Language of document : ECLI:EU:T:2007:51

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

14 février 2007(*)

« Fonctionnaires – Stagiaires – Cadres scientifique ou technique – Nomination d’un agent temporaire à la suite d’un concours de titularisation – Classement en grade et en échelon – Articles 31 et 32 du statut »

Dans l’affaire T‑65/05,

Thomas Seldis, demeurant à Amsterdam (Pays-Bas), représenté par Mes S. Orlandi, X. Martin, A. Coolen, J.-N. Louis et E. Marchal, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. V. Joris et Mme K. Herrmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 5 avril 2004 portant nomination du requérant en qualité de fonctionnaire stagiaire, en ce qu’elle fixe son classement au grade A 7, échelon 5,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. H. Legal, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. E. Moavero Milanesi, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 juillet 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 10 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes dans sa version en vigueur avant le 1er mai 2004, applicable au cas d’espèce (ci-après le « RAA ») dispose :

« Les dispositions de l’article 1er bis, de l’article 5, paragraphes 1, 2 et 4, et de l’article 7 du statut concernant respectivement l’égalité de traitement entre fonctionnaires, la classification des emplois en catégories, cadres et grades et l’affectation des fonctionnaires sont applicables par analogie.

Le contrat de l’agent temporaire doit préciser le grade et l’échelon auxquels l’intéressé est engagé.

L’affectation d’un agent temporaire à un emploi correspondant à un grade supérieur à celui auquel il a été engagé rend nécessaire la conclusion d’un avenant au contrat d’engagement.

Les dispositions des articles 93 à 101 du statut et de l’annexe I B du statut sont applicables par analogie aux agents temporaires de la Commission qui occupent dans le domaine nucléaire un emploi nécessitant des compétences scientifiques ou techniques et qui sont rémunérés sur les crédits affectés au budget de recherches et d’investissement.

[…] »

2        L’article 15, paragraphe 1, du RAA prévoit :

« Le classement initial de l’agent temporaire est déterminé conformément aux dispositions de l’article 32 du statut.

En cas d’affectation de l’agent à un emploi correspondant à un grade supérieur, conformément aux dispositions de l’article 10, troisième alinéa, son classement est déterminé conformément aux dispositions de l’article 46 du statut. »

3        L’article 20, quatrième alinéa, du RAA énonce :

« L’agent temporaire comptant deux ans d’ancienneté dans un échelon de son grade accède automatiquement à l’échelon suivant de son grade. »

4        Le statut des fonctionnaires des Communautés européennes dans sa version en vigueur avant le 1er mai 2004, applicable au cas d’espèce (ci-après le « statut ») prévoit dans son article 31 :

« 1. Les candidats ainsi choisis sont nommés :

–        fonctionnaires de la catégorie A ou du cadre linguistique : au grade de base de leur catégorie ou de leur cadre,

[...]

2. Toutefois, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut déroger aux dispositions visées ci-avant dans les limites suivantes :

[...]

b)      pour les autres grades, à raison :

–        d’un tiers s’il s’agit de postes rendus disponibles,

–        de la moitié s’il s’agit de postes nouvellement créés.

[...] »

5        L’article 32 du statut dispose :

« Le fonctionnaire recruté est classé au premier échelon de son grade.

Toutefois, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut, pour tenir compte de la formation et de l’expérience professionnelle spécifique de l’intéressé, lui accorder une bonification d’ancienneté d’échelon dans ce grade ; cette bonification ne peut excéder 72 mois dans les grades A 1 à A 4, LA 3 et LA 4 et 48 mois dans les autres grades.

L’agent temporaire dont le classement a été fixé conformément aux critères de classement arrêtés par l’institution garde l’ancienneté d’échelon qu’il a acquise en qualité d’agent temporaire lorsqu’il a été nommé fonctionnaire dans le même grade à la suite immédiate de cette période. »

6        L’article 92 du statut, figurant sous le titre VIII relatif aux dispositions particulières applicables aux fonctionnaires des cadres scientifique ou technique des Communautés, énonce :

« Le présent titre détermine les dispositions particulières applicables aux fonctionnaires des Communautés occupant dans le domaine nucléaire un emploi qui nécessite des compétences scientifiques ou techniques, et rémunérés sur les crédits affectés au budget de recherche et d’investissement.

