Language of document : ECLI:EU:T:2015:161

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

18 mars 2015 (*)

« Responsabilité non contractuelle – Interdiction pour les producteurs de vins issus de cépages à double fin de procéder eux-mêmes à la distillation en eau-de-vie des quantités de vins issus de cépages à double fin produites en excédent de la quantité normalement vinifiée – Application de cette législation par les autorités nationales »

Dans les affaires T‑195/11, T‑458/11, T‑448/12 et T‑41/13,

Jean-Marie Cahier, demeurant à Montchaude (France), et les autres requérants dont les noms figurent en annexe, représentés par Me C.‑É. Gudin, avocat,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté, dans les affaires T‑195/11 et T‑458/11, initialement par M. É. Sitbon et Mme P. Mahnič Bruni, puis par M. Sitbon et Mme S. Barbagallo, dans l’affaire T‑448/12, initialement par Mme E. Karlsson et M. Sitbon, puis par Mmes Karlsson et A. Westerhof Löfflerová et enfin par Mmes Karlsson et Barbagallo et, dans l’affaire T‑41/13, par Mmes Barbagallo et Karlsson, en qualité d’agents,

et

Commission européenne, représentée, dans l’affaire T‑195/11, initialement par MM. D. Bianchi, B. Schima et Mme M. Vollkommer, puis par MM. Bianchi et Schima, dans l’affaire T‑458/11, par M. Schima, dans l’affaire T‑448/12, par Mme I. Galindo Martin et M. Schima et, dans l’affaire T‑41/13, initialement par Mme A. Marcoulli et M. Schima, puis par MM. Bianchi, Schima et Mme  Marcoulli, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

soutenus par

République française, représentée par M. D. Colas et Mme C. Candat, en qualité d’agents,

partie intervenante dans les affaires T‑448/12 et T‑41/13,

ayant pour objet des demandes en réparation des préjudices que les requérants allèguent avoir subis du fait de poursuites et condamnations judiciaires dont ils ont fait l’objet en France, au motif qu’ils ne s’étaient pas conformés, au cours de diverses campagnes viticoles, au mécanisme de distillation obligatoire institué par l’article 28 du règlement (CE) n° 1493/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, portant organisation commune du marché vitivinicole (JO L 179, p. 1), et mis en œuvre par le règlement (CE) n° 1623/2000 de la Commission, du 25 juillet 2000, fixant les modalités d’application du règlement n° 1493/1999, en ce qui concerne les mécanismes de marché (JO L 194, p. 45),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, N. J. Forwood (rapporteur) et E. Bieliūnas, juges,

greffier : Mme Bukšek Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 septembre 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Les requérants, M. Jean-Marie Cahier et les autres requérants dont les noms figurent en annexe, sont tous viticulteurs dans les départements de la Charente (France) et de la Charente-Maritime (France), où ils produisent, au sens de l’article 28 du règlement (CE) n° 1493/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, portant organisation commune du marché vitivinicole (JO L 179, p. 1), des vins issus de raisins de variétés figurant dans le classement, pour la même unité administrative, simultanément en tant que variétés à raisins de cuve et en tant que variétés destinées à une autre utilisation (ci-après les vins « issus de cépages à double fin »). 

2        Aux termes de l’article 28, paragraphe 1, du règlement n° 1493/1999, les vins issus de cépages à double fin qui dépassent les quantités normalement vinifiées (ci-après les « QNV ») et qui ne sont pas exportés pendant la campagne concernée sont distillés avant une date à déterminer et ne peuvent en principe circuler qu’à destination d’une distillerie. Ce mécanisme de distillation obligatoire est mis en œuvre par diverses dispositions du règlement (CE) n° 1623/2000 de la Commission, du 25 juillet 2000, fixant les modalités d’application du règlement n° 1493/1999, en ce qui concerne les mécanismes de marché (JO L 194, p. 45).

3        Les requérants ont, au cours des campagnes viticoles de 2004/2005, de 2005/2006 et de 2006/2007, ou de certaines d’entre elles, transformé eux-mêmes en eau-de-vie de vin de cognac (ci-après l’« eau-de-vie à appellation d’origine ») la partie de leur production de vins issus de cépages à double fin excédant les QNV qui leur avaient été attribuées par les autorités françaises compétentes, sans la livrer à un distillateur agréé au sens de l’article 42, paragraphe 1, et de l’article 54, premier alinéa, du règlement n° 1623/2000.

