Language of document : ECLI:EU:T:1998:121

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

11 juin 1998 (1)

«Fonctionnaires — Décision de non-promotion — Recours en annulation —Recevabilité — Acte faisant grief — Examen comparatif des mérites — Transfertinterinstitutionnel — Article 45, paragraphe 1, du statut»

Dans l'affaire T-167/97,

Kyriakos Skrikas, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Luxembourg,représenté par Mes Jean-Noël Louis, Thierry Demaseure et Ariane Tornel, avocatsau barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaireMyson SARL, 30, rue de Cessange,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. Yannis Pantalis, membre du servicejuridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile au secrétariat général du Parlementeuropéen, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision du Parlement européende ne pas promouvoir le requérant au grade C 3 au titre de l'exercice depromotion 1996,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de Mme P. Lindh, président, MM. K. Lenaerts et J. D. Cooke, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 23 avril 1998,

rend le présent

Arrêt

Faits et procédure

1.
    Le requérant est actuellement fonctionnaire du Parlement européen. Il est entréau service de la Commission le 1er août 1987 en tant que fonctionnaire stagiaire degrade C 5. Le 1er janvier 1992, il a été promu au grade C 4.

2.
    Le 1er janvier 1996, à la suite d'un transfert interinstitutionnel, il est entré au servicedu Parlement, à la division «procès-verbal» de la direction «séance plénière» dela direction générale Greffe (DG 1). A cette occasion, il a été classé au grade C 4,avec une ancienneté de grade au 1er janvier 1992 et une ancienneté de catégorieau 1er août 1987.

3.
    Pour l'exercice de promotion 1996, le comité consultatif de promotion C a inscritle requérant sur la liste des fonctionnaires susceptibles d'être promus au grade C 3,en seizième position, avec un total de 66,50 points, sur la base de son rapport denotation, de son âge, de son ancienneté dans le grade et de son ancienneté dansla catégorie.

4.
    Lors de ses délibérations du 6 mai 1996, ce comité a examiné les mérites de tousles fonctionnaires de grade C 4 susceptibles d'être promus. Bien qu'il eût décidéd'inscrire sur la liste des fonctionnaires proposés à la promotion au grade C 3 lesfonctionnaires de grade C 4 disposant d'un total de points égal ou supérieur à 66,25points, il n'a pas inscrit le requérant sur ladite liste au titre de l'exercice depromotion 1996.

5.
    Le 12 juillet 1996, le secrétaire général du Parlement, autorité investie du pouvoirde nomination (ci-après «AIPN») compétente pour les promotions au grade C 3,a communiqué ses décisions de promotion au directeur général de la directiongénérale du personnel, du budget et des finances (DG 5) du Parlement. Ces

décisions, qui ne reprenaient pas le requérant, ont fait l'objet d'un affichage du 3au 18 septembre 1996.

6.
    Le 9 décembre 1996, le requérant a introduit une réclamation en vertu de l'article90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut») à l'encontre de la décision de l'AIPN de ne pas le promouvoir augrade C 3 au titre de l'exercice de promotion 1996.

7.
    Le 9 avril 1997, une décision implicite de rejet de la réclamation du requérant estintervenue.

8.
    Par note du 23 mai 1997, l'AIPN a notifié au requérant une réponse explicite derejet de sa réclamation, dont l'intéressé prétend avoir pris connaissance le 2 juin1997.

9.
    Par lettre du 27 mai 1997, le requérant a indiqué à l'AIPN qu'il s'étonnait que leParlement n'ait réservé aucune suite à sa réclamation.

10.
    Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 28 mai 1997, et en vertu del'article 91, paragraphe 2, du statut, il a introduit le présent recours contre ladécision de l'AIPN de ne pas le promouvoir au grade C 3 au titre de l'exercice depromotion 1996.

11.
    Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 2 juillet 1997, le Parlement a soulevéune exception d'irrecevabilité à l'encontre dudit recours, conformément à l'article114 du règlement de procédure.

