Language of document : ECLI:EU:T:2015:437

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

 25 juin 2015(*)

« Dumping – Importations de certains alcools gras et leurs coupes originaires d’Inde, d’Indonésie et de Malaisie – Ajustement – Article 2, paragraphe 9 et paragraphe 10, sous i), du règlement (CE) n° 1225/2009 – Fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions – Entité économique unique – Erreur manifeste d’appréciation – Principe de bonne administration – Égalité et non-discrimination »

Dans l’affaire T‑26/12,

PT Perindustrian dan Perdagangan Musim Semi Mas (PT Musim Mas), établie à Medan (Indonésie), représentée par Me D. Luff, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J.-P. Hix, en qualité d’agent, assisté initialement de Me G. Berrisch, avocat, et de Mme N. Chesaites, barrister, puis de Me D. Geradin, avocat, et enfin de M. E. McGovern, barrister,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par M. M. França et Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

et par

Sasol Olefins & Surfactants GmbH, établie à Hambourg (Allemagne),

et

Sasol Germany GmbH, établie à Hambourg,

représentées initialement par Me V. Akritidis, avocat, et M. J. Beck, solicitor, puis par Me Akritidis,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement d’exécution (UE) n° 1138/2011 du Conseil, du 8 novembre 2011, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains alcools gras et leurs coupes originaires de l’Inde, d’Indonésie et de Malaisie (JO L 293, p. 1), ainsi que du règlement d’exécution (UE) n° 1241/2012 du Conseil, du 11 décembre 2012, modifiant le règlement d’exécution n° 1138/2011 (JO L 352, p. 1),


LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude (rapporteur), président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 décembre 2014,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        La règlementation de base antidumping est constituée par le règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, ci-après le « règlement de base »).

2        L’article 1er, paragraphes 1 et 2, du règlement de base dispose ce qui suit :

« 1. Peut être soumis à un droit antidumping tout produit faisant l’objet d’un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans la Communauté cause un préjudice.

2. Un produit est considéré comme faisant l’objet d’un dumping lorsque son prix à l’exportation vers la Communauté est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d’opérations commerciales normales, pour le produit similaire dans le pays exportateur. »

3        Aux termes de l’article 2, paragraphes 8 à 10, du règlement de base :

« 8. Le prix à l’exportation est le prix réellement payé ou à payer pour le produit vendu à l’exportation vers la Communauté.

9. Lorsqu’il n’y a pas de prix à l’exportation ou lorsqu’il apparaît que le prix à l’exportation n’est pas fiable en raison de l’existence d’une association ou d’un arrangement de compensation entre l’exportateur et l’importateur ou un tiers, le prix à l’exportation peut être construit sur la base du prix auquel les produits importés sont revendus pour la première fois à un acheteur indépendant ou, si les produits ne sont pas revendus à un acheteur indépendant ou ne sont pas revendus dans l’état où ils ont été importés, sur toute autre base raisonnable.

Dans de tels cas, des ajustements sont opérés pour tenir compte de tous les frais, y compris les droits et les taxes, intervenus entre l’importation et la revente et d’une marge bénéficiaire, afin d’établir un prix à l’exportation fiable au niveau frontière communautaire.

Les coûts au titre desquels un ajustement est opéré incluent ceux normalement supportés par un importateur, mais payés par toute partie ayant ses activités à l’intérieur ou à l’extérieur de la Communauté et paraissant être associée à ou avoir conclu un arrangement de compensation avec l’importateur ou l’exportateur, et notamment les éléments suivants : transport habituel, assurance, manutention, déchargement et coûts accessoires ; droits de douane, droits antidumping et autres taxes payables dans le pays importateur du fait de l’importation ou de la vente des marchandises, ainsi qu’une marge raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et autres frais généraux et le bénéfice.

[…]

10. Il est procédé à une comparaison équitable entre le prix à l’exportation et la valeur normale. Cette comparaison est faite, au même stade commercial, pour des ventes effectuées à des dates aussi proches que possible et en tenant dûment compte d’autres différences qui affectent la comparabilité des prix. Dans les cas où la valeur normale et le prix à l’exportation établis ne peuvent être ainsi comparés, il sera tenu compte dans chaque cas, sous forme d’ajustements, des différences constatées dans les facteurs dont il est revendiqué et démontré qu’ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité. On évitera de répéter les ajustements, en particulier lorsqu’il s’agit de différences relatives aux rabais, aux remises, aux quantités ou aux stades de commercialisation. Lorsque les conditions spécifiées sont réunies, les facteurs au titre desquels des ajustements peuvent être opérés sont les suivants.

[…]

i) Commissions

Un ajustement est opéré au titre des différences dans les commissions versées pour les ventes considérées. 

Le terme ‘commissions’ couvre aussi la marge perçue par un opérateur commercial du produit ou du produit similaire si les fonctions de cet opérateur sont assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions. »

 Antécédents du litige

4        La requérante, PT Perindustrian dan Perdagangan Musim Semi Mas (PT Musim Mas) (ci-après « PTMM »), est une société établie à Medan (Indonésie) qui produit, notamment, des alcools gras (ci-après le « produit concerné »). La requérante commercialise et vend ses produits dans l’Union européenne par l’intermédiaire de deux sociétés qui lui sont liées et qui sont établies à Singapour, en l’occurrence Inter-Continental Oils & Fats Pte Ltd (ci-après « ICOF S »), filiale contrôlée à 100 % par des actionnaires communs à PTMM, et Besdale Trading Pte Ltd. Les importations dans l’Union sont réalisées par la filiale ICOF Europe GmbH (ci-après « ICOF E »), établie en Allemagne et détenue à 100 % par ICOF S. 

5        À la suite d’une plainte déposée le 30 juin 2010 par deux producteurs de l’Union, Cognis GmbH et Sasol Olefins & Surfactants GmbH, la Commission européenne a ouvert une procédure antidumping concernant des importations dans l’Union de certains alcools gras et leurs coupes originaires d’Inde, d’Indonésie et de Malaisie, conformément à l’article 5 du règlement de base.

6        L’enquête relative au dumping et au préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er janvier 2009 et le 30 juin 2010 (ci-après la « période d’enquête »).

7        La requérante a coopéré avec la Commission lors de l’enquête. La Commission a transmis le questionnaire antidumping après l’ouverture de l’enquête. La requérante a remis sa réponse au questionnaire le 4 octobre 2010.

8        Par le règlement (UE) n° 446/2011, du 10 mai 2011, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains alcools gras et leurs coupes originaires d’Inde, d’Indonésie et de Malaise (JO L 122, p. 47), la Commission a institué un droit antidumping provisoire sur les importations de certains alcools gras et leurs coupes originaires d’Inde, d’Indonésie et de Malaisie.

9        Le 11 mai 2011, la Commission a informé la requérante des faits et considérations essentiels sur la base desquels il avait été décidé d’instituer des mesures antidumping provisoires (ci-après les « conclusions provisoires »). Les calculs de la marge de dumping, laquelle repose sur une comparaison entre la valeur normale et le prix à l’exportation vers l’Union, étaient expliqués en annexe 2 de ces conclusions provisoires.

10      En ce qui concerne le prix à l’exportation vers l’Union, la Commission a considéré qu’il n’était pas fiable, car il s’agissait du prix fixé par la requérante à l’égard de sa société importatrice liée dans l’Union, ICOF E. Le prix à l’exportation a dès lors été construit sur la base des prix de première revente facturés à des clients indépendants dans l’Union, conformément à l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, en déduisant de cette valeur tous les coûts encourus entre l’importation et la revente ainsi qu’une marge bénéficiaire de 7,5 % pour ICOF E.

