Language of document : ECLI:EU:T:2012:95

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

29 février 2012 (*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire verbale L112 – Marque française verbale antérieure L.114 – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Similitude des produits – Similitude des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), et article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 207/2009 – Absence d’usage sérieux de la marque antérieure – Article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 – Déclaration de nullité partielle »

Dans les affaires jointes T‑77/10 et T‑78/10,

Certmedica International GmbH, établie à Aschaffenburg (Allemagne), représentée par Me P. Pfortner, avocat,

partie requérante dans l’affaire T‑77/10,

Lehning entreprise, établie à Sainte-Barbe (France), représentée par Me P. Demoly, avocat,

partie requérante dans l’affaire T‑78/10,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

les autres parties à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, respectivement dans l’affaire T-77/10 et dans l’affaire T-78/10, étant

Lehning entreprise, et Certmedica International GmbH,

ayant pour objet l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 9 décembre 2009 (affaire R 934/2009‑2), relative à une procédure de nullité entre Lehning entreprise et Certmedica International GmbH,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu les requêtes déposées au greffe du Tribunal le 18 février 2010 (affaire T‑77/10) et le 19 février 2010 (affaire T‑78/10),

vu les mémoires en réponse de l’OHMI déposées au greffe du Tribunal le 12 juillet 2010 (affaire T‑77/10) et le 14 juillet 2010 (affaire T‑78/10),

vu les mémoires en réponse des intervenantes déposés au greffe du Tribunal le 29 juin 2010 (affaire T‑77/10) et le 28 juin 2010 (affaire T‑78/10),

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

vu l’ordonnance du Tribunal du 22 octobre 2010 portant jonction des affaires T‑77/10 et T‑78/10 aux fins de la procédure orale éventuelle et de l’arrêt,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 22 août 2001, Certmedica International GmbH a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal L112.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 5 et 29 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; produits médicaux à absorber ; compléments alimentaires à usage médical ; concentrés alimentaires diététiques à base de crustacés (comme le chitosane) » ;

–        classe 29 : « Concentrés alimentaires à base de crustacés (comme le chitosane) ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 24/2002, du 25 mars 2002. La marque communautaire a été enregistrée le 28 mai 2004, sous le numéro 2 349 728.

5        Le 7 août 2006, Lehning entreprise a présenté auprès de l’OHMI une demande en nullité de la marque L112 sur le fondement des dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 [devenus article 8, paragraphe 1, sous b), et article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009].

6        La demande en nullité était fondée sur la marque verbale antérieure L.114, déposée et enregistrée en France le 14 juin 1985, sous le numéro 1 312 700, pour désigner des produits relevant de la classe 5 et correspondant à la définition suivante : « Produits pharmaceutiques ».

7        La demande en nullité était dirigée contre tous les produits de la classe 5 visés au point 3 ci-dessus, à l’exception des produits vétérinaires.

8        Par télécopie du 12 février 2007, Lehning entreprise a apporté devant l’OHMI, sur requête de Certmedica International, des éléments de preuve concernant l’usage sérieux de la marque antérieure. Ceux-ci sont parvenus par courrier à l’OHMI le 15 février 2007, accompagnés d’éléments de preuve supplémentaires. Lehning entreprise a complété cette preuve avec des éléments supplémentaires déposés devant l’OHMI par courrier daté du 5 décembre 2007.

9        Par décision du 6 juillet 2009, la division d’annulation de l’OHMI a fait droit à la demande en nullité déposée par Lehning entreprise et a annulé l’enregistrement de la marque L112 pour les « produits pharmaceutiques », les « produits hygiéniques », les « produits médicaux à absorber » et les « concentrés alimentaires diététiques à base de crustacés (comme le chitosane) » relevant de la classe 5 (ci‑après la « décision de la division d’annulation »). Dans sa décision, la division d’annulation a précisé que l’enregistrement de la marque demeurait valide concernant les « produits vétérinaires » relevant de la classe 5.

10      Le 11 août 2009, Certmedica International a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009 contre la décision de la division d’annulation.

11      Par décision du 9 décembre 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a partiellement accueilli le recours de Certmedica International et annulé en partie la décision de la division d’annulation.

12      La chambre de recours a, tout d’abord, considéré que les preuves produites par Lehning entreprise le 12 février 2007 suffisaient, par elles-mêmes, à prouver l’usage sérieux de la marque française antérieure. Selon le point 24 de la décision attaquée, cet usage a été démontré pour des « produits pharmaceutiques pour le traitement des maladies digestives ». Dans le cadre de son analyse, la chambre de recours a considéré que le public pertinent incluait le consommateur français moyen. En ce qui concerne les produits en cause, la chambre de recours a estimé que les « produits pharmaceutiques pour le traitement des maladies digestives » étaient, d’une part, identiques aux « produits pharmaceutiques » et aux «produits médicaux à absorber » et, d’autre part, semblables aux « produits vétérinaires » et aux « compléments alimentaires à usage médical » pour lesquels la marque L112 avait été enregistrée. La chambre de recours a, en revanche, considéré que les « produits pharmaceutiques pour le traitement des maladies digestives » étaient différents des « concentrés alimentaires diététiques à base de crustacés (comme le chitosane) » et des « produits hygiéniques » visés par la marque L112. S’agissant des signes, la chambre de recours a établi l’existence d’une grande similitude entre les signes L112 et L.114. Sur la base d’une appréciation globale, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion uniquement par rapport aux produits considérés comme identiques ou similaires. Sur cette base, la chambre de recours a partiellement annulé la décision de la division d’annulation et autorisé l’enregistrement de la marque L112 pour les « produits hygiéniques » et les « concentrés alimentaires diététiques à base de crustacés (comme le chitosane) ». Elle a rejeté pour le surplus le recours de Certmedica International et condamné chaque partie à supporter ses propres dépens dans le cadre des procédures d’annulation et de recours.

 Conclusions des parties

1.     Affaire T‑77/10

13      Dans son recours, Certmedica International conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle a établi la nullité de l’enregistrement de la marque L112 pour les « produits pharmaceutiques et vétérinaires », les « produits médicaux à absorber » et les « compléments alimentaires à usage médical » relevant de la classe 5 ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée en ce qu’elle a établi la nullité de l’enregistrement de la marque L112 pour les « produits médicaux à absorber » et les « compléments alimentaires à usage médical » relevant de la classe 5 ;

–        à titre très subsidiaire, annuler la décision attaquée en ce qu’elle a établi la nullité de l’enregistrement de la marque L112 pour les « produits médicaux à absorber » relevant de la classe 5 ;

–        rejeter pour l’ensemble de ces produits ou, à tout le moins, pour une partie d’entre eux la demande en nullité de Lehning entreprise et autoriser l’enregistrement de la marque L112 pour tous ces produits ou, à tout le moins, pour une partie d’entre eux ;

–        condamner Lehning entreprise au paiement de l’ensemble des dépens supportés par Certmedica International dans le cadre de la procédure en nullité et du recours ou, à tout le moins, à une partie de ces dépens. 

