Language of document : ECLI:EU:T:2019:594

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

12 septembre 2019 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Maladie professionnelle ‐ Harcèlement moral – Demande d’assistance – Rejet de la demande – Réponse à la réclamation contenant des données à caractère médical – Secret médical ‐ Demande de suppression de ces données – Protection des personnes physiques à l’égard du traitement de données à caractère personnel – Droit au respect de la vie privée – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑528/18,

XI, fonctionnaire de la Commission européenne, représentée par Me N. Lhoëst, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Berscheid, B. Mongin et Mme R. Striani, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de la Commission du 25 mai 2018 (affaire R/56/18), rejetant la réclamation de la requérante contre la décision de rejet de sa demande d’assistance, fondée sur l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, et, d’autre part, à obtenir réparation du préjudice que la requérante aurait prétendument subi,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, président, MM. E. Bieliūnas (rapporteur) et A. Kornezov, juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 15 mai 2019,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        À compter du 1er juin 2006, la requérante, XI, a été engagée, en tant que fonctionnaire, au bureau des stages de la direction générale de l’éducation et de la culture de la Commission européenne, où elle faisait partie de l’équipe chargée de la gestion de la procédure de présélection des stagiaires.

2        Le 21 janvier 2014, la requérante et quatre autres collègues ont signalé au directeur général de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité (ci-après le « directeur général des ressources humaines ») le comportement, selon elles répréhensible, de leur chef d’unité, Mme B. (ci-après la « chef d’unité » ou l’« ancienne chef d’unité »). Cette plainte a donné lieu à une enquête administrative et à une procédure disciplinaire à l’encontre de leur chef d’unité.

3        Par une note du 19 février 2016, l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC) a informé la requérante de la clôture de l’enquête administrative qui faisait état d’un « dysfonctionnement concernant la procédure de sélection des stagiaires » et du « comportement inacceptable de la [chef] d’unité à l’égard des membres de l’unité ». Cette enquête a été suivie d’un avis motivé du conseil de discipline rendu le 26 janvier 2017. Il recommandait de ne pas imposer de sanction disciplinaire à sa chef d’unité. La procédure disciplinaire a finalement abouti à une décision de blâme prise par l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») tripartite.

4        Par décision du 8 juillet 2016, la requérante a été mise en invalidité au titre de l’article 78, premier à quatrième alinéas, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») avec effet au 1er août 2016.

5        Le 28 juin 2017, la requérante a fait une demande d’assistance, au titre de l’article 24 du statut, afin que sa situation de victime du harcèlement commis par son ancienne chef d’unité soit reconnue (ci-après la « demande d’assistance »). Elle a également effectué une demande de protection fondée sur l’article 22 bis du statut concernant les lanceurs d’alerte.

6        Par décision du 27 octobre 2017 (ci-après la « décision de rejet de la demande d’assistance »), le directeur général des ressources humaines a rejeté la demande d’assistance au motif que, d’une part, l’enquête de l’IDOC, mentionnée au point 3 ci-dessus, n’avait pas permis d’établir que le comportement de l’ancienne chef d’unité à l’égard de la requérante pouvait être qualifié de harcèlement et que, d’autre part, la requérante n’avait pas apporté un début de preuve de l’existence de ce prétendu harcèlement.

7        Le 26 janvier 2018, la requérante a introduit une réclamation contre la décision de rejet de la demande d’assistance, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut (ci‑après la « réclamation de la requérante »). La requérante a notamment fait valoir que par lettre du 25 octobre 2017, le service médical de la Commission aurait reconnu, sur le fondement de l’article 73 du statut, l’origine professionnelle de sa maladie, étant entendu qu’il restait à déterminer le taux d’invalidité permanente partielle. Elle a ajouté qu’après enquête administrative approfondie et objective, l’Office de gestion et de liquidation des droits individuels de la Commission (ci-après le « PMO ») aurait confirmé que le comportement de l’ancienne chef d’unité de la requérante pouvait être considéré comme étant à l’origine de sa maladie professionnelle.

8        Par décision du 25 mai 2018 (ci-après la « décision de rejet de la réclamation » ou la « décision attaquée »), l’AIPN a rejeté la réclamation de la requérante. L’AIPN a notamment relevé qu’il ressortait des informations obtenues du PMO que la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle de la requérante était toujours en cours, en particulier concernant la question de l’ampleur de l’imputabilité de l’aggravation de sa maladie à l’exercice de ses fonctions. Elle a ajouté que le rapport médical de la requérante constatait une « aggravation » d’un état antérieur (trouble anxio‑dépressif) déjà existant. Partant, l’AIPN a estimé qu’il ne pouvait être conclu, sur la base de la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle de la requérante, que son origine serait exclusivement due aux agissements de l’ancienne chef d’unité envers elle.

9        Par lettre du 7 août 2018, destinée au directeur général des ressources humaines, la requérante a constaté que la décision attaquée avait divulgué des informations à caractère médical la concernant, ce qui constituait une violation des droits à la confidentialité, au secret médical et à la protection des données à caractère personnel. Elle a demandé que plusieurs paragraphes de cette décision, concernant ces informations, soient supprimés.