11      Aux fins d’opérer une comparaison équitable entre la valeur normale et le prix à l’exportation, un ajustement à la baisse du prix à l’exportation a été opéré pour prendre en compte les frais de vente, frais généraux et dépenses administratives ainsi qu’une commission versée à ICOF S sur les ventes vers l’Union, conformément à l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.

12      En ce qui concerne la valeur normale, la Commission a provisoirement rejeté la demande de la requérante visant à ce qu’un ajustement de la valeur normale soit opéré pour les frais de vente, frais généraux et dépenses administratives ainsi que pour le bénéfice d’ICOF S concernant les ventes sur le marché intérieur indonésien.

13      Par lettre du 10 juin 2011, la requérante a soumis à la Commission ses commentaires sur les conclusions provisoires. Tout d’abord, elle a fait valoir qu’elle et ICOF S formaient une entité économique unique et que, par conséquent, il n’y avait pas lieu de procéder au moindre ajustement à la baisse du prix à l’exportation au titre de commissions. Ensuite, elle s’est plainte du fait que la Commission avait déduit à tort du prix à l’exportation une double marge bénéficiaire à l’intérieur du groupe PTMM en déduisant une marge bénéficiaire hypothétique de 7,5 % sur ICOF E lors de la construction du prix à l’exportation et une commission pour ICOF S aux fins de rendre ce prix comparable à la valeur normale. Enfin, elle a indiqué que, à supposer qu’il ait fallu procéder à un ajustement du prix à l’exportation, il aurait fallu procéder à un ajustement similaire pour la valeur normale afin d’assurer une comparabilité des prix suffisante, car ICOF S traite également les ventes sur le marché intérieur.

14      Le 26 juillet 2011, la Commission a envoyé à la requérante une lettre indiquant les principaux faits et considérations sur le fondement desquels elle proposait de recommander l’imposition de mesures définitives et lui accordait un délai pour présenter des observations.

15      Le 8 novembre 2011, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 1138/2011 instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains alcools gras et leurs coupes originaires de l’Inde, d’Indonésie et de Malaisie (JO L 293, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »).

16      S’agissant des exportations vers l’Union par l’intermédiaire d’ICOF E, la marge bénéficiaire utilisée pour la construction du prix à l’exportation en application de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base a été ramenée à 5 %, comme cela a été suggéré par la requérante dans ses observations sur les conclusions provisoires.

17      S’agissant de la comparaison entre la valeur normale et le prix à l’exportation, le Conseil a maintenu un ajustement à la baisse du prix à l’exportation au titre d’une commission versée à ICOF S sur les ventes vers l’Union facturées par cette dernière, conformément à l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, rejetant dès lors l’argument de la requérante selon lequel elle formait une entité unique avec ICOF S au sein de laquelle cette dernière agissait en tant que service d’exportation. Le considérant 31 du règlement attaqué se lit comme suit :

« À la suite de la notification des conclusions provisoires, les deux producteurs-exportateurs indonésiens ont fait remarquer qu’aucun ajustement n’aurait dû être fait pour des différences dans les commissions, au sens de l’article 2, paragraphe 10, [sous] i), du règlement de base, versées pour les ventes réalisées par l’intermédiaire de leurs négociants liés respectifs dans un pays tiers. Tous deux ont avancé que leurs sociétés de production en Indonésie et leurs négociants liés respectifs établis à Singapour constituaient une entité économique unique et que les négociants du pays tiers agissaient en tant que service d’exportation de leurs sociétés indonésiennes liées. Toutefois, dans les deux cas, les ventes intérieures ainsi que certaines exportations vers des pays tiers sont facturées directement par le fabricant en Indonésie, les négociants à Singapour recevant une commission spécifique. En ce qui concerne l’une des sociétés indonésiennes, cette commission est mentionnée dans un contrat ne concernant que des exportations. En outre, les négociants établis dans le pays tiers vendent également des produits fabriqués par d’autres producteurs et même, dans un cas particulier, par des producteurs indépendants. Par conséquent, les deux négociants liés établis à Singapour remplissent clairement des fonctions semblables à celles d’un agent travaillant sur la base d’une commission. La demande est donc rejetée. »

18      En outre, la demande de la requérante visant à ce que soit opéré un ajustement identique de la valeur normale au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base a été rejetée, car le contrat prévoyant le versement d’une commission à ICOF S ne concerne que des ventes à l’exportation et les ventes intérieures sont facturées directement par la requérante. Le considérant 35 du règlement attaqué se lit comme suit :

« La société a également affirmé que, dans le cas où le prix à l’exportation devait être ajusté pour tenir compte de la commission du négociant lié établi dans le pays tiers conformément à l’article 2, paragraphe 10, [sous] i), du règlement de base, un ajustement identique de la valeur normale devrait être effectué, étant donné que ce négociant coordonnerait également les ventes sur le marché intérieur. Toutefois, le contrat écrit entre le négociant et le producteur établi en Indonésie ne concerne que des ventes à l’exportation. De plus, les ventes intérieures sont facturées par la société établie en Indonésie. La demande est donc rejetée. »

19      Par arrêt du 21 janvier 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP (C‑191/09 P et C‑200/09 P, Rec, EU:C:2012:78), la Cour a confirmé l’arrêt du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil (T‑249/06, Rec, ci-après l’« arrêt Interpipe », EU:T:2009:62), concernant l’application de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base.

20      À la suite de cet arrêt de la Cour, la Commission a communiqué à la requérante, le 13 juin 2012, son intention d’amender le règlement attaqué afin de modifier le droit antidumping imposé à PT Ecogreen Oleochemicals, Ecogreen Oleochemicals (Singapore) Pte. Ltd et Ecogreen Oleochemicals GmbH (ci-après, prises ensemble, « Ecogreen »).

21      Le 25 juin 2012, la requérante a formulé des observations sur la proposition d’amender le règlement attaqué.

22      Le 25 septembre 2012, la Commission a confirmé à la requérante son intention de modifier le règlement attaqué à l’égard d’Ecogreen, considérant que la situation de cette dernière était analogue à celle d’Interpipe, et a rejeté la demande de la requérante visant à ce que le droit antidumping imposé à son égard fasse également l’objet d’un nouveau calcul, sans ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.

23      Le 11 décembre 2012, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 1241/2012 modifiant le règlement d’exécution n° 1138/2011 (JO L 352, p. 1). Par ce règlement, les taux des droits antidumping applicables à Ecogreen ont été ramenés à zéro.

 Procédure et conclusions des parties

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 janvier 2012, la requérante a introduit le présent recours.

25      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 avril 2012, Sasol Olefins & Surfactants et Sasol Germany GmbH (ci-après, prises ensemble, « Sasol ») ont demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

26      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 4 mai 2012, la Commission a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

27      Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 18 juin 2012, la Commission a été admise à intervenir.

28      Par actes déposés au greffe du Tribunal les 1er juin, 2 juillet, 22 août et 19 décembre 2012, la requérante a demandé le traitement confidentiel, à l’égard de Sasol, de certaines informations contenues dans les documents de procédure.

29      Par ordonnance du président de la quatrième chambre du 13 juillet 2012, Sasol a été admise à intervenir.

30      Par acte déposé au greffe du Tribunal les 2 août et 31 octobre 2012, Sasol a contesté, en partie, les demandes de traitement confidentiel mentionnées ci-dessus.

31      Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 30 avril 2013, la demande de traitement confidentiel de la requérante a partiellement été accueillie.

