Language of document : ECLI:EU:F:2012:197

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

13 décembre 2012 (*)

« Fonction publique – Concours général – Avis de concours EPSO/AD/188/10 – Non-inscription sur la liste de réserve – Composition du jury – Membres permanents et non permanents »

Dans l’affaire F‑101/11,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Tzena Mileva, demeurant à Paris (France), représentée par Me É. Boigelot, avocat, puis par Me G. Generet, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Currall et Mme B. Eggers, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de Mme M. I. Rofes i Pujol, président, Mme I. Boruta (rapporteur) et M. K. Bradley, juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 mai 2012,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 10 octobre 2011, Mme Mileva a introduit le présent recours tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision du jury du concours général EPSO/AD/188/10 de ne pas l’inscrire sur la liste de réserve dudit concours.

 Cadre juridique

2        L’article 30 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») dispose :

« Pour chaque concours, un jury est nommé par l’autorité investie du pouvoir de nomination. Le jury établit la liste d’aptitude des candidats.

[….] »

3        Au troisième alinéa de l’article 3, de l’annexe III du statut, il est indiqué :

« Le jury peut faire appel, pour certaines épreuves, à un ou plusieurs assesseurs ayant voix consultative. »

4        L’article 5, de l’annexe III du statut prévoit :

« Après avoir pris connaissance [des] dossiers [de candidature], le jury détermine la liste des candidats qui répondent aux conditions fixées par l’avis de concours.

[…]

Aux termes de ses travaux, le jury établit la liste d’aptitude prévue à l’article 30 du statut ; dans toute la mesure du possible cette liste doit comporter un nombre de candidats au moins double du nombre des emplois mis au concours.

[…] »

5        Le 3 juillet 2008, le conseil d’administration de l’Office européen de sélection du personnel (EPSO), au sein duquel sont représentées les institutions européennes, a approuvé le rapport intitulé « Programme de développement », prévoyant l’emploi, dans tous les concours généraux organisés à partir de l’année 2010, de tests de compétences générales en lieu et place des tests de connaissances anciennement utilisés. Le point 2.6 de ce programme prévoit que le jury devrait être principalement composé de membres permanents, détachés auprès de l’EPSO pour au moins deux cycles annuels de concours, ainsi, notamment, que de fonctionnaires ayant des parcours variés et notamment, des compétences dans des domaines spécifiques.

6        Le concours général EPSO/AD/188/10, dont l’avis a été publié au Journal Officiel de l’Union européenne du 20 juillet 2010 (JO C 196 A, p. 1, ci-après l’« avis de concours »), est destiné à la constitution d’une réserve de recrutement d’administrateurs (AD) de grade 5 de citoyennetés bulgare, anglaise, néerlandaise, roumaine et slovène dans le domaine de l’interprétariat. Dans l’avis de concours, il était prévu :

« V. C[entre d’évaluation]

1. Vous serez invité au centre d’évaluation

–        si vous avez obtenu le minimum requis aux tests d’accès et

–        si, au vu des pièces justificatives jointes à votre acte de candidature, vous remplissez les conditions générales et spécifiques du titre III et

–        pour le concours de niveau AD 5 uniquement, si vous avez obtenu le minimum requis au test intermédiaire d’interprétation (voir point V.2).

 

–        si vous avez obtenu le minimum requis aux tests d’accès et

–        si, au vu des pièces justificatives jointes à votre acte de candidature, vous remplissez les conditions générales et spécifiques du titre III et

–        pour le concours de niveau AD 5 uniquement, si vous avez obtenu le minimum requis au test intermédiaire d’interprétation (voir point V.2).

2. Test intermédiaire d’interprétation (le cas échéant)

Nature, notation et durée

Pour le concours de niveau AD 5, un test intermédiaire d’interprétation sera organisé.

Ce test consiste en une interprétation simultanée d’un discours enregistré. Il pourra se faire en utilisant un support audio-visuel dans un centre d’examen.

Langue : les candidats ont le choix entre un discours en langue [allemande, anglaise ou française] ; la langue choisie doit être différente de leur langue active.

Les candidats ayant opté pour l’option 2a peuvent aussi choisir un discours en langue [espagnole, italienne, néerlandaise ou portugaise].

[…]

3. Centre d’évaluation

Vous serez évalué à Bruxelles [(Belgique)], en principe sur deux jours :

A. sur vos compétences spécifiques dans le domaine de l’interprétation. Ces compétences seront testées par le biais des éléments suivants :

Une épreuve d’interprétation consécutive et une épreuve d’interprétation simultanée pour chaque langue présentée par le candidat.

Les épreuves consécutives sont basées sur un discours de maximum six minutes et les épreuves simultanées sur un discours de maximum douze minutes ;

et

B. sur les compétences générales suivantes :

–        Analyse et résolution de problèmes

–        Communication

–        Qualité et résultats

–        Apprentissage et développement

–        Hiérarchisation des priorités et organisation

–        Persévérance

–        Travail d’équipe

–        Capacités d’encadrement

Des informations complémentaires sur ces compétences sont reprises au point 1.2 du guide applicable aux concours généraux.

Ces compétences seront testées en langue allemande (DE), anglaise (EN), ou française (FR) (cette langue doit être différente de la langue active A ou A*), par le biais des éléments suivants :

a) un entretien structuré

b) un exercice de groupe

c) une présentation orale.

[…]

[…]

 »

7        Le guide applicable aux concours, publié au Journal Officiel de l’Union européenne du 8 juillet 2010 (JO C 184 A, p. 1), mentionne au point 1.2 ce qui suit :

« Q[uel est le profil général recherché] ?

