Language of document : ECLI:EU:C:2016:419

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

9 juin 2016 (*)

« Renvoi préjudiciel – Propriété intellectuelle et industrielle – Protection communautaire des obtentions végétales – Règlement (CE) n° 2100/94 – Contrefaçon – Rémunération équitable – Réparation du préjudice subi – Frais de justice et frais extrajudiciaires »

Dans l’affaire C‑481/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf, Allemagne), par décision du 16 octobre 2014, parvenue à la Cour le 30 octobre 2014, dans la procédure

Jørn Hansson

contre

Jungpflanzen Grünewald GmbH,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. J. L. da Cruz Vilaça, président de chambre, MM. F. Biltgen, A. Borg Barthet, E. Levits (rapporteur) et Mme M. Berger, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. I. Illéssy, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 novembre 2015,

considérant les observations présentées :

–        pour M. Hansson, par Me G. Würtenberger, Rechtsanwalt,

–        pour Jungpflanzen Grünewald GmbH, par Me T. Leidereiter, Rechtsanwalt,

–        pour la Commission européenne, par MM. B. Schima et F. Wilman ainsi que par Mmes I. Galindo Martín et B. Eggers, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 4 février 2016,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales (JO 1994, L 227, p. 1), ainsi que de la directive 2004/48/CE du Parlement et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle (JO 2004, L 157, p. 45, et rectificatif JO 2004, L 195, p. 16).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Jørn Hansson à Jungpflanzen Grünewald GmbH (ci-après « Jungpflanzen ») au sujet de la réparation du préjudice résultant d’actes de contrefaçon d’une variété végétale communautaire protégée.

 Le cadre juridique

 Le règlement n° 2100/94

3        Conformément à l’article 11 du règlement n° 2100/94, le droit à la protection communautaire des obtentions végétales appartient à l’« obtenteur  », c’est-à-dire à la « personne qui a créé ou qui a découvert et développé la variété, ou [à] son ayant droit ou ayant cause ».

4        L’article 13 de ce règlement, intitulé « Droits du titulaire d’une protection communautaire des obtentions végétales et limitations », dispose :

« 1.      La protection communautaire des obtentions végétales a pour effet de réserver à son ou ses titulaires, ci-après dénommés “titulaire”, le droit d’accomplir les actes indiqués au paragraphe 2.

2.      Sans préjudice des articles 15 et 16, l’autorisation du titulaire est requise pour les actes suivants en ce qui concerne les constituants variétaux ou le matériel de récolte de la variété protégée, ci-après dénommés “matériel” :

a)      production ou reproduction (multiplication) ;

b)      conditionnement aux fins de la multiplication ;

c)      offre à la vente ;

d)      vente ou autre forme de commercialisation ;

[...] Le titulaire peut subordonner son autorisation à des conditions et à des limitations.

[...] »

5        L’article 94 dudit règlement, qui porte sur les actions de droit civil pouvant être intentées en cas d’usage d’une variété végétale constitutif d’une contrefaçon, énonce :

« 1.      Toute personne qui :

a)      accomplit, sans y avoir été autorisée, un des actes visés à l’article 13, paragraphe 2 à l’égard d’une variété faisant l’objet d’une protection communautaire des obtentions végétales

[...]

peut faire l’objet d’une action, intentée par le titulaire, en cessation de la contrefaçon ou en versement d’une rémunération équitable ou à ce double titre.

2.      Toute personne qui agit de propos délibéré ou par négligence est en outre tenue de réparer le préjudice subi par le titulaire. En cas de faute légère, le droit à réparation du titulaire peut être diminué en conséquence, sans être toutefois inférieur à l’avantage acquis par l’auteur de la contrefaçon du fait de cette contrefaçon. »

6        L’application complémentaire du droit national en matière de contrefaçon est régie par l’article 97 du même règlement, qui dispose :

« 1.      Si l’auteur de la contrefaçon au sens de l’article 94 a tiré de cette contrefaçon un avantage quelconque au détriment du titulaire ou d’un licencié, les juridictions compétentes au sens de l’article 101 ou 102 appliquent, pour les actions en restitution, leur droit national, y compris leur droit international privé.

