Language of document : ECLI:EU:T:2002:228

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

26 septembre 2002 (1)

«FEOGA - Suppression d'un concours financier - Article 24 du règlement (CEE) n° 4253/88 - Audition préalable du bénéficiaire - Examen approprié du cas par la Commission - Droits de la défense - Erreur manifeste d'appréciation des faits - Motivation - Principe de protection de la confiance légitime - Principe de légalité de la sanction - Principe de proportionnalité»

Dans l'affaire T-199/99,

Sgaravatti Mediterranea Srl, établie à Capoterra (Italie), représentée par Mes M. Merola et P. A. M. Ferrari, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. F. P. Ruggeri Laderchi, J. Guerra Fernández et L. Visaggio, puis par Mme C. Cattabriga, en qualité d'agents, assistés de Me M. Moretto, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision C (1999) 1502 de la Commission, du 4 juin 1999, portant suppression du concours financier du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section «Orientation», précédemment octroyé à la requérante,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme P. Lindh, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 5 mars 2002,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    Le règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil, du 24 juin 1988, concernant les missions des fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d'investissement et des autres instruments financiers existants (JO L 185, p. 9), prévoit en son article 5, paragraphe 2, les formes d'intervention financière qui peuvent être réalisées dans le domaine des fonds structurels. Il dispose, à l'article 5, paragraphe 2, sous e), que ces interventions peuvent prendre la forme d'un «soutien à l'assistance technique et aux études préparatoires à l'élaboration des actions».

2.
    Il résulte de l'article 8, premier tiret, du règlement (CEE) n° 4256/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d'application du règlement n° 2052/88 en ce qui concerne le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «Orientation» (JO L 374, p. 25), que la contribution du FEOGA à la réalisation de l'intervention visée à l'article 5, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 2052/88 peut porter sur la réalisation de projets pilotes concernant la promotion du développement des zones rurales, y compris le développement et la valorisation des forêts.

3.
    Le règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d'application du règlement n° 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents fonds structurels, d'une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d'investissement et des autres instruments financiers existants, d'autre part (JO L 374, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2082/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 20) (ci-après le «règlement n° 4253/88 modifié»), contient au point IV (articles 14 à 16) les dispositions relatives au traitement des demandes de concours financier au titre des fonds structurels, les conditions d'éligibilité au financement et certaines dispositions spécifiques.

4.
    Le règlement n° 4253/88 modifié édicte notamment, au point VI (dispositions financières), les règles relatives au paiement du concours financier (article 21), au contrôle financier (article 23) et la réduction, la suspension et la suppression dudit concours (article 24).

5.
    En vertu de l'article 23, paragraphe 1, du règlement n° 4253/88 modifié, les États membres sont tenus d'adopter, afin de garantir le succès des actions réalisées par les promoteurs publics ou privés, les mesures nécessaires pour, premièrement, vérifier régulièrement que les actions financées par la Communauté ont été menées correctement, deuxièmement, prévenir et poursuivre les irrégularités et, troisièmement, récupérer les fonds perdus à la suite d'un abus ou d'une négligence. Ils informent la Commission régulièrement de l'évolution des poursuites administratives et judiciaires. Ils tiennent à sa disposition tous les rapports nationaux appropriés concernant le contrôle des mesures prévues dans les programmes ou actions concernés.

6.
    Aux termes du paragraphe 2 de ce même article, sans préjudice des contrôles effectués par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, des fonctionnaires ou agents de la Commission peuvent contrôler sur place, notamment par sondage, les actions financées par les fonds structurels et les systèmes de gestion et de contrôle. Des fonctionnaires ou agents de l'État membre concerné peuvent participer aux contrôles. La Commission veille à ce que les contrôles qu'elle effectue soient réalisés de façon coordonnée de manière à éviter la répétition des contrôles pour le même sujet et dans la même période. L'État membre concerné et la Commission se transmettent sans délai toutes informations appropriées concernant les résultats des contrôles effectués.

7.
    L'article 24 du règlement n° 4253/88 modifié, intitulé «Réduction, suspension et suppression du concours», dispose, en son paragraphe 1, que, si la réalisation d'une action ou d'une mesure semble ne justifier ni une partie ni la totalité du concours financier qui a été alloué, la Commission procède à un examen approprié du cas dans le cadre du partenariat avec l'État membre concerné, en demandant notamment à ce dernier ou aux autorités désignées par celui-ci pour la mise en oeuvre de l'action de présenter leurs observations dans un délai déterminé.

8.
    Aux termes de l'article 24, paragraphe 2, du même règlement, à la suite de cet examen, la Commission peut réduire ou suspendre le concours financier pour l'action ou la mesure concernée si l'examen confirme l'existence d'une irrégularité ou d'une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en oeuvre de l'action ou de la mesure et pour laquelle son approbation n'avait pas été demandée.

Faits à l'origine du litige

1. Octroi du concours financier communautaire

9.
    Le 28 avril 1992, la société Sgaravatti Mediterranea Srl, une importante entreprise pépiniériste, a présenté une demande de concours financier du FEOGA, section «Orientation», au titre de l'article 8, premier tiret, du règlement n° 4256/88, pour la réalisation d'un «projet pilote concernant les techniques de replantation et d'ingénierie de l'environnement en Méditerranée» (projet n° 92.IT.06.015, ci-après le «projet»).

10.
    Dans ce projet, la requérante se proposait d'offrir des solutions pratiques à divers problèmes de dégradation de l'environnement, par la replantation de substrats pollués, la consolidation et le reboisement de terrains sujets à des éboulements et de zones érodées, la remise en état de zones humides, la constitution d'une pépinière composée d'espèces indigènes de la Sardaigne et la gestion des couvertures végétales sur les terrains qui ne sont plus utilisés pour les cultures. Pour chacune de ces mesures, le projet prévoyait la création d'une zone spécifique de démonstration (sous-projet), dans laquelle des techniques déterminées de remise en valeur de l'environnement seraient expérimentées et mises au point.

11.
    La demande de concours indiquait également le personnel spécifique requis et les équipements nécessaires pour l'exécution de chaque sous-projet. La réalisation du projet devait s'étendre sur une période de 48 mois, de novembre 1992 à novembre 1996.

12.
    Le coût total du projet s'élevait à 1 185 771 euros. Son coût éligible était estimé à 1 012 741 euros, dont 75 % (soit 759 555 euros) faisaient l'objet de la demande de concours. Le solde du coût total (soit 426 216 euros) restait à la charge du bénéficiaire à titre de cofinancement.

13.
    Par décision C (92) 2435 du 12 octobre 1992 (ci-après la «décision d'octroi»), la Commission a approuvé ce projet et a octroyé une subvention de 759 555 euros. L'article 3 de la décision d'octroi énonce:

«Si le coût final révèle une réduction des dépenses éligibles par rapport à celles initialement prévues, le montant de l'aide sera réduit proportionnellement lors du paiement final.»

14.
    Le projet est décrit à l'annexe I de cette décision. Il y est notamment précisé que la remise en état des zones humides sera réalisée à l'aide de moyens mécaniques et manuels pour les phases de creusement et de repiquage des espèces végétales sauvages. Pour créer la pépinière d'espèces indigènes, il est prévu d'utiliser des «essences locales sauvages introduites par repiquage, semis ou bouturage» et de prélever le matériel de reproduction «dans les écosystèmes naturels correspondants, de manière à optimiser la cohérence et la stabilité génétique des plantes produites». Le projet comporte, en outre, l'élaboration d'un manuel d'instructions pour la réhabilitation et la gestion des zones dégradées.

15.
    Les conditions financières applicables dans le cadre de la décision d'octroi sont définies à son annexe II. Cette annexe précise, au paragraphe 3, que les «frais de personnel [...] doivent se rapporter directement à l'exécution de l'action et correspondre à ladite exécution». Elle prévoit, au paragraphe 4, le versement d'un acompte initial de 303 822 euros, correspondant à 40 % du montant du concours financier accordé, puis le versement d'un second acompte de 227 866 euros, correspondant à 30 % de ce montant, lorsque, sur la base des rapports qui lui sont transmis par le bénéficiaire, la Commission estime que la réalisation des opérations est suffisamment avancée et qu'elle a la certitude que la moitié au moins du premier acompte a été utilisée conformément aux objectifs du projet et aux dispositions de l'article 21, paragraphe 3, du règlement n° 4253/88 modifié. Le solde est versé lorsque toutes les dépenses ont été effectuées et approuvées, et après réception et approbation notamment d'un rapport du bénéficiaire relatif à la réalisation de l'ensemble des travaux prévus dans la décision d'octroi.

16.
    Aux termes du paragraphe 5 de cette même annexe, pour contrôler les rapports financiers concernant les diverses dépenses, la Commission peut demander à examiner tout document justificatif, en procédant à un examen sur place ou en demandant que ces documents lui soient envoyés. Sinon, elle se réserve le droit de demander l'exécution de ces contrôles à l'autorité compétente de l'État membre ou à un organisme indépendant. Selon le paragraphe 10 de cette annexe:

«[...] si les conditions susmentionnées n'étaient pas respectées ou si des actions non prévues à l'annexe I étaient entreprises, la Communauté pourrait suspendre, réduire ou annuler son concours et exiger le remboursement des sommes payées. Dans le cas où la répétition de l'indu s'avère nécessaire, la Commission peut exiger le paiement d'intérêts appropriés. Dans de telles circonstances, le bénéficiaire sera mis en mesure de présenter ses observations dans un délai fixé par la Commission, avant l'adoption de toute décision concernant la suspension, la réduction, l'annulation ou la répétition de l'indu.»