10      Le directeur général des ressources humaines a rejeté cette demande par lettre du 17 août 2018. Selon lui, dès lors que la requérante avait prétendu que l’origine professionnelle de sa maladie avait été reconnue exclusivement à la suite des agissements de l’ancienne chef d’unité envers elle, la Commission était tenue de vérifier ces informations dans le but de répondre à sa réclamation. En outre, le directeur général des ressources humaines a souligné que toute personne appelée à traiter le dossier de la requérante était soumise à une obligation de confidentialité et était tenue de respecter les règles applicables à la Commission, incluant le règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1). De plus, aucune personne à l’extérieur de la Commission, sauf le conseil de la requérante, n’aurait eu accès à la décision attaquée.

11      Par lettre du 28 août 2018, la requérante a réitéré sa demande. Elle a ajouté que le médecin saisi par la Commission avait conclu, dans le cadre de la procédure de reconnaissance de sa maladie professionnelle, à l’absence d’état antérieur et, par conséquent, à l’absence d’aggravation d’une maladie déjà existante.

12      Par lettre du 18 septembre 2018, le directeur général des ressources humaines a maintenu sa position.

II.    Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 septembre 2018, la requérante a introduit le présent recours.

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où elle contient des données à caractère médical ;

–        condamner la Commission au paiement de dommages et intérêts évalués ex æquo et bono à un montant de 5 000 euros à titre de réparation pour les préjudices moraux subis ;

–        condamner la Commission aux dépens.

15      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

16      Le 10 avril 2019, le Tribunal, au titre d’une mesure d’organisation de la procédure prévue à l’article 89 de son règlement de procédure, a invité les parties à se prononcer sur la question de la recevabilité des conclusions présentées par la requérante dans la requête. Les parties ont répondu dans le délai imparti.

III. En droit

17      Le moyen unique, présenté par la requérante à l’appui des conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée, se divise, en substance, en deux branches. Par la première branche, la requérante reproche à la Commission d’avoir violé l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »). Par la seconde branche, la requérante soutient que la Commission a violé le principe de bonne administration et le devoir de sollicitude.

18      Dans le cadre de ses conclusions indemnitaires, la requérante demande la réparation des préjudices moraux prétendument subis résultant des violations commises par la Commission et mentionnées au point 17 ci-dessus.

A.      Sur les conclusions en annulation

1.      Sur la portée des conclusions en annulation

19      Ainsi qu’il ressort du point 14 ci-dessus, par le premier chef de ses conclusions, la requérante demande l’annulation de la décision attaquée dans la mesure où elle contient ses données à caractère médical.

20      Or, il ressort d’une jurisprudence constante que les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée, lorsqu’elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2012, Commission/Strack, T‑197/11 P et T‑198/11 P, EU:T:2012:690, point 162 et jurisprudence citée). En effet, la décision qui rejette une réclamation, qu’elle soit implicite ou explicite, ne fait, si elle est pure et simple, que confirmer l’acte ou l’abstention dont le réclamant se plaint, et ne constitue pas, prise isolément, un acte attaquable (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2004, Valenzuela Marzo/Commission, T‑384/02, EU:T:2004:239, point 36 et jurisprudence citée).

21      En l’espèce, il y a lieu de relever que, même si la décision portant rejet de la réclamation est confirmative de la décision de rejet de la demande d’assistance, cette première contient un réexamen de la situation de la requérante, en fonction d’éléments de droit et de fait nouveaux et concernant, notamment, l’origine de sa maladie. Partant, cette décision ne doit pas être considérée comme ayant un caractère purement confirmatif ou comme étant dépourvue de contenu autonome par rapport à la décision de rejet de la demande d’assistance.

22      Par ailleurs, il ne ressort pas de la requête que la requérante reproche à la Commission d’avoir décidé de rejeter sa réclamation ou sa demande d’assistance, mais elle demande au Tribunal d’annuler la décision attaquée dans la mesure où celle-ci contient les données à caractère médical la concernant. Force est de constater que ces données n’ont pas été relevées dans la décision de rejet de la demande d’assistance, mais, pour la première fois, dans la décision attaquée.

23      Dans ces circonstances, il convient de conclure que, en l’occurrence, le recours introduit par la requérante doit être considéré comme étant uniquement dirigé contre la décision de rejet de la réclamation.

2.      Sur la recevabilité des conclusions en annulation

24      Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que les conditions de recevabilité d’un recours relevant des fins de non-recevoir d’ordre public (voir ordonnance du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, T‑18/10, EU:T:2011:419, point 69 et jurisprudence citée), il appartient au Tribunal de vérifier d’office si ces conditions sont satisfaites.