Les institutions recherchent des candidats talentueux, motivés, et hautement qualifiés dans leur domaine, et qui possèdent notamment les compétences suivantes :

Analyse et résolution de problèmes

Pouvoir déterminer les points essentiels dans des questions complexes et élaborer des solutions concrètes et créatives

Communication

Pouvoir communiquer de façon claire et précise, tant oralement que par écrit

Qualité et résultats

Pouvoir assumer des responsabilités et prendre des initiatives afin de fournir un travail de grande qualité dans le respect de procédures établies

Apprentissage et développement

Pouvoir étendre et approfondir ses compétences personnelles et sa connaissance de l’organisation et de l’environnement de travail

Hiérarchisation des priorités et organisation

Pouvoir déterminer les tâches prioritaires, travailler de manière flexible et organiser efficacement son propre travail

Persévérance

Pouvoir rester efficace en cas de charge de travail élevée, surmonter de manière positive les difficultés d’organisation et s’adapter à l’évolution de son environnement de travail

Travail d’équipe

Pouvoir coopérer avec ses collègues directs et avec d’autres services, et respecter les différences de chacun


Les postes de la carrière AD (administrateurs) requièrent la maîtrise d’une compétence supplémentaire, à savoir :

Capacités d’encadrement

Pouvoir gérer, développer et motiver les personnes pour les amener à réaliser les objectifs fixés

 »

8        Par décision publiée le 9 mars 2011 sur le site de l’EPSO, la composition du jury du concours général ESPO/AD/188/10 a été arrêtée. Cette décision faisait ainsi état de ce que ledit jury était composé d’un président, de deux « membres permanents », d’un « membre permanent suppléant », de quatorze « membres non permanents » et de vingt-huit « membres non permanents suppléants ».

 Faits à l’origine du litige

9        La requérante s’est portée candidate au concours EPSO/AD/188/10.

10      Après avoir réussi les tests d’accès et le test intermédiaire d’interprétation, la requérante a été invitée à passer l’épreuve de compétences générales et l’épreuve de compétences spécifiques au centre d’évaluation de l’EPSO.

11      L’épreuve de compétences générales et l’épreuve de compétences spécifiques ont eu lieu à Bruxelles, respectivement les 30 et 31 mars 2011. Les compétences générales de la requérante ont été évaluées sur la base d’un entretien dirigé axé sur certaines compétences, d’un exercice de groupe, et d’un exercice de présentation orale. Les compétences spécifiques ont été évaluées sur la base de plusieurs tests d’interprétation.

12      Par lettre du 31 mai 2011, l’EPSO, agissant au nom de la présidente du jury, a informé la requérante que son nom n’avait pu être inscrit sur la liste de réserve au motif qu’elle n’avait pas obtenu les points requis dans un ou plusieurs tests de compétences générales et/ou spécifiques. Était joint à cette lettre un document intitulé « passeport de compétences » de la requérante dans lequel apparaissaient ses résultats aux épreuves de compétences générales et de compétences spécifiques, ainsi que des commentaires du jury relatifs à chacune des compétences évaluées.

13      Par courriel du 9 juin 2011, la requérante a sollicité le réexamen de ses prestations lors du concours général EPSO/AD/188/10. Elle a réitéré sa demande par lettre du 10 juin 2011.

14      Par lettre de l’EPSO du 30 juin 2011, la requérante a été informée que le jury du concours avait décidé de confirmer sa décision de ne pas l’inscrire sur la liste de réserve, pour les motifs suivants :

« […] Après avoir examiné attentivement votre demande, le jury est arrivé à la conclusion expliquée ci-dessous.

Vos résultats concernant les compétences spécifiques étaient en effet suffisants. Néanmoins selon l’avis de concours […], les candidats doivent obtenir le minimum requis à la fois pour les compétences générales et pour les compétences spécifiques.

Le jury a constaté que le jour du concours, vous n’avez pas […] atteint le minimum requis ni pour l’ensemble ni pour aucune des [huit] compétences générales. […] »

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision prise après réexamen de ses épreuves de ne pas l’inscrire sur la liste de réserve du concours général EPSO/AD/188/10, décision lui ayant été communiquée par lettre du 30 juin 2011 ;

–        annuler la décision de ne pas l’inscrire sur la liste de réserve du concours général EPSO/AD/188/10, décision lui ayant été communiquée par lettre du 31 mai 2011 ;

–        annuler toutes les opérations auxquelles a procédé le jury à partir du stade où sont intervenues les irrégularités dénoncées ;

–        condamner la défenderesse au paiement, au titre d’indemnité pour préjudice moral et matériel, notamment, pour atteinte à sa carrière, d’une somme de 25 000 euros, sous réserve de majoration ou de diminution en cours de procédure, à augmenter des intérêts au taux de 7 % l’an à compter de la date d’introduction de la requête ;

–        condamner la Commission aux entiers dépens.

16      Dans sa requête, la requérante conclut également à ce qu’il plaise au Tribunal d’ordonner, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, la production :

–        de tout document, autre que le « passeport de compétences », justifiant les notes obtenues à l’épreuve de compétences générales, qu’il s’agisse des critères quantitatifs et/ou qualitatifs ou de la méthodologie retenue pour les appliquer ;

–        des critères sur le fondement desquels sont établis les notations et commentaires au titre de l’épreuve de compétences générales, ainsi que tous éléments permettant de comprendre la méthodologie mise en œuvre et la manière concrète dont les critères, s’il en existe, ont été appliqués tant à l’égard de la requérante que de tous les autres candidats ;

–        des identités et des curriculum vitæ des notateurs/évaluateurs intervenus directement ou indirectement dans la notation et/ou les commentaires au titre de l’épreuve de compétences générales ;

–        du classement des candidats lors de l’épreuve de compétences spécifiques.

