Language of document : ECLI:EU:T:2007:315

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

23 octobre 2007 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale Caipi – Motif absolu de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑405/04,

Borco-Marken-Import Matthiesen GmbH & Co. KG, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par MM. Wolter, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 6 août 2004 (affaire R 912/2002‑2), concernant la demande d’enregistrement du signe verbal Caipi comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de M. J. D. Cooke, président, Mme I. Labucka et M. M. Prek, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 11 octobre 2004,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 20 janvier 2005,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 15 avril 2005,

vu le mémoire en duplique déposé au greffe du Tribunal le 27 juin 2005,

à la suite de l’audience du 27 février 2007,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 16 avril 2002, la requérante a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Caipi.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé relèvent de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) ».

4        La requérante a revendiqué l’ancienneté de sa marque allemande Caipi n° 395 22 731 3, enregistrée le 3 mai 1996.

5        Par lettre du 9 août 2002, l’examinatrice a soulevé des objections à l’encontre de la marque en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94. Elle a fait valoir que le terme « caipi » est une abréviation courante de la boisson brésilienne caipirinha et constitue dès lors une énonciation de fait décrivant les produits spécifiés. L’examinatrice a joint à ses objections différents extraits d’Internet qui contenaient le terme « caipi ».

6        Par lettre du 4 octobre 2002, la requérante a présenté ses observations relatives aux objections de l’examinatrice.

7        Par décision du 22 octobre 2002, l’examinatrice a rejeté la demande pour les motifs avancés dans ses objections.

8        Le 31 octobre 2002, la requérante a formé un recours contre la décision de l’examinatrice.

9        Par décision du 6 août 2004 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Elle a considéré, en substance, que, eu égard aux produits spécifiés, il y avait lieu de refuser à l’enregistrement le signe verbal Caipi, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, étant donné que le public concerné – composé des consommateurs moyens des boissons alcoolisées – comprendrait le vocable « caipi » comme étant l’indication abrégée d’une boisson alcoolique, à savoir celle du cocktail appelé caipirinha. Cette appréciation découlerait clairement des documents produits par l’examinatrice, auxquels la chambre de recours en a ajouté d’autres. Selon la décision attaquée, le nombre total des occurrences montre qu’il ne s’agit pas uniquement d’une pratique de quelques personnes peu nombreuses. En outre, elle a rappelé qu’il y avait lieu de tenir compte de ce que les dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous b) à e), du règlement n° 40/94 visaient à empêcher qu’un opérateur individuel n’acquière un avantage concurrentiel illicite en obtenant un droit exclusif sur un signe devant être laissé disponible pour tous et a estimé, par conséquent, que le terme « caipi » devait être laissé à la disposition des concurrents pour désigner leurs boissons alcooliques, notamment celles présentant un rapport avec la caipirinha. La chambre de recours a estimé que le signe demandé était également dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Enfin, s’agissant des décisions nationales invoquées par la requérante, la chambre de recours a estimé qu’elles ne modifiaient pas son appréciation, d’autant plus que des enregistrements nationaux antérieurs pouvaient tout au plus servir d’indices lors de l’examen d’une demande de marque communautaire.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        constater que les dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94, ne font pas obstacle à la publication de la marque déposée Caipi pour les produits de la classe 33 [« boissons alcooliques (à l’exception des bières) »] ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

11      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À l’appui de son recours, la requérante invoque quatre griefs qui peuvent être regroupés en deux moyens, tirés, respectivement, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), et d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Sur le moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94

13      Ce moyen repose sur trois griefs. Premièrement, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas établi que le terme « caipi » constituait une description directe ou indirecte des produits visés dans la demande et a affirmé à tort l’existence d’un impératif de disponibilité pour le terme litigieux. Deuxièmement, elle estime que la chambre de recours a, à tort, négligé le fait que les enregistrements nationaux de la marque et la jurisprudence nationale en Allemagne constituaient un indice de l’aptitude à l’enregistrement de la marque demandée. Troisièmement, la chambre de recours aurait méconnu la portée de l’article 12 du règlement n° 40/94 et son influence sur l’interprétation de l’impératif de disponibilité.

 Sur le grief tiré de l’absence du caractère descriptif du signe litigieux et de l’impératif de disponibilité

–       Arguments des parties

14      La requérante fait valoir que c’est de façon erronée que la chambre de recours a considéré que le motif de refus visé à l’article 7, paragraphe l, sous c), du règlement n° 40/94, tel qu’interprété par la jurisprudence (ordonnance de la Cour du 5 février 2004, Telefon & Buch/OHMI, C‑326/01 P, Rec. p. I‑1371, points 25 à 27), s’appliquait en l’espèce.

