Language of document : ECLI:EU:T:2011:184

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

14 avril 2011 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale Tila March – Marque nationale figurative antérieure CARMEN MARCH – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑433/09,

TTNB, établie à Paris (France), représentée initialement par MJ.-M. Moiroux, puis par Mes Moiroux et C. Beudard, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Carmen March Juan, demeurant à Madrid (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 20 août 2009 (affaire R 1538/2008‑2), relative à une procédure d’opposition entre Mme Carmen March Juan et TTNB,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, F. Dehousse (rapporteur) et A. Popescu, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 29 octobre 2009,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 18 février 2010,

à la suite de l’audience du 18 janvier 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 19 octobre 2006, Mme Tamara Taichman a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Tila March.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3, 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; sacs ; sacs à main ; sacs de plage ; sacs à dos ; sacs de voyage ; sacs de sport ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et selleries » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 12/2007, du 26 mars 2007.

5        Le 12 avril 2007, la demande de marque communautaire a été cédée à la requérante, la société TTNB.

6        Le 18 juin 2007, Mme Carmen March Juan, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

7        L’opposition était fondée sur la marque nationale figurative reproduite ci-après, enregistrée en Espagne, le 10 janvier 2006, sous le numéro 2661463 :

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8        Cette marque a été enregistrée pour des produits relevant notamment des classes 3, 18 et 25 et correspondant à la description suivante :

–        classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices, déodorants à usage personnel » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; sacs ; sacs à main ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie » ;

–        classe 25 : « Articles d’habillement pour femmes, hommes ou enfants et chaussures (à l’exception des chaussures orthopédiques), chapellerie ».

9        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

10      Le 29 août 2008, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité. Elle a considéré, tout d’abord, que tous les produits visés dans la demande de marque communautaire étaient identiques aux produits couverts par la marque antérieure. Elle a estimé, ensuite, que les signes en conflit étaient faiblement similaires sur les plans visuel et phonétique et qu’ils n’étaient pas similaires sur le plan conceptuel. Elle a relevé, enfin, que la marque antérieure présentait un caractère distinctif moyen. Dans ce contexte, la division d’opposition a conclu qu’il n’existait pas de risque de confusion.

11      Le 24 octobre 2008, Mme Carmen March Juan a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition.

12      Par décision du 20 août 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a annulé la décision de la division d’opposition et a rejeté la demande de marque communautaire. Elle a considéré, en particulier, que les signes en conflit seraient perçus en Espagne comme étant des noms de personne, constitués d’un prénom suivi d’un patronyme, que le consommateur espagnol attribuerait un caractère distinctif plus grand au patronyme March et que ce caractère distinctif serait renforcé par le fait que ledit patronyme serait connu du public pertinent, mais peu fréquent. Dans ces conditions, la chambre de recours a estimé que le terme « march » constituait l’élément distinctif des signes en conflit. Tenant compte de cet élément, et au regard de l’identité des produits en cause, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et autoriser l’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

14      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité du premier chef de conclusions de la requérante

15      Par son premier chef de conclusions, la requérante demande notamment, en substance, au Tribunal d’ordonner l’enregistrement de la marque demandée. À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009, l’OHMI est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union européenne. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser à l’OHMI une injonction. Il incombe à celui-ci de tirer les conséquences du dispositif et des motifs du présent arrêt [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 11 février 2009, Bayern Innovativ/OHMI – Life Sciences Partners Perstock (LifeScience), T‑413/07, non publié au Recueil, point 17, et du 9 décembre 2009, Earle Beauty/OHMI (SUPERSKIN), T‑486/08, non publié au Recueil, point 9]. Le premier chef de conclusions de la requérante, en tant qu’il demande au Tribunal d’ordonner l’enregistrement de la marque demandée, est donc irrecevable.

 Sur le fond

16      La requérante invoque un moyen unique, à l’appui du recours, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

17      Elle conteste l’appréciation de la similitude des signes en conflit effectuée par la chambre de recours et fait valoir que cette dernière a conclu à tort à l’existence d’un risque de confusion.

18      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

19      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

20      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

21      En l’espèce, il convient de relever, comme la chambre de recours l’a constaté au point 19 de la décision attaquée, que les produits en cause sont identiques, ce que les parties ne contestent pas.