25      Dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, mentionnées au point 16 ci-dessus, la Commission soutient que la requête pourrait être interprétée comme n’ayant pas pour objet l’annulation du dispositif de la décision attaquée, mais l’annulation de la partie des motifs de ladite décision se référant à la situation médicale de la requérante. En outre, la Commission indique qu’il ressort de la requête que, selon la requérante, la consultation de ses données à caractère médical et leur inclusion dans les motifs de la décision attaquée n’étaient pas nécessaires en l’espèce pour rejeter la réclamation. Dans ces circonstances, selon la Commission, la requérante ne saurait soutenir que lesdits motifs de la décision attaquée doivent être considérés comme constituant le support nécessaire de son dispositif. Partant, le recours devrait être rejeté comme étant irrecevable.

26      La requérante observe, dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, que le fait qu’elle ne conteste pas spécifiquement le dispositif de la décision attaquée, mais uniquement certains de ses motifs, n’affecte pas la recevabilité de son recours en annulation. À cet égard, elle soutient que les motifs et le dispositif de cette décision forment un tout indissociable. En effet, selon la requérante, les motifs de la décision attaquée permettent d’expliquer et de comprendre son dispositif, lequel, de son côté, doit être compris à la lumière des motifs qui le précèdent. En conséquence, la requérante relève que c’est à juste titre que, pour contester la motivation évoquée à l’appui du dispositif de la décision attaquée, elle a introduit un recours contre cette décision en ce qu’elle contenait des données à caractère médical.

27      Tout d’abord, il y a lieu d’indiquer que par le dispositif unique de la décision attaquée, la Commission a rejeté la réclamation de la requérante contre la décision de rejet de sa demande d’assistance.

28      Or, par le premier chef de ses conclusions, la requérante demande au Tribunal d’annuler la décision attaquée dans la mesure où elle contient les données à caractère médical la concernant. En revanche, ainsi qu’il a été relevé aux points 22 et 26 ci-dessus, d’une part, il ne ressort pas de la requête que la requérante reproche à la Commission d’avoir décidé de rejeter sa réclamation ou sa demande d’assistance et, d’autre part, la requérante a admis que les conclusions en annulation, présentées dans la requête, n’étaient pas dirigées contre le dispositif de la décision attaquée, mais uniquement contre certains de ses motifs.

29      À cet égard, il ressort de la jurisprudence qu’une condition indispensable à la recevabilité de tout recours formé par les fonctionnaires contre l’acte de l’institution dont ils relèvent est l’existence d’un acte faisant grief. Selon une jurisprudence constante, seules les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci, sont susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2005, D/BEI, T‑275/02, EU:T:2005:81, point 43 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 14 décembre 2017, Martinez De Prins e.a./SEAE, T‑575/16, EU:T:2017:911, point 30 et jurisprudence citée).

30      En outre, bien que les motifs et le dispositif d’un acte forment un tout indissociable, il convient d’indiquer que quels que soient les motifs sur lesquels repose l’acte, seul son dispositif est susceptible de produire des effets juridiques et, par voie de conséquence, de faire grief. Quant aux appréciations formulées par la Commission dans les motifs de la décision attaquée, elles ne sont pas susceptibles de faire, en tant que telles, l’objet d’un recours en annulation. Elles ne pourraient être soumises au contrôle de la légalité du juge de l’Union que dans la mesure où, en tant que motifs d’un acte faisant grief, elles constitueraient le support nécessaire de son dispositif (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 1992, NBV et NVB/Commission, T‑138/89, EU:T:1992:95, point 31, et ordonnance du 21 septembre 2012, TI Media Broadcasting et TI Media/Commission, T‑501/10, non publiée, EU:T:2012:460, point 55).

31      Ainsi, il convient d’examiner si les motifs de la décision attaquée qui contiennent les données à caractère médical concernant la requérante, constituent le support nécessaire du dispositif de cette décision.

32      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, définit le harcèlement moral comme une « conduite abusive » qui requiert, pour être établie, que deux conditions cumulatives soient satisfaites. La première condition est relative à l’existence de comportements, paroles, actes, gestes ou écrits qui se manifestent « de façon durable, répétitive ou systématique », ce qui implique que le harcèlement moral doit être compris comme un processus s’inscrivant nécessairement dans le temps et suppose l’existence d’agissements répétés ou continus, et qui sont « intentionnels ». La seconde condition, séparée de la première par la conjonction « et », exige que ces comportements, paroles, actes, gestes ou écrits aient pour effet de porter atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne (arrêt du 13 décembre 2017, HQ/OCVV, T‑592/16, non publié, EU:T:2017:897, point 101 ; voir, également, arrêt du 17 septembre 2014, CQ/Parlement, F‑12/13, EU:F:2014:214, points 76 et 77 et jurisprudence citée).

33      Il y a lieu d’indiquer que la Commission, aux pages 9 et 10 de la décision attaquée, a révélé des données à caractère médical concernant la requérante, afin de répondre à l’argument de la requérante selon lequel la seconde condition de l’existence du harcèlement moral, telle qu’elle est établie au point 32 ci-dessus, était remplie, puisqu’il existait un lien entre les comportements de l’ancienne chef d’unité de la requérante et l’atteinte à son intégrité physique ou psychique.