4        Après avoir constaté ces faits, l’administration française des douanes et des droits indirects a engagé des poursuites pénales à l’encontre des requérants et a attrait ces derniers soit devant le tribunal correctionnel de Saintes (France), soit devant celui d’Angoulême (France). Ces poursuites étaient fondées sur les infractions au mécanisme de distillation obligatoire qu’auraient commises les requérants en procédant eux-mêmes à la distillation en eau-de-vie à appellation d’origine de la totalité de leur production de vins issus de cépages à double fin, au lieu de livrer à des distillateurs agréés, au plus tard le 15 juillet de chaque campagne concernée, les quantités de ces vins excédant les QNV et qui n’avaient pas été exportées en dehors de la Communauté européenne.

5        Les tribunaux correctionnels de Saintes et d’Angoulême ont, dans une série de jugements rendus en mars, en mai et en septembre 2008, retenu les charges qui pesaient sur les requérants et condamné ces derniers au paiement de diverses amendes et pénalités fiscales. Lesdits tribunaux ont, dans ce cadre, rejeté l’argument des requérants selon lequel ces derniers n’auraient pas méconnu l’objectif poursuivi par le mécanisme de marché instauré par l’article 28 du règlement n° 1493/1999 dès lors que l’eau-de-vie à appellation d’origine obtenue à partir des quantités de vins produites en excédent des QNV ne serait pas commercialisée sur le marché du vin et ne serait dès lors pas susceptible de perturber ce dernier. Cette disposition ne prévoirait en effet aucune exemption du mécanisme de distillation obligatoire en faveur de producteurs qui distillent eux-mêmes la totalité de leur récolte en vue de commercialiser de l’eau-de-vie à appellation d’origine.

6        Cette approche a, en substance, été confirmée en appel ainsi que par la Cour de cassation (France).

 Procédure et conclusions des parties

7        Les requérants ont introduit leurs recours par actes déposés au greffe, respectivement, le 4 avril 2011, s’agissant du recours dans l’affaire T‑195/11, le 18 août 2011, s’agissant du recours dans l’affaire T‑458/11, le 10 octobre 2012, s’agissant du recours dans l’affaire T‑448/12, et le 29 janvier 2013, s’agissant du recours dans l’affaire T‑41/13.

8        Par ordonnance du 11 mai 2011, le président du Tribunal a rejeté la demande de référé introduite par les requérants dans l’affaire T‑195/11.

9        Par ordonnance du 19 février 2013, le président de la deuxième chambre du Tribunal a décidé de joindre les affaires T‑195/11, T‑458/11 et T‑448/12 aux fins de la procédure écrite et de la procédure orale.

10      Par ordonnances du 6 mars 2013 et du 27 mai 2013, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis la République française à intervenir au soutien des conclusions du Conseil de l’Union européenne et de la Commission européenne, respectivement, dans l’affaire T‑448/12 et dans l’affaire T‑41/13.

11      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle les présentes affaires ont, par conséquent, été attribuées.

12      Par ordonnance du 6 mai 2014, le président de la troisième chambre du Tribunal a décidé de joindre l’affaire T‑41/13 aux affaires T‑195/11, T‑458/11 et T‑448/12 aux fins de la procédure orale.

13      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a posé des questions aux requérants, lesquels y ont répondu dans le délai imparti.

14      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 23 septembre 2014.

15      Les parties ont également été entendues à l’audience sur l’opportunité de joindre les affaires T‑195/11, T‑458/11, T‑448/12 et T‑41/13 aux fins de l’arrêt.

16      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner le Conseil et la Commission à réparer intégralement le préjudice, y compris moral, qu’ils allèguent avoir subi du fait des poursuites dont ils ont fait l’objet devant les juridictions répressives françaises ainsi que des condamnations pécuniaires qui leur ont été infligées par lesdites juridictions ;

–        condamner le Conseil et la Commission à leur rembourser les dépens et débours qu’ils ont exposés dans le cadre de ces procédures nationales ;

–        condamner le Conseil et la Commission aux dépens.