22      Par ailleurs, comme la chambre de recours l’a constaté au point 21 de la décision attaquée, l’opposition a été fondée sur la marque antérieure enregistrée en Espagne. En conséquence, pour déterminer s’il existe un risque de confusion entre les marques en conflit, il convient de tenir compte du point de vue du public pertinent dans cet État.

23      Enfin, il y a lieu de relever que les produits concernés par le présent recours sont des produits de consommation courante. Dès lors, comme la chambre de recours l’a retenu, le public concerné est constitué du consommateur moyen, censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

24      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si la chambre de recours a estimé, à juste titre, qu’un risque de confusion existait entre les marques en cause.

 Sur la comparaison des signes

25      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques que le consommateur moyen a des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

26      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 30, et du 26 janvier 2006, Volkswagen/OHMI – Nacional Motor (Variant), T‑317/03, non publié au Recueil, point 46].

27      En l’espèce, il convient de relever que la chambre de recours a considéré que le terme « march » constituait l’élément « le plus distinctif » des signes en conflit.

28      La requérante ne conteste pas formellement cette appréciation de la chambre de recours. Elle se contente d’insister sur l’importance des autres éléments des signes en conflit, sans soutenir que le terme « march » ne serait pas l’élément le plus distinctif desdits signes.

29      En tout état de cause, à supposer qu’il faille considérer que, par ses arguments, la requérante conteste que le terme « march » est l’élément le plus distinctif des signes en conflit, il y a lieu de relever que la marque antérieure est une marque figurative composée des éléments « carmen » et « march » écrits en lettres majuscules dans une police de caractère commune et légèrement stylisée. La marque demandée est une marque verbale composée des éléments « tila » et « march » écrits en lettres minuscules, à l’exception des lettres « t » et « m » écrites en lettres majuscules.

30      Pour ce qui est de la marque antérieure, l’association des termes « carmen » et « march » conduira le public pertinent à considérer que la marque antérieure est constituée d’un prénom suivi d’un nom de famille, en particulier car le prénom Carmen est fréquemment utilisé en Espagne et que le nom de famille March est connu dudit public, ce que ne conteste pas la requérante. De plus, dans les secteurs de l’habillement, de la mode ou des produits de beauté, concernés par le présent litige, l’usage de signes constitués de patronymes est courant [voir, s’agissant des secteurs de la mode et de l’habillement, arrêt du Tribunal du 1er mars 2005, Sergio Rossi/OHMI – Sissi Rossi (SISSI ROSSI), T‑169/03, Rec. p. II‑685, point 83]. À cet égard, il y a lieu de relever que s’il se peut que, dans une partie de l’Union, le nom de famille ait, en règle générale, un caractère distinctif plus élevé que celui du prénom, il convient, cependant, de tenir compte des éléments propres à l’espèce et, en particulier, de la circonstance que le nom de famille en cause est peu courant ou, au contraire, très répandu, ce qui est de nature à jouer sur ce caractère distinctif (arrêt de la Cour du 24 juin 2010, Becker/Harman International Industries, C‑51/09 P, non encore publié au Recueil, point 36). En l’espèce, il y a lieu de souligner que le terme « march », même s’il constitue un nom de famille connu en Espagne, est peu fréquent, ce que retient la chambre de recours et ce que ne conteste pas la requérante. Cet élément revêt donc un caractère distinctif eu égard aux produits concernés. Dans ces conditions, et dans la mesure où l’usage du prénom Carmen est, quant à lui, fréquent en Espagne, il y a lieu de considérer que le terme « march » est effectivement l’élément le plus distinctif de la marque antérieure.