32      Par lettres du 13 septembre 2013 et du 24 septembre 2014, au titre de mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, le Tribunal a posé par écrit une question aux parties et a invité la requérante à déposer un document. Les parties ont déféré à ces mesures d’organisation de la procédure dans les délais impartis.

33      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 11 décembre 2014.

34      Au cours de l’audience, la requérante a adapté ses chefs de conclusions de sorte que le recours tende également à l’annulation du règlement d’exécution n° 1241/2012.

35      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

36      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les articles 1er et 2 du règlement attaqué ainsi que le règlement d’exécution n° 1241/2012 en ce qu’ils la concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

37      Le Conseil, soutenu par la Commission et Sasol, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

38      À l’appui de son recours, la requérante avance quatre moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base. Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 10, premier alinéa, du règlement de base. Le troisième moyen est tiré d’une violation du principe de bonne administration. Le quatrième moyen est tiré d’une violation du principe général d’égalité et de non-discrimination.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base

39      La requérante articule son premier moyen autour de deux branches. Premièrement, elle estime que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation et un abus de pouvoir en refusant de reconnaître l’existence d’une entité économique unique entre elle et ICOF S, laquelle, selon elle, exclut l’application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base. Deuxièmement, elle considère que le Conseil n’a apporté aucun élément de preuve convaincant établissant qu’ICOF S exerce des fonctions semblables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions.

 Sur la première branche du premier moyen, relative à l’erreur d’appréciation commise par le Conseil en ne reconnaissant pas l’existence d’une entité économique unique

40      La requérante fait valoir qu’elle et ICOF S forment une entité économique unique et que le Conseil a dès lors commis une erreur manifeste d’appréciation et un abus de pouvoir en procédant à l’ajustement contesté. À cet égard, elle indique qu’elle et ICOF S sont contrôlées à 100 % par des actionnaires communs et qu’ICOF S exerce les fonctions d’un département interne des ventes en commercialisant les produits et en négociant toutes les ventes. La requérante précise qu’elle signait des factures concernant les ventes en Indonésie et certaines ventes sur d’autres marchés asiatiques uniquement et respectivement pour des raisons fiscales et pour des raisons liées à l’origine des produits. Elle fait dès lors valoir que son activité de vente est complémentaire des fonctions de vente d’ICOF S.

41      Le Conseil ne conteste pas que la requérante et ICOF S fassent toutes deux partie du même groupe et soient contrôlées par la même entité. Il estime toutefois que l’existence d’un contrôle commun ne fait pas obstacle à ce que soit opéré un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base. Ce qui importe, ce sont les fonctions exercées par le négociant lié. Or, en l’espèce, différents facteurs permettent de conclure qu’ICOF S remplit des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions et non à celles d’un service de vente interne.

42      À titre liminaire, il y a lieu de souligner que la requérante considère que les institutions ont commis un abus de pouvoir en niant l’existence d’une entité économique unique et en ignorant les éléments de fait qu’elle leur a présentés. Toutefois, à l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la requérante a précisé que cet argument avait trait au principe de bonne administration qui constitue l’objet du troisième moyen. L’allégation d’abus de pouvoir soulevée par la requérante sera donc traitée sous l’angle de ce dernier principe dans le cadre du troisième moyen.

43      À titre principal, tout d’abord, il ressort de la jurisprudence qu’une entité économique unique existe lorsqu’un producteur confie des tâches relevant normalement d’un département interne des ventes à une société de distribution de ses produits qu’il contrôle économiquement (voir, par analogie, arrêts du 5 octobre 1988, Brother Industries/Conseil, 250/85, Rec, EU:C:1988:464, point 16, et du 10 mars 1992, Matsushita Electric/Conseil, C‑175/87, Rec, EU:C:1992:109, point 12). Dans ces circonstances, la prise en considération des prix du distributeur affilié permet d’éviter que des coûts, qui sont manifestement englobés dans le prix de vente d’un produit lorsque cette vente est effectuée par un département des ventes intégré dans l’organisation du producteur, ne le soient plus lorsque la même activité de vente est exercée par une société juridiquement distincte, bien qu’économiquement contrôlée par le producteur (voir, par analogie, arrêt du 10 mars 1992, Canon/Conseil, C‑171/87, Rec, EU:C:1992:106, points 9 à 13).

44      Ensuite, il y a lieu de souligner qu’une entité économique unique peut exister lorsque le producteur assume lui-même une partie des fonctions de vente complémentaires à celles de la société de distribution de ses produits (voir, par analogie, arrêt du 13 octobre 1993, Matsushita Electric Industrial/Conseil, C‑104/90, Rec, EU:C:1993:837, point 14).

45      Enfin, il importe de rappeler que, conformément à la jurisprudence de la Cour, si une partie demande, au titre de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, des ajustements destinés à rendre comparables la valeur normale et le prix à l’exportation en vue de la détermination de la marge de dumping, cette partie doit apporter la preuve que sa demande est justifiée (voir, en ce sens, arrêts du 7 mai 1987, Nachi Fujikoshi/Conseil, 255/84, Rec, EU:C:1987:203, point 33 ; Nippon Seiko/Conseil, 258/84, Rec, EU:C:1987:205, point 45, et Minebea/Conseil, 260/84, Rec, EU:C:1987:206, point 43).

46      Par ailleurs, lorsque le Conseil et la Commission considèrent qu’il y a lieu d’appliquer un ajustement à la baisse du prix à l’exportation au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, il appartient à ces institutions d’apporter la preuve ou, à tout le moins, des indices démontrant que les conditions d’application de cette disposition sont remplies (voir, en ce sens, arrêt Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, point 19 supra, EU:C:2012:78, point 61).

47      À la lumière de ces considérations, il convient dès lors d’analyser, dans le cadre de la première branche du premier moyen, si les institutions ont apporté la preuve ou, à tout le moins, des indices démontrant que la requérante et ICOF S ne formaient pas une entité économique unique.

48      Il ressort de la jurisprudence citée au point 43 ci-dessus que, si l’existence d’un contrôle du producteur sur le négociant lié ou d’un contrôle commun à ces deux sociétés est une condition préalable à l’existence d’une entité économique unique, il ne peut être conclu à l’existence d’une telle entité que si les fonctions exercées par le négociant lié sont assimilables à celles d’un département interne des ventes.

49      En l’espèce, le Conseil ne conteste pas l’existence d’un contrôle commun de la requérante et d’ICOF S, mais il a conclu que ces dernières ne formaient pas une entité unique sur la base des fonctions exercées par ICOF S.

50      À cet égard, il ressort du considérant 31 du règlement attaqué que le Conseil s’est fondé sur trois facteurs pour conclure, notamment, qu’ICOF S n’exerçait pas les fonctions d’un département interne des ventes, à savoir, premièrement, qu’ICOF S vendait également des produits fabriqués par d’autres producteurs, y compris par des producteurs indépendants, deuxièmement, que la requérante versait à ICOF S une commission, mentionnée dans un contrat, uniquement sur les ventes à l’exportation réalisées par cette dernière et, troisièmement, que la requérante facturait directement les ventes intérieures ainsi que certaines exportations vers des pays tiers. 

51      En premier lieu, s’agissant du facteur relatif aux ventes de produits fabriqués par des producteurs indépendants, le Tribunal considère, à l’instar du Conseil, que, afin d’évaluer l’existence d’une entité économique unique, il y a lieu de tenir compte des fonctions générales du négociant lié, y compris pour ce qui est de ses activités concernant des produits autres que le produit concerné. Une telle approche permet en effet de rendre compte de la réalité économique des relations entre le producteur et le négociant lié et d’apprécier ainsi la fonction qu’exerce ce dernier au sein du groupe auquel il appartient sur le marché d’exportation vers l’Union. Ainsi, pour déterminer si une société exerce les fonctions d’un département interne des ventes à l’exportation au sein d’un groupe, il revient aux institutions d’examiner les fonctions globales assurées par cette société dans la commercialisation et l’exportation du produit concerné ainsi que des autres produits, tant au sein du groupe que dans ses relations avec des producteurs tiers indépendants.

