Language of document : ECLI:EU:T:2014:1039

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

9 décembre 2014 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché des ronds à béton en barres ou en rouleaux – Décision constatant une infraction à l’article 65 CA, après l’expiration du traité CECA, sur le fondement du règlement (CE) n° 1/2003 – Fixation des prix et des délais de paiement – Limitation ou contrôle de la production ou des ventes – Violation des formes substantielles – Base juridique – Excès de pouvoir et détournement de procédure – Amendes – Durée de l’infraction – Proportionnalité – Prescription – Recours en annulation – Décision de modification –Irrecevabilité »

Dans les affaires T‑489/09, T‑490/09 et T‑56/10,

Leali SpA, établie à Odolo (Italie), représentée par Me G. Bellotti, avocat,

partie requérante dans les affaires T-489/09 et T-56/10,

Acciaierie e Ferriere Leali Luigi SpA, établie à Brescia (Italie), représentée par Me Belotti,

partie requérante dans les affaires T-490/09 et T-56/10,

contre

Commission européenne, représentée, dans les affaires T‑489/09 et T‑490/09, initialement par MM. R. Sauer et V. Di Bucci, puis par MM. Sauer et B. Gencarelli, et enfin par M. Sauer et Mme R. Striani, et, dans l’affaire T‑56/10, initialement par MM. Sauer et Gencarelli, puis par M. Sauer et Mme Striani, en qualité d’agents, assistés de Me Moretto, avocat,

partie défenderesse,


ayant pour objet, dans les affaires T-489/09 et T-490/09, des demandes d’annulation de la décision C (2009) 7492 final de la Commission, du 30 septembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 65 CA (affaire COMP/37.956 – Ronds à béton armé, réadoption), et, à titre subsidiaire, des demandes de réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes et, dans l’affaire T-56/10, une demande d’annulation de la décision C (2009) 9912 final de la Commission, du 8 décembre 2009, modifiant la décision C (2009) 7492 final,


LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur), faisant fonction de président, MM. A. Popescu et G. Berardis, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er février 2013,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1.     Dispositions du traité CECA

1        L’article 36 CA prévoyait :

« La Commission, avant de prendre une des sanctions pécuniaires ou de fixer une des astreintes prévues au présent traité, doit mettre l’intéressé en mesure de présenter ses observations.

Les sanctions pécuniaires et les astreintes prononcées en vertu des dispositions du présent traité peuvent faire l’objet d’un recours de pleine juridiction.

Les requérants peuvent se prévaloir, à l’appui de ce recours, dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 33 du présent traité, de l’irrégularité des décisions et recommandations dont la méconnaissance leur est reprochée. »

2        L’article 47 CA se lisait comme suit :

« La Commission peut recueillir les informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Elle peut faire procéder aux vérifications nécessaires.

La Commission est tenue de ne pas divulguer les informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel, et notamment les renseignements relatifs aux entreprises et concernant leurs relations commerciales ou les éléments de leur prix de revient. Sous cette réserve, elle doit publier les données qui sont susceptibles d’être utiles aux gouvernements ou à tous autres intéressés.

La Commission peut prononcer, à l’encontre des entreprises qui se soustrairaient aux obligations résultant pour elles des décisions prises en application des dispositions du présent article ou qui fourniraient sciemment des informations fausses, des amendes, dont le montant maximum sera de 1 % du chiffre d’affaires annuel, et des astreintes, dont le montant maximum sera de 5 % du chiffre d’affaires journalier moyen par jour de retard.

Toute violation par la Commission du secret professionnel ayant causé un dommage à une entreprise pourra faire l’objet d’une action en indemnité devant la Cour, dans les conditions prévues à l’article 40. »

3        L’article 65 CA disposait :

« 1. Sont interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’association d’entreprises et toutes pratiques concertées qui tendraient, sur le marché commun, directement ou indirectement, à empêcher, restreindre ou fausser le jeu normal de la concurrence et en particulier :

a)      à fixer ou déterminer les prix ;

b)      à restreindre ou à contrôler la production, le développement technique ou les investissements ;

c)      à répartir les marchés, produits, clients ou sources d’approvisionnement.

[…]

4. Les accords ou décisions interdits en vertu du paragraphe 1 du présent article sont nuls de plein droit et ne peuvent être invoqués devant aucune juridiction des États membres.

La Commission a compétence exclusive, sous réserve des recours devant la Cour, pour se prononcer sur la conformité avec les dispositions du présent article desdits accords ou décisions.

5. La Commission peut prononcer contre les entreprises qui auraient conclu un accord nul de plein droit, appliqué ou tenté d’appliquer, par voie d’arbitrage, dédit, boycott ou tout autre moyen, un accord ou une décision nuls de plein droit ou un accord dont l’approbation a été refusée ou révoquée, ou qui obtiendraient le bénéfice d’une autorisation au moyen d’informations sciemment fausses ou déformées, ou qui se livreraient à des pratiques contraires aux dispositions du paragraphe 1, des amendes et astreintes au maximum égales au double du chiffre d’affaires réalisé sur les produits ayant fait l’objet de l’accord, de la décision ou de la pratique contraires aux dispositions du présent article, sans préjudice, si cet objet est de restreindre la production, le développement technique ou les investissements, d’un relèvement du maximum ainsi déterminé à concurrence de 10 % du chiffre d’affaires annuel des entreprises en cause, en ce qui concerne l’amende, et de 20 % du chiffre d’affaires journalier, en ce qui concerne les astreintes. »

4        Conformément à l’article 97 CA, le traité CECA a expiré le 23 juillet 2002.

2.     Dispositions du traité CE

5        L’article 305, paragraphe 1, CE énonçait :

« Les dispositions du présent traité ne modifient pas celles du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier, notamment en ce qui concerne les droits et obligations des États membres, les pouvoirs des institutions de cette Communauté et les règles posées par ce traité pour le fonctionnement du marché commun du charbon et de l’acier. »

3.     Règlement n° 1/2003

6        Aux termes de l’article 4 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), pour « l’application des articles 81 [CE] et 82 [CE], la Commission dispose des compétences prévues par le présent règlement ».