31      Pour ce qui est de la marque demandée, l’association des termes « tila » et « march » pourra, également, être perçue comme faisant référence à un prénom suivi d’un nom de famille, notamment parce qu’elle comprend le terme « march », qui est un nom de famille connu en Espagne, ce que la requérante ne conteste pas. Par ailleurs, la marque demandée, telle que présentée à l’enregistrement, comporte des majuscules au début des termes « tila » et « march », ce qui est habituel dans la présentation des prénoms et des noms de famille, comme l’a relevé la chambre de recours. S’agissant du terme « march », il y a lieu de rappeler que, même s’il constitue un nom de famille connu en Espagne, il est peu fréquent, ce que ne conteste pas la requérante. Cet élément revêt donc un caractère distinctif, eu égard aux produits concernés. S’agissant du terme « tila », il est effectivement plus original que le terme « carmen » de la marque antérieure. Il revêt donc à cet égard un caractère distinctif indéniable. Toutefois, le terme « tila » a une signification en espagnol, à savoir « infusion à base de fleurs de tilleul », comme l’a relevé la chambre de recours. Ce terme appartient donc à la langue parlée par le public pertinent, à la différence du terme « march », qui aura plutôt une connotation anglophone. En outre, le terme « tila » a une consonance espagnole alors que le terme « march » se termine par la suite de lettres « arch », qui n’est pas courante en espagnol, surtout à la fin des mots. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, même si le terme « tila » n’est pas dénué de caractère distinctif, le terme « march » est effectivement l’élément le plus distinctif de la marque demandée.

32      Au surplus, à supposer même que le terme « march » ne soit pas l’élément le plus distinctif dans la marque demandée, il n’est pas possible de conclure, au vu des considérations qui précèdent, que le terme « tila » serait l’élément le plus distinctif de ladite marque, voire son élément dominant. Il n’est pas non plus possible de considérer que le terme « march », dans la marque demandée et eu égard aux produits concernés, aurait un caractère distinctif faible.

33      Tenant compte de ces éléments, il y a lieu de procéder à la comparaison des signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

34      S’agissant de la comparaison des signes en conflit sur le plan visuel, la chambre de recours a estimé que s’il était exact que les premiers éléments verbaux (à savoir les prénoms) étaient complètement différents, l’identité des éléments distinctifs, à savoir les noms de famille, conférait aux marques en cause un certain degré de similitude visuelle.

35      La requérante souligne que la marque antérieure, présentée sous une forme figurative, contient des caractères majuscules, graphiquement stylisés, alors que la marque demandée, purement verbale, est composée de lettres basiques et minuscules, à l’exception des lettres « t » et « m ». De plus, la marque antérieure serait plus longue que la marque demandée. En outre, si les marques en cause ont en commun l’élément « march », ce dernier serait présenté de manière différente au sein des signes en conflit. Par ailleurs, la requérante indique que le premier terme « tila » de la marque demandée est très différent du premier terme,« carmen », de la marque antérieure et que ces termes ne présentent aucune ressemblance visuelle. En outre, compte tenu de sa longueur et de son positionnement au début du signe, le terme « carmen » aurait un impact visuel fort sur la perception, par le consommateur, de la marque antérieure.

36      À titre liminaire, il convient de rappeler que rien ne s’oppose à ce que soit vérifiée l’existence d’une similitude visuelle entre une marque verbale et une marque figurative, étant donné que ces deux types de marques ont une configuration graphique capable de donner lieu à une impression visuelle [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 4 mai 2005, Chum/OHMI – Star TV (STAR TV), T‑359/02, Rec. p. II‑1515, point 43, et la jurisprudence citée].

37      En l’espèce, il y a lieu de relever, d’une part, que la marque antérieure est constituée de onze lettres et que la marque demandée est composée de neuf lettres et, d’autre part, que les premiers éléments de chaque marque en cause, à savoir « carmen » et « tila », ne sont pas similaires. Toutefois, force est de constater que les deux signes se ressemblent en raison de l’identité de leur second élément « march ». À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’élément « march », commun aux deux signes, est l’élément le plus distinctif de ceux-ci. En toute hypothèse, à supposer que l’élément verbal « march » ne soit pas l’élément le plus distinctif de la marque demandée, cela ne saurait remettre en cause le fait qu’il en constitue un élément distinctif et qu’il est identique à l’élément le plus distinctif de la marque antérieure.

38      Dès lors, s’il est vrai que les marques en conflit sont d’une longueur différente, l’impression d’ensemble produite par ces marques amène à constater que celles-ci présentent une certaine similitude sur le plan visuel du fait de leur élément distinctif commun, comme l’a constaté à juste titre la chambre de recours au point 33 de la décision attaquée.

