Language of document : ECLI:EU:T:2023:307

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

7 juin 2023 (*)

« Aides d’État – Tarifs réglementés de vente d’électricité en France – Augmentation du plafond de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique – Rejet d’une plainte – Article 1er, sous h), du règlement (UE) 2015/1589 – Organisation syndicale – Notion de “partie intéressée” »

Dans l’affaire T‑322/22,

Unsa Énergie, établie à Bagnolet (France), représentée par Me M.-P. Ogel, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme C.-M. Carrega et M. I. Georgiopoulos, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. R. Norkus et W. Valasidis (rapporteur), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Unsa Énergie, demande l’annulation de la décision de la Commission européenne, contenue dans sa lettre du 8 avril 2022, rejetant sa plainte à l’encontre de l’augmentation, par la France, du volume global maximal d’électricité susceptible d’être cédé par Électricité de France (EDF) aux fournisseurs alternatifs d’électricité au titre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ci-après l’« ARENH ») et du prix des volumes d’électricité additionnels ainsi cédés (ci-après la « décision attaquée »).

 Cadre juridique et antécédents du litige

2        Dans le cadre de l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité en France, la loi no 2010-1488, du 7 décembre 2010, portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (JORF du 8 décembre 2010, texte no 3), a mis en place un dispositif transitoire d’ARENH, relatif à l’énergie produite par les centrales nucléaires exploitées par EDF. Ce dispositif, en vigueur depuis le 1er juillet 2011, permet aux fournisseurs alternatifs d’électricité d’acheter, à un prix régulé et pendant quinze ans, l’électricité nucléaire produite par les centrales historiques, dans la limite du volume global maximal de 100 térawattheures (TWh) défini par l’arrêté du 28 avril 2011 fixant le volume global maximal devant être cédé par EDF au titre de l’ARENH (JORF du 29 avril 2011, texte no 34).

3        Par la décision C(2012) 2559, du 12 juin 2012, concernant l’aide d’État SA.21918 (C 17/07) (ex NN 17/07) mise à exécution par la France – Tarifs réglementés de l’électricité en France, la Commission a approuvé la mesure d’aide consistant en des tarifs réglementés de vente de l’électricité et en des tarifs réglementés transitoires d’ajustement du marché à la condition, notamment, que la France mette en place un dispositif d’ARENH jusqu’au 31 décembre 2025 dans la limite d’un plafond de 100 TWh.

4        La loi no 2019-1147, du 8 novembre 2019, relative à l’énergie et au climat (JORF du 9 novembre 2019, texte no 1), a porté de 100 à 150 TWh le plafond de l’électricité susceptible d’être cédée au titre de l’ARENH à compter du 1er janvier 2020.

5        Dans un contexte de forte hausse des prix sur le marché de gros de l’électricité, le décret no 2022-342, du 11 mars 2022, définissant les modalités spécifiques d’attribution d’un volume additionnel d’électricité pouvant être alloué en 2022, à titre exceptionnel, dans le cadre de l’ARENH (JORF du 12 mars 2022, texte no 4), a été adopté. Un arrêté du même jour, fixant le volume global maximal d’électricité devant être cédé par EDF au titre de l’ARENH, pris en application de l’article L. 336-2 du code de l’énergie (JORF du 12 mars 2022, texte no 6), a porté à 120 TWh le volume global maximal d’électricité cédé pour l’année 2022 dans le cadre de l’ARENH, avec effet au 1er avril 2022. Un autre arrêté, du même jour, pris en application de l’article L. 337-16 du code de l’énergie et fixant le prix des volumes d’électricité additionnels cédés dans le cadre de la période de livraison exceptionnelle instaurée par le décret no 2022-342 (JORF du 12 mars 2022, texte no 7), a fixé, par dérogation à l’article 1er de l’arrêté du 17 mai 2011, fixant le prix de l’ARENH à compter du 1er janvier 2012 (JORF du 20 mai 2011, texte no 38), à 42 euros par mégawattheure (euros/MWh), le prix des volumes d’électricité additionnels cédés à l’occasion de la période de livraison instaurée par le décret no 2022-342 à 46,20 euros/MWh.