La correspondance entre les emplois types et les carrières des fonctionnaires des cadres scientifique ou technique visés à l’alinéa précédent est établie au tableau figurant à l’annexe I […] B. »

7        L’article 95 du statut dispose :

« Jusqu’au 31 décembre 1968 et par dérogation aux dispositions des articles 31 et 32, les fonctionnaires visés à l’article 92 peuvent être nommés à un grade autre que le grade de base, correspondant à l’emploi pour lequel ils sont recrutés, et être classés, dans la limite de la moitié des postes à pourvoir, à un échelon autre que ceux mentionnés à l’article 32.

Pour la période suivant cette date et sur proposition de la Commission, le Conseil statuera sur les dispositions définitives à retenir en matière de recrutement de ce personnel. »

8        De telles dispositions n’ont cependant pas été adoptées par le Conseil. Depuis le 1er janvier 1969, l’article 31 du statut s’applique donc par défaut au personnel scientifique ou technique, en l’absence de dispositions qui leur seraient particulières.

9        L’annexe I B du statut, intitulée « Correspondance entre les emplois types et les carrières des fonctionnaires des cadres scientifique ou technique des Communautés prévue à l’article 92 du statut », également applicable aux agents temporaires en vertu de l’article 10, quatrième alinéa, du RAA, établit une correspondance entre l’emploi type de fonctionnaire scientifique ou technique et une carrière allant du grade A 8 au grade A 5.

10      La Commission a adopté, le 11 octobre 1984, une décision relative aux critères applicables à la fixation du grade et de l’échelon lors du recrutement du personnel des cadres scientifique et technique occupant des emplois rémunérés sur les crédits affectés au budget de recherche, publiée aux Informations administratives n° 462 du 5 décembre 1984 (ci-après la « décision du 11 octobre 1984 »).

11      L’article 2 de la décision du 11 octobre 1984, relatif à la fixation du grade et de l’échelon lors du recrutement, dispose :

« L’autorité investie du pouvoir de nomination nomme le candidat à un des grades de la carrière pour laquelle il est recruté, dans les limites précisées ci-après.

La durée minimum d’expérience professionnelle pour le classement au premier échelon dans les grades de chaque carrière est de :

Catégorie A

[...]

–        8 ans pour le grade A 6

–        3 ans pour le grade A 7

[...]

Lorsque la carrière porte sur plusieurs grades, aucune nomination ne peut être effectuée au grade supérieur de la carrière sous réserve de ce qui est prévu à l’article 3.

L’expérience professionnelle est appréciée en prenant en considération l’activité exercée antérieurement à la date de l’offre d’emploi et elle est décomptée uniquement à partir de 18 ans.

Une même période ne peut être valorisée qu’une seule fois.

[...] »

12      L’article 4 de la décision du 11 octobre 1984, relatif à la bonification d’ancienneté d’échelon, dispose :

« Pour tenir compte de l’expérience professionnelle dépassant celle indiquée à l’article 2, l’autorité investie du pouvoir de nomination accorde, sous réserve des maxima prévus à l’article 32 du statut, une bonification d’ancienneté d’échelon selon le tableau figurant en annexe II. »

13      Selon ce tableau, un fonctionnaire de grade A 7 bénéficie, lorsqu’il a acquis une expérience professionnelle égale à quatre années, d’une bonification d’ancienneté d’échelon de douze mois pour chaque année d’expérience professionnelle à partir de cette quatrième année, jusqu’à un maximum de 48 mois, maximum qui est atteint lorsque l’expérience professionnelle est égale ou supérieure à sept années. Il ressort également de ce tableau qu’un fonctionnaire classé au grade A 6 bénéficie d’une bonification identique lorsqu’il a acquis une expérience professionnelle de neuf années, cette bonification étant également plafonnée à 48 mois.

14      L’article 6 de la décision du 11 octobre 1984 énonce :

« La présente décision s’applique aussi bien à la nomination des fonctionnaires stagiaires qu’à l’engagement des agents temporaires du cadre scientifique ou technique, engagés au titre de l’article 2[, sous a) et d]), du [RAA]. »

 Faits à l’origine du litige

15      Le requérant est un fonctionnaire de la Commission affecté auprès de la direction générale du Centre commun de recherche (CCR), au sein de l’Institut de l’énergie à Petten (Pays-Bas).