14      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner Certmedica International aux dépens.

15      L’intervenante, Lehning entreprise, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner Certmedica International à rembourser à Lehning entreprise tous les dépens encourus depuis la demande en nullité.

2.     Affaire T‑78/10

16      Dans son recours, Lehning entreprise conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle a autorisé l’enregistrement de la marque L112 pour les « produits hygiéniques » et les « concentrés alimentaires diététiques à base de crustacés (comme le chitosane) » relevant de la classe 5 ;

–        confirmer la décision attaquée pour le surplus ;

–        condamner Certmedica International au paiement des dépens encourus par Lehning entreprise depuis la demande en nullité.

17      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner Lehning entreprise aux dépens.

18      L’intervenante, Certmedica International, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        rejeter la demande tendant à ce qu’elle soit condamnée à rembourser à Lehning entreprise les dépens que celle-ci a engagés depuis la demande en nullité.

 En droit

1.     Sur le cadre factuel présenté par les parties sur la base d’éléments de preuve produits pour la première fois devant le Tribunal

19      Tant Certmedica International que Lehning entreprise ont produit, lors de la procédure devant le Tribunal, des éléments de preuve qu’elles n’avaient pas présentés dans le cadre de la procédure devant l’OHMI et ont développé, sur la base de ces éléments, des arguments qu’elles n’avaient pas fait valoir devant l’OHMI.

20      En particulier, Certmedica International a joint à sa requête une copie de l’emballage du produit qu’elle commercialise sous la marque L112. À l’appui de cet élément de preuve, elle a fait valoir, pour la première fois, que la marque L112 est surtout utilisée pour des produits amincissants et que la présentation (couleur et fond) du signe L112 apposé sur l’emballage du produit qu’elle commercialise est totalement différente de celle du signe L.114 qui figure sur l’emballage du produit de Lehning entreprise.

21      Pour sa part, Lehning entreprise expose dans sa requête un nouveau cadre factuel fondé sur certains éléments de preuve qui n’avaient pas été produits devant l’OHMI. Il s’agit, en particulier :

–        d’un extrait du dictionnaire Petit Robert Grand Format incluant la définition du terme « Diététique » ;

–        des extraits de certains sites Internet visant à :

–        décrire les indications du produit commercialisé sous la marque L112 et prouver que ce produit est vendu dans des sites Internet de pharmacie et de parapharmacie ;

–        décrire les indications du produit commercialisé par Lehning entreprise sous la marque L.114 ;

–        prouver que les préparations homéopathiques peuvent également être à usage externe ;

–        d’une copie de la notice d’utilisation du produit actuellement commercialisé par Certmedica International sous la marque L112. Sur la base de cette pièce, Lehning entreprise explique, pour la première fois, la nature amincissante de ce produit, son principe actif et ses modalités de commercialisation.

22      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009 et que, dans le contentieux de l’annulation, la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été adopté [arrêts du Tribunal du 21 avril 2005, Ampafrance/OHMI – Johnson & Johnson (monBeBé), T‑164/03, Rec. p. II‑1401, point 29, et du 13 avril 2011, Tubesca/OHMI – Tubos del Mediterráneo (T TUMESA TUBOS DEL MEDITERRANEO S.A.), T‑98/09, non publié au Recueil, point 22, et la jurisprudence citée].

23      Il découle de cette disposition que des faits non invoqués par les parties devant les instances de l’OHMI ne peuvent plus l’être au stade du recours introduit devant le juge de l’Union européenne. Le Tribunal est en effet appelé à apprécier la légalité de la décision de la chambre de recours en contrôlant l’application du droit de l’Union effectuée par celle‑ci eu égard, notamment, aux éléments de fait qui ont été soumis à ladite chambre, mais il ne saurait, en revanche, effectuer un tel contrôle en prenant en considération des éléments de fait nouvellement produits devant lui [voir arrêt de la Cour du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, Rec. p. I‑2213, points 52 à 54, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 9 septembre 2011, Omnicare/OHMI – Astellas Pharma (OMNICARE CLINICAL RESEARCH), T‑289/09, non publié au Recueil, point 38].

24      Il ressort également de l’article 65 du règlement n° 207/2009 que le Tribunal ne saurait réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui [arrêt du Tribunal du 1er mars 2005, Sergio Rossi/OHMI – Sissi Rossi (SISSI ROSSI), T‑169/03, Rec. p. II‑685, points 24 et 25]. En effet, l’admission de telles pièces serait contraire à l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours (voir arrêt T TUMESA TUBOS DEL MEDITERRANEO S.A., précité, point 22).

25      Il s’ensuit que les nouveaux arguments de fait avancés par les parties, pour autant qu’ils s’appuient sur des pièces présentées pour la première fois devant le Tribunal, doivent être déclarés irrecevables.

26      Par ailleurs, s’agissant plus particulièrement des nouveaux arguments factuels avancés par les parties concernant les produits effectivement commercialisés sous la marque L112, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de la procédure de nullité, l’OHMI peut seulement prendre en compte, dans le cadre de son analyse, la liste de produits telle qu’elle figure dans l’acte d’enregistrement de la marque communautaire, sous la seule réserve des éventuelles modifications de cette liste postérieures à cet acte [voir arrêt du Tribunal du 1er juillet 2009, Perfetti Van Melle/OHMI – Cloetta Fazer (CENTER SHOCK), T‑16/08, non publié au Recueil, point 34, et la jurisprudence citée]. Par conséquent, les arguments de Certmedica International et de Lehning entreprise tirés des caractéristiques du produit spécifique pour lequel Certmedica International utilise actuellement la marque communautaire L112 sont dépourvus de pertinence en l’espèce.

2.     Sur le renvoi par Certmedica International dans l’affaire T‑77/10 à l’ensemble de son dossier devant l’OHMI

27      Au point 31 de sa requête, Certmedica International renvoie à l’ensemble des moyens et des arguments qu’elle a présentés lors de la procédure devant l’OHMI. Ce renvoi global n’est pas rattaché aux moyens et aux arguments développés dans sa requête.

28      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Selon la jurisprudence, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information à l’appui. Le Tribunal a jugé, par ailleurs, que, si le texte de la requête peut être étayé par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels dans la requête et qu’il n’incombe pas au Tribunal de se substituer aux parties en essayant de rechercher les éléments pertinents dans les annexes [voir, entre autres, arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 14, et la jurisprudence citée].

29      Il s’ensuit que la requête de Certmedica International, pour autant qu’elle renvoie globalement aux écrits déposés par cette partie devant l’OHMI, est irrecevable.