6        La requérante est un syndicat, qui défend les intérêts des salariés actifs et retraités d’EDF.

7        Le 22 mars 2022, la requérante a déposé une plainte auprès de la Commission concernant le rehaussement de 20 TWh du volume global maximal d’électricité de l’ARENH, prévu pour 2022, et l’augmentation du prix des volumes d’électricité additionnels ainsi cédés par l’effet du décret no 2022-342 et des arrêtés du 11 mars 2022 cités au point 5 ci-dessus. Selon la requérante, ces deux mesures constituent une modification substantielle du régime d’aides autorisé par la décision de la Commission du 12 juin 2012 mentionnée au point 3 ci-dessus.

8        Par la décision attaquée, la Commission a estimé que la requérante ne pouvait pas être qualifiée de « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9). Par conséquent, selon la Commission, la requérante ne pouvait être considérée comme ayant déposé une plainte formelle, au titre de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589. Les informations transmises par la requérante ont été enregistrées par la Commission comme des informations générales sur le marché de l’électricité français.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

10      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      À l’appui de son recours, la requérante soulève deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 et, le second, d’une violation de l’article 24, paragraphe 2, du même règlement et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589

12      La requérante soutient que la Commission a commis une erreur de droit en refusant de lui reconnaître la qualité de « partie intéressée », au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589.

13      En premier lieu, elle reproche à la Commission de n’avoir pas dûment examiné l’atteinte, qui résulterait des mesures contestées, à ses propres intérêts et à ceux des personnes qu’elle représente. En s’empressant de rejeter la plainte deux semaines seulement après son dépôt, la Commission aurait effectué un examen expéditif de sa qualité de « partie intéressée ». De plus, la requérante allègue qu’il résulte de l’emploi, par la Commission, des termes « ne remplit a priori pas les conditions » et « ne semble pas » que celle-ci était dans l’impossibilité d’établir avec certitude que les conditions requises pour la reconnaissance de la qualité de « partie intéressée » n’étaient pas réunies.

14      En second lieu, la requérante fait valoir que les mesures contestées fragilisent fortement la situation financière d’EDF et que cela entraînerait une détérioration des conditions de travail des salariés d’EDF. En particulier, elle prétend que le coût du rachat aux fournisseurs bénéficiaires des volumes d’électricité correspondant à l’ARENH cédé en application du décret no 2022-342 et des arrêtés du 11 mars 2022 s’élèverait à plusieurs milliards d’euros pour EDF pour la seule année 2022. Elle ajoute que la compensation des pertes subies par EDF du fait des mesures en cause « ne se fera qu’au prix élevé des pertes d’emploi et de modération salariale », comme cela s’est déjà produit dans le passé.

15      Elle justifie sa position par les arrêts du 9 juillet 2009, 3F/Commission (C‑319/07 P, EU:C:2009:435, points 103 à 105), du 2 septembre 2021, Ja zum Nürburgring/Commission (C‑647/19 P, EU:C:2021:666, points 66 et 67), et du 22 septembre 2021, DEI/Commission (T‑639/14 RENV, T‑352/15 et T‑740/17, sous pourvoi, EU:T:2021:604, point 82).

16      La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

17      Aux termes de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, il faut entendre par « partie intéressée » tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles. Il s’agit, en d’autres termes, d’un ensemble indéterminé de destinataires (voir, par analogie, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 63 et jurisprudence citée).

18      Il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une entreprise qui n’est pas concurrente directe du bénéficiaire de l’aide peut être qualifiée de « partie intéressée », au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, pour autant qu’elle fait valoir que ses intérêts peuvent être affectés par l’octroi d’une aide, ce qui exige que cette entreprise démontre, à suffisance de droit, que l’aide risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation (voir, en ce sens, arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, points 64 et 65, et du 7 avril 2022, Solar Ileias Bompaina/Commission, C‑429/20 P, EU:C:2022:282, point 35). Dès lors, la qualité de « partie intéressée » ne présuppose pas nécessairement une relation de concurrence avec le bénéficiaire de l’aide (voir, par analogie, arrêt du 2 septembre 2021, Ja zum Nürburgring/Commission, C‑647/19 P, EU:C:2021:666, point 58).