7        L’article 7 du règlement n° 1/2003, intitulé « Constatation et cessation d’une infraction », prévoit :

« 1. Si la Commission, agissant d’office ou saisie d’une plainte, constate l’existence d’une infraction aux dispositions de l’article 81 [CE] ou [de l’article] 82 [CE], elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d’entreprises intéressées à mettre fin à l’infraction constatée [...] Lorsque la Commission y a un intérêt légitime, elle peut également constater qu’une infraction a été commise dans le passé.

[...] »

8        L’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 dispose :

« La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence :

a)      elles commettent une infraction aux dispositions de l’article 81 [CE] ou [de l’article] 82 [CE …] »

4.     Communication de la Commission sur certains aspects du traitement des affaires de concurrence résultant de l’expiration du traité CECA

9        Le 18 juin 2002, la Commission des Communautés européennes a adopté la communication sur certains aspects du traitement des affaires de concurrence résultant de l’expiration du traité CECA (JO C 152, p. 5, ci-après la « communication du 18 juin 2002 »).

10      Au point 2 de la communication du 18 juin 2002, il est précisé que l’objet de celle-ci est :

« […]

–        de récapituler, à l’intention des opérateurs économiques et des États membres dans la mesure où ils sont concernés par le traité CECA et son droit dérivé, les modifications les plus importantes du droit matériel et procédural découlant de la transition vers le régime du traité CE […],

–        d’expliquer comment la Commission entend régler les problèmes spécifiques posés par la transition du régime CECA au régime CE dans le domaine des ententes et des abus de position dominante […], du contrôle des concentrations […] et du contrôle des aides d’État. »

11      Le point 31 de la communication du 18 juin 2002, qui figure dans la subdivision consacrée aux problèmes spécifiques posés par la transition du régime du traité CECA au régime du traité CE, est libellé comme suit :

« Si, dans l’application des règles communautaires de la concurrence à des accords, la Commission constate une infraction dans un domaine relevant du traité CECA, le droit matériel applicable est, quelle que soit la date d’application, celui en vigueur au moment où les faits constitutifs de l’infraction se sont produits. En tout état de cause, sur le plan procédural, le droit applicable après l’expiration du traité CECA sera le droit CE […] »

 Objet des litiges

12      Les présentes affaires ont pour objet, d’une part, des demandes d’annulation de la décision C (2009) 7492 final de la Commission, du 30 septembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 65 CA (affaire COMP/37.956 – Ronds à béton armé, réadoption) (ci-après la « première décision »), et, à titre subsidiaire, des demandes de réduction du montant de l’amende infligée à Leali SpA et aux Acciaierie e Ferriere Leali Luigi SpA, en liquidation (ci-après « AFLL » (ces deux sociétés étant ci-après dénommées ensemble « Leali-AFLL » ou les « requérantes ») (affaires T‑489/09 et T‑490/09) et, d’autre part, une demande d’annulation de la décision C (2009) 9912 final de la Commission, du 8 décembre 2009, modifiant la première décision (ci-après la « décision modificative ») (affaire T‑56/10).

13      Dans la première décision, la Commission a considéré que les sociétés suivantes avaient enfreint l’article 65 CA :

–        Alfa Acciai SpA (ci-après « Alfa ») ;

–        Feralpi Holding SpA (ci-après « Feralpi ») ;

–        Ferriere Nord SpA ;

–        IRO Industrie Riunite Odolesi SpA (ci-après « IRO ») ;

–        les requérantes ;

–        Lucchini SpA et SP SpA, en liquidation (ces deux sociétés étant ci-après dénommées ensemble « Lucchini-SP ») ;

–        Riva Fire SpA (ci-après « Riva ») ;

–        Valsabbia Investimenti SpA et Ferriera Valsabbia SpA (ces deux sociétés étant ci-après dénommées ensemble « Valsabbia »).

14      Dans la décision modificative, la Commission a apporté des modifications aux motifs de la première décision.

 Présentation des requérantes

15      Les requérantes sont nées de la scission, le 25 novembre 1998, des anciennes Acciaierie e Ferriere Leali Luigi SpA, laquelle s’est avérée nécessaire aux fins de permettre à cette société de bénéficier d’une aide publique au démantèlement des installations sidérurgiques prévue par une disposition de droit italien. Dans ce contexte, Leali, dont les actionnaires sont identiques à ceux des anciennes Acciaierie e Ferriere Leali Luigi, a repris les activités de cette dernière société qui n’avaient pas été démantelées (considérants 91 à 93 de la première décision), en se substituant à celle-ci dans tous les rapports juridiques relatifs au laminoir situé dans la province de Brescia (Italie), où sont produits des ronds à béton armé.

16      AFLL a été mise en liquidation à compter du 4 décembre 1998 et ses activités se sont limitées au démantèlement des installations aux seules fins de la liquidation.

 Antécédents du litige

17      D’octobre à décembre 2000, la Commission a effectué, conformément à l’article 47 CA, des vérifications auprès des entreprises italiennes productrices de ronds à béton et auprès d’une association d’entreprises sidérurgiques italiennes. Elle leur a également adressé des demandes de renseignements, en vertu de l’article 47 CA (considérant 114 de la première décision).

18      Le 26 mars 2002, la Commission a ouvert la procédure administrative et a formulé des griefs au titre de l’article 36 CA (ci-après la « communication des griefs ») (considérant 114 de la première décision). Les requérantes ont présenté des observations écrites sur la communication des griefs. Une audition a eu lieu le 13 juin 2002 (considérant 118 de la première décision.

