Language of document : ECLI:EU:T:2005:279

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

11 juillet 2005 (*)

« Règlement relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen – Recours en annulation – Exception d’irrecevabilité – Acte attaquable – Qualité pour agir – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T-40/04,

Emma Bonino, demeurant à Rome (Italie),

Marco Cappato, demeurant à Vedano al Lambro (Italie),

Gianfranco Dell’Alba, demeurant à Livourne (Italie),

Benedetto Della Vedova, demeurant à Tirano (Italie),

Olivier Depuis, demeurant à Rome,

Marco Pannella, demeurant à Rome,

Maurizio Turco, demeurant à Pulsano (Italie),

Liste Emma Bonino, établie à Rome,

représentés par Mes G. Vandersanden et L. Levi, avocats,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par MM. H. Krück, N. Lorenz et D. Moore, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

et

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme M. Sims et M. I. Díez Parra, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (CE) n° 2004/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 4  novembre 2003, relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen (JO L 297, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM.  J. Pirrung, président, N. J. Forwood et S. Papasavvas, juges,

greffier : M. H. Jung,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique et antécédents du litige

1       Le 4 novembre 2003, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté le règlement (CE) n° 2004/2003 relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen (JO L 297, p. 1) (ci‑après le « règlement attaqué »). Ce règlement a été adopté sur le fondement de l’article 191, deuxième alinéa, CE, selon lequel « [le] Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251 [CE], fixe le statut des partis politiques au niveau européen, et notamment les règles relatives à leur financement ».

2       Les articles 2 à 5 du règlement attaqué sont libellés comme suit :

« Article 2

Définitions

Aux fins du présent règlement, on entend par :

1)      ‘parti politique’ : une association de citoyens :

–       qui poursuit des objectifs politiques, et

–       qui est reconnue par, ou établie en conformité avec, l’ordre juridique d’au moins un État membre ;

2)      ‘alliance de partis politiques’ : une coopération structurée entre deux partis politiques au moins ;

3)       ‘parti politique au niveau européen’ : un parti politique ou une alliance de partis politiques qui remplit les conditions visées à l’article 3.

Article 3

Conditions

Un parti politique au niveau européen remplit les conditions suivantes :

a)       avoir la personnalité juridique dans l’État membre où il a son siège ;

b)       être représenté, dans au moins un quart des États membres, par des membres du Parlement européen ou dans les parlements nationaux ou régionaux ou dans les assemblées régionales, ou

avoir réuni, dans au moins un quart des États membres, au moins trois pour cent des votes exprimés dans chacun de ces États membres lors des dernières élections au Parlement européen ;

c)       respecter, notamment dans son programme et par son action, les principes sur lesquels l’Union européenne est fondée, à savoir les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’État de droit ;

d)       avoir participé aux élections au Parlement européen ou en avoir exprimé l’intention.

Article 4

Demande de financement

1.       Pour bénéficier d’un financement par le budget général de l’Union européenne, un parti politique au niveau européen introduit, chaque année, une demande auprès du Parlement européen.

Le Parlement européen prend une décision dans un délai de trois mois et autorise et gère les crédits correspondants.

2.       La première demande est accompagnée des documents suivants :

a)       les documents attestant que le demandeur remplit les conditions visées à l’article 3 ;

b)       un programme politique qui expose les objectifs du parti politique au niveau européen ;

c)       un statut définissant en particulier les organismes responsables de la gestion politique et financière ainsi que les organismes ou les personnes physiques détenant, dans chacun des États membres concernés, le pouvoir de représentation légale, notamment aux fins d’acquérir ou d’aliéner des biens mobiliers et immobiliers et d’ester en justice.

3.      Toute modification concernant les documents visés au paragraphe 2, notamment d’un programme politique ou d’un statut qui ont déjà été présentés, est notifiée au Parlement européen dans un délai de deux mois. À défaut de notification, le financement est suspendu.

Article 5

Vérification

1.       Le Parlement européen vérifie régulièrement si les partis politiques au niveau européen continuent de respecter les conditions visées à l’article 3, [sous] a) et b).

2.       En ce qui concerne la condition visée à l’article 3, [sous] c), à la demande d’un quart de ses membres, représentant au moins trois groupes politiques au sein du Parlement européen, le Parlement européen vérifie, à la majorité de ses membres, que ladite condition continue d’être respectée par un parti politique au niveau européen.

Avant de procéder à cette vérification, le Parlement européen entend les représentants du parti politique au niveau européen concerné et demande à un comité composé de personnalités indépendantes de rendre un avis sur la question dans un délai raisonnable.

Ce comité se compose de trois membres. Le Parlement européen, le Conseil et la Commission désignent chacun un membre. Le secrétariat et le financement du comité sont assurés par le Parlement européen.