19      S’agissant d’un syndicat de travailleurs, la Cour reconnaît qu’il ne saurait être exclu qu’il puisse être considéré comme « intéressé » lorsqu’il est en mesure de démontrer, d’une part, que lui-même ou ses affiliés seront éventuellement affectés dans leurs intérêts par l’octroi d’une aide et, d’autre part, que l’aide en cause risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation ou celle des affiliés qu’il représente (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 9 juillet 2009, 3F/Commission, C‑319/07 P, EU:C:2009:435, point 33).

20      Toutefois, reconnaître la qualité d’intéressée à toute personne ayant, à l’égard de mesures d’aides, un intérêt purement général ou indirect constituerait une interprétation manifestement incompatible avec les dispositions de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 décembre 2019, BPC Lux 2 e.a./Commission, T‑812/14 RENV, non publié, EU:T:2019:885, point 60 et jurisprudence citée).

21      En l’occurrence, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que la requérante ne pouvait pas être qualifiée de partie intéressée au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589. Après avoir rappelé qu’un syndicat de travailleurs, comme la requérante, n’était ni un concurrent du bénéficiaire de l’aide ni un opérateur actif sur le marché pertinent, elle a estimé que la prétendue atteinte aux intérêts de la requérante ou de ses membres ne présentait pas de lien direct ou certain avec les mesures contestées. En particulier, la modération sociale et la baisse des effectifs évoquées dans la plainte ne résulteraient pas des mesures contestées, mais d’un « choix d’adaptation opéré par l’EDF ».

22      En premier lieu, s’agissant de l’argument de la requérante tiré du caractère « expéditif » de l’examen de sa plainte, il convient de constater que le fait que la Commission ait décidé d’enregistrer les informations fournies comme des informations générales sur le marché de l’électricité français et de rejeter la plainte deux semaines après son dépôt n’est pas révélateur d’un examen insuffisant ou incomplet de sa part.

23      Par ailleurs, en ce qui concerne l’affirmation de la requérante selon laquelle, en substance, la décision attaquée est « faiblement motivée », il y a lieu d’observer qu’il ressort clairement de cette décision que, par l’emploi du terme « a priori », la Commission a, en réalité, précisé que la qualité de syndicat de travailleurs ne suffit pas en soi pour conférer à ce syndicat la qualité de partie intéressée. Par ailleurs, comme le souligne justement la Commission dans le mémoire en défense, l’emploi du verbe « sembler » ne peut être compris comme exprimant des doutes de la Commission quant à la reconnaissance de la qualité de partie intéressée, mais comme exprimant la conviction que, sur la base des informations dont elle disposait, la prétendue atteinte aux intérêts de la requérante ou de ses membres n’était pas directement liée aux mesures contestées elles-mêmes.

24      Partant, les arguments de la requérante tirés d’un examen « expéditif » de sa plainte et d’une motivation insuffisante doivent être rejetés comme non fondés.

25      En deuxième lieu, il importe de rappeler que la requérante appuie sa requête, de manière générale, sur l’atteinte que porteraient les mesures contestées à l’équilibre financier d’EDF et aux conditions d’emploi de ses salariés.

26      S’agissant, d’une part, des arguments de la requérante concernant les prétendues atteintes aux intérêts financiers d’EDF, il convient de relever que le fait d’avancer que, à cause des mesures contestées, EDF subirait des pertes de recettes liées au coût du rachat aux fournisseurs bénéficiaires des volumes d’électricité et qui s’élèveraient à plusieurs milliards d’euros pour la seule année 2022 ne constitue qu’une prévision de nature purement spéculative. Aucun des arguments, ni des éléments de preuves produits par la requérante ne prouve que les mesures contestées ont elles-mêmes une incidence sur l’équilibre financier global d’EDF. Ainsi, le communiqué interne d’EDF, annexé à la requête, est un document non daté qui n’indique pas le mode de calcul de la perte de recettes alléguée, ni ne permet de déterminer le prétendu lien de causalité entre les mesures contestées et la situation économique de la société dans son ensemble.