19      Le 12 août 2002, la Commission a formulé des griefs supplémentaires (ci-après la « communication des griefs supplémentaires »), adressés aux destinataires de la communication des griefs. Dans la communication des griefs supplémentaires, fondée sur l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), la Commission expliquait sa position concernant la poursuite de la procédure après l’expiration du traité CECA. Un délai a été accordé aux entreprises concernées pour la présentation de leurs observations et une seconde audition en présence des représentants des États membres a eu lieu le 30 septembre 2002 (considérant 119 de la première décision).

20      À l’issue de la procédure, la Commission a adopté la décision C (2002) 5087 final, du 17 décembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 65 CA (COMP/37.956 – Ronds à béton) (ci-après la « décision de 2002 »), par laquelle elle a constaté que les entreprises destinataires de celle-ci avaient mis en œuvre une entente unique, complexe et continue sur le marché italien des ronds à béton en barres ou en rouleaux, qui avait pour objet ou pour effet la fixation des prix et qui avait également donné lieu à une limitation ou à un contrôle concertés de la production ou des ventes, contraire à l’article 65, paragraphe 1, CA (considérant 121 de la première décision). La Commission a, dans cette décision, infligé solidairement aux requérantes une amende d’un montant de 6,093 millions d’euros.

21      Les 11 et 20 février 2003, les requérantes ont formé des recours devant le Tribunal contre la décision de 2002. Par arrêt du 25 octobre 2007, SP e.a./Commission (T‑27/03, T‑46/03, T‑58/03, T‑79/03, T‑80/03, T‑97/03 et T‑98/03, Rec. p. II‑4331), le Tribunal a annulé la décision de 2002. Le Tribunal a relevé que, eu égard notamment au fait que la décision de 2002 ne comportait aucune référence à l’article 3 et à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, cette décision était fondée uniquement sur l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA (arrêt SP e.a./Commission, précité, point 101). Dès lors que ces dispositions avaient expiré le 23 juillet 2002, la Commission ne pouvait plus tirer de compétence de celles-ci, éteintes au moment de l’adoption de la décision de 2002, pour constater une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA et pour imposer des amendes aux entreprises qui auraient participé à ladite infraction (arrêt SP e.a./Commission, précité, point 120).

22      Par lettre du 30 juin 2008, la Commission a informé les requérantes et les autres entreprises concernées de son intention de réadopter une décision, en modifiant la base juridique par rapport à celle qui avait été choisie pour la décision de 2002. Elle a en outre précisé que, compte tenu de la portée limitée de l’arrêt SP e.a./Commission, point 21 supra, la décision réadoptée serait fondée sur les preuves présentées dans la communication des griefs et dans la communication des griefs supplémentaires. Un délai a été accordé aux entreprises concernées pour présenter leurs observations (considérants 6 et 123 de la première décision).

 Première décision

23      Le 30 septembre 2009, la Commission a adopté la première décision, laquelle a été notifiée aux requérantes par lettres du 1er octobre 2009.

24      Dans la première décision, la Commission a constaté que les restrictions de la concurrence visées dans celle-ci avaient pour origine une entente entre producteurs italiens de ronds à béton et entre ces derniers et leur association, qui avait eu lieu durant la période comprise entre 1989 et 2000 et qui avait eu pour objet ou pour effet de fixer ou de déterminer les prix et de limiter ou de contrôler la production ou les ventes par le biais de l’échange d’un nombre considérable d’informations relatives au marché des ronds à béton en Italie (considérants 7 et 399 de la première décision).

25      S’agissant de l’appréciation juridique des comportements en cause en l’espèce, en premier lieu, la Commission a souligné, aux considérants 353 à 369 de la première décision, que le règlement n° 1/2003 devait être interprété comme lui permettant de constater et de sanctionner, après le 23 juillet 2002, les ententes dans les secteurs relevant du champ d’application du traité CECA ratione materiae et ratione temporis. Au considérant 370 de la première décision, elle a indiqué que celle-ci avait été adoptée conformément aux règles procédurales du traité CE et du règlement n° 1/2003. Aux considérants 371 à 376 de la première décision, la Commission a par ailleurs rappelé que les principes qui régissent la succession des règles dans le temps pouvaient conduire à l’application de dispositions matérielles qui ne sont plus en vigueur au moment de l’adoption d’un acte par une institution de l’Union européenne, sous réserve de l’application du principe général de la lex mitior, en vertu duquel une personne ne peut être sanctionnée pour un fait qui ne constitue pas un délit au sens de la législation entrée en vigueur postérieurement. Elle a conclu que, en l’espèce, le traité CE n’était pas in concreto plus favorable que le traité CECA et que, par conséquent, le principe de la lex mitior ne pouvait de toute façon pas être valablement invoqué pour contester l’application du traité CECA aux comportements en cause en l’espèce.

26      En deuxième lieu, s’agissant de l’application de l’article 65, paragraphe 1, CA, premièrement, la Commission a relevé que l’entente avait pour objet la fixation des prix en fonction de laquelle avait également été établie la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes. Selon la Commission, en ce qui concerne la fixation des prix, l’entente s’était essentiellement articulée autour des accords ou pratiques concertées relatifs au prix de base pendant la période allant du 15 avril 1992 au 4 juillet 2000 (et, jusqu’en 1995, autour des accords ou pratiques concertées relatifs aux délais de paiement) et autour des accords ou pratiques concertées relatifs aux « suppléments » pendant la période allant du 6 décembre 1989 au 1er juin 2000 (considérants 399 et 400 de la première décision).

