pertinence des informations demandées doit être appréciée au moment de la décision attaquée. En effet, la nécessité des renseignements doit être appréciée par référence à la conception que pouvait légitimement avoir la Commission, au moment de la formulation de la demande en cause, de l’étendue des renseignements nécessaires. Partant, cette appréciation ne saurait se fonder sur la nécessité réelle des renseignements dans la suite de la procédure devant la Commission, qui est tributaire d’une multitude de facteurs et ne peut donc pas être déterminée avec certitude au moment de la formulation de la demande de renseignements (voir, par analogie, arrêt Omya/Commission, point 142 supra, point 30).

155    Au vu de ce qui précède, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur l’applicabilité de l’article 284 CE, invoqué par la requérante en réplique et qui prévoit que, « pour l’accomplissement des tâches qui lui sont confiées, la Commission peut recueillir toutes informations et procéder à toutes vérifications nécessaires, dans les limites et conditions fixées par le Conseil en conformité avec les dispositions du présent traité », ni sur la recevabilité de l’argument relatif à cette disposition.

156    Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté dans son ensemble.

–       Sur le troisième grief, tiré de la violation de l’article 86, paragraphe 2, et de l’article 87, paragraphe 1, CE, combinés avec le principe de sécurité juridique

157    Premièrement, la requérante fait valoir que la prise en compte de coûts et de recettes intervenus après la période allant de 1990 à 1994 influe sur la fixation d’une surcompensation et a pour conséquence que le montant d’une sous-compensation ou d’une surcompensation sur la base des différents coûts et recettes de chaque année varierait d’année en année et dépendrait seulement de la date de la décision de la Commission. Un tel résultat ne serait pas compatible avec le principe de l’objectivité de la notion d’aide qui interdit toute fluctuation et avec la protection de la confiance de l’entreprise concernée.

158    Il convient de rappeler qu’il découle de l’article 87, paragraphe 1, CE que la notion d’aide est une notion objective qui est fonction de la seule question de savoir si une mesure étatique confère ou non un avantage à une ou certaines entreprises (arrêts du Tribunal du 27 janvier 1998, Ladbroke Racing/Commission, T‑67/94, Rec. p. II‑1, point 52, et du 13 septembre 2010, Grèce/Commission, T‑415/05, T‑416/05 et T‑423/05, Rec. p. II‑4749, point 211). En outre, l’article 87, paragraphe 1, CE ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 26 septembre 1996, France/Commission, C-241/94, Rec. p. I-4551, points 19 et 20, et arrêts du Tribunal Ladbroke Racing/Commission, précité, point 52, et du 10 mai 2000, SIC/Commission, T‑46/97, Rec. p. II‑2125, point 83).

159    En l’espèce, ainsi qu’il a été exposé précédemment (points 148 à 153 ci-dessus), les informations demandées, y compris concernant la période allant de 1995 à 2007, pouvaient légitimement être regardées comme pertinentes dans l’optique de pouvoir examiner, dans le cadre de l’examen ultérieur au fond, la question de savoir notamment si les mesures étatiques en cause conféraient ou non un avantage à la requérante.

160    Une telle démarche est donc conforme au principe de l’objectivité de la notion d’aide, telle qu’explicitée au point 158 ci-dessus, qui implique de définir les mesures en cause en fonction de leurs effets.

161    Les arguments de la requérante selon lesquels le montant de cet éventuel avantage pourrait varier d’année en année et dépendrait de la date de la décision de la Commission doivent également être rejetés. En effet, ces arguments concernent la façon dont les informations demandées doivent être prises en compte par la Commission dans le cadre de son appréciation au fond des mesures en cause. Par ces arguments, la requérante ne démontre donc pas que les informations n’étaient pas pertinentes en l’espèce ou que la décision attaquée serait contraire au principe d’objectivité de la notion d’aide.

162    La requérante invoque également l’arrêt du Tribunal du 1er juillet 2008, Deutsche Post/Commission (point 4 supra), et soutient que, dans cet arrêt, le Tribunal a considéré que le calcul de la surcompensation s’étendait de 1990 à 1994.

163    Toutefois, la requérante ne se réfère à aucun point précis dudit arrêt dont on pourrait tirer une telle interprétation et, bien que cela ait été souligné par la Commission en défense , aucune précision n’a été apportée en réplique.

164    L’argument tiré de la violation du principe de l’objectivité de la notion d’aide doit donc être rejeté.

165    Deuxièmement, selon la requérante, la conception juridique de la Commission, qui, dans son appréciation des paiements compensatoires au regard du droit des aides d’État, prend en compte des coûts et des recettes qui viennent à échéance 10 ou 15 ans après la période de compensation, enfreint également le principe de sécurité juridique. Elle ajoute que cela prive rétroactivement de fondement économique les décisions prises annuellement en matière d’investissements et de dividendes en violation du principe de non-rétroactivité.