34      Or, il ressort de la lecture de la partie de la décision attaquée intitulée : « Sur le prétendu harcèlement de Mme B. » (pages 7 à 10 de la décision attaquée) que, selon la Commission, en substance, aucun des comportements reprochés, par la requérante, à l’ancienne chef d’unité ne pouvait être considéré comme étant abusif ou critiquable.

35      En outre, il convient de souligner que cette partie de la décision attaquée fait abstraction des arguments de la requérante concernant la prétendue atteinte portée à son intégrité physique ou psychique. Certes, aux points g) et j) de cette partie de la décision attaquée, la Commission a fait valoir que la requérante n’avait pas démontré comment les comportements reprochés à son ancienne chef d’unité, à savoir « l’interdiction de gérer la boîte email d’une collègue absente le 22 janvier 2014 » [point g)] et « l’anonymisation de l’intervention de la réclamation vis-à-vis des stagiaires » [point j)], pouvaient lui porter préjudice. Toutefois, dans ces deux cas, il s’agissait de motifs accessoires, mentionnés par la Commission à côté des allégations principales, excluant la possibilité de qualifier ces comportements de critiquables ou d’abusifs. À cet égard, il convient d’observer que, au point g) de cette partie de la décision attaquée, la Commission a constaté que, contrairement à ce que prétendait la requérante, le message de Mme B. n’était pas une interdiction, mais uniquement une invitation à ne pas gérer la boîte email de sa collègue absente. En outre, au point j), la Commission a estimé que le comportement reproché, à ce point, à Mme B., constituait la procédure suivie couramment dans d’autres services de la Commission.

36      Dans ces circonstances, il convient de relever que la constatation de la Commission, mentionnée au point 34 ci-dessus, selon laquelle aucun des comportements reprochés, par la requérante, à son ancienne chef d’unité, ne pouvait être considéré comme étant abusif ou critiquable, était suffisante pour conclure que la première condition de l’existence du harcèlement moral, ainsi établie au point 32 ci-dessus, n’était pas remplie, et que, pour cette raison, la réclamation devait être rejetée, sans qu’il fût besoin d’examiner la seconde de ces conditions, relative à l’atteinte à l’intégrité physique ou psychique de la requérante.

37      En effet, dans la mesure où la seconde condition de l’existence du harcèlement moral exige l’existence d’un lien entre le comportement reproché à un prétendu harceleur et l’atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’un fonctionnaire, cette condition ne peut être examinée utilement sans avoir établi préalablement qu’un tel comportement a effectivement eu lieu et que, partant, la première condition de l’existence du harcèlement moral est remplie.

38      En conséquence, il convient de constater que les motifs de la décision attaquée, contenant les données à caractère médical concernant la requérante, ont été présentés à titre surabondant et, en tant que tels, ne constituaient pas le support nécessaire du dispositif de cette décision.

39      Cette conclusion est corroborée par le fait que la Commission a estimé, elle-même, aux pages 9 et 10 de la décision attaquée, que le médecin qui s’était prononcé sur le lien possible et allégué entre la maladie de la requérante et l’exercice de ses fonctions n’était pas compétent pour qualifier les faits invoqués au regard du droit statutaire et pour qualifier juridiquement ces faits de harcèlement. Elle a ajouté que la seule conclusion qui aurait pu être tirée, le cas échéant, de la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle de la requérante était un lien entre sa maladie et le contexte professionnel dans lequel elle travaillait. Partant, selon la Commission, aucune conclusion ne pouvait être tirée de la procédure de reconnaissance de l’origine de sa maladie, quant à l’éventuelle responsabilité de son ancienne chef d’unité dans sa maladie.

40      Il convient donc de conclure que, bien que certaines appréciations formulées par la Commission dans les motifs de la décision attaquée contiennent des données à caractère médical concernant la requérante, elles ne constituent pas un support nécessaire du dispositif de celle-ci, de sorte qu’elles ne sont pas, en l’espèce, susceptibles de faire, en tant que telles, l’objet d’un recours en annulation.

41      Par ailleurs, il y a lieu d’indiquer que par son recours en annulation, la requérante cherche, en réalité, à ce que ses données à caractère médical, révélées dans certains motifs de la décision attaquée, soient supprimées. Cependant, il convient de constater que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation, la compétence du juge de l’Union est limitée au contrôle de la légalité de l’acte attaqué et le Tribunal ne peut, dans l’exercice de ses compétences, adresser une injonction aux institutions de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 12 mars 2014, PAN Europe/Commission, T‑192/12, non publiée, EU:T:2014:152, point 15 et jurisprudence citée), ce que la requérante demande, en réalité, par son premier chef de conclusions.

42      À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de rejeter comme irrecevable le premier chef de conclusions présenté dans la requête, par lequel la requérante a demandé au Tribunal d’annuler la décision attaquée dans la mesure où elle contenait des données à caractère médical.