[...] »

 La directive 2004/48

7        La directive 2004/48 précise, à son considérant 17, que « les mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive devraient être déterminées dans chaque cas de manière à tenir dûment compte des caractéristiques spécifiques de ce cas, notamment des caractéristiques spécifiques de chaque droit de propriété intellectuelle et, lorsqu’il y a lieu, du caractère intentionnel ou non intentionnel de l’atteinte commise. »

8        Le considérant 26 de cette directive énonce :

« En vue de réparer le préjudice subi du fait d’une atteinte commise par un contrevenant qui s’est livré à une activité portant une telle atteinte en le sachant ou en ayant des motifs raisonnables de le savoir, le montant des dommages-intérêts octroyés au titulaire du droit devrait prendre en considération tous les aspects appropriés, tels que le manque à gagner subi par le titulaire du droit ou les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et, le cas échéant, tout préjudice moral causé au titulaire du droit. Le montant des dommages-intérêts pourrait également être calculé, par exemple dans les cas où il est difficile de déterminer le montant du préjudice véritablement subi, à partir d’éléments tels que les redevances ou les droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit de propriété intellectuelle en question. Le but est non pas d’introduire une obligation de prévoir des dommages-intérêts punitifs, mais de permettre un dédommagement fondé sur une base objective tout en tenant compte des frais encourus par le titulaire du droit tels que les frais de recherche et d’identification. »

9        Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2004/48 :

« Sans préjudice des moyens prévus ou pouvant être prévus dans la législation communautaire ou nationale, pour autant que ces moyens soient plus favorables aux titulaires de droits, les mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive s’appliquent, conformément à l’article 3, à toute atteinte aux droits de propriété intellectuelle prévue par la législation communautaire et/ou la législation nationale de l’État membre concerné. »

10      L’article 13 de cette directive, intitulé « Dommages-intérêts », dispose :

« 1.      Les États membres veillent à ce que, à la demande de la partie lésée, les autorités judiciaires compétentes ordonnent au contrevenant qui s’est livré à une activité contrefaisante en le sachant ou en ayant des motifs raisonnables de le savoir de verser au titulaire du droit des dommages-intérêts adaptés au préjudice que celui-ci a réellement subi du fait de l’atteinte.

Lorsqu’elles fixent les dommages-intérêts, les autorités judiciaires :

a)      prennent en considération tous les aspects appropriés, tels que les conséquences économiques négatives, notamment le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et, dans des cas appropriés, des éléments autres que des facteurs économiques, comme le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de l’atteinte,

      ou

b)      à titre d’alternative, peuvent décider, dans des cas appropriés, de fixer un montant forfaitaire de dommages-intérêts, sur la base d’éléments tels que, au moins, le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit de propriété intellectuelle en question.

2.      Lorsque le contrevenant s’est livré à une activité contrefaisante sans le savoir ou sans avoir de motifs raisonnables de le savoir, les États membres peuvent prévoir que les autorités judiciaires pourront ordonner le recouvrement des bénéfices ou le paiement de dommages-intérêts susceptibles d’être préétablis. »

11      L’article 14 de ladite directive prévoit :

« Les États membres veillent à ce que les frais de justice raisonnables et proportionnés et les autres frais exposés par la partie ayant obtenu gain de cause soient, en règle générale, supportés par la partie qui succombe, à moins que l’équité ne le permette pas. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

12      M. Hansson est titulaire depuis l’année 1999 du droit à la protection de la variété communautaire EU 4282, dénommée « Lemon Symphony », qui appartient à l’espèce des Marguerites du Cap.

13      Jungpflanzen a cultivé et distribué, au cours des années 2002 à 2009, la variété florale SUMOST 01, sous la dénomination « Summerdaisy’s Alexander ».

14      Considérant que ces deux dénominations correspondaient en réalité à la même variété florale, M. Hansson a, par la voie du référé, demandé au Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf, Allemagne) d’interdire à Jungpflanzen de commercialiser cette dernière variété. Cette demande, ainsi que l’appel interjeté par le requérant au principal devant l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf, Allemagne) ont été rejetés au motif qu’il n’avait pas établi la contrefaçon de la variété dénommée « Lemon Symphony ».

15      Toutefois, dans le cadre de la procédure au fond, M. Hansson a obtenu la condamnation de Jungpflanzen à lui réparer le préjudice résultant de la vente des fleurs dénommées « Summerdaisy’s Alexander », en tant que contrefaçon de la variété précitée.

16      S’agissant de l’indemnisation du préjudice subi, M. Hansson s’est vu accorder en première instance, par le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf), sur le fondement de l’article 94 du règlement n° 2100/94, la somme de 66 231,74 euros, majorée des intérêts, correspondant à ce qu’il avait réclamé au titre de la redevance que Jungpflanzen aurait dû lui verser pour les 1 512 630 pieds de la variété protégée qu’elle a vendus entre l’année 2002 et l’année 2009.

17      Ce tribunal n’a cependant pas fait droit aux autres prétentions de M. Hansson, relatives au paiement d’un supplément sur la redevance d’un montant égal à la moitié du taux de redevance réclamé, soit 33 115,89 euros, assortis d’intérêts moratoires, et du remboursement des frais liés à la procédure pour un montant de 1967,35 euros, majorés des mêmes intérêts. Cette juridiction a estimé, notamment, que M. Hansson ne pouvait prétendre à une indemnité au titre d’un supplément pour contrefaçon, dont serait redevable la défenderesse au principal, dès lors que ni le règlement n° 2100/94, ni la directive 2004/48, ni le droit interne ne prévoient d’infliger une indemnité qui revêtirait un caractère punitif.