16      Le 16 septembre 1999, en vertu d’un contrat en date du 16 août 1999, il est entré au service de la Commission en tant qu’agent temporaire relevant de l’article 2, sous d), du RAA, relatif aux agents engagés en vue d’occuper, à titre temporaire, un emploi permanent, rémunéré sur les crédits de recherche et d’investissement et compris dans le tableau des effectifs annexé au budget de l’institution intéressée. En vertu de l’article 3 de ce contrat, il a été classé à titre provisoire au grade A 8, échelon 1. Ce contrat a été conclu pour une durée déterminée de deux ans.

17      Par avenant en date du 29 septembre 1999, prenant effet le 16 septembre 1999, le requérant a été reclassé au grade A 7, échelon 2, l’ancienneté d’échelon remontant également au 16 septembre 1999.

18      Par contrat du 20 décembre 2000, le requérant a bénéficié d’une prolongation de son contrat d’agent temporaire pour une période de cinq ans, prenant effet le 16 septembre 2001. L’article 3 de ce contrat prévoyait que, à sa date de prise d’effet, le requérant serait classé au grade A 7, échelon 3. L’article 6 prévoyait en outre que l’avenant du 29 septembre 1999 était annulé et remplacé par ce contrat.

19      Le 1er août 2002, le requérant a bénéficié d’un échelon supplémentaire en vertu de l’article 97, paragraphe 1, du statut, qui lui était applicable par analogie en vertu de l’article 10, quatrième alinéa, du RAA. Il a dès lors été classé au grade A 7, échelon 4, son ancienneté dans cet échelon prenant effet le 1er septembre 2001. Son contrat a été modifié, en conséquence, par avenant du 26 août 2002.

20      En application de l’article 20, quatrième alinéa, du RAA, le requérant a accédé à l’échelon 5 du grade A 7 le 1er septembre 2003.

21      Dans le cadre de l’exercice de titularisation des agents temporaires du budget de recherche, prévue par la communication de la Commission intitulée « Révision de la politique du personnel de recherche » (C/2001/4618), dans laquelle la Commission avait décidé d’accélérer la titularisation des agents temporaires en réduisant l’ancienneté de service requise pour avoir accès aux concours internes, la Commission a publié, le 19 février 2004, un avis de vacances d’emplois associées à des concours internes sur titres, en vue de procéder à des titularisations sur des emplois permanents relevant du budget de recherche.

22      L’avis en cause spécifiait notamment ce qui suit :

« Au cas où ces emplois ne seraient pas pourvus par la nomination de fonctionnaires à la suite de cette publication […], ils feront l’objet de concours internes sur titres. Seront admis à ces concours les fonctionnaires ou agents qui remplissent les conditions générales et particulières reprises dans l’avis de concours. L’[autorité investie du pouvoir de nomination] choisira, dans les listes d’aptitude dressées à l’issue de ces concours, le lauréat le plus qualifié pour chacun des emplois à pourvoir. S’il s’agit d’un agent temporaire, il ou elle pourra être titularisé(e). »

23      Dans ce même avis, les conditions d’admission aux concours internes étaient libellées de la manière suivante :

« Les concours sont ouverts aux candidats qui justifient remplir les conditions suivantes :

A.      Conditions générales

a)      appartenir au personnel statutaire de la Commission et être en activité à la date limite pour l’enregistrement des candidatures ;

b)      être à la date limite pour l’enregistrement des candidatures dans la carrière du concours faisant l’objet de la candidature ;

B.      Conditions particulières

Les conditions particulières requises sont reprises au titre I pour chacun des concours. »

24      Le requérant a participé au concours interne sur titres COM/R/247/04, associé à l’avis de vacance d’emploi portant le même numéro.

25      La rubrique « Carrière » relative à ce concours indiquait que l’emploi visé relevait de la carrière ST/A, A 8/A 5. Sous la rubrique « Nature des fonctions/expérience professionnelle », il était précisé que les candidats devaient avoir, au plus tard à la date du 2 mars 2004 inclus, une expérience professionnelle dans le domaine du « non-destructive testing » d’une durée de six ans au minimum.