52      Partant, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel seules les fonctions exercées par ICOF S pour la vente du produit visé par l’enquête sont pertinentes pour définir si ICOF S constitue un département interne des ventes du groupe auquel appartient la requérante.

53      En outre, il y a lieu de considérer que la part des ventes réalisées par le négociant portant sur des produits provenant de producteurs non liés est un facteur important pour déterminer si ce négociant forme une entité économique unique avec le producteur lié. Ainsi, si le négociant réalise une large part de son chiffre d’affaires par la vente de produits provenant d’entreprises non liées, cela pourrait constituer un indice de ce que les fonctions de ce négociant ne sont pas celles d’un département interne des ventes.

54      En l’espèce, force est de constater que les activités globales d’ICOF S reposaient pour une grande partie sur des approvisionnements provenant d’entreprises non liées. En effet, plus de 50 % du total des ventes réalisées par ICOF S en 2009, pour un montant supérieur à 1,4 milliard de dollars des États-Unis (USD), portait sur des produits provenant de producteurs tiers indépendants. ICOF S ne peut donc être considérée comme étant en situation de dépendance par rapport au groupe auquel elle est liée.

55      Certes, la requérante fait valoir que ce chiffre est erroné en ce qu’il est tiré de données se rapportant aux comptes certifiés d’ICOF S pour l’exercice achevé le 30 juin 2009, soit avant la période d’enquête. Pour la période d’enquête, sur le fondement des comptes certifiés d’ICOF S pour l’exercice achevé le 30 juin 2010, la requérante indique que 67,18 % des achats de cette société ont été effectués auprès de sociétés liées.

56      Toutefois, il y a lieu de relever que le rapport annuel d’ICOF S pour l’année 2010 n’a pas été porté à la connaissance des institutions. En réponse à la demande de la Commission, formulée dans le questionnaire antidumping, de fournir avant le 20 septembre 2010 des états financiers pour les deux années précédentes, la requérante a en effet uniquement fourni les rapports annuels pour les années 2008 et 2009. Partant, la requérante ne saurait reprocher au Conseil de s’être fondé sur ces données lors de l’adoption du règlement attaqué.

57      En tout état de cause, le Tribunal estime que la part du chiffre d’affaires d’ICOF S résultant de ses activités avec des entreprises non liées reste significative, y compris en 2010. Cela tend à démontrer qu’ICOF S est un négociant très important dont l’activité économique est susceptible d’être exercée indépendamment de la requérante, dès lors qu’elle porte en grande partie sur des produits provenant de producteurs non liés. Ainsi, bien que les chiffres relatifs aux ventes réalisées sur ces produits fluctuent d’une année à l’autre, il en ressort une seule et même tendance concernant les activités d’ICOF S, laquelle semble aller à l’encontre de l’existence d’une entité économique unique.

58      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que l’importance des activités d’ICOF S dépendant de producteurs tiers indépendants constitue un indice sérieux de ce que les fonctions de cette société n’étaient pas celles d’un service de vente interne.

59      En deuxième lieu, s’agissant du facteur retenu par le Conseil relatif au contrat existant entre la requérante et ICOF S qui prévoit le versement de commissions à cette dernière, la requérante affirme que ces commissions visent à financer les activités générales de marketing et de vente d’ICOF S et s’inscrivent, dès lors, dans le cadre d’un accord de compensation plus large entre les sociétés du même groupe. Bien que versées uniquement sur les ventes à l’exportation pour lesquelles ICOF S émet une facture, ces commissions couvriraient, en réalité, les frais encourus par cette société pour toutes les ventes, y compris celles pour lesquelles elle ne reçoit pas formellement de commissions.

60      À cet égard, premièrement, le Tribunal considère que l’existence d’un contrat écrit constitue un élément pertinent pour déterminer si la requérante et ICOF S forment ou non une entité économique unique et est susceptible de différencier ces deux sociétés d’autres sociétés liées, entre lesquelles l’éventuel versement de commissions reposerait uniquement sur une série d’accords verbaux. L’existence d’un tel contrat tend en effet à démontrer que la relation entre la requérante et ICOF S est organisée sur la base de conditions commerciales normales.

61      Deuxièmement, il y a lieu de constater que le contrat conclu entre la requérante et ICOF S, intitulé « contrat de vente et d’achat », comprend différentes dispositions qui sont difficilement conciliables avec l’existence d’une entité unique entre ces deux sociétés.

62      Ainsi, il est notamment stipulé à l’article 7.3 du contrat en cause que ce dernier ne créera aucun partenariat entre les parties et que le vendeur, à savoir la requérante, ne sera en aucun cas responsable des obligations contractées par l’acheteur, ICOF S. Il est par ailleurs clairement indiqué à son article 12 que le contrat prendra fin à la moindre défaillance d’une des parties. Le Conseil a dès lors raisonnablement pu considérer qu’une telle absence de solidarité entre les parties constituait un indice que la requérante et ICOF S ne formaient pas une entité économique unique.

63      En outre, comme le Conseil et Sasol l’ont souligné à l’audience, il y a lieu de considérer que l’insertion dans le contrat d’une clause d’arbitrage ainsi que de dispositions régissant la communication entre la requérante et ICOF S et leurs obligations en cas d’un éventuel changement de nom ou d’adresse constituait des indices additionnels de ce que ces dernières ne formaient pas une entité économique unique.

64      Troisièmement, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle les commissions versées en vertu du contrat constituent une simple redistribution des bénéfices au sein de l’entité économique unique formée par elle et ICOF S et visent à financer toutes les activités de cette dernière, y compris celles relatives aux ventes intérieures pour lesquelles elle ne reçoit pas formellement de commissions, force est de constater qu’aucune stipulation dudit contrat ne saurait soutenir une telle allégation. Or, il y a lieu de souligner que ce contrat indique explicitement en son article 7.1 qu’il constitue l’intégralité de l’accord existant entre les parties en ce qui concerne le produit concerné. Rien ne permet dès lors de considérer que les commissions versées à ICOF S sur les ventes à l’exportation en vertu dudit contrat couvrent également les frais encourus par cette dernière pour les ventes intérieures qu’elle négocierait.

65      Quatrièmement, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel un accord écrit est nécessaire dans le cadre de sociétés liées établies dans différents pays afin de régir les prix de transfert entre les parties liées et de respecter les recommandations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en la matière, il y a lieu de souligner que ces recommandations visent à améliorer la transparence dans les prix de transfert. Or, force est de constater que l’arrangement invoqué par la requérante, selon lequel les activités d’ICOF S sur le marché indonésien seraient également financées par le biais des commissions versées sur les ventes à l’exportation, ne ressort aucunement des termes du contrat existant entre la requérante et ICOF S. Le Tribunal estime dès lors que la requérante ne saurait justifier le recours à un contrat tel que celui conclu avec ICOF S au regard des recommandations de l’OCDE tout en invoquant l’existence d’un arrangement qui est en totale contradiction avec les objectifs de transparence fixés dans lesdites recommandations.

66      Partant, il y a lieu de conclure que le contrat existant entre la requérante et ICOF S, tel que rédigé en l’espèce, constitue un indice sérieux de ce que les fonctions exercées par cette dernière ne sont pas celles d’un département interne des ventes et qu’aucun des arguments soulevés par la requérante n’est par ailleurs de nature à remettre en cause cette conclusion.