27      Deuxièmement, s’agissant des effets sur le marché des pratiques restrictives en cause, la Commission a indiqué que, dès lors qu’il était question d’une entente dont l’objectif était d’empêcher, de limiter ou d’altérer le jeu normal de la concurrence, il n’était pas nécessaire de vérifier qu’elle avait produit des effets sur le marché (considérant 512 de la première décision). Elle a toutefois estimé que l’entente avait eu des effets concrets sur le marché (considérants 513 à 518 de la première décision). En particulier, la Commission a conclu que l’entente avait influencé le prix de vente pratiqué par les producteurs de ronds à béton en Italie, même si les mesures prises au sein de l’entente n’avaient pas toujours immédiatement produit les résultats espérés par les entreprises qui y participaient. En outre, selon la Commission, il a pu y avoir des phénomènes aux effets différés. Par ailleurs, les entreprises en cause représentaient environ 21 % du marché italien des ronds à béton en 1989, 60 % en 1995 et environ 83 % en 2000, ce qui indiquerait un effet croissant sur le marché des augmentations de prix concertées. La Commission a enfin souligné que le fait que les initiatives prises en cette matière étaient, dès 1989, communiquées à l’ensemble des producteurs de ronds à béton avait accru l’importance de ces effets également durant les premières années de l’entente (considérant 519 de la première décision).

28      En troisième lieu, la Commission a identifié les destinataires de la première décision. Pour ce qui concerne les requérantes, la Commission a indiqué, aux considérants 535 à 537 de la première décision, qu’elle avait décidé de leur imputer la responsabilité de l’infraction, dès lors que Leali et AFLL étaient les deux sociétés résultant de la scission, en 1998, des anciennes Acciaierie e Ferriere Leali Luigi qui avaient poursuivi l’activité de cette dernière société dans le secteur des ronds à béton. D’une part, AFLL aurait poursuivi cette activité uniquement pour certaines unités de production de ronds à béton et uniquement dans le but de démanteler les installations de production en question. D’autre part, Leali aurait continué l’activité en ce qui concerne les autres unités de production de ronds à béton.

29      La Commission a ainsi estimé que Leali et AFLL avaient continué, avec des objectifs différents (respectivement la poursuite de l’activité de production ou le démantèlement des installations), à gérer les unités de production de ronds à béton des anciennes Acciaierie e Ferriere Leali Luigi et, partant, devaient être tenues pour solidairement responsables des agissements de cette dernière société jusqu’à sa mise en liquidation. En revanche, la Commission a indiqué que Leali était seule responsable des comportements qu’elle avait adoptés à partir du 25 novembre 1998, date de sa constitution. La Commission a ajouté que, d’une part, les actionnaires de Leali étaient les mêmes que ceux d’AFLL et que, d’autre part, AFLL n’était pas impliquée dans les comportements adoptés après la constitution de Leali (considérants 535 et 536 de la première décision).

30      En quatrième lieu, la Commission a considéré que l’article 65, paragraphe 2, CA et l’article 81, paragraphe 3, CE étaient inapplicables en l’espèce (considérants 567 à 570 de la première décision). Elle a également souligné que les règles en matière de prescription énoncées à l’article 25 du règlement n° 1/2003 ne l’empêchaient pas d’adopter la première décision (considérants 571 à 574 de la première décision).

31      En cinquième lieu, s’agissant du calcul du montant des amendes infligées en l’espèce, la Commission a indiqué que, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, elle pouvait infliger des amendes aux entreprises qui avaient violé les règles de concurrence. Le plafond des amendes prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 étant différent de celui fixé à l’article 65, paragraphe 5, CA, la Commission a indiqué qu’elle appliquerait le plafond le plus bas, conformément au principe de la lex mitior (considérant 576 de la première décision). Elle a également indiqué que, ainsi qu’elle en avait informé les entreprises concernées par lettre du 30 juin 2008, elle avait décidé d’appliquer, en l’espèce, les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 1998 »). Elle a ajouté que, en l’espèce, toutefois, elle tiendrait compte du fait qu’elle avait déjà décidé du montant des amendes qu’elle comptait infliger aux entreprises en cause lors de l’adoption de la décision de 2002 (considérants 579 et 580 de la première décision).

32      Premièrement, la Commission a considéré qu’une entente ayant pour objet la fixation des prix, mise en œuvre de différentes manières, notamment en ayant recours à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes, constituait une infraction très grave au droit de la concurrence de l’Union (considérant 591 de la première décision). La Commission a rejeté les arguments des entreprises en cause selon lesquels la gravité de l’infraction serait atténuée eu égard aux effets concrets limités sur le marché et au contexte économique dans lequel celles-ci auraient évolué (considérants 583 à 596 de la première décision). Selon la Commission, sans préjudice du caractère très grave de l’infraction, elle a tenu compte, lors de la détermination du montant de base de l’amende, des caractéristiques spécifiques de la présente affaire, en l’occurrence le fait qu’elle portait sur un marché national qui était soumis, à l’époque des faits, à une réglementation particulière du traité CECA et sur lequel les entreprises destinataires de la première décision détenaient, dans les premiers temps de l’infraction, des parts limitées (considérant 599 de la première décision).

33      Deuxièmement, la Commission a considéré le poids spécifique de chaque entreprise et a classé celles-ci en fonction de leur importance relative sur le marché en cause. Dès lors que les parts de marché relatives atteintes par les destinataires de la première décision au cours de la dernière année complète de l’infraction (1999) n’avaient pas été considérées par la Commission comme représentatives de la présence effective de ces dernières sur le marché en cause au cours de la période de référence, la Commission a distingué, sur la base des parts de marché moyennes au cours de la période 1990-1999, trois groupes d’entreprises, à savoir, tout d’abord, Feralpi et Valsabbia, à qui elle a appliqué un montant de départ de l’amende de 5 millions d’euros, ensuite, Lucchini-SP, Alfa, Riva et Leali-AFLL, à qui elle a appliqué un montant de départ de l’amende de 3,5 millions d’euros, et, enfin, IRO et Ferriere Nord, à qui elle a appliqué un montant de départ de 1,75 million d’euros (considérants 599 à 602 de la première décision).