18      Les deux parties ont interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi.

19      Selon cette juridiction, il n’est pas contesté que Jungpflanzen a commis une contrefaçon de la variété protégée en cause au principal. Toutefois, les parties s’opposent quant à l’étendue de la rémunération équitable pour contrefaçon ainsi que de la réparation du préjudice subi au sens de l’article 94 du règlement n° 2100/94.

20      L’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) est d’avis qu’il convient de fixer le montant de la rémunération équitable en considération de la licence qui aurait normalement dû être versée au titulaire de la protection communautaire, par référence aux accords de licence qui ont été effectivement signés durant la période concernée par la contrefaçon.

21      En ce qui concerne l’application d’un supplément pour contrefaçon, la juridiction de renvoi doute que l’article 94, paragraphe 1, du règlement n° 2100/94 puisse servir de fondement à une majoration forfaitaire automatique du montant de la rémunération retenue.

22      Elle estime toutefois que toute forme de majoration devrait prendre en compte les caractéristiques propres de la variété protégée contrefaite ainsi que les conséquences pratiques qui résultent de la contrefaçon. En outre, il conviendrait d’inclure dans la rémunération équitable prévue à l’article 94, paragraphe 1, du règlement n° 2100/94 des intérêts usuels majorés de cinq points applicables à l’indemnité annuelle.

23      Dans la mesure où la juridiction de renvoi considère que Jungpflanzen a agi de mauvaise foi, celle-ci souhaite recevoir des précisions quant aux modalités de calcul de la réparation du préjudice subi par le titulaire de la protection communautaire des obtentions végétales, telle que visée à l’article 94, paragraphe 2, du règlement n° 2100/94. Se pose en particulier la question de savoir si le montant d’une licence pratiquée sur le marché dans la même région peut être pris comme référence à cet égard et s’il convient de le majorer en fonction des considérations propres à la variété protégée contrefaite ainsi que des conséquences pratiques qui résultent de la contrefaçon.

24      En tout état de cause, la juridiction de renvoi estime que l’article 94, paragraphe 2, de ce règlement ne peut servir de fondement pour obtenir une majoration forfaitaire au titre de supplément pour contrefaçon ni être le moyen de condamner l’auteur d’une contrefaçon au versement d’une indemnité correspondant au défraiement pour l’ensemble des frais (déplacements, réunions, investissement en temps) engagés par le titulaire de la variété protégée à l’occasion de la procédure au fond, ainsi qu’aux dépens de la procédure en référé.

25      Dans ces circonstances, l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La “rémunération équitable” que le contrefacteur doit verser au titulaire d’une protection communautaire des obtentions végétales au titre de l’article 94, paragraphe 1, sous a), du règlement [n° 2100/94] quand il commet les actes visés à son article 13, paragraphe 2, sans y être autorisé, fixée au regard de la redevance usuelle demandée dans une licence pratiquée sur le marché dans la même région pour les actes visés à l’article 13, paragraphe 2, du règlement [2100/94], doit-elle être toujours assortie d’un “supplément pour contrefaçon” forfaitaire ? Cela ressort-il de l’article 13, paragraphe 1, deuxième phrase, de la directive [2004/48] ?

2)      La “rémunération équitable” que le contrefacteur doit verser au titulaire d’une protection communautaire des obtentions végétales au titre de l’article 94, paragraphe 1, sous a), du règlement [n° 2100/94] quand il commet les actes visés à l’article 13, paragraphe 2, de ce dernier sans y être autorisé, fixée au regard de la redevance usuelle demandée dans une licence pratiquée sur le marché dans la même région pour les actes visés à l’article 13, paragraphe 2, du règlement [2100/94] doit-elle être fixée, dans un cas donné, en prenant de surcroît en compte les considérations ou circonstances suivantes pour majorer la rémunération :

a)      la circonstance que, à l’époque de la contrefaçon, la variété invoquée était une variété jouissant d’une exclusivité sur le marché en raison de propriétés particulières, si la redevance usuelle sur le marché est recherchée à travers des accords de licence et des décomptes, établis pour la variété invoquée ?