3.     Sur les conclusions de Lehning entreprise dans l’affaire T‑78/10 visant à la confirmation partielle de la décision attaquée

30      Dans les conclusions de sa requête, Lehning entreprise demande au Tribunal d’annuler la décision attaquée en ce qu’elle a rejeté sa demande en nullité au regard des « produits hygiéniques » et des « concentrés alimentaires diététiques à base de crustacés (comme le chitosane) » et de confirmer la décision pour le surplus.

31      En particulier, Lehning entreprise insiste, aux points 11 à 16 de sa requête, sur la similarité entre les signes L112 et L.114 et demande au Tribunal de confirmer l’analyse de la chambre de recours et de la division d’annulation de l’OHMI sur ce point.

32      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 65, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, le recours contre une décision de la chambre de recours n’est ouvert que pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité, du règlement n° 207/2009 lui-même ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir, et ne peut aboutir qu’à l’annulation ou à la réformation de la décision attaquée.

33      Sur la base de cette disposition, la requête de Lehning entreprise doit être déclarée irrecevable, en ce qu’elle vise à obtenir du Tribunal une confirmation des arguments qu’elle avait avancés devant l’OHMI et que la chambre de recours a accueillis favorablement dans la décision attaquée.

4.     Sur le fond

34      Comme il a été indiqué au point 13 ci-dessus, Certmedica International conteste dans l’affaire T‑77/10 la validité de la décision attaquée en ce qu’elle a partiellement rejeté son recours et annulé l’enregistrement de la marque L112 pour les « produits pharmaceutiques et vétérinaires », les « produits médicaux à absorber » et les « compléments alimentaires à usage médical » relevant de la classe 5.

35      Pour sa part, Lehning entreprise demande dans l’affaire T‑78/10 l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle a partiellement accueilli le recours de Certmedica International et autorisé l’enregistrement de la marque communautaire verbale L112 pour les « produits hygiéniques » et les « concentrés alimentaires diététiques à base de crustacés (comme le chitosane) » relevant de la classe 5 (voir point 16 ci-dessus).

a)     Affaire T‑77/10

36      Certmedica International invoque deux moyens au soutien de son recours, tirés, premièrement, de la violation de l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec l’article 15, paragraphe 1, point a), du règlement n° 207/2009, concernant la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure, et, deuxièmement, de la violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, concernant l’existence d’un risque de confusion.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec l’article 15, paragraphe 1, point a), du règlement n° 207/2009, concernant la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure

37      Certmedica International conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle Lehning entreprise avait suffisamment prouvé l’usage sérieux de la marque L.114 en France pendant la période pertinente, à savoir du 25 mars 1998 au 6 août 2006.

38      L’OHMI et Lehning entreprise contestent les arguments de Certmedica International.

39      Il ressort de la jurisprudence relative à l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 207/2009 que l’exigence d’un usage sérieux de la marque antérieure a pour objet de limiter le risque de conflit entre deux marques en ne protégeant que les marques qui ont fait l’objet d’une utilisation effective, pour autant qu’il n’existe pas de juste motif économique à leur non-usage [arrêt du Tribunal du 23 septembre 2009, GlaxoSmithkline e.a./OHMI – Serono Genetics Institute (FAMOXIN), T‑493/07, T‑26/08 et T‑27/08, non publié au Recueil, point 32, et la jurisprudence citée].

40      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage de la marque en cause, il convient de réaliser une appréciation globale des éléments versés au dossier, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Une telle appréciation doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque [voir arrêt du Tribunal du 15 septembre 2011, centrotherm Clean Solutions/OHMI – Centrotherm Systemtechnik (CENTROTHERM), T‑427/09, non encore publié au Recueil, point 27, et la jurisprudence citée].

41      En vertu de la règle 22, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), applicable mutatis mutandis dans les procédures de nullité conformément à la règle 40, paragraphe 6, dudit règlement, les preuves de l’usage sérieux se limitent, en principe, à la production de pièces justificatives comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux ainsi qu’aux déclarations écrites faites sous serment ou solennellement visées à l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009.

42      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que la preuve de l’usage sérieux de la marque française antérieure avait été rapportée en l’espèce.

43      La chambre de recours s’est fondée, à cet égard, sur quatre éléments.

44      Premièrement, la chambre de recours s’est référée à 26 factures transmises par Lehning entreprise le 12 février 2007. Ces factures, datées des années 2000, 2002 et 2003, ont été établies par les Laboratoires Lehning au nom de cinq entreprises différentes situées en France. Dans ces factures, le produit commercialisé sous la marque L.114 est facilement identifiable sous la référence « 4L114 30ML ». Comme il a été souligné par l’OHMI, les ventes concernées par ces factures atteignent plus de 60 000 unités et représentent un chiffre d’affaires de plus de 150 000 euros. Selon la chambre de recours, ce sont ces factures qui accréditent le mieux l’usage de la marque L.114.

45      Sans soulever formellement un grief tiré d’une violation de ses droits de la défense, Certmedica International fait valoir dans sa requête qu’elle ne dispose pas de ces factures.

46      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 75, seconde phrase, du règlement n° 207/2009, les décisions de l’OHMI ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position.

47      En l’espèce, il ressort du point 16 de la décision de la division d’annulation que les factures en cause ont été transmises par l’OHMI à Certmedica International par courrier daté du 7 mai 2007. Bien que la division d’annulation fasse erronément état de « 44 factures » au lieu de « 26 factures », il ne fait pas de doute qu’elle se réfère aux factures mentionnées dans la décision attaquée dès lors que ces factures datent des années 2000, 2002 et 2003. Il ressort également du point 26 de la décision de la division d’annulation que ces factures ont été prises en compte pour la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure.

48      Dans ces conditions, quand bien même Certmedica International n’aurait pas reçu les factures durant la procédure devant la division d’annulation, force est de constater qu’elle a connu leur existence à la lecture de la décision de la division d’annulation. Or, Certmedica International aurait pu se plaindre de ne pas avoir eu accès aux 26 factures dans le cadre de son recours devant la chambre de recours. Un tel grief n’a pourtant pas été formulé, l’absence de transmission éventuelle des factures ayant été invoquée par Certmedica International, pour la première fois, devant le Tribunal.

49      Or, comme il a été rappelé aux points 22 à 24 ci-dessus, le contrôle de la légalité de la décision de la chambre de recours par le Tribunal doit se faire au regard du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant cette chambre. Il en résulte que l’argument de Certmedica International concernant l’absence éventuelle de transmission des factures ne peut pas être pris en considération par le Tribunal.

50      Deuxièmement, la chambre de recours s’est appuyée, pour déterminer l’usage sérieux de la marque antérieure, sur une photographie de l’emballage du produit commercialisé par Lehning entreprise, qui montre le terme « L114 », les mots « troubles digestifs » et la référence à Lehning, ainsi que sur une copie de la notice accompagnant cet emballage.