34      Afin d’assurer à l’amende un effet suffisamment dissuasif, la Commission a augmenté le montant de départ de l’amende de Lucchini-SP de 200 % et celui de Riva de 375 % (considérants 604 et 605 de la première décision).

35      Troisièmement, la Commission a estimé que l’entente avait duré du 6 décembre 1989 au 4 juillet 2000. S’agissant de la participation des requérantes à l’infraction, la Commission a relevé que celle-ci s’étendait du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 (considérant 606 de la première décision).

36      L’infraction ayant duré plus de dix ans et six mois pour l’ensemble des entreprises, à l’exception de Ferriere Nord, le montant de départ de l’amende a été augmenté de 105 % pour toutes les entreprises, à l’exception de Ferriere Nord, dont le montant de départ a été majoré de 70 %. Les montants de base des amendes ont, partant, été fixés comme suit :

–        Feralpi : 10,25 millions d’euros ;

–        Valsabbia : 10,25 millions d’euros ;

–        Lucchini-SP : 14,35 millions d’euros ;

–        Alfa : 7,175 millions d’euros ;

–        Riva : 26,9 millions d’euros ;

–        Leali-AFLL : 7,175 millions d’euros ;

–        IRO : 3,58 millions d’euros

–        Ferriere Nord : 2,97 millions d’euros (considérants 607 et 608 de la première décision).

37      Quatrièmement, pour ce qui concerne les circonstances aggravantes, la Commission a relevé que Ferriere Nord avait déjà été destinataire d’une décision de la Commission, adoptée le 2 août 1989, pour sa participation à une entente portant sur la fixation des prix et la limitation des ventes dans le secteur des treillis soudés et a augmenté de 50 % le montant de base de son amende. Aucune circonstance atténuante n’a été retenue par la Commission (considérants 609 à 623 de la première décision).

38      Cinquièmement, s’agissant de la détermination du montant maximal de l’amende conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, la Commission a estimé que le montant de l’amende imposé aux entreprises en cause n’excédait pas le plafond de 10 % du chiffre d’affaires réalisé pour les produits relevant du traité CECA sur le territoire de l’Union en 2007. S’agissant plus particulièrement des requérantes, la Commission a souligné que le fait que AFLL soit en liquidation n’empêchait pas qu’elle lui infligeât une amende dans la mesure où elle devait être tenue pour solidairement responsable avec Leali, puisqu’elles formaient une seule et même entreprise (considérants 630 à 632 de la première décision).

39      Sixièmement, s’agissant de l’application de la communication concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération de 1996 »), la Commission a indiqué que Ferriere Nord lui avait fourni des indications utiles qui lui avaient permis de mieux comprendre le fonctionnement de l’entente avant l’envoi de la communication des griefs, en sorte qu’elle lui avait octroyé une réduction de 20 % du montant de son amende. La Commission a considéré que les autres entreprises en cause n’avaient pas satisfait aux conditions de ladite communication (considérants 633 à 641 de la première décision).

40      Le dispositif de la première décision se lit comme suit :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 65, paragraphe 1, [CA] en participant, au cours des périodes indiquées, à un accord continu et/ou à des pratiques concertées concernant les ronds à béton en barres ou en rouleaux, qui avaient pour objet et/ou pour effet la fixation des prix et la limitation et/ou le contrôle de la production ou des ventes sur le marché commun :

–        [Leali-AFLL], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [Alfa], du 6 décembre 1989 au 4 juillet 2000 ;

–        [Ferriera Valsabbia et Valsabbia Investimenti], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [Feralpi], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [IRO], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [Lucchini-SP], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [Riva], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [Ferriere Nord], du 1er avril 1993 au 4 juillet 2000 ;

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées pour les infractions visées à l’article 1er :

–        [Alfa] : 7,175 millions d’EUR ;

–        [Feralpi]: 10,25 millions d’EUR ;

–        [Ferriere Nord] : 3,57 millions d’EUR ;

–        [IRO] : 3,58 millions d’EUR ;

–        [Leali et AFLL], solidairement : 6,093 millions d’EUR ;

–        [Leali] : 1,082 million d’EUR ;

–        [Lucchini et SP], solidairement : 14,35 millions d’EUR ;

–        [Riva] : 26,9 millions d’EUR ;

–        [Valsabbia Investimenti et Ferriera Valsabbia], solidairement : 10,25 millions d’EUR

[…] »

 Développements postérieurs à la notification de la première décision

41      Par lettres envoyées entre le 20 et le 23 novembre 2009, huit des onze sociétés destinataires de la première décision, à savoir Riva, Feralpi, Ferriere Nord, Lucchini, Alfa, Ferriera Valsabbia, Valsabbia Investimenti et IRO, ont indiqué à la Commission que l’annexe de la première décision, telle que notifiée à ses destinataires, ne contenait pas les tableaux illustrant les variations de prix.

42      Le 24 novembre 2009, les services de la Commission ont informé lesdits destinataires qu’ils feraient le nécessaire pour qu’une décision contenant lesdits tableaux leur soit notifiée. Ils ont également précisé que les délais applicables au paiement de l’amende et à un éventuel recours juridictionnel commenceraient à courir à la date de notification de la « décision complète ».

 Décision modificative

43      Le 8 décembre 2009, la Commission a adopté la décision modificative, qui intégrait dans son annexe les tableaux manquants et corrigeait les renvois numérotés auxdits tableaux dans huit notes en bas de page.

44      Le dispositif de la décision modificative portait modification des notes en bas de page nos 102, 127, 198, 264, 312, 362, 405 et 448 de la première décision. Les tableaux figurant en annexe de la décision modificative ont été ajoutés comme annexes de la première décision.

 Procédure et conclusions des parties

45      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 8 décembre 2009, les requérantes ont introduit les recours dans les affaires T‑489/09 et T‑490/09.