      Si la prise en compte de cette circonstance s’envisage en l’espèce :

      la majoration de la rémunération est-elle uniquement admise si les caractéristiques expliquant l’exclusivité de la variété invoquée figurent dans la description de la protection de l’obtention végétale ?

b)      la circonstance que la variété invoquée connaissait déjà un grand succès dans sa commercialisation au moment où la variété de contrefaçon a été introduite sur le marché, de sorte que le contrefacteur a fait l’économie de frais pour lancer lui-même la variété de contrefaçon, si la redevance usuelle sur le marché est recherchée à travers des accords de licence et des décomptes, établis pour la variété invoquée ;

c)      la circonstance que l’ampleur de la contrefaçon de la variété invoquée a été supérieure à la moyenne dans sa durée et dans le nombre de pièces vendues ;

d)      la considération que le contrefacteur ne doit pas craindre, à l’inverse d’un preneur de licence, de verser la redevance (sans pouvoir la récupérer) alors que la variété invoquée, qui fait l’objet d’une demande en nullité, sera déclarée nulle par la suite ;

e)      la circonstance que le contrefacteur n’était pas tenu d’établir un décompte trimestriel contrairement à ce que les preneurs de licence font habituellement ;

f)      la considération que le titulaire de la protection de l’obtention végétale supporte le risque d’inflation du fait de la longueur des procédures judiciaires ;

g)      la considération que, en raison de la nécessité d’agir en justice, le titulaire de la protection de l’obtention végétale ne peut pas planifier les recettes à tirer de la variété invoquée, alors qu’il le peut pour les recettes des licences accordées sur la variété invoquée ;

h)      la considération que, en cas de contrefaçon de la variété invoquée, le titulaire de la protection de l’obtention végétale supporte à la fois le risque inhérent à toute procédure judiciaire et le risque de ne pas parvenir à exécuter en définitive la décision envers le contrefacteur ;

i)      la considération que, en cas de contrefaçon de la variété invoquée, le comportement autonome du contrefacteur prive le titulaire de la protection de l’obtention végétale de la liberté de déterminer s’il veut bel et bien autoriser le contrefacteur à exploiter la variété invoquée ?

3)      La “rémunération équitable” que le contrefacteur doit verser au titulaire d’une protection communautaire des obtentions végétales au titre de l’article 94, paragraphe 1, sous a), du règlement [n° 2100/94] quand il commet les actes visés à l’article 13, paragraphe 2, de ce dernier sans y être autorisé, doit-elle être fixée en envisageant également des intérêts appliqués à la rémunération annuelle due au taux usuel des intérêts moratoires s’il doit être considéré que des cocontractants raisonnables les auraient prévus ?

4)      Le préjudice subi par le titulaire d’une protection des obtentions végétales qu’un contrefacteur “est en outre tenu de réparer”, au titre de l’article 94, paragraphe 2, première phrase, du règlement [n° 2100/94], quand il commet les actes visés à l’article 13, paragraphe 2, de ce dernier sans y être autorisé, doit-il être calculé en se fondant sur la redevance usuelle demandée dans une licence pratiquée sur le marché dans la même région pour [lesdits] actes [...] ?

5)      Dans l’hypothèse où la quatrième question appelle une réponse affirmative :

a)      Dans le calcul, fondé sur une licence pratiquée sur le marché, du préjudice qu’un contrefacteur “est en outre tenu de réparer”, dans un cas donné, au titre de l’article 94, paragraphe 2, première phrase, du règlement [n° 2100/94], les considérations ou circonstances évoquées à la deuxième question, sous a) à i), ou la circonstance que le titulaire de la protection d’une obtention végétale soit contraint par la nécessité d’agir en justice de consacrer personnellement un certain temps pour établir la contrefaçon et s’occuper de l’affaire et de consacrer à la contrefaçon de l’obtention végétale les investigations propres à ce type de contrefaçon doivent-elles être prises en compte de manière à justifier une majoration de la redevance usuelle sur le marché ?

b)      Dans le calcul, fondé sur une licence pratiquée sur le marché, du préjudice qu’un contrefacteur “est en outre tenu de réparer”, au titre de l’article 94, paragraphe 2, première phrase, du règlement [n° 2100/94], faut-il toujours ajouter un “supplément pour contrefaçon” forfaitaire ? Cela ressort-il de l’article 13, paragraphe 1, deuxième phrase, de la directive [2004/48] ?

c)      Dans le calcul, fondé sur une licence pratiquée sur le marché, du préjudice qu’un contrefacteur “est en outre tenu de réparer”, au titre de l’article 94, paragraphe 2, première phrase, du règlement [n° 2100/94], faut-il envisager des intérêts à appliquer sur la rémunération annuelle due au [...] taux usuel des intérêts moratoires s’il doit être considéré que des cocontractants raisonnables les auraient prévus ?

6)      L’article 94, paragraphe 2, première phrase, du règlement [n° 2100/94] doit‑il être interprété en ce sens que les gains réalisés par le contrefacteur constituent un préjudice, que le contrefacteur “est en outre tenu de réparer” au sens de cette disposition, dont la réparation peut être sollicitée en plus de la rémunération équitable visée à l’article 94, paragraphe 1, du règlement [n° 2100/94] ou les gains dus par le contrefacteur de mauvaise foi au titre de l’article 94, paragraphe 2, première phrase, du règlement [n° 2100/94] ne sont-ils dus qu’à titre alternatif par rapport à la rémunération équitable visée à cet article 94, paragraphe 1 ?