15      En premier lieu, elle soutient que la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit en ce qu’elle repose sur la thèse selon laquelle la désignation déposée Caipi est une abréviation usuelle de la boisson alcoolisée caipirinha. Selon la requérante, une abréviation ne peut être considérée comme usuelle que si elle est répertoriée dans les dictionnaires ou, en tout état de cause, si elle a été prouvée par un usage fréquent par des tiers dans le commerce.

16      En l’espèce, premièrement, le terme « caipi » ne figurerait pas dans les dictionnaires. Or, il ressortirait de la jurisprudence que, si la preuve de la présence dans les dictionnaires d’un terme demandé comme marque ne peut pas être rapportée, cela constitue un fort indice de l’inexistence du mot en question et, par conséquent, de son défaut de contenu sémantique et donc descriptif.

17      Deuxièmement, il n’existerait aucune preuve de l’utilisation descriptive du terme « caipi » dans le commerce pour les « boissons alcoolisées ». Or, contrairement aux affirmations de l’OHMI dans le mémoire en réponse, le critère de l’utilisation d’une désignation dans le commerce serait pertinent pour l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94, ce qui ressortirait de la jurisprudence relative à la marque DAS PRINZIP DER BEQUEMLICHKEIT (arrêt de la Cour du 21 octobre 2004, OHMI/Erpo Möbelwerk, C‑64/02 P, Rec. p. I‑10031).

18      À cet égard, d’une part, la requérante relève que la chambre de recours a commis une erreur de droit en considérant que la saisie d’un mot dans un moteur de recherche d’Internet était suffisante pour attester un emploi descriptif par des tiers. En effet, le nombre des occurrences, à lui seul, ne permettrait pas de constater pour quels produits ou services la désignation litigieuse est utilisée, s’il s’agit des produits déposés et si elle est utilisée dans le commerce.

19      D’autre part, elle considère que ni les exemples tirés d’Internet qui sont cités dans la décision attaquée ni la carte des boissons du bar Tio à Erlangen, annexée au mémoire en réponse, ne montrent aucunement que les autres fabricants de boissons alcoolisées emploient le terme « caipi » pour désigner leurs produits ou en faire la publicité. Ils montreraient, en revanche, que ce terme est utilisé exclusivement dans un cadre non commercial, à dès fins privées, ou pour les produits autres que ceux visés dans la demande.

20      Les exemples produits par l’OHMI ne constitueraient donc pas une preuve suffisante de ce que la désignation Caipi sera comprise par le public concerné comme une description directe ou indirecte des produits visés dans la demande ou de leurs caractéristiques essentielles. En effet, il serait établi que le public pertinent ne rencontre pas le terme « caipi » lors de l’achat des boissons alcoolisées, généralement dans les commerces spécialisés ou au rayon des boissons dans les supermarchés, les stations d’essence, etc. De plus, il n’existerait aucune raison de penser que ce sera le cas à l’avenir. Par conséquent, le consommateur allemand qui voit le mot « caipi » sur une bouteille contenant une boisson alcoolisée ne penserait pas qu’il s’agit d’une désignation habituelle et descriptive de la boisson. Au contraire, il comprendrait ce mot comme étant la dénomination de la boisson et, donc, comme une marque permettant d’indiquer son origine commerciale.

21      En second lieu, la décision attaquée serait entachée d’une erreur de droit en ce qu’elle n’aurait pas suffisamment établi si la désignation demandée était soumise à un impératif de disponibilité, qu’il soit actuel ou futur, pour les produits visés dans la demande. La requérante fait observer que, pour être refusé à l’enregistrement, le terme contesté doit être descriptif non seulement de produits ou de services quelconques, mais également des produits et des services revendiqués dans la demande (arrêt de la Cour du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, Rec. p. I‑1619, point 33). Dès lors, un impératif de disponibilité concret, à savoir un impératif de disponibilité pour les produits ou les services concrètement revendiqués, devrait être prouvé. En outre, selon la requérante, pour que l’enregistrement soit refusé sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, en l’absence d’une utilisation descriptive actuelle, il doit exister des indices clairs laissant penser que la désignation en cause deviendra clairement et directement descriptive (arrêt de la Cour du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, Rec. p. I‑2779, point 31).

22      Cependant, la décision attaquée se limiterait à affirmer que le consommateur allemand comprendra le mot « caipi » comme étant la désignation du cocktail caipirinha. Or, selon la requérante, même à supposer que le terme « caipi » soit une abréviation courante du cocktail caipirinha – ce qu’elle conteste –, cela n’aurait aucune pertinence en l’espèce.

23      En effet, la caipirinha serait, par principe et sans exception, un cocktail fraîchement préparé qui ne pourrait être trouvé que dans les restaurants et les bars et qui ne pourrait en aucun cas être proposé sous la forme d’une boisson prête à l’emploi. Par conséquent, dans un restaurant ou dans un bar, le mot « caipirinha » ou « caipi » ne figurerait pas sur un récipient contenant une boisson prête à l’emploi et ne serait pas utilisé comme une marque identifiant un produit déterminé provenant d’une entreprise donnée. Dès lors, le caractère descriptif du terme « caipirinha » serait limité à la désignation de ce cocktail fraîchement préparé et aucun élément ne permettrait de constater qu’il renvoie aux « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) ».