12.
    Le requérant a présenté ses observations sur cette exception par mémoire déposéle 18 septembre 1997.

13.
    Par ordonnance du 9 octobre 1997, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé dejoindre l'exception au fond et de réserver les dépens.

14.
    Sur rapport du juge rapporteur, il a décidé d'ouvrir la procédure orale sansprocéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, à titre de mesuresd'organisation de la procédure, il a invité le requérant et le Parlement à déposercertains documents, ce qu'ils ont fait dans les délais respectivement impartis.

15.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses auxquestions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 23 avril 1998.

Conclusions des parties

16.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision de ne pas le promouvoir au grade C 3 au titre del'exercice de promotion 1996;

—    condamner le Parlement aux dépens.

17.
    Le Parlement conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours comme irrecevable;

—    subsidiairement, le rejeter comme non fondé;

—    statuer sur les dépens conformément aux dispositions applicables.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

18.
    Le Parlement estime que le recours est irrecevable, dès lors que, d'une part, lerequérant n'invoque aucun acte de l'AIPN lui faisant grief au sens des articles 90,paragraphe 2, et 91, paragraphe 1, du statut et que, d'autre part, sa demande seconfond avec une demande de promotion.

19.
    A l'appui de son premier argument, il fait valoir que seule la promotion d'un oude plusieurs autres fonctionnaires est susceptible de constituer un acte faisant griefau requérant. Or, celui-ci ne contesterait aucune des décisions prises à l'égard desfonctionnaires promus.

20.
    A l'appui de son second argument, le Parlement prétend que, par son recours, lerequérant demande en fait une promotion au grade C 3 en sa faveur. Une telledemande ne concernerait pas une décision «imposée par le statut» au sens desarticles 90, paragraphe 2, et 91, paragraphe 1, de celui-ci, le statut ne conférantaucun droit à une promotion, même aux fonctionnaires qui réunissent toutes lesconditions pour pouvoir être promus (arrêt du Tribunal du 30 novembre 1995,Branco/Cour des comptes, T-507/93, RecFP p. II-797). En outre, les juridictionscommunautaires ne seraient pas compétentes pour donner des injonctions auxautres institutions (arrêt du Tribunal du 14 mai 1996, Gómez de Enterría ySanchez/Parlement, T-82/95, RecFP p. II-599).

21.
    Le requérant souligne que le Tribunal a estimé qu'il serait contraire aux principesde bonne administration et de proportionnalité de contraindre un fonctionnaire àattaquer les décisions de promotion prises en faveur de ses collègues, dans la

mesure où le grief qu'il allègue est étranger aux mérites de ceux-ci (arrêt duTribunal du 13 juillet 1995, Rasmussen/Commission, T-557/93, RecFP p. II-603).Il fait valoir que la décision établissant la liste des fonctionnaires de grade C 4promus au grade C 3 implique nécessairement l'adoption d'une décision de ne paspromouvoir les autres fonctionnaires de grade C 4 susceptibles d'être promus. Lerecours viserait à obtenir le respect des garanties que confère le statut au requérantdans le cadre de la procédure de promotion, et non pas à mettre en cause lesmérites des fonctionnaires effectivement promus au grade C 3. Dans ces conditions,l'exception d'irrecevabilité devrait être rejetée.

Appréciation du Tribunal

22.
    Il ressort de la jurisprudence que le recours introduit par un fonctionnaire visantà l'annulation de la décision de ne pas l'inscrire sur la liste des fonctionnairespromus au titre d'un exercice de promotion particulier est recevable. Ainsi, aupoint 29 de son arrêt du 21 novembre 1996, Michaël/Commission (T-144/95, RecFPp. II-1429), relatif à un recours introduit contre une décision de l'AIPN portantétablissement d'une liste de fonctionnaires de la Commission promus au grade A 4,le Tribunal signale d'abord, au moment d'apprécier la recevabilité du recours, quece dernier ne vise à l'annulation de la liste des fonctionnaires promus que dans lamesure où le requérant n'y figure pas et n'a donc pas été promu. Il relève ensuiteque les moyens invoqués par le requérant ne mettent en cause que de prétenduesirrégularités de la procédure de promotion ayant trait à l'examen de ses mérites etqu'ils ne mettent pas en cause l'appréciation des mérites des fonctionnaires promus.Il en déduit que la demande d'annulation de ce requérant ne concernait pasl'ensemble de la liste litigieuse, mais seulement la décision de ne pas l'avoir inscritsur celle-ci.