B.      Sur les conclusions indemnitaires

43      La requérante soutient avoir subi des préjudices moraux résultant des deux fautes commises par la Commission. À cet égard, la requérante indique que, en premier lieu, la Commission a, en substance, afin d’adopter la décision attaquée, transmis du service médical les données à caractère médical concernant la requérante et les a révélées dans ladite décision, et que, en second lieu, elle a refusé de supprimer ces données de la décision attaquée, malgré ses demandes en ce sens.

1.      Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires

44      Dans le mémoire en défense, la Commission excipe de l’irrecevabilité de la demande de la requérante tendant à sa condamnation au paiement de dommages et intérêts, dès lors que la requérante n’a pas respecté la procédure précontentieuse prévue par les articles 90 et 91 du statut. À cet égard, la Commission rappelle que, dans la demande d’assistance, la requérante n’a sollicité aucune indemnisation pour un prétendu préjudice. En outre, dans la réclamation de la requérante, le préjudice invoqué par celle-ci était la conséquence du comportement de son ancienne chef d’unité qui a conduit à son invalidité et de la faute prétendue de la Commission de ne pas avoir assuré sa protection à cet égard. Toutefois, dans la requête, la requérante a demandé, pour la première fois, le paiement de dommages et intérêts pour la réparation du préjudice moral prétendument subi à cause de l’accès injustifié à son dossier médical.

45      En outre, selon la Commission, étant donné que les conclusions indemnitaires portent sur la réparation du préjudice causé par des motifs qui ne viennent pas au soutien du dispositif d’un acte décisionnel faisant grief, la demande en réparation du préjudice causé par la divulgation prétendument irrégulière du dossier médical de la requérante aurait dû donner lieu à une procédure précontentieuse distincte.

46      La requérante soutient que, au stade précontentieux, elle ne pouvait pas introduire une demande indemnitaire fondée sur la divulgation des données à caractère médical, dès lors que ce comportement est apparu, pour la première fois, dans la décision portant rejet de sa réclamation. En outre, selon elle, le principe d’économie de la procédure justifie pleinement que la demande indemnitaire ait été incluse dans le recours en annulation, étant donné que ces conclusions sont étroitement liées.

47      Il convient de rappeler que dans le système des voies de recours instauré par les articles 90 et 91 du statut, un recours en indemnité, qui constitue une voie de droit autonome par rapport au recours en annulation, n’est recevable que s’il a été précédé d’une procédure précontentieuse conforme aux dispositions statutaires. Cette procédure diffère selon que le dommage dont la réparation est demandée résulte d’un acte faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, ou d’un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel. Dans le premier cas, il appartient à l’intéressé de saisir, dans les délais impartis, l’administration d’une réclamation dirigée contre l’acte en cause. Dans le second cas, en revanche, la procédure administrative doit débuter par l’introduction d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut visant à obtenir le dédommagement et se poursuivre, le cas échéant, par une réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande (arrêt du 28 juin 1996, Y/Cour de justice, T‑500/93, EU:T:1996:94, point 64).

48      Cependant, il est de jurisprudence constante que, lorsqu’il existe un lien direct entre un recours en annulation et une action en indemnité, cette dernière est recevable en tant qu’accessoire du recours en annulation, sans qu’elle doive nécessairement avoir été précédée d’une demande invitant l’administration à réparer le préjudice prétendument subi et d’une réclamation contestant le bien-fondé du rejet implicite ou explicite de la demande (voir arrêt du 13 décembre 2012, A/Commission, T‑595/11 P, EU:T:2012:694, point 113 et jurisprudence citée).

49      Il convient de relever que l’objet de la réclamation de la requérante consistait à demander l’indemnisation du préjudice moral qu’elle aurait prétendument subi du fait du comportement de son ancienne chef d’unité envers elle et de la faute de la Commission liée à la violation de son devoir de sollicitude.

50      Il en résulte qu’en demandant, dans la requête, la réparation de préjudices moraux résultant, d’une part, de la consultation et de l’inclusion des données à caractère médical concernant la requérante parmi des motifs de la décision attaquée et, d’autre part, du refus de leur suppression de ladite décision, la requérante a, dans le cadre de la requête, demandé la réparation de préjudices qui n’avaient pas été invoqués dans sa réclamation. Partant, il convient de vérifier s’il existe un lien direct entre le recours en annulation et l’action en indemnité, permettant de constater que cette dernière est recevable en tant qu’accessoire du recours en annulation.

51      À cet égard, il convient de constater qu’il existe un lien direct entre l’action en indemnité fondée sur la première prétendue faute de la Commission, telle qu’elle est mentionnée au point 43 ci-dessus, et le recours visant à l’annulation de la décision attaquée et que cette action est, à cet égard, recevable. En effet, la requérante demande, d’une part, l’annulation de la décision attaquée dans la mesure où elle contient ses données à caractère médical, et d’autre part, la réparation du préjudice moral qu’elle a subi à cause de l’adoption de ladite décision contenant les données à caractère médical.