51      Selon Certmedica International, la photographie de l’emballage produite par Lehning entreprise montre, tout au plus, l’utilisation d’une marque différente, à savoir la marque communautaire L114 Lehning, enregistrée postérieurement à la marque communautaire contestée, sous le numéro 4 255 386. Certmedica International souligne à cet égard que le point après la lettre majuscule « L » est absent dans la photographie de l’emballage et que la référence à Lehning est apposée sur l’emballage avec la même police et les mêmes caractères que ceux utilisés pour le terme « L114 ».

52      Conformément à une jurisprudence constante, la preuve de l’usage sérieux d’une marque antérieure, nationale ou communautaire, comprend également la preuve de l’utilisation de la marque antérieure sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée [voir arrêt du Tribunal du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, Rec. p. II‑5309, point 30, et la jurisprudence citée].

53      En l’espèce, il y a lieu de constater que la représentation de la marque L.114 dans la copie de l’emballage produite par Lehning entreprise n’altère pas son caractère distinctif. En effet, contrairement à ce qu’affirme Certmedica International, la taille de la référence à Lehning est sensiblement inférieure à celle du terme « L114 ». En outre, cette référence est accompagnée du logo de l’entreprise et figure dans la partie inférieure de l’emballage, clairement séparée du terme « L114 ». L’absence de point entre la lettre majuscule « L » et le nombre 114 constitue une différence mineure qui ne prive pas la marque antérieure L.114 de son caractère distinctif. Par ailleurs, les autres éléments de preuve retenus par la chambre de recours ne font pas toujours référence à Lehning et représentent la marque antérieure avec le point entre la lettre majuscule « L » et le nombre 114.

54      Il y a donc lieu de rejeter l’argument de Certmedica International selon lequel la copie de l’emballage produite par Lehning entreprise ne constitue pas une preuve de l’usage sérieux de cette marque.

55      Troisièmement, la chambre de recours a retenu comme preuve un extrait, traduit en anglais, d’un catalogue intitulé « Index thérapeutique Lehning », qui fait référence au produit L.114 et qui précise qu’il est commercialisé depuis 1948.

56      Selon Certmedica International, cet extrait n’établit pas l’utilisation de la marque L.114 pendant la période concernée, car il ne fournit pas le moindre indice quant à l’année d’édition du catalogue.

57      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 40 ci-dessus, pour examiner le caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Dans le cadre de cette analyse, il ne peut être exclu qu’un faisceau d’éléments de preuve permette d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits [arrêt du Tribunal du 15 décembre 2010, Epcos/OHMI – Epco Sistemas (EPCOS), T‑132/09, non publié au Recueil, point 28].

58      En l’espèce, même si l’« Index thérapeutique Lehning » n’est pas daté, il peut être pris en compte afin d’apprécier l’usage sérieux de la marque antérieure, car il s’agit d’un élément supplémentaire qui vient corroborer les autres éléments de preuve contenus dans le dossier, en particulier les factures présentées par Lehning entreprise, dont la valeur probante n’a pas été contestée par Certmedica International. Dans la mesure où l’« Index thérapeutique Lehning » est susceptible d’illustrer la nature de l’usage de la marque L.114 et de démontrer que le produit est commercialisé depuis 1948, il convient d’écarter les réserves de Certmedica International concernant la prise en considération de cet élément de preuve dans l’analyse de l’usage sérieux de la marque antérieure.

59      Quatrièmement, la chambre de recours s’est référée à une déclaration solennelle faite par le président des Laboratoires Lehning au sujet du nombre de produits L.114 vendus en France pendant la période allant de 1996 à 2006 et du chiffre d’affaires correspondant à ces ventes, année par année. La chambre de recours reconnaît qu’il ne faut pas accorder trop de poids à cette déclaration. Elle estime toutefois qu’elle fournit une preuve supplémentaire de la présence significative du produit L.114 sur le marché.

60      Certmedica International conteste la valeur probante de cette déclaration dès lors qu’il ne s’agit pas d’une déclaration faite sous serment et qu’elle n’est pas rédigée dans la langue de procédure devant l’OHMI, à savoir l’anglais.

61      À cet égard, il y a lieu de noter que l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009 permet la production comme éléments de preuve non seulement de déclarations écrites faites sous serment mais également de déclarations faites solennellement (voir point 41 ci‑dessus). De même, force est de constater que la déclaration solennelle présentée par Lehning entreprise devant l’OHMI a été produite en anglais. Les arguments de Certmedica International sont donc dépourvus de fondement.

62      S’agissant de la contestation par Certmedica International de la valeur probante de certaines captures d’écran produites par Lehning entreprise le 12 février 2007, il suffit de relever que, selon le point 27 de la décision attaquée, la chambre de recours n’a pas apprécié ces documents comme preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure.

63      Enfin, l’argument de Certmedica International selon lequel les éléments de preuve sur l’usage sérieux fournis par Lehning entreprise le 15 février 2007 ne peuvent pas être pris en compte en raison de leur dépôt tardif repose également sur une mauvaise lecture de la décision attaquée. En effet, il ressort des points 24 et 31 de cette décision que la chambre de recours s’est uniquement fondée sur les preuves soumises par Lehning entreprise le 12 février 2007.

64      Par conséquent, les arguments avancés par Certmedica International ne remettent pas en cause l’appréciation de la chambre de recours concernant la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure pendant la période concernée.

65      Il y a donc lieu de rejeter le premier moyen avancé par Certmedica International.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, concernant le risque de confusion

66      Selon Certmedica International, la chambre de recours a considéré, à tort, que les « produits pharmaceutiques et vétérinaires », les « produits médicaux à absorber » et les « compléments alimentaires à usage médical », concernés par la marque communautaire contestée, sont identiques ou semblables aux « produits pharmaceutiques pour le traitement des maladies digestives », visés par la marque française antérieure.

67      Certmedica International estime par ailleurs que la chambre de recours a fait une appréciation erronée de la similitude des signes L112 et L.114.

68      L’OHMI et Lehning entreprise contestent les arguments avancés par Certmedica International.

69      En vertu de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 207/2009, une marque communautaire est déclarée nulle sur demande présentée auprès de l’OHMI lorsqu’il existe une marque antérieure au sens de l’article 8, paragraphe 2, du même règlement et que, notamment, les conditions énoncées à l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement sont remplies. Aux termes de ces dernières dispositions, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii) et iii), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre et les marques qui ont fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

70      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, points 16, 17 et 29, et arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

71      Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt RESPICUR, précité, point 42, et la jurisprudence citée].

72      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier si c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé qu’il existait, en l’espèce, un risque de confusion pour les produits considérés comme identiques ou similaires.