23.
    Lorsque, comme en l'espèce, le requérant ne met pas en cause l'appréciation desmérites des fonctionnaires promus au titre d'un exercice de promotion déterminé,la décision de promouvoir certains fonctionnaires inscrits sur la liste desfonctionnaires susceptibles d'être promus et celle de ne pas promouvoir les autresfonctionnaires figurant sur cette liste, dont le requérant, constituent deux aspectsd'un même acte qui, en tant que tel, fait grief à celui-ci, puisque ses effets affectentdirectement et immédiatement sa situation juridique, de façon définitive. Pour cetteraison, ni le fait que le requérant n'a pas attaqué la décision de promouvoir unepartie des fonctionnaires inscrits sur la liste des fonctionnaires susceptibles d'êtrepromus, ni le fait qu'il n'a pas attaqué de façon conjointe la décision de promouvoircertains des fonctionnaires inscrits sur la liste des fonctionnaires susceptibles d'êtrepromus et celle de ne pas promouvoir les autres fonctionnaires inscrits sur cetteliste ne sauraient entraîner l'irrecevabilité du présent recours.

24.
    En demandant l'annulation de la décision de non-promotion, le requérant, à justetitre, met en cause l'aspect de l'acte faisant grief qui le concerne directement.

25.
    Aucun élément du présent recours ne permet d'établir que, ce faisant, il chercheen réalité à obtenir une décision de promotion en sa faveur. Au contraire, il ressortdes termes mêmes utilisés par le requérant dans ses écritures que l'objectifpoursuivi n'est pas une décision de promotion en sa faveur, mais simplementl'annulation d'une décision de l'AIPN. Dès lors, l'interprétation de la demande durequérant avancée par le Parlement ne saurait être retenue.

26.
    L'exception d'irrecevabilité doit donc être rejetée.

Sur le fond

27.
    Le requérant invoque deux moyens d'annulation qu'il tire, d'une part, d'uneviolation de l'article 45 du statut, d'une violation de la procédure de promotion,d'une violation du principe d'égalité de traitement et d'une erreur manifested'appréciation, ainsi que, d'autre part, d'une violation de l'obligation de motivationinscrite à l'article 25, deuxième alinéa, du statut.

Sur le premier moyen, tiré d'une violation de l'article 45 du statut, d'une violation dela procédure de promotion, d'une violation du principe d'égalité de traitement et d'uneerreur manifeste d'appréciation

Arguments des parties

28.
    Le requérant conteste la légalité de la décision de non-promotion le concernant,fondée sur la circonstance qu'il n'a pas été au service du Parlement pendant lapériode prise en compte aux fins de l'exercice de promotion en cause. Selon lajurisprudence, une telle décision ne pourrait pas être justifiée par le fait qu'il abénéficié le 1er janvier 1996 d'une mutation interinstitutionnelle (arrêts du Tribunaldu 6 juillet 1995, Ojha/Commission, T-36/93, RecFP p. II-497, points 83 et 85, etdu 18 avril 1996, Kyrpitsis/CES, T-13/95, RecFP p. II-503, points 52 et 53). Lecomité consultatif de promotion C et l'AIPN n'auraient donc pas pris enconsidération ses mérites, contrairement aux exigences de l'article 45 du statut, aumoment de procéder à l'examen comparatif des mérites.