52      En outre, il importe de relever que, dans les circonstances de l’espèce, l’irrecevabilité des conclusions en annulation n’a pas pour conséquence l’irrecevabilité des conclusions en indemnité, nonobstant l’existence d’un lien direct entre lesdites conclusions. En effet, la jurisprudence selon laquelle l’irrecevabilité d’une demande en annulation entraîne celle de la demande en indemnité, étroitement liée à la demande en annulation, a expressément pour objet d’éviter qu’un fonctionnaire, qui n’a pas attaqué en temps utile une décision de l’AIPN lui faisant grief, ne contourne cette forclusion en présentant un recours en responsabilité fondé sur l’illégalité prétendue de cette décision. Elle n’a donc pas vocation à s’appliquer en l’espèce, la requérante ayant attaqué dans les délais, par un recours en annulation, la décision de rejet de sa réclamation. Ainsi, le fait de déclarer les conclusions en indemnité recevables n’a pas pour conséquence de permettre à la requérante de contourner une forclusion liée à ce qu’elle n’aurait pas demandé dans les délais l’annulation de l’acte prétendument illégal (arrêt du 9 décembre 2010, Commission/Strack, T‑526/08 P, EU:T:2010:506, point 50).

53      En revanche, il convient de constater qu’un lien direct n’existe pas entre le recours en annulation et l’action en indemnité fondée sur le refus de la Commission de supprimer les données à caractère médical de la requérante de la décision attaquée, qui est un comportement postérieur à l’adoption de cette décision et, partant, sans incidence sur sa légalité. Pour cette raison, afin d’assurer la recevabilité de sa demande à cet égard, la requérante était tenue de respecter la procédure précontentieuse prévue par les articles 90 et 91 du statut, et, en particulier, d’introduire une réclamation contre la décision refusant de supprimer ces données, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. En conséquence, la demande en indemnité fondée sur le refus de la Commission de supprimer ces données de la décision attaquée doit être considérée comme étant irrecevable.

2.      Sur le fond des conclusions indemnitaires

54      Selon une jurisprudence constante, le bien-fondé d’un recours en indemnité introduit au titre de l’article 270 TFUE est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage allégué et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 42, et du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, EU:C:2008:107, point 52). Ces trois conditions sont cumulatives, de sorte que l’absence de l’une d’entre elles suffit pour rejeter un recours indemnitaire.

a)      Sur l’illégalité du comportement reproché à l’institution

55      La requérante reproche à la Commission d’avoir commis une atteinte injustifiée et disproportionnée à son droit au respect de la vie privée, en violation de l’article 8 de la CEDH. En effet, la Commission aurait, en substance, afin d’établir la décision de rejet de la réclamation, demandé à son service médical des informations concernant l’origine de la maladie de la requérante et, ensuite, elle aurait révélé ces données dans ladite décision (ci-après le « comportement reproché à la Commission »). Selon la requérante, un tel comportement n’était pas nécessaire, puisque les autres motifs de la décision attaquée étaient déjà suffisants pour rejeter sa réclamation.

56      Au regard de cette argumentation, il y a, tout d’abord, lieu de rappeler que la CEDH ne constitue pas, tant que l’Union n’y a pas adhéré, un instrument juridique formellement intégré à l’ordre juridique de l’Union (arrêts du 26 février 2013, Åkerberg Fransson, C‑617/10, EU:C:2013:105, point 44, et du 20 mars 2018, Menci, C‑524/15, EU:C:2018:197, point 22). Par conséquent, pour le moment, la CEDH ne peut être invoquée comme un critère de contrôle de la légalité de l’action des institutions de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 47, et conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:190, point 66). Ainsi, conformément à la jurisprudence, lorsqu’une disposition de la CEDH est invoquée comme un critère de contrôle de la légalité de l’action des institutions de l’Union, il appartient de la contrôler au regard des dispositions correspondantes de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte ») (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2017, Bay/Parlement, T‑302/16, non publié, EU:T:2017:390, point 55).

57      En conséquence, dans l’affaire en l’espèce, il convient de ne pas contrôler la légalité du comportement reproché à la Commission au regard de l’article 8 de la CEDH, évoqué par la requérante dans la requête, mais au regard des dispositions correspondantes de la Charte, à savoir ses articles 7 et 8 lus conjointement avec son article 52, paragraphe 1 (voir, par analogie, arrêt du 15 juin 2017, Bay/Parlement, T‑302/16, non publié, EU:T:2017:390, point 55). En effet, il ressort de la jurisprudence que la protection des données à caractère personnel, consacrée actuellement à l’article 8 de la Charte, joue un rôle fondamental pour l’exercice du droit au respect de la vie privée, consacré actuellement à l’article 7 de ladite Charte. Le respect du caractère confidentiel des informations sur la santé constitue l’un des droits fondamentaux protégés par l’ordre juridique de l’Union (arrêt du 8 avril 1992, Commission/Allemagne, C‑62/90, EU:C:1992:169, point 23).