46      La requérante dans l’affaire T‑489/09 conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal et sur le fond, annuler la première décision a) en ce qu’elle est incomplète et entachée de violations des formes substantielles ; b) pour défaut de base juridique ; c) pour défaut de motivation ; d) pour dénaturation des faits ; e) pour violation du principe d’impartialité de l’action de l’administration ; f) pour violation des droits de la défense ;

–        à titre subsidiaire et sur le fond, réduire le montant de l’amende ;

–        condamner la Commission à l’ensemble des dépens.

47      La requérante dans l’affaire T‑490/09 conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal et sur le fond, annuler la première décision a) pour violation des formes substantielles, puisqu’elle a été approuvée et notifiée sous une forme incomplète ; b) pour défaut de base juridique adéquate ; c) pour défaut de motivation ; d) pour dénaturation des faits ; e) pour violation du principe d’impartialité de l’action de l’action administrative ; f) pour violation de ses droits de la défense ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’article 2 de la première décision, dans la partie où la Commission l’a sanctionnée en violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 ;

–        à titre extrêmement subsidiaire, réduire le montant de l’amende infligée ;

–        si cela est jugé opportun, demander au Conseil une interprétation authentique du règlement n° 1/2003, pour qu’il dise, en particulier, si ce dernier, notamment à la lumière des travaux préparatoires, doit être compris de manière à couvrir aussi les sanctions infligées pour violation du traité CECA ;

–        condamner la Commission à l’ensemble des dépens.

48      La Commission conclut, dans les affaires T‑489/09 et T‑490/09, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans sa totalité ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

49      Par lettre du 8 janvier 2010, la Commission a demandé au Tribunal d’ordonner, à titre de mesure d’organisation de la procédure, que les requérantes soient invitées à examiner l’opportunité de compléter et de modifier leurs conclusions à la lumière de la décision modificative, qui leur a été notifiée après l’introduction des recours dans les affaires T‑489/09 et T‑490/09. Les requérantes se sont opposées à cette demande. Le Tribunal n’a pas fait droit à la demande de la Commission.

50      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 février 2010, les requérantes ont introduit le recours dans l’affaire T‑56/10.

51      Dans l’affaire T‑56/10, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal et sur le fond, annuler la décision modificative, premièrement, pour défaut de base juridique ; deuxièmement, en ce que la Commission n’a pas le pouvoir de remédier à une décision antérieure, lorsque celle-ci est affectée d’un défaut de texte et de contenu, et donc gravement et manifestement viciée ; troisièmement, pour violation du principe de bonne administration ;

–        si la Commission devait contester les faits tels que rapportés au point I de la requête, l’enjoindre de produire les procès-verbaux des réunions des 30 septembre 2009 et 8 décembre 2009, avec leurs annexes ;

–        condamner la Commission à l’ensemble des dépens.

52      La Commission conclut, dans l’affaire T‑56/10, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans sa totalité ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

53      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale dans les présentes affaires et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a demandé aux requérantes dans les affaires T‑489/09 et T‑490/09 de produire un document. Celles-ci y ont déféré dans le délai imparti.

54      Par ordonnance du 14 décembre 2012, le président de la huitième chambre, après avoir recueilli les observations des parties, a décidé de joindre les affaires T‑489/09, T‑490/09 et T‑56/10 aux fins de la procédure orale en application de l’article 50 du règlement de procédure.

55      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 1er février 2013.

 En droit

56      Les parties ayant indiqué lors de l’audience qu’elles n’avaient pas d’objections à formuler à l’égard de la jonction des présentes affaires aux fins de l’arrêt, le Tribunal décide de joindre ces affaires aux fins de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure.

1.     Affaires T-489/09 et T‑490/09

57      Il convient de relever, à titre liminaire, que le recours dans l’affaire T‑489/09 comporte deux chefs de conclusions, à savoir, à titre principal, une demande d’annulation de la première décision et, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante. Le recours dans l’affaire T‑490/09 comporte trois chefs de conclusions, à savoir, à titre principal, une demande d’annulation de la première décision dans son ensemble, à titre subsidiaire, une demande d’annulation de l’article 2 de la première décision et, à titre extrêmement subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante.

58      Au soutien de leurs recours dans les affaires T‑489/09 et T‑490/09, les requérantes invoquent plusieurs moyens, dont certains sont identiques, en sorte qu’il convient de les examiner ensemble. Premièrement, les requérantes soulèvent un moyen tiré de la violation des formes substantielles (premier moyen dans l’affaire T‑489/09 et premier moyen dans l’affaire T‑490/09). Deuxièmement, les requérantes invoquent un moyen tiré de l’incompétence de la Commission et d’une erreur de droit quant à la base juridique de l’infraction et de la sanction (deuxième et quatrième moyens dans l’affaire T‑489/09 et deuxième moyen dans l’affaire T‑490/09). Troisièmement, la requérante dans l’affaire T‑489/09 soutient qu’elle n’a pas de « légitimation passive » (troisième moyen dans l’affaire T‑489/09). Quatrièmement, la requérante dans l’affaire T‑489/09 soulève un moyen tiré de la violation de l’article 65 CA et de l’absence de motivation (cinquième moyen dans l’affaire T‑489/09). Cinquièmement, les requérantes font valoir une dénaturation des faits, une absence de motivation et une absence de prise en considération des spécificités du marché sidérurgique et des règles du traité CECA [septième moyen, première branche, dans l’affaire T‑489/09 et quatrième moyen, sous a), dans l’affaire T‑490/09]. Sixièmement, la requérante dans l’affaire T‑490/09 soulève un moyen tiré de l’absence de prise en considération adéquate des facteurs propres au marché pertinent [quatrième moyen, sous a), dans l’affaire T‑490/09]. Septièmement, la requérante dans l’affaire T‑489/09 invoque le caractère non fondé des griefs formulés à son égard (septième moyen, deuxième à quatrième branche, dans l’affaire T‑489/09). Huitièmement, les requérantes dans les affaires T‑489/09 et T‑490/09 invoquent un moyen tiré de la violation du principe de bonne administration et d’un défaut de motivation [sixième moyen, première branche, dans l’affaire T‑489/09 et quatrième moyen, sous b), dans l’affaire T‑490/09]. Neuvièmement, la requérante dans l’affaire T‑489/09 conteste l’appréciation de sa coopération et l’inégalité de traitement par rapport à Ferriere Nord (sixième moyen, seconde branche, dans l’affaire T‑489/09). Dixièmement, les requérantes invoquent une violation de leurs droits de la défense [huitième moyen dans l’affaire T‑489/09, quatrième moyen, sous c), dans l’affaire T‑490/09]. Onzièmement, la requérante dans l’affaire T‑490/09 fait valoir un défaut de motivation, la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et la violation du principe d’égalité de traitement dans l’imposition de l’amende (troisième moyen dans l’affaire T‑490/09). Douzièmement, les requérantes invoquent des erreurs de droit et un excès de pouvoir dans la détermination du montant de l’amende [neuvième moyen dans l’affaire T‑489/09 et quatrième moyen, sous d), dans l’affaire T‑490/09]. Enfin, treizièmement, la requérante dans l’affaire T‑489/09 invoque un moyen tiré de la prescription de l’infraction (dixième moyen dans l’affaire T‑489/09).