17      Le Conseil et la Commission, soutenus par la République française dans les affaires T‑448/12 et T‑41/13, concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

18      Par leurs recours, les requérants reprochent au Conseil et à la Commission, en substance, d’avoir institué et mis en œuvre un mécanisme de marché qui leur interdit de procéder eux-mêmes à la distillation en eau-de-vie à appellation d’origine des quantités de vins issus de cépages à double fin excédant les QNV et qui ne sont pas exportées. Ils soutiennent qu’une telle interdiction est illégale et, partant, constitutive d’un comportement fautif de ces institutions. Les requérants demandent dès lors au Tribunal de condamner le Conseil et la Commission à réparer trois postes de préjudice distincts, en vertu de l’article 340 TFUE. Ils réclament, en premier lieu, que leur soient versés des montants équivalents à ceux des amendes et pénalités auxquelles ils ont été condamnés par les juridictions françaises du fait de leur prétendue méconnaissance du mécanisme de distillation obligatoire institué par l’article 28 du règlement n° 1493/1999. En deuxième lieu, ils entendent obtenir un remboursement de leurs dépens et débours exposés dans le cadre de ces litiges. En troisième lieu, enfin, ils sollicitent la condamnation du Conseil et de la Commission à réparer le préjudice moral qu’ils allèguent avoir subi du fait des poursuites et condamnations pénales dont ils ont fait l’objet en France.

 Sur la recevabilité

19      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure, le Conseil et la Commission, soutenus par la République française, font valoir que les recours sont en tout ou en partie irrecevables, en premier lieu, du fait du manque de clarté et de précision des requêtes, en deuxième lieu, du fait de l’absence d’épuisement par les requérants des voies de recours internes qui étaient à leur disposition afin d’obtenir la sauvegarde de leurs droits et enfin, en troisième lieu, du fait de la prescription de certaines actions en indemnité.

20      Ainsi que l’a jugé la Cour [voir, en ce sens, arrêt Conseil/Boehringer, EU:C:2002:118, points 51 et 52], le juge de l’Union européenne peut apprécier si, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, un recours doit, en tout état de cause, être rejeté au fond, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité.

21      En l’espèce, il y a lieu d’examiner d’abord les moyens du recours et de réserver l’examen des fins de non-recevoir soulevées par la Commission et le Conseil.

 Sur le fond

 Observations liminaires

22      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour comportement illicite de ses organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée, par une institution, d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, Rec, EU:C:2008:476, point 106 et jurisprudence citée ; arrêt du 19 avril 2012, Artegodan/Commission et Allemagne, C‑221/10 P, Rec, EU:C:2012:216, point 80).

23      En l’espèce, il y a lieu, tout d’abord, de constater que l’article 28 du règlement n° 1493/1999 de même que les dispositions du règlement n° 1623/2000 qui mettent en œuvre le mécanisme de marché qu’institue cette disposition sont applicables ratione temporis au présent litige. En effet, sans même qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la portée de la mesure transitoire prévue à l’article 128, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil, du 29 avril 2008, portant organisation commune du marché vitivinicole, modifiant les règlements n° 1493/1999, (CE) n° 1782/2003, (CE) n° 1290/2005 et (CE) n° 3/2008, et abrogeant les règlements (CEE) n° 2392/86 et n° 1493/1999 (JO L 148, p. 1), débattue entre les parties, il convient de rappeler que les présents litiges portent sur les campagnes viticoles de 2004/2005, de 2005/2006 et de 2006/2007 et concernent dès lors des faits qui se sont déroulés à une époque au cours de laquelle le mécanisme de marché prévu audit article 28 était d’application.

24      Par ailleurs, ainsi qu’il a été exposé au point 1 ci-dessus, il est constant que les requérants sont des producteurs de vins issus de cépages à double fin au sens de l’article 28 du règlement n° 1493/1999.

25      Les arguments présentés par les requérants à l’appui de leurs recours procèdent, en substance, de la prémisse selon laquelle le mécanisme de marché institué à l’article 28 du règlement n° 1493/1999 et mis en œuvre par le règlement n° 1623/2000 leur interdit, en méconnaissance de divers principes et règles de droit de l’Union, de distiller eux-mêmes en eau-de-vie à appellation d’origine les quantités de vins issus de cépages à double fin produites en excédent des QNV au cours de chaque campagne concernée et qui n’ont pas été exportées.

26      Par cet argument, tiré d’une violation de l’article 40, paragraphe 2, TFUE, lu en combinaison avec l’article 39 TFUE, les requérants visent à dénoncer, en substance, le fait qu’une telle interdiction n’est pas nécessaire pour stabiliser le marché du vin de table et présente de surcroît un caractère discriminatoire dès lors qu’elle s’applique à l’ensemble des producteurs de vins issus de cépages à double fin, sans faire de distinction selon que le producteur dispose ou non d’installations propres lui permettant de distiller de tels vins en eaux-de-vie à appellation d’origine.