17.
    La Commission a procédé au versement des deux premiers acomptes susvisés, respectivement en 1992 et en 1994. Dans sa demande de versement du second acompte, la requérante avait déclaré, sur la base des documents justificatifs fournis, que 63 % du montant du premier acompte avaient été dépensés pour la réalisation du projet.

18.
    Le 20 décembre 1995, la requérante a demandé à la Commission l'autorisation de transférer 40 % des sommes octroyées pour le poste «leasing, software, hardware et autres équipements» aux postes «outillage agricole» et «technologies innovatrices en matière de serres». Par lettre du 23 janvier 1996, la Commission a demandé à la requérante de lui fournir des informations détaillées concernant toutes les dépenses effectivement effectuées au 31 décembre 1995, ainsi que la liste complète des équipements et leurs coûts respectifs pour chacun des postes cités dans la demande susmentionnée. Dans sa réponse du 28 février 1996, la requérante lui a transmis un «récapitulatif des dépenses imprimé le 22.12.95», faisant état de coûts étayés par des documents justificatifs pour un montant total équivalent à 1 209 581 058 lires italiennes (ITL).

2. Enquête effectuée par les autorités nationales

19.
    À la suite de la saisine des autorités judiciaires locales, en décembre 1995, par l'Ufficio Distrettuale delle Imposte Dirette (bureau des contributions directes) de Cagliari (Italie), qui avait constaté l'imputation de coûts fictifs à l'exécution du projet, le Nucleo Regionale di Polizia Tributaria (cellule régionale de la police fiscale) de la Guardia di Finanza di Cagliari, «groupe répression des fraudes» (ci-après la «Guardia di Finanza»), a été chargé d'effectuer une enquête pour présomption de fraude à l'égard du FEOGA, section «Orientation». Dans le cadre de cette enquête, des copies de documents justificatifs des dépenses supportées en vue de la réalisation du projet ont été mises sous séquestre, ainsi qu'il ressort du procès-verbal établi par la Guardia di Finanza, le 25 septembre 1996 (ci-après le «procès-verbal»).

20.
    Le procès-verbal a été notifié le 25 septembre 1996 à Mme R. Zuliani, administrateur unique de la requérante à l'époque des faits, le 26 septembre 1996 à M. Liori, propriétaire de l'entreprise individuelle du même nom et administrateur unique de AGR.IN.TEC Srl, et le 27 septembre 1996 à Mme Floris, mère de M. Liori. La Guardia di Finanza a transmis à la Commission un rapport daté du 1er octobre 1996, reprenant le contenu du procès-verbal.

21.
    Selon le procès-verbal, la Guardia di Finanza a procédé à un examen des documents susvisés, mis sous séquestre, qui concernaient les dépenses imputées au projet, et les a confrontés avec les témoignages recueillis auprès des membres du personnel qui, selon les bulletins de rémunération, auraient été employés dans le cadre de la réalisation du projet. Cet examen a été effectué de manière détaillée en ce qui concerne les divers chapitres de dépenses mentionnés dans la décision d'octroi, à savoir, en particulier, les dépenses de personnel relatives à la coordination générale du projet ainsi qu'à sa coordination scientifique, les loyers et redevances, relatifs à la location de terrains, de serres, de divers locaux et d'un excavateur, les fournitures agricoles, notamment l'engrais organique de chèvre, la terre végétale, la tourbe, le terreau, les touffes de graminées indigènes, les boutures et arbustes d'espèces indigènes, les installations de chauffage et d'isolation des serres, fondées sur les technologies innovantes, l'équipement informatique.

22.
    Dans ce procès-verbal, la Guardia di Finanza a constaté deux types d'irrégularités: d'une part, l'émission de factures imputées au projet pour des services ou des fournitures inexistants, ainsi que la location de deux terrains qui n'auraient pas appartenu aux bailleurs, Mme Floris et M. Liori, et dont l'un aurait été affecté à la culture de la vigne; d'autre part, l'imputation au projet, dans la lettre de la requérante du 28 février 1996, susmentionnée, de dépenses concernant le projet trois fois plus élevées que celles constatées par la Guardia di Finanza.

23.
    En conséquence, la Guardia di Finanza a constaté l'obtention irrégulière de concours financiers du FEOGA, section «Orientation». Elle a relevé que les coûts déclarés et documentés par la requérante au 22 décembre 1995 s'élevaient à 1 209 581 058 ITL, mais que les coûts pouvant avoir été exposés par celle-ci pour la réalisation du projet n'atteignaient que 386 971 677 ITL. Elle a également indiqué que l'article 3 de la loi italienne n° 898 du 23 décembre 1986 prévoyait, à titre de sanction administrative pour la violation de l'article 8, premier tiret, du règlement n° 4256/88, la restitution des sommes indûment perçues, d'un montant en l'espèce de 650 303 232 ITL, correspondant à la différence entre le montant total des acomptes perçus par la requérante (940 531 989 ITL) et la somme de 290 228 757 ITL - correspondant à 75 % des coûts pouvant avoir été exposés par la requérante en relation avec le projet - à la charge de la Communauté, ainsi qu'une amende du même montant.

24.
    Cette procédure a conduit à l'adoption, le 20 avril 2001, par l'autorité administrative compétente, de l'ordonnance-injonction de paiement d'une amende administrative de 650 303 232 ITL à charge solidairement de Mme Zuliani et de la requérante, notifiée le 22 mai suivant. Cette ordonnance fait mention de la décision du 4 juin 1999, de la Commission, attaquée dans le présent recours, supprimant la contribution accordée à la société requérante en vue de l'exécution du projet pilote considéré. Les intéressées ont fait opposition à cette ordonnance-injonction devant le Tribunale di Cagliari (Italie) et la procédure d'exécution forcée a été suspendue par ordonnance de ce tribunal du 28 juin 2001, en attendant son jugement final.

25.
    Par ailleurs, la procédure pénale engagée à l'encontre de Mme Zuliani a été close, à la demande, d'un commun accord, de cette dernière et du ministère public, au titre de l'article 444 du codice di procedure penale (code de procédure pénale italien), par le jugement de «patteggiamento» (transaction) n° 187 du Tribunale di Cagliari, du 8 avril 1999, condamnant Mme Zuliani à une peine d'un an et huit mois d'emprisonnement avec sursis conditionnel.

3. Procédure administrative et contenu de la décision attaquée

26.
    Par lettre du 17 juin 1998, la Commission a notifié à la requérante l'ouverture de la procédure d'examen prévue par l'article 24 du règlement n° 4253/88 modifié. Elle a rappelé expressément que, dans le procès-verbal, la Guardia di Finanza - se fondant sur l'examen de la déclaration des dépenses effectuée par la requérante le 22 décembre 1995 et des documents justificatifs transmis par l'intéressée à la Commission le 28 février 1996 - avait établi les faits suivants. D'une part, les dépenses déclarées (1 209 581 058 ITL) n'auraient été effectivement imputables au projet qu'à raison d'un tiers de leur montant (386 971 677 ITL) et le montant du concours perçu irrégulièrement par la requérante se serait élevé à 650 303 232 ITL. D'autre part, la requérante aurait déclaré des coûts fictifs, en facturant des opérations inexistantes dans le but de percevoir illégalement les subventions communautaires. La Commission indiquait que ces éléments étaient susceptibles de constituer une irrégularité au sens de l'article 24 du règlement n° 4253/88 modifié et éventuellement de justifier la récupération du montant de 531 688 euros déjà perçus par la requérante, ainsi que la suppression du concours lui-même. Par conséquent, la Commission invitait la requérante à apporter, dans un délai de six semaines, la preuve, étayée par des documents comptables et administratifs, de l'exécution régulière des obligations qui lui avaient été imposées dans la décision d'octroi.

27.
    Par lettre du 4 août 1998, la requérante a transmis à la Commission une liste récapitulative des dépenses afférentes au projet, la copie des factures correspondantes, un rapport technique succinct, ainsi qu'une description sommaire des tâches accomplies par certaines personnes dans le cadre de l'exécution du projet. Dans cette lettre, elle demandait à pouvoir présenter personnellement la documentation jointe, afin d'apporter la preuve de l'exécution correcte du projet. Par lettre du 11 septembre 1998, la Commission a rejeté cette demande.

28.
    Le 9 décembre 1998, selon les indications fournies par la Commission, les fonctionnaires de cette institution ont rencontré les enquêteurs de la Guardia di Finanza à Cagliari, afin d'apprécier la documentation produite par la requérante. Cette réunion visait, d'une part, à vérifier que les critères d'éligibilité des dépenses appliqués par les autorités italiennes étaient conformes à la réglementation communautaire en vigueur et, d'autre part, à comparer les documents transmis à la Commission par la requérante avec les éléments constatés au cours de l'enquête, afin de vérifier si ces documents étaient de nature à lever les doutes formulés dans la lettre d'ouverture de la procédure d'examen du 17 juin 1998.