59      Invitées par le Tribunal, lors de l’audience, à présenter leurs observations sur la portée exacte de leur argumentation, les requérantes ont précisé que les seuls moyens qui étaient soulevés au soutien des chefs de conclusions visant à obtenir l’annulation de l’article 2 de la première décision ou la réduction du montant de l’amende étaient, dans l’affaire T‑489/09, le sixième moyen, dans sa seconde branche, ainsi que le neuvième moyen, et, dans l’affaire T‑490/09, le troisième moyen et le quatrième moyen, sous d).

 Sur les conclusions visant à obtenir l’annulation de la première décision

 Sur le moyen tiré de la violation des formes substantielles (premier moyen dans l’affaire T‑489/09 et premier moyen dans l’affaire T‑490/09)

60      Par le présent moyen, les requérantes invoquent l’existence de plusieurs violations des formes substantielles, en raison du caractère incomplet de la première décision du fait de l’absence des tableaux qui auraient dû figurer en annexe de celle-ci. D’une part, la première décision ne permettrait pas aux requérantes de comprendre les termes exacts des griefs pour lesquels elles ont été sanctionnées, la Commission n’ayant pas suffisamment étayé ses accusations. D’autre part, il serait raisonnable de considérer que le collège des membres de la Commission a été amené à se prononcer sur une « décision incomplète ». La requérante dans l’affaire T‑489/09 ajoute que la Commission ne saurait tenter de remédier aux vices de la première décision en se référant, d’une part, à la décision modificative et, d’autre part, à la communication des griefs, qui lui aurait été envoyée huit ans auparavant, dès lors que la légalité d’une décision ne saurait être appréciée par référence à une autre mesure, antérieure ou postérieure.

61      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la requérante dans l’affaire T‑489/09 a soulevé, dans sa réplique, la prétendue inexistence de la première décision. Dans sa duplique, la Commission a fait valoir qu’un tel « moyen » n’avait pas été soulevé dans la requête et devait être déclaré irrecevable en application de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

62      Il ressort des dispositions combinées de l’article 44, paragraphe 1, sous c), et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure que la requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués et que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (voir arrêt du Tribunal du 24 mai 2011, NLG/Commission, T‑109/05 et T‑444/05, Rec. p. II‑2479, point 149, et la jurisprudence citée).

63      Force est de constater que le « moyen » tiré de l’inexistence de la première décision pour violation des formes substantielles n’a été énoncé, ni expressément ni implicitement, dans la requête dans l’affaire T‑489/09. Il ne constitue pas non plus l’ampliation d’un moyen énoncé dans la requête et, partant, est irrecevable.

64      S’agissant du bien-fondé du présent moyen, en premier lieu, les requérantes affirment que la première décision ne leur permet pas de comprendre les termes exacts des griefs pour lesquels elles ont été sanctionnées et ne permet pas à la Commission d’étayer suffisamment ses accusations, se référant expressément à cet égard aux considérants 496, 515, 516 et à la note en bas de page n° 102 de la première décision.

65      Interrogées à cet égard lors de l’audience, les requérantes ont précisé que le présent grief ne visait à critiquer que la violation par la Commission de l’obligation de motivation.

66      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 15 CA doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 24 septembre 1996, NALOO/Commission, T‑57/91, Rec. p. II‑239, point 298, et du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, Rec. p. II‑3757, point 129 ; voir également, par analogie, arrêts de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, Rec. p. I‑9555, point 131, et la jurisprudence citée).

67      Par ailleurs, dans le cadre des décisions individuelles, il ressort d’une jurisprudence constante que l’obligation de motiver une décision individuelle a pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir arrêt de la Cour du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, non encore publié au Recueil, point 148, et la jurisprudence citée).

68      La motivation doit donc, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief (arrêt Elf Aquitaine/Commission, point 67 supra, point 149).

69      Il y a lieu de constater que la première décision ne comportait pas ses annexes, parmi lesquelles figuraient plusieurs tableaux auxquels il était fait référence aux considérants 451 (tableau 13), 513 (tableaux 1 et 3), 515 (tableaux 1 à 3), 516 (tableaux 9, 11 à 14 et 16) et 518 (tableaux 11, 12 et 14) ainsi qu’aux notes en bas de page n° 102 (tableaux 15 à 17), 127 (tableaux 18 à 21), 198 (tableaux 22 et 23), 264 (tableaux 24 et 25), 312 (tableau 26), 362 (tableau 27), 405 (tableau 28), 448 (tableaux 29 et 30) et 563 (ensemble des tableaux annexés à la décision) de la première décision. La Commission affirme à cet égard qu’il s’agissait de tableaux réalisés pour rendre plus facile et plus immédiate la lecture des variations de prix mentionnées dans la première décision, qui ne faisaient que reproduire de façon schématique des informations et des données présentes dans le dossier.