27      En effet, la requérante ne précise pas l’ampleur de l’atteinte que les mesures contestées causent à l’équilibre financier global de la société. Ainsi que la Commission l’a relevé, les mesures contestées ont été adoptés aux fins de limiter, dans un contexte de tensions exceptionnelles sur les marchés de l’énergie, la forte hausse des prix de vente de l’électricité, cette hausse pouvant se traduire par des revenus élevés sur le reste des ventes d’électricité d’EDF.

28      S’agissant, d’autre part, des arguments de la requérante concernant la prétendue atteinte aux conditions d’emploi des salariés d’EDF, la requérante se contente de faire état de l’existence d’un risque purement hypothétique. Elle n’apporte aucun élément permettant d’établir qu’il existait un risque réel et concret de perte d’emplois ou de modération salariale.

29      Au demeurant, même si le prétendu risque de détérioration des conditions d’emploi au sein d’EDF était établi, il convient de relever, ainsi que la Commission le souligne à juste titre, que ce risque ne résulterait pas des mesures contestées elles-mêmes, mais d’un choix d’EDF, parmi plusieurs autres, visant à faire face à une dégradation éventuelle de sa situation financière.

30      Les arguments de la requérante ne permettent donc pas de considérer que, contrairement à ce qui a été retenu par la Commission dans la décision attaquée, les mesures contestées seraient, par elles-mêmes, susceptibles d’avoir une incidence concrète sur la situation de la requérante ou de ses membres, au sens de la jurisprudence rappelée au point 18 ci-dessus.

31      En troisième lieu, la jurisprudence invoquée par la requérante au soutien de son argumentation ne permet pas non plus de considérer qu’elle devrait être regardée comme étant une « partie intéressée ».

32      Tout d’abord, s’agissant de l’arrêt du 9 juillet 2009, 3F/Commission (C‑319/07 P, EU:C:2009:435), il est vrai que la Cour a reconnu la qualité de « partie intéressée » au syndicat général des travailleurs du Danemark. Or, la Cour n’est pas parvenue à cette conclusion en se fondant uniquement sur le rôle et la mission d’un syndicat in abstracto, comme semble le soutenir la requérante, mais en examinant la situation particulière du syndicat concerné et en considérant que les éléments apportés par celui-ci établissaient, à suffisance de droit, l’affectation éventuelle, par les mesures en cause, de ses intérêts et de ceux de ses membres lors de négociations collectives (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2009, 3F/Commission, C‑319/07 P, EU:C:2009:435, point 104). En outre, dans cet arrêt, les mesures en cause, à savoir des exonérations fiscales au profit des marins employés par les armateurs danois, revêtaient une dimension sociale qui présentait un lien avec la mission d’un syndicat de travailleurs du secteur maritime constitué, par nature, pour promouvoir les intérêts collectifs de ses membres.

33      Ensuite, il est également vrai que, dans l’arrêt du 2 septembre 2021, Ja zum Nürburgring/Commission (C‑647/19 P, EU:C:2021:666, points 66 et 67), la Cour a reconnu que l’octroi de l’aide pouvait affecter les intérêts, pas nécessairement économiques, d’une association poursuivant un but d’intérêt général, de telle sorte que celle-ci devait être qualifiée de « partie intéressée ». En estimant que cet arrêt s’appliquerait par analogie à l’espèce, la requérante soutient que les mesures contestées affectent les intérêts qu’elle défend en tant que syndicat.

34      À cet égard, il y a lieu de constater que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 2 septembre 2021, Ja zum Nürburgring/Commission (C‑647/19 P, EU:C:2021:666), la qualité de « partie intéressée » a été reconnue à une association qui défendait les intérêts de l’ensemble du sport automobile allemand en rapport avec le circuit du Nürburgring (Allemagne), au motif que l’octroi d’une aide sous forme de vente des actifs du complexe du Nürburgring à une entreprise privée poursuivant la maximalisation des gains portait atteinte aux buts d’intérêt général de la requérante. En revanche, en l’espèce, ainsi qu’il a été constaté au point 30 ci-dessus, la requérante n’est pas parvenue à démontrer que les mesures contestées risquaient d’avoir une incidence concrète sur sa situation ou celle de ses membres.