29.
    Par décision du 4 juin 1999 (ci-après la «décision attaquée»), la Commission a supprimé le concours du FEOGA, section «Orientation», octroyé à la requérante pour le projet, et lui a ordonné de restituer le montant de 531 688 euros déjà perçu, dans un délai de 60 jours à compter de la notification de la décision. Elle a fait valoir que, dans sa réponse du 4 août 1998, la requérante n'avait pas fourni d'arguments permettant de réfuter les éléments précis invoqués par la Commission dans sa lettre du 17 juin 1998. Elle a conclu à l'existence des irrégularités suivantes:

«[...] dans le rapport précité de la Guardia di Finanza, on constate que le bénéficiaire a déclaré et documenté des frais fictifs et a facturé des opérations inexistantes en vue de recevoir des fonds communautaires sans y avoir droit; dans la présentation des coûts relatifs au projet envoyée aux services de la Commission le 22 décembre 1995, et dans la transmission des documents justificatifs, le 28 février 1996, le bénéficiaire a déclaré que le total des coûts imputables au projet s'élevait à 1 209 581 058 [ITL], alors que le total des coûts effectifs relevés par la Guardia di finanza s'élevait à 386 971 677 [ITL].»

Procédure et conclusions des parties

30.
    Par requête déposée au Tribunal le 9 septembre 1999, la requérante a introduit le présent recours.

31.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, les parties ont été invitées à produire certains documents et à apporter, avant la date de l'audience, des précisions par écrit en ce qui concerne les sanctions administratives et pénales nationales imposées à Mme Zuliani, en qualité d'administrateur unique de la requérante. Les parties ont satisfait à ces demandes.

32.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audience du 5 mars 2000.

33.
    La partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    à titre subsidiaire, réduire le montant de la subvention qui doit être restitué à la Commission, à la proportion moindre qui apparaîtra justifiée au cours de la procédure;

-    condamner la défenderesse aux dépens.

34.
    La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter intégralement le recours;

-    condamner la requérante aux dépens.

En droit

A - Sur la demande principale

35.
    Au soutien de sa demande principale, tendant à l'annulation de la décision attaquée, la requérante invoque une série de moyens qu'il convient de regrouper et d'examiner comme suit: premièrement, l'absence alléguée d'examen approprié du cas par la Commission, en violation de l'article 24 du règlement n° 4253/88 modifié; deuxièmement, la prétendue violation du droit d'être entendu; troisièmement, la prétendue erreur manifeste d'appréciation des faits; quatrièmement, l'insuffisance de motivation alléguée; cinquièmement, la prétendue méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime et, sixièmement, la violation alléguée de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 modifié et du principe de proportionnalité.

Sur le moyen tiré de l'absence d'examen approprié du cas par la Commission

    

Arguments des parties

36.
    La requérante soutient que la Commission a omis de procéder à un examen approprié du cas, conformément à l'article 24, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 4253/88 modifié. Ces dispositions imposeraient à la Commission d'apprécier de manière autonome, en premier lieu, si les éléments parvenus à sa connaissance constituent des irrégularités au sens de l'article 24, susmentionné, puis, en second lieu, si ces éléments sont susceptibles d'affecter la nature ou les conditions de mise en oeuvre du projet en cause et de justifier, de ce fait, l'une des sanctions prévues par cet article 24.

37.
    En l'occurrence, à la suite de la communication du procès-verbal, la Commission aurait dû procéder à un examen autonome des mesures mises en oeuvre et des coûts prétendument surestimés. Or, elle se serait limitée, dans sa lettre du 17 juin 1998 informant la requérante de l'ouverture de la procédure d'examen, ainsi que dans la décision attaquée, à un simple renvoi à des éléments recueillis par les autorités nationales dans le cadre d'un contrôle fiscal. Lors de l'audience, la requérante a fait valoir que la Guardia di Finanza est uniquement habilitée à consigner, dans ses procès-verbaux, en vue de leur communication au ministère public, les éléments de fait recueillis, sur la base notamment de preuves documentaires et de témoignages, dans le cadre de son activité de police financière. En l'espèce, la Guardia di Finanza aurait émis de nombreuses appréciations spécifiques, par exemple sur la question de savoir si les tâches remplies par un ouvrier relèvent ou non de la réalisation d'un projet de replantation aussi complexe.

38.
    La requérante a ajouté que le jugement n° 187 du Tribunale di Cagliari, du 8 avril 1999, mettant fin à la procédure pénale, avait une portée purement procédurale et ne se fondait sur aucun examen des faits, de sorte que la culpabilité de Mme Zuliani, administrateur unique de la requérante, n'avait pas été établie.

39.
    La requérante demande la production de tous les rapports internes, procès-verbaux, analyses comptables et administratives, et memorandums de la Commission préparant la décision attaquée.

40.
    La Commission objecte que le procès-verbal lui a fourni tous les éléments d'évaluation nécessaires aux fins de l'application de l'article 24 du règlement n° 4253/88 modifié. Elle aurait en particulier vérifié, lors de la réunion du 9 décembre 1998 avec les enquêteurs de la Guardia di Finanza, si le contrôle avait été effectué sur la base de critères d'évaluation conformes au droit communautaire, comme le confirmerait le rapport de mission établi le même jour, mentionné par la défenderesse au cours de l'audience. La Commission aurait procédé à un examen approfondi des diverses factures et des documents comptables pertinents.

41.
    Enfin, lors de l'audience, la Commission a fait valoir que les irrégularités en cause avaient été confirmées dans le jugement n° 698 de la Corte d'appello di Cagliari (cour d'appel de Cagliari) du 24 octobre 2001, mettant fin à la procédure pénale engagée, pour les mêmes faits, à l'encontre de M. Liori.

Appréciation du Tribunal

42.
    Il convient de rappeler, à titre liminaire, le cadre juridique dans lequel s'inscrit l'examen, par la Commission, de la question de savoir si d'éventuelles irrégularités commises par le bénéficiaire d'un concours financier communautaire, au regard des conditions auxquelles la décision d'octroi subordonne le versement de ce concours, justifient, en vertu de l'article 24 du règlement n° 4253/88 modifié, une réduction, la suspension ou la suppression du concours.

43.
    En ce qui concerne le contrôle du respect des obligations financières des bénéficiaires du concours, l'article 23 du règlement n° 4253/88 modifié, intitulé «contrôle financier», institue un système de collaboration étroite entre la Commission et les États membres (voir, en ce qui concerne par exemple le Fonds social européen, arrêt du Tribunal du 29 septembre 1999, Sonasa/Commission, T-126/97, Rec. p. II-2793, point 52, et la jurisprudence citée).

44.
    Ainsi, aux termes de l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 modifié, la Commission peut procéder à des contrôles «sans préjudice du contrôle effectué par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales». De plus, selon cette même disposition, l'État membre concerné et la Commission se transmettent sans délai toutes informations appropriées concernant les résultats des contrôles effectués. En outre, en l'espèce, l'annexe II, paragraphe 5, de la décision d'octroi précise expressément que la Commission se réserve le droit de demander l'exécution des contrôles financiers à l'autorité compétente de l'État membre ou à un organisme indépendant. Enfin, la défenderesse relève à bon droit que le système de contrôle de l'utilisation des concours financiers communautaires s'appuie sur la coopération entre la Commission et les autorités nationales compétentes, tenues de l'assister dans l'accomplissement de sa mission, en vertu de l'article 10 CE.

45.
    Dans ce contexte, lorsque les autorités nationales ont procédé à un contrôle approfondi du respect de ses obligations financières par le bénéficiaire d'une subvention communautaire, la Commission peut légitimement se fonder sur leurs constatations factuelles circonstanciées et déterminer si ces constatations permettent d'établir l'existence d'irrégularités justifiant une sanction au titre de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 modifié. Elle ne saurait être tenue de procéder à une nouvelle enquête, comme l'admet d'ailleurs expressément la requérante. La répétition d'une telle enquête priverait en effet la coopération avec les autorités nationales de tout effet utile et serait contraire au principe de bonne administration.

46.
    En l'espèce, la requérante fait grief à la défenderesse de s'être limitée à entériner les constatations et les appréciations prétendument effectuées par la Guardia di Finanza à des fins de contrôle fiscal, au lieu de porter une appréciation autonome - après avoir recueilli les observations des autorités nationales dans le cadre du partenariat, conformément à l'article 24, paragraphe 1, du règlement n° 4253/88 modifié - en ce qui concerne la portée des irrégularités alléguées et leur incidence sur l'exécution des obligations essentielles inhérentes à la réalisation du projet.

47.
    Ce grief ne saurait être accueilli. En effet, il ressort explicitement du procès-verbal (notamment, des pages 2 et 25 à 27) que le contrôle opéré par la Guardia di Finanza visait précisément à vérifier si la subvention du FEOGA, section «Orientation», octroyée pour la réalisation du projet n'avait pas été obtenue en violation de l'article 8, premier tiret, du règlement n° 4256/88, et non pas à mettre en évidence l'existence d'éventuelles fraudes fiscales, comme le soutient la requérante. De plus, l'analyse du procès-verbal montre que c'est à l'issue d'un examen approfondi et systématique des coûts déclarés et des coûts effectivement supportés par la requérante, en ce qui concerne les divers chapitres de dépenses mentionnés dans la décision d'octroi, que la Guardia di Finanza a effectué ses constatations.

