Language of document : ECLI:EU:T:2021:899

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

15 décembre 2021 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Rémunération – Personnel du SEAE affecté dans un pays tiers – Actualisation intermédiaire des coefficients correcteurs – Erreur manifeste d’appréciation – Effet rétroactif – Sécurité juridique – Devoir de sollicitude »

Dans l’affaire T‑225/20,

FJ et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (1), représentés par Me J.‑N. Louis, avocat,

parties requérantes,

contre

Service européen pour l’action extérieure (SEAE), représenté par MM. S. Marquardt et R. Spáč, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation des bulletins de rémunération du mois de juin 2019 des requérants en ce qu’ils appliquent, pour la première fois, les coefficients correcteurs fixés, avec effet rétroactif, au 1er août 2018,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. J. Svenningsen, président, Mme T. Pynnä (rapporteure) et M. J. Laitenberger, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 21 septembre 2021,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Aux termes de l’article 64 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, tel que modifié par le règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013 (JO 2013, L 287, p. 15) (ci-après le « statut »), et qui s’applique par analogie aux agents temporaires et contractuels conformément aux articles 20 et 92 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), il est prévu ce qui suit :

« La rémunération du fonctionnaire exprimée en euros, après déduction des retenues obligatoires visées au présent statut ou aux règlements pris pour son application, est affectée d’un coefficient correcteur supérieur, inférieur ou égal à 100 %, selon les conditions de vie dans les différents lieux d’affectation.

Ces coefficients correcteurs sont créés ou retirés et actualisés chaque année conformément à l’annexe XI. En ce qui concerne cette actualisation, toutes les valeurs s’entendent comme étant des valeurs de référence. La Commission publie les valeurs actualisées, dans les deux semaines suivant l’actualisation, dans la série C du Journal officiel de l’Union européenne à des fins d’information […] »

2        L’article 65 du statut, qui s’applique par analogie aux agents temporaires et contractuels conformément aux articles 20 et 92 du RAA, dispose ce qui suit :

« 1.      Les rémunérations des fonctionnaires et des autres agents de l’Union européenne sont actualisées chaque année, en tenant compte de la politique économique et sociale de l’Union. Sont prises en considération en particulier l’augmentation éventuelle des traitements de la fonction publique des États membres et les nécessités du recrutement. L’actualisation des rémunérations est mise en œuvre conformément à l’annexe XI. Cette actualisation a lieu avant la fin de chaque année sur la base d’un rapport établi par la Commission et fondé sur les données statistiques préparées par l’Office statistique de l’Union européenne en concertation avec les services nationaux de statistiques des États membres ; les données statistiques reflètent la situation au 1er juillet dans chacun des États membres. Ledit rapport contient des informations relatives à l’incidence budgétaire des rémunérations et des pensions des fonctionnaires de l’Union. Il est transmis au Parlement européen et au Conseil.

[…]

2.      En cas de variation sensible du coût de la vie, les montants visés au paragraphe 1 et les coefficients correcteurs visés à l’article 64 sont actualisés conformément à l’annexe XI. La Commission publie les montants et les coefficients correcteurs actualisés, dans les deux semaines suivant l’actualisation, dans la série C du Journal officiel de l’Union européenne, à des fins d’information […] »

3        L’annexe X du statut contient des dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires affectés dans un pays tiers. Elle est applicable par analogie aux agents temporaires et contractuels conformément à l’article 118 du RAA. Elle prévoit ce qui suit :

« Article 11

La rémunération ainsi que les indemnités visées à l’article 10 sont payées en euros dans l’Union européenne. Elles sont affectées du coefficient correcteur applicable à la rémunération des fonctionnaires affectés en Belgique.

Article 12

Sur demande du fonctionnaire, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut décider de payer la rémunération, en tout ou en partie, en monnaie du pays d’affectation. Elle est alors affectée du coefficient correcteur du lieu d’affectation et convertie selon le taux de change correspondant.

Dans des cas exceptionnels dûment justifiés, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut effectuer tout ou partie de ce paiement dans une monnaie autre que celle du lieu d’affectation selon des modalités appropriées visant à assurer le maintien du pouvoir d’achat.

Article 13

En vue d’assurer dans toute la mesure du possible l’équivalence du pouvoir d’achat des fonctionnaires indépendamment de leur lieu d’affectation, les coefficients correcteurs visés à l’article 12 sont actualisés une fois par an conformément à l’annexe XI. En ce qui concerne cette actualisation, toutes les valeurs s’entendent comme étant des valeurs de référence. La Commission publie les valeurs actualisées, dans les deux semaines suivant l’actualisation, dans la série C du Journal officiel de l’Union européenne, à des fins d’information.

Toutefois, lorsque la variation du coût de la vie mesurée d’après le coefficient correcteur et le taux de change correspondant s’avère supérieure à 5 % depuis la dernière actualisation pour un pays donné, une actualisation intermédiaire de ce coefficient a lieu conformément à la procédure définie au premier alinéa. »

4        L’annexe XI du statut, qui s’applique par analogie aux agents temporaires et contractuels conformément à l’article 20 du RAA, renvoyant aux articles 64 et 65 du statut, décrit les modalités d’application de ces dispositions.

 Antécédents du litige

5        Les requérants, FJ et les autres personnes physiques dont les noms figurent en annexe, sont des fonctionnaires ou des agents du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) affectés à la délégation de l’Union européenne à Kinshasa (ci-après la « délégation »), en République démocratique du Congo, ou qui l’ont été pendant la période de référence, s’étendant du mois d’août 2018 au mois de janvier 2019.

6        En 2010, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a décidé de payer aux fonctionnaires et aux agents affectés à la délégation la part de leur rémunération non payée en euros à Bruxelles (Belgique) en dollars des États-Unis pour leur assurer le maintien de leur pouvoir d’achat en raison d’une situation exceptionnelle dûment justifiée, conformément à l’article 12, second alinéa, de l’annexe X du statut.

7        Le rapport Ares(2018) 5207620 de l’Office statistique de l’Union européenne (Eurostat) sur la mise à jour intermédiaire des coefficients correcteurs applicables, qui reprend les coefficients correcteurs applicables aux rémunérations des requérants pour les mois de février à juin 2018, a été publié le 10 octobre 2018.

8        Avant la fin du mois d’octobre 2018, Eurostat a communiqué le rapport prévu à l’article 65 du statut, intitulé « Eurostat Report on the 2018 annual update of remuneration and pensions of EU officials » (rapport d’Eurostat sur l’actualisation annuelle 2018 des rémunérations et pensions des fonctionnaires de l’Union européenne), lequel a par la suite été publié le 31 octobre 2018. Ce rapport fixait en annexe le taux annuel du coefficient correcteur applicable aux rémunérations versées aux requérants.

9        Les deux rapports d’Eurostat mentionnés aux points 7 et 8 ci-dessus ont été présentés au groupe technique de rémunération le 30 octobre 2018, en présence de représentants du personnel.

10      Le 9 novembre 2018, le directeur de la direction « Affaires juridiques et partenariat » de la Commission européenne a adressé au chef faisant fonction de la division « Droits, obligations et cellule médicale » de la direction générale « Budget et administration » du SEAE (ci-après la « division “Droits, obligations et cellule médicale” du SEAE) une note mentionnant les rapports d’Eurostat, attirant l’attention sur la modification des coefficients correcteurs et demandant que le personnel travaillant dans les délégations de l’Union en soit informé. Il était précisé que le personnel travaillant en République démocratique du Congo serait affecté par cette modification et devrait en être informé.