67      En troisième lieu, s’agissant du facteur retenu par le Conseil relatif aux ventes directes effectuées par la requérante, cette dernière avance qu’elle intervient uniquement sur papier pour la facturation de certaines ventes à l’exportation, car certains pays, notamment la République populaire de Chine et le Japon, n’accepteraient pas l’origine indonésienne des produits s’ils étaient facturés par ICOF S. Invoquant l’arrêt Interpipe, point 19 supra (EU:T:2009:62), elle considère que ses fonctions de vente ne sont que complémentaires et ne peuvent dès lors remettre en cause le fait qu’ICOF S, qui négocie toutes les ventes, constitue le service de vente interne au groupe PTMM.

68      Certes, l’organisation de ses ventes ainsi présentée par la requérante n’est pas de nature à exclure l’existence d’une entité économique unique. En effet, il n’est pas exclu que, au sein d’une telle entité, une société liée exerce les fonctions d’un département interne des ventes en organisant et en négociant les ventes du producteur sans pour autant émettre directement toutes les factures relatives à ces ventes. Diverses raisons peuvent justifier l’intervention sur papier du producteur, parmi lesquelles peut figurer celle avancée par la requérante qui justifie son intervention dans le seul but de garantir l’origine des produits.

69      Toutefois, il y a lieu de considérer que, plus la part des ventes facturées directement par le producteur est importante, plus il est difficile de soutenir que le négociant lié à ce producteur exerce les fonctions d’un département interne des ventes. Or, en l’espèce, il ressort du dossier que la requérante est intervenue en tant que partie contractuelle pour 27,08 % des ventes à l’exportation. Il y a donc lieu de constater que le volume des ventes à l’exportation pour lequel la requérante a émis directement une facture est bien plus important que celui en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Interpipe, point 19 supra (EU:T:2009:62). Dans cette dernière affaire, les ventes directes facturées par le producteur ne représentaient en effet que 8 % du volume total des ventes vers l’Union et avaient été réalisées uniquement en direction de nouveaux États membres au cours d’une période transitoire (arrêt Interpipe, point 19 supra, EU:T:2009:62, point 185).

70      Au vu de ces circonstances, le Tribunal considère que, si le niveau des ventes à l’exportation facturées par la requérante ne permet pas d’exclure le fait qu’ICOF S exerce les fonctions d’un département interne des ventes, ce facteur constitue néanmoins un indice qui corrobore les deux premiers facteurs et contribue dès lors à établir l’absence d’entité économique unique.

71      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que le Conseil n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que la requérante et ICOF S ne formaient pas une entité économique unique dès lors que, pris ensemble, les trois facteurs retenus par le Conseil constituent un faisceau d’indices convergents qui démontrent qu’ICOF S n’exerce pas les fonctions d’un département interne des ventes.

72      Il convient donc de rejeter la première branche du premier moyen comme non fondée.

 Sur la seconde branche du premier moyen, relative à l’erreur d’appréciation commise par le Conseil en concluant que les conditions d’application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base étaient remplies

73      Par la seconde branche de son premier moyen, la requérante soutient que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’il n’a pas prouvé à suffisance de droit que les fonctions d’ICOF S étaient semblables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions.

74      Il y a lieu de souligner que l’absence d’entité économique unique entre la requérante et ICOF S ne signifie pas nécessairement que les conditions d’application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base soient remplies.

75      En outre, il convient de rappeler que, en vertu de la disposition visée ci-dessus, un ajustement peut être opéré au titre des différences dans les commissions versées pour les ventes considérées. La seconde phrase de ladite disposition précise que le terme « commissions » couvre aussi la marge perçue par un opérateur commercial du produit ou du produit similaire si les fonctions de cet opérateur sont assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions.

76      La raison d’être de l’introduction de cette seconde phrase de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base était de spécifier, conformément à la pratique constante des institutions, que ces ajustements devaient aussi être opérés si les parties n’entretenaient pas une relation de commettant à commissionnaire, mais parvenaient au même résultat économique en agissant en tant que vendeur et acheteur (arrêt du 7 février 2013, EuroChem MCC/Conseil, T‑459/08, EU:T:2013:66, point 132).

77      Partant, l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base permet d’opérer un ajustement non seulement au titre des différences dans les commissions versées pour les ventes considérées, mais aussi au titre de la marge perçue par des opérateurs commerciaux du produit s’ils remplissent des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions (arrêt du 18 mars 2009, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, T‑299/05, Rec, EU:T:2009:72, point 281).

78      En l’espèce, le Conseil justifie la décision d’ajuster à la baisse le prix à l’exportation de la requérante sur la base de la seconde phrase de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base. Il convient donc d’examiner si les conditions d’application de cette disposition étaient remplies.

79      À cet égard, le Tribunal constate que le Conseil a considéré à bon droit que les fonctions exercées par ICOF S étaient assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions.

80      En effet, il ressort des arguments de la requérante qu’ICOF S commercialise les produits, assure les contacts avec les clients existants et potentiels, sollicite et reçoit les commandes et négocie les ventes. Avant de finaliser toute vente, ICOF S [confidentiel](1). ICOF S émet alors les factures et organise le transport et l’assurance pour les clients. Elle assure par ailleurs le service après-vente et assume le risque de défaillance des clients.

81      S’agissant, en particulier, de ce risque de défaillance des clients supporté par ICOF S, que la requérante estime incompatible avec l’existence d’une relation d’agence commerciale, il y a lieu de rappeler que la seconde phrase de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base permet d’opérer un ajustement au titre de la marge perçue même si les parties n’entretiennent pas une relation de commettant à commissionnaire, mais parviennent au même résultat en agissant en tant que vendeur et acheteur.

82      En l’espèce, il y a lieu de constater que la requérante et ICOF S agissent bien en tant que vendeur et acheteur. Cette dernière achète en effet le produit concerné à la requérante, conformément au contrat de vente et d’achat examiné ci-dessus, et le revend ensuite, moyennant le versement d’une commission sous la forme d’une marge fixe de 5 %.

83      Or, comme l’a souligné le Conseil à l’audience, lorsque les parties agissent en tant que vendeur et acheteur, le transfert de propriété entre ces parties implique nécessairement un transfert des risques liés au produit ainsi vendu.

84      Partant, le Tribunal considère que le fait qu’ICOF S supporte certains risques n’exclut aucunement l’application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, dès lors que cette disposition ne vise pas uniquement les relations d’agence commerciale stricto sensu, mais permet également d’opérer un ajustement lorsque le négociant exerce des fonctions assimilables à celles d’un agent opérant sur la base de commissions, comme en l’espèce.

85      Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter la seconde branche du premier moyen, dans la mesure où le Conseil n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en concluant que les conditions d’application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base étaient remplies.

86      Au vu de tout ce qui précède, il convient donc de rejeter le premier moyen dans son ensemble comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 10, premier alinéa, du règlement de base

87      Par son deuxième moyen, la requérante soutient que le Conseil n’a pas procédé à une comparaison équitable entre le prix à l’exportation et la valeur normale, en violation de l’article 2, paragraphe 10, premier alinéa, du règlement de base. Elle articule ce moyen autour de deux branches. En premier lieu, elle estime que, en procédant à l’ajustement contesté, le Conseil a causé une asymétrie, car il a réduit artificiellement le prix à l’exportation par rapport à la valeur normale. Elle fait valoir que, s’il fallait procéder à un ajustement du prix à l’exportation, il aurait fallu procéder à un ajustement similaire pour la valeur normale. En second lieu, la requérante avance que le Conseil a déduit du prix à l’exportation une double marge hypothétique excessive, de 10 % au total, d’une part, pour les bénéfices d’ICOF E, en application de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, et, d’autre part, pour les bénéfices d’ICOF S, en application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du même règlement.