48.
    Dans ce contexte, la Commission s'est fondée à bon droit, dans sa lettre du 17 juin 1998, notifiant à la requérante l'ouverture de la procédure d'examen prévue par l'article 24 du règlement n° 4253/88 modifié, sur les constatations consignées dans le procès-verbal, qui mettait en évidence certains faits pertinents aux fins de l'application de cet article. En effet, dans cette lettre, la Commission a souligné que des éléments susceptibles de constituer des irrégularités au sens de l'article 24 du règlement n° 4253/88 modifié ressortaient de la comparaison, effectuée par la Guardia di Finanza, entre les dépenses prétendument consenties au 22 décembre 1995 et les documents justificatifs communiqués par le bénéficiaire le 28 février 1996.

49.
    Dans le cadre de son appréciation des éléments susvisés, la Commission s'est légitimement limitée à vérifier, d'une part, lors de la réunion du 9 décembre 1998 avec les enquêteurs de la Guardia di Finanza, si leur contrôle avait été effectué sur la base de critères d'évaluation conformes au droit communautaire applicable et, d'autre part, si les éléments de preuve ainsi recueillis par la Guardia di Finanza permettaient d'établir l'existence d'irrégularités au sens de l'article 24 du règlement n° 4253/88 modifié, compte tenu des observations présentées par la requérante dans sa lettre du 4 août 1998.

50.
    Au surplus, quant à l'argument de la requérante, selon lequel sa responsabilité n'aurait pas été établie dans le jugement n° 187 du Tribunale di Cagliari du 8 avril 1999, il suffit de constater que la décision attaquée, adoptée après la clôture de la procédure pénale ouverte à l'encontre de Mme Zuliani en qualité d'administrateur unique de la société requérante, pour les mêmes faits et la même infraction au droit communautaire, n'est pas en contradiction avec ce jugement de portée purement procédurale.

51.
    Il s'ensuit que le moyen tiré de l'absence d'examen approprié du cas par la Commission, au sens de l'article 24, paragraphe 1, du règlement n° 4253/88 modifié, doit être rejeté comme non fondé, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner la production des documents préparatoires sollicitée par la requérante.

Sur le moyen tiré de la violation des droits de la défense

Arguments des parties

52.
    La requérante soutient qu'elle n'a pas été en mesure de présenter ses observations sur les éléments retenus contre elle. En effet, dans sa lettre du 17 juin 1998, lui notifiant l'ouverture de la procédure d'examen prévue par l'article 24 du règlement n° 4253/88 modifié et l'invitant à apporter la preuve de l'exécution régulière de ses obligations, la Commission se serait limitée à se référer de manière générale au procès-verbal. La Commission aurait omis d'indiquer les éléments qu'elle considérait pertinents pour démontrer que la requérante n'avait pas exécuté ses obligations.

53.
    Dans ce contexte, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir fait droit à sa demande de commenter, au cours d'une réunion avec les services compétents, les documents qu'elle lui a transmis par lettre du 4 août 1998, en vue de justifier l'exécution régulière du projet. La tenue d'une telle réunion aurait permis à la requérante, d'une part, d'obtenir des éclaircissements concernant les éléments retenus à sa charge et, d'autre part, de faire valoir son point de vue sur les motifs pour lesquels la Commission estimait que les documents susmentionnés ne permettaient pas de prouver que le projet avait été régulièrement exécuté.

54.
    La Commission estime, pour sa part, que la requérante a été entendue sur l'ensemble des irrégularités qui lui étaient reprochées.

Appréciation du Tribunal

55.
    Selon la jurisprudence, le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l'encontre d'une personne et susceptible d'aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental de droit communautaire qui doit être assuré, même en l'absence de toute réglementation concernant la procédure. Ce principe exige que les destinataires de décisions, qui affectent de manière sensible leurs intérêts, soient mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue (arrêt de la Cour du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a., C-32/95 P, Rec. p. I-5373, point 21).

56.
    En l'espèce, il ressort du dossier que la requérante a été régulièrement entendue avant l'adoption de la décision attaquée, au sujet de l'ensemble des griefs retenus contre elle.

57.
    En effet, dans sa lettre du 17 juin 1998, la Commission a clairement indiqué que les éléments relevés dans le procès-verbal - qui avait été notifié à la requérante et exposait clairement les faits qui lui étaient reprochés - étaient susceptibles de constituer des irrégularités, au sens de l'article 24 du règlement n° 4253/88 modifié, et de justifier éventuellement la suppression du concours financier en cause et la récupération des sommes déjà versées. Elle a mentionné expressément deux types d'irrégularités, à savoir, d'une part, une différence importante entre le coût déclaré par le bénéficiaire jusqu'en décembre 1995 (1 209 581 058 ITL) et le coût réel du projet, tel qu'établi à l'issue du contrôle de la Guardia di Finanza (386 971 677 ITL) et, d'autre part, la déclaration de coûts fictifs, étayée par les factures concernant des opérations inexistantes, dans le but d'obtenir illégalement un concours financier communautaire.

58.
    Dans ces conditions, la requérante a eu la possibilité - dont elle s'est prévalue dans sa lettre du 4 août 1998 - de formuler ses observations sur l'ensemble des irrégularités qui lui étaient reprochées, dans un délai fixé à cette fin dans la lettre de la Commission du 17 juin 1998. Celle-ci n'était, dès lors, pas tenue de lui permettre de présenter des observations orales ultérieurement.

59.
    Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation des droits de la défense doit être rejeté comme non fondé.

Sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des faits

60.
    La requérante estime que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des faits en ce qui concerne les deux types d'irrégularités constatées, à savoir les déclarations de coûts prétendument non imputables à l'exécution du projet, ainsi que celles relatives à des prestations prétendument inexistantes.

1. Coûts non imputables au projet

61.
    La requérante conteste les constatations effectuées par la Guardia di Finanza en ce qui concerne des coûts qui ne se rapporteraient pas à la réalisation du projet, tels que des coûts de personnel, les coûts relatifs à la location de serres et les honoraires d'un consultant, M. Salvago.

a) Coûts relatifs au personnel et à la location de serres

62.
    La requérante fait observer que, pour dénoncer l'imputation prétendument erronée et approximative des coûts relatifs au personnel, les autorités nationales se sont exclusivement fondées sur des déclarations recueillies auprès de salariés de la requérante, lesquels n'auraient pas été en mesure d'estimer le nombre d'heures consacrées aux activités en relation avec le projet, eu égard à la diversité de ces activités et à leur articulation dans le temps. De même, les constatations selon lesquelles la requérante aurait irrégulièrement imputé au projet des coûts relatifs aux serres et à d'autres matériels agricoles reposent uniquement sur des déclarations de salariés de la requérante. Les contrôles par recoupement ainsi effectués par la Guardia di Finanza en vue de constater des irrégularités fiscales ne seraient pas susceptibles de constituer un élément de preuve suffisant pour démontrer que les frais en cause n'étaient pas imputables à la réalisation du projet.

63.
    La Commission réfute cette argumentation. Elle fait valoir que l'imputation des coûts de personnel effectuée dans le procès-verbal est extrêmement précise et détaillée.

64.
    Le Tribunal relève que la requérante n'avance aucun élément de preuve, susceptible de mettre en doute les constatations consignées dans le procès-verbal. En particulier, les pièces justificatives communiquées par la requérante en annexe à sa lettre à la Commission du 4 août 1998 ne fournissent à cet égard aucune information précise et circonstanciée.

65.
    Par ailleurs, il ne saurait être reproché aux autorités nationales de s'être fondées sur les déclarations des salariés concernés. En effet, contrairement aux allégations de la requérante, la finalité même du projet et l'objet spécifique des différents sous-projets permettaient d'identifier aisément les activités relatives à leur exécution. Dans ces conditions, comme la requérante n'avait produit aucun document - telles que des fiches de présence relevant les heures ou les journées de travail accomplies par chaque ouvrier dans le cadre du projet - permettant de quantifier le temps consacré au projet par son personnel, la Guardia di Finanza a effectué, à bon droit, ses propres calculs, sur la base notamment des témoignages recueillis auprès des salariés.

66.
    Quant aux coûts relatifs à la location de serres et d'autres matériels agricoles, il suffit de constater que, non seulement le grief de la requérante n'est pas étayé, mais, en outre, celle-ci s'abstient de spécifier le montant des coûts considérés, les serres et les matériels agricoles en cause.

b) Honoraires de M. Salvago

67.
    La requérante soutient que la thèse selon laquelle les honoraires perçus par M. Salvago (37 950 000 ITL) ne seraient pas imputables au projet serait contredite par le fait que celui-ci avait uniquement été engagé, selon la requérante, dans le cadre de l'exécution du projet, pour une période coïncidant avec la durée de celui-ci. L'intéressé aurait d'ailleurs confirmé que son activité auprès de la requérante concernait principalement, et non exclusivement, la réalisation du projet. Il aurait fourni un nouveau témoignage écrit dans ce sens, en date du 13 mars 2000, à la demande de la requérante, que celle-ci présente en annexe 5 à la réplique.

68.
    La Commission conteste, au préalable, au titre de l'article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la production par la requérante de la déclaration de M. Salvago du 13 mars 2000. Sur le fond, la Commission rejette l'argumentation de la requérante.