11      Le 9 novembre 2018, le chef d’administration de la délégation a adressé au chef faisant fonction de la division « Droits, obligations et cellule médicale » du SEAE un courriel reprenant les éléments factuels et statistiques alléguant une erreur manifeste dans le rapport d’Eurostat publié le 31 octobre 2018 et faisant état du caractère erroné du calcul effectué par Eurostat ainsi que de son incapacité à comprendre les raisons justifiant la baisse de 33,8 % du coefficient correcteur applicable au 1er juillet 2018.

12      Dans ce courriel, le chef d’administration de la délégation précisait que toutes les données statistiques disponibles, à savoir celles de l’institut national de la statistique de la République démocratique du Congo et de la Banque centrale du Congo, indiquaient l’existence d’une inflation de près de 25 % pour la période considérée en République démocratique du Congo, c’est-à-dire de juillet 2017 à juin 2018. Il a également fait mention du rapport annuel de la société EuroCost International, qui publiait un baromètre des villes les plus chères du monde. Il signalait que, dans ce rapport, fondé sur des prix relevés en juin 2018, Kinshasa était placée en troisième position à l’échelle mondiale, du fait d’une inflation soutenue, tandis que la monnaie s’était stabilisée les derniers mois.

13      Le 13 novembre 2018, le responsable des tâches d’audit de la délégation a adressé un courriel au directeur de la direction C « Statistiques macro-économiques » d’Eurostat, précisant les éléments relatifs à la réalité du coût de la vie à Kinshasa.

14      Par note du 21 novembre 2018, enregistrée le 26 novembre 2018, le chef faisant fonction de la division « Droits, obligations et cellule médicale » du SEAE a attiré l’attention du chef d’administration de la délégation sur les rapports annuel et intermédiaire d’Eurostat relatifs, notamment, à l’actualisation des coefficients correcteurs, à l’effet rétroactif et à la récupération des montants trop élevés. Il a également rappelé que, conformément à l’article 12 de l’annexe X du statut, l’AIPN pouvait décider de payer tout ou partie de la rémunération en monnaie locale et que le fonctionnaire ou l’agent pouvait demander que son traitement soit versé en euros. Dans le cas où la rémunération est payée en euros, le coefficient correcteur n’est pas applicable.

15      Par note du 4 décembre 2018 adressée au chef d’administration de la délégation ainsi qu’à son responsable des tâches d’audit, le directeur de la direction C « Statistiques macro-économiques » d’Eurostat a répondu aux courriels des 9 et 13 novembre 2018. Il a précisé que trois éléments avaient été modifiés depuis janvier 2018. En premier lieu, il a indiqué que de nouvelles parités bilatérales avec Bruxelles étaient fondées sur une enquête de prix menée, en septembre 2017, par la Commission de la fonction publique internationale (CFPI) de l’Organisation des Nations unies (ONU). Les nouvelles parités pour l’année 2017 indiquaient des prix significativement inférieurs à ceux relevés en 2016. Compte tenu de l’importance de la différence (plus de 5 %), un mécanisme de lissage avait été appliqué par Eurostat. En deuxième lieu, après avoir expliqué l’absence de modification du montant de la rémunération en ce que celle-ci serait calculée dans une autre monnaie, il a été précisé que, le paiement de la rémunération en dollars des États-Unis étant une exception, Eurostat avait constaté que le franc congolais n’était plus lié au dollar des États-Unis et qu’il avait été confirmé, conformément à l’article 12 de l’annexe X du statut, que la rémunération du personnel de la délégation devait être payée dans la monnaie du pays d’affectation et non plus en dollars des États-Unis. En troisième lieu, il a été indiqué qu’une nouvelle pondération de la consommation régionale avait été introduite en juillet 2018.

16      Le 4 décembre 2018, le chef d’administration de la délégation a, dans une note, fait part à différentes autorités du SEAE et de la Commission de l’incompréhension du personnel de la délégation. Il a contesté la baisse significative du coefficient correcteur de 219,3, en juillet 2017, à 145,1, en juillet 2018, ce qui représentait une diminution de 33,8 % en un an.

17      L’actualisation annuelle des coefficients correcteurs applicables aux rémunérations des fonctionnaires, agents temporaires et agents contractuels de l’Union européenne affectés dans les pays tiers a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 14 décembre 2018 (JO 2018, C 451, p. 10). Le coefficient correcteur applicable à leur rémunération à partir du 1er juillet 2018 a été fixé à 145,1. Ce coefficient correcteur a été contesté dans le cadre des recours enregistrés sous les numéros d’affaire T‑698/19 et T‑699/19, lesquels ont été rejetés par arrêts du 9 juin 2021, FJ e.a./SEAE (T‑698/19, non publié, EU:T:2021:337), et du 9 juin 2021, FT e.a./Commission (T‑699/19, non publié, sous pourvoi, EU:T:2021:338).

18      Ensuite, Eurostat a publié, le 29 avril 2019, le rapport sur l’actualisation intermédiaire des coefficients correcteurs applicables aux rémunérations des fonctionnaires, agents temporaires et agents contractuels de l’Union affectés dans des délégations situées en dehors de l’Union, conformément à l’article 64 et aux annexes X et XI du statut, pour la période de référence du mois d’août 2018 au mois de janvier 2019.

19      Le 18 juin 2019, la Commission a publié l’actualisation intermédiaire des coefficients correcteurs applicables aux rémunérations des fonctionnaires, agents temporaires et agents contractuels de l’Union européenne affectés dans les pays tiers (JO 2019, C 207, p. 9). Il y était fait état des coefficients correcteurs suivants :

–        août 2018 : 133,5 ;

–        septembre 2018 : 123,9 ;

–        octobre 2018 : 113,2 ;

–        novembre 2018 : 107,6 ;

–        décembre 2018 : 100,4 ;

–        janvier 2019 : 94,0.

20      En juin 2019, les requérants ont reçu leurs bulletins de rémunération établis par le SEAE et par lesquels ce dernier a décidé de faire, pour la première fois, application des coefficients correcteurs, fixés avec effet rétroactif au 1er août 2018, à la suite du rapport d’Eurostat du 29 avril 2019 (ci-après les « les bulletins de rémunération attaqués »).

21      Le 9 septembre 2019, les fonctionnaires et les agents de la Commission ont introduit une réclamation commune, avec les fonctionnaires et les agents du SEAE également affectés à la délégation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, par laquelle ils ont demandé le retrait de leurs bulletins de rémunération et le remplacement de ceux-ci par de nouveaux bulletins dans le respect du principe d’équivalence du pouvoir d’achat.

22      En premier lieu, les réclamants ont fait valoir une erreur manifeste d’appréciation lors de l’actualisation des coefficients correcteurs déterminant le montant de leur rémunération. À cet égard, ils ont relevé que les données statistiques des institutions de la République démocratique du Congo indiquaient une inflation de près de 25 %, que les organisations de l’ONU avaient augmenté le coefficient multiplicateur applicable aux salaires de leur personnel et que le coût de la vie avait sensiblement augmenté, ce qu’attestaient les prix relevés en juin 2018 par EuroCost International. Ils ont ajouté que le changement de devise ne pouvait expliquer la chute du coefficient correcteur. En second lieu, les réclamants ont invoqué la violation de l’article 13 de l’annexe X du statut, du principe de sécurité juridique et du devoir de sollicitude. Ils estimaient que l’AIPN aurait dû prendre les mesures nécessaires pour faire procéder à une actualisation intermédiaire du coefficient correcteur et non imposer une actualisation tardive avec effet rétroactif. Outre la violation des articles 64 et 65 du statut, de l’article 13 de son annexe X et des dispositions de son annexe XI, les bulletins de rémunération attaqués violeraient également le principe de sécurité juridique et le devoir de sollicitude.