24      En premier lieu, l’OHMI considère que la thèse juridique de la requérante, selon laquelle il aurait dû apporter la preuve de l’utilisation de l’indication en cause dans le lexique et démontrer son utilisation dans le commerce, est en contradiction avec la jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal.

25      Il rappelle que les signes et les indications visés à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 sont ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du consommateur, pour désigner soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, un produit ou un service tel que celui pour lequel l’enregistrement est demandé (arrêt de la Cour du 20 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI, C‑383/99 P, Rec. p. I‑6251, point 39). La question de savoir si un signe est descriptif ne pourrait donc être appréciée qu’au regard des produits ou des services en cause et compte tenu du point de vue du public concerné. À cet égard, le fait qu’un vocable soit repris dans le lexique et qu’il soit utilisé dans le commerce serait sans importance. En effet, le rejet d’une indication au motif qu’elle est descriptive serait même possible en l’absence d’une utilisation actuelle du signe en tant qu’indication descriptive, s’il est raisonnable d’envisager que, dans l’avenir, une telle utilisation puisse être possible (arrêt Windsurfing Chiemsee, précité, point 31). En outre, s’agissant de l’utilisation dans le commerce, telle qu’exigée par la requérante, l’OHMI fait observer que ce critère intervient uniquement dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 40/94, ainsi que la Cour l’aurait établi dans l’arrêt OHMI/Erpo Möbelwerk, précité.

26      Compte tenu de ces principes juridiques, l’OHMI considère que c’est à juste titre que la chambre de recours a tenu compte des nombreux documents produits par l’examinatrice, lesquels attesteraient clairement un usage du mot « caipi » pour désigner un cocktail. Les extraits tirés d’Internet que la chambre de recours a elle-même présentés seraient également pertinents. Selon l’OHMI, ils montrent tous que le mot « caipi » constitue, en tout cas en Allemagne, une abréviation usuelle dans le langage familier pour désigner la boisson mixte brésilienne caipirinha. À cet égard, l’OHMI joint en annexe la carte des boissons du bar Tio d’Erlangen (Allemagne), lequel utilise également le terme « caipi ». Par ailleurs, l’OHMI relève également que l’allégation de la requérante selon laquelle le consommateur allemand ne rencontrerait pas la désignation « caipi » lors de l’achat de boissons alcooliques est incorrecte et renvoie, à cet égard, aux annexes à la duplique.

27      En second lieu, l’OHMI fait valoir que la question de savoir si un terme déterminé est frappé d’un impératif de disponibilité n’est pas un critère d’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94. Dès lors, le reproche de la requérante, selon lequel la décision serait entachée d’une erreur de droit dans la mesure où elle n’aborderait pas de manière suffisante la question de savoir si la désignation demandée est frappée d’un impératif de disponibilité pour les produits visés dans la demande, serait erroné. À cet égard, l’OHMI rappelle qu’il n’est pas déterminant que le nombre de concurrents pouvant avoir intérêt à utiliser les signes ou les indications dont la marque est composée soit ou non important. En effet, tout opérateur proposant actuellement, ainsi que tout opérateur susceptible de proposer dans l’avenir, des produits ou des services concurrents de ceux pour lesquels l’enregistrement est demandé doit pouvoir utiliser librement les signes ou indications pouvant servir à décrire des caractéristiques de ses produits ou de ses services (arrêt Koninklijke KPN Nederland, précité, point 58).

–       Appréciation du Tribunal

28      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation de service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ». En outre, l’article 7, paragraphe 2, du même règlement énonce que le « paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté ».

29      Il y a lieu de rappeler que la disposition de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou les indications descriptives des caractéristiques de produits ou de services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que de tels signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque [arrêts de la Cour du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, Rec. p. I‑12447, point 31, et du Tribunal du 16 mars 2006, Telefon & Buch/OHMI – Herold Business Data (WEISSE SEITEN), T‑322/03, Rec. p. II‑835, point 89].

30      Dans cette perspective, les signes et les indications visés par la disposition citée sont ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du public ciblé, pour désigner soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé (arrêt Procter & Gamble/OHMI, précité, point 39). L’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut donc être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent (arrêt WEISSE SEITEN, précité , point 90).