17      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur l’objet des conclusions

18      Parmi les conclusions qu’elle soulève, la requérante demande l’annulation de la décision du jury du concours général EPSO/AD/188/10, lui ayant été communiquée par lettre du 31 mai 2011, de ne pas l’inscrire sur la liste de réserve dudit concours ainsi que l’annulation de la décision, prise après réexamen de ses épreuves et dont elle a pris connaissance par lettre du 30 juin 2011, de ne pas l’inscrire sur la liste de réserve du concours général EPSO/AD/188/10. Or, lorsqu’un candidat à un concours sollicite le réexamen d’une décision prise par le jury, c’est la décision prise par ce dernier après réexamen de la situation de ce candidat qui constitue l’acte lui faisant grief (arrêt du Tribunal de première instance du 13 décembre 2006, Heus/Commission, T‑173/05, point 19). Il s’ensuit qu’en l’espèce, seules doivent être examinées les conclusions en annulation dirigées contre la décision, prise après réexamen des épreuves de la requérante et dont elle a pris connaissance par lettre du 30 juin 2011, de ne pas l’inscrire sur la liste de réserve dudit concours (ci-après la « décision attaquée »).

19      La requérante, interrogée lors de l’audience par le Tribunal sur la portée de ses conclusions indemnitaires, puisqu’elle chiffrait son préjudice moral et matériel, tantôt à 15 000 euros, tantôt à 25 000 euros, a indiqué qu’il convenait de considérer l’indemnité demandée pour préjudice moral et matériel comme étant de 25 000 euros.

 Sur la recevabilité

20      S’agissant de la recevabilité des conclusions, il convient de relever, d’une part, que, dans son mémoire en défense, la Commission tire argument de ce que la requête serait confuse pour soutenir, au sujet du grief tiré de l’illégalité de l’avis de concours pour autant qu’il concerne les épreuves d’évaluation des compétences générales, que celui-ci ne constituerait pas un moyen soulevé au soutien des conclusions en annulation de la décision attaquée, mais des conclusions en annulation autonomes dirigées contre l’avis de concours.

21      D’autre part, lors de l’audience, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité contre les conclusions indemnitaires présentées par la requérante dans sa requête, au motif que ces dernières ne satisferaient pas aux exigences de l’article 35, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, faute pour la requête de faire ressortir des éléments de fait et de droit sur lesquels lesdites conclusions seraient fondées.

22      Cependant, dans le contexte de l’affaire, le Tribunal estime opportun de se prononcer d’abord sur le fond du recours et de ne statuer sur les exceptions d’irrecevabilité soulevées par la Commission que s’il s’avère que les griefs avancés par le requérant sont fondés (arrêt de la Cour du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, point 52).

 Sur les demandes de mesures d’organisation de la procédure sollicitées

23      La requérante a sollicité dans sa requête l’adoption par le Tribunal des mesures d’organisation de la procédure dont la liste figure au point 16 du présent arrêt. Cependant, eu égard aux pièces jointes par les parties à leurs écrits, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé pour statuer sur le recours et décide qu’il n’y pas lieu de faire droit à la demande de la requérante.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation

24      À l’appui de ses conclusions en annulation, la requérante soulève un unique moyen tiré formellement de « la violation de l’obligation de motivation, d’une erreur manifeste d’appréciation, de l’excès ou du détournement de pouvoir, ainsi que de la méconnaissance des principes généraux de droit, tels le principe d’égalité de traitement des candidats et d’objectivité de la notation, et le principe qui impose à l’[autorité investie du pouvoir de nomination] de n’arrêter une décision que sur [la] base de motifs légalement admissibles, c’est-à-dire pertinents et non entachés d’erreurs de fait ou de droit ». Ce moyen doit être regardé, eu égard aux arguments exposés à son soutien, comme se composant, en substance, de cinq griefs, tirés de :

–        la violation de l’obligation de motivation ;

–        l’erreur manifeste d’appréciation ;

–        l’illégalité de l’avis de concours pour autant qu’il concerne les épreuves d’évaluation des compétences générales ;

–        la violation du principe de confiance légitime ;

–        la violation des règles régissant le fonctionnement d’un jury de concours.

 Sur le premier grief, tiré de la violation de l’obligation de motivation

–       Arguments des parties

25      La requérante soutient que la décision du jury l’excluant du concours n’est pas motivée. En effet, la requérante estime être dans l’impossibilité de comprendre son échec au concours, car les appréciations relatives à sa prestation lors de l’épreuve de compétences générales contredisent celles concernant l’épreuve de compétences spécifiques.

26      En défense, la Commission rappelle que compte tenu du secret qui entoure les travaux du jury, la communication des notes obtenues aux différentes épreuves constitue une motivation suffisante des décisions du jury, ce dernier n’étant pas tenu de préciser les réponses des candidats qui ont été jugées insuffisantes ou d’expliquer pourquoi ces réponses ont été jugées ainsi. Or, en l’espèce, les notes obtenues pour chacune des compétences évaluées ainsi que son « passeport de compétences », lequel contenait les commentaires détaillés du jury sur sa performance, ont été communiqués à la requérante en annexe à la lettre du 31 mai 2011.