35      En outre, à la différence de la présente espèce, dans l’arrêt du 22 septembre 2021, DEI/Commission (T‑639/14 RENV, T‑352/15 et T‑740/17, sous pourvoi, EU:T:2021:604), le Tribunal a reconnu la qualité de « partie intéressée » à Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI), un producteur et fournisseur d’électricité en Grèce, en ce qu’elle a fait valoir que la sentence arbitrale fixant le tarif de fourniture d’électricité  en cause  l’obligeait à accorder des aides illégales à la partie intervenante tout en lui causant des pertes financières.

36      Enfin, l’argument de la requérante selon lequel sa situation n’est pas comparable à celle de la Coopérative des artisans pêcheurs associés (CAPA) Sarl dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 septembre 2021, CAPA e.a./Commission (T‑777/19, sous pourvoi, EU:T:2021:588), en raison du fait que ses intérêts sont directement affectés par les mesures contestées, alors que les intérêts de cette coopérative l’étaient indirectement, ne saurait être retenu. En effet, dans cet arrêt, le Tribunal a constaté que ladite coopérative et les pêcheurs concernés n’avaient pas démontré le risque d’une incidence concrète des aides litigieuses sur leur situation dès lors que le mécanisme d’octroi des aides ne présentait pas de lien avec les impacts allégués des projets de parcs éoliens en mer sur l’activité des pécheurs concernés. De même, dans la présente affaire, ainsi qu’il résulte du point 30 ci-dessus, la requérante n’a pas démontré que les mesures contestées, en elles-mêmes, risquaient d’avoir une incidence sur ses intérêts ou ceux de ses membres.

37      Au regard de ce qui précède, contrairement à ce que la requérante prétend, la Commission n’a pas commis d’erreur en refusant de lui reconnaître la qualité de « partie intéressée », au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589.

38      Partant, il convient de rejeter le premier moyen comme non fondé.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux

39      La requérante fait valoir que la violation de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 emporte également la violation de l’article 24 du même règlement. Selon la requérante, la Commission s’est abstenue d’examiner la plainte au fond alors même qu’elle était une partie intéressée. Elle ajoute que la Commission aurait dû lui demander des précisions complémentaires si elle estimait que les informations contenues dans la plainte étaient insuffisantes pour démontrer l’existence d’une aide illégale ou l’application abusive d’une aide.

40      La Commission considère que le second moyen ne présente pas de caractère autonome par rapport au premier.

41      Il convient de constater que, bien que l’article 47 de la charte des droits fondamentaux soit mentionné dans le titre du second moyen, la requérante n’avance aucun argument tiré de la violation de cet article dans le corps de la requête.

42      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences dudit règlement. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2021, Ayuntamiento de Quart de Poblet/Commission, T‑539/18, non publié, EU:T:2021:123, point 102 et jurisprudence citée).

43      Ce grief doit donc être écarté comme étant irrecevable.

44      Par ailleurs, le considérant 33 du règlement 2015/1589 énonce qu’il convient d’exiger des plaignants qu’ils démontrent qu’ils sont des parties intéressées au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du même règlement. L’article 24 du règlement 2015/1589, intitulé « Droits des parties intéressées », dispose, en son paragraphe 2, premier alinéa, que « [t]oute partie intéressée peut déposer une plainte pour informer la Commission de toute aide présumée illégale ou de toute application présumée abusive d’une aide ». Ainsi, il ressort du libellé de l’article 24 du règlement 2015/1589 que celui-ci ne trouve à s’appliquer que si la plainte émane d’une partie intéressée.

45      Dans la mesure où, comme il a été relevé au point 37 ci-dessus, la Commission a conclu à juste titre que la requérante ne saurait être qualifiée de partie intéressée au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, il convient de rejeter le second moyen.

46      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

47      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

48      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Unsa Énergie est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Marcoulli

Norkus

Valasidis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 juin 2023.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

M. van der Woude


*      Langue de procédure : le français.