31      En l’espèce, quant au public ciblé, la chambre de recours a considéré, au point 16 de la décision attaquée, qu’il s’agissait du consommateur moyen. Étant donné que les produits en cause sont des produits de consommation courante, destinés à l’ensemble des consommateurs, il y a lieu de confirmer cette analyse, que la requérante ne conteste d’ailleurs pas. Il convient de rappeler, à cet égard, que les consommateurs moyens sont censés être normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés [arrêt du Tribunal du 3 décembre 2003, Audi/OHMI (TDI), T‑16/02, Rec. p. II‑5167, point 28 ; voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26]. En outre, il ressort de la décision attaquée que le motif absolu de refus n’a été soulevé que par rapport à une des langues parlées dans l’Union européenne, à savoir l’allemand (voir le point 24 de la décision attaquée ainsi que les exemples citées au point 17, qui concernent les sites Internet en langue allemande). Par conséquent, il y a lieu de considérer, en application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, que le public pertinent par rapport auquel il faut apprécier le motif absolu de refus est le consommateur moyen germanophone.

32      Dès lors, il convient uniquement, aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, d’examiner, sur la base de la signification pertinente du signe verbal en cause, s’il existe, pour ce public, un rapport suffisamment direct et concret entre le vocable « caipi » et les produits pour lesquels l’enregistrement est demandé, à savoir les « boissons alcooliques (à l’exception des bières) », relevant de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal TDI, précité, point 29, et du 20 juillet 2004, Lissotschenko et Hentze/OHMI (LIMO), T‑311/02, Rec. p. II‑2957, point 30].

33      En l’espèce, dans son analyse visant à établir si le signe Caipi est susceptible d’être utilisé à des fins descriptives des produits visés dans la demande de marque communautaire, la chambre de recours a constaté que le terme « caipi » était une abréviation normale et usuelle du mot « caipirinha » (point 24 de la décision attaquée). Dès lors, selon la chambre de recours, si le public pertinent est confronté au terme en cause dans le domaine des boissons alcoolisées, il le percevra comme la désignation d’une boisson alcoolisée, à savoir le cocktail caipirinha (points 17 et 18 de la décision attaquée).

34      Le Tribunal estime que l’analyse retenue par la chambre de recours est correcte.

35      En effet, s’agissant de la signification pertinente du signe verbal en cause, le Tribunal considère que les exemples évoqués par l’examinatrice et par la chambre de recours (voir point 17 de la décision attaquée) ainsi que le nombre des occurrences auquel la chambre de recours se réfère au point 20 de la décision attaquée (40 000 résultats pour le terme « caipi » seul selon le moteur de recherche Google et 12 500 résultats pour les termes « caipi cocktail ») suffisent pour démontrer que le terme « caipi » fait partie d’expressions relevant du langage courant pour désigner le cocktail caipirinha et est connu par le public pertinent dans cette signification. Cette compréhension du public pertinent ne saurait être ignorée au seul motif que le mot litigieux ne figurerait pas dans les dictionnaires.

36      Par ailleurs, cette compréhension n’est pas sérieusement contestée par la requérante dans le cadre du présent recours. Ainsi, elle admet, dans ses écritures, que le mot « caipi » est utilisé pour désigner le cocktail caipirinha, mais soutient que cette utilisation se limite à des fins privées. De même, lors de l’audience, la requérante a également admis que le mot « caipi » avait le contenu sémantique d’un cocktail fraîchement préparé, tout en insistant sur le fait que ce terme ne pouvait pas être utilisé pour un produit alcoolisé déjà prêt.

37      En outre, même s’il fallait considérer que, comme la requérante le soutient, le terme « caipi » a aussi d’autres significations que celle retenue par la chambre de recours, il y a lieu de rappeler que, pour tomber sous le coup de l’interdiction prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, il suffit qu’un signe verbal, dans l’une au moins de ses significations potentielles, désigne une caractéristique des produits ou des services concernés [ordonnance du Tribunal du 27 mai 2004, Irwin Industrial Tool/OHMI (QUICK-GRIP), T‑61/03, Rec. p. II‑1587, point 32, et arrêt LIMO, précité, point 47].

38      Il s’ensuit, en prenant en considération les produits pour lesquels l’enregistrement est demandé et la compréhension de ce signe par le public pertinent, que la signification retenue par la chambre de recours se révèle exacte.

39      Or, il est constant que le cocktail caipirinha est une boisson alcoolisée. Force est donc de constater que, si le public pertinent est confronté aux produits visés dans la demande d’enregistrement, le signe en question lui permettra de déceler immédiatement et sans autre réflexion que les boissons alcoolisées ont un rapport avec le cocktail caipirinha. En particulier, étant donné que le vocable litigieux recouvre une dénomination usuelle des produits visés dans la demande d’enregistrement, il sera compris par le public pertinent comme désignant l’espèce de ces produits (voir, en ce sens, arrêt WEISSE SEITEN, précité, point 96). Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le signe litigieux constituait une indication descriptive des produits concernés.