–       Appréciation du Tribunal

27      Il y a lieu de rappeler qu’en vertu de l’article 296 TFUE et de l’article 25, deuxième alinéa, du statut, toute décision individuelle faisant grief prise en application du statut doit être motivée. Cependant, en ce qui concerne les décisions prises par un jury de concours, il convient de rappeler que cette obligation de motivation doit être conciliée avec le respect du secret qui entoure les travaux du jury prévu à l’article 6 de l’annexe III du statut (arrêt de la Cour du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, point 24 ; arrêt du Tribunal de première instance du 19 février 2004, Konstantopoulou/Cour de justice, T‑19/03, point 27).

28      Ce secret ayant été institué en vue de garantir l’indépendance des jurys de concours et l’objectivité de leurs travaux, en les mettant à l’abri de toutes ingérences et pressions extérieures, qu’elles proviennent de l’administration de l’Union elle-même, de candidats intéressés, ou de tiers, celui-ci s’oppose dès lors tant à la divulgation des attitudes prises par les membres individuels des jurys qu’à la révélation de tous les éléments ayant trait à des appréciations de caractère personnel ou comparatif concernant les candidats (arrêt Konstantopoulou/Cour de justice, précité, point 27).

29      Compte tenu du secret qui doit entourer les travaux du jury, la communication des notes obtenues aux différentes épreuves constitue une motivation suffisante des décisions du jury. Une telle motivation ne lèse pas les droits des candidats puisqu’elle leur permet néanmoins de connaître le jugement de valeur qui a été porté sur leurs prestations et de vérifier, le cas échéant, qu’ils n’ont effectivement pas obtenu le nombre de points requis par l’avis de concours pour être admis à certaines épreuves ou à l’ensemble des épreuves (arrêt Konstantopoulou/Cour de justice, précité, points 32 et 33).

30      En outre, au vu du large pouvoir d’appréciation dont dispose un jury de concours pour évaluer les résultats des épreuves, le jury n’est pas tenu, en motivant une décision de ne pas inscrire un candidat sur la liste de réserve, de préciser les réponses dudit candidat qui ont été jugées insuffisantes ou d’expliquer pourquoi ces réponses ont été jugées insuffisantes (arrêt Konstantopoulou/Cour de justice, précité, point 34).

31      En l’espèce, il y a lieu de relever qu’il résulte de la lettre du 30 juin 2011 informant la requérante de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas obtenu, contrairement à ce qui était prévu par l’avis de concours, les notes minimales requises à l’épreuve de compétences générales.

32      En outre, était joint à la lettre du 31 mai 2011, par laquelle l’EPSO a initialement informé la requérante de ce que celle-ci n’avait pas obtenu lesdites notes minimales, le « passeport de compétences » de la requérante, lequel faisait état, non seulement desdites notes, mais également d’appréciations analytiques concernant chacune des compétences mesurées (analyse et résolution de problèmes, communication, qualité et résultats fournis, apprentissage et perfectionnement, définition des priorités et capacité d’organisation, résilience/résistance au stress, travail avec les autres, et qualités de leader/de meneur/d’entrepreneur).

33      À la lumière de la jurisprudence précitée, force est donc de constater que le jury a observé l’obligation de motivation lui incombant et que, partant, le premier grief doit être rejeté.

34      Cette constatation n’est pas remise en cause par le fait que les appréciations relatives à la prestation de la requérante lors de l’épreuve de compétences générales seraient en contradiction avec celles concernant l’épreuve de compétences spécifiques. En effet, l’obligation de motivation suppose uniquement que le destinataire d’une décision faisant grief soit mis à même de comprendre, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’administration l’ayant conduit à adopter la décision considérée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 4 mai 2005, Sena/AESA, T‑30/04, point 62). En revanche, la circonstance que cette motivation serait erronée, à la considérer avérée, relève d’une éventuelle erreur de droit ou d’une erreur manifeste d’appréciation. Or, en l’espèce, le fait que les appréciations portées lors de l’épreuve de compétences générales soient en contradiction avec celles concernant l’épreuve de compétences spécifiques n’empêchait pas la requérante de comprendre qu’elle n’avait pas été inscrite sur la liste de réserve en raison de ce qu’elle avait obtenu des notes se situant en deçà des notes minimales requises à l’épreuve de compétences générales.

 Sur le deuxième grief, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation

–       Arguments des parties

35      La requérante relève que les appréciations mentionnées dans son « passeport de compétences » au sujet de ses compétences générales sont en contradiction avec celles formulées au sujet de ses compétences spécifiques. Ainsi, en ce qui concerne les compétences générales, ledit passeport mentionne, dans la rubrique « Communication », que la requérante « ne parvient pas à structurer son discours » et que « son style manque de relief » tandis que, pour les compétences spécifiques, il est indiqué que « [l]a candidate manie un vocabulaire riche en [bulgare] et en [français] », que « les termes sont bien choisis » et que « la construction des phrases est correcte ». De même, pour les compétences générales, le passeport de compétences fait état, dans la rubrique « Qualité et résultats fournis », de ce que la requérante « devrait étoffer son appréhension de sujets complexes pour donner de la substance et de la crédibilité au résultat final » et, dans la rubrique « Analyse et résolution de problèmes », de ce que la requérante « devrait, de manière générale, améliorer sa capacité de traitement d’informations complexes pour en extraire des conclusions fondées » tandis que, pour les compétences spécifiques, il est constaté qu’elle « transpose clairement l’essentiel du message et les nuances du discours » et qu’elle « suit l’orateur avec une aisance évidente ». Enfin, au sujet des compétences générales, le passeport de compétences mentionne, dans la rubrique « Communication », que la requérante devrait adapter son discours « pour être plus convaincante », tandis que pour les compétences spécifiques, le jury a indiqué qu’elle « s’exprime avec assurance et conviction, donnant ainsi un sentiment de compétence ».