69.
    Le Tribunal constate que la requérante s'abstient de fournir le moindre indice susceptible de renverser les éléments de preuve sur lesquels s'est fondée la Guardia di Finanza pour conclure à l'absence d'imputabilité de ces honoraires à la réalisation du projet, lesquels éléments de preuve sont: premièrement, la déposition sous serment de M. Salvago, selon laquelle il avait été chargé de fournir des consultations techniques et administratives de caractère général, concernant l'organisation et la gestion de l'entreprise, tels que les contrats publics, les relations avec d'autres sociétés et la gestion des commandes; deuxièmement, la lettre d'engagement de M. Salvago, du 24 septembre 1992, qui ne contenait aucune référence au projet, et, troisièmement, la déclaration de l'intéressé selon laquelle c'est la requérante qui lui aurait demandé d'insérer une référence explicite au projet dans ses notes d'honoraires.

70.
    Pour ce qui concerne la lettre de M. Salvago du 13 mars 2000, postérieure à la présentation du présent recours et qui se rapporte à la controverse entre les parties, celle-ci ne saurait être considérée comme tardive au sens de l'article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure, lequel ouvre expressément aux parties la possibilité de faire encore des offres de preuve à l'appui de leur argumentation dans la réplique et la duplique. Cette lettre ne permet cependant pas de remettre en cause les constatations susvisées. L'intéressé ne revient pas, en effet, sur sa déposition devant la Guardia di Finanza, dont il ressort que son activité auprès de la requérante durant la période considérée n'avait en réalité que très peu concerné le projet. Il se limite à faire état, à titre d'exemple, d'un certain nombre de fonctions exercées en relation avec ce projet. En tout état de cause, un tel témoignage, établi à la demande de la requérante, près de sept ans après les faits, ne serait pas de nature à renverser les éléments de preuve précis et concordants mentionnés au point précédent.

71.
    Il en résulte que la requérante n'a pas démontré que, en se fondant, dans la décision attaquée, sur les constatations consignées dans le procès-verbal, concernant les coûts relatifs au personnel et aux honoraires de M. Salvago, la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation des faits.

2. Coûts prétendument fictifs

72.
    La requérante soutient avoir effectivement supporté les coûts qu'elle a déclarés et qui sont relatifs: a) à la location de deux terrains pour les besoins du projet, en vertu de contrats de bail conclus le 10 octobre 1993 avec respectivement Mme Floris et M. Liori; b) à la location d'un excavateur appartenant à AGR.IN.TEC Srl pour effectuer des travaux de déplacement de terre; c) à diverses fournitures destinées aux plantations.

a) Locations de terrains

73.
    Premièrement, pour ce qui est des coûts, s'élevant à 20 000 000 ITL, afférents à la location de deux terrains qui auraient été utilisés dans le cadre du projet, la requérante fait valoir que M. Liori était titulaire du droit de disposer de ces terrains, à titre de mandataire de leur propriétaire, en vertu d'une procuration spéciale du 25 mars 1993. En cette qualité, il aurait acquis lesdits terrains en partie en son nom propre et en partie au nom d'AGR.IN.TEC Srl, dont il était le seul administrateur.

74.
    À cet égard, la requérante relève que les terrains en cause ont été identifiés d'une manière erronée dans le procès-verbal, à la suite d'une erreur matérielle de transcription du numéro cadastral dans les contrats de bail qui auraient été conclus, le 10 octobre 1993, par M. Liori et la requérante.

75.
    La requérante ajoute, à titre subsidiaire, que, en tout état de cause, le contrat de bail, régulièrement enregistré, a été à l'origine d'un coût effectif supporté par elle, indépendamment des problèmes liés à la propriété des terrains, qui seraient privés de pertinence en l'espèce.

76.
    Quant aux allégations de la Commission selon lesquelles l'un de ces terrains serait destiné à la viticulture, elles se fonderaient sur une lecture erronée du cadastre.

77.
    La Commission conteste, au préalable, en vertu de l'article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de la procuration spéciale de M. Liori, effectuée par la requérante au stade de la réplique. Elle souligne, par ailleurs, que cette procuration ne démontre pas que les terrains considérés ont été achetés par M. Liori et par AGR.IN.TEC Srl. Cette dernière ne serait d'ailleurs mentionnée dans aucun des deux contrats de bail produits par la requérante.

78.
    Le Tribunal relève, à titre liminaire, que, selon le procès-verbal, ces coûts se rapportent à des loyers annuels de 10 000 000 ITL définis dans des contrats de bail conclus par la requérante avec M. Liori, d'une part, et avec Mme Floris, mère de M. Liori, d'autre part.

79.
    En ce qui concerne ces contrats de bail, la requérante a légitimement produit, au stade de la réplique, une procuration spéciale en faveur de M. Liori, en vue d'étayer la thèse avancée dans la réplique selon laquelle ce dernier était effectivement titulaire du droit de disposer des terrains en question, l'ayant prétendument acquis des frères Deledda. En effet, la production de ce document, qui se rapporte à la controverse entre les parties, ne saurait être considérée comme tardive au sens de l'article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure, lequel ouvre expressément aux parties la possibilité de faire encore des offres de preuve à l'appui de leur argumentation dans la réplique et la duplique.

80.
    Toutefois, en ce qui concerne les terrains pour lesquels M. Liori aurait bénéficié de la procuration susvisée, les contrats de bail produits par la requérante mentionnent des numéros cadastraux totalement différents de ceux figurant dans la procuration. En l'absence de tout indice avancé par la requérante, l'existence d'une simple erreur de transcription dans les contrats de bail, invoquée par cette dernière, ne saurait être présumée.

81.
    À cet égard, il importe, en effet, de souligner que la requérante n'a avancé aucun élément de preuve, au cours de la procédure administrative puis devant le Tribunal, permettant d'établir que les deux terrains prétendument loués par la requérante ont effectivement été utilisés dans le cadre du projet. En particulier, elle n'a fourni aucun indice susceptible de mettre en doute la constatation, consignée dans le procès-verbal, selon laquelle le terrain prétendument loué à la requérante par Mme Floris serait utilisé pour la culture de la vigne.

82.
    En outre, à supposer même que les deux terrains visés dans la procuration spéciale aient été, comme le soutient la requérante, acquis par M. Liori auprès des frères Deledda pour un montant de 120 000 000 ITL - ce que les chèques libellés par AGR.IN.TEC Srl à l'ordre des frères Deledda ne suffisent pas à établir -, cette circonstance ne permettrait pas à elle seule de prouver la réalité de la location de ces mêmes terrains par la requérante et leur utilisation dans le cadre du projet, en l'absence du moindre élément de preuve dans ce sens.

83.
    Dans ces conditions, la requérante n'a avancé aucun élément sérieux permettant de présumer que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation des faits en se fondant, dans la décision attaquée, sur la constatation consignée dans le procès-verbal, selon laquelle les coûts relatifs à la prétendue location de ces deux terrains étaient fictifs.

b) Location d'un excavateur

84.
    La requérante soutient que, contrairement aux affirmations de la défenderesse, AGR.IN.TEC Srl a effectivement disposé d'un excavateur, qu'elle a loué à la requérante. Le propriétaire en serait l'un des associés d'AGR.IN.TEC Srl.

85.
    La Commission fait observer que cette thèse n'est pas étayée.

86.
    Il suffit de constater que la thèse de la requérante, selon laquelle cette machine aurait été mise à la disposition d'AGR.IN.TEC Srl par l'un de ses associés, n'est étayée par aucun élément de preuve. De plus, les constatations effectuées par la Guardia di Finanza (procès-verbal, p. 15) confirment le caractère fictif de cette location.

c) Fournitures agricoles

87.
    La requérante fait valoir que, pour conclure au caractère fictif des coûts concernant la fourniture de fumier de chèvre, de terre végétale, de tourbe, de terreau, de touffes de graminées, de boutures et d'arbustes indigènes pour un montant total de 115 065 600 ITL (soit 59 426 euros), la Commission se fonde uniquement, d'une part, sur les déclarations de salariés de la requérante recueillies par la Guardia di Finanza et, d'autre part, sur l'expertise réalisée par un expert agronome désigné par la Procura di Cagliari (parquet de Cagliari).

88.
    Or, cet expert n'aurait pas pris en compte le fait que les terrains concernés étaient utilisés pour la culture d'environ 75 espèces de plantes obtenues par semis ou bouturage. Les opérations de transplantation successives indispensables auraient nécessité l'utilisation des fournitures litigieuses. Par ailleurs, la forte déclivité des terrains et l'érosion par la pluie expliqueraient que l'analyse des sols ne devait relever aucune trace de tourbe ni d'engrais organique. Enfin, l'expertise effectuée par le professeur Segale, à la demande de la requérante, confirmerait que les coûts litigieux sont effectivement imputables au projet.

89.
    La Commission conteste d'abord, en vertu de l'article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure, la recevabilité du rapport du professeur Segale, produit par la requérante au stade de la réplique. Elle objecte ensuite qu'il est clairement établi que les factures de l'entreprise Liori relatives à la fourniture de fumier de chèvre, de terre végétale, de tourbe, de terreau, de touffes de graminées, de boutures et d'arbustes d'espèces indigènes ne correspondaient pas à des prestations effectives.