7)      Les règles nationales ne permettant pas au titulaire de la protection d’une obtention végétale de solliciter, sous le bénéfice du droit matériel, le remboursement des dépens d’une action en référé pour contrefaçon de son titre définitivement mis à sa charge même s’il gagne ensuite le procès engagé au fond pour la même contrefaçon sont-elles contraires au droit à indemnisation conféré par l’article 94, paragraphe 2, du règlement [n° 2100/94] ?

8)      Les règles nationales ne permettant pas à la victime de solliciter, en dehors des limites strictes de la procédure en taxation des dépens, le défraiement du temps qu’il a consacré dans le procès et en marge de celui-ci à la mise en état d’une action en indemnisation sont-elles contraires au droit à indemnisation conféré par l’article 94, paragraphe 2, du règlement [n° 2100/94] dans la mesure où le temps consacré n’excède pas les limites habituelles ? »

 Sur les questions préjudicielles

26      Par ses questions, la juridiction de renvoi souhaite, en substance, connaître les principes qui président à la fixation et au calcul du montant des indemnités et des réparations dues en vertu de l’article 94 du règlement n° 2100/94.

27      Certaines de ces questions concernent la nature même des deux modalités de réparation en vertu de cet article, d’autres concernent, plus spécifiquement, les éléments à la base du calcul de la rémunération équitable prévue au paragraphe 1 du même article, ainsi que ceux à la base du calcul de la réparation du préjudice subi par le titulaire, au sens du paragraphe 2 de cet article.

28      Dès lors, il convient d’examiner conjointement, dans un premier temps, les questions relatives à la nature des réparations prévues à l’article 94 du règlement n° 2100/94, avant de préciser, dans un second temps, les éléments à prendre en compte pour la fixation de la rémunération équitable prévue au paragraphe 1 de cet article ainsi que de la réparation du préjudice subi par le titulaire d’une variété contrefaite, au sens du paragraphe 2 dudit article.

 En ce qui concerne les questions relatives à la nature des réparations prévues à l’article 94 du règlement n° 2100/94

29      Par ses première, cinquième, sous b), et sixième questions, la juridiction de renvoi souhaite savoir si l’article 94 du règlement n° 2100/94 doit être interprété en ce sens qu’il impose de majorer d’un supplément pour contrefaçon le montant des dommages et intérêts accordés en réparation des préjudices causés par un acte visé à l’article 13, paragraphe 2, de ce règlement. En outre, elle se demande si cet article doit être interprété en ce sens qu’il peut servir de base juridique pour imposer au contrefacteur de restituer les gains qu’il a réalisés du fait de cette contrefaçon.

30      En premier lieu, il ressort du libellé de l’article 94, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 2100/94 que celui-ci vise exclusivement la réparation du préjudice subi par le titulaire d’une protection communautaire d’une obtention végétale en raison d’un acte de contrefaçon de cette obtention.

31      D’une part, l’article 94, paragraphe 1, de ce règlement a pour objet de compenser financièrement l’avantage que tire l’auteur de la contrefaçon, cet avantage correspondant au montant équivalent à la redevance dont il ne s’est pas acquitté (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2012, Geistbeck, C‑509/10, EU:C:2012:416, point 40). À cet égard, la Cour a précisé que cette disposition ne prévoit pas la réparation des préjudices autres que ceux liés au défaut du paiement de « la rémunération équitable » au sens de cette disposition (voir arrêt du 5 juillet 2012, Geistbeck, C‑509/10, EU:C:2012:416, point 50).

32      D’autre part, l’article 94, paragraphe 2, du règlement n° 2100/94 concerne le préjudice que le contrefacteur « est en outre » tenu de réparer au profit du titulaire en cas de contrefaçon commise « de propos délibéré ou par négligence ».

33      Il en résulte que l’article 94 de ce règlement fonde un droit au dédommagement au profit du titulaire du droit à la protection communautaire d’une obtention végétale qui est, non seulement intégral, mais qui repose, en outre, sur une base objective, à savoir qu’il couvre uniquement le préjudice résultant, dans son chef, de l’acte de contrefaçon.

34      Dès lors, l’article 94 dudit règlement ne peut être interprété comme pouvant servir de base légale, au profit de ce titulaire, à la condamnation du contrefacteur à des dommages-intérêts d’ordre punitif, fixés de façon forfaitaire.

35      Au contraire, l’étendue de la réparation due en vertu de l’article 94 du règlement n° 2100/94 doit refléter précisément, dans la mesure du possible, les préjudices réels et certains subis par le titulaire de l’obtention végétale du fait de la contrefaçon.