39      Par ailleurs, il y a lieu de relever que la marque antérieure, figurative, est faiblement stylisée, de sorte que l’attention du consommateur ne sera pas attirée par le graphisme de ladite marque. Le fait que la marque antérieure soit écrite en lettres majuscules ne modifiera pas non plus, en l’espèce, la perception des éléments verbaux par le public pertinent, notamment dans la mesure où l’écriture en lettres majuscules est un procédé usuel dans le domaine commercial.

40      Il en résulte que, même si la marque dont l’enregistrement est demandé est une marque verbale alors que la marque antérieure est une marque figurative, et même si le premier élément de chacun des signes en conflit est différent, il y a lieu de considérer que la présence de l’élément commun « march » ne permet pas de nier l’existence d’un certain degré de similitude sur le plan visuel entre les marques en cause.

41      Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en constatant que les signes en conflit présentaient un certain degré de similitude visuelle.

42      S’agissant de la comparaison des signes en conflit sur le plan phonétique, la chambre de recours a estimé que les similitudes visuelles constatées entre les signes en conflit se reflétaient sur le plan phonétique. Partant, les marques en conflit présenteraient un certain degré de similitude phonétique.

43      La requérante souligne que les rythmes et sonorités des marques en cause sont très différents. Les premiers éléments des signes en cause seraient extrêmement distincts dès lors que les termes « carmen » et « tila » ne présentent aucune sonorité commune, ni même approchante. Les ressemblances phonétiques entre les signes en conflit porteraient sur l’élément commun « march », dont le rythme bref de prononciation et la sonorité sourde n’auraient qu’un impact très limité sur la perception phonétique desdits signes dans leur ensemble.

44      À cet égard, il y a lieu de relever que les premiers éléments des signes en cause, à savoir « carmen » et « tila », ne présentent aucune sonorité commune, ni même approchante. En revanche, l’élément « march » est positionné dans les marques en cause à la même place et sera prononcé de manière identique par le public pertinent. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, la similitude phonétique des marques en cause est accentuée par la présence de trois syllabes dans chacune d’elle, qui crée une identité rythmique au niveau de la prononciation. De même, est dénuée de fondement la thèse de la requérante selon laquelle l’élément commun « march », compte tenu de son rythme bref de prononciation et de sa sonorité sourde, n’aurait qu’un impact très limité sur la perception phonétique des signes en cause dans leur ensemble. En effet, dans la mesure où, en particulier, la suite de lettres « arch » n’est pas courante en espagnol, notamment à la fin des mots, l’élément verbal « march » aura nécessairement une incidence sur la perception phonétique des signes en conflit par le public pertinent.

45      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, s’il est exact que les premiers éléments des signes en conflit sont différents, l’élément « march », qui est commun aux deux signes, est l’élément le plus distinctif de ceux-ci. En toute hypothèse, même à supposer que l’élément « march » ne soit pas l’élément le plus distinctif de la marque demandée, cela ne saurait remettre en cause le fait qu’il en constitue un élément distinctif et qu’il est identique à l’élément le plus distinctif de la marque antérieure.

46      Dès lors, malgré les différences phonétiques existantes entre les premiers éléments des signes en conflit, il y a lieu de considérer que l’identité phonétique de l’élément commun « march » pour le public pertinent et les rythmes de prononciation identiques desdits signes ne permettent pas de nier l’existence d’un certain degré de similitude sur le plan phonétique entre ces signes.

47      Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en constatant que les signes en conflit présentaient un certain degré de similitude phonétique.

48      S’agissant de la comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel, la chambre de recours a estimé que le consommateur déduira normalement des prénoms distincts Carmen et Tila que les marques désignent deux personnes différentes. Toutefois, en raison du patronyme March, commun aux deux marques et peu courant en Espagne, et compte tenu des produits en cause, il serait probable que le consommateur perçoive lesdites marques comme étant les noms de deux personnes appartenant à une même famille de créateurs ou de célébrités. Les marques en cause présenteraient, dès lors, une certaine similitude conceptuelle.