70      Il y a dès lors lieu de vérifier si, indépendamment de l’absence des tableaux en annexe de la première décision, cités au point 69 ci-dessus, les considérants pertinents de cette décision, au soutien desquels lesdits tableaux ont été mentionnés, font apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de la Commission et ont permis aux requérantes de connaître les justifications de la mesure prise.

71      À titre liminaire, il doit être relevé, à l’instar de la Commission, que l’ensemble des tableaux manquants avaient été joints à la communication des griefs et que les requérantes avaient connaissance de leur contenu, la requérante dans l’affaire T‑489/09 les ayant d’ailleurs joints en annexe de sa requête et s’étant référée auxdits tableaux aux points 73, 88, 91, 92 et 160 de celle-ci.

72      En outre, il doit être souligné que, dans la décision modificative, la Commission n’a pas modifié l’ensemble des références aux tableaux manquants dans la première décision, mais uniquement lesdites références figurant aux notes en bas de page n°102, 127, 198, 264, 312, 362, 405 et 448 de celle-ci.

73      Premièrement, s’agissant des tableaux 15 à 17 (mentionnés dans la note en bas de page n° 102 de la première décision), il y a lieu de constater qu’ils comportent, selon cette note en bas de page, la reproduction des « données concernant les modifications des prix des ‘suppléments de dimension’ qui ont caractérisé l’industrie des ronds à béton en Italie entre décembre 1989 et juin 2000 ». Ces tableaux sont mentionnés par la Commission au soutien de la première phrase du considérant 126 de la première décision, qui est libellée comme suit :

« Au cours de la première réunion dont la Commission a eu connaissance (celle du 6 décembre 1989, à l’[Association des industriels de Brescia]), les participants ont décidé à l’unanimité d’augmenter, à partir du lundi 11 décembre 1989, les suppléments liés au diamètre pour les ronds à béton, en barres et en rouleaux, destinés au marché italien (+10 ITL/kg pour les ‘suppléments’ de 14 à 30 mm, + 15 ITL/kg pour ceux de 8 à 12 mm, + 20 ITL/kg pour ceux de 6 mm ; augmentation générale de 5 ITL/kg pour le matériel en rouleaux). »

74      Il y a lieu de constater que la Commission a expressément indiqué, audit considérant, les augmentations des suppléments liés au diamètre pour les ronds à béton qui avaient été décidées par les participants à la réunion du 6 décembre 1989 ainsi que leur date d’entrée en vigueur. Par ailleurs, s’agissant des augmentations ultérieures qui, selon la note en bas de page n° 102 de la première décision, sont également reprises dans ces tableaux (dès lors qu’ils couvrent la période comprise entre 1989 et 2000), il doit être relevé qu’elles ne font pas l’objet du point 4.1 de la première décision, auquel se rapporte le considérant 126, relatif au comportement des entreprises entre 1989 et 1992. En tout état de cause, ces augmentations sont également mentionnées notamment aux considérants 126 à 128 et 133 (pour les années 1989-1992), 93 et 94 (pour les années 1993-1994), 149 à 151, 162 et 163 (pour 1995), 184 et 185 (pour 1996), 199, 200 et 213 (pour 1997), 269 (pour 1999) et 296 à 304 (pour 2000) ainsi qu’aux considérants 439 et 515 de la première décision.

75      Deuxièmement, en ce qui concerne les tableaux 18 à 21, mentionnés dans la note en bas de page n° 127 de la première décision, il y a lieu de constater qu’ils comportent, selon cette note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents concernant la période fin 1989/fin 1992, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ces tableaux sont mentionnés par la Commission au soutien du considérant 131 de la première décision, qui énonce ce qui suit :

« En ce qui concerne les prix de base des ronds à béton pratiqués durant la période d’application de l’accord susmentionné, notons que IRO et (l’ancienne) Ferriera Valsabbia SpA ont appliqué, à partir du 16 avril 1992, le prix de 210 ITL/kg et, à partir du 1er/6 mai 1992, celui de 225 ITL/kg. À partir du 1er/8 juin 1992, IRO, (l’ancienne) Ferriera Valsabbia SpA, Acciaieria di Darfo SpA et Acciaierie e Ferriere Leali Luigi SpA ont appliqué le prix de 235 ITL/kg. »

76      Il doit dès lors être constaté que, tout en s’appuyant sur cinq pages du dossier administratif, mentionnées dans la note en bas de page n° 126 de la première décision, la Commission a expressément indiqué, audit considérant, les prix de base qui avaient été fixés par les entreprises qui y étaient mentionnées, ainsi que leur date d’entrée en vigueur. En outre, il doit être relevé que la Commission, au considérant 419 de la première décision, a considéré que le premier comportement relatif à la fixation du prix de base avait eu lieu au plus tard le 16 avril 1992. Les éventuelles données figurant dans les tableaux 18 à 21 de la première décision, relatives aux prix de base pour la période comprise, selon la note en bas de page n° 127 de la première décision, entre la « fin [de] 1989 » et le 16 avril 1992, sont partant sans pertinence pour la compréhension des griefs de la Commission figurant au considérant 131 de la première décision.

77      Troisièmement, s’agissant des tableaux 22 et 23, mentionnés dans la note en bas de page n° 198 de la première décision, il y a lieu de constater qu’ils comportent, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents concernant les années 1993 et 1994, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ces tableaux sont mentionnés par la Commission au soutien du considérant 145 de la première décision, qui