3.       Si le Parlement européen constate que l’une des conditions visées à l’article 3, [sous] a), b) et c), n’est plus remplie, le parti politique au niveau européen en cause, ayant perdu de ce fait cette qualité, est exclu du financement au titre du présent règlement. »

3       Les articles suivants du règlement attaqué concernent les sources du financement et les obligations des partis politiques au niveau européen liées au financement (article 6), l’interdiction d’utiliser le financement communautaire pour soutenir d’autres partis politiques, notamment  des partis nationaux (article 7), et la nature des dépenses auxquelles des crédits provenant du budget de l’Union européenne peuvent être affectés (article 8). L’article 9 comporte des règles budgétaires, notamment en matière d’exécution des crédits et de contrôle des financements. L’article 10 réglemente la clé de répartition des crédits entre les partis politiques au niveau européen.

4       L’article 13 du règlement attaqué, intitulé « Entrée en vigueur et application », prévoit :

« Le présent règlement entre en vigueur trois mois après sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

Les articles 4 à 10 s’appliquent à partir du jour de l’ouverture de la première session tenue après les élections au Parlement européen de juin 2004. »

5       La première session du Parlement européen après les élections européennes de juin 2004 a eu lieu le 20 juillet 2004.

 Procédure et conclusions des parties

6       Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 février 2004, les parties requérantes ont introduit le présent recours.

7       Par actes séparés déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 7 et le 30 avril 2004, le Parlement et le Conseil ont soulevé des exceptions d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

8       Les requérants ont déposé leurs observations sur les exceptions d’irrecevabilité le 16 juin 2004.

9       Le Parlement européen et le Conseil concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours comme irrecevable ;

–       condamner les requérants aux dépens.

10     Dans leurs observations sur les exceptions d’irrecevabilité soulevées par les parties défenderesses, les requérants concluent  à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter les exceptions d’irrecevabilité ;

–       ordonner la poursuite de la procédure au fond ;

–       condamner les parties défenderesses aux dépens.

 En droit

11     Les parties défenderesses soulèvent une fin de non-recevoir tirée de l’article 230, quatrième alinéa, CE. S’agissant du parti politique requérant, la Liste Emma Bonino, le Parlement considère, en outre, que les exigences formelles visées à l’article 44, paragraphe 5, du règlement de procédure n’ont pas été respectées.

12     Il convient d’examiner, tout d’abord, si les requérants remplissent les conditions de recevabilité prévues à l’article 230, quatrième alinéa, CE.

 Arguments des parties

 Arguments des parties défenderesses

13     Le Parlement et le Conseil considèrent, en substance, que les requérants ne sont ni directement ni individuellement concernés par le règlement attaqué. Le Conseil soutient, en outre, que le règlement attaqué n’est pas un acte attaquable au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

–       Sur la nature de l’acte attaqué

14     Le Conseil avance, tout d’abord, que le règlement attaqué n’est pas une décision « déguisée », mais qu’il présente toutes les caractéristiques d’un acte de portée générale, s’appliquant de manière générale et abstraite à des situations déterminées objectivement. Un tel acte ne serait pas attaquable au titre de l’article 230, quatrième alinéa, CE. Le Conseil n’exclut pas que même un acte de portée générale puisse, dans certaines conditions, concerner directement et individuellement une personne physique ou morale, alors que, pour les autres sujets de droit, il revêt un caractère normatif de portée générale. Il souligne cependant que de telles conditions particulières n’existent pas en l’espèce.

15     Le Parlement précise que l’applicabilité directe du règlement attaqué, et notamment de ses articles 2 à 5, en vertu de l’article 249, deuxième alinéa, CE, ne se confond pas avec l’affectation directe, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE. La recevabilité du recours ne saurait être déduite de l’article 249, deuxième alinéa, CE ou de l’applicabilité directe du règlement attaqué.

–       Sur l’absence d’affectation directe des requérants

16     En ce qui concerne l’affectation directe des requérants, le Parlement et le Conseil considèrent, en premier lieu, que les requérants ne sont pas, ou au moins pas tous, les sujets de droit visés par le règlement attaqué.

17     D’une part, concernant les députés requérants, le Conseil et le Parlement soutiennent que le règlement attaqué vise les partis politiques au niveau européen au sens de l’article 2 du règlement attaqué, constitués soit par des associations de citoyens caractérisées, soit par une coopération structurée entre deux ou plusieurs de ces associations. Les députés requérants étant des personnes physiques distinctes des partis auxquels ils appartiennent, ils ne seraient pas directement concernés par l’acte attaqué. Le Parlement ajoute qu’une éventuelle affectation indirecte, du fait que les partis politiques nationaux dont les requérants députés sont membres seraient exclus d’un financement communautaire au titre du règlement attaqué, ne suffit pas pour satisfaire aux exigences de l’article 230, quatrième alinéa, CE. De plus, il fait observer que la requête n’explique pas dans quelle mesure les requérants députés seraient à considérer comme constituant un parti politique au niveau européen.

18     Le Parlement  précise, en outre, que l’éventuelle exclusion du financement communautaire des partis nationaux auxquels les députés requérants appartiennent n’affecterait pas les conditions d’exercice du mandat de ceux-ci, le financement de leur travail étant assuré par d’autres réglementations, notamment par celle concernant les frais et indemnités des députés au Parlement ainsi que par la ligne budgétaire 3701.