40      Par ailleurs, pour autant que l’argument de la requérante (voir points 21 et 23 ci-dessus) tiré de la prétendue absence de l’impératif de disponibilité en l’espèce devait être compris en ce sens qu’elle reproche à la chambre de recours de ne pas avoir examiné si le signe litigieux était descriptif de différents types des boissons alcooliques compris dans la catégorie des produits visée dans la demande d’enregistrement, à savoir les « boissons alcooliques (à l’exception des bières) », il ne saurait être retenu. En effet, il convient de relever que la requérante a demandé l’enregistrement du signe en cause pour cette catégorie de produits dans son ensemble, sans opérer de distinction. Par conséquent, il y a lieu de confirmer l’appréciation de la chambre de recours en ce qu’elle porte sur cette catégorie dans son ensemble [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal TDI, précité, point 35 ; du 14 septembre 2004, Applied Molecular Evolution/OHMI (APPLIED MOLECULAR EVOLUTION), T‑183/03, Rec. p. II‑3113, point 25 ; du 8 juin 2005, Wilfer/OHMI (ROCKBASS), T‑315/03, Rec. p. II‑1981, point 64, et WEISSE SEITEN, précité, points 73 et 74].

41      Enfin, l’analyse de la chambre de recours n’est pas infirmée par les autres arguments avancés par la requérante dans le cadre du présent recours.

42      Premièrement, il ressort de la jurisprudence que l’OHMI n’a pas l’obligation de prouver que le signe, dont l’enregistrement en tant que marque communautaire est demandé, figure dans les dictionnaires [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, Rec. p. II‑2383, point 34, et du 8 septembre 2005, CeWe Color/OHMI (DigiFilm et DigiFilmMaker), T‑178/03 et T‑179/03, Rec. p. II‑3105, point 36]. En effet, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur la base de la réglementation communautaire pertinente telle qu’interprétée par le juge communautaire. Dès lors, il suffit que la chambre de recours ait appliqué le critère du caractère descriptif, tel qu’interprété par la jurisprudence, pour prendre sa décision, sans qu’elle ait à se justifier par la production d’éléments de preuve [arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Telepharmacy Solutions/OHMI (TELEPHARMACY SOLUTIONS), T‑289/02, Rec. p. II‑2851, point 54, et PAPERLAB, précité, point 34].

43      Deuxièmement, s’agissant de la preuve de l’emploi du terme dans le commerce, il suffit de rappeler que, pour que l’OHMI oppose un refus d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 40/94, il n’est pas nécessaire que les signes et indications composant la marque visés à cet article soient effectivement utilisés, au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives de produits ou de services pour lesquels la demande est présentée ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Il suffit, comme l’indique la lettre même de cette disposition, que ces signes et indications puissent être utilisés à de telles fins (arrêt OHMI/Wrigley, précité, point 32, et ordonnance Telefon & Buch/OHMI, précitée, point 28). Dès lors, à supposer même que l’utilisation descriptive du mot « caipi » dans le commerce en relation avec les produits concernés ne ressortisse pas des exemples sur lesquels s’est appuyée la chambre de recours, cette circonstance ne constituerait pas un motif suffisant pour exclure a priori le caractère descriptif de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt LIMO, précité, point 32). Or, comme il a été relevé ci-dessus, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu au caractère descriptif du signe litigieux sur le fondement de la compréhension qu’en a le public pertinent lorsqu’il est confronté aux produits visés dans la demande d’enregistrement.

44      Troisièmement, s’agissant de la thèse de la requérante selon laquelle la chambre de recours aurait dû établir que le vocable « caipi » était soumis à un impératif de disponibilité pour les produits visés dans la demande, il y a lieu de rappeler que l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 ne dépend pas de l’existence d’un impératif de disponibilité concret, actuel et sérieux [arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, DaimlerChrysler/OHMI (TRUCKCARD), T‑358/00, Rec. p. II‑1993, point 28, et TDI, précité, point 29 ; voir également, par analogie, arrêt Windsurfing Chiemsee, précité, point 35]. Dès lors, ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, il convient uniquement, aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, d’examiner, sur la base d’une signification donnée du signe verbal en cause, s’il existe, du point de vue du public pertinent, un rapport suffisamment direct et concret entre le signe et les caractéristiques des catégories de produits ou de services pour lesquelles l’enregistrement est demandé (arrêt TDI, précité, point 29). Or, l’existence d’un tel rapport a été suffisamment établie par la décision attaquée.