36      Selon la requérante, la méthode d’évaluation employée lors de l’épreuve de compétences spécifiques étant plus sérieuse que celle utilisée pour l’épreuve de compétences générales, les appréciations concernant ses compétences générales auraient dû être aussi bonnes que celles concernant ses compétences spécifiques. Le fait que ces appréciations soient en contradiction avec celles concernant les compétences spécifiques témoignerait donc de ce que le jury de concours aurait commis une erreur manifeste d’appréciation lors de l’évaluation de l’épreuve de compétences générales, ou à tout le moins justifierait que la charge de la preuve soit renversée de telle sorte qu’il reviendrait à la Commission de justifier les notes lui ayant été attribuées lors de l’épreuve de compétences générales. Il en serait d’autant plus ainsi, que la requérante souligne qu’elle est experte auprès du Sofiyski apelativen sad (cour d’appel de Sofia, Bulgarie) et occupe des fonctions d’interprète depuis de très nombreuses années au sein des institutions de l’Union, lesquelles auraient reconnu ses compétences puisque son contrat d’agent temporaire a été reconduit à trois reprises.

37      À titre surabondant, la requérante relève, s’agissant des compétences attendues des candidats, telles que mentionnées dans la rubrique « nature des fonctions » de l’avis de concours, qu’elle aurait d’excellentes connaissances de l’Union européenne, de ses institutions et de ses politiques, acquises du fait de son expérience professionnelle au sein des institutions et que sa motivation et sa capacité d’adaptation au travail au sein de la fonction publique, dans une équipe dont les horaires et les lieux de travail sont « flexibles » serait indiscutable dans la mesure où elle serait un agent temporaire très apprécié au sein du Parlement européen depuis le 1er juillet 2007.

38      En défense, la Commission relève que l’argument mis en avant par la requérante fait état non pas d’une contradiction entre les remarques du jury et la note qu’elle a obtenue, mais entre les résultats d’épreuves distinctes. Or, selon la Commission, un écart de résultats entre des épreuves différentes ne saurait constituer la preuve d’une erreur manifeste d’appréciation, car chaque épreuve vise à évaluer des compétences différentes. Par ailleurs, la Commission estime que l’expérience professionnelle de la requérante en tant qu’interprète ou le fait qu’elle donne satisfaction à ses supérieurs hiérarchiques ne serait pas susceptible de constituer des indices d’une éventuelle erreur manifeste d’appréciation, car les tests litigieux portaient sur les capacités générales de la requérante et non sur ses compétences d’interprète.

–       Appréciation du Tribunal

39      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler l’étendue du contrôle exercé par le Tribunal sur une décision par laquelle un jury de concours refuse d’inscrire un candidat sur la liste de réserve.

40      Lorsqu’il est saisi de la légalité d’une telle décision, le Tribunal vérifie le respect des règles de droit applicables, c’est-à-dire les règles, notamment de procédure, définies par le statut et l’avis de concours, et celles qui président aux travaux du jury, en particulier le devoir d’impartialité du jury et le respect par ce dernier de l’égalité de traitement des candidats, ainsi que l’absence de détournement de pouvoir (arrêt du Tribunal du 11 septembre 2008, Coto Moreno/Commission, F‑127/07, point 32 et la jurisprudence citée).

41      En outre, dans certaines hypothèses, dans lesquelles le jury ne dispose pas de marge d’appréciation, notamment lorsque les questions posées à un candidat par un jury appellent pour chacune d’elles une seule et unique réponse, ce contrôle peut porter sur l’exactitude des faits sur lesquels le jury s’est fondé pour prendre sa décision (arrêt du Tribunal de première instance du 12 mars 2008, Giannini/Commission, T‑100/04, points 277 et 278).

42      Enfin, le Tribunal contrôle l’absence d’erreur matérielle, ainsi que la concordance de la note chiffrée avec les appréciations littérales du jury (arrêt Coto Moreno/Commission, précité, point 34). En effet, la concordance entre la note chiffrée et l’appréciation littérale est susceptible de faire l’objet de la part du Tribunal d’un contrôle indépendant de celui de l’appréciation des prestations des candidats faite par le jury, pourvu que le contrôle de la concordance se limite à vérifier l’absence d’incohérence manifeste (arrêt Coto Moreno/Commission, précité, point 34).

43      En revanche, les appréciations auxquelles se livre un jury de concours, lorsqu’il évalue les connaissances et les aptitudes des candidats, sont soustraites au contrôle du Tribunal (arrêt de la Cour du 9 octobre 1974, Campogrande e.a./Commission, 112/73, 144/73 et 145/73, point 53 ; arrêt du Tribunal de première instance du 26 janvier 2005, Roccato/Commission, T‑267/03, point 42).

44      En l’espèce, la requérante tente de démontrer que le jury de concours aurait mal évalué ses compétences générales et met en avant, pour ce faire, la circonstance que les appréciations portées par les évaluateurs lors de cette épreuve seraient contradictoires avec celles formulées lors de l’épreuve de compétences spécifiques. Or, comme il a été constaté précédemment, si le contrôle du Tribunal peut porter sur l’absence de concordance entre une note chiffrée et les appréciations littérales du jury, celui-ci ne peut concerner l’absence de cohérence entre les évaluations effectuées lors de différentes épreuves, un tel contrôle équivalant à vérifier l’exactitude des appréciations opérées par un jury de concours au sujet des connaissances et aptitudes des candidats.