49      La requérante soutient que, dans la mesure où le terme « tila » a une signification en langue espagnole et sera compris comme désignant une sorte de thé, le consommateur doutera que ce terme puisse servir à identifier une personne. Même dans l’hypothèse selon laquelle les signes en conflit seraient perçus comme des prénoms suivis d’un nom de famille par le public pertinent, les prénoms Carmen et Tila seraient tellement éloignés que le consommateur espagnol serait parfaitement en mesure de concevoir qu’il s’agit de deux personnes radicalement différentes. En outre, il serait extrêmement original de prénommer une personne en utilisant le nom d’un type de thé, à savoir le tilleul. Cette originalité ne manquerait pas de frapper l’esprit du consommateur espagnol et de lui permettre de faire aisément la différence entre les marques en cause.

50      À cet égard, il y a lieu de considérer que, pour les raisons exposées aux points 30 et 31 ci-dessus, les signes en conflit pourront être perçus comme faisant référence à un prénom suivi d’un nom de famille. Il y a donc lieu de rejeter les arguments de la requérante à cet égard.

51      Si la requérante soutient que, du fait de l’originalité du terme « tila », le consommateur pertinent percevra les signes en conflit comme désignant deux personnes distinctes, il y a lieu de rappeler que le terme « march » est l’élément le plus distinctif desdits signes. En outre, à supposer que l’élément verbal « march » ne soit pas l’élément le plus distinctif de la marque demandée, cela ne saurait remettre en cause le fait qu’il en constitue un élément distinctif et qu’il est identique à l’élément le plus distinctif de la marque antérieure. Dans ces conditions, il ne saurait être exclu que le public pertinent, confronté aux signes en conflit, puisse considérer que lesdits signes, compte tenu des produits concernés, renvoient à des créateurs appartenant à la même famille, et cela d’autant plus que le nom de famille March est peu fréquent en Espagne.

52      Dès lors, malgré les différences existant entre les premiers éléments des signes en conflit, il y a lieu de considérer que la perception par le public pertinent desdits signes comme étant constitués de prénoms suivis d’un nom de famille, l’élément commun « march » ainsi que son caractère distinctif ne permettent pas de nier l’existence d’un certain degré de similitude sur le plan conceptuel entre ces signes.

53      Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en constatant que les signes en conflit présentaient un certain degré de similitude conceptuelle.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

54      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74].

55      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, en substance, que, eu égard au fait que le terme « march » était l’élément le plus distinctif des signes en conflit, les prénoms différents dans chacun desdits signes ne seraient pas suffisants pour écarter tout risque de confusion. La chambre de recours a relevé, de surcroît, que les produits concernés étaient identiques. Tenant compte de l’ensemble de ces facteurs, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion.

56      La requérante soutient, quant à elle, que, en raison de sa signification, de son positionnement au début du signe et de son originalité, le terme « tila » ne peut être « arbitrairement écarté » de la comparaison des signes en conflit. En outre, le consommateur prêterait généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin. Enfin, l’OHMI et les juridictions espagnoles auraient écarté, dans des affaires mettant également en cause des noms de famille, tout risque de confusion.

57      Premièrement, compte tenu des similitudes visuelles, phonétiques et conceptuelles des marques en conflit tenant à l’existence d’un élément distinctif commun, il y a lieu de considérer que l’existence d’une similitude entre ces marques est établie. De plus, il convient de souligner que les produits concernés par le présent recours sont identiques. Cette identité a pour corollaire que la portée des différences entre les marques en cause est atténuée [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 7 septembre 2006, Meric/OHMI – Arbora & Ausonia (PAM-PIM’S BABY-PROP), T‑133/05, Rec. p. II‑2737, point 74, et du 17 avril 2008, Dainichiseika Colour & Chemicals Mfg./OHMI – Pelikan (Représentation d’un pélican), T‑389/03, non publié au Recueil, point 98].