45      En tout état de cause, le signe verbal litigieux est sans nul doute susceptible d’être utilisé par d’autres opérateurs économiques présents dans le secteur concerné et voulant indiquer que leurs produits ont un rapport avec le cocktail caipirinha, comme il ressort du point 26 de la décision attaquée. La circonstance que le terme « caipi » ne soit pas alors utilisé comme une marque et ne figure pas sur un récipient contenant une boisson prête à l'emploi, comme la requérante le soutient, est sans importance, dès lors qu’il serait utilisé à des fins descriptives en rapport avec la catégorie des produits visée dans la demande d’enregistrement, qui comprend, en l’espèce, les boissons alcooliques préparées sur place. Par ailleurs, le fait que la caipirinha soit normalement un cocktail fraîchement préparé ne saurait exclure la possibilité de l’utilisation descriptive du mot « caipi » pour des produits finis, pour indiquer, par exemple, qu’une boisson alcoolique peut être utilisée comme ingrédient du cocktail en cause, et donc sa destination.

46      Partant, il y a lieu de rejeter le présent grief comme non fondé.

 Sur le grief tiré du défaut de prise en compte des enregistrements nationaux préalables

–       Arguments des parties

47      La requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des décisions nationales relatives au signe litigieux. Elle considère que ces décisions constituent un indice très fort du caractère distinctif du signe en cause et de l’absence d’un impératif de disponibilité faisant obstacle à son enregistrement communautaire. À cet égard, elle relève l’enregistrement de sa marque Caipi en Allemagne pour les produits de la classe 33 et deux décisions des tribunaux allemands relatives à sa protection. Il en ressortirait que le signe litigieux a été considéré en Allemagne comme n’étant pas soumis à un impératif de disponibilité et a été jugé distinctif en tant qu’abréviation inhabituelle. En outre, la requérante invoque également un enregistrement international de la marque Caipi obtenu par un tiers pour les produits de la classe 33 et lui assurant la protection en Autriche, au Benelux, en France, en Italie, en Espagne, au Portugal, en République tchèque, en Pologne, au Danemark, en Finlande, en Grande-Bretagne, en Suède et en Norvège – la marque de référence pour l’enregistrement international étant une marque suisse.

48      À cet égard, la requérante considère que, lorsque, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, il est fait référence à de prétendus motifs de refus valables pour un État membre, le fait que la désignation déposée est enregistrée dans cet État membre comme marque et est considérée par les juridictions nationales comme distinctive constitue un très fort indice de l’existence effective d’un caractère distinctif, en particulier lorsque le droit national des marques de l’État membre concerné relève du droit communautaire harmonisé. Or, c’est précisément en raison de l’utilisation alléguée du terme « caipi » par le consommateur allemand que la demande d’enregistrement a été rejetée et c’est en Allemagne que le signe litigieux a été considéré, par la chambre de recours, comme soumis à l’impératif de disponibilité et dépourvu de caractère distinctif.

49      Par conséquent, elle estime que la chambre de recours ne pouvait pas se contenter d’indiquer que son appréciation devait être effectuée de façon autonome, mais que celle-ci aurait dû analyser intensivement les enregistrements nationaux en sens contraire et la compréhension du public dans l’État membre concerné. Elle précise, à cet égard, qu’il ressort de la jurisprudence que l’incidence des enregistrements nationaux sur l’appréciation du caractère enregistrable d’une marque demandée en ce qui concerne les motifs visés par l’article 7 du règlement n° 40/94 doit être examinée de façon spécifique dans chaque affaire [arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Ellos/OHMI (ELLOS), T‑219/00, Rec. p. II‑753, points 53 et suivants, et du 5 juin 2002, Hershey Foods/OHMI (Kiss Device with plume), T‑198/00, Rec. p. II‑2567, points 32 et 33].

50      En premier lieu, l’OHMI fait observer que le reproche de la requérante est incorrect de facto. En effet, il relève que, au point 27 de la décision attaquée, la chambre de recours a bien examiné l’enregistrement de la marque Caipi par le deutsches Patenten- und Markenamt (Office des brevets et des marques allemand, ci-après le « DPMA »), mais est parvenue à la conclusion que l’enregistrement antérieur ne pouvait modifier sa propre appréciation du caractère enregistrable de la marque demandée.

51      En second lieu, l’OHMI rappelle que le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêts du Tribunal du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, Rec. p. II‑3829, point 47, et du 5 décembre 2002, BioID/OHMI (BioID), T‑91/01, Rec. p. II‑5159, point 45]. Il considère, par conséquent, que le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation communautaire pertinente. L’OHMI et, le cas échéant, le juge communautaire ne seraient pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre, voire d’un pays tiers, admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale. Tel serait également le cas même si une telle décision a été prise en application d’une législation nationale harmonisée avec la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1).

–       Appréciation du Tribunal

52      Il est exact que, comme le relève la requérante, les enregistrements d’ores et déjà effectués dans des États membres constituent un élément qui, sans être déterminant, peut être pris en considération aux fins de l’enregistrement d’une marque communautaire. Ainsi, lesdits enregistrements peuvent offrir un support d’analyse pour l’appréciation d’une demande d’enregistrement d’une marque communautaire [voir arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, Develey/OHMI (Forme d’une bouteille en plastique), T‑129/04, Rec. p. II‑811, point 33, et la jurisprudence citée].