36      En second lieu, une telle interprétation est conforme aux objectifs de la directive 2004/48, qui consacre un standard minimal concernant le respect des droits de propriété intellectuelle en général.

37      Tout d’abord, en vertu du considérant 17 de cette directive, les réparations prévues par celle-ci devraient être déterminées dans chaque cas, de manière à tenir dûment compte des caractéristiques spécifiques de ce cas.

38      Ensuite, le considérant 26 de ladite directive énonce que le but de la réparation n’est pas d’introduire une obligation de prévoir des dommages-intérêts punitifs.

39      Enfin, l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2004/48 précise que les États membres veillent à ce que, à la demande de la partie lésée, les autorités judiciaires compétentes ordonnent au contrevenant de verser au titulaire du droit violé des dommages-intérêts adaptés au préjudice que celui-ci a réellement subi du fait de l’atteinte.

40      Dans ces conditions, l’article 94 du règlement n° 2100/94 ne permet pas de condamner un contrefacteur au paiement d’un supplément forfaitaire pour contrefaçon, tel que décrit par la juridiction de renvoi, dès lors qu’un tel supplément ne reflète pas nécessairement le préjudice subi par le titulaire de la variété contrefaite, bien que la directive 2004/48 n’empêche pas les États membres de prévoir des mesures plus protectrices.

41      De même, cet article ne permet pas au titulaire du droit à la protection communautaire des obtentions végétales de demander la restitution des avantages et des gains réalisés par un contrefacteur. En effet, tant la rémunération équitable que le montant de la réparation due en vertu de l’article 94, paragraphe 2, du règlement n° 2100/94 doivent être fixés en fonction du préjudice subi par la victime et non en fonction du bénéfice réalisé par l’auteur de la contrefaçon.

42      Si le paragraphe 2 de cet article se réfère à « l’avantage acquis par l’auteur de la contrefaçon », il ne prévoit pas, pour autant, que cet avantage doive être pris en compte, en tant que tel, dans l’étendue de la réparation financière effectivement accordée au titulaire. Par ailleurs, il importe de souligner que, s’agissant de l’action en restitution de l’avantage acquis par le contrefacteur, l’article 97 du règlement n° 2100/94 renvoie expressément au droit national des États membres.

43      Il résulte de ces considérations qu’il convient de répondre aux première, cinquième, sous b), et sixième questions que l’article 94 du règlement n° 2100/94 doit être interprété en ce sens que le droit à réparation qu’il reconnaît au titulaire d’une variété végétale protégée contrefaite s’étend à l’ensemble du préjudice subi par celui-ci, sans que cet article puisse servir de fondement à l’imposition d’un supplément forfaitaire pour contrefaçon ni spécifiquement à la restitution des gains et des avantages tirés par le contrefacteur.

 En ce qui concerne les questions relatives aux modalités de fixation des indemnités et des réparations prévues à l’article 94 du règlement n° 2100/94

 Sur la rémunération équitable prévue à l’article 94, paragraphe 1, du règlement n° 2100/94

44      Par ses deuxième et troisième questions, la juridiction de renvoi souhaite, en substance, connaître les éléments qui doivent être considérés pour évaluer la rémunération équitable prévue à l’article 94, paragraphe 1, du règlement n° 2100/94. En particulier, elle désire savoir dans quelle mesure il convient de prendre en compte certaines circonstances particulières aux fins de cette évaluation.

45      Cette disposition du règlement n° 2100/94 vise à compenser l’avantage que tire l’auteur de la contrefaçon, celui-ci correspondant au montant équivalent à une telle redevance dont il ne s’est pas acquitté au détriment du titulaire (arrêt du 5 juillet 2012, Geistbeck, C‑509/10, EU:C:2012:416, point 40).

46      La Cour a déjà jugé que cette disposition vise à réparer le préjudice subi par le titulaire de l’obtention végétale victime d’une contrefaçon (arrêt du 5 juillet 2012, Geistbeck, C‑509/10, EU:C:2012:416, point 36).

47      Partant, afin de fixer la « rémunération équitable », au sens de cette disposition, il convient de prendre comme base de calcul un montant équivalent à la redevance due pour la production sous licence (arrêt du 5 juillet 2012, Geistbeck, C‑509/10, EU:C:2012:416, point 37).

48      À cette fin, en vue de fixer le montant de la rémunération équitable due en cas de contrefaçon, le montant de la redevance qui serait due pour la production de la variété végétale sous licence, telle que visée à l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 2100/94, constituerait une base de calcul adéquate.

49      Il appartient, toutefois, à la juridiction de renvoi de vérifier si les circonstances qu’elle invoque spécifiquement dans la décision de renvoi correspondent à celles de la redevance qu’elle est susceptible de retenir comme référence afin de déterminer le montant de la rémunération adéquate.