–       Sur le public pertinent

73      La chambre de recours a considéré que, bien que les produits en cause relèvent de la classe 5, aucun d’entre eux ne requiert, pour son achat, l’aide de professionnels de la santé. Dès lors, selon la chambre de recours, le public pertinent inclut le consommateur français moyen en général. Il y a lieu toutefois de noter que la chambre de recours a apprécié le risque de confusion des marques en cause non seulement en fonction de la perception des consommateurs moyens, mais également sur la base de celle des consommateurs particulièrement attentifs.

74      Certmedica International et Lehning entreprise ne contestent pas l’analyse de la chambre de recours concernant le public pertinent.

75      L’OHMI estime, pour sa part, que le niveau d’attention dont le public fait preuve pour les produits concernés est d’un niveau supérieur à la moyenne, sans être pour autant particulièrement élevé.

76      Dans la mesure où les parties ne contestent pas l’analyse faite par la chambre de recours et où cette analyse est conforme au règlement n° 207/2009, il y a lieu de considérer que le niveau d’attention dont le public fait preuve pour les produits concernés est d’un niveau supérieur à la moyenne.

–       Sur la comparaison des produits

77      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport existant entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 37, et la jurisprudence citée].

78      Comme il a été rappelé au point 66 ci-dessus, Certmedica International conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les « produits pharmaceutiques pour traitement des maladies digestives » sont semblables aux « produits pharmaceutiques » et aux « produits médicaux à absorber » et similaires aux « produits vétérinaires » et aux « compléments alimentaires à usage médical ».

79      S’agissant, en premier lieu, des « produits pharmaceutiques », Certmedica International fait valoir, d’abord, que la marque L112 est utilisée pour des produits amincissants qui sont différents des « produits pharmaceutiques pour le traitement des maladies digestives » et se trouvent habituellement en vente dans des rayons différents.

80      Comme il a été indiqué aux points 20 et 22 à 26 ci-dessus, cet argument ne saurait être pris en considération dès lors qu’il est fondé sur un élément de preuve produit pour la première fois devant le Tribunal. En toute hypothèse, il concerne le produit spécifique pour lequel la marque L112 est actuellement utilisée et non les produits pour lesquels cette marque a été enregistrée. L’argument de Certmedica International n’est donc ni recevable ni pertinent pour apprécier l’identité ou la similitude des produits en cause.

81      Certmedica International fait valoir, ensuite, que les « produits pharmaceutiques » ne sont pas identiques ou semblables aux « produits pharmaceutiques pour le traitement des maladies digestives » en raison de la spécificité de ces derniers. En effet, ces produits spécifiques ne sauraient être considérés comme faisant partie de la catégorie générique des « produits pharmaceutiques ».

82      Cet argument ne saurait prospérer. En effet, conformément à la jurisprudence, des produits peuvent être considérés comme identiques lorsque les produits que désigne la marque antérieure sont inclus dans une catégorie plus générale visée par la demande de marque postérieure [arrêt du Tribunal du 19 janvier 2011, Häfele/OHMI – Topcom Europe (Topcom), T‑336/09, point 36, et la jurisprudence citée]. Or, des « produits pharmaceutiques pour le traitement des maladies digestives » sont forcément inclus dans la catégorie, plus générale, des « produits pharmaceutiques » visés par la marque communautaire contestée.

83      S’agissant, en deuxième lieu, des « produits médicaux à absorber » visés par la marque L112, il convient de constater que cette catégorie de produits englobe également la catégorie, plus spécifique, des « produits pharmaceutiques pour le traitement des maladies digestives » de la marque antérieure. Conformément à la jurisprudence citée au point 82 ci-dessus, il y a lieu de conclure également à l’identité des produits.

84      Les arguments avancés par Certmedica International n’infirment pas cette conclusion.

85      Certmedica International soutient, d’abord, que, contrairement aux « produits pharmaceutiques pour le traitement des maladies digestives », les « produits médicaux à absorber » ne nécessitent pas d’agrément administratif et ont des qualités techniques et matérielles différentes. Outre le fait que ces arguments ne sont pas étayés, l’existence ou non d’un agrément administratif et les qualités particulières des produits commercialisés sous la marque L.114 n’influeront pas sur la perception du consommateur attentif, qui considérera les deux produits comme étant identiques compte tenu de leur appartenance à la même catégorie.

86      Une même conclusion s’impose quant aux arguments que Certmedica International tire de la différence entre les modalités de fabrication et le lieu de production et de vente des produits en cause. En effet, il peut exister un risque de confusion même lorsque les produits en cause ont des lieux de production et de vente différents ou lorsqu’ils sont issus de techniques de fabrication différentes, l’élément déterminant demeurant l’appartenance des produits en cause à la même catégorie de produits médicaux.

87      S’agissant, en troisième lieu, des « produits vétérinaires », Certmedica International conteste le constat de la chambre de recours, au point 39 de la décision attaquée, selon lequel ces produits sont, à tout le moins, semblables aux « produits pharmaceutiques pour le traitement des maladies digestives » et sa conclusion, au point 47 de la décision attaquée, selon laquelle il y avait lieu d’annuler l’enregistrement de la marque L112 pour ces produits.

88      À cet égard, il convient de constater que Lehning entreprise n’a pas contesté, dans sa demande initiale d’annulation devant l’OHMI, la validité de l’enregistrement de la marque L112 pour les « produits vétérinaires » relevant de la classe 5 (voir point 7 ci-dessus). Dans le dispositif de sa décision, la division d’annulation a précisé, sans ambiguïté, que la marque L112 demeurait enregistrée pour cette catégorie de produits. La validité d’une telle conclusion n’a pas été contestée par les parties devant la chambre de recours.

89      Or, conformément à l’article 76, paragraphe 1, in fine, du règlement n° 207/2009, l’examen de la chambre de recours est limité, dans le cadre d’une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties.

90      Dans ces conditions, la chambre de recours était manifestement incompétente pour se prononcer, dans la décision attaquée, sur l’enregistrement de la marque L112 pour les « produits vétérinaires » autorisé par la division d’annulation.

91      L’incompétence de l’institution qui a adopté l’acte attaqué étant un moyen d’annulation d’ordre public, il doit être relevé d’office par le juge (voir, entre autres, arrêt du Tribunal du 28 janvier 2003, Laboratoires Servier/Commission, T‑147/00, Rec. p. II‑85, point 45, et la jurisprudence citée).

92      Il y a donc lieu d’annuler la décision attaquée pour autant que son dispositif, lu à la lumière des points 39 et 47 de la décision attaquée, annule implicitement, mais nécessairement, l’enregistrement de la marque L112 pour les « produits vétérinaires ».

93      S’agissant, en quatrième et dernier lieu, des « compléments alimentaires à usage médical », les arguments de Certmedica International n’infirment pas la conclusion de la chambre de recours selon laquelle ces produits sont semblables aux « produits pharmaceutiques pour le traitement des maladies digestives ».

