Language of document : ECLI:EU:F:2015:12

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE
(deuxième chambre)

18 mars 2015

Affaire F‑27/14

DK

contre

Service européen pour l’action extérieure (SEAE)

« Fonction publique – Personnel du SEAE – Fonctionnaire – Procédure disciplinaire – Révocation sans réduction des droits à pension – Article 25 de l’annexe IX du statut – Poursuites pénales en cours – Identité des faits soumis à l’AIPN et au juge pénal »

Objet :      Recours, introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis, par lequel DK demande l’annulation de la décision du 16 janvier 2014 par laquelle le directeur général administratif du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), en qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), lui a infligé la sanction de la révocation sans réduction de ses droits à pension, avec effet au 1er février 2014.

Décision :      La décision du 16 janvier 2014 par laquelle le Service européen pour l’action extérieure a révoqué DK de ses fonctions sans réduction de ses droits à pension est annulée. Le Service européen pour l’action extérieure supporte ses propres dépens et est condamné à supporter l’ensemble des dépens exposés par DK.

Sommaire

1.      Fonctionnaires – Régime disciplinaire – Procédure disciplinaire – Poursuites disciplinaires et pénales diligentées concomitamment à propos des mêmes faits – Obligation de l’administration de ne régler définitivement la situation du fonctionnaire qu’après la décision définitive du tribunal répressif

(Statut des fonctionnaires, annexe IX, art. 25)

2.      Fonctionnaires – Régime disciplinaire – Procédure disciplinaire – Poursuites disciplinaires et pénales diligentées concomitamment à propos des mêmes faits – Finalité de la suspension de la procédure disciplinaire – Obligation de respecter les constatations factuelles opérées par la juridiction pénale – Possibilité de les qualifier au regard de la notion de faute disciplinaire

(Statut des fonctionnaires, annexe IX, art. 25)

3.      Fonctionnaires – Régime disciplinaire – Procédure disciplinaire – Existence conjointe d’une procédure disciplinaire et de poursuites pénales – Obligation du fonctionnaire de fournir à l’administration les éléments permettant de comparer les faits couverts par la procédure disciplinaire et ceux relevant des poursuites pénales

(Statut des fonctionnaires, annexe IX, art. 25)

1.      Il ressort de l’article 25 de l’annexe IX du statut qu’il est interdit à l’autorité investie du pouvoir de nomination de régler définitivement, sur le plan disciplinaire, la situation du fonctionnaire concerné en se prononçant sur des faits faisant concomitamment l’objet d’une procédure pénale, aussi longtemps que la décision rendue par la juridiction répressive saisie n’est pas devenue définitive. Partant, cet article n’octroie pas à ladite autorité chargée de régler définitivement la situation d’un fonctionnaire à l’égard duquel est ouverte une procédure disciplinaire un pouvoir discrétionnaire quant à la faculté de surseoir ou non à statuer sur la situation dudit fonctionnaire lorsque ce fonctionnaire est poursuivi devant un tribunal répressif.

(voir point 37)

Référence à :

Tribunal de première instance : arrêts Tzoanos/Commission, T‑74/96, EU:T:1998:58, points 32 et 33 ; Pessoa e Costa/Commission, T‑166/02, EU:T:2003:73, point 45 ; François/Commission, T‑307/01, EU:T:2004:180, point 59, et Franchet et Byk/Commission, T‑48/05, EU:T:2008:257, point 341

2.      L’article 25 de l’annexe IX du statut a une double raison d’être. D’une part, cet article répond au souci de ne pas affecter la position du fonctionnaire en cause dans le cadre des poursuites pénales qui seraient ouvertes contre lui en raison de faits qui font par ailleurs l’objet d’une procédure disciplinaire au sein de son institution. D’autre part, la suspension de la procédure disciplinaire dans l’attente de la clôture de la procédure pénale permet de prendre en considération, dans le cadre de la procédure disciplinaire, des constatations factuelles opérées par le juge pénal lorsque sa décision est devenue définitive. En effet, l’article 25 de l’annexe IX du statut consacre le principe selon lequel « le pénal tient le disciplinaire en l’état », ce qui se justifie notamment par le fait que les juridictions pénales nationales disposent de pouvoirs d’investigation plus importants que l’autorité investie du pouvoir de nomination. Dès lors, dans le cas où les mêmes faits peuvent être constitutifs d’une infraction pénale et d’une violation des obligations statutaires du fonctionnaire, l’administration est liée par les constatations factuelles effectuées par la juridiction pénale dans le cadre de la procédure répressive. Une fois que cette dernière a constaté l’existence des faits de l’espèce, l’administration peut procéder ensuite à leur qualification juridique au regard de la notion de faute disciplinaire, en vérifiant notamment si ceux-ci constituent des manquements aux obligations statutaires.

Il s’ensuit qu’il est interdit à l’administration de se prononcer définitivement sur la situation du fonctionnaire concerné, d’un point de vue disciplinaire, aussi longtemps qu’une décision définitive de la juridiction pénale saisie n’est pas intervenue. Il en va ainsi même dans le cas où la procédure pénale a duré près de dix ans en première instance et le requérant a fait appel. En effet, ledit fonctionnaire a tout intérêt à ce que la procédure disciplinaire tienne compte d’une éventuelle décision définitive de la juridiction pénale accueillant son appel.

Par ailleurs, l’administration ne saurait prétendre isoler certains faits spécifiques d’un ensemble de faits constitutifs d’un comportement possiblement délictueux afin de justifier une décision disciplinaire définitive alors qu’une procédure pénale portant sur ledit comportement était concomitamment en cours.

(voir points 38, 61, 66, 70 et 74)

Référence à :

Tribunal de première instance : arrêts Tzoanos/Commission, EU:T:1998:58, point 34 ; A/Commission, T‑23/00, EU:T:2000:273, point 37 ; François/Commission, EU:T:2004:180, points 73 et 75, et Franchet et Byk/Commission, EU:T:2008:257, point 342

3.      Il appartient au fonctionnaire en cause de fournir à l’autorité investie du pouvoir de nomination les éléments permettant d’apprécier si les faits mis à sa charge dans le cadre de la procédure disciplinaire font parallèlement l’objet de poursuites pénales ouvertes à son encontre. En effet, c’est uniquement lorsque de telles poursuites pénales ont été ouvertes que les faits sur lesquels elles portent peuvent être identifiés et comparés aux faits pour lesquels la procédure disciplinaire a été entamée, afin de déterminer leur éventuelle identité.

(voir point 42)

Référence à :

Tribunal de première instance : arrêt Tzoanos/Commission, EU:T:1998:58, point 35