90.
    Le Tribunal relève que les constatations dans le procès-verbal selon lesquelles les factures de l'entreprise Liori (d'un montant total de 115 065 600 ITL, soit 59 426 euros), relatives à la fourniture de fumier de chèvre, de terre végétale, de tourbe, de terreau, de touffes de graminées, de boutures et d'arbustes d'espèces indigènes, ne correspondaient pas à des prestations effectives sont bien étayées. À cet égard, les dépositions des salariés de la requérante, consignées dans le procès-verbal, sont claires, précises et concordantes. Tous les témoins ont déclaré que les graines et les boutures n'ont pas été achetées mais récoltées librement et gratuitement, comme l'indique du reste la requérante dans le rapport technique qu'elle a envoyé à la Commission. Ces déclarations sont d'ailleurs conformes à la description du projet dans la décision d'octroi. Les témoins ont, en outre, confirmé que du fumier de chèvre n'a jamais été utilisé, parce qu'il aurait risqué de brûler les racines des plantes, et que les livraisons de tourbe et de terre végétale, emballées dans des sacs, provenaient d'entreprises non sardes et non de l'entreprise qui les avait facturées.

91.
    Dans ces conditions, les explications fournies par la requérante, en ce qui concerne l'absence de traces de tourbe et d'engrais organique dans les sols, constatée lors d'une expertise réalisée à la demande de la Procura di Cagliari, ne sont pas convaincantes. En effet, selon le rapport d'expertise du professeur Segale du 28 mars 2000, elles supposeraient que 1,70 m de tourbe et 40 cm de fumier puissent effectivement disparaître à cause du ravinement par la pluie. En admettant même que cette hypothèse soit plausible, elle ne prouverait pas que les dépenses imputées au projet ont été réellement supportées par la requérante ou que les matériaux ont bien été utilisés en vue de la réalisation du projet.

92.
    Par ailleurs, le rapport d'expertise du professeur Segale, qui est postérieur à la présentation de la requête et a, de ce fait, été régulièrement produit par la requérante au stade de la réplique, ne contient aucun élément concret de nature à invalider les constatations consignées dans le procès-verbal en ce qui concerne le caractère fictif des dépenses en cause.

93.
    Il s'ensuit que, en se fondant, dans la décision attaquée, sur les constatations de la Guardia di Finanza relatives aux fournitures agricoles litigieuses, la Commission n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation des faits.

94.
    Pour l'ensemble de ces raisons, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation des faits doit être rejeté comme non fondé.

Sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation

Arguments des parties

95.
    La requérante soutient que la décision attaquée aurait du faire clairement apparaître les motifs justifiant la suppression du concours. Or, d'une part, cette décision ne permettrait pas d'identifier les griefs retenus à l'encontre de la requérante. D'autre part, elle ne contiendrait aucune explication relative aux raisons qui ont conduit la Commission à ne pas admettre la force probante des documents produits par la requérante.

96.
    En effet, ni la décision attaquée ni la lettre de la Commission du 17 juin 1998, informant la requérante de l'ouverture de la procédure d'examen, ne permettraient d'identifier les griefs spécifiques retenus à l'égard de la requérante. La décision attaquée (septième et huitième considérants) énoncerait de manière erronée que, dans sa lettre du 17 juin 1998, la Commission a «communiqué au bénéficiaire les éléments susceptibles de constituer des irrégularités» et que, «dans sa réponse du 4 août 1998, ce dernier n'a pas fourni d'arguments réfutant les éléments précis invoqués par la Commission». Or, dans sa lettre du 17 juin 1998, la Commission se serait contentée de renvoyer en termes généraux au procès-verbal.

97.
    Dans ces conditions, la requérante n'aurait pas été en mesure d'apprécier pleinement la régularité de la décision attaquée, ce qui l'aurait conduite, dans le cadre de son moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des faits, à contester, simplement à titre d'exemple, un certain nombre de griefs retenus contre elle.

98.
    En outre, dans la décision attaquée, la Commission n'exposerait pas les motifs pour lesquels elle a supprimé le concours, plutôt que de le réduire en proportion des dépenses qui auraient été effectivement supportées.

99.
    La Commission objecte que la décision attaquée est suffisamment motivée.

Appréciation du Tribunal

100.
    Selon une jurisprudence constante, en vertu de l'article 253 CE, la motivation d'un acte doit faire apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge communautaire d'exercer son contrôle. La portée de l'obligation de motivation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté, ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C-350/88, Rec. p. I-395, points 15 et 16; arrêt du Tribunal, Sonasa/Commission, précité, point 64).

101.
    En particulier, eu égard au fait qu'une décision portant réduction du montant d'un concours financier communautaire entraîne des conséquences graves pour le bénéficiaire de ce concours, la motivation de cette décision doit faire clairement apparaître les motifs qui justifient la réduction du concours par rapport au montant initialement agréé (arrêts du Tribunal du 12 janvier 1995, Branco/Commission, T-85/94, Rec. p. II-45, point 33, et Sonasa/Commission, précité, point 65).

102.
    Par ailleurs, une décision de la Commission réduisant un concours financier peut être considérée comme dûment motivée, soit lorsqu'elle-même fait clairement apparaître les motifs qui justifient la réduction du concours, soit lorsqu'elle se réfère suffisamment à un acte des autorités nationales compétentes de l'État membre concerné dans lequel celles-ci exposent clairement les motifs d'une telle réduction, dans la mesure toutefois où l'entreprise en cause a pu prendre connaissance de cet acte (arrêts du Tribunal Branco/Commission, précité, point 36; du 24 avril 1996, Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, T-551/93, T-231/94 à T-234/94, Rec. p. II-247, points 142 à 144; du 16 juillet 1998, Proderec/Commission, T-72/97, Rec. p. II-2847, points 104 et 105, et Sonasa/Commission, précité, point 68).

103.
    En l'espèce, il convient de vérifier si la décision attaquée fait clairement apparaître les motifs de la suppression du concours financier en cause. À cet égard, il y a lieu de relever que cette décision énonce: «[...] dans le rapport précité de la Guardia di Finanza, on relève que le bénéficiaire a déclaré et documenté des frais fictifs et a facturé des opérations inexistantes en vue de recevoir des fonds communautaires sans y avoir droit; dans la présentation des frais relatifs au projet présenté aux services de la Commission le 22 décembre 1995, et dans la transmission des documents justificatifs, le 28 février 1996, le bénéficiaire a déclaré que le coût total du projet était de 1 209 581 058 [ITL], alors que le coût total réel constaté par la Guardia di Finanza s'élevait à 386 971 677 [ITL].» Il en ressort que la décision attaquée spécifie les irrégularités relevées (déclaration de coûts fictifs ainsi que de coûts non entièrement imputables au projet), en indiquant le montant des coûts qui seraient effectivement imputables au projet. En outre, elle est fondée de manière expresse sur le procès-verbal notifié à Mme Zuliani, administrateur unique de la requérante, en 1996, par les autorités nationales. Le procès-verbal s'intègre dès lors dans la motivation de la décision attaquée. Or, il contient un exposé circonstancié et particulièrement détaillé de toutes les irrégularités reprochées à la requérante.

104.
    De plus, la Commission souligne à bon droit que la lettre de la requérante du 4 août 1998 montre que cette dernière ne nourrissait aucun doute en ce qui concerne les griefs précis formulés à son égard.

105.
    Par ailleurs, contrairement aux allégations de la requérante, la décision attaquée mentionne clairement la raison pour laquelle les observations présentées par la requérante, dans sa réponse du 4 août 1998, ne permettaient pas, selon la Commission, de réfuter les griefs invoqués à son égard. Il est en effet énoncé dans cette décision que la requérante n'a pas fourni d'arguments permettant de réfuter les éléments précis relevés dans la lettre du 17 juin 1998 lui notifiant l'ouverture de la procédure d'examen. À cet égard, il est à noter que la requérante ne conteste d'ailleurs pas l'allégation de la Commission selon laquelle les documents communiqués dans la lettre du 4 août 1998, une liste récapitulative des dépenses imputées au projet, la copie des factures correspondantes, un rapport technique sur les travaux exécutés ainsi qu'une description sommaire des tâches accomplies par les personnes intervenues dans l'exécution du projet, correspondaient pour l'essentiel à ceux sur lesquels la Guardia di Finanza s'était fondée pour constater les irrégularités.

106.
    Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être rejeté comme non fondé.

Sur le moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

Arguments des parties

107.
    La requérante soutient que la décision attaquée porte atteinte au principe de la protection de la confiance légitime. Elle souligne qu'elle a mis en oeuvre toutes les mesures et actions prévues dans la décision d'octroi. Dans ces conditions, le comportement de la Commission aurait fait naître la confiance légitime de la requérante dans la régularité de ses actes, avant la lettre de la Commission du 17 juin 1998 l'informant de l'ouverture de la procédure d'examen. En effet, aux termes de la décision d'octroi, la seconde avance, 227 866 euros, serait versée à condition notamment que la Commission ait «la certitude qu'au moins la moitié de la première avance, 303 822 euros, a été dûment dépensée conformément aux objectifs du projet». En versant cette seconde avance, la Commission aurait donc confirmé que les sommes perçues jusqu'à cette date avaient été régulièrement utilisées.

108.
    En outre, cette confiance légitime aurait été renforcée par le fait que la Commission n'a pas estimé utile, d'une part, de faire droit, dans sa lettre du 11 septembre 1998, à la demande de la requérante de présenter des observations orales sur la documentation destinée à prouver l'exécution régulière du projet et, d'autre part, d'effectuer un contrôle sur place.