27      Ensuite, par leur grief tiré d’une violation de l’article 38, paragraphe 2, TFUE, les requérants reprochent au Conseil et à la Commission, en substance, d’avoir réglementé le marché de l’eau-de-vie à appellation d’origine par le biais de l’interdiction en cause, en dépit du fait que ce produit n’apparaît pas dans la liste des produits agricoles figurant à l’annexe I du traité FUE. Selon les requérants, cette interdiction de distillation autonome posée par le mécanisme de marché litigieux méconnaît par ailleurs les principes de proportionnalité, de confiance légitime, d’« estoppel », de libre exercice d’une activité professionnelle, de propriété, de la présomption d’innocence et, enfin, de bonne administration.

28      Dans ces circonstances, il convient dès lors, avant tout, d’apprécier si la prémisse rappelée au point 25 ci-dessus est correcte.

 Sur la possibilité pour des producteurs soumis au mécanisme de distillation obligatoire de se conformer à leurs obligations au titre de l’article 28 du règlement n° 1493/1999 en procédant eux-mêmes à une telle distillation

29      Les requérants soutiennent, en substance, que la réglementation de l’Union applicable au présent litige ne leur permet pas de se conformer à l’obligation de distillation prévue à l’article 28 du règlement n° 1493/1999 en procédant eux-mêmes, pour chaque campagne concernée, à la distillation des quantités de vins issus de cépages à double fin produites en excédent des QNV. Les requérants se réfèrent à cet égard, en particulier, au libellé de l’article 53 du règlement n° 1623/2000, aux termes duquel les producteurs concernés sont tenus de « faire distiller » cette partie de leur production.

30      La Commission et le Conseil contestent cette argumentation.

31      Il convient tout d’abord de souligner que c’est à tort que les requérants suggèrent que la prémisse sur laquelle ils fondent leurs recours, s’agissant de l’interprétation de la portée du mécanisme de marché institué par l’article 28 du règlement n° 1493/1999, correspond à l’interprétation dudit mécanisme par les juridictions françaises.

32      Certes, la Cour de cassation a, dans plusieurs arrêts prononcés le 19 mai 2010 et versés au dossier, confirmé l’interprétation de ce mécanisme donnée par certaines juridictions du fond, selon laquelle ledit mécanisme ne prévoyait aucune exemption en faveur du récoltant qui distillait lui-même la totalité de sa récolte en vue de commercialiser les eaux-de-vie ainsi produites, la réglementation en cause interdisant de telles pratiques afin de réguler les quantités mises sur le marché.

33      Toutefois, il ressort d’un autre passage de ces mêmes arrêts, dans lequel la Cour de cassation a systématiquement précisé que « le prévenu n’a[vait] pas justifié pouvoir bénéficier du statut de distillateur agréé », ainsi que d’autres arrêts prononcés par cette juridiction le 16 juin 2010, que la conclusion reflétée au point 32 ci-dessus visait la situation de producteurs qui, comme les requérants, s’étaient abstenus de livrer à des distillateurs agréés les quantités de vins issus de cépages à double fin produites en excédent des QNV, sans toutefois avoir obtenu un agrément à la distillation conformément à l’article 42, paragraphe 1, du règlement n° 1623/2000.

34      Ensuite, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une disposition du droit de l’Union doit être interprétée en tenant compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs de la réglementation dont elle fait partie (arrêts du 17 novembre 1983, Merck, 292/82, Rec, EU:C:1983:335, point 12 ; du 13 décembre 2012, Maatschap L.A. en D.A.B. Langestraat en P. Langestraat-Troost, C‑11/12, Rec, EU:C:2012:808, point 27, et du 3 juillet 2012, Danemark/Commission, T‑212/09, EU:T:2012:335, point 29).

35      En l’espèce, comme le fait remarquer à juste titre le Conseil, l’article 28, paragraphe 1, du règlement n° 1493/1999, en prévoyant que les quantités de vins issus de cépages à double fin visées par le mécanisme de marché litigieux « sont distillé[e]s » avant une date à déterminer, n’exclut pas, en soi, que des producteurs tels que les requérants puissent procéder eux-mêmes à une telle distillation, sans faire appel à un distillateur extérieur. Cette conclusion n’est pas affectée par la règle posée par cette même disposition selon laquelle, sauf dérogation, de telles quantités « ne peuvent circuler qu’à destination d’une distillerie » dès lors que, par hypothèse, la distillation par un viticulteur des quantités de vins qu’il a lui-même produites ne requiert en principe aucun déplacement desdites quantités en dehors de l’exploitation du viticulteur en question, sauf, éventuellement, vers le site de distillation de ce dernier.