26      De plus, comme condition particulière d’admission applicable au cas où l’emploi vacant ne serait pas pourvu par une mutation interne, les candidats devaient avoir, au plus tard à la date du 2 mars 2004, au moins quatre ans révolus d’ancienneté de service auprès des Communautés européennes en qualité d’agent statutaire.

27      Enfin, les candidats étaient invités, considérant la spécificité de chaque poste, à s’inscrire à un seul concours sous peine de nullité de leurs candidatures.

28      Le requérant a été lauréat du concours COM/R/247/04 et a été nommé, par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») du 5 avril 2004, prenant effet le 16 avril 2004, fonctionnaire stagiaire en qualité de fonctionnaire scientifique ou technique avec classement au grade A 7, échelon 5, et affecté auprès de la direction générale du CCR au sein de l’Institut de l’énergie, à Petten, au sein de la même unité et aux mêmes fonctions que celles qu’il exerçait précédemment en tant qu’agent temporaire (ci-après la « décision attaquée »).

29      Par note du 11 juin 2004, le requérant a introduit, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation contre la décision attaquée en tant qu’elle le classait au grade A 7.

30      Il y faisait valoir qu’il était incohérent, d’une part, de le soumettre aux conditions auxquelles sont soumis les fonctionnaires nouvellement recrutés et, d’autre part, de lui refuser les avantages qui découleraient de son nouveau recrutement en tant que fonctionnaire, à savoir son classement en grade et en échelon conformément à l’article 2 de la décision du 11 octobre 1984. Ayant acquis le 16 avril 2004, date d’effet de son acceptation de l’offre d’emploi qui lui avait été faite par la Commission, une expérience professionnelle pertinente de 106 mois, le requérant demandait, en application de cet article 2, à être classé au grade A 6.

31      Le requérant a complété sa réclamation par une note du 1er septembre 2004.

32      Par décision du 8 octobre 2004, notifiée au requérant le 28 octobre 2004, l’AIPN a explicitement rejeté cette réclamation, au motif que le classement d’un agent temporaire devenu fonctionnaire à la suite de la réussite d’un concours interne est régi par l’article 32, troisième alinéa, du statut et que, en vertu de cette disposition, il n’avait pas droit à un nouveau classement. L’AIPN a également observé que, si le requérant souhaitait bénéficier d’un nouveau classement en tant que fonctionnaire, il aurait dû passer un concours général et aurait alors été soumis aux règles de classement en vigueur au moment de son recrutement. Enfin, l’AIPN a estimé que la décision du 11 octobre 1984 n’était pas applicable au requérant, dont le cas relèverait du seul article 32, troisième alinéa, du statut.

 Procédure et conclusions des parties

33      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 février 2005, le requérant a introduit le présent recours.

34      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité la Commission à produire la note du requérant du 1er septembre 2004 par laquelle il complétait sa réclamation. La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti.

35      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 13 juillet 2006.

36      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle fixe son classement au grade A 7, échelon 5 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

37      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

38      Le requérant soulève un moyen unique, tiré de la violation par la Commission de l’obligation de lui appliquer l’article 31, paragraphe 2, du statut et la décision du 11 octobre 1984 pour déterminer son classement lors de sa nomination en qualité de fonctionnaire stagiaire et, du même fait, d’une violation par la Commission de l’article 32 du statut.

 Arguments des parties

39      Le requérant fait valoir que, selon la jurisprudence, et en particulier l’arrêt du Tribunal du 17 décembre 2003, Chawdhry/Commission (T‑133/02, RecFP p. I‑A‑329 et II‑1617), l’article 31, paragraphe 2, du statut oblige l’AIPN à examiner la possibilité de son application notamment lorsque les circonstances spécifiques du service exigent le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié ou lorsque la personne recrutée possède des qualifications exceptionnelles. Selon ce même arrêt, ce ne serait qu’après avoir recruté un fonctionnaire au grade de base et fait application de l’article 31 du statut que l’AIPN devrait examiner, conformément à l’article 32 du statut, la possibilité d’accorder une bonification d’échelon pour tenir compte de la formation et de l’expérience professionnelle de l’intéressé.