45      En tout état de cause, à considérer que le Tribunal soit compétent pour opérer un tel contrôle, force est de constater que l’existence d’une contradiction entre des appréciations opérées lors de deux épreuves différentes ne permet pas d’établir l’existence d’une erreur d’appréciation. En effet, dès lors qu’un concours prévoit plusieurs épreuves et que différentes personnes sont appelées à les corriger, des appréciations contradictoires peuvent inévitablement survenir (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance, du 27 mars 2003, Martínez Páramo e.a./Commission, T‑33/00, points 62 à 64 et arrêt Roccato/Commission, précité, points 50 et 51). Il en est d’autant plus ainsi que, premièrement, les prestations d’un candidat lors d’épreuves successives sont susceptibles de varier en fonction de facteurs extérieurs au concours, et deuxièmement, l’évaluation d’un candidat à un concours étant de nature comparative, celle-ci peut varier en fonction des prestations des autres candidats, lesquelles peuvent à leur tour varier d’une épreuve à l’autre (arrêt Campogrande e.a./Commission, précité, point 53).

46      De même, et toujours à considérer que le Tribunal soit compétent pour opérer un contrôle de l’exactitude des appréciations opérées par un jury de concours, la qualité de la requérante d’experte auprès du Sofiyski apelativen sad et d’interprète reconnue au sein des institutions de l’Union ne saurait témoigner de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation lors de l’épreuve de compétences générales, notamment en ce qui concerne l’appréciation de sa motivation et sa capacité d’adaptation au travail au sein de la fonction publique. En effet, un candidat étant uniquement évalué sur la base de ses prestations pendant l’épreuve considérée, celui-ci ne saurait tirer argument d’éléments extérieurs afin de faire la démonstration de ce que ses prestations méritaient une meilleure évaluation. En outre, les arguments de la requérante relatifs à ses connaissances de l’Union européenne, de ses institutions et de ses politiques, doivent être considérés comme inopérants dès lors que l’épreuve de compétences générales ne visait pas à évaluer les connaissances des candidats à ce sujet.

47      Enfin, à considérer que la requérante soutiendrait que le jury aurait commis une erreur de droit en omettant d’évaluer les compétences mentionnées dans l’avis de concours sous le titre II « N[ature des fonctions] », il y aurait lieu de relever que si les indications figurant dans ladite rubrique font état de certaines attentes de l’administration vis-à-vis des candidats, notamment en terme d’adaptabilité, de capacité à travailler de façon intensive et à s’adapter à un environnement multiculturel, il ne ressort nullement de l’avis de concours que le jury devait examiner, lors de l’épreuve de compétences générales, la capacité des candidats à satisfaire ces attentes, ledit avis prévoyant uniquement que seraient évaluées lors de cette épreuve les capacités des candidats en terme d’analyse et de résolution de problèmes, de communication, de capacité à fournir des prestations de qualité ainsi que des résultats satisfaisants, d’apprentissage et de développement, de hiérarchisation des priorités et d’organisation, de persévérance, de travail d’équipe et de capacités d’encadrement.

48      Il résulte de ce qui précède qu’il convient de rejeter le deuxième grief.

 Sur le troisième grief, tiré de l’illégalité de l’avis de concours pour autant qu’il prévoit les épreuves d’évaluation des compétences générales

–       Arguments des parties

49      La requérante estime que les épreuves d’évaluation des compétences générales seraient illégales, car, d’une part, en contraste avec les tests prévus pour les compétences spécifiques, ces épreuves ne seraient pas pertinentes pour sélectionner les meilleurs candidats pour les emplois visés dans l’avis de concours, d’autre part, l’évaluation des candidats aurait été effectuée sur la base de critères purement subjectifs, car accordant une part prépondérante à la psychologie qui ne serait pas une science exacte, insusceptible de garantir le respect des principes d’égalité de traitement et d’objectivité de la notation.

50      En défense, la Commission fait valoir que la requérante n’apporte pas le moindre indice au soutien de ses allégations. En tout état de cause, elle estime que l’autorité investie du pouvoir de nomination a agi dans le cadre du large pouvoir d’appréciation qui lui est reconnu afin de définir les conditions et modalités d’organisation d’un concours. C’est ainsi que suite à une analyse approfondie des besoins des institutions en matière de recrutement et à une réflexion sur les méthodes de sélection les plus efficaces, l’EPSO a adopté, le 3 juillet 2008, un programme de développement, lequel prévoit l’emploi, dans tous les concours généraux à partir de l’année 2010, de tests de compétences générales. Quant au prétendu manque d’objectivité des épreuves d’évaluation des compétences générales, la Commission affirme que lesdites épreuves présentent un ensemble de caractéristiques qui garantit l’évaluation objective des candidats, à savoir le fait que les examinateurs reçoivent une formation méthodologique approfondie, que chaque compétence est mesurée deux fois lors d’exercices différents sur la base d’une observation objective du comportement et selon une méthode et des critères de notation préétablis, et que l’évaluation finale de chaque candidat est basée sur sa performance dans tous les exercices, après une compilation, par compétence, des résultats obtenus lors des différents exercices.

–       Appréciation du Tribunal

51      Il y a lieu de rappeler que, si les institutions doivent recruter les candidats les plus compétents, celles-ci disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer les modalités d’organisation d’un concours (voir, notamment, arrêt du Tribunal de première instance du 26 octobre 2004, Falcone/Commission, T‑207/02, point 31) et qu’il n’appartient au juge de l’Union de censurer ces modalités que dans l’hypothèse où celles-ci n’ont pas de lien avec les finalités du concours (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 30 novembre 2005, Vanlangendonck/Commission, T‑361/03, point 38).