19     D’autre part, en ce qui concerne la Liste Emma Bonino, le Parlement considère qu’elle n’est pas non plus un sujet de droit visé par le règlement attaqué. Ce règlement ne visant que les partis politiques au niveau européen au sens de l’article 2 du règlement attaqué, la Liste Emma Bonino en tant que parti politique national ne remplissant pas les conditions requises pour obtenir le statut d’un parti politique au niveau européen ne serait pas directement concernée par cette réglementation.

20     En deuxième lieu, le Parlement fait valoir que les articles 2 et 3 du règlement attaqué, qui fixent les exigences auxquelles les partis politiques au niveau européen doivent satisfaire, n’ont pas d’effets juridiques avant l’entrée en vigueur des articles 4  à 10 du même règlement, dispositions qui réglementent notamment l’octroi du financement communautaire, les droits et obligations des partis politiques au niveau européen et les conditions dans lesquelles il est mis fin à un financement accordé. Conformément à l’article 13 du règlement attaqué, les articles 4 à 10 ne devaient être appliqués qu’à partir du 20 juillet 2004. Au moment de l’introduction du recours, lequel détermine la recevabilité de celui-ci, le règlement attaqué n’aurait donc pas encore produit d’effets sur la situation juridique des requérants. Le Conseil, quant à lui, adopte, en substance, l’argumentation du Parlement.

21     En troisième lieu, le Conseil fait valoir que le règlement attaqué appelle des actes d’exécution de la part du Parlement. D’une part, il relève que l’octroi ou le refus d’un financement ne se produisent pas automatiquement, mais nécessitent une démarche de la part du parti politique souhaitant en bénéficier. D’autre part, il avance que le règlement attaqué prévoit, à différentes reprises, que le Parlement dispose d’une marge d’appréciation dans la mise en œuvre du règlement attaqué.

–       Sur l’absence d’affectation individuelle

22     Premièrement, les institutions défenderesses considèrent que les requérants sont concernés par le règlement attaqué uniquement en raison de critères objectifs qui s’appliquent à toute formation politique. Les requérants seraient concernés exactement de la même manière que tous les autres sujets de droit.

23     Deuxièmement, les institutions défenderesses sont d’avis que les requérants ne font pas partie d’un cercle fermé de personnes concernées par le règlement attaqué. En ce qui concerne les députés requérants, le Conseil fait observer que, au moment où le règlement attaqué est devenu entièrement applicable (le 20 juillet 2004), les mandats qu’ils détenaient au moment de l’introduction des recours étaient venus à échéance. Le Parlement relève, à cet égard, que la composition du Parlement peut varier d’une législature à l’autre et même durant celle-ci. De plus, s’agissant de la Liste Emma Bonino, le Parlement fait observer que la composition du Parlement, en ce qui concerne les partis, peut également changer d’une législature à l’autre. En outre, il relève que le règlement attaqué peut également concerner des partis politiques non représentés au Parlement, ce groupe n’étant pourtant aucunement identifiable.

24     Troisièmement, le Conseil considère que le règlement attaqué ne porte pas atteinte à des droits spécifiques des requérants au sens de l’arrêt de la Cour du 18 mai 1994, Codorníu/Conseil (C‑309/89, Rec. p. I‑1853).

25     Quatrièmement, le Parlement réfute l’argument des requérants selon lequel l’affectation individuelle de ces derniers découle du fait que ceux‑ci ont participé au processus législatif ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué et qu’ils ont toujours exprimé leur opposition à la réglementation adoptée.

26     En dernier lieu, le Parlement fait observer que les députés requérants en cause ne sont pas concernés individuellement par le règlement attaqué, puisqu’ils ne le sont pas directement.

–       Sur la protection juridictionnelle effective

27     Le Parlement considère que les députés requérants jouissent d’une protection juridictionnelle suffisante en ce que les voies de recours habituelles contre les actes adoptés par le Parlement en exécution du règlement attaqué leur seront ouvertes le moment venu. En outre, il soutient que le présent litige se distingue de celui qui a donné lieu à l’arrêt de la Cour du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement (294/83, Rec. p. 1339), en ce que les dispositions du règlement attaqué relatives au financement des partis politiques au niveau européen ne s’appliquent qu’après les élections européennes en juin 2004. Partant, il n’y aurait aucun risque de discrimination comparable à celui présent dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt.

 Arguments des requérants

28     Les requérants considèrent que, en vertu de l’arrêt Les Verts/Parlement, précité, ils doivent être considérés comme étant directement et individuellement concernés par le règlement attaqué. La situation de fait et de droit correspondrait, en substance, à celle qui a donné lieu à cet arrêt.

–       Sur la nature de l’acte attaqué

29     Selon les requérants, le règlement attaqué constitue un acte attaquable au sens de l’article 230 CE. Les requérants ajoutent que, à supposer même que le règlement attaqué ait une portée générale, il concerne en même temps directement et individuellement certains individus, dont eux-mêmes.

–       Sur l’affectation directe des requérants

30     Les requérants font valoir, tout d’abord, que le règlement attaqué est un acte « complet par lui-même » qui ne requiert, pour sa mise en œuvre, aucune mesure d’exécution de la part des États membres et qui ne laisse aucune marge d’appréciation aux institutions chargées de l’appliquer. Selon eux, le règlement attaqué a pour effet d’exclure, du fait des critères restrictifs figurant à son article 3, la Liste Emma Bonino du statut de parti politique au niveau européen et, partant, du bénéfice d’un financement communautaire. Cette exclusion de leur parti concernerait également les députés requérants qui, en cas d’un affaiblissement de la Liste Emma Bonino par rapport à d’autres formations politiques bénéficiaires d’un financement communautaire, ne pourraient pas se présenter de la même manière et avec les mêmes armes face aux électeurs.

31     L’affectation directe des requérants découlant de l’article 3 du règlement attaqué, les requérants réfutent, ensuite, les arguments des parties défenderesses concernant l’entrée en vigueur ultérieure des articles 4 à 10 de ce règlement. Ils ajoutent que ces arguments sont inopérants dans la mesure où les conséquences financières du règlement attaqué étaient déjà certaines et prévisibles au moment de l’introduction du recours. De plus, ils n’auraient pas pu attendre l’entrée en vigueur des articles 4 à 10 du règlement attaqué sans dépasser le délai de recours prévu à l’article 230, cinquième alinéa, CE.

32     Enfin, les requérants s’opposent à la thèse selon laquelle ni la Liste Emma Bonino ni les requérants députés ne sont des sujets de droit visés par le règlement attaqué. L’affectation de la Liste Emma Bonino découlerait, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Codorníu/Conseil, précité, de son exclusion des bénéficiaires du règlement attaqué et du traitement discriminatoire qui en résulterait. L’affectation directe des députés requérants découlerait de l’affectation directe de la Liste Emma Bonino sur laquelle ils sont inscrits.

–       Sur l’affectation individuelle des requérants

33     Les requérants soutiennent qu’ils sont individuellement concernés par le règlement attaqué pour trois raisons. Premièrement, les députés requérants auraient, lors de la procédure législative précédant l’adoption du règlement attaqué, exprimé leur opposition au contenu de ce règlement. Deuxièmement, la Liste Emma Bonino était identifiable et identifiée par le Parlement comme constituant un parti politique national qui est exclu de tout financement communautaire. Troisièmement, le règlement attaqué ne serait pas un acte comportant des critères objectifs, étant donné que les conditions énoncées à l’article 3 de celui-ci violeraient des principes fondamentaux du droit communautaire tels que les principes de non‑discrimination, de la démocratie et de proportionnalité, ainsi que l’article 191 CE et la déclaration n° 11 annexée à l’acte final de Nice. Les requérants soutiennent que le règlement attaqué leur porte un préjudice considérable en ce qu’il les défavorise par rapport à d’autres partis politiques. Ils en déduisent que, tout comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Codorníu/Conseil, précité, il doit leur être reconnu un intérêt individuel à agir.

–       Sur l’absence d’une protection juridictionnelle effective

34     Les requérants estiment que le recours direct contre le règlement attaqué est la seule voie de recours ouverte en l’espèce. L’exécution du règlement attaqué ne requiert, selon eux, aucune mesure d’exécution au niveau national, de sorte qu’il n’existe aucun recours devant le juge national et aucune possibilité d’invoquer une exception d’illégalité dans ce cadre. Partant, le présent litige se distinguerait des affaires ayant donné lieu aux arrêts de la Cour du 1er avril 2004, Commission/Jégo‑Quéré (C‑263/02 P, Rec. p. I‑3425), et du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677).

 Appréciation du Tribunal

35     En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Le Tribunal estime, en l’espèce, être suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

36     Aux termes de l’article 230, quatrième alinéa, CE, une personne physique ou morale peut former un recours, notamment, contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement, la concernent directement et individuellement.

37     À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans certaines circonstances, un acte de portée générale tel qu’un règlement peut concerner individuellement certains particuliers intéressés (arrêts de la Cour du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, Rec. p. I‑2501, point 13, et Codorníu/Conseil, précité, point 19). Dans ces circonstances, un règlement peut constituer un acte attaquable au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

38     Dès lors, il y a lieu d’examiner, tout d’abord, si les requérants sont directement concernés par le règlement attaqué.

 Sur l’affectation directe des requérants

39     En vertu d’une jurisprudence constante, la condition tenant à l’affectation directe, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, requiert que la mesure communautaire incriminée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation communautaire sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Glencore Grain/Commission, C‑404/96 P, Rec. p. I‑2435, point 41, et la jurisprudence citée).

40     Pour examiner si ces exigences sont remplies en l’espèce, il convient de distinguer la situation de la Liste Emma Bonino de celle des députés requérants.

–       Sur la situation de la Liste Emma Bonino

41     En premier lieu, il convient de déterminer l’effet que le règlement attaqué produit sur la situation juridique de la Liste Emma Bonino.

42     À cet égard, le Parlement conteste, en substance, que l’exclusion de cette requérante du financement communautaire soit la conséquence du règlement attaqué. La Liste Emma Bonino n’ayant pas bénéficié du statut de parti politique au niveau européen et, partant, d’un financement, ni avant l’adoption du règlement attaqué ni après, la situation juridique de ce parti ne serait pas affectée.

43     Il y a lieu, cependant, de relever que la création d’un statut juridique avantageux dont une partie des formations politiques peut bénéficier alors que d’autres en sont exclues est susceptible d’affecter l’égalité des chances des partis politiques. Dès lors, l’effet juridique à prendre en considération en l’espèce est celui de l’exclusion de la Liste Emma Bonino du statut de parti politique au niveau européen et, partant, du bénéfice d’un financement communautaire, en combinaison avec la possibilité donnée à certains de ses concurrents politiques d’en bénéficier. Il s’ensuit que l’argument du Parlement tiré de l’absence d’effet du règlement attaqué sur la situation juridique de la Liste Emma Bonino doit être rejeté.

44     En deuxième lieu, il convient d’examiner si le report de l’application des articles 4 à 10 du règlement attaqué au 20 juillet 2004, date de la première session du Parlement après les élections européennes de juin 2004, fait obstacle à l’affectation directe de la Liste Emma Bonino, ainsi que le Parlement et le Conseil le font valoir.

45     Les parties défenderesses rappellent à juste titre que la recevabilité d’un recours en annulation doit être appréciée au moment de l’introduction du recours (arrêt de la Cour du 27 novembre 1984, Bensider/Commission, 50/84, Rec. p. 3991, point 8, et arrêt du Tribunal du 21 mars 2002, Shaw et Falla/Commission, T‑131/99, Rec. p. II‑2023, point 29).

46     Toutefois, le fait que les effets d’un acte ne se réalisent qu’à une date ultérieure déterminée dans ce même acte n’empêche pas qu’un particulier puisse être directement affecté par celui-ci.

47     D’une part, comme les requérants sont tenus de respecter le délai de recours prévu à l’article 230, cinquième alinéa, CE,  toute autre interprétation aurait pour conséquence que l’institution auteur de l’acte pourrait empêcher un particulier d’introduire un recours direct, conformément à l’article 230, quatrième alinéa, CE, en différant la date d’entrée en application d’une disposition susceptible de porter directement atteinte à la situation juridique de l’intéressé.

48     D’autre part, étant donné que le législateur a prévu en l’espèce l’entrée en application des articles 4 à 10 du règlement attaqué à une date précise et que l’application de ces dispositions n’est pas conditionnée par la survenance d’événements incertains, le report de l’application de celles-ci n’a aucune incidence sur l’affectation directe de la Liste Emma Bonino. Il convient d’ajouter que la circonstance que les mandats dont étaient titulaires les députés requérants au moment de l’introduction du recours étaient expirés au moment de l’entrée en application des articles 4 à 10 du règlement attaqué ne fait pas non plus obstacle à l’affectation directe de la Liste Emma Bonino, qui ne dépend aucunement de la présence de députés la représentant au sein du Parlement ou de leur identité, la représentation ou non d’un parti politique au sein de cette institution ne faisant pas partie des conditions visées à l’article 3 du règlement attaqué.

49     En troisième lieu, le fait que l’octroi d’un financement dépend d’une demande introduite à cet effet n’exclut pas l’affectation directe de la Liste Emma Bonino, étant donné que l’introduction d’une telle demande dépend de la seule volonté de ce parti (voir, en ce sens, arrêt Les Verts/Parlement, précité, points 11 et 31).

50     En quatrième lieu, il convient d’examiner si le règlement attaqué laisse un pouvoir d’appréciation au Parlement chargé de sa mise en œuvre.

51     Il découle d’une lecture conjointe des articles 2 à 4 du règlement attaqué que tout parti politique ou toute alliance de partis politiques, au sens de l’article 2, points 1 et 2, du règlement attaqué, qui remplit les conditions visées à l’article 3 du même règlement, peut bénéficier d’un financement par le budget communautaire. Il convient de conclure, a contrario, que les formations politiques qui ne remplissent pas les conditions visées aux articles 2 et 3 du règlement attaqué en sont exclues. Cette interprétation est corroborée par l’article 5, paragraphe 3, du règlement attaqué, en vertu duquel, si le Parlement constate que l’une des conditions visées à l’article 3, sous a), b) ou c), du même règlement n’est pas remplie, le « parti politique au niveau européen, ayant perdu de ce fait cette qualité », est exclu du financement au titre dudit règlement. En effet, le financement des partis politiques par le budget communautaire ne saurait être accordé en l’absence d’une base juridique l’autorisant. En outre, le Tribunal constate que les critères visés à l’article 3, sous a), b) et d), du règlement attaqué sont formulés d’une façon à ne pas laisser de marge d’appréciation au Parlement.

52     Le contenu d’une décision d’octroi ou de refus d’un financement en application desdits critères relève donc de la compétence liée, cette décision ayant un caractère purement automatique et découlant du seul règlement attaqué sans application d’autres règles intermédiaires.

53     Il ressort en l’espèce des indications sommaires données dans la requête que, en vertu du droit italien, la Liste Emma Bonino n’a pas la personnalité juridique et qu’elle ne satisfait pas aux conditions de représentativité prévues à l’article 3, sous b), du règlement attaqué. Partant, les requérants soutiennent, en substance, que ce parti sera exclu d’un financement en raison des critères visés à l’article 3, sous a) et b), du règlement attaqué.

54     Il s’ensuit que la Liste Emma Bonino est directement affectée par le règlement attaqué.

–       Sur la situation des députés requérants

55     Les députés requérants soutiennent que l’octroi ou le refus d’un financement au parti politique auquel ils appartiennent affecte directement les conditions dans lesquelles ils exercent leur mandat.

56     À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que, s’il ne saurait être exclu que les conditions de financement d’un parti politique puissent avoir des répercussions sur l’exercice du mandat des députés membres de celui-ci, il n’en demeure pas moins que les conséquences économiques d’un éventuel financement accordé à une formation politique concurrente et refusé à celle dont les députés requérants sont membres doivent être qualifiées d’indirectes. En réalité, l’effet économique direct se produit sur la situation de la formation politique et non sur celle des députés élus sur la liste de celle-ci. En outre, ces conséquences économiques ne concernent pas la situation juridique mais uniquement la situation de fait des députés requérants (voir arrêt du Tribunal du 27 juin 2000, Salamander e.a/Parlement et Conseil, T‑172/98, T‑175/98 à T‑177/98, Rec. p. II-2487, point 62).

57     En second lieu, force est de constater qu’aucune des dispositions du règlement attaqué n’est directement applicable aux députés. L’ensemble des droits et obligations établis par le règlement attaqué ne visent que les partis politiques, les alliances de partis politiques et les partis politiques au niveau européen ainsi que le Parlement, le Conseil, la Commission et la Cour des comptes. Les dispositions du règlement attaqué n’affectent directement ni les droits liés au mandat, ni la rémunération des députés, ni le rapport entre le député et le parti politique national dont il est membre, indépendamment de la question de savoir si ce parti national fait partie d’une alliance de partis politiques ou s’il lui est accordé le statut de parti politique au niveau européen au sens du règlement attaqué.

58     Il s’ensuit que les députés requérants ne sont pas directement concernés par le règlement attaqué.

59     Par conséquent, il demeure seulement à examiner si la Liste Emma Bonino est individuellement concernée par celui-ci.

 Sur l’affectation individuelle de la Liste Emma Bonino

60     Selon une jurisprudence constante, pour qu’un acte attaqué concerne individuellement une personne physique ou morale autre que le destinataire d’une décision, il faut que cet acte l’atteigne en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait l’individualise d’une manière analogue à celle dont le serait le destinataire d’une décision (voir arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, précité, point 36, et la jurisprudence citée).

61     Ainsi que le Parlement et le Conseil le relèvent à juste titre, le règlement attaqué s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite. En particulier, les conditions auxquelles doit satisfaire un parti politique souhaitant bénéficier d’un financement communautaire sont formulées d’une façon générale et susceptibles de s’appliquer indifféremment à toute formation politique qui entre dans le champ d’application du règlement attaqué.

62     À cet égard, il convient de préciser, en premier lieu, que la Liste Emma Bonino n’appartient pas à un cercle fermé de personnes concernées par le règlement attaqué. S’il est vrai que, au moment de l’introduction du recours, le nombre des partis représentés au Parlement (cinquième législature) était restreint, il n’en demeure pas moins que les dispositions pertinentes, à savoir celles produisant des effets sur la situation juridique de la Liste Emma Bonino, n’étaient pas toutes applicables avant le 20 juillet 2004. Dès lors, les partis politiques étant représentés au sein du Parlement (cinquième législature) ne constituent pas le groupe de référence pertinent dans le cadre de l’examen de la recevabilité.

63     Le groupe de référence est constitué de toutes les formations politiques susceptibles d’être directement concernées par le règlement attaqué, à savoir, notamment, tous les partis politiques ayant participé aux élections européennes ou en ayant exprimé l’intention. Cependant, ce groupe ne constitue pas un cercle fermé au sens de la jurisprudence. En effet, le fait qu’il soit possible de déterminer le nombre ou l’identité des partis politiques ayant participé aux élections européennes en juin 2004 n’est pas propre à individualiser la Liste Emma Bonino. D’une part, si une telle identification est encore possible en ce qui concerne les élections de 2004, elle est à l’évidence exclue pour les élections futures. D’autre part, la seule possibilité de déterminer le nombre ou même l’identité de certaines personnes concernées, alors même qu’une telle possibilité n’existe pas pour d’autres, n’est pas de nature à individualiser suffisamment un requérant (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 16 mars 1978, UNICME/Conseil, 123/77, Rec. p. 845, point 16 ; du 25 mars 1982, Moksel/Commission, 45/81, Rec. p. 1129, point 17, et du 22 novembre 2001, Antillean Rice Mills/Conseil, C‑451/98, Rec. p. I‑8949, point 52).

64     Il convient de relever, en deuxième lieu, que la Liste Emma Bonino ne fait état d’aucune qualité qui lui serait particulière ni d’aucune situation de fait qui la caractériserait par rapport à d’autres formations politiques concernées par le règlement attaqué, comparables à celles qui ont prévalu dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Codorníu/Conseil, précité.

65     D’une part, même si le règlement attaqué est susceptible d’affecter les droits de la requérante, force est de constater qu’il atteint d’autres formations politiques exactement de la même manière. En revanche, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Codorníu/Conseil, précité, la réglementation attaquée aurait eu pour conséquence d’empêcher la requérante dans cette affaire d’utiliser une marque enregistrée qu’elle avait pourtant exploitée en Espagne depuis 1924. Aucune circonstance comparable ne peut être relevée dans la présente affaire.

66     D’autre part, s’agissant des effets que le règlement attaqué pourrait produire sur la situation factuelle de la Liste Emma Bonino, le financement que se verront accorder les partis politiques au niveau européen peut, certes, entraîner des conséquences négatives pour le parti requérant en créant des avantages pécuniaires au profit de ses concurrents, notamment lors des campagnes électorales. Cependant, cet avantage donné aux formations politiques qui remplissent les critères d’un parti politique au niveau européen produit son effet sur toutes les formations politiques concurrentes qui en sont exclues en application de critères déterminés objectivement. La requérante n’a pas fait état de circonstances qui l’individualiseraient par rapport à d’autres partis politiques concernés.

67     En troisième lieu, il convient de rejeter l’argument de la Liste Emma Bonino selon lequel le règlement attaqué ne comporte pas de critères objectifs déterminant le refus d’un financement, mais des critères discriminatoires violant ses droits démocratiques.

68     En effet, même si le législateur savait que ces critères auraient pour conséquence d’exclure certaines formations politiques déterminées, dont la Liste Emma Bonino, il n’en demeure pas moins que ces critères sont formulés de façon abstraite et générale de sorte qu’ils sont propres à s’appliquer à un nombre indéterminé de formations politiques actuellement et dans l’avenir. En toute hypothèse, il n’a pas été fait état de circonstances qui démontreraient que la Liste Emma Bonino était explicitement visée par le législateur et que le souhait de l’exclure d’un financement aurait largement déterminé les critères adoptés pour définir la notion de « parti politique au niveau européen ».

69     En quatrième lieu, la requérante rappelle que, selon la jurisprudence, dans certaines conditions, la participation caractérisée d’une personne physique ou morale à la procédure ayant précédé l’adoption de l’acte attaqué peut conférer à celle‑ci la qualité pour agir (arrêts de la Cour du 25 octobre 1977, Metro/Commission, 26/76, Rec. p. 1875, point 13 ; du 17 janvier 1985, Piraiki‑Patraiki e.a./Commission, 11/82, Rec. p. 207, point 28 ; du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission, 264/82, Rec. p. 849, points 14 à 16 ; du 28 janvier 1986, COFAZ e.a./Commission, 169/84, Rec. p. 391, points 23 et 25 à 28 ; et du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C‑152/88, Rec. p. I‑2477, points 11 et 12).

70     En revanche, il convient de relever que le seul fait d’avoir participé aux pourparlers qui ont précédé l’adoption d’un acte ne confère pas la qualité individuelle pour agir (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 mars 1975, Union syndicale e.a./Conseil, 72/74, Rec. p. 401, point 19). Si la position de « négociatrice » d’une association ayant pour objet de promouvoir les intérêts de ses membres peut éventuellement suffire à individualiser une telle requérante (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission, 67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219, point 21, et du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, Rec. p. I‑1125, points 29 et 30), cette jurisprudence ne s’applique pas à un acte de nature normative lorsque la base juridique sur laquelle celui-ci a été adopté ne prévoit pas l’intervention de particuliers  (ordonnance de la Cour du 23 novembre 1995, Asocarne/Conseil, C‑10/95 P, Rec. p. I‑4149, points 39 et 40). De même, en l’absence de procédures spécifiques associant les particuliers à l’adoption, à l’exécution et au suivi des décisions en cause, le simple dépôt d’une plainte et, par la suite, l’échange éventuel d’une correspondance avec la Commission ne sauraient conférer au plaignant la qualité pour agir au titre de l’article 230 CE (ordonnance du Tribunal du 9 août 1995, Greenpeace e.a./Commission, T‑585/93, Rec. p. II‑2205, points 56, 62 et 63, non remis en cause par l’arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Greenpeace e.a./Commission, C‑321/95 P, Rec. p. I‑1651).

71     En l’espèce, il y a lieu, tout d’abord, de rappeler qu’il faut distinguer la situation des députés membres d’un parti politique de celle de ce parti lui-même. La participation des députés au processus législatif ne saurait conférer qualité pour agir à la Liste Emma Bonino, notamment parce que, ainsi qu’il découle du point 58 ci-dessus, les députés requérants ne sont pas directement concernés par le règlement attaqué.

72     Ensuite, il convient de constater que la requérante n’a fait état d’aucune disposition procédurale qui exigeait la participation formelle des partis politiques à la procédure ayant précédé l’adoption du règlement attaqué, susceptible de conférer à la Liste Emma Bonino la qualité pour agir. Elle n’a pas non plus présenté de faits démontrant qu’elle aurait acquis la position d’un interlocuteur du législateur. Le seul fait de s’être opposée, dans le cadre de la procédure législative, au contenu de l’acte législatif envisagé, ou encore l’envoi d’une lettre adressée au président de la Commission par laquelle les sept députés de la liste Emma Bonino ont exprimé leur désaccord avec le projet du règlement attaqué, ne saurait conférer à cette dernière la qualité pour agir au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

73     En cinquième lieu, ainsi que le Parlement le relève à juste titre, les faits de l’espèce se distinguent de ceux à l’origine de l’arrêt Les Verts/Parlement, précité. En effet, cette affaire portait sur une inégalité de répartition de fonds publics destinés à la campagne d’information des formations politiques participant à l’élection du Parlement en 1984. Les décisions budgétaires attaquées concernaient toutes les formations politiques bien que le traitement qu’elles leur réservaient variât selon qu’elles étaient représentées ou non dans l’assemblée élue en 1979. Les formations représentées avaient participé à la prise de décisions portant à la fois sur leur propre traitement et sur celui accordé aux formations rivales non représentées. La Cour a répondu par l’affirmative à la question de savoir si les décisions attaquées concernaient individuellement une formation politique non représentée mais susceptible de présenter des candidats à l’élection de 1984. La Cour a estimé que la thèse selon laquelle seules les formations représentées étaient individuellement concernées par l’acte attaqué aboutirait à créer une inégalité de protection juridictionnelle dans la mesure où les formations non représentées seraient dans l’impossibilité de s’opposer à la répartition des crédits budgétaires destinés à la campagne électorale avant que les élections n’aient eu lieu.

74     Aucune inégalité de ce type n’existe en l’espèce, étant donné que le règlement attaqué tend à régler, de façon générale et sans délimitation dans le temps, le financement des partis politiques au niveau européen et qu’il a, dès lors, vocation à s’appliquer à toutes les formations politiques de la même manière.

75     Il découle de ce qui précède que la Liste Emma Bonino n’est pas individuellement concernée par le règlement attaqué.

76     Par conséquent, aucun des requérants ne possède la qualité pour agir requise en vertu de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

77     Il convient d’ajouter que cette appréciation n’est pas remise en cause par l’absence éventuelle de toute protection juridictionnelle effective. Le Tribunal rappelle que la Cour a jugé que n’est pas admissible une interprétation du régime des voies de recours selon laquelle un recours direct en annulation devant le juge communautaire serait ouvert dans la mesure où il pourrait être démontré, après un examen concret par ce dernier des règles procédurales nationales, que celles-ci n’autorisent pas le particulier à introduire un recours lui permettant de mettre en cause la validité de l’acte communautaire contesté (arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, précité, point 43). La Cour a ajouté que, selon le système de contrôle de la légalité mis en place par le traité, une personne physique ou morale ne peut former un recours contre un règlement que si elle est concernée non seulement directement, mais également individuellement. Elle a précisé que, s’il est vrai que cette dernière condition doit être interprétée à la lumière du principe d’une protection juridictionnelle effective en tenant compte des diverses circonstances qui sont de nature à individualiser un requérant, une telle interprétation ne saurait aboutir à écarter la condition en cause, qui est expressément prévue par le traité, sans excéder les compétences attribuées par celui-ci aux juridictions communautaires (arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, précité, point 44).

78     En l’espèce, il est vrai qu’une intervention du juge national est exclue dans la mesure où le règlement attaqué est exclusivement mis en œuvre par des institutions communautaires. Cependant, il ne saurait être exclu que le juge communautaire puisse contrôler la légalité du règlement attaqué à l’occasion de l’une ou l’autre des mesures prises en vue de son application, consistant dans l’octroi ou le refus par le Parlement d’un financement demandé par une formation politique. En tout état de cause, ainsi qu’il découle d’une lecture conjointe des points 43 et 44 de l’arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, précité, le juge communautaire ne saurait écarter des conditions de recevabilité prévues par les traités sans excéder les compétences qui lui sont attribuées en vertu de ceux-ci.

79     Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter le présent recours comme irrecevable, sans qu’il soit besoin, pour le Tribunal, de se prononcer sur la deuxième fin de non-recevoir, tirée d’une violation de l’article 44, paragraphe 5, du règlement de procédure.

 Sur les dépens

80     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions des parties défenderesses.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Les requérants sont condamnés aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 11 juillet 2005.



Le greffier

 

       Le président

H. Jung

 

       J. Pirrung


* Langue de procédure : le français.