29.
    Dans sa réplique, le requérant relève que le Parlement ne conteste pas ne pasavoir procédé à l'examen comparatif de ses mérites par rapport à ceux des autresfonctionnaires susceptibles d'être promus. La méthode d'appréciation des mérites,qu'il s'agisse de celle en vigueur à la Commission ou de celle en vigueur auParlement, aurait pour seul but de guider l'AIPN pour promouvoir lesfonctionnaires les plus méritants. A l'époque des faits litigieux, les rapports denotation en vigueur à la Commission et au Parlement auraient été comparables.Les différences n'auraient pas intéressé le cas du requérant. Le requérant prétendque, en tout état de cause, si le Parlement avait estimé que son système de notationne permettait pas une comparaison des mérites des fonctionnaires, il aurait dû

s'informer auprès de la Commission afin d'être en mesure d'apprécier les méritesréels du requérant. La thèse du Parlement conduirait à priver le fonctionnairebénéficiant d'un transfert interinstitutionnel de toute promotion pendant deux àtrois ans, c'est-à-dire pendant la période requise pour l'établissement d'un rapportde notation par sa nouvelle institution.

30.
    Le Parlement répond que le cas particulier du requérant, dont le transfert acoïncidé avec la date à laquelle ont pris effet les décisions de promotion en cause,ne permettait pas une appréciation de ses mérites dans les conditions requises parles dispositions statutaires et par la jurisprudence. Il relève que, si le requérantfigurait en ordre utile parmi les fonctionnaires susceptibles d'être promus, saposition était le résultat d'une simple opération arithmétique de transposition del'appréciation de ses mérites effectuée en dehors de l'institution et dans le contexted'un système de promotion non identique à celui en vigueur au sein du Parlement.En particulier, le rapport de notation occuperait, au sein de la Commission, uneplace moins importante dans la quantification des mérites des fonctionnairessusceptibles d'être promus que celle qui est accordée, en nombre de points, au seindu Parlement.

31.
    En l'espèce, le rapport de notation établi par l'institution d'origine du requérantaurait été transposé immédiatement après son transfert, et le Parlement n'auraitpas pu établir un autre rapport pour la période allant du 1er janvier 1996 au moisde mai 1996, en vue des délibérations du comité consultatif de promotion C. Untel rapport n'aurait pas été en concordance avec ceux établis pour les autresfonctionnaires susceptibles d'être promus.

32.
    Une proposition de promotion du requérant fondée exclusivement sur latransposition de son rapport de notation aurait empêché l'AIPN de procéder à uneappréciation des mérites conforme à l'article 45, paragraphe 1, du statut. Lacomparaison des mérites prévue à cet article ne se limiterait pas uniquement à unecomparaison des rapports de notation des fonctionnaires ayant vocation à lapromotion. En outre, une proposition de promotion du requérant n'aurait pas nonplus été conforme au principe d'égalité de traitement, puisqu'elle serait revenue àtraiter de façon identique des situations différentes (arrêt de la Cour du 4 février1982, Battaglia/Commission, 1253/79, Rec. p. 297, et arrêt du Tribunal du 30novembre 1993, Perakis/Parlement, T-78/92, Rec. p. II-1299). Le comité consultatifde promotion C aurait donc considéré à juste titre qu'il convenait de vérifier lesmérites du requérant à l'occasion du prochain exercice de promotion,conformément à la finalité de l'article 45 du statut, au principe d'égalité detraitement des fonctionnaires, à l'intérêt du service et à celui du requérant.

33.
    Quant à l'AIPN, elle aurait été dans l'impossibilité de remplir pleinement sondevoir d'examen comparatif des mérites au sens de l'article 45, paragraphe 1, dustatut. En effet, elle n'aurait disposé que de la transposition arithmétique durapport de notation établi au sein de la Commission et d'un avis de réserve du

comité consultatif de promotion C. Aucun autre élément d'appréciation utile lorsde l'examen comparatif des mérites avec d'autres fonctionnaires du Parlementn'aurait été disponible, puisque le requérant était entré au service de ce dernier àl'expiration de la période de référence, le 1er janvier 1996. Il ne serait d'ailleurs pasétabli que le requérant aurait obtenu une promotion au sein de la Commission autitre de l'exercice en question. Dans ces conditions, l'intéressé ne pourrait invoquerune entrave au développement de sa carrière à la suite de son transfertinterinstitutionnel.