94      Certes, comme le souligne Certmedica International, il s’agit de « compléments alimentaires » et, partant, d’un type d’aliment. Toutefois, ces compléments ont un « usage médical ». Certmedica International ne conteste pas à cet égard que certains « compléments alimentaires à usage médical » peuvent être destinés à prévenir ou à traiter des troubles gastriques et intestinaux. Les « compléments alimentaires à usage médical » peuvent donc être administrés aux patients en complément d’un traitement pour les maladies digestives et sont susceptibles d’avoir les mêmes destinataires. Dans ces conditions, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu à la similarité des produits. Le fait que leur processus de fabrication puisse être différent ou qu’ils soient vendus en pharmacie dans différents rayons ne remet pas en cause le constat selon lequel ces produits peuvent avoir une même destination et peuvent donc être considérés comme similaires.

95      Il s’ensuit que les arguments de Certmedica International relatifs à la comparaison des produits en cause doivent être rejetés comme étant, en partie, inopérants et, en partie, non fondés. Il y a lieu toutefois d’annuler d’office la décision attaquée en ce que la chambre de recours a statué au‑delà de ses compétences en annulant l’enregistrement de la marque L112 pour les « produits vétérinaires ».

–       Sur la comparaison des signes

96      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

97      Il convient d’observer que le consommateur prête généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin [voir arrêt du Tribunal du 25 mars 2009, L’Oréal/OHMI – Spa Monopole (SPA THERAPY), T‑109/07, Rec. p. II‑675, point 30, et la jurisprudence citée].

98      Certmedica International fait valoir que les signes L112 et L.114 ne sont similaires ni sur le plan visuel, ni sur le plan phonétique, ni sur le plan conceptuel.

99      L’OHMI et Lehning entreprise contestent les arguments avancés par Certmedica International.

100    Sur le plan visuel, il y a lieu de rappeler, premièrement, que, comme il a été indiqué aux points 20 et 22 à 26 ci-dessus, l’aspect du signe L112 dans l’emballage du produit commercialisé par Certmedica International ne saurait être pris en compte dès lors qu’il s’agit d’un élément factuel qui n’avait pas été présenté devant l’OHMI et que, en toute hypothèse, il concerne le produit spécifique pour lequel la marque L112 est actuellement utilisée, dont l’analyse est dépourvue de pertinence en l’espèce.

101    Deuxièmement, c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé que les signes L112 et L.114 revêtent une similitude structurelle notable. La longueur des signes est quasi identique. Les deux signes ont une structure similaire et sont caractérisés par la reproduction identique de la lettre majuscule « L » et d’un nombre à trois chiffres qui commence par 11 et dont seul le dernier chiffre diffère (2  au lieu de 4). Force est de constater, à l’instar de l’OHMI, que le point entre la lettre majuscule « L » et le nombre 114 est à peine visible. Il y a donc lieu de considérer que l’impression qui subsiste après avoir vu les signes en conflit est celle d’une configuration visuelle très similaire, d’autant plus que les nombres 112 et 114 se suivent de près dans l’ordre numérique.

102    Sur le plan phonétique, il y a lieu, en revanche, d’accueillir les arguments de Certmedica International et de conclure à l’absence de similitude entre les deux signes. En effet, même si la prononciation en français du début des signes, « el san », est identique, la prononciation de la fin des signes, « douz » ou « katorz », est différente. Compte tenu de la brièveté relative des signes, cette différence est importante au niveau phonétique et sera perçue par un consommateur attentif.

103    Sur le plan conceptuel, Certmedica International fait valoir que la lettre majuscule « L », suivie d’un point avant le nombre 114 et accompagnée, dans la copie de l’emballage produite devant l’OHMI (voir point 50 ci-dessus), de la référence à Lehning, renvoie à la société Lehning entreprise, alors qu’une telle association ne se produit pas pour la marque L112. À cet égard, il convient d’observer, d’abord, que la référence à Lehning ne figure pas dans la marque française antérieure L.114, telle qu’enregistrée. Or, dans l’analyse des signes, seule la marque figurant dans le registre peut être examinée. L’argument de Certmedica International fondé sur la présentation de l’emballage produit par Lehning entreprise ne saurait donc être pris en considération. Par ailleurs, comme il a déjà été indiqué aux points 53 et 101 ci-dessus, le point figurant dans la marque L.114 n’est qu’une composante mineure et à peine visible de la marque antérieure. Il n’y a donc pas de raison de considérer que la lettre majuscule « L », accompagnée d’un point, puisse amener les consommateurs à associer la marque L.114 à la société Lehning entreprise.

104    Il s’ensuit que, à l’exception des griefs concernant la similitude phonétique des signes, les arguments de Certmedica International relatifs à la comparaison des signes L112 et L.114 doivent être rejetés comme étant infondés.

–       Sur le risque de confusion

105    Comme il a été rappelé au point 70 ci-dessus, l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (voir, notamment, arrêt Canon, précité, point 17).

106    En faisant référence à ce principe d’interdépendance, la chambre de recours a confirmé qu’il existait, en l’espèce, un risque de confusion entre les marques L112 et L.114, eu égard aux produits qui ont été jugés identiques ou similaires. Selon la chambre de recours, le signe L.114 sera perçu par les consommateurs particulièrement attentifs comme étant une variante du signe L112 au sein d’une même ligne de produits, car seule une petite variation numérique les sépare et les deux signes désignent des produits identiques ou similaires. Pour les consommateurs moyens, qui pourraient ne pas faire une telle association, la chambre de recours estime qu’ils pourront facilement confondre les deux signes dès lors que la seule différence entre eux réside dans le dernier chiffre (2  au lieu de 4) et qu’ils garderont en mémoire une image imparfaite du signe.

107    Dans son recours, Certmedica International conteste l’impression d’appartenance à la même famille des deux marques, car, selon elle, ces dernières désignent des produits différents. Certmedica International insiste également sur l’absence de similitude entre les signes.

108    Comme il a été indiqué aux points 79 à 104 ci-dessus, ces arguments ne peuvent pas être accueillis. En effet, la chambre de recours a considéré à bon droit que les « produits pharmaceutiques pour le traitement des maladies digestives » sont identiques aux « produits pharmaceutiques » et aux « produits médicaux à absorber » et qu’ils sont semblables aux « compléments alimentaires à usage médical » (voir points 79 à 95 ci‑dessus). La forte similitude visuelle des signes a été également confirmée par le Tribunal (voir points 100 et 101 ci-dessus). Bien que les signes soient différents sur le plan phonétique (voir point 102 ci‑dessus), cette seule différence ne remet pas en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle, sur la base d’une analyse globale des signes et des produits en cause, il existe un risque de confusion.

109    Or, cette analyse globale n’a pas été contestée par Certmedica International, qui s’est limitée à insister sur l’absence de similitude des produits et des signes en cause.