36      Par ailleurs, il est certes exact que l’article 53, paragraphe 1, du règlement n° 1623/2000, qui est inséré dans un chapitre dudit règlement consacré aux distillations obligatoires, indique que chaque producteur soumis à l’obligation de distillation conformément à l’article 28 du règlement n° 1493/1999 doit « faire distiller » la quantité totale de sa production destinée à la vinification diminuée de sa QNV et de sa quantité des exportations hors Union pendant la campagne concernée.

37      Toutefois, ainsi que le relève la Commission, il ressort d’autres dispositions du règlement n° 1623/2000 que celui-ci envisage bien la possibilité pour des producteurs disposant d’installations de distillation de se conformer à leur obligation de distillation découlant de l’article 28 du règlement n° 1493/1999 en distillant eux-mêmes, au cours de chaque campagne concernée, les quantités de vins issus de cépages à double fin produites en excédent des QNV et qui n’ont pas été exportées.

38      C’est ainsi, en premier lieu, que l’article 41, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1623/2000, en définissant le « distillateur » comme étant toute personne physique ou morale ou groupement de ces personnes qui, d’une part, distille des vins, des vins vinés, des sous-produits de la vinification ou de toute autre transformation de raisins et, d’autre part, est agréé par les autorités compétentes de l’État membre sur le territoire duquel se trouvent les installations de distillation, ne contient pas d’élément de nature à exclure que des producteurs tels que les requérants puissent répondre à une telle qualification.

39      En particulier, cette disposition ne contient aucune exclusion expresse du « producteur » au sens où cette dernière notion est définie à l’article 41, paragraphe 1, sous a), i), du règlement n° 1623/2000, à savoir, s’agissant des distillations obligatoires, toute personne physique ou morale ou tout groupement de ces personnes ayant produit du vin à partir de raisins frais, de moût de raisins, de moût de raisins partiellement fermenté ou de vin nouveau encore en fermentation, obtenus par eux-mêmes ou achetés, ainsi que toute personne physique ou morale ou tout groupement de ces personnes assujetti aux obligations visées à l’article 27 du règlement n° 1493/1999. De surcroît et plus généralement, les définitions des notions de « producteur » et de « distillateur » figurant dans le règlement n° 1623/2000 ne laissent apparaître aucune source d’incompatibilité entre la qualité de producteur et celle de distillateur au sens dudit règlement.

40      En outre, les requérants ne sauraient être suivis lorsqu’ils font valoir, en substance, qu’ils ne sont pas éligibles à l’obtention d’un agrément à la distillation, prévu à l’article 42 du règlement n° 1623/2000, dans la mesure où ils ne sont pas des « distillateurs de profession ». En effet, pour autant qu’un tel argument doive être interprété comme formant un grief distinct de celui pris de l’impossibilité alléguée par les requérants de se conformer à l’obligation de distillation prévue à l’article 28 du règlement n° 1493/1999 en distillant les quantités de vins concernées en eau-de-vie à appellation d’origine, grief distinct qu’il conviendra d’examiner ultérieurement, le cas échéant, force est de constater qu’une telle condition ne ressort ni de l’article 41, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1623/2000, ni de l’article 42 dudit règlement, ni même de toute autre disposition des règlements n° 1493/1999 et 1623/2000. Quant à l’éventualité qu’une telle condition résulte du droit national, il y a lieu de considérer que, à supposer même une telle circonstance établie, celle-ci ne saurait, en tout état de cause, servir de fondement à une mise en œuvre de la responsabilité non contractuelle de l’Union.

41      En deuxième lieu, il convient de relever que l’article 60, paragraphe 2, du règlement n° 1623/2000 et l’article 65, paragraphes 3 et 9, dudit règlement envisagent spécifiquement la situation de producteurs qui, au cours de chaque campagne viticole, ont l’intention de distiller eux-mêmes les quantités de vins issus de cépages à double fin concernées par l’obligation de distillation prévue à l’article 28, paragraphe 1, du règlement n° 1493/1999.