Appréciation du Tribunal

34.
    A titre liminaire, force est de constater que, même s'il invoque une violation duprincipe d'égalité de traitement et l'existence d'une erreur manifeste d'appréciationau titre de son premier moyen, le requérant dénonce en réalité une violation de sesdroits dans la procédure de promotion en cause, et en particulier une violation del'article 45 du statut. En effet, il ne consacre aucune explication à la violation duprincipe d'égalité de traitement et à l'erreur manifeste d'appréciation alléguées.

35.
    Il convient donc de vérifier s'il bénéficiait effectivement de droits dans le cadre dela procédure de promotion et, le cas échéant, si ces droits ont été violés.

36.
    L'article 45, paragraphe 1, du statut dispose:

«La promotion est attribuée par décision de l'autorité investie du pouvoir denomination. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieurde la catégorie ou du cadre auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix,parmi les fonctionnaires justifiant d'un minimum d'ancienneté dans leur grade,après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à lapromotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l'objet.

Ce minimum d'ancienneté est, pour les fonctionnaires nommés au grade de basede leur cadre ou de leur catégorie, de six mois à compter de leur titularisation; ilest de deux ans pour les autres fonctionnaires.»

37.
    Il ressort de cette disposition que tout fonctionnaire ayant vocation à la promotion,c'est-à-dire justifiant d'un minimum d'ancienneté dans son grade, a le droit de voirl'AIPN procéder à un examen comparatif de ses mérites et des rapports dont il afait l'objet.

38.
    L'article 45, paragraphe 1, du statut ne distingue pas la situation des fonctionnairesayant fait l'objet d'un transfert interinstitutionnel de celle des autres fonctionnaires.En effet, il ne formule aucune condition supplémentaire à celle du minimumd'ancienneté dans le grade pour que les fonctionnaires ayant fait l'objet d'untransfert interinstitutionnel puissent être considérés comme ayant vocation à lapromotion au sens de cette disposition.

39.
    En l'espèce, il ne saurait dès lors être contesté que le requérant, fonctionnaire degrade C 4 depuis le 1er janvier 1992, remplissait, le 1er janvier 1996, la conditiontirée du minimum d'ancienneté dans le grade, posée par l'article 45, paragraphe 1,du statut. A la demande expresse du Tribunal, le Parlement a d'ailleurs confirmélors de l'audience que le simple fait que le comité consultatif de promotion C aitinscrit le requérant sur la liste des fonctionnaires susceptibles d'être promus augrade C 3 pour l'exercice de promotion 1996 indique qu'il le considérait comme unfonctionnaire ayant vocation à la promotion.

40.
    Il s'ensuit que le requérant disposait du droit de voir l'AIPN, en l'occurrence lesecrétaire général du Parlement, procéder à un examen comparatif de ses méritesainsi que des rapports dont il avait fait l'objet, dans le cadre de la procédure depromotion litigieuse.

41.
    Or, dans sa décision explicite de rejet de la réclamation du requérant, datée du 23mai 1997, l'AIPN a souligné:

«[...] S'agissant des décisions de promotion dans votre grade, l'AIPN a pris enconsidération dans l'examen des mérites des promouvables votre situationadministrative selon laquelle votre transfert au Parlement européen a coïncidé avecla date d'effet des décisions de promotion pour l'exercice 1996. Ainsi, uneappréciation de vos mérites uniquement sur base du rapport de notation, établi endehors de l'institution, ne serait pas nécessairement conforme aux principesénoncés ci-avant par la jurisprudence. L'AIPN a, en conséquence, fait siennel'estimation qu'il conviendrait, dans l'intérêt du service et le respect du principe del'égalité de traitement des fonctionnaires de vérifier vos mérites lors du prochainexercice des promotions.»