52      En l’espèce, la requérante affirme, d’une part, que les épreuves d’évaluation des compétences générales ne sont pas pertinentes afin de sélectionner les personnes les plus aptes à occuper un emploi d’interprète.

53      À cet égard, il y a cependant lieu de relever que, si la liste de réserve vise à pourvoir des postes d’interprètes, l’avis de concours prévoit que la nomination à ces postes se fera en tant qu’administrateur (AD 5). Or, tout administrateur a vocation à occuper un poste à responsabilités et ce, d’autant que, depuis le décloisonnement du cadre linguistique opéré par la réforme du statut de 2004, un interprète peut demander à terme à occuper des fonctions administratives. Partant, il n’était pas déraisonnable pour l’EPSO d’attendre des candidats qu’ils fassent la démonstration de certaines compétences générales.

54      En tout état de cause, force est de constater que la sélection des meilleurs candidats implique, pour une administration, de rechercher ceux qui combinent d’importantes connaissances et une aptitude intellectuelle à les mettre en pratique dans un contexte susceptible d’évoluer (arrêt du Tribunal du 29 septembre 2009, Aparicio e.a./Commission, F‑20/08, F‑34/08 et F‑75/08, point 53) et qu’en conséquence, il n’apparaît pas sans lien avec la finalité du concours de prévoir des épreuves visant à évaluer les compétences générales des candidats.

55      La requérante soutient, d’autre part, que l’évaluation des candidats aurait été effectuée sur la base de critères purement subjectifs, car accordant une part prépondérante à la psychologie. Toutefois, le Tribunal estime que quand bien même les épreuves d’évaluation des compétences générales consisteraient en des tests faisant appel à une analyse psychologique des candidats, cette circonstance ne démontrerait pas que l’évaluation desdites épreuves serait à ce point subjective que le respect des principes d’égalité de traitement et d’objectivité de la notation ne pourrait être assuré. En outre, il y a lieu de relever que la requérante n’avance aucun élément de preuve, ni même aucun indice pour démontrer l’existence d’un risque d’atteinte aux principes d’égalité de traitement et d’objectivité de la notation. Or, la simple allusion à un risque hypothétique ne saurait justifier l’annulation d’une décision (arrêt du Tribunal de première instance du 6 novembre 1997, Berlingieri Vinzek/Commission, T‑71/96, point 36).

56      Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le troisième grief.

 Sur le quatrième grief, tiré de la violation du principe de confiance légitime

57      La requérante soutient que les épreuves de compétences générales ayant eu lieu avant l’épreuve d’interprétation, le fait qu’elle ait été convoquée à l’épreuve d’interprétation, pouvait légitimement faire naître dans son chef, la confiance légitime qu’elle avait réussi l’épreuve de compétences générales. En défense, la Commission ne présente aucune argumentation sur ce point. Toutefois, il suffit de constater, pour écarter ce grief, que l’avis de concours ne prévoit pas que la réussite à l’épreuve de compétences générales soit une condition à satisfaire afin d’être autorisé à passer l’épreuve d’interprétation. Partant, la requérante ne saurait se prévaloir d’une quelconque confiance légitime en ce qu’elle aurait nécessairement réussi l’épreuve de compétences générales puisqu’elle a participé à l’épreuve de compétences spécifiques.

58      En conséquence, il y a lieu de rejeter le quatrième grief.

 Sur le cinquième grief, tiré de la violation des règles régissant le fonctionnement d’un jury de concours

–       Arguments des parties

59      La requérante soutient que les évaluateurs des épreuves de compétences générales n’avaient pas les aptitudes nécessaires pour évaluer les compétences générales des candidats. En outre, la requérante affirme que l’épreuve de compétences générales des candidats aurait été évaluée par des personnes qui n’appartenaient pas au jury. Or, le jury n’aurait donné aucune instruction à ces examinateurs quant à la manière dont les candidats devaient être évalués, ni même pris la peine de vérifier la pertinence des critères d’évaluation utilisés.

60      En défense, la Commission soutient que les personnes ayant mené les épreuves d’évaluation des compétences générales de la requérante étaient toutes membres du jury. En outre, ces personnes auraient reçu une formation intensive afin de leur permettre d’appliquer les méthodes du centre d’évaluation.

–       Appréciation du Tribunal

61      À titre liminaire, il convient de rappeler que selon une jurisprudence constante, si un jury dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour évaluer les candidats lors d’un concours, il doit en contrepartie mener ses travaux dans le respect scrupuleux des règles régissant l’organisation des épreuves et gouvernant le choix de la formation amenée à examiner la prestation du candidat (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 23 mars 2000, Gogos/Commission, T‑95/98, point 37, et du 24 septembre 2002, Girardot/Commission, T‑92/01, point 24).

62      En l’espèce, la requérante soutient, en premier lieu, que les évaluateurs n’auraient pas disposé des aptitudes nécessaires pour apprécier les compétences générales des candidats.