23      Par décision du 7 janvier 2020, le SEAE a rejeté la réclamation.

 Procédure et conclusions des parties

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 avril 2020, les requérants ont introduit le présent recours.

25      Par actes séparés, déposés au greffe du Tribunal le 17 avril 2020, les requérants ont demandé le bénéfice de l’anonymat et la jonction de la présente affaire avec l’affaire T‑224/20, FT e.a./Commission.

26      Par décision du 12 juin 2020, le Tribunal a fait droit à la demande d’anonymat.

27      Le 12 août 2020, le SEAE a produit le mémoire en défense.

28      Le 29 septembre 2020, les requérants ont déposé la réplique au greffe du Tribunal.

29      Le 10 novembre 2020, le SEAE a produit la duplique.

30      Le 23 novembre 2020, les requérants ont demandé, conformément à l’article 106 du règlement de procédure du Tribunal, à être entendus au cours d’une audience.

31      Par décision du 21 avril 2021, le président de la huitième chambre du Tribunal a décidé de joindre la présente affaire à l’affaire T‑224/20, FT e.a./Commission, aux fins de la phase orale de la procédure.

32      Par lettre du 6 mai 2021, les requérants ont déposé une nouvelle preuve au sens de l’article 85 du règlement de procédure et ont demandé au Tribunal d’ordonner, au titre de l’article 88 dudit règlement, au SEAE de produire les éléments qui justifiaient que les coefficients correcteurs applicables à Kinshasa, qui étaient de 239,7 jusqu’au 30 juin 2018, soient passés, à partir du 1er juillet 2018, à 145,1 et, à partir du 1er janvier 2019, à 94,0. Le SEAE a déposé ses observations sur cet acte le 3 juin 2021.

33      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 21 septembre 2021.

34      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les bulletins de rémunération attaqués ;

–        condamner le SEAE aux dépens.

35      Le SEAE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        juger le recours irrecevable sauf régularisation concernant les actes faisant grief ;

–        juger le recours non fondé et le rejeter dans son intégralité ;

–        condamner les requérants aux entiers dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige

36      Le présent recours concerne la légalité de l’actualisation intermédiaire du coefficient correcteur applicable en République démocratique du Congo telle qu’elle est reflétée dans les bulletins de rémunération attaqués. Cette actualisation intermédiaire, qui se fonde sur un rapport d’Eurostat du 29 avril 2019, a eu pour effet que le coefficient correcteur litigieux a été fixé, rétroactivement, à 133,5 à compter du 1er août 2018, 123,9 à compter du 1er septembre 2018, 113,2 à compter du 1er octobre 2018, 107,6 à compter du 1er novembre 2018, 100,4 à compter du 1er décembre 2018 et, enfin, 94,0 à compter du 1er janvier 2019.

 Sur la recevabilité

37      Sans exciper formellement de l’irrecevabilité du recours au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, le SEAE fait valoir que, bien que la requête soit formellement dirigée contre lui, les requérants demandent l’annulation d’une décision de la Commission et, tout au long de la requête ainsi que dans leurs conclusions, ils s’adressent à la Commission et non à lui.

38      Le SEAE souligne que, en vertu de l’accord administratif conclu entre lui et l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission en 2010, le PMO gère les droits individuels de ses fonctionnaires et agents pour son compte en tant qu’AIPN. Selon le SEAE, les bulletins de rémunération de ses fonctionnaires établis par le PMO ne constituent donc pas des décisions de la Commission, qui n’est pas l’AIPN compétente, mais reflètent les décisions qu’il a lui-même prises. Ainsi, il estime que les requérants n’identifient pas quelles sont ses décisions dont ils demandent l’annulation et que, en admettant qu’il s’agisse des bulletins de rémunération des requérants de juin 2019, lesdits bulletins n’ont pas été produits dans le dossier de la présente affaire. Dès lors, faute de régularisation, la requête devrait être déclarée irrecevable.

39      À titre liminaire, il y a lieu de préciser que, à la suite de la demande du greffe de régulariser la requête, les requérants ont fourni, les 8 et 30 décembre 2020, les bulletins de rémunération du mois de juin 2019 dans leur intégralité.

40      Pour le surplus, les requérants contestent l’irrecevabilité de leur recours. Lors de l’audience, d’une part, ils ont précisé que la partie défenderesse dans la présente affaire était bien exclusivement le SEAE en tant qu’AIPN responsable de l’établissement des fiches de rémunération en cause, pouvoir délégué en l’espèce au PMO de la Commission. D’autre part, ils ont reconnu que, en ce qui concernait les chefs de conclusions, les références à la Commission constituaient des erreurs de plume. Il y aurait donc lieu de lire « SEAE » au lieu de « Commission ».

41      Force est de constater, comme le relève le SEAE dans son mémoire en défense et en dépit des clarifications apportées par les requérants concernant l’identité de la partie défenderesse et la présence d’erreurs de plume dans les conclusions, que les motifs au fond de la requête mentionnent uniquement la Commission, à l’exclusion du SEAE.

42      Or, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal, conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, ainsi que de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations (ordonnance du 13 mai 2020, Lucaccioni/Commission, T‑308/19, non publiée, EU:T:2020:207, point 34).

43      Néanmoins, il convient de relever, d’une part, que le SEAE n’a pas maintenu son chef de conclusions tendant à déclarer le recours irrecevable « sauf régularisation concernant les actes faisant grief » dans sa duplique et, d’autre part, qu’il a estimé, lors de l’audience, avoir été en mesure de comprendre la requête.

44      Compte tenu de la régularisation intervenue et des précisions apportées par les requérants et le SEAE lors de l’audience, le fait que les griefs dirigés contre le SEAE n’ont pas tous été exposés de manière claire et précise dans la requête n’a pas empêché le Tribunal de comprendre les arguments des requérants afin de statuer sur leur recours. Dès lors, il y a lieu de considérer que le recours est recevable au regard de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

 Sur le fond

45      Le recours des requérants comporte deux moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’erreurs manifestes d’appréciation en raison, premièrement, de la réduction des coefficients correcteurs appliqués à leur rémunération à compter du 1er août 2018 et, deuxièmement, de la détermination de ceux-ci au moyen de la monnaie du pays d’affectation, et non plus du dollar des États-Unis.

46      Le second moyen est tiré de la violation du principe de sécurité juridique et de la violation du devoir de sollicitude.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et d’erreurs manifestes d’appréciation

47      Les requérants ont précisé au Tribunal lors de l’audience que la violation alléguée du principe d’égalité de traitement ne constituait pas un grief autonome de la requête, mais qu’une telle violation découlerait des erreurs manifestes d’appréciation dont serait entachés les bulletins de rémunération attaqués.

–       Sur le grief tiré d’une erreur manifeste d’appréciation en raison de la réduction des coefficients correcteurs

48      Les requérants se réfèrent aux données statistiques des institutions du pays d’affectation mentionnées par le chef d’administration de la délégation dans sa note du 4 décembre 2018. Selon eux, ces données attestent l’existence d’une inflation et d’une augmentation du coût de la vie à Kinshasa de près de 25 % en glissement annuel sur la période considérée, de juillet 2017 à juin 2018. Ils font valoir que cette inflation touche de la même manière toutes les composantes du « panier de la ménagère » prises en compte par l’institut national de la statistique de la République démocratique du Congo et la Banque centrale du Congo.

49      Selon les requérants, cette augmentation est également constatée par les organisations de l’ONU, le coefficient multiplicateur appliqué aux salaires de son personnel étant passé de 41,3 en juillet 2017 à 43,3 en juin 2018.