109.
    Eu égard à la confiance légitime ainsi créée chez la requérante, il ne pourrait y avoir violation manifeste de la réglementation en vigueur - comme le soutient la défenderesse - qu'en cas de comportement dolosif ou de faute grave de la requérante. Dans ces conditions, même si l'existence d'une irrégularité était démontrée, elle ne saurait exclure l'applicabilité, en l'espèce, du principe de protection de la confiance légitime.

110.
    La Commission estime, pour sa part, que les fraudes commises par la requérante s'opposent à ce qu'elle puisse se prévaloir d'une confiance légitime au sujet de l'utilisation correcte du concours financier.

Appréciation du Tribunal

111.
    Le droit de se prévaloir de la protection de la confiance légitime est ouvert à tout opérateur économique dans l'esprit duquel une institution a fait naître des espérances fondées. Toutefois, le principe de la protection de la confiance légitime ne peut pas être invoqué par une entreprise qui s'est rendue coupable d'une violation manifeste de la réglementation en vigueur (arrêt Sonasa/Commission, précité, points 33 et 34).

112.
    Or, en l'espèce, le Tribunal a déjà jugé que la Commission a estimé à bon droit, dans la décision attaquée, que la requérante avait indûment augmenté le montant du concours auquel elle pouvait prétendre, en communiquant de fausses factures et en déclarant des coûts liés en partie seulement à la réalisation du projet. La requérante a ainsi méconnu des obligations financières essentielles, dont le respect conditionne l'octroi du concours.

113.
    Dans ces conditions, la requérante ne saurait en aucun cas se prévaloir d'une confiance légitime dans la régularité de ses actes.

114.
    Au surplus, et en tout état de cause, les éléments invoqués par la requérante, à savoir le versement des deux premiers acomptes et l'absence de contrôle de la Commission sur place ainsi que son refus d'entendre la requérante oralement à la suite de ses observations écrites, n'étaient pas de nature à engendrer une telle confiance légitime.

115.
    En effet, les vérifications précédant le paiement des acomptes et du solde sont réalisées sous réserve de l'apparition ultérieure d'éléments nouveaux, à la suite d'un contrôle sur place effectué par la Commission, en vertu de l'article 23 du règlement n° 4253/88 modifié, ou par les autorités nationales compétentes, selon les dispositions pertinentes de leur ordre juridique interne. Toute autre interprétation compromettrait l'effet utile de l'obligation incombant à la Commission et aux États membres de contrôler l'utilisation régulière des concours financiers communautaires. Dans ce contexte, la Commission peut, à tout moment, ouvrir une procédure d'examen et supprimer, le cas échéant, le concours financier communautaire, y compris après la réalisation des travaux, lorsque le bénéficiaire a méconnu certaines de ses obligations essentielles (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 23 septembre 1994, An Taisce et WWF UK/Commission, T-461/93, Rec. p. II-733, point 36).

116.
    Quant au défaut de contrôle sur place et à la décision de ne pas accorder à la requérante la possibilité de présenter des observations orales, ils ne pourraient avoir suscité chez l'intéressée une confiance quelconque au sujet de l'utilisation correcte du concours financier. L'absence de contrôle sur place par la Commission s'explique en effet par la circonstance que les autorités nationales compétentes avaient déjà procédé à un contrôle exhaustif. De même, le refus d'autoriser la présentation d'observations orales était justifié par le fait que la requérante avait déjà eu l'occasion de fournir toutes les justifications utiles à sa défense, ainsi qu'il a déjà été jugé.

117.
    Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation du principe de la protection de la confiance légitime n'est pas fondé.

Sur les moyens tirés respectivement de la violation de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 modifié et du principe de proportionnalité

Arguments des parties

118.
    La requérante soutient que la décision attaquée, supprimant l'intégralité du concours financier en cause, enfreint l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 modifié, ainsi que le principe de proportionnalité, qui serait concrétisé par cette disposition. En effet, aux termes de ladite disposition, la suppression ou la réduction d'un concours ne se justifieraient qu'en présence d'irrégularités d'une gravité telle qu'elles affecteraient la nature ou les conditions de mise en oeuvre du projet. La suppression ou la réduction d'un concours ne sauraient dès lors être admises lorsque, comme en l'espèce, l'obligation principale du bénéficiaire, consistant à réaliser le projet en respectant les conditions fixées dans la décision d'octroi du concours financier, a été intégralement exécutée. En particulier, l'article 24, paragraphe 2, susvisé, énonçant que «la Commission peut réduire ou suspendre le concours pour l'action ou la mesure concernée si l'examen confirme l'existence d'une irrégularité ou d'une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en oeuvre de l'action ou de la mesure», ne prévoirait pas la suppression du concours en cas de méconnaissance des conditions financières. De plus, en l'espèce, les dispositions spécifiques contenues à l'annexe II de la décision d'octroi ne conféreraient pas davantage à la Commission le droit de supprimer le concours financier dans un tel cas. À cet égard, l'article 3 du dispositif de cette décision énoncerait que, en cas de discordance entre les dépenses effectivement supportées et celles initialement prévues, le montant du concours serait «réduit en proportion».

119.
    Sous cet aspect, le cadre juridique du présent litige se distinguerait de celui de l'affaire Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, invoquée par la défenderesse, laquelle portait sur l'octroi d'une aide en application du règlement (CEE) n° 4028/86 du Conseil, du 18 décembre 1986, relatif à des actions communautaires pour l'amélioration et l'adaptation des structures du secteur de la pêche et de l'aquaculture (JO L 376, p. 7). Ce règlement prévoirait en effet expressément, en son article 44, la possibilité de réduire ou de supprimer le concours financier si le projet n'est pas exécuté comme prévu ou si certaines des conditions imposées ne sont pas remplies.

120.
    En l'espèce, les irrégularités financières prétendument constatées par la Commission concerneraient pour l'essentiel les coûts du personnel employé aux fins de la réalisation du projet. Elles ne reposeraient sur aucune intention frauduleuse et présenteraient un caractère purement formel. Ni la réglementation applicable ni la décision d'octroi n'auraient exigé de fournir le détail des heures de travail consacrées par chaque salarié à la réalisation de chaque sous-projet. La requérante aurait attribué à chaque sous-projet un pourcentage du total des heures de travail consacré par chaque salarié à la réalisation du projet, conformément aux indications qui lui auraient été fournies par la Commission, lors d'une réunion destinée à préciser les modalités d'établissement des rapports techniques et financiers. En l'occurrence, le projet aurait été réalisé et les objectifs du concours financier en cause seraient de ce fait atteints. Les prétendues irrégularités susmentionnées pourraient tout au plus justifier une réduction du concours communautaire à concurrence de la différence alléguée entre les dépenses déclarées et celles imputables au projet. En vertu du principe de proportionnalité, le non-respect d'obligations secondaires ne saurait en effet être sanctionné avec la même vigueur que celui d'obligations principales, dont le respect est d'une importance fondamentale pour le bon fonctionnement du système communautaire [arrêts de la Cour du 24 septembre 1985, Man (Sugar), 181/84, Rec. p. 2889, point 20, et du 27 novembre 1986, Maas, 21/85, Rec. p. 3537, points 23 et suivants].

121.
    À cet égard, la requérante fait valoir que, contrairement aux allégations de la défenderesse, la réduction susmentionnée du concours financier ne saurait représenter une incitation à la fraude, dans la mesure où cette réduction entraînerait un préjudice notable pour la requérante, tant en termes financiers que d'image. La requérante allègue que la totalité des acomptes déjà versés a été investie dans la réalisation du projet, ce que la Commission ne contesterait pas.

122.
    À cet égard, la requérante demande au Tribunal, d'une part, de verser au dossier une vidéocassette et des diapositives relatives aux résultats du projet et, d'autre part, d'ordonner une expertise technico-comptable destinée à établir qu'elle a réellement réalisé la quote-part d'autofinancement, en vérifiant la documentation comptable qu'elle a produite, et une expertise technique destinée à vérifier les résultats de l'action de démonstration tant sous l'aspect de la réalisation des travaux que sous l'aspect de la divulgation des connaissances acquises, ainsi qu'une évaluation de ces résultats.

123.
    Enfin, lors de l'audience, la requérante a reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que la législation nationale italienne prévoyait une sanction administrative pécuniaire pour les infractions aux règles du FEOGA, section «Orientation». L'obligation de restituer l'intégralité du concours financier communautaire, imposée dans la décision attaquée à titre de sanction administrative, serait donc contraire non seulement au principe de proportionnalité, mais également à l'exigence générale d'équité et au principe non bis in idem.

124.
    La Commission objecte que, eu égard au caractère délibéré et à l'importance quantitative des irrégularités constatées, la suppression du concours financier est conforme tant à l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 modifié qu'au principe de proportionnalité.

125.
    Par ailleurs, lors de l'audience, la Commission a fait valoir qu'il n'y avait pas de problème de cumul de sanctions administratives. L'obligation, imposée dans la décision attaquée, de restituer l'intégralité de la contribution communautaire octroyée ne constituerait pas une sanction administrative, mais une simple mesure de répétition, justifiée par le fait que la Communauté ne tire aucun avantage en contrepartie de cette contribution. En outre, l'ordonnance-injonction susvisée serait postérieure à la décision attaquée, et c'est donc aux autorités nationales qu'il appartiendrait de tenir compte de cette décision, conformément au principe de proportionnalité. De surcroît, et en toute hypothèse, la Commission a fait valoir que le prétendu cumul des sanctions administratives, invoqué par la requérante, représenterait une simple éventualité, dans la mesure où la procédure d'exécution forcée de l'ordonnance-injonction du 20 avril 2001, imposant une amende administrative, avait été suspendue.