58      Toutefois, les droits consacrés aux articles 7 et 8 de la Charte n’apparaissent pas comme étant des prérogatives absolues, mais doivent être pris en considération au regard de leur fonction dans la société (arrêt du 17 octobre 2013, Schwarz, C‑291/12, EU:C:2013:670, point 33). Comme il ressort de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, toute limitation à l’exercice des droits et des libertés reconnus par celle-ci doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui.

59      Partant, il convient d’examiner, en premier lieu, si le comportement reproché à la Commission constituait une atteinte aux droits fondamentaux de la requérante, consacrés aux articles 7 et 8 de la Charte. Dans l’affirmative, il y aura lieu de vérifier, en second lieu, si une telle atteinte pouvait être considérée comme étant justifiée, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de ladite Charte.

1)      Sur l’existence de l’atteinte

60      Il convient d’observer, tout d’abord, qu’il ne ressort pas du mémoire en défense que la Commission conteste le fait que son comportement ait pu constituer une atteinte aux droits fondamentaux en cause. Au contraire, la Commission estime, en substance, que le transfert à un tiers, y compris au sein de la même institution, de données à caractère personnel relatives à l’état de santé, qui devrait être considéré comme un traitement de données à caractère personnel au sens du règlement no 45/2001, constitue une ingérence dans la vie privée de la personne concernée, quelle que soit l’utilisation ultérieure des informations ainsi communiquées.

61      Il y a lieu d’indiquer qu’il ressort de la jurisprudence que tout traitement de données à caractère personnel par un tiers est susceptible, en principe, de constituer une atteinte aux droits fondamentaux prévus par les articles 7 et 8 de la Charte, lus conjointement (arrêt du 17 octobre 2013, Schwarz, C‑291/12, EU:C:2013:670, point 25).

62      À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que l’article 2, sous a), du règlement no 45/2001 prévoit que les données à caractère personnel se rapportent à toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable. Force est de constater que les données relatives à la santé de la requérante relèvent de cette notion, d’autant plus que l’article 10, paragraphe 1, dudit règlement, interdit expressément le traitement de cette catégorie particulière de données, à l’exclusion des exceptions prévues à l’article 10, paragraphe 2, de ce règlement.

63      En second lieu, ainsi qu’il ressort de l’article 2, sous b), du règlement no 45/2001, constitue un traitement de données à caractère personnel toute opération appliquée à ces données, telle que, notamment, leur collecte, leur enregistrement, leur conservation, leur consultation, leur utilisation ou leur communication par transmission. En outre, l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 45/2001 prévoit que les données à caractère personnel ne peuvent faire l’objet de transferts, notamment au sein de l’institution, que si elles sont nécessaires à l’exécution légitime de missions relevant de la compétence du destinataire. Partant, sur la base de la définition large de la notion de « traitement de données à caractère personnel », il est justifié de constater que le comportement reproché à la Commission doit être considéré comme un traitement de données à caractère personnel au sens de l’article 2, sous b), du règlement no 45/2001.

64      Par conséquent, d’une part, il y a lieu de conclure que le comportement reproché à la Commission, étant qualifié de traitement des données à caractère personnel de la requérante, est constitutif d’une atteinte au droit fondamental de la requérante à la protection des données à caractère personnel, garanti par l’article 8 de la Charte. D’autre part, dans la mesure où ce comportement concerne des données relatives à la vie privée de la requérante, notamment à sa santé, ce comportement est également constitutif d’une atteinte au droit à la vie privée de la requérante, consacré par l’article 7 de la Charte.

2)      Sur la justification de l’atteinte

65      Comme il a été mentionné au point 58 ci-dessus, bien que les droits consacrés aux articles 7 et 8 de la Charte n’apparaissent pas comme étant des prérogatives absolues, toute ingérence à l’exercice de ces droits doit respecter un ensemble de conditions cumulatives, parmi lesquelles figure, notamment, l’exigence de la nécessité d’une telle ingérence afin de répondre effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union.

66      La Commission soutient, en substance, qu’elle était tenue d’assurer, d’une part, que la demande de la requérante ne serait pas rejetée avant qu’une preuve péremptoire du harcèlement n’ait été vérifiée et, d’autre part, que la requérante n’accuserait pas injustement un tiers. En outre, la Commission indique que la requérante a mis en avant l’origine professionnelle de sa maladie pour inviter la Commission à reconsidérer son avis sur l’existence du harcèlement. Partant, la Commission ne pouvait pas laisser cet argument sans réponse.

67      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, compte tenu du caractère extrêmement intime et sensible des données à caractère médical, le traitement de ces données appelle un examen particulièrement rigoureux. En effet, il ressort de la jurisprudence que le respect du caractère confidentiel des informations sur la santé constitue l’un des droits fondamentaux protégés par l’ordre juridique de l’Union (arrêt du 8 avril 1992, Commission/Allemagne, C‑62/90, EU:C:1992:169, point 23). Ce principe est capital non seulement pour protéger la vie privée des malades, mais également pour préserver leur confiance dans le corps médical et les services de santé en général (Cour EDH, 25 février 1997, Z c. Finlande, CE :ECHR :1997 :0225JUD 002200993, point 95).