50      Les requérants font valoir que, en effectuant, depuis 2010, le travail de collecte des données dans le cadre du Memorandum of understanding de 2009 [accord international de collaboration entre Eurostat, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l’ONU], la Commission n’explique pas comment les mêmes données aboutissent à une hausse des coefficients appliqués aux organisations de l’ONU et à un effondrement des coefficients appliqués, pour la même période, à leur rémunération.

51      Les requérants soutiennent, en outre, qu’Eurostat a, pendant plusieurs années, utilisé les services d’EuroCost International pour collecter des données et calculer les parités économiques et que, sur la base des données collectées en juin 2018, EuroCost International a placé Kinshasa en troisième position des villes dont le coût de la vie était le plus élevé en raison « d’une inflation soutenue, tandis que la monnaie s’[était] stabilisée ces derniers mois ».

52      Les requérants rappellent que l’objectif du système des coefficients correcteurs, tel qu’il ressort des articles 64 et 65 du statut, est de garantir que soit bien reflété le rapport entre le niveau de prix des biens et services constaté localement et celui à Bruxelles et à Luxembourg (Luxembourg) pour assurer une égalité de pouvoir d’achat des fonctionnaires et agents de l’Union, indépendamment de leur lieu d’affectation. Par conséquent, le SEAE serait tenu de fixer les coefficients correcteurs pour garantir cette correspondance substantielle et, dès lors, de rapporter la preuve que l’application des coefficients correcteurs litigieux assure effectivement l’équivalence du pouvoir d’achat.

53      Les requérants indiquent qu’ils ne mettent pas en cause la méthode utilisée par la Commission, mais font valoir que celle-ci reste en défaut d’expliquer la baisse du coefficient correcteur de 239,7 à 94,0 entre le 30 juin 2018 et le 1er janvier 2019. Ils précisent qu’ils contestent l’application de ladite méthode ainsi que les données objectives de la CFPI utilisées pour fixer les coefficients correcteurs appliqués à leur rémunération. Ils demandent que la Commission fournisse les données objectives relatives aux années 2016 à 2018, en précisant comment elles ont été récoltées, et qu’elle démontre, par comparaison à la situation de l’ONU et aux données statistiques des institutions de la République démocratique du Congo, que ces coefficients correcteurs leur garantissent effectivement une équivalence de pouvoir d’achat.

54      Les requérants contestent la diminution du coefficient correcteur de 239,7 en août 2017 à 94,0 en janvier 2019 alors qu’une inflation très élevée a été constatée par les autorités du pays d’accueil et que les rémunérations du personnel de l’ONU ont été augmentées. Ils soutiennent qu’Eurostat était chargé de vérifier si l’application des coefficients correcteurs établissait correctement les équivalences du pouvoir d’achat et de s’assurer que la méthode et la périodicité de la récolte des données statistiques relatives à l’évolution des prix en République démocratique du Congo correspondait à l’évolution effective du coût de la vie à Kinshasa. Ils concluent que la Commission ne pouvait légalement appliquer à leur rémunération les coefficients correcteurs litigieux avec effet rétroactif.

55      Les requérants soutiennent que les données récoltées par la CFPI n’ont pas pour objectif d’assurer une évolution similaire ou égale de leur rémunération avec celle des autres organisations internationales ou du personnel des ambassades des États membres. Ils font valoir que, si le but de la Commission était de réduire leur rémunération au motif que les coefficients correcteurs appliqués avant le 1er février 2018 leur procuraient un avantage illégal, il appartenait au SEAE de les informer, de leur fournir les éléments leur permettant d’en vérifier le bien-fondé et de permettre au juge d’exercer son contrôle juridictionnel. Dans ce cas, avant le 1er février 2018, la Commission aurait appliqué les coefficients correcteurs sans s’être assurée qu’elle disposait des éléments objectifs de nature à garantir le respect du principe d’égalité de traitement. Ce faisant, elle aurait commis une faute de service qui engage la responsabilité de l’Union. En toute hypothèse, la Commission ne pouvait légalement appliquer de nouveaux coefficients correcteurs supérieurs au seuil statutaire de 5 %.

56      Selon les requérants, le SEAE n’a fourni aucun élément leur permettant de comprendre l’importante diminution du coefficient correcteur, et donc de leur rémunération, alors qu’il reconnaît que, pour la même période, les prix à la consommation en République démocratique du Congo ont connu une inflation supérieure à celle de Bruxelles, qui a été établie par l’institut national de la statistique à 25 %.

57      Le SEAE conteste cette argumentation.

58      Il y a lieu de rappeler que le principe d’équivalence de pouvoir d’achat entre les fonctionnaires, lequel résulte, notamment, des dispositions de l’article 64 du statut, implique que les droits pécuniaires des fonctionnaires et des agents procurent, à situations professionnelle et familiale équivalentes, un pouvoir d’achat identique quel que soit le lieu d’affectation. Ce principe est mis en œuvre par l’application de coefficients correcteurs à la rémunération exprimant le rapport entre le coût de la vie à Bruxelles, ville de référence, et celui des différents lieux d’affectation (arrêt du 25 septembre 2002, Ajour e.a./Commission, T‑201/00 et T‑384/00, EU:T:2002:224, point 45).

59      Le coefficient correcteur est un facteur mathématique reflétant le coût de la vie dans le lieu d’affectation par rapport au coût de la vie à Bruxelles. Il est égal à la parité économique (c’est-à-dire le rapport entre le coût, à une période déterminée, d’un même panier de biens et de services en devises locales dans le pays d’affectation et en euros à Bruxelles) divisée par le taux de change officiel et multipliée par 100 (arrêt du 8 novembre 2000, Bareyt e.a./Commission, T‑175/97, EU:T:2000:259, point 4).

60      Pour atteindre l’objectif visant à assurer, en application du principe d’égalité de traitement, un pouvoir d’achat comparable pour les fonctionnaires, quel que soit leur lieu d’affectation, le législateur a prévu, à l’article 65 du statut, une actualisation annuelle et une actualisation intermédiaire des coefficients correcteurs. Ces deux mécanismes d’actualisation des coefficients correcteurs poursuivent la même finalité et affectent les rémunérations de manière identique. La seule différence entre les deux est que l’actualisation intermédiaire est décidée lorsque la variation du coût de la vie dépasse un certain seuil par référence à la période comprise entre juin et décembre de l’année civile précédente (arrêt du 20 juillet 2017, Barnett et Mogensen/Commission, T‑148/16 P, non publié, EU:T:2017:539, point 64).

61      L’actualisation intermédiaire constitue ainsi un exercice de mise à jour d’un coefficient correcteur établi et appliqué selon la procédure d’actualisation annuelle, en cas de variation sensible du coût de la vie, en conformité avec les articles 4 à 7 de l’annexe XI du statut (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, Barnett et Mogensen/Commission, T‑148/16 P, non publié, EU:T:2017:539, points 72 et 73).

62      La première étape permettant d’obtenir la parité économique est l’enquête relative aux prix de biens et de services à Bruxelles et dans le pays d’affectation. Le prix de certains biens ou services peut ne pas être pris en considération ou être évalué selon une méthode retenue par Eurostat (voir, en ce sens, arrêts du 7 décembre 1995, Abello e.a./Commission, T‑544/93 et T‑566/93, EU:T:1995:202, point 64, et du 25 septembre 2002, Ajour e.a./Commission, T‑201/00 et T‑384/00, EU:T:2002:224, point 64).