50      Dans ce cadre, il y a lieu de préciser qu’il appartient également à la juridiction de renvoi de vérifier s’il convient, le cas échéant, de majorer le montant de cette redevance en fonction de ces circonstances, sachant que chacune d’elles ne saurait être prise en compte plus d’une fois, sauf à méconnaître le principe de la réparation objective et intégrale, tel qu’il résulte de l’article 94 du règlement n° 2100/94.

51      En tout état de cause, la Cour a précisé que l’article 94, paragraphe 1, du règlement n° 2100/94 doit être interprété en ce sens qu’il se limite à prévoir une rémunération équitable en cas d’utilisation illégale d’une obtention végétale, sans toutefois envisager la réparation des préjudices autres que ceux liés au défaut du paiement de ladite rémunération, excluant de ce fait du montant de cette dernière les frais engagés pour le contrôle du respect des droits du titulaire d’une obtention végétale (voir arrêt du 5 juillet 2012, Geistbeck, C‑509/10, EU:C:2012:416, points 50 et 51).

52      Il découle de cette interprétation que la rémunération équitable, au sens de cette disposition, couvre les préjudices étroitement liés à l’absence de paiement de cette rémunération.

53      Parmi ces préjudices peuvent figurer les intérêts de retard en raison du paiement tardif de la redevance normalement due, a fortiori s’il s’agit d’une modalité contractuelle que des cocontractants raisonnables et avisés auraient prévue, pour autant que la redevance prise pour référence n’inclue pas de tels intérêts.

54      Par conséquent, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions que la notion de « rémunération équitable », prévue à l’article 94, paragraphe 1, du règlement n° 2100/94, doit être interprétée en ce sens qu’elle couvre, outre le paiement de la redevance usuelle qui serait due pour la production sous licence, l’ensemble des préjudices étroitement liés à l’absence de paiement de cette redevance, auquel est susceptible d’appartenir, notamment, le paiement d’intérêts de retard. Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer les circonstances qui requièrent une majoration de ladite redevance, sachant que chacune d’entre elles ne saurait être répercutée plus d’une fois aux fins de l’évaluation du montant de la rémunération équitable.

 Sur la réparation du préjudice subi prévue à l’article 94, paragraphe 2, du règlement n° 2100/94

55      Par ses quatrième, cinquième, sous a) et c), septième ainsi que huitième questions, la juridiction de renvoi souhaite, en substance, connaître les éléments dont il convient de tenir compte pour évaluer la réparation due en raison du préjudice subi prévue à l’article 94, paragraphe 2, du règlement n° 2100/94. En particulier, elle désire savoir si le montant de la redevance due pour la production sous licence doit servir de base aux fins d’évaluer le montant de l’indemnité accordée sur ce fondement et si les frais judiciaires engagés dans le cadre d’une procédure en référé ainsi que d’éventuels frais extrajudiciaires peuvent être compris au titre de la réparation de ce préjudice.

56      S’agissant, premièrement, de l’étendue de cette réparation, il ressort des points 33 à 43 du présent arrêt que l’article 94 du règlement n° 2100/94 vise une réparation intégrale et objective du préjudice subi par le titulaire de la variété contrefaite. Aux fins d’obtenir une telle réparation, il appartient à ce dernier d’apporter les éléments démontrant que son préjudice excède les éléments couverts par la rémunération équitable prévue au paragraphe 1 de cet article.

57      À ce titre, le montant de la redevance usuelle due pour la production sous licence ne saurait per se servir de fondement à l’évaluation de ce préjudice. En effet, une telle redevance permet le calcul de la rémunération équitable prévue à l’article 94, paragraphe 1, du règlement n° 2100/94 et ne présente pas nécessairement de lien avec le préjudice qui demeure non réparé.

58      En tout état de cause, il convient, d’une part, de rappeler que les circonstances qui ont justifié une majoration de la redevance usuelle due pour la production sous licence pour le calcul de la rémunération équitable ne sauraient être répercutées une seconde fois au titre de la réparation prévue à l’article 94, paragraphe 2, du règlement n° 2100/94.

59      Il appartient, d’autre part, à la juridiction de renvoi, d’apprécier dans quelle mesure les préjudices invoqués par le titulaire de la variété contrefaite peuvent être prouvés avec précision ou s’il y a lieu de procéder à la fixation d’un montant forfaitaire, reflétant au mieux la réalité de ces préjudices. Dans ce cadre, des intérêts moratoires au taux usuel sont susceptibles d’être appliqués au montant de la réparation si cela paraît justifié.