88      Dans le cadre de ce deuxième moyen, la requérante reproche également au Conseil, d’une part, d’avoir ignoré les informations et éléments de preuve qui lui ont été fournis, le conduisant à une motivation insuffisante de l’ajustement contesté et, d’autre part, d’avoir opéré un ajustement discriminatoire à son égard. Ces arguments ont cependant trait à l’objet, respectivement, des troisième et quatrième moyens et seront donc examinés dans le cadre de ces derniers.

 Sur la première branche du deuxième moyen, relative à l’absence de comparaison équitable entre le prix à l’exportation et la valeur normale

89      La requérante avance deux arguments dans le cadre de la première branche du deuxième moyen. D’une part, elle estime que le Conseil a établi une asymétrie entre la valeur normale et le prix à l’exportation en l’absence d’ajustement pour commissions payées. D’autre part, elle considère que, si le Conseil estimait qu’il fallait procéder à un ajustement du prix à l’exportation, il aurait également fallu procéder à un ajustement similaire pour la valeur normale. Elle fait valoir à cet égard que le Conseil n’a pas tenu compte de ses explications selon lesquelles, d’une part, ICOF S se charge également des ventes sur le marché intérieur et, d’autre part, les commissions versées sur les ventes à l’exportation couvrent en réalité toutes les charges supportées par ICOF S, y compris celles afférentes aux ventes sur le marché intérieur.

90      S’agissant du premier argument de la requérante, relatif à l’absence de symétrie entre la valeur normale et le prix à l’exportation, selon la jurisprudence, il ressort tant de la lettre que de l’économie de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base qu’un ajustement du prix à l’exportation ou de la valeur normale peut être opéré uniquement pour tenir compte des différences concernant des facteurs qui affectent les prix et donc leur comparabilité (arrêt du 21 novembre 2002, Kundan et Tata/Conseil, T‑88/98, Rec, EU:T:2002:280, point 94). En d’autres termes, la raison d’être d’un ajustement est de rétablir la symétrie entre la valeur normale et le prix à l’exportation (arrêt Interpipe, point 19 supra, EU:T:2009:62, point 194).

91      Dès lors, si l’ajustement a été valablement opéré, cela implique qu’il ait rétabli la symétrie entre valeur normale et prix à l’exportation. En revanche, si l’ajustement n’a pas été valablement opéré, cela implique qu’il ait maintenu, voire créé, une asymétrie entre la valeur normale et le prix à l’exportation, affectant dès lors l’exigence énoncée à l’article 2, paragraphe 10, premier alinéa, du règlement de base (arrêt Interpipe, point 19 supra, EU:T:2009:62, point 195).

92      En l’espèce, il y a lieu de rappeler que le premier moyen, tiré de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, a été rejeté comme non fondé (voir points 39 à 86 ci-dessus). Il a en effet été considéré qu’ICOF S ne formait pas une entité économique unique avec la requérante, mais exerçait des fonctions assimilables à celles d’un agent opérant sur la base de commissions, justifiant dès lors qu’un ajustement soit opéré sur la base de la disposition susvisée. Il s’ensuit qu’il y a lieu de conclure que, en procédant à un ajustement au titre d’une commission versée à ICOF S sur les ventes à l’exportation, le Conseil a rétabli la symétrie entre valeur normale et prix à l’exportation et n’a dès lors pas violé l’article 2, paragraphe 10, premier alinéa, du règlement de base.

93      En ce qui concerne le second argument de la requérante, selon lequel le Conseil aurait dû procéder à un ajustement similaire pour la valeur normale, puisqu’ICOF S coordonne également les ventes sur le marché intérieur, le Tribunal estime qu’il doit être rejeté pour deux raisons.

94      Premièrement, il convient de constater que, contrairement au prix à l’exportation, la valeur normale ne comprend aucune marge ni commission destinée à ICOF S. En effet, le contrat liant la requérante à ICOF S prévoit le versement d’une commission uniquement sur certaines ventes à l’exportation. ICOF S ne bénéficie donc d’aucun paiement pour les ventes réalisées sur le marché intérieur, de sorte qu’il peut être considéré que le prix sur ce marché intérieur, à savoir la valeur normale, n’est pas comparable au prix à l’exportation. C’est dès lors à bon droit que le Conseil a estimé que, aux fins d’une comparaison équitable entre la valeur normale et le prix à l’exportation, un ajustement devait être opéré uniquement sur le prix à l’exportation.

95      Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 45 ci-dessus, lorsqu’un producteur revendique l’application d’un ajustement à la baisse de la valeur normale, il revient à cet opérateur d’indiquer et de démontrer que les conditions pour l’octroi d’un tel ajustement sont remplies (arrêt Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, point 19 supra, EU:C:2012:78, point 61).

96      Partant, pour justifier un ajustement à la baisse de la valeur normale au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, il revient à la requérante d’établir qu’ICOF S exerce des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions sur le marché intérieur.

97      À cet égard, il convient de constater que la requérante se contente de soutenir que les charges afférentes à la totalité des ventes sont supportées par ICOF S, lesquelles sont financées par les recettes des commissions que cette société touche sur les ventes à l’exportation, et que ce n’est que pour des raisons fiscales qu’il ne peut y avoir de contrat entre la requérante et ICOF S pour les ventes intérieures. Aucune preuve ne vient toutefois soutenir ces allégations. Comme cela est souligné au point 64 ci-dessus, le contrat existant entre la requérante et ICOF S, présenté comme le seul instrument régissant les relations entre ces deux parties, ne contient aucune disposition ni indice susceptible d’étayer les arguments de la requérante.

98      Partant, il y a lieu de conclure que la requérante n’a pas établi qu’un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base aurait dû être opéré sur la valeur normale afin de procéder à une comparaison équitable entre cette valeur et le prix à l’exportation.

99      Il convient donc de rejeter la première branche du deuxième moyen comme non fondée.

 Sur la seconde branche du deuxième moyen, relative à la déduction d’une double marge excessive du prix à l’exportation

100    Par la seconde branche de son deuxième moyen, d’une part, la requérante soutient que, en déduisant une première marge hypothétique de 5 % pour les bénéfices d’ICOF E, en application de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, et une seconde marge hypothétique de 5 % pour les bénéfices d’ICOF S, le Conseil a violé l’article 2, paragraphe 10, premier alinéa, du règlement de base, qui impose aux institutions d’éviter de répéter les ajustements. D’autre part, elle considère que cette double marge hypothétique, de 10 % au total, déduite du prix à l’exportation, est excessive.

101    En premier lieu, s’agissant du double ajustement opéré sur le prix à l’exportation, il convient de relever que les ajustements effectués au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous a) à k), du règlement de base se distinguent par leur objectif des ajustements opérés dans le cadre de la construction du prix à l’exportation. En effet, alors que ces derniers ajustements visent à déterminer le prix à l’exportation correspondant à des conditions commerciales normales, les ajustements effectués au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous a) à k), du règlement de base tendent à redresser le prix à l’exportation ou la valeur normale déjà calculés en application des règles fixées par l’article 2, paragraphes 1 à 9, dudit règlement. Ces ajustements sont opérés en fonction d’éléments objectifs qui correspondent aux particularités de chaque marché, d’origine et d’exportation, se répercutent de manière inégale sur les conditions de vente et affectent en conséquence la comparabilité des prix (arrêt Nachi Fujikoshi/Conseil, point 45 supra, EU:C:1987:203, points 31 et 32).