42      Ainsi, l’article 60, paragraphe 2, du règlement n° 1623/2000 prévoit que, dans une telle hypothèse, le producteur, afin de bénéficier d’une aide à la distillation, présente une demande à l’organisme d’intervention, au plus tard le 30 novembre suivant la campagne en cause, en y joignant une déclaration visée par l’instance compétente de l’État membre. Aux termes de cette même disposition, cette déclaration doit mentionner au moins la nature, la quantité, la couleur et le titre alcoométrique volumique du produit à distiller, les quantités des produits issus de la distillation, ventilées selon les catégories prévues à l’article 43 du règlement n° 1623/2000, ainsi que les dates d’obtention de ces produits. L’article 60, paragraphe 5, dudit règlement, précise que, dans le cas visé au paragraphe 2, l’organisme d’intervention paie l’aide au producteur dans un délai de trois mois à compter du jour de la présentation de la demande complétée par la documentation requise.

43      Par ailleurs, indépendamment de l’existence de demandes d’aide à la distillation, l’article 65, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1623/2000 précise que les producteurs disposant eux-mêmes d’installations de distillation et ayant l’intention de procéder, notamment, à la distillation obligatoire prévue à l’article 28, paragraphe 1, du règlement n° 1493/1999 présentent pour agrément à l’autorité compétente de l’État membre, avant une date à fixer, une déclaration de livraison à la distillation. Ce document remplace le contrat de livraison conclu avec un ou plusieurs distillateurs dont la présentation pour agrément à l’organisme d’intervention est requise, en vertu de l’article 65, paragraphe 1, du règlement n° 1623/2000, lorsque le producteur n’a pas l’intention de procéder lui-même à la distillation.

44      De surcroît, il ressort, en substance, de l’article 65, paragraphe 9, du règlement n° 1623/2000, lu de manière conjointe avec le paragraphe 8, premier et deuxième alinéas, de cet article, que les producteurs qui procèdent eux-mêmes à la distillation obligatoire au sens de l’article 28, paragraphe 1, du règlement n° 1493/1999 présentent à l’organisme d’intervention compétent, dans un délai fixé par l’État membre, la preuve de la distillation, dans les délais prévus, de la quantité totale de vin figurant dans la déclaration visée à l’article 65, paragraphe 3, du règlement n° 1623/2000.

45      Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que suggèrent les requérants, la réglementation de l’Union applicable au présent litige n’emporte pas d’interdiction pour des producteurs assujettis au mécanisme de distillation obligatoire prévu à l’article 28 du règlement n° 1493/1999 de procéder eux-mêmes, au cours de chaque campagne concernée, à la distillation des quantités de vins issus de cépages à double fin concernées par ledit mécanisme, pour autant que de tels producteurs aient obtenu, au niveau national, l’agrément prévu à l’article 42, paragraphe 1, du règlement n° 1623/2000.

46      Il convient donc d’examiner l’argumentation subsidiaire des requérants selon laquelle, en tout état de cause, cette réglementation exclut de manière illégale que des producteurs puissent se conformer à l’obligation de distillation prévue à l’article 28 du règlement n° 1493/1999 en produisant de l’eau-de-vie à appellation d’origine, selon la méthode traditionnelle de la double distillation.

 Sur la possibilité de se conformer à l’obligation de distillation prévue à l’article 28 du règlement n° 1493/1999 en produisant de l’eau-de-vie à appellation d’origine

47      Les requérants soutiennent, en substance, que, même dans l’hypothèse suivant laquelle ils auraient pu obtenir l’agrément à la distillation visé à l’article 42, paragraphe 1, du règlement n° 1623/2000 et auraient été, de cette manière, en mesure de se conformer au mécanisme institué par l’article 28 du règlement n° 1623/2000 en distillant eux-mêmes les quantités de vins visées par celui-ci, ledit mécanisme aurait été en tout état de cause illégal, dès lors que ce dernier les aurait empêchés de produire, au cours des campagnes concernées, de l’eau-de-vie à appellation d’origine à partir des quantités de vins produites en excédent des QNV, lesdites quantités ne pouvant être distillées qu’en « alcool d’État » ou en « alcool ordinaire ».

48      La Commission et le Conseil contestent cette argumentation.

49      À cet égard, il convient de rappeler que les requérants entendent obtenir la réparation du préjudice qu’ils allèguent avoir subi, en substance, du fait des poursuites et condamnations dont ils ont fait l’objet en France pour avoir omis, au cours de diverses campagnes viticoles, de livrer à la distillation obligatoire des quantités de vins issus de cépages à double fin produites en excédent des QNV et qui n’avaient pas été exportées, sans avoir justifié bénéficier du statut de distillateurs agréés prévu à l’article 42 du règlement n° 1623/2000.