40      Par ailleurs, la décision du 11 octobre 1984 prévoirait que le principe posé à l’article 31 du statut, à savoir la nomination des fonctionnaires de la catégorie A au grade de base de leur catégorie ou de leur cadre, ne s’applique pas de manière aussi stricte aux fonctionnaires des cadres scientifique ou technique. Il résulterait en fait de l’article 2 de cette décision que, pour les fonctionnaires relevant notamment de la carrière de fonctionnaire scientifique ou technique A 8/A 5, le classement aux grades intermédiaires A 7 et A 6 de cette carrière serait normal dès lors que la durée de l’expérience professionnelle exigée par cette disposition est satisfaite. Elle serait de huit ans pour être classé au premier échelon du grade A 6 et de trois ans pour le grade A 7.

41      En l’espèce, lorsque le requérant a été recruté en tant qu’agent temporaire, la Commission lui aurait reconnu, avec effet au 16 septembre 1999, une expérience professionnelle d’un minimum de cinq ans. Lorsqu’il a été recruté en tant que fonctionnaire, le 16 avril 2004, il aurait donc justifié d’une expérience professionnelle bonifiable, au titre de l’article 31 du statut, de plus de huit ans. Par conséquent, en application de l’article 2 de la décision du 11 octobre 1984, il aurait dû, d’abord, être nommé au grade A 6 et son échelon aurait dû, ensuite, être fixé conformément à l’article 32 du statut et à l’article 4 de la décision du 11 octobre 1984. Cela n’aurait pas été le cas en l’espèce. Partant, la décision attaquée aurait été prise en violation des articles 31 et 32 du statut et de la décision du 11 octobre 1984 et elle devrait être annulée.

42      Le principe de la continuité de carrière des agents temporaires titularisés fonctionnaires à la suite de concours de titularisation ne serait pas susceptible de modifier cette conclusion. Il résulterait de la jurisprudence que les fonctionnaires, d’une part, et les agents temporaires, d’autre part, se trouvent dans des situations statutaires différentes. Par conséquent, le contrat d’agent temporaire ne pourrait être la source d’aucun droit susceptible d’être invoqué comme étant acquis par l’agent qui est ensuite nommé fonctionnaire, sauf s’agissant du régime de pension.

43      La Commission fait observer, à titre liminaire, que le classement définitif du requérant au grade A 7, échelon 2, à la suite de son recrutement en tant qu’agent temporaire, a été établi conformément à la décision du 11 octobre 1984.

44      Sur le fond, elle fait valoir, tout d’abord, que l’arrêt Chawdhry/Commission, point 39 supra, cité par le requérant n’est pas pertinent, celui-ci étant relatif au classement d’un agent temporaire lors de son premier engagement par l’institution.

45      Elle reconnaît, ensuite, que l’application de la décision du 11 octobre 1984 au requérant lors de sa nomination en tant que fonctionnaire stagiaire aurait pu conduire à le classer au grade A 6. Cependant, cette décision ne serait applicable que lors de l’engagement d’agents temporaires et lors du recrutement de fonctionnaires relevant des cadres scientifique ou technique. Elle ne viserait pas le classement en grade de personnes antérieurement agents temporaires et devenues fonctionnaires à la suite de leur réussite à un concours de titularisation, car ce cas ne constituerait pas un recrutement au sens de l’article 2 de la décision du fait que les lauréats des concours en cause sont déjà au service de l’institution dans la même catégorie et dans la même carrière. En l’espèce, la nomination du requérant en tant que fonctionnaire stagiaire ne constituerait donc pas un recrutement tel que visé par cette décision et, partant, celle-ci ne lui serait pas applicable, le requérant ayant déjà établi un lien statutaire avec l’institution. La titularisation des agents temporaires « recherche », telle que celle intervenue en l’espèce, ne relèverait donc ni de l’article 31 ni de l’article 32, premier et deuxième alinéas, du statut.