63      Sur ce point, il y a lieu de rappeler que, pour être constitué conformément aux dispositions du statut et de l’article 3 de l’annexe III de ce dernier, un jury de concours doit, selon la jurisprudence, être composé de façon à garantir une appréciation objective de la performance des candidats au regard des qualités professionnelles attendues (arrêt du Tribunal du 4 septembre 2008, Dragoman/Commission, F‑147/06, point 49). En outre, l’appréciation des candidats à un concours étant comparative, un candidat peut se prévaloir d’une irrégularité commise en faveur d’un autre candidat afin d’obtenir l’annulation de la décision de ne pas l’inscrire sur la liste de réserve (voir, en ce sens, arrêt Gogos/Commission, précité, points 41 à 56 ; arrêt du Tribunal de première instance du 10 novembre 2004, Vonier/Commission, T‑165/03, point 39).

64      Cependant, en l’espèce, la requérante se borne à affirmer que les examinateurs n’avaient pas la compétence requise pour évaluer les candidats lors des épreuves de compétences générales. Or, il ressort des documents versés par la Commission que les personnes ayant assisté à l’épreuve de la requérante avaient toutes reçu une formation spécifique afin de leur permettre d’appliquer les méthodes du centre d’évaluation. Aussi, faute pour la requérante de fournir un commencement de preuve au soutien de ses allégations, il convient de rejeter la première branche du cinquième grief soulevé par la requérante, sans qu’il soit besoin d’exiger de la Commission qu’elle fournisse également la preuve de ce que chacune des personnes ayant été appelée à évaluer les candidats au concours avait reçu une formation spécifique.

65      En second lieu, la requérante soutient que « le jury ne p[ourrait] abandonner à des psychologues le droit de déterminer […] qu’un candidat […] ne remplit pas les conditions que ces derniers ont arrêtées, sans […] définir les critères sur [la] base desquels ces évaluations […] sont établies », grief qui doit être compris comme reprochant à l’administration d’avoir eu recours, lors des épreuves de compétences générales, à des personnes qui n’étaient pas membres du jury, ce qui ne serait possible que si le jury conserve le contrôle des opérations ainsi que son pouvoir d’appréciation en dernier ressort.

66      Cependant, il convient de relever que les noms des personnes ayant évalué la requérante lors de son épreuve de compétences générales figurent tous sur la liste des membres du jury publiée par l’EPSO le 9 mars 2011. Certes, parmi ces personnes, certaines apparaissent sur cette liste comme étant des « membres permanents », d’autres comme des « membres non permanents » du jury, mais il ressort du dossier que la seule différence qui existe entre ces deux catégories de membres est relative à leur mode de désignation. En effet, les membres « permanents » sont désignés parmi des fonctionnaires qui sont spécialement détachés par leur institution d’origine auprès de l’EPSO afin d’assurer des fonctions de membres de jurys de concours tandis que ceux qualifiés de membres « non permanents » ont été appelés à participer au concours EPSO/AD/188/10, eu égard à leur domaine d’expertise, sans être détachés de leur institution d’origine. En revanche, il n’existe aucune différence de statut ou de rôle entre les membres du jury qualifiés de « permanents » et ceux qualifiés de « non permanents », les uns et les autres participant à l’établissement de la liste des candidats répondant aux conditions fixées par l’avis de concours et de la liste des meilleurs candidats ayant satisfait auxdites conditions. En conséquence, il convient de rejeter la seconde branche du cinquième grief soulevé par la requérante et avec elle l’ensemble du cinquième grief.

67      Il s’ensuit que, eu égard aux moyens soulevés par la requérante, les conclusions en annulation doivent être rejetées dans leur ensemble.

 Sur les conclusions indemnitaires

 Arguments des parties

68      La requérante estime avoir subi, du fait de l’irrégularité de la décision attaquée et de l’atteinte à sa carrière qui en a résulté, un préjudice matériel et moral qu’elle chiffre à 25 000 euros, sous réserve de majoration ou de diminution en cours de procédure, à augmenter des intérêts au taux de 7 % l’an à compter de la date d’introduction de la présente requête.

69      La Commission estime que les conclusions indemnitaires seraient manifestement irrecevables, car la requête manquerait entièrement de précision en ce qui concerne le lien de causalité et le dommage prétendument subi, ce dernier n’étant nullement appuyé par des arguments factuels. En tout état de cause, les conclusions seraient non fondées. En effet, ces dernières seraient liées aux comportements décisionnels du jury de concours. Or, la requérante n’aurait pas établi l’existence d’une illégalité dans le chef dudit jury.

 Appréciation du Tribunal

70      Selon une jurisprudence constante, lorsque le préjudice dont un requérant se prévaut trouve son origine dans l’adoption d’une décision faisant l’objet de conclusions en annulation, le rejet de ces conclusions en annulation sans que le Tribunal constate d’irrégularité, entraîne, par principe, le rejet des conclusions indemnitaires, lorsque ces dernières leur sont étroitement liées (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 29 septembre 2011, Heath/BCE, F‑121/10, point 129).

71      En l’espèce, il doit être relevé que le préjudice tant matériel que moral dont la requérante se prévaut trouve son origine dans le comportement décisionnel de la Commission et du jury de concours. Or, les conclusions en annulation ont été rejetées, sans que le Tribunal constate d’irrégularité dans le comportement décisionnel de la Commission ou du jury de concours.

72      En conséquence, il convient de rejeter les conclusions indemnitaires de la requérante tendant à la réparation du préjudice matériel et moral que celle-ci prétend avoir subi.

73      Par suite, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les exceptions d’irrecevabilité soulevées par la Commission.

 Sur les dépens

74      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

75      Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que la requérante a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que la requérante soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la requérante doit supporter ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Mileva supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par la Commission européenne.

Rofes i Pujol

Boruta

Bradley

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2012.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       M. I. Rofes i Pujol


* Langue de procédure : le français.