42.
    Il ressort, par conséquent, tant de cette décision de rejet que des écrits déposés parle Parlement dans le cadre de la présente procédure (voir ci-dessus points 32, 34et 35) que, contrairement à l'obligation que lui impose l'article 45, paragraphe 1,du statut, l'AIPN a refusé de procéder à l'examen comparatif des mérites durequérant ainsi que des rapports dont il avait fait l'objet, alors même que cedernier avait vocation à une promotion au grade C 3 le 1er janvier 1996, violantainsi un droit incontestable du requérant dans le cadre de la procédure depromotion.

43.
    Le Parlement ne saurait se prévaloir, à cet égard, ni du transfert interinstitutionneldont le requérant avait fait l'objet, ni des particularités de ce transfertinterinstitutionnel pour justifier sa décision. En effet, les éventuelles caractéristiquesqui peuvent distinguer les procédures de promotion au sein des différentesinstitutions des Communautés ne sauraient avoir pour conséquence d'ajouter unecondition supplémentaire à la seule exigence d'un minimum d'ancienneté prévuepar l'article 45, paragraphe 1, du statut, à savoir l'exercice par le fonctionnaire deses fonctions pendant la période de référence.

44.
    Le Parlement prétend par ailleurs qu'il ne pouvait procéder à l'examen comparatifdes mérites du requérant et des rapports dont il avait fait l'objet sans violer leprincipe d'égalité de traitement au détriment des fonctionnaires susceptibles d'êtrepromus qui avaient été au service du Parlement pendant toute la période deréférence. Cependant, il n'explique pas à quelles fins il a mis au point une méthodede transposition des rapports de notation des fonctionnaires en service en dehorsdu Parlement et à quel effet il a effectivement transposé le rapport de notation durequérant sur la base de cette méthode.

45.
    En réalité, son refus de procéder à un examen comparatif ne saurait être justifiéau regard de l'obligation qui lui incombe sur la base du contenu de l'article 45,paragraphe 1, du statut. S'il est certes indéniable que la comparaison des mériteset des rapports d'un fonctionnaire venant de faire l'objet d'un transfertinterinstitutionnel est moins aisée qu'une comparaison opérée entre les seulsfonctionnaires de l'institution de destination, elle n'est, en tant que telle, niimpossible ni discriminatoire. Elle demande en effet un effort supplémentaire pourrendre comparables des appréciations qui, à l'origine, ne l'étaient pasnécessairement, une telle démarche ne pouvant être assimilée à une violation duprincipe d'égalité de traitement.

46.
    Le seul fait que le Parlement ait de sa propre initiative effectué une transposition,même officieuse, du rapport de notation du requérant établi au sein de laCommission démontre que les difficultés qui pourraient survenir dans l'examencomparatif ne sont pas insurmontables. En outre, comme le suggère à juste titrele requérant, rien n'empêche le Parlement, le cas échéant, de demander certainesprécisions à l'institution d'origine du fonctionnaire faisant l'objet d'un transfert.

47.
    Il résulte de tout ce qui précède que la procédure de promotion litigieuse estentachée d'une irrégularité constitutive d'un vice substantiel, en ce qu'il n'a pas étésatisfait à l'examen comparatif des mérites de l'intéressé et des autresfonctionnaires susceptibles d'être promus, exigé par l'article 45, paragraphe 1, dustatut (voir arrêt Michaël/Commission, précité, point 62).

48.
    Par conséquent, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le second moyen d'annulationtiré d'une violation de l'article 25 du statut, il y a lieu de prononcer l'annulation dela décision attaquée.

49.
    En vertu de l'article 176 du traité CE, il appartiendra au Parlement d'assurer leréexamen, par le comité consultatif de promotion C et par l'AIPN, des mérites durequérant au regard de ceux des fonctionnaires promus au titre de l'exercice depromotion 1996 et de prendre les mesures nécessaires.

Sur les dépens

50.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partiequi succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le Parlementayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de le condamner aux dépens,conformément aux conclusions en ce sens du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    La décision du Parlement de ne pas promouvoir le requérant au grade C 3au titre de l'exercice de promotion 1996 est annulée.

2)    Le Parlement est condamné aux dépens.

Lindh                    Lenaerts                    Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juin 1998.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Lindh


1: Langue de procédure: le français.