102    Partant, rien ne fait obstacle à ce que soit déduite du prix à l’exportation une marge bénéficiaire, conformément à l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, et à ce qu’un ajustement de ce prix soit ensuite opéré au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), de ce règlement, pour autant que les conditions d’application desdites dispositions soient remplies. Il s’agit en effet de deux ajustements distincts dont l’application successive n’est en rien contraire à l’article 2, paragraphe 10, premier alinéa, du règlement de base, lequel vise uniquement à éviter une répétition dans les ajustements opérés au titre de cette disposition.

103    En l’espèce, d’une part, il convient de constater que l’ajustement effectué lors de la construction du prix à l’exportation n’est pas en lui-même contesté. D’autre part, il a été conclu à l’issue de l’analyse du premier moyen que l’ajustement opéré par le Conseil au titre d’une commission versée à ICOF S sur les ventes à l’exportation était justifié.

104    Le Tribunal considère dès lors que le Conseil n’a pas violé l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base en déduisant du prix à l’exportation, d’une part, une marge hypothétique pour les bénéfices d’ICOF E, en application de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, et, d’autre part, une marge pour les bénéfices d’ICOF S, en application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.

105    En second lieu, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle la double marge ainsi déduite serait excessive, le Tribunal estime qu’elle n’est pas fondée.

106    En effet, d’une part, s’agissant de la marge bénéficiaire utilisée par le Conseil pour construire le prix à l’exportation en application de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, il convient de rappeler qu’elle a été fixée à 5 % à la suite des observations soumises par la requérante à cet égard et conformément à ces dernières. La requérante ne peut dès lors invoquer le caractère excessif de cette marge.

107    D’autre part, s’agissant de la marge de 5 % déduite du prix à l’exportation en application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, elle correspond à la marge perçue par ICOF S sur les ventes à l’exportation, telle que fixée dans le contrat conclu entre cette dernière et la requérante. Partant, cette marge ne saurait être considérée comme excessive.

108    Au vu du caractère indépendant des ajustements ainsi opérés, lesquels étaient tous deux justifiés et non excessifs, il ne saurait dès lors être reproché au Conseil d’avoir artificiellement diminué le prix à l’exportation en appliquant successivement les dispositions en question.

109    En outre, comme le souligne le Conseil, il peut être considéré que les institutions ont adopté une approche raisonnable, en ce qu’elles n’ont pas opéré d’ajustement du prix à l’exportation visant à tenir compte du bénéfice réalisé par Besdale Trading Pte sur les ventes à l’exportation en question. Bien que cette dernière, qui agit également en tant qu’intermédiaire pour les ventes à l’exportation vers l’Union (voir point 4 ci-dessus), ait réalisé un bénéfice de 15,13 % au cours de la période d’enquête, le Conseil a considéré que, en raison de la nature particulière du rôle de cette société, aucun ajustement supplémentaire ne devait être opéré.

110    Au vu de tout ce qui précède, il convient donc de rejeter la seconde branche du deuxième moyen comme non fondée et, par conséquent, le deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration

111    Par son troisième moyen, la requérante estime que le Conseil a ignoré les informations et éléments de preuve présentés à la Commission pendant l’enquête concernant, notamment, la fonction essentielle d’ICOF S dans la structure des ventes, le marketing du groupe PTMM ainsi que les frais et marges réels de cette structure pour les ventes sur le marché intérieur et les ventes à l’exportation, et ce sans donner de raisons ni réfuter les faits en question.

112    Selon la jurisprudence, dans le cas où les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec, EU:C:1991:438, point 14 ; du 13 juillet 2006, Shandong Reipu Biochemicals/Conseil, T‑413/03, Rec, EU:T:2006:211, point 63, et du 23 septembre 2009, Dongguan Nanzha Leco Stationery/Conseil, T‑296/06, EU:T:2009:347, point 58).

113    Toutefois, les institutions ne sont pas tenues de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elles par les intéressés. Il leur suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, Rec, EU:T:2005:221, point 64). Partant, il ne saurait leur être reproché de ne pas avoir apporté une réponse précise à chaque argument invoqué par la requérante ou de ne pas avoir pris position sur des éléments qu’elles n’estimaient pas pertinents dans le cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec, EU:C:1998:154, point 64, et du 14 juillet 2011, Arkema France/Commission, T‑189/06, Rec, EU:T:2011:377, point 96).

114    En l’espèce, le Tribunal estime qu’il ressort des considérants 28 à 35 du règlement attaqué que les institutions ont examiné les principaux arguments soulevés par la requérante et y ont répondu aux fins de contester l’ajustement opéré au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base et qu’elles ont motivé cet ajustement à suffisance de droit.

115    En effet, premièrement, le Conseil a pris position sur les arguments invoqués par la requérante concernant l’existence d’une entité économique unique entre elle et ICOF S en présentant, au considérant 31 du règlement attaqué, les différents facteurs qui, selon lui, démontrent qu’ICOF S n’exerce pas les fonctions d’un département interne des ventes, mais des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions.

116    Il convient de souligner à cet égard que l’argumentation de la requérante est contradictoire en ce que, d’une part, elle reproche au Conseil de ne pas avoir examiné le fait qu’ICOF S exerce les fonctions d’un service interne des ventes et, d’autre part, elle relève, dans le même paragraphe de son argumentation, que les institutions ont exposé leur position et rejeté l’application de la notion d’entité économique unique.

117    Certes, le Conseil n’a pas explicitement répondu aux arguments présentés par la requérante selon lesquels elle facture les ventes sur le marché indonésien pour des raisons de nature fiscale et les commissions versées à ICOF S sont destinées à couvrir tous les coûts de cette société, y compris ceux encourus pour la commercialisation des produits sur le marché intérieur. Toutefois, il ressort des éléments du dossier que le Conseil a considéré, lors de la procédure administrative, que les explications avancées par la requérante n’étaient pas étayées et étaient, en tout état de cause, dépourvues de pertinence. Il ne saurait dès lors être reproché au Conseil de ne pas avoir apporté une réponse précise à ces éléments lors de la procédure d’enquête ou dans le règlement attaqué.

118    Deuxièmement, s’agissant de l’argument selon lequel le Conseil aurait dû procéder à un ajustement similaire de la valeur normale, il convient de constater que le Conseil a examiné et rejeté cet argument au considérant 35 du règlement attaqué en expliquant que le contrat écrit entre la requérante et son négociant ne concernait que les ventes à l’exportation.

119    Troisièmement, en ce qui concerne les observations soumises par la requérante sur la double marge qui aurait été déduite du prix à l’exportation, le Conseil a clairement indiqué, au considérant 34 du règlement attaqué, que les déductions opérées, d’une part, au titre d’un bénéfice pour l’importateur lié et, d’autre part, au titre de la commission versée au négociant lié, avaient été comptabilisées à des fins différentes et effectuées séparément et a dès lors explicitement rejeté l’argument de la requérante.

120    En outre, il convient de rappeler que le Conseil a pris en compte et accepté l’argument de la requérante concernant le caractère excessif de la marge bénéficiaire utilisée pour la construction du prix à l’exportation en application de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base. Fixée initialement à 7,5 % dans les conclusions provisoires, cette marge a en effet été réduite à 5 % lors de l’adoption du règlement attaqué, comme il ressort du considérant 29 de ce règlement (voir points 10 et 16 ci-dessus).

121    Dans ces circonstances, il convient de conclure que tous les éléments pertinents dans le cas d’espèce ont été examinés et que le Conseil n’a dès lors pas méconnu le principe de bonne administration.