166    Il convient de rappeler que le principe de sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les règles du droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, afin que les intéressés puissent s’orienter dans des situations et des relations juridiques relevant de l’ordre juridique de l’Union (arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, C‑81/10 P, non encore publié au Recueil, point 100). En outre, le point de départ de l’application dans le temps d’un acte communautaire ne peut être fixé à une date antérieure à celle de sa publication, sauf lorsque, à titre exceptionnel, le but à atteindre l’exige et que la confiance légitime des intéressés est dûment respectée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, Rec. p. I‑7869, point 119). Enfin, les règles communautaires de droit matériel doivent être interprétées, en vue de garantir le respect des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, finalités ou économie qu’un tel effet doit leur être attribué (arrêt de la Cour du 24 mars 2011, ISD Polska e.a./Commission, C‑369/09 P, Rec. p. I-2011, point 98).

167    En l’espèce, il suffit de relever qu’il n’est pas démontré que la conception de la Commission était nouvelle ou non prévisible lors de l’adoption de la décision attaquée. En outre, la situation de fait de la requérante n’était pas « acquise » au sens de la jurisprudence ISD Polska e.a./Commission, précitée au point 166 ci-dessus. Il s’agissait au contraire d’une situation née dans le passé et toujours en cours, et ce jusqu’à la décision finale de la Commission sur l’existence de l’aide et sa compatibilité avec le marché commun. À cet égard, dans le cas d’un régime d’aides non notifié à la Commission, il ne saurait raisonnablement être attendu que ce régime soit apprécié au regard des règles applicables au moment de son adoption (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 juin 2011, Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission, C‑465/09 P à C‑470/09 P, non publié au Recueil, points 125 et 127).

168    Enfin, pour autant que la requérante critique la façon dont les informations en cause, une fois communiquées, seront le cas échéant prises en compte par la Commission dans le cadre de sa décision finale, cet argument doit être écarté comme étant dénué de pertinence dans le cadre du présent recours.

169    L’argument tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité doit donc être rejeté.

170    Troisièmement, la requérante se réfère à un arrêt Preussen Elektra. Toutefois, pour autant qu’il s’agisse de l’arrêt de la Cour du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, Rec. p. I‑2099), le renvoi à cet arrêt n’est aucunement explicité.

171    Dans le cadre de la réplique, la requérante allègue que les bénéfices qu’elle a réalisés entre 1995 et 2007 ne sont pas des ressources d’État et que l’existence d’une surcompensation résultant des recettes réalisées au cours de cette période est donc exclue.

172    À supposer qu’une telle allégation, qui ne figure pas dans la requête, puisse néanmoins être considérée comme constituant une ampliation du troisième grief et donc comme recevable au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, elle doit être rejetée.

173    En effet, d’une part, les informations demandées dans la décision attaquée ont été considérées comme pertinentes (points 148 à 153 ci-dessus). La question de savoir si, pour établir l’existence d’une éventuelle surcompensation, d’autres recettes que les paiements effectués à partir de ressources d’État devraient être prises en compte relève de l’appréciation au fond et est donc dénuée de pertinence dans le cadre du présent recours. D’autre part, la réunion du 6 février 2009, évoquée par la requérante, au cours de laquelle la Commission aurait admis que ses bénéfices ne sont pas des ressources d’État, est postérieure à la décision attaquée, datée du 30 octobre 2008, et ne saurait donc être prise en compte en l’espèce.

174    Il convient donc de rejeter le troisième grief dans son ensemble.

–       Sur le quatrième grief, tiré de la violation du principe de non-discrimination

175    La requérante soutient que, dans sa pratique décisionnelle, la Commission n’aurait jamais fait dépendre la compatibilité avec le marché intérieur de paiements compensatoires versés par des États membres, en vue du remboursement des surcoûts liés à des missions d’intérêt économique général, de l’inclusion de tous les surcoûts et recettes jusqu’à expiration de l’obligation de service universel.

176    Il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence, c’est dans le seul cadre de l’article 87, paragraphe 1, CE que doit être apprécié le caractère d’aide d’État d’une certaine mesure et non au regard d’une prétendue pratique décisionnelle antérieure de la Commission (voir arrêt de la Cour du 15 novembre 2011, Commission/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, non encore publié au Recueil, point 136, et la jurisprudence citée).

177    De même, mutatis mutandis, l’appréciation de la pertinence des informations demandées doit être effectuée en fonction des circonstances de l’espèce et la Commission ne saurait être liée par une prétendue pratique décisionnelle antérieure à cet égard.

178    En outre, la requérante cite des décisions de la Commission relatives à des versements de compensations dans les secteurs de la banque et de la poste qui concernent l’appréciation au fond par la Commission des mesures en cause et ne sont donc pas pertinentes en l’espèce. En outre et en tout état de cause, elle n’établit pas que les décisions qu’elle cite portent sur des situations similaires à la présente espèce sur les plans factuel et juridique notamment. Dès lors, elle n’établit pas la violation du principe de non-discrimination, qui interdit, d’une part, de traiter de manière différente des situations similaires et, d’autre part, de traiter de la même manière des situations différentes (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 avril 2005, AEM et AEM Torino, C‑128/03 et C‑129/03, Rec. p. I‑2861, point 58).