50      Toutefois, même en supposant que le mécanisme de distillation obligatoire en cause emporterait une interdiction de production d’eau-de-vie à appellation d’origine à partir de telles quantités et que cette interdiction serait entachée d’illégalité, cette dernière ne concernerait que la limitation du type de produits alcooliques pouvant être obtenus à partir d’une distillation obligatoire effectuée au titre de l’article 28 du règlement n° 1493/1999. En revanche, elle ne remettrait pas en cause, de manière générale, la validité dudit mécanisme. En particulier, cette illégalité, à la supposer établie, serait sans préjudice de la nécessité pour les requérants d’obtenir un agrément en tant que distillateurs, afin de pouvoir produire de l’eau-de-vie à appellation d’origine à partir des quantités de vins issus de cépages à double fin produites en excédent des QNV et qui n’ont pas été exportées.

51      Il y a d’ailleurs lieu d’observer, sur ce point, que le système d’agrément des distillateurs institué à l’article 42 du règlement n° 1623/2000 n’a pas pour objet exclusif de permettre ou de faciliter le contrôle de la nature des produits issus de distillations obligatoires effectuées au titre de l’article 28 du règlement n° 1493/1999. En effet, comme en témoigne l’article 42, paragraphe 2, du règlement n° 1623/2000, qui prévoit que « [l]es États membres peuvent temporairement ou définitivement retirer l’agrément si un distillateur ne satisfait pas aux obligations lui incombant en vertu du[dit] règlement », ce système a une fonction plus large, tant en ce qui concerne les distillations obligatoires qu’en ce qui concerne les distillations facultatives. Aux termes du considérant 86 du règlement n° 1623/2000, ce système est, en effet, justifié par la nécessité d’« assurer un contrôle approprié des opérations de distillation », s’agissant par exemple de la nature, de la quantité et du titre alcoométrique volumique des produits à distiller (article 60, article 65, paragraphe 8, et article 73 du règlement n° 1623/2000) ou encore de la date des opérations de distillation (article 61 du règlement n° 1623/2000).

52      Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 49 ci-dessus, les faits retenus contre les requérants devant les juridictions nationales concernaient la violation par ceux-ci du mécanisme même de la distillation obligatoire, en ce sens qu’ils avaient, au cours de chacune des campagnes concernées, procédé à la distillation des quantités excédentaires au lieu de livrer les produits à distiller à des distillateurs agréés ou d’obtenir l’agrément nécessaire afin de les distiller eux-mêmes. Il s’ensuit que, même s’il fallait conclure que le mécanisme de marché en cause est entaché d’illégalité en ce qu’il ne permet pas à des producteurs tels que les requérants de s’y conformer en distillant les quantités de vins visées par celui-ci en eau-de-vie à appellation d’origine, le préjudice dont les requérants entendent obtenir réparation, résultant des poursuites et condamnations dont ils ont fait l’objet en France, ne trouverait pas son origine dans une telle illégalité.

53      Une solution différente serait susceptible d’aboutir à un résultat illogique. En effet, elle supposerait que puisse être envisagée, en l’espèce, une mise en œuvre de la responsabilité de l’Union du fait d’une illégalité qui, en la supposant établie, n’aurait eu aucune incidence sur les procédures nationales ayant abouti aux condamnations subies par les requérants, lesdites condamnations reposant en particulier sur la circonstance que ces derniers avaient distillé la totalité de leur production de vins issus de cépages à double fin, y compris celle excédant les QNV, sans avoir obtenu d’agrément à la distillation.

 Conclusion sur l’ensemble des recours

54      Il convient dès lors de conclure, d’une part, que c’est à tort que les requérants, afin de démontrer l’existence d’un comportement fautif des institutions en l’espèce, se fondent sur la prémisse selon laquelle le mécanisme de distillation obligatoire litigieux emporterait une interdiction pour des producteurs de procéder eux-mêmes, au cours de chaque campagne concernée, à la distillation des quantités de vins issus de cépages à double fin produites en excédent des QNV et qui n’ont pas été exportées, une telle faculté étant prévue par la réglementation de l’Union applicable, sous réserve de l’obtention d’un agrément à la distillation conformément à l’article 42, paragraphe 1, du règlement n° 1623/2000.