110    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que l’examen de la chambre de recours concernant le risque de confusion entre les deux marques, s’agissant des produits considérés comme identiques ou similaires, n’est pas entaché d’erreur.

111    Le second moyen avancé par Certmedica International au soutien de son recours doit donc être rejeté.

 Conclusion concernant le recours dans l’affaire T‑77/10

112    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu d’annuler la décision attaquée uniquement en ce qu’elle annule l’enregistrement de la marque L112 pour les « produits vétérinaires ».

b)     Affaire T‑78/10

113    Lehning entreprise invoque un moyen unique au soutien de son recours, tiré de la violation des articles 8, 52 et 53 du règlement n° 207/2009 en ce que la chambre de recours a considéré que les « produits pharmaceutiques pour le traitement des maladies digestives », concernés par la marque antérieure, étaient différents des « produits hygiéniques » et des « concentrés alimentaires diététiques à base de crustacés (comme le chitosane) » visés par la marque communautaire contestée et en ce qu’elle a conclu, sur cette base, à l’annulation partielle de la décision de la division d’annulation.

114    Au soutien de son recours, Lehning entreprise fait valoir, notamment, que les produits commercialisés sous la marque L112 ont des effets sur la santé de la personne, peuvent être proposés en complémentarité d’un traitement médical, sont distribués en qualité de « dispositif médical » agissant sur l’absorption de graisses dans l’intestin, sont commercialisés sur les sites Internet de pharmacie et de parapharmacie et sont contre‑indiqués en cas de graves problèmes de digestion. Dans ces conditions, selon Lehning entreprise, le risque de confusion entre les produits en cause ne fait pas de doute. En ce qui concerne, plus particulièrement, les « produits hygiéniques », Lehning entreprise insiste sur le fait que la différence entre les modes d’administration des produits ne suffit pas pour empêcher de constater la similitude entre les produits.

115    L’OHMI et Certmedica International contestent les arguments avancés par Lehning entreprise.

116    Comme il a été indiqué au point 77 ci-dessus, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire.

117    Conformément à la jurisprudence, des produits adressés à des publics différents ne sauraient être considérés comme substituables ni, par conséquent, comme concurrents [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, point 56].

118    Les produits ou les services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou la fourniture de ces services incombe à la même entreprise [arrêts SISSI ROSSI, précité, point 60, et easyHotel, précité, point 57].

119    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si les arguments avancés par Lehning entreprise remettent en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les « produits hygiéniques » et les « concentrés alimentaires diététiques à base de crustacés (comme le chitosane) » sont différents des « produits pharmaceutiques pour le traitement des maladies digestives ».

120    À cet égard, il convient de rappeler d’emblée que, comme il a été indiqué aux points 21 à 26 ci-dessus, les arguments de Lehning entreprise fondés sur les caractéristiques du produit effectivement commercialisé par Certmedica International sous la marque L112 ne peuvent pas être pris en considération dès lors qu’ils s’appuient sur des éléments de preuve nouveaux et que, en toute hypothèse, ils concernent les produits spécifiques pour lesquels la marque L112 est utilisée et non la liste de produits pour laquelle cette marque a été enregistrée.

121    Il y a lieu de rejeter également les autres arguments avancés par Lehning entreprise à l’encontre du raisonnement de la chambre de recours concernant la différence entre les produits en cause.

122    S’agissant, en premier lieu, des « produits hygiéniques » pour lesquels la marque L112 a été enregistrée, c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé qu’ils ne peuvent pas être considérés comme semblables aux « produits pharmaceutiques pour le traitement des maladies digestives ».

123    En effet, les deux produits ont un caractère et une destination clairement différents.

124    La jurisprudence invoquée par Lehning entreprise selon laquelle la différence entre les modes d’administration des produits ne suffit pas pour empêcher de constater la similitude entre des produits [arrêt du Tribunal du 11 novembre 2009, Bayer Healthcare/OHMI – Uriach-Aquilea OTC (CITRACAL), T‑277/08, non publié au Recueil, point 43] n’est pas pertinente, car elle concerne une affaire dans laquelle il avait été prouvé que les produits en cause (onguents curatifs applicables aux blessures et compléments alimentaires contenant des sels de calcium) pouvaient être complémentaires dans le traitement de certains types de cancer.

125    Or, en l’espèce, l’existence d’une telle complémentarité ne ressort pas du dossier produit devant l’OHMI. Il n’existe pas non plus d’indications ou de preuves selon lesquelles les « produits hygiéniques » et les « produits pharmaceutiques pour le traitement des maladies digestives » s’adressent au même public et sont susceptibles de satisfaire les mêmes besoins thérapeutiques.

126    En effet, les produits commercialisés sous la marque L.114 sont achetés par les personnes atteintes de troubles digestifs, alors que les « produits hygiéniques » sont notamment utilisés pour l’hygiène corporelle. Comme il a été relevé par la jurisprudence, les « produits hygiéniques », en ce qu’ils peuvent avoir pour fonction de nettoyer, d’embellir et de parfumer le corps humain, présentent plutôt une similarité avec les « produits de parfumerie » [arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Jabones Pardo/OHMI – Quimi Romar (YUKI), T‑278/04, non publié au Recueil, point 58]. Il y a lieu de noter, à cet égard, que la demande d’enregistrement de la marque L112 ne concernait pas des produits hygiéniques « à usage médical ».

127    Le constat de Lehning entreprise selon lequel les « produits hygiéniques » sont vendus en pharmacies et sont susceptibles d’être fabriqués par des laboratoires pharmaceutiques sur la base du même savoir-faire que celui utilisé pour les « produits pharmaceutiques pour le traitement des maladies digestives » ne rend pas ces produits similaires dès lors qu’ils ont un but et une nature complètement différents. En effet, les pharmacies vendent un grand nombre de produits qui ne sont pas forcément concurrents ou complémentaires, tout comme un laboratoire pharmaceutique est susceptible de fabriquer, sur la base d’un même savoir-faire, une vaste gamme de produits divers et variés.

128    Il y a donc lieu de conclure que la chambre de recours a valablement établi, au point 42 de la décision attaquée, que les « produits hygiéniques » et les « produits pharmaceutiques pour le traitement des maladies digestives » sont des produits différents.

129    S’agissant, en second lieu, des « concentrés alimentaires diététiques à base de crustacés (comme le chitosane) », la chambre de recours a constaté, à juste titre, que ces produits ne peuvent pas être considérés comme semblables aux « produits pharmaceutiques pour le traitement des maladies digestives ».

130    En effet, ces deux produits n’ont pas la même finalité et s’adressent à des consommateurs différents. Les produits commercialisés sous la marque française L.114 sont des médicaments indiqués pour le traitement des maladies digestives alors que les « concentrés alimentaires diététiques à base de crustacés (comme le chitosane) » constituent des aliments diététiques.