46      La nomination du requérant serait une étape normale de sa carrière, ses tâches et ses responsabilités n’ayant pas changé avant et après sa nomination en tant que fonctionnaire stagiaire, le 16 avril 2004, et sa titularisation à l’issue de son stage, le 16 janvier 2005. C’est pour cela que le requérant aurait conservé le grade et l’échelon qu’il détenait, en qualité d’agent temporaire, juste avant sa nomination en tant que fonctionnaire. La seule disposition qui lui était applicable aurait bien été l’article 32, troisième alinéa, du statut, relatif précisément au cas de l’agent temporaire dont le classement a été fixé conformément aux critères de classement arrêtés par l’institution et nommé fonctionnaire dans le même grade immédiatement à la suite de la période pendant laquelle il était agent temporaire. C’est cette disposition qui lui aurait d’ailleurs été appliquée, selon une pratique administrative bien établie. Il n’en aurait été autrement que si le requérant avait été nommé fonctionnaire à la suite d’un concours général.

47      De plus, toute l’expérience professionnelle du requérant aurait été prise en compte : son expérience antérieure à son engagement comme agent temporaire, en application de la décision du 11 octobre 1984, et son expérience en tant qu’agent temporaire, en vertu de l’article 32, troisième alinéa, du statut.

48      La Commission reconnaît, enfin, la différence de statut existant entre les fonctionnaires, d’une part, et les agents temporaires, d’autre part. Cependant, la jurisprudence citée sur ce point par le requérant ne serait pas pertinente, celle-ci n’étant pas relative au classement en grade, mais uniquement à la question de la prise en compte ou non de l’expérience professionnelle comme agent temporaire au moment de la nomination en tant que fonctionnaire à la suite d’un concours général. En outre, cette jurisprudence serait dépassée depuis l’introduction du troisième alinéa de l’article 32 du statut.

49      La Commission en conclut que le recours est non fondé.

 Appréciation du Tribunal

50      Aux termes de l’article 31, paragraphe 1, du statut, la nomination d’un fonctionnaire nouvellement recruté intervient au grade de base de la carrière pour laquelle il a été recruté. L’article 31, paragraphe 2, du statut permet à l’AIPN de déroger à cette règle dans les limites qu’il énonce.

51      L’article 32, troisième alinéa, du statut prévoit quant à lui que l’agent temporaire nommé fonctionnaire dans le grade qu’il occupait au moment de sa nomination conserve l’ancienneté d’échelon acquise dans ce grade en qualité d’agent temporaire, par dérogation à la règle, énoncée à l’article 32, premier aliéna, selon laquelle le fonctionnaire recruté est classé au premier échelon de son grade.

52      Ainsi, les dispositions précitées, contenues respectivement aux articles 31 et 32 du statut, traitent apparemment de questions différentes, puisque l’article 31 évoque le classement en grade des fonctionnaires nouvellement recrutés et l’article 32 leur classement en échelon. Une lecture littérale de l’article 32, troisième alinéa, n’interdit pas, a priori, d’admettre qu’un agent temporaire nommé fonctionnaire puisse être classé, en application de l’article 31, paragraphe 2, à un grade supérieur à celui qu’il détenait comme agent temporaire, un tel classement faisant seulement obstacle à ce qu’il bénéficie du report de son ancienneté d’échelon antérieurement acquise dans le grade inférieur.

53      Une telle interprétation serait toutefois contraire à la construction et à la finalité des dispositions invoquées, qui ne peuvent faire l’objet d’une application conjointe pour la détermination du classement d’un agent temporaire à la suite de sa titularisation.

54      En effet, en tant qu’il se place dans l’hypothèse qu’un agent temporaire conservera son grade après sa nomination comme fonctionnaire, l’article 32, troisième alinéa, du statut emporte exception à la règle de classement au grade de début de la carrière du fonctionnaire nouvellement recruté et constitue une règle spéciale dont l’effet est, implicitement mais nécessairement, de placer la titularisation des agents temporaires en dehors du champ d’application de l’article 31 du statut, c’est-à-dire aussi du paragraphe 2 de cet article.