63      Il est de jurisprudence constante que le libellé des dispositions des articles 64 et 65 et de l’annexe XI du statut ainsi que le degré de complexité de la matière impliquent que les institutions disposent d’une large marge d’appréciation quant aux facteurs et aux éléments à prendre en considération lors de l’adaptation des rémunérations des fonctionnaires et des agents de l’Union (arrêts du 25 septembre 2002, Ajour e.a./Commission, T‑201/00 et T‑384/00, EU:T:2002:224, point 47, et du 11 décembre 2014, van der Aat e.a./Commission, T‑304/13 P, EU:T:2014:1055, point 66).

64      Dès lors, l’appréciation du juge de l’Union, en ce qui concerne la définition et le choix des données de base et des méthodes statistiques utilisées par Eurostat pour l’établissement des propositions de coefficients correcteurs, doit se limiter au contrôle du respect des principes énoncés par les dispositions du statut, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits ayant donné lieu à la fixation des coefficients correcteurs et de l’absence de détournement de pouvoir (arrêts du 25 septembre 2002, Ajour e.a./Commission, T‑201/00 et T‑384/00, EU:T:2002:224, point 48, et du 11 décembre 2014, van der Aat e.a./Commission, T‑304/13 P, EU:T:2014:1055, point 67).

65      En l’espèce, il ressort du rapport d’Eurostat du 29 avril 2019 que la diminution du coefficient correcteur litigieux entre le 1er août 2018 et le 31 janvier 2019 résulte de la mise en œuvre d’un mécanisme de « lissage » consistant à amortir graduellement, sur une période de douze mois plutôt que de six mois, l’impact de la diminution du coefficient correcteur résultant des actualisations annuelle et intermédiaire publiées le 14 décembre 2018.

66      Par arrêt du 9 juin 2021, FJ e.a./SEAE (T‑698/19, non publié, EU:T:2021:337, point 94), le Tribunal a jugé que l’application de ce mécanisme de lissage attestait l’absence de violation du devoir de sollicitude par l’AIPN dans la mesure où, si ce lissage n’avait pas été appliqué, le coefficient correcteur aurait été d’une valeur inférieure dès le 1er février 2018. Par ailleurs, s’agissant de la diminution mensuelle du coefficient correcteur entre le 1er février et le 31 juillet 2018, il a été jugé, dans cette affaire, que le coefficient correcteur fixé en application des actualisations annuelle et intermédiaire publiées le 14 décembre 2018 n’était entaché d’aucune erreur manifeste d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, FJ e.a./SEAE, T‑698/19, non publié, EU:T:2021:337, points 38 à 70).

67      Il convient de souligner, en outre, qu’il incombe aux parties qui veulent mettre en cause les éléments et la méthode utilisés afin de fixer les coefficients correcteurs de fournir des éléments susceptibles de démontrer qu’une erreur manifeste a été commise (arrêts du 25 septembre 2002, Ajour e.a./Commission, T‑201/00 et T‑384/00, EU:T:2002:224, point 49, et du 11 décembre 2014, van der Aat e.a./Commission, T‑304/13 P, EU:T:2014:1055, point 68).

68      Les requérants soutiennent d’abord que de nombreux éléments démontrent l’existence d’une inflation et d’une augmentation du coût de la vie en République démocratique du Congo, ce qui contredirait la réduction importante des coefficients correcteurs appliqués à leur rémunération. Ils se réfèrent notamment aux statistiques des institutions congolaises, à l’augmentation des salaires du personnel des organisations de l’ONU et au classement, établi par EuroCost International, de la ville de Kinshasa en troisième position des villes dont le coût de la vie est le plus élevé.

69      À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé aux points 6358 et 62 ci-dessus, l’objectif des enquêtes relatives aux prix de biens et de services à Bruxelles et dans le pays d’affectation est d’obtenir la parité de pouvoir d’achat, c’est-à-dire le rapport entre le coût, à une période déterminée, d’un même panier de biens et de services en devises locales dans le pays d’affectation et en euros à Bruxelles. Cela impose de pouvoir relever les prix de biens ou de services identiques ou adéquatement comparables et, ensuite, d’agréger les prix et de les pondérer afin de pouvoir déterminer les dépenses du « fonctionnaire international moyen ». En outre, les prix de certains biens ou services ne sont pas pris en considération par Eurostat (arrêt du 9 juin 2021, FJ e.a./SEAE, T‑698/19, non publié, EU:T:2021:337, point 54).

70      Il est également nécessaire de rappeler que les coefficients correcteurs sont l’expression de la différence de pouvoir d’achat du personnel de l’Union à Bruxelles et dans un autre lieu d’affectation et qu’ils ne reflètent pas uniquement l’évolution du coût de la vie dans cet autre lieu. Il s’ensuit que la seule baisse du coefficient correcteur, même si elle est importante et ne correspond pas à une diminution du coût de la vie dans le lieu d’affectation, n’est pas un indice permettant de conclure à l’existence d’une erreur manifeste quant au choix des méthodes d’évaluation de l’équivalence du pouvoir d’achat (arrêt du 8 novembre 2000, Bareyt e.a./Commission, T‑175/97, EU:T:2000:259, point 65).

71      À cet égard, il convient de relever que les requérants n’avancent pas d’éléments suffisamment concrets qui seraient susceptibles de remettre en cause le constat selon lequel les coefficients correcteurs litigieux sont l’expression correcte du calcul de l’équivalence du pouvoir d’achat entre Kinshasa et Bruxelles, en application de la méthodologie prévue à cet effet, qu’ils affirment eux-mêmes ne pas contester. En effet, ils se limitent à renvoyer à des différences de prix de certains produits entre Kinshasa et Bruxelles, à l’évolution générale de l’inflation à Kinshasa ou encore à des variations de salaire du personnel des organisations de l’ONU, sans toutefois fonder leur argumentation sur la méthodologie suivie par Eurostat ni sur d’éventuelles erreurs dans son application.

72      Interrogés sur ce point lors de l’audience, les requérants invoquent une impossibilité de fournir de tels éléments en raison du fait qu’ils n’auraient pas eu accès à l’ensemble des données utilisées par Eurostat aux fins du calcul des coefficients correcteurs. Or, au-delà des différences constatées entre les situations à Kinshasa et à Bruxelles qui justifient l’établissement d’un coefficient correcteur, mais qui, en tant que telles, n’en déterminent pas le calcul, les requérants auraient pu apporter à tout le moins des commencements de preuve comparatifs et concrets à l’appui de leur allégation selon laquelle une erreur entacherait ce calcul, fondés sur la méthodologie suivie par Eurostat et ses rapports auxquels ils avaient accès.

73      En l’espèce, les requérants n’ont pas démontré en quoi les statistiques des institutions congolaises, visées au point 12 ci-dessus et qu’ils citent pour démontrer l’existence d’une inflation en République démocratique du Congo pour la période concernée, étaient susceptibles d’être comparées et, a fortiori, de remettre en cause les statistiques d’Eurostat élaborées en prenant en considération des éléments différents et une finalité différente, notamment celle de déterminer la différence d’évolution globale des prix entre Bruxelles et le lieu d’affectation, à savoir la République démocratique du Congo. Il s’ensuit que l’argumentation des requérants comparant les variations de l’indice des prix en République démocratique du Congo et celles des coefficients correcteurs pour Bruxelles et la République démocratique du Congo doit être écartée (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, FJ e.a./SEAE, T‑698/19, non publié, EU:T:2021:337, point 56).