60      Deuxièmement, s’agissant du contenu même du préjudice indemnisable, il importe de relever que l’article 94 du règlement n° 2100/94 ne contient aucune indication à cet égard. Toutefois, et à défaut de disposer de plus amples informations concernant le droit national en vigueur dans ce domaine, il convient de souligner que l’article 14 de la directive 2004/48 précise, en substance, que les frais exposés par la partie ayant obtenu gain de cause sont supportés, en principe, par la partie qui succombe.

61      Or, d’une part, en ce qui concerne les dépens de la procédure en référé ayant précédé la procédure au principal, il ressort de la décision de renvoi que le demandeur au principal a succombé aux dépens. Partant, rien ne s’oppose à ce que la législation nationale ne prévoie pas la restitution de ces frais dans l’évaluation du préjudice à réparer en vertu de l’article 94, paragraphe 2, du règlement n° 2100/94.

62      D’autre part, en ce qui concerne les frais extrajudiciaires, liés notamment au temps consacré par la victime de la contrefaçon pour faire valoir ses droits, la Cour a jugé que l’article 14 de la directive 2004/48 vise à renforcer le niveau de protection de la propriété intellectuelle, en évitant qu’une partie lésée ne soit dissuadée d’engager une procédure judiciaire aux fins de sauvegarder ses droits (voir arrêt du 16 juillet 2015, Diageo Brands, C‑681/13, EU:C:2015:471, point 77).

63      Dans ces conditions, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si le montant prévisible des dépens judiciaires susceptibles d’être alloués à la victime de la contrefaçon est de nature à la dissuader de faire valoir ses droits en justice, eu égard aux sommes restant à sa charge au titre des frais extrajudiciaires engagés ainsi qu’à leur utilité pour l’action principale en réparation.

64      Il convient de répondre aux quatrième, cinquième, sous a et c), septième et huitième questions, que l’article 94, paragraphe 2, du règlement n° 2100/94 doit être interprété en ce sens que le montant du préjudice visé à cette disposition doit être fixé en fonction des éléments concrets avancés à cet égard par le titulaire de la variété contrefaite, au besoin au moyen d’une méthode forfaitaire si lesdits éléments ne sont pas quantifiables. Cette disposition ne s’oppose pas à ce que les dépens exposés dans le cadre d’une procédure en référé n’ayant pas abouti n’entrent pas dans l’évaluation de ce préjudice ni que des frais extrajudiciaires engagés dans le cadre de la procédure au fond ne soient pas pris en considération. L’absence de prise en compte de ces frais est, toutefois, subordonnée à la condition que le montant des dépens judiciaires susceptibles d’être alloués à la victime de la contrefaçon ne soit pas de nature à la dissuader de faire valoir ses droits en justice, eu égard aux sommes restant à sa charge au titre des frais extrajudiciaires engagés ainsi qu’à leur utilité pour l’action principale en réparation.

 Sur les dépens

65      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 94 du règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales, doit être interprété en ce sens que le droit à réparation qu’il reconnaît au titulaire d’une variété végétale protégée contrefaite s’étend à l’ensemble du préjudice subi par celui-ci, sans que cet article puisse servir de fondement à l’imposition d’un supplément forfaitaire pour contrefaçon ni spécifiquement à la restitution des gains et des avantages tirés par le contrefacteur.

2)      La notion de « rémunération équitable », prévue à l’article 94, paragraphe 1, du règlement n° 2100/94, doit être interprétée en ce sens qu’elle couvre, outre le paiement de la redevance usuelle qui serait due pour la production sous licence, l’ensemble des préjudices étroitement liés à l’absence de paiement de cette redevance, auquel est susceptible d’appartenir, notamment, le paiement d’intérêts de retard. Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer les circonstances qui requièrent une majoration de ladite redevance, sachant que chacune d’entre elles ne saurait être répercutée plus d’une fois aux fins de l’évaluation du montant de la rémunération équitable.

3)      L’article 94, paragraphe 2, du règlement n° 2100/94 doit être interprété en ce sens que le montant du préjudice visé à cette disposition doit être fixé en fonction des éléments concrets avancés à cet égard par le titulaire de la variété contrefaite, au besoin au moyen d’une méthode forfaitaire si lesdits éléments ne sont pas quantifiables. Cette disposition ne s’oppose pas à ce que les dépens exposés dans le cadre d’une procédure en référé n’ayant pas abouti n’entrent pas dans l’évaluation de ce préjudice ni que des frais extrajudiciaires engagés dans le cadre de la procédure au fond ne soient pas pris en considération. L’absence de prise en compte de ces frais est, toutefois, subordonnée à la condition que le montant des dépens judiciaires susceptibles d’être alloués à la victime de la contrefaçon ne soit pas de nature à la dissuader de faire valoir ses droits en justice, eu égard aux sommes restant à sa charge au titre des frais extrajudiciaires engagés ainsi qu’à leur utilité pour l’action principale en réparation.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.