55      En outre, l’objet de la dérogation énoncée par l’article 31, paragraphe 2, du statut est de permettre à l’institution concernée, en sa qualité d’employeur, de s’attacher les services d’une personne qui risque, dans le contexte du marché du travail, de faire l’objet de sollicitations nombreuses d’autres employeurs potentiels et donc de lui échapper (ordonnance du Tribunal du 13 février 1998, Alexopoulou/Commission, T‑195/96, RecFP p. I‑A‑51 et II‑117, point 37, et arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, Herbillon/Commission, T‑411/03, non encore publié au Recueil, point 77). Partant, l’article 31, paragraphe 2, du statut offre à la Commission la faculté d’accorder, à titre exceptionnel, à un candidat exceptionnel, des conditions plus attrayantes afin de se réserver ses services (ordonnance Alexopoulou/Commission, précitée, point 37, et arrêt du Tribunal du 6 juillet 1999, Forvass/Commission, T‑203/97, RecFP p. I‑A‑129 et II‑705, point 44), ce qui est notamment le cas lorsqu’un employeur, autre que l’institution communautaire concernée, a manifesté son intérêt au recrutement du candidat (arrêts du Tribunal du 11 juillet 2002, Wasmeier/Commission, T‑381/00, RecFP p. I‑A125 et II‑677, point 81, et du 10 mai 2006, R/Commission, T‑331/04, non publié au Recueil, point 37).

56      Lorsque, comme en l’espèce, la nomination intervient à la suite d’un concours interne destiné à permettre la titularisation d’agents occupant déjà un poste au sein de l’institution, cette justification de la possibilité de classement dérogatoire de l’intéressé fait défaut.

57      Enfin, les mérites exceptionnels qui peuvent justifier qu’un nouveau fonctionnaire bénéficie d’un classement autre que le classement au grade de début de la carrière pour laquelle il est recruté ont déjà pu être pris en compte, s’il était auparavant employé comme agent temporaire, lors de son engagement initial et à l’occasion des actes subséquents ayant marqué l’évolution de sa carrière au sein de l’institution. Par conséquent, le grade et l’échelon atteints par la personne en tant qu’agent temporaire constituant déjà le reflet de son expérience et de ses mérites au moment de sa titularisation, une application à son bénéfice de l’article 31, paragraphe 2, reviendrait à prendre en compte une seconde fois les mêmes données.

58      En l’espèce, le requérant reconnaît expressément avoir déjà bénéficié d’un classement dérogatoire par rapport au principe posé à l’article 31, paragraphe 1, du statut lors de son engagement en tant qu’agent temporaire et il est constant qu’il a par la suite bénéficié d’avancements en grade et en échelons réguliers.

59      Il en résulte que c’est à bon droit que l’AIPN a exclu de faire bénéficier le requérant de l’application de l’article 31, paragraphe 2, du statut, cette disposition ne concernant pas le cas du recrutement comme titulaires des personnes employées comme agents temporaires, au classement desquelles s’applique, comme règle spéciale, l’article 32, troisième alinéa.

60      Par suite, le requérant ne peut pas davantage se prévaloir de la décision du 11 octobre 1984, par laquelle la Commission a adopté des directives internes précisant les modalités de l’application éventuelle de l’article 31, paragraphe 2, du statut lors d’une nomination (voir, en ce sens, arrêt Chawdhry/Commission, point 39 supra, point 38), sa situation ne relevant pas de cette disposition du statut.

61      Partant, l’argumentation du requérant doit être écartée.

62      La circonstance, invoquée par le requérant, que les agents temporaires et les fonctionnaires se trouvent dans des situations statutaires différentes (arrêt de la Cour du 19 avril 1988, Sperber/Cour de justice, 37/87, Rec. p. 1943, points 8 et 9), n’affecte pas cette conclusion. En effet, cette différence de situation ne fait pas obstacle à ce que la détermination du classement d’un agent temporaire nommé fonctionnaire à la suite d’un concours visant à le titulariser dans ses fonctions relève du seul article 32, troisième alinéa, du statut, lequel prévoit, dans le cas qu’il envisage, une continuité de la carrière de l’intéressé lors de son passage du statut d’agent temporaire au statut de fonctionnaire.

63      Il résulte de ce qui précède que le moyen unique soulevé par le requérant doit être rejeté, ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

64      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Legal

Wiszniewska-Białecka

Moavero Milanesi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 février 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       H. Legal


* Langue de procédure : le français.