74      Il en va de même de l’argumentation concernant l’augmentation des salaires du personnel des organisations de l’ONU. Si les requérants ont fait valoir, dans leur requête, que la Commission n’expliquait pas comment les mêmes données aboutissaient à une hausse des coefficients appliqués aux organisations de l’ONU et à un effondrement des coefficients appliqués, pour la même période, à leur rémunération, ils n’ont cependant pas contesté l’explication du SEAE, dans son mémoire en défense, selon laquelle les données de base relevées par la CFPI et Eurostat ne devaient pas donner lieu à des résultats finaux comparables. Notamment, ils n’ont pas contesté que certaines données étaient prises en compte dans un cas et non dans l’autre, que la méthodologie d’agrégation des données n’était pas la même dans les deux structures et que les règles administratives et statutaires de l’ONU n’étaient pas celles des institutions de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, FJ e.a./SEAE, T‑698/19, non publié, EU:T:2021:337, point 57).

75      En outre, il y a lieu de rappeler que, afin de respecter le principe d’équivalence de pouvoir d’achat prévu par l’article 64 du statut, Eurostat tient compte de la pondération des dépenses effectuées par les fonctionnaires et les agents afin de pouvoir déterminer le rapport entre le coût d’un même panier de biens et de services dans le pays d’affectation et à Bruxelles. Par conséquent, il s’ensuit que l’augmentation des coefficients correcteurs appliqués aux salaires du personnel des organisations de l’ONU ne saurait permettre de remettre en cause la réduction des coefficients correcteurs décidée par l’Union (arrêt du 9 juin 2021, FJ e.a./SEAE, T‑698/19, non publié, EU:T:2021:337, point 58).

76      Par ailleurs, l’argument selon lequel la finalité de l’actualisation intermédiaire litigieuse aurait été de corriger la prétendue illégalité entachant le coefficient correcteur en vigueur avant le 1er février 2018, ce qui constituerait une faute de service, ne saurait prospérer.

77      En l’espèce, la Commission a, sur la base des rapports d’Eurostat, procédé à l’actualisation intermédiaire litigieuse au motif que le seuil de sensibilité visé à l’article 6 de l’annexe XI du statut avait été atteint. L’application de ce coefficient correcteur a, ensuite, été lissée sur douze mois plutôt que sur six et il ressort de ce qui précède que les requérants n’ont pas démontré que l’application de ce mécanisme de lissage serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

78      Enfin, quant au classement, établi par EuroCost International, de Kinshasa en troisième position des villes dont le coût de la vie est le plus élevé en raison d’une inflation soutenue, il n’est nullement établi par les requérants que cette société applique la même méthodologie que celle d’Eurostat ou de la CFPI. Au contraire, selon les exemples présentés par le SEAE, il existe des différences de méthodologie importantes concernant, par exemple, la sélection des magasins, les critères d’analyse et la validation des données. Par conséquent, les résultats publiés par EuroCost International ne sauraient être comparables à ceux d’Eurostat (arrêt du 9 juin 2021, FJ e.a./SEAE, T‑698/19, non publié, EU:T:2021:337, point 59).

79      Il s’ensuit que les requérants n’ont pas établi que la réduction des coefficients correcteurs procédait d’une erreur manifeste d’appréciation. La constatation de différences de prix de certains produits entre Kinshasa et Bruxelles, l’existence de taux d’inflation différents entre les deux sites d’affectation ou encore le renvoi aux résultats découlant de méthodologies suivies par d’autres organismes ne constituent pas des indices suffisants susceptibles de remettre en cause le calcul d’Eurostat. En l’absence d’une argumentation plus circonstanciée, les requérants ne sont pas parvenus à remettre en cause l’application correcte de la méthodologie suivie en vue de la détermination des coefficients correcteurs.

80      Partant, le premier grief du premier moyen doit être rejeté.

–       Sur le grief tiré d’une erreur manifeste d’appréciation en raison de l’utilisation de la monnaie du pays d’affectation en lieu et place du dollar des États-Unis pour évaluer le niveau du coefficient correcteur

81      Au soutien de ce grief, les requérants renvoient à la note du 4 décembre 2018 du chef d’administration de la délégation, dans laquelle celui-ci a expliqué les raisons qui justifiaient le paiement de tout ou partie de la rémunération des réclamants en dollars des États-Unis. Ils indiquent que cette note mentionnait, notamment, l’obligation de payer l’essentiel des biens et des services en dollars des États-Unis, les risques physiques d’utiliser le franc congolais ainsi que les risques sérieux de non-convertibilité des francs congolais et les risques de dévaluation de cette monnaie. Eu égard à une évolution quasi identique du dollar des États-Unis et du franc congolais relativement à l’euro, selon un graphique présenté par le chef d’administration de la délégation, celui-ci en concluait que le changement de devise de référence ne pouvait expliquer à lui seul la chute du coefficient correcteur de 219,3 en juillet 2017 à 145,1 en juillet 2018.

82      Dans la réplique, les requérants font valoir que, pour l’enquête des prix, l’instabilité tant politique qu’économique de la République démocratique du Congo en 2017 et l’inflation des prix dans ce pays ne permettent pas de justifier l’abandon de la référence au dollar des États-Unis au profit du franc congolais. À cet égard, ils soutiennent que le SEAE ne conteste pas qu’il avait été décidé de se référer au dollar des États-Unis en raison de l’instabilité économique et politique en République démocratique du Congo et qu’il existe une inflation constatée par l’institut national de la statistique de ce pays. Ils estiment cependant que le SEAE a commis une erreur manifeste en affirmant que le changement de devise, en tant que tel, n’avait eu aucun impact sur le niveau du coefficient correcteur appliqué à leur rémunération, alors que l’enquête des prix avait été réalisée près d’un an avant qu’Eurostat n’établisse son rapport et que le coefficient correcteur ne soit appliqué à la rémunération des fonctionnaires et des agents concernés.

83      Le SEAE conteste cette argumentation.

84      À cet égard, il convient d’emblée de relever que l’essentiel des éléments évoqués par les requérants concernant l’utilisation du dollar des États-Unis, ainsi que cela ressort expressément de la requête et ainsi qu’il est rappelé au point 81 ci-dessus, sont liés à la décision de ne plus payer tout ou partie de leur rémunération en dollars des États-Unis, laquelle décision n’a été ni identifiée ni contestée dans le cadre du présent recours.

85      Il en découle que, à défaut pour les requérants d’avoir expliqué en quoi ces éléments s’avéreraient également pertinents au soutien du présent moyen, il doit être considéré qu’ils ne sont pas susceptibles d’établir l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dans la détermination des coefficients correcteurs applicables aux rémunérations litigieuses (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, FJ e.a./SEAE, T‑698/19, non publié, EU:T:2021:337, point 65).

86      Pour le surplus, les requérants reprochent essentiellement au SEAE, d’une part, d’avoir retenu, comme devise de référence utilisée dans la détermination des coefficients correcteurs, non plus le dollar des États-Unis, mais le franc congolais, et, d’autre part, d’avoir estimé, dans ses écritures, que ce changement de devise de référence n’avait, en tant que tel, eu aucun impact sur le niveau de ces coefficients.

87      Or, s’agissant du changement de devise de référence, il convient de relever que les requérants se bornent à contester l’opportunité de ce changement sans fournir le moindre élément de nature à établir l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation commise par le SEAE, compte tenu notamment des éléments d’explication fournis à cet égard par le directeur de la direction C « Statistiques macro-économiques » d’Eurostat dans sa note du 4 décembre 2018.