179    Il convient donc de rejeter ce grief et, partant, la première branche du quatrième moyen dans son ensemble.

 Sur la seconde branche, tirée de ce que les données relatives aux coûts et aux recettes des années 1995 à 2007 sont dénuées de pertinence aux fins de l’appréciation de la compensation des charges en matière de pensions

180    La requérante soutient, en substance, que, tant pour le financement public des pensions (point 2.1 de la seconde branche du quatrième moyen) qu’en ce qui concerne la responsabilité de l’État pour les engagements antérieurs (point 2.2 de la seconde branche du quatrième moyen), la décision attaquée viole le principe de non-discrimination. Elle invoque la jurisprudence et la pratique décisionnelle de la Commission.

181    Ainsi qu’il a été rappelé précédemment (point 177 ci-dessus), l’appréciation de la pertinence des informations demandées doit être effectuée en fonction des circonstances de l’espèce et la Commission ne saurait être liée par une prétendue pratique décisionnelle antérieure à cet égard.

182    En outre, il y a lieu de relever que tant l’arrêt du Tribunal du 16 mars 2004, Danske Busvognmænd/Commission (T‑157/01, Rec. p. II‑917), cité par la requérante, que les décisions de la Commission qu’elle invoque concernent l’appréciation au fond par la Commission et manquent dès lors de pertinence en l’espèce. De plus, à les supposer pertinentes en l’espèce, ces décisions ont été rendues dans des circonstances propres aux situations en cause, dont la requérante n’établit pas qu’elles sont similaires à celles de l’espèce, notamment sur les plans factuel et juridique.

183    Dès lors, la requérante n’établit pas que la décision attaquée enfreint le principe de non-discrimination.

184    Le grief de la requérante selon lequel la République fédérale d’Allemagne n’a pas invoqué l’article 86, paragraphe 2, CE mais l’article 87, paragraphe 3, CE et selon lequel cette invocation relèverait du pouvoir des États membres doit également être rejeté. En effet, le contrôle de compatibilité des aides d’État incombe à la Commission et la requérante n’établit pas que, au moment de la décision attaquée, la Commission ne pouvait pas envisager d’examiner la compatibilité des mesures en cause au regard de l’article 86, paragraphe 2, CE, ainsi que cela ressort d’ailleurs de la décision d’ouverture de 2007 (section 7 concernant l’évaluation de la compatibilité de l’aide), même si par la suite la décision finale se fonde sur l’article 87, paragraphe 3, CE.

185    Au surplus, la requérante ne démontre pas que les informations en cause ne pouvaient pas être considérées comme pertinentes y compris dans le cadre d’un examen au regard de l’article 87, paragraphe 3, CE, également envisagé au paragraphe 95 de la décision d’ouverture de 2007 concernant les pensions.

186    Dès lors, le fait que la République fédérale d’Allemagne n’ait pas invoqué l’article 86, paragraphe 2, CE ne suffit pas à établir le caractère non pertinent des informations demandées concernant les coûts et les recettes jusqu’à l’année 2007.

187    Il s’ensuit que la requérante n’établit pas que les demandes d’informations concernant les coûts et les recettes seraient contraires au principe de non-discrimination ou inappropriées en l’espèce.

188    Cette branche doit donc également être rejetée et, partant, le quatrième moyen dans son ensemble.

189    Il résulte de tout ce qui précède que le présent recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

190    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Deutsche Post AG est condamnée aux dépens.

Forwood

Dehousse

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 novembre 2013.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Décision attaquée

Procédure devant le Tribunal et la Cour de justice

Conclusions présentées par les parties à l’instance après renvoi

En droit

1.  Sur l’intérêt à agir de la requérante

2.  Sur le fond

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 10, paragraphe 3, et de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 659/1999

Sur la première branche, tirée de l’absence de validité du délai fixé dans la demande de renseignements

Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de rappel fixant un délai supplémentaire

Sur la troisième branche, tirée de l’absence de validité du délai fixé dans la décision attaquée

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation et du caractère erroné de la motivation

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 1, et de l’article 86, paragraphe 2, CE

Sur la première branche, tirée de ce que les données relatives aux coûts et aux recettes des années allant de 1995 à 2007 sont dénuées de pertinence aux fins de l’appréciation de la compensation financière pour la période allant de 1990 à 1994

–  Sur le premier grief, tiré de la violation de l’encadrement communautaire de 2005

–  Sur le deuxième grief, tiré de ce que la décision attaquée porte atteinte à la répartition des compétences entre l’Union européenne et les États membres, en violation de l’article 86, paragraphe 2, et de l’article 87, paragraphe 1, CE, de ce qu’elle constitue un détournement de pouvoir et de ce qu’elle enfreint le principe de proportionnalité

–  Sur le troisième grief, tiré de la violation de l’article 86, paragraphe 2, et de l’article 87, paragraphe 1, CE, combinés avec le principe de sécurité juridique

–  Sur le quatrième grief, tiré de la violation du principe de non-discrimination

Sur la seconde branche, tirée de ce que les données relatives aux coûts et aux recettes des années 1995 à 2007 sont dénuées de pertinence aux fins de l’appréciation de la compensation des charges en matière de pensions

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.