53      Il convient de rappeler, cependant, que l’OHMI n’est pas tenu de fonder sur une décision nationale son appréciation de la perception qu’a le public pertinent de la marque en cause. Le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national (arrêt electronica, précité, point 47). Dès lors, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation communautaire pertinente. L’OHMI et, le cas échéant, le juge communautaire ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre ou d’un pays tiers admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale. Tel est le cas même si une telle décision a été prise en application d’une législation nationale harmonisée en vertu de la directive 89/104, ou encore dans un pays appartenant à la zone linguistique dans laquelle le signe verbal en cause trouve son origine [arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 47 ; PAPERLAB, précité, point 37, et WEISSE SEITEN, précité, point 30].

54      Il s’ensuit que l’incidence que peuvent avoir les enregistrements nationaux sur l’appréciation du caractère enregistrable d’une marque demandée en ce qui concerne les motifs visés par l’article 7 du règlement n° 40/94 dépend des circonstances concrètes de l’espèce (arrêt Kiss Device with plume, précité, point 33).

55      Or, en l’espèce, il ressort du point 27 de la décision attaquée que la chambre de recours a dûment tenu compte des éléments que la requérante avait portés à sa connaissance, à savoir de l’enregistrement de la marque Caipi par le DPMA, de la décision d’un tribunal allemand concernant une mesure provisoire dans le cadre d’une procédure inter partes ainsi que de l’enregistrement international de la marque Caipi. Cependant, elle a estimé que ces éléments ne modifiaient pas son avis quant au caractère non enregistrable du signe Caipi en tant que marque communautaire pour les produits spécifiés. Or, selon la jurisprudence rappelée ci-dessus, elle pouvait librement apprécier ces éléments et tirer les conséquences de cet examen quant à la solution à adopter pour l’enregistrement de la marque Caipi.

56      Dans ces conditions, les arguments de la requérante tirés de l’existence des enregistrements susmentionnés doivent être rejetés. Au surplus, la requérante n’a présenté aucun argument substantiel qui puisse être dégagé de ces décisions nationales et invoqué à l’appui du moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94.

 Sur le grief tiré du défaut de prise en compte de l’article 12 du règlement n° 40/94

–       Arguments des parties

57      La requérante fait valoir que la décision attaquée méconnaît la portée et la signification de l’article 12 du règlement n° 40/94, en le passant totalement sous silence. Or, les doutes de la décision attaquée quant à l’impératif de disponibilité du signe Caipi seraient suffisamment couverts par cette disposition et aucun élément ne permettrait donc de penser que l’enregistrement du terme « caipi » comme marque pour les produits visés dans la demande restreindrait illicitement l’utilisation des tiers dans le commerce.

58      En effet, il ressortirait de la lecture combinée de l’article 7, paragraphe 1, sous c), et de l’article 12 du règlement n° 40/94 que les dénominations qui ne sont pas soumises à un impératif de disponibilité doivent être enregistrées, mais qu’elles ne doivent pas être utilisées pour faire obstacle à un emploi descriptif dans le commerce lorsqu’il en existe un. Dès lors, si la requérante n’exclut pas la possibilité d’une utilisation descriptive de la dénomination « caipi » – si, par exemple, un barman répond à la commande de caipirinha d’un client par « Votre caipi » –, elle considère qu’il s’agirait, dans un tel cas, d’une évocation directement descriptive de la boisson proposée, de sorte qu’elle serait suffisamment prise en compte par l’article 12, sous b), du règlement n° 40/94. Par ailleurs, il ressortirait des extraits d’Internet auxquels il est fait référence dans la décision attaquée que la désignation « caipi » n’est pas employée dans le commerce.

59      L’OHMI fait valoir que cet argument a déjà été rejeté par la Cour au motif que l’examen effectué lors de la demande d’enregistrement ne doit pas être minimal, mais doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière injustifiée et de s’assurer, pour des raisons de sécurité juridique et de bonne administration, que les marques dont l’usage pourrait être contesté avec succès devant les juridictions ne soient pas enregistrées (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 mai 2003, Libertel, C‑104/04, Rec. p. I‑3793, points 58 et 59, confirmé par l’arrêt OHMI/Erpo Möbelwerk, précité, point 45). L’OHMI considère, par conséquent, que l’existence de l’article 12 du règlement n° 40/94 n’a aucune incidence sur l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement.