88      En particulier, les requérants n’ont aucunement établi le caractère manifestement erroné des éléments visés dans la note du 4 décembre 2018 du directeur de la direction C « Statistiques macro-économiques » d’Eurostat et rappelés par le SEAE. Premièrement, ainsi que ce dernier l’a relevé, le recours au franc congolais était lié au constat que cette devise locale avait cessé d’évoluer de manière similaire au dollar des États-Unis à partir de la période 2016-2017. Deuxièmement, selon lui, à partir du moment où les indices nationaux des prix étaient établis en franc congolais, il était logique de recourir à cette monnaie aux fins de l’expression des coefficients correcteurs. Troisièmement, le SEAE a souligné que l’utilisation de la monnaie locale ne signifiait pas que les biens et les services dont les prix étaient libellés en dollars des États-Unis étaient ignorés.

89      S’agissant de l’allégation relative au fait que le SEAE aurait estimé, dans ses écritures, que le changement de devise de référence pour la détermination des coefficients correcteurs litigieux n’avait, en tant que tel, eu aucun impact sur le niveau de ces coefficients, il suffit de rappeler que les requérants ne peuvent se limiter à remettre en cause la méthode prétendument adoptée par le SEAE sans étayer leur grief. Au contraire, il leur appartient d’apporter la preuve d’une erreur manifeste d’appréciation dans la collecte ou le traitement des données statistiques litigieuses ayant servi à l’élaboration des coefficients correcteurs litigieux, ce qu’ils n’ont clairement pas fait (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, FJ e.a./SEAE, T‑698/19, non publié, EU:T:2021:337, point 69).

90      Par conséquent, le second grief du premier moyen n’est pas fondé. Il s’ensuit que le premier moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation, doit être rejeté, sans qu’il soit besoin d’examiner la violation alléguée du principe d’égalité de traitement qui en résulterait.

 Sur le second moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique et du devoir de sollicitude

91      Les requérants entendent fonder le moyen tiré de la violation du principe de sécurité juridique et du devoir de sollicitude notamment par la violation de l’article 85 du statut ainsi que de l’article 13 de son annexe X.

92      Les requérants rappellent que l’article 13, second alinéa, de l’annexe X du statut impose une actualisation intermédiaire des rémunérations lorsque la variation du coût de la vie mesurée d’après le coefficient correcteur et le taux de change correspondant s’avère supérieure à 5 % depuis la dernière actualisation pour un pays donné. Cette disposition vise à protéger les fonctionnaires et les agents d’une diminution importante de leur rémunération.

93      Selon les requérants, en raison de la diminution importante du coût de la vie à Kinshasa entre juillet 2017 et janvier 2018, l’AIPN aurait dû prendre les mesures nécessaires pour procéder à une actualisation intermédiaire du coefficient correcteur dès le mois de février 2018. En outre, Eurostat aurait dû informer les requérants d’une prévision d’évolution négative de leur pouvoir d’achat à compter des mois de mars 2018 et 2019. Cela n’ayant pas été fait, les requérants n’ont pu ni adapter leurs dépenses à leurs revenus, ni faire valoir, en temps utile, leurs observations sur la prétendue diminution mensuelle de plus de 5 % du coût de la vie.

94      Les requérants soutiennent que les défauts successifs d’actualisation ont créé une dette imprévisible mais substantielle. Ils soulignent que l’actualisation tardive illégale de leur rémunération a non seulement pour conséquence la réduction sensible de leur rémunération, mais également l’obligation de rembourser mensuellement le prorata du soi-disant montant indu perçu.

95      Les requérants relèvent que le statut comporte une terminologie précise qui ne peut être ni étendue ni restreinte, par la voie d’une disposition interne. Ils observent que l’article 3, paragraphe 6, de l’annexe XI du statut exclurait toute récupération du trop-perçu sur une période de plus de douze mois et le PMO de la Commission aurait pour pratique bien établie d’exclure toute retenue sur rémunération supérieure à 15 %. Ainsi, les requérants ne pourraient être tenus au remboursement d’un trop-perçu, en raison de l’application d’un coefficient correcteur inadapté, que pour un taux maximal de 15 % de leur rémunération annuelle.

96      Dans leur réplique, les requérants font valoir qu’ils ne comprennent pas comment la publication des actualisations intermédiaires au Journal officiel de l’Union européenne des 18 juin et 13 décembre 2019 permet d’appliquer les coefficients correcteurs avec effet rétroactif au 1er février 2018. De plus, le personnel concerné n’aurait pas été informé de la possibilité d’un recouvrement rétroactif, alors que la note du 9 novembre 2018 du directeur de la direction « Affaires juridiques et partenariat » attirait l’attention du chef faisant fonction de la division « Droits, obligations et cellule médicale » du SEAE sur la nécessité d’informer le personnel en poste en délégation de la diminution du coefficient correcteur applicable avec effet rétroactif à sa rémunération. Les requérants estiment que le SEAE a violé son devoir de diligence et concluent à l’existence d’une violation du devoir de sollicitude.

97      En outre, les requérants soutiennent qu’ils ne pouvaient pas avoir connaissance de l’irrégularité de la rémunération qui leur avait été versée en vertu des coefficients correcteurs litigieux. Ils se prévalent de l’impossibilité de comparer avec les valeurs de l’année 2017 en raison du changement de la monnaie de référence ainsi que de l’absence d’explication de la notion d’« index implicite », de la méthode utilisée pour le lissage de la baisse totale du coefficient correcteur et de la base légale qui permet de procéder de la sorte avec effet rétroactif.

98      De même, les requérants relèvent que, dans la mesure où ils ne pouvaient avoir connaissance de l’irrégularité de leur rémunération qu’après la publication des coefficients correcteurs actualisés, les conditions de répétition de l’indu, prévues par l’article 85 du statut, ne sont pas réunies.

99      Le SEAE conteste cette argumentation.

100    En premier lieu, il ressort du point 19 ci-dessus que l’actualisation intermédiaire des coefficients correcteurs applicables à la rémunération des requérants à compter du 1er août 2018 a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 18 juin 2019. Il convient également de rappeler que les données des enquêtes sur les prix de la CFPI n’ont été disponibles qu’en septembre 2018 et ont été intégrées dans le rapport intermédiaire publié le 10 octobre 2018. Par conséquent, rien ne permettait ni ne justifiait de prendre, dès le mois de février 2018, les mesures nécessaires pour procéder à une actualisation intermédiaire du coefficient correcteur. Il en va d’autant plus ainsi que les requérants ne se prévalent aucunement d’un défaut de diligence d’Eurostat dans la collecte ou le traitement des données statistiques relatives à la situation en République démocratique du Congo et nécessaires à l’actualisation du coefficient correcteur (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, FJ e.a./SEAE, T‑698/19, non publié, EU:T:2021:337, point 76).

101    Quant à l’effet rétroactif des actualisations intermédiaires, il y a lieu de rappeler que la finalité des articles 64 et 65 du statut est de garantir le maintien d’un pouvoir d’achat équivalent pour tous les fonctionnaires et les agents, quel que soit leur lieu d’affectation, conformément au principe d’égalité de traitement (arrêt du 23 janvier 1992, Commission/Conseil, C‑301/90, EU:C:1992:32, point 22).

102    Le principe d’égalité de traitement est la ratio legis de l’article 13 de l’annexe X du statut, ce qui impose de faire rétroagir la prise d’effet des nouveaux coefficients correcteurs à la date à laquelle il est constaté que l’équivalence du pouvoir d’achat a cessé (voir, en ce sens, arrêts du 11 décembre 1996, Barraux e.a./Commission, T‑177/95, EU:T:1996:187, point 46, et du 8 novembre 2000, Ghignone e.a./Conseil, T‑44/97, EU:T:2000:258, points 87 à 89 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 23 janvier 1992, Commission/Conseil, C‑301/90, EU:C:1992:32, point 29).