Appréciation du Tribunal

126.
    Il y a lieu de rappeler à titre liminaire que, aux termes de l'article 2, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO L 312, p. 1), aucune sanction administrative ne peut être prononcée tant qu'un acte communautaire antérieur à l'irrégularité ne l'a pas instaurée. En outre, la jurisprudence confirme qu'une sanction, même de caractère administratif, ne peut être infligée que si elle repose sur une base légale claire et non ambiguë (arrêts de la Cour du 25 septembre 1984, Könecke, 117/83, Rec. p. 3291, point 11, et du 12 décembre 1990, Vandemoortele/Commission, C-172/89, Rec. p. I-4677, point 9).

127.
    En l'espèce, l'obligation de restituer l'intégralité de la contribution financière, d'un montant de 531 688 euros, versée à la requérante, y compris la part de cette contribution, s'élevant à 164 060 euros, dont la Commission ne conteste pas qu'elle a été employée par la requérante en vue de l'exécution du projet, a été imposée, dans la décision attaquée, dans un but dissuasif - comme le fait valoir la Commission - et présente de ce fait un caractère de sanction. Il y a lieu, dès lors, de vérifier si elle est conforme au principe de la légalité de la sanction.

128.
    À cet égard, force est de souligner que l'annexe II, paragraphe 10, de la décision d'octroi, définissant les conditions financières applicables notamment en ce qui concerne la justification des dépenses liées au projet, prévoit expressément que, si l'une de ces conditions n'est pas respectée, la Communauté peut suspendre, réduire ou annuler son concours et exige le remboursement des sommes payées.

129.
    Or, contrairement aux allégations de la requérante, la Commission était habilitée à prévoir, dans la décision individuelle d'octroi, la possibilité d'une suppression du concours financier à titre de sanction de la violation éventuelle d'une de ses obligations essentielles par le bénéficiaire.

130.
    En effet, dans le système d'octroi de concours des fonds structurels et de contrôle des actions subventionnées institué par le règlement n° 4253/88 modifié, la Commission est habilitée à accorder un concours en vue de favoriser la réalisation d'une action précise qu'elle approuve, dans tous ses éléments, dans la décision d'octroi. Les obligations financières du bénéficiaire définies dans cette décision participent des obligations essentielles qui constituent la contrepartie de la contribution financière communautaire et dont le respect conditionne l'octroi de la contribution, accordée discrétionnairement par la Commission conformément aux dispositions du droit communautaire et dans le cadre du partenariat avec l'État membre concerné. L'obligation de respecter les conditions financières découlant de la décision d'octroi constitue ainsi, au même titre que l'obligation d'exécution du projet, l'un des engagements essentiels du bénéficiaire. Il en découle que, dans ce système, la Commission est compétente pour prévoir la possibilité de supprimer l'intégralité de la contribution communautaire, en cas de violation des dispositions financières prévues dans la décision d'octroi.

131.
    Dans ce contexte, l'article 24, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 4253/88 modifié, doit être interprété dans le sens qu'il autorise la Commission à prévoir la suppression du concours financier octroyé, en cas de violation des conditions financières prescrites pour la réalisation du projet. Cette disposition vise, en effet, tout comme l'article 44 du règlement n° 4028/86 cité par la requérante, à garantir l'utilisation correcte des fonds communautaires et à sanctionner les comportements frauduleux des bénéficiaires. Or, le concours financier du FEOGA est destiné à financer un certain pourcentage des coûts réels comptabilisés conformément aux conditions d'octroi. Dans ces conditions, la fourniture, par les demandeurs et bénéficiaires d'un concours communautaire, d'informations fiables est indispensable au bon fonctionnement du système de contrôle et de preuves mis en place pour vérifier si les conditions d'octroi du concours sont remplies (voir arrêts de la Cour du 24 janvier 2002, Conserve Italia/Commission, C-500/99 P, Rec. p. I-867, points 85 à 89, et du Tribunal du 12 octobre 1999, Conserve Italia/Commission, T-216/96, Rec. p. II-3139, points 71 et 92).

132.
    Enfin, contrairement à l'interprétation avancée par la requérante, l'article 3 de la décision d'octroi ne vise pas à limiter le pouvoir, conféré à la Commission, de supprimer le concours financier pour sanctionner la violation des conditions financières. Comme le relève l'institution défenderesse, cet article se réfère uniquement à l'hypothèse selon laquelle cette institution est régulièrement informée par le bénéficiaire du fait que les coûts supportés pour la réalisation du projet se sont avérés inférieurs à ceux qui avaient été prévus initialement.

133.
    Dans ces conditions, la décision attaquée n'enfreint ni l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 modifié ni les dispositions de la décision d'octroi. Il convient à ce stade de vérifier si la décision attaquée est conforme au principe de proportionnalité.

134.
    Le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (arrêt du 12 octobre 1999, Conserve Italia/Commission, précité, point 101).

135.
    En particulier, au regard de ce principe, la violation des obligations dont le respect revêt une importance fondamentale pour le bon fonctionnement d'un système communautaire peut être sanctionnée par la perte d'un droit ouvert par la réglementation communautaire, tel que le droit à un concours financier (arrêt du 12 octobre 1999, Conserve Italia/Commission, précité, point 103).

136.
    En outre, en cas de violation manifeste des conditions financières, toute sanction autre que la suppression du concours risquerait de constituer une invitation à la fraude, en ce que les candidats bénéficiaires seraient tentés de grossir artificiellement le montant de l'investissement qu'ils présentent dans leur demande d'octroi afin d'obtenir un concours financier communautaire plus important, sous peine seulement de voir ce dernier réduit à concurrence de la part correspondant à la surévaluation de l'investissement projeté dans la décision d'octroi (arrêt Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, précité, point 163).

137.
    En l'espèce, force est de constater que la requérante a gravement méconnu ses obligations financières, en imputant au projet des coûts relatifs à des opérations inexistantes et des coûts afférents à des activités effectives mais ne présentant qu'un rapport partiel avec la réalisation du projet, ainsi qu'il a déjà été jugé. À cet égard, se fondant sur le procès-verbal, la Commission a constaté, dans la décision attaquée, que le montant total des dépenses liées au projet, effectivement supportées par la requérante, à la fin de l'année 1995, s'élevait uniquement à 386 971 677 ITL. Il apparaît ainsi que le montant des sommes indûment déclarées, à savoir 822 609 381 ITL, représentait 87 % du montant total des deux premiers acomptes (940 531 989 ITL) versés à cette date. Dans ces circonstances, la bonne foi de la requérante, alléguée par cette dernière, ne saurait être admise.

138.
    Par ailleurs, l'argument développé par la requérante, lors de l'audience, selon lequel la décision attaquée méconnaîtrait le principe de proportionnalité ainsi que le principe non bis in idem, dans la mesure où les mêmes faits auraient également donné lieu à une sanction administrative nationale, n'est pas fondé. En effet, l'ordonnance-injonction du 20 avril 2001, imposant à la requérante une sanction administrative pécuniaire, est postérieure à la décision attaquée. Dans ces conditions, la Commission - compétente pour imposer, à titre de sanction administrative, la restitution de l'intégralité de la contribution communautaire perçue, ainsi qu'il a déjà été jugé - ne pouvait pas tenir compte de cette sanction. Dès lors, une éventuelle violation des principes non bis in idem et de proportionnalité ne pourrait résulter que d'une sanction nationale qui ne tiendrait pas compte de la sanction communautaire.

139.
    Pour l'ensemble des motifs qui précèdent, les moyens tirés de la violation de l'article 24 du règlement n° 4253/88 modifié et du principe de proportionnalité ne sont pas fondés et doivent être rejetés, sans qu'il soit nécessaire de faire droit aux demandes de la requérante visant à ce que des expertises comptable et technique soient ordonnées et à ce que la vidéocassette et les diapositives produites par elle soient versées au dossier. En effet, ces demandes visaient, comme l'a précisé la requérante, à permettre de vérifier si le projet en cause avait été réalisé intégralement par elle, comme elle le soutient. Or, force est de constater que cette question excède l'objet du présent litige, puisque la Commission s'est uniquement fondée, dans la décision attaquée, sur l'inexécution de ses obligations financières par la requérante et n'a pas examiné l'exécution matérielle du projet.

140.
    La demande principale visant à l'annulation de la décision attaquée doit, dès lors, être rejetée.

B - Sur la demande subsidiaire

141.
    Les conclusions tendant à la réduction du montant de la subvention à restituer sont, en tout état de cause, irrecevables dans la mesure où il n'appartient pas au Tribunal, dans le cadre d'un recours en annulation, de substituer une autre décision à la décision litigieuse ou de procéder à la réformation de cette décision (ordonnance de la Cour du 11 mai 2000, Deutsche Post/IECC et Commission, C-428/98 P, Rec. p. 3061, point 28).

142.
    Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

143.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la défenderesse.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

déclare et arrête:

1.
    Le recours est rejeté.

2.
    La requérante supportera l'ensemble des dépens.

Cooke
García-Valdecasas
Lindh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 septembre 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. D. Cooke


1: Langue de procédure: l'italien.

Rec