122    Il y a donc lieu de rejeter le troisième moyen comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe général d’égalité et de non-discrimination

123    Par son quatrième moyen, la requérante fait valoir qu’elle a fait l’objet d’une discrimination en raison de sa structure fiscale et de la structure de son groupe par rapport aux autres sociétés concernées par l’enquête qui supportent des charges similaires mais qui n’ont pas fait l’objet d’ajustements.

124    En outre, dans le cadre de la réplique, la requérante soutient que, en appliquant les principes issus de l’arrêt Interpipe, point 19 supra (EU:T:2009:62), à ses concurrents indonésiens, à savoir Ecogreen, et en refusant de les appliquer à son égard, les institutions opèrent une discrimination, en violation de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base, du principe général d’égalité de traitement et de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La requérante estime que sa situation est comparable à celle d’Interpipe et à celle d’Ecogreen. Sa marge de dumping devrait, de ce fait, également faire l’objet d’un nouveau calcul.

125    À l’audience, la requérante a par ailleurs demandé à pouvoir adapter ses chefs de conclusions de sorte que le recours tende également à l’annulation du règlement d’exécution n° 1241/2012, par lequel le Conseil a supprimé le droit antidumping applicable à Ecogreen.

126    Le Conseil fait valoir que les allégations de la requérante sont vagues et imprécises. En outre, dans la duplique, il souligne que les nouveaux griefs de discrimination invoqués par la requérante dans la réplique sont irrecevables, car le contrôle de la légalité d’un acte de l’Union doit s’exercer en tenant compte des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été adopté.

127    Le Conseil et la Commission se sont également opposés, à l’audience, à la demande d’adaptation de conclusions de la requérante, considérant que cette demande était tardive.

128    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe général d’égalité de traitement et de non-discrimination, consacré par les articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux, interdit, d’une part, de traiter différemment des situations comparables et, d’autre part, de traiter de la même manière des situations différentes, sauf si des raisons objectives justifient un tel traitement (arrêts du 14 avril 2005, Belgique/Commission, C‑110/03, Rec, EU:C:2005:223, point 71, et du 17 décembre 2008, HEG et Graphite India/Conseil, T‑462/04, Rec, EU:T:2008:586, point 35).

129    En outre, l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base précise qu’un droit antidumping dont le montant est approprié à chaque cas est imposé d’une manière non discriminatoire sur les importations d’un produit, de quelque source qu’elles proviennent, pour lesquelles il a été constaté qu’elles faisaient l’objet d’un dumping et causaient un préjudice, à l’exception des importations en provenance des sources dont un engagement au titre du présent règlement a été accepté.

130    En l’espèce, premièrement, s’agissant de l’argument selon lequel l’ajustement contesté constitue une inégalité de traitement à l’égard de la requérante par rapport aux autres producteurs et exportateurs concernés par la même enquête, force est de constater que la requérante ne mentionne aucun élément concret à cet égard. Il n’a en effet nullement été précisé, ni dans les écrits ni lors de l’audience, en quoi ou par rapport à quelle société la requérante serait discriminée, ne permettant dès lors pas au Tribunal d’examiner si la situation de cette dernière est comparable à celle d’un autre opérateur qui bénéficierait d’un traitement plus favorable.

131    Deuxièmement, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle la suppression du droit antidumping à l’égard d’Ecogreen mais non à son égard à la suite de l’arrêt Interpipe, point 19 supra (EU:T:2009:62), est discriminatoire, il y a lieu de constater qu’elle n’est pas fondée, en ce que la situation de la requérante n’est comparable ni à celle d’Interpipe ni à celle d’Ecogreen.

132    En effet, à l’issue de l’examen du premier moyen, il a été conclu que le Conseil n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en procédant à un ajustement du prix à l’exportation de la requérante. Or, cet examen a été opéré à la lumière de la jurisprudence et, en particulier, de l’arrêt Interpipe, point 19 supra (EU:T:2009:62). Les éléments avancés par le Conseil ont donc été considérés comme justifiant une conclusion différente de celle retenue par le Tribunal dans ce dernier arrêt et comme permettant dès lors de distinguer la situation de la requérante de celle d’Interpipe.

133    En outre, il y a lieu de constater que le règlement d’exécution n° 1241/2012, par lequel la marge de dumping d’Ecogreen a été recalculée sans procéder à un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, indique clairement les points qui distinguent cette société de la requérante.

134    Ainsi, tout d’abord, le volume des ventes directes à l’exportation réalisées par la requérante est bien plus élevé que celui des ventes facturées par Ecogreen, lequel n’excédait pas 5 % du volume des ventes à l’exportation de cette société.

135    Ensuite, contrairement au négociant lié d’Ecogreen, les activités d’ICOF S reposent pour une grande partie sur des approvisionnements provenant d’entreprises non liées. Or, ce facteur a été considéré, dans l’analyse du premier moyen, comme une preuve, ou du moins comme un indice sérieux, de ce que les fonctions d’ICOF S n’étaient pas celles d’un département interne des ventes (voir points 59 à 66 ci-dessus).

136    Enfin, la requérante est liée à ICOF S par un contrat écrit en vertu duquel cette dernière bénéficie d’une commission sur les ventes à l’exportation. Force est de constater qu’un tel contrat n’existe pas entre Ecogreen et son négociant lié. Or, l’existence d’un contrat formel entre deux sociétés liées, tel que celui existant entre la requérante et ICOF S, constitue une indication de la nature de la relation qui unit ces deux sociétés et des fonctions exercées par chacune d’elles dans le cadre de cette relation. C’est dès lors à bon droit que le Conseil a considéré que cet élément permettait de distinguer la situation de la requérante de celle d’Ecogreen en ce qui concerne l’application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.

137    Partant, bien que la structure des ventes à l’exportation de la requérante présente certaines similitudes avec celle des sociétés Interpipe et Ecogreen, les fonctions d’ICOF S ne sont pas comparables à celles exercées par les négociants liés d’Interpipe et d’Ecogreen. La situation de la requérante justifiait dès lors un traitement différent dans le cadre des ajustements du prix à l’exportation.

138    Il y a donc lieu de rejeter le quatrième moyen comme non fondé, en ce que le Conseil n’a pas violé le principe d’égalité et de non-discrimination à l’égard de la requérante, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la recevabilité des arguments de la requérante (voir, par analogie, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, Rec, EU:C:2002:118, point 52). Partant, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

139    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

140    Par ailleurs, conformément à l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. Par conséquent, la Commission, qui est intervenue au soutien des conclusions du Conseil, supportera ses propres dépens.

141    Enfin, Sasol Olefins & Surfactants et Sasol Germany supporteront leurs propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      PT Perindustrian dan Perdagangan Musim Semi Mas (PT Musim Mas) supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

4)      Sasol Olefins & Surfactants GmbH et Sasol Germany GmbH supporteront leurs propres dépens.

Van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 juin 2015.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base

Sur la première branche du premier moyen, relative à l’erreur d’appréciation commise par le Conseil en ne reconnaissant pas l’existence d’une entité économique unique

Sur la seconde branche du premier moyen, relative à l’erreur d’appréciation commise par le Conseil en concluant que les conditions d’application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base étaient remplies

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 10, premier alinéa, du règlement de base

Sur la première branche du deuxième moyen, relative à l’absence de comparaison équitable entre le prix à l’exportation et la valeur normale

Sur la seconde branche du deuxième moyen, relative à la déduction d’une double marge excessive du prix à l’exportation

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration

Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe général d’égalité et de non-discrimination

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.


1 Donnés confidentielles occultées.