68      Tout d’abord, il convient de rejeter l’argument de la Commission selon lequel elle était tenue de répondre aux arguments de la requérante liés à l’origine professionnelle de sa maladie. À cet égard, comme il a été constaté au point 38 ci-dessus, les motifs de la décision attaquée, concernant l’origine professionnelle de la maladie de la requérante et contenant ses données à caractère médical ont été présentés par la Commission à titre surabondant et, en tant que tels, ne constituent pas le support nécessaire du dispositif de cette décision. Cela signifie que la présentation de tels motifs au sein de la décision attaquée n’était pas nécessaire. En particulier, et en tout état de cause, il n’était pas nécessaire que la Commission précise, en l’identifiant concrètement, le type de maladie dont la requérante supposément souffrait antérieurement, mais pouvait se contenter, pour répondre à l’argument de la requérante, d’indiquer l’existence d’un état de santé antérieure, sans en spécifier la nature.

69      En outre, il y a lieu de relever que le comportement reproché à la Commission n’était pas indispensable afin d’atteindre les objectifs relevés par la Commission et mentionnés au point 66 ci‑dessus. En effet, comme il a été établi aux points 32 à 39 ci-dessus, dans la mesure où la Commission a rejeté les allégations de la requérante relatives à l’existence de comportements critiquables de la part de son ancienne chef d’unité, elle ne pouvait plus, en tout état de cause, établir utilement un lien entre ces comportements et la prétendue atteinte à l’intégrité physique ou psychique de la requérante.

70      À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de constater que l’atteinte aux droits fondamentaux de la requérante, consacrés aux articles 7 et 8 de la Charte, n’était pas nécessaire et, partant, justifiée.

71      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la Commission selon lequel les données à caractère médical de la requérante ont été traitées dans le cadre défini par la notification au délégué à la protection des données du 28 juin 2005 (DPO-140.8). À cet égard, force est de constater que, dans la mesure où le traitement des données à caractère médical de la requérante n’était pas nécessaire, ainsi que cela a été constaté au point 64 ci-dessus, le fait que la Commission ait suivi les règles prévues par ladite notification est sans incidence sur la conclusion constatant une violation des droits fondamentaux de la requérante garantis par les articles 7 et 8 de la Charte, lus conjointement avec l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

72      En conséquence, il convient de conclure que la Commission a violé les articles 7 et 8 de la Charte, lus conjointement avec l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

b)      Sur l’existence dun dommage et le lien de causalité

73      La requérante soutient que la décision attaquée comporte manifestement des appréciations négatives à son sujet, qui sont susceptibles de l’avoir blessée et qui l’ont effectivement blessée, d’autant plus qu’il s’agit d’informations concernant son état de santé mentale. De plus, ces informations sont, selon la requérante, erronées. Enfin, selon la requérante, la décision attaquée a déjà été communiquée à plusieurs services de la Commission et figure dans son dossier personnel.

74      La Commission soutient que les informations présentées dans la décision attaquée étaient exactes et que la décision attaquée n’a pas été versée au dossier personnel de la requérante.

75      Indépendamment du fait de savoir si, d’une part, les données à caractère médical mentionnées dans la décision attaquée sont erronées ou non et, d’autre part, la décision attaquée a été communiquée à d’autres services de la Commission, il ne saurait être contesté que certains fonctionnaires de la Commission ont, au cours de la procédure administrative, pris connaissance des données à caractère médical concernant la requérante et les ont révélées dans la décision attaquée, bien qu’une telle ingérence dans les droit fondamentaux de la requérante, consacrés par les articles 7 et 8 de la Charte, n’ait pas été nécessaire afin d’adopter et de motiver ladite décision, concernant l’existence du harcèlement moral prétendu. Ainsi, quelles que soient les règles de confidentialité en vertu desquelles ces données ont été traitées, force est de constater que, compte tenu, en outre, du caractère extrêmement intime et sensible des données à caractère médical, en particulier celles concernant l’état de santé mentale d’un fonctionnaire, la requérante a pu légitimement se sentir blessée par le comportement reproché à la Commission.

76      Enfin, il y a lieu de constater, ce qui n’est pas contesté par la Commission, qu’il existe, en l’espèce, un lien de causalité entre le comportement reproché à la Commission et le préjudice moral causé à la requérante.

77      Au vu de tout ce qui précède, il convient de constater que la requérante a subi un préjudice moral à cause du comportement reproché à la Commission. En l’espèce, le Tribunal constate qu’il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par la requérante en l’évaluant, ex æquo et bono, à un montant de 2 500 euros.

 Sur les dépens

78      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, l’article 134, paragraphe 3, du même règlement prévoit que si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

79      En l’espèce, le recours en annulation ayant été rejeté comme étant irrecevable, et le recours indemnitaire ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La Commission européenne est condamnée à verser à XI la somme de 2 500 euros.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Tomljenović

Bieliūnas

Kornezov

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 septembre 2019.

 

Signatures      

 



*      Langue de procédure : le français.