103    En l’espèce, ainsi qu’il a été rappelé au point 100 ci-dessus, les données des enquêtes sur les prix de la CFPI n’ont été disponibles qu’en septembre 2018 et ont été intégrées dans le rapport intermédiaire publié le 10 octobre 2018. Eu égard à ce constat et au respect du principe d’égalité de traitement et de l’équivalence du pouvoir d’achat, les actualisations intermédiaires mensuelles, entre les mois de février et de juillet 2018, n’ont pas pu être exécutées sans rétroactivité et n’ont pas été effectuées en violation de l’article 13, second alinéa, de l’annexe X du statut (arrêt du 9 juin 2021, FJ e.a./SEAE, T‑698/19, non publié, EU:T:2021:337, point 79).

104    En deuxième lieu, s’agissant du principe de sécurité juridique, il ressort de la jurisprudence que ce dernier constitue un principe fondamental de droit de l’Union qui exige, notamment, qu’une réglementation soit claire et précise, afin que les justiciables puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (arrêt du 12 février 2014, Beco/Commission, T‑81/12, EU:T:2014:71, point 68).

105    Toutefois, il y a lieu de rappeler que tout fonctionnaire normalement diligent est censé connaître le statut et, plus particulièrement, les règles régissant sa rémunération. Selon la jurisprudence, la diligence normale qui peut être attendue d’un fonctionnaire ou d’un agent s’apprécie au regard de sa formation, de son grade et de son expérience professionnelle (arrêt du 12 décembre 2018, SH/Commission, T‑283/17, EU:T:2018:917, point 107).

106    En l’espèce, il y a lieu de constater que l’annexe XI du statut fixe clairement les modalités de mise en œuvre des articles 64 et 65 du statut. Ainsi que l’a souligné le SEAE, d’autres documents permettent d’avoir accès à de nombreuses informations, telles celles qui se trouvaient déjà dans le rapport d’Eurostat concernant la période couvrant les mois de février à juin 2018 ainsi que le rapport annuel d’Eurostat du 31 octobre 2018 relatif à la situation au 1er juillet 2018. De même, des explications détaillées de la méthodologie ont également été communiquées par Eurostat, dans la note du 4 décembre 2018 adressée au chef d’administration de la délégation et à son responsable des tâches d’audit (arrêt du 9 juin 2021, FJ e.a./SEAE, T‑698/19, non publié, EU:T:2021:337, point 90).

107    Par ailleurs, il y a lieu de constater que la plupart des requérants ne pouvaient ignorer les procédures relatives aux actualisations intermédiaires des coefficients correcteurs eu égard à leur expérience professionnelle dans les délégations de l’Union, à leur formation, à leur grade et aux fonctions qu’ils exercent (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, FJ e.a./SEAE, T‑698/19, non publié, EU:T:2021:337, point 91).

108    Il s’ensuit que le grief tiré de l’existence d’une violation du principe de sécurité juridique lors de l’application des articles 64 et 65 du statut conformément aux modalités de l’annexe XI dudit statut doit être rejeté.

109    En troisième lieu, s’agissant de la violation alléguée du devoir de sollicitude, il ressort des points 101 et 102 ci-dessus que le maintien d’un pouvoir d’achat équivalent pour tous les fonctionnaires et les agents impose la prise d’effet rétroactive des nouveaux coefficients correcteurs à la date à laquelle il est constaté que l’équivalence du pouvoir d’achat a cessé (arrêt du 9 juin 2021, FJ e.a./SEAE, T‑698/19, non publié, EU:T:2021:337, point 93).

110    Pour autant, le rapport d’Eurostat pour l’année 2018 n’a pas procédé à une baisse totale du coefficient correcteur au mois de février 2018, mais a lissé son impact graduellement sur une période de douze mois. Si ce lissage n’avait pas été appliqué, le coefficient correcteur aurait été d’une valeur inférieure, ce qui aurait été moins favorable pour les requérants. Il s’ensuit que l’application de ce lissage atteste l’absence de violation d’un devoir de sollicitude (arrêt du 9 juin 2021, FJ e.a./SEAE, T‑698/19, non publié, EU:T:2021:337, point 94).

111    De plus, ainsi que l’a exposé le SEAE, alors que l’article 3, paragraphe 6, second alinéa, de l’annexe XI du statut prévoit que, en raison d’une actualisation négative rétroactive des rémunérations, la récupération du trop-perçu peut être étalée sur une période de douze mois au maximum suivant la date d’entrée en vigueur de la prochaine actualisation annuelle, le PMO de la Commission a précisé aux personnes concernées, et notamment aux requérants, qu’il étendrait exceptionnellement et à titre gracieux la période de douze mois, prévue par cette disposition, à vingt-quatre mois, de manière à alléger le remboursement du trop-perçu. Ainsi que le SEAE l’a exposé, le PMO a ensuite produit une deuxième note consacrant un régime d’exception limitant à 15 % du salaire le montant des remboursements de la dette liée à l’évolution du coefficient correcteur sans limite temporelle.

112    En ce qui concerne la violation alléguée du devoir de sollicitude en raison de l’absence d’explication de la notion d’« index implicite » ainsi que la violation du devoir de diligence s’imposant au SEAE, il y a lieu de constater que ces griefs ne font pas partie de ceux soulevés par les requérants dans leur requête et, de ce fait, sont irrecevables, conformément à l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, FJ e.a./SEAE, T‑698/19, non publié, EU:T:2021:337, point 96).

113    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que le SEAE a tenu compte de la situation des requérants et n’a pas violé le devoir de sollicitude.

114    En quatrième lieu, s’agissant de l’application de l’article 85 du statut, selon lequel toute somme indûment perçue donne lieu à répétition si le bénéficiaire a eu connaissance de l’irrégularité du versement ou si celle-ci était si évidente qu’il ne pouvait manquer d’en avoir connaissance, il ressort clairement de la réglementation applicable aux coefficients correcteurs ainsi que des bulletins de rémunération attaqués que les sommes qui leur ont été versées n’étaient pas définitives et pouvaient être soumises à des modifications ultérieures. Les requérants ne pouvaient donc manquer d’avoir connaissance du fait que la rémunération qui leur avait été versée pour un mois donné pouvait être différente de celle à laquelle ils avaient droit, pour le même mois, selon la réglementation applicable. À cet égard, le fait que le montant exact de la différence éventuelle n’était pas connu des fonctionnaires ou des agents au moment du versement de leur salaire est sans incidence, étant donné que ce montant ne peut être déterminé qu’a posteriori, après l’adoption des nouveaux coefficients correcteurs, conformément à l’article 13 de l’annexe X du statut. Il s’ensuit que la récupération du trop-perçu n’est pas contraire à l’article 85 du statut (voir, par analogie, arrêt du 8 novembre 2000, Bareyt e.a./Commission, T‑158/98, EU:T:2000:260, points 101 et 102).

115    En tout état de cause, l’article 3, paragraphe 6, second alinéa, de l’annexe XI du statut prévoit également la répétition du trop-perçu lors d’actualisations rétroactives en permettant que cette récupération soit étalée sur une période de douze mois au maximum suivant la date d’entrée en vigueur de la prochaine actualisation annuelle. En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 111 ci-dessus, des décisions favorables aux requérants ont été adoptées par le PMO de la Commission et le SEAE.

116    Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le second moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique et du devoir de sollicitude, doit être rejeté.

117    Aucun des moyens présentés par les requérants n’étant fondé, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la demande de mesure d’instruction et la nouvelle preuve déposées par les requérants le 6 mai 2021.

 Sur les dépens

118    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions du SEAE.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      FJ et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe sont condamnés aux dépens.

Svenningsen

Pynnä

Laitenberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 décembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.


1      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.