55      D’autre part, à supposer même que ledit mécanisme s’oppose à ce que des producteurs tels que les requérants s’y conforment en distillant en eau-de-vie à appellation d’origine les quantités visées et qu’une telle interdiction soit entachée d’illégalité, il y aurait lieu de constater, en tout état de cause, que le préjudice dont les requérants entendent obtenir la réparation en l’espèce n’a pas été occasionné par une telle illégalité.

56      Il s’ensuit que, dans chacune de ces hypothèses, au moins l’une des trois conditions d’engagement de la responsabilité de l’Union rappelées au point 22 ci-dessus n’est pas remplie et qu’il y a dès lors lieu de rejeter les recours comme étant non fondés (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2003, T. Port/Commission, C‑122/01 P, Rec, EU:C:2003:259, point 30), sans qu’il soit besoin d’examiner les fins de non-recevoir opposées en défense par le Conseil et la Commission.

 Sur les dépens

57      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En outre, conformément au paragraphe 4, premier alinéa, du même article, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

58      En l’espèce, le Conseil et la Commission, de même que la République française dans les affaires T‑448/12 et T‑41/13, ont conclu à la condamnation des requérants aux dépens. Les requérants ayant succombé, il y a donc lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, les dépens du Conseil et de la Commission. Il y a également lieu de condamner les requérants dans l’affaire T‑195/11 à supporter les dépens afférents à la procédure de référé dans l’affaire T‑195/11 R. Quant à la République française, elle supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T‑195/11, T‑458/11, T‑448/12 et T‑41/13 sont jointes aux fins du présent arrêt.

2)      Les recours sont rejetés.

3)      M. Jean-Marie Cahier et les autres requérants dont les noms figurent en annexe sont condamnés à supporter leurs propres dépens afférents à la procédure principale ainsi que ceux du Conseil de l’Union européenne et de la Commission européenne.

4)      M. Jean-Marie Cahier et les autres requérants dans l’affaire T‑195/11 sont condamnés à supporter les dépens afférents à la procédure de référé dans l’affaire T‑195/11 R.

5)      La République française supportera ses propres dépens.

Papasavvas

Forwood

Bieliūnas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 mars 2015.

 

Signatures            

 

Annexe

Robert Aubineau, demeurant à Cierzac (France),

Laurent Bigot, demeurant à Saint-Palais-sur-Mer (France),

Pascal Bourdeau, demeurant à Sainte-Lheurine (France),

Jacques Brard-Blanchard, demeurant à Boutiers-Saint-Trojan (France),

Olivier Charruaud, demeurant à Saint-Martial-de-Mirambeau (France),

Daniel Chauvet, demeurant à Saint-Georges-Antignac (France),

Régis Chauvet, demeurant à Marignac (France),

Fabrice Compagnon, demeurant à Avy (France),

Francis Crepeau, demeurant à Jarnac-Champagne (France),

Philippe Davril, demeurant à Épargnes (France),

Bernard Deborde, demeurant à Arthenac (France),

Chantal Goulard, demeurant à Arthenac,

Jean-Pierre Gourdet, demeurant à Moings (France),

Bernard Goursaud, demeurant à Brie-sous-Matha (France),

Jean Gravouil, demeurant à Saint-Hilaire-de-Villefranche (France),

Guy Herbelot, demeurant à Echebrune (France),

Rodrigue Herbelot, demeurant à Echebrune,

Sophie Landrit, demeurant à Ozillac (France),

Michel Mallet, demeurant à Vanzac (France),

Alain Marchadier, demeurant à Villars-en-Pons (France),

Michel Merlet, demeurant à Jarnac-Champagne,

Alain Phelipon, demeurant à Saintes (France),

René Phelipon, demeurant à Cierzac,

Claude Potut, demeurant à Avy,

Philippe Pruleau, demeurant à Saint-Bonnet-sur-Gironde (France),

Philippe Riche, demeurant à Meursac (France),

Béatrice Rousseau, demeurant à Gensac-la-Pallue (France),

Françoise Rousseau, demeurant à Burie (France),

Jean-Christophe Rousseau, demeurant à Segonzac (France),

René Roy, demeurant à Angoulême (France),

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité

Sur le fond

Observations liminaires

Sur la possibilité pour des producteurs soumis au mécanisme de distillation obligatoire de se conformer à leurs obligations au titre de l’article 28 du règlement n° 1493/1999 en procédant eux-mêmes à une telle distillation

Sur la possibilité de se conformer à l’obligation de distillation prévue à l’article 28 du règlement n° 1493/1999 en produisant de l’eau-de-vie à appellation d’origine

Conclusion sur l’ensemble des recours

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.