131    La jurisprudence invoquée par Lehning entreprise [arrêts du Tribunal du 10 septembre 2008, Astex Therapeutics/OHMI – Protec Health International (astex TECHNOLOGY), T‑48/06, non publié au Recueil, point 40 ; CITRACAL, précité, point 43, et du 15 décembre 2009, Trubion Pharmaceuticals/OHMI – Merck (TRUBION), T‑412/08, non publié au Recueil, point 32] n’est pas pertinente dès lors que ces arrêts concernent des produits qui pouvaient être prescrits de manière complémentaire par rapport à certains problèmes de santé.

132    Or, en l’espèce, Lehning entreprise n’a pas démontré devant l’OHMI en quoi les « concentrés alimentaires diététiques à base de crustacés (comme le chitosane) » et les « produits pharmaceutiques pour le traitement des maladies digestives » pourraient être complémentaires. À cet égard, l’argument de Lehning entreprise selon lequel les deux produits viseraient au traitement de problèmes de santé humaine demeure trop général. De même, l’affirmation de Lehning entreprise selon laquelle les deux produits peuvent s’adresser aux mêmes consommateurs, qui souhaitent compléter ou remplacer leur alimentation, n’est pas circonstanciée. En effet, contrairement aux « compléments alimentaires à usage médical » (voir points 93 et 94 ci‑dessus), aucun élément du dossier produit devant l’OHMI ne permet de démontrer que les « concentrés alimentaires diététiques à base de crustacés (comme le chitosane) » peuvent aider à prévenir ou à traiter les troubles gastriques et intestinaux ou que les « produits pharmaceutiques pour le traitement des maladies digestives » ont un rapport avec la perte de poids.

133    Même à supposer que, comme le souligne Lehning entreprise, les deux produits puissent être fabriqués par les mêmes entreprises actives dans le domaine médical ou paramédical et qu’ils empruntent les mêmes canaux de distribution, ces éléments ne suffissent pas, à eux seuls, à conclure à la similitude des produits en cause, compte tenu de leur nature et de leur destination différentes.

134    Il y a lieu également d’écarter l’argument de Lehning entreprise selon lequel, lors de la demande d’enregistrement de la marque L112, Certmedica International aurait elle-même considéré qu’il existe une différence entre les concentrés alimentaires diététiques à base de crustacés en tant que produits de santé (demande d’enregistrement pour la classe 5) et en tant qu’aliments (demande d’enregistrement pour la classe 29). En effet, le fait que les « produits pharmaceutiques pour le traitement des maladies digestives » et les « concentrés alimentaires diététiques à base de crustacés (comme le chitosane) » puissent relever tous les deux de la classe 5 ne permet pas d’établir l’existence d’une identité ou d’une similitude entre les deux dès lors que les classes au sens de l’arrangement de Nice contiennent souvent une grande variété de produits ou de services qui ne présentent pas nécessairement entre eux un tel lien suffisamment direct et concret (voir ordonnance de la Cour du 18 mars 2010, CFCMCEE/OHMI, C‑282/09 P, Rec. p. I‑2395 , point 40, et la jurisprudence citée).

135    S’agissant, enfin, de la décision de la division d’annulation n° 2121/2000, du 26 septembre 2000, Décathlon/Diete Sport France (HYDRA), également invoquée par Lehning entreprise, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, les décisions que les chambres de recours de l’OHMI sont amenées à prendre, en vertu du règlement n° 207/2009, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci [arrêt de la Cour du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, Rec. p. I‑3569, point 65, et arrêt du Tribunal du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec. p. II‑4891, point 71].

136    Il résulte de ce qui précède qu’aucun argument avancé par Lehning entreprise au soutien de son unique moyen ne remet en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les « produits hygiéniques » et les « concentrés alimentaires diététiques à base de crustacés » sont des produits différents des « produits pharmaceutiques pour le traitement des maladies digestives ».

137    Lehning entreprise n’ayant pas fait valoir dans son recours que le risque de confusion pouvait être identifié uniquement sur la base de la similitude des signes, il y a lieu de confirmer la conclusion de la chambre de recours selon laquelle il n’existe pas de risque de confusion entre les marques L112 et L.114 pour les produits qui ont été considérés comme différents.

138    Le recours de Lehning entreprise doit donc être rejeté.

 Sur les dépens

139    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

140    En vertu de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

141    Conformément à l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante supportera ses propres dépens.

1.     Affaire T‑77/10

142    Comme il a été indiqué aux points 95 et 112 ci-dessus, la décision attaquée doit être annulée uniquement en ce qu’elle a déclaré nul l’enregistrement de la marque L112 pour les « produits vétérinaires ».

143    Dans ces conditions, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure.

144    En application de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, Lehning entreprise supportera ses propres dépens.

2.     Affaire T‑78/10

145    Lehning entreprise ayant succombé dans l’affaire T‑78/10, il y a lieu de décider qu’elle supportera ses propres dépens ainsi que ceux encourus par l’OHMI, conformément aux conclusions de cette dernière.

146    En application de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, Certmedica International supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Dans l’affaire T‑77/10 :

–        la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 9 décembre 2009 (affaire R 934/2009‑2) est annulée pour autant qu’elle annule l’enregistrement de la marque L112 pour les « produits vétérinaires » ;

–        le recours est rejeté pour le surplus ;

–        Certmedica International GmbH et l’OHMI sont condamnés au paiement de leurs propres dépens ;

–        Lehning entreprise est condamnée au paiement des dépens encourus dans le cadre de son intervention.

2)      Dans l’affaire T‑78/10 :

–        le recours est rejeté ;

–        Lehning entreprise est condamnée au paiement de ses propres dépens et de ceux encourus par l’OHMI ;

–        Certmedica International est condamnée au paiement des dépens encourus dans le cadre de son intervention.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 février 2012.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Conclusions des parties

1.  Affaire T‑77/10

2.  Affaire T‑78/10

En droit

1.  Sur le cadre factuel présenté par les parties sur la base d’éléments de preuve produits pour la première fois devant le Tribunal

2.  Sur le renvoi par Certmedica International dans l’affaire T‑77/10 à l’ensemble de son dossier devant l’OHMI

3.  Sur les conclusions de Lehning entreprise dans l’affaire T‑78/10 visant à la confirmation partielle de la décision attaquée

4.  Sur le fond

a)  Affaire T‑77/10

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec l’article 15, paragraphe 1, point a), du règlement n° 207/2009, concernant la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure

Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, concernant le risque de confusion

–  Sur le public pertinent

–  Sur la comparaison des produits

–  Sur la comparaison des signes

–  Sur le risque de confusion

Conclusion concernant le recours dans l’affaire T‑77/10

b)  Affaire T‑78/10

Sur les dépens

1.  Affaire T‑77/10

2.  Affaire T‑78/10


* Langue de procédure : l’anglais.