58      Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que la requérante ne conteste pas formellement la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le terme « march » serait l’élément distinctif des signes en conflit. La requérante se contente d’insister sur l’importance des autres éléments desdits signes et, en particulier, sur celle du terme « tila », qui ne pourrait pas être, selon elle, « arbitrairement écarté » de la comparaison des signes en cause. À cet égard, il y a lieu de souligner que le terme « tila » n’a pas été écarté de la comparaison des signes en conflit par la chambre de recours. Cette dernière a simplement souligné que l’existence de prénoms différents dans les signes en conflit n’était pas suffisante pour écarter tout risque de confusion. En outre, à supposer qu’il faille considérer que, par ses arguments, la requérante conteste que le terme « march » est l’élément le plus distinctif des signes en conflit, il y a lieu de les rejeter pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 30 et 31 ci-dessus. Au surplus, il y a lieu de rappeler que, à supposer même que le terme « march » ne soit pas l’élément le plus distinctif dans la marque demandée, il n’est pas possible de conclure que le terme « tila » le serait, voire qu’il serait l’élément dominant de ladite marque. Il n’est pas non plus possible de considérer que le terme « march », dans la marque demandée et eu égard aux produits concernés, aurait un caractère distinctif faible (voir points 31 et 32 ci-dessus).

59      Troisièmement, il y a lieu de rappeler que, dans les secteurs concernés par le présent litige, l’usage de signes constitués de patronymes est courant. Par ailleurs, on peut supposer que, en règle générale, un nom de famille rare, comme celui de l’espèce, apparaîtra moins fréquemment qu’un nom de famille très répandu. Dans ces conditions, le consommateur pertinent pourra croire à l’existence d’un lien économique entre tous les titulaires des marques comportant le nom de famille March.

60      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, compte tenu de l’identité des produits concernés, du degré d’attention du public pertinent et des similitudes entre les signes en conflit tenant, en particulier, à l’existence d’un élément distinctif commun, les différences entre lesdits signes ne sont pas suffisantes pour écarter tout risque de confusion entre les marques en cause.

61      Les autres arguments avancés par la requérante ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

62      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le consommateur prête généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin, il y a lieu de rappeler que, pour les raisons exposées précédemment, le terme « march » est l’élément le plus distinctif des signes en conflit ou, à tout le moins, l’élément le plus distinctif de la marque antérieur et un élément distinctif de la marque demandée. Dès lors, rien ne permet de considérer que l’attention du consommateur pertinent sera davantage attirée par le début des signes en conflit.

63      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel, dans des affaires similaires, les juridictions espagnoles comme l’OHMI ont pu écarter l’existence d’un risque de confusion, il convient de rappeler que, pour ce qui est des décisions nationales invoquées par la requérante, le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêt du Tribunal du 19 mai 2009, Euro-Information/OHMI (CYBERCREDIT, CYBERGESTION, CYBERGUICHET, CYBERBOURSE ET CYBERHOME), T‑211/06, T‑213/06, T‑245/06, T‑155/07 et T‑178/07, non publié au Recueil, point 45]. Certes, il résulte de la jurisprudence que ni les parties ni le Tribunal ne sauraient être empêchés de s’inspirer, dans l’interprétation du droit de l’Union, d’éléments tirés de la jurisprudence de l’Union, nationale ou internationale [arrêt du Tribunal du 12 juillet 2006, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Johnson’s Veterinary Products (VITACOAT), T‑277/04, Rec. p. II‑2211, point 71]. Néanmoins, aucune disposition du règlement n° 207/2009 n’oblige l’OHMI ou, sur recours, le Tribunal à parvenir à des résultats identiques à ceux atteints par les administrations nationales dans une situation similaire (arrêt de la Cour du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, Rec. p. I‑551, point 49). En outre, il y a lieu de souligner que, en l’espèce, les décisions nationales invoquées par la requérante portent sur des marques différentes de celles de la présente instance. Pour ce qui est de la pratique décisionnelle de l’OHMI invoquée par la requérante, il ressort d’une jurisprudence constante que les décisions que les chambres de recours de l’OHMI sont amenées à prendre en vertu du règlement n° 207/2009, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci [arrêt de la Cour du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, Rec. p. I‑3569, point 65, et arrêt du Tribunal du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec. p. II‑4891, point 71].

64      Il résulte de l’ensemble de ces éléments que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu qu’il existait entre les marques en cause un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

65      En conséquence, il y a lieu de rejeter le moyen unique soulevé par la requérante et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

66      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      TTNB est condamnée aux dépens.

Forwood

Dehousse

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 avril 2011.

Signatures


* Langue de procédure : le français.