–       Appréciation du Tribunal

60      Il y a lieu de rappeler que l’article 12 du règlement n° 40/94, intitulé « Limitation des effets de la marque communautaire », énonce ce qui suit :

« Le droit conféré par la marque communautaire ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires :

[…]

b)       d’indications relatives à l’espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l’époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d’autres caractéristiques de ceux-ci ;

[…]

pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale. »

61      Il s'ensuit que cette disposition, invoquée par la requérante, vise les limitations du droit conféré par une marque communautaire à son titulaire, dans la vie des affaires. Ainsi, un présumé contrefacteur peut, à titre de moyen de défense, invoquer cette disposition pour, le cas échéant, s’exonérer de toute atteinte aux droits du titulaire d’une marque communautaire composée, notamment, de termes désignant les caractéristiques du produit visé [arrêt du Tribunal du 31 mars 2004, Interquell/OHMI – SCA Nutrition (HAPPY DOG), T‑20/02, Rec. p. II‑1001, point 56].

62      Dans ce contexte, l’argumentation de la requérante repose sur l’idée que cette disposition neutralise le risque que des opérateurs puissent s’approprier certains signes qui devraient rester disponibles et que, par conséquent, le contrôle du motif de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 devrait être libéral.

63      Or, comme l’OHMI le relève, cette thèse a déjà été rejetée par la Cour, au motif que l’examen des demandes d’enregistrement ne doit pas être minimal, mais doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue et d’assurer, pour des raisons de sécurité juridique et de bonne administration, que les marques dont l’usage pourrait être contesté avec succès devant les juridictions ne soient pas enregistrées (voir, en ce sens, arrêts Libertel, précité, points 58 et 59, et OHMI/Erpo Möbelwerk, précité, point 45).

64      Par ailleurs, l’éventuelle application de l’article 12 du règlement n° 40/94 suppose la constatation préalable d’une marque valablement enregistrée, pour laquelle un titulaire fait valoir des droits. Force est de constater, par conséquent, que l’article 12 du règlement n° 40/94 n’est pas applicable dans le cadre de la procédure d’enregistrement d’une marque communautaire [arrêts du Tribunal du 15 octobre 2003, Nordmilch/OHMI (OLDENBURGER), T‑295/01, Rec. p. II‑4365, points 55 à 57, et HAPPY DOG, précité, points 55 et 56].

65      Il s’ensuit que le présent grief n’est pas fondé.

66      Partant, le premier moyen doit être rejeté dans sa totalité.

 Sur le moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

67      La requérante conteste également le motif de refus à l’enregistrement tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Comme elle l’a déjà exposé au titre de l’examen du motif de refus tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement, elle considère que le terme « caipi » ne constitue pas une désignation abrégée des produits visés dans la demande d’enregistrement. Or, la décision attaquée n’aurait pas avancé d’autres raisons justifiant le prétendu défaut de caractère distinctif. Du reste, la requérante considère que le signe litigieux est une dénomination fantaisiste des produits visés dans la demande, dotée d’un caractère distinctif, et rappelle que, en tout état de cause, un minimum de caractère distinctif suffit pour qu’un signe soit apte à être enregistré.

68      L’OHMI rappelle que la décision attaquée se fonde sur les motifs de refus énoncés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94. Il fait valoir que, selon la jurisprudence, citée d’ailleurs au point 28 de la décision attaquée, une indication descriptive dans le langage courant est, de ce fait, nécessairement dépourvue du caractère distinctif exigé par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 (arrêt de la Cour du 12 février 2004, Campina Melkunie, C‑265/00, Rec. p. I‑1699). Par conséquent, l’OHMI n’aborde pas séparément le motif de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

 Appréciation du Tribunal

69      Le premier moyen ayant été rejeté, et dans la mesure où il suffit que l’un des motifs absolus de refus énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 s’applique pour que le signe en cause ne puisse être enregistré comme marque communautaire (arrêt de la Cour du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, Rec. p. I‑7561, point 29), il n’y a pas lieu d’examiner le second moyen soulevé par la requérante, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

70      Au demeurant, selon la jurisprudence, une marque verbale qui est descriptive des caractéristiques de produits ou de services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, est, de ce fait, nécessairement dépourvue de caractère distinctif au regard de ces mêmes produits ou services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement [arrêts du Tribunal du 12 janvier 2005, Wieland-Werke/OHMI (SnTEM, SnPUR, SnMIX), T‑367/02 à T‑369/02, Rec. p. II‑47, point 46, et DigiFilm, précité, point 44 ; voir également, par analogie, arrêt Campina Melkunie, précité, point 19].

71      Eu égard à ces considérations, et dès lors que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, dans la décision attaquée, que l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 s’opposait à l’enregistrement de la marque demandée, s’agissant des produits litigieux, le second moyen ne saurait être accueilli.

72      Ainsi, il y a lieu de rejeter le recours dans sa totalité.

 Sur les dépens

73      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La partie requérante est condamnée aux dépens.

Cooke

Labucka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 octobre 2007.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      J. D. Cooke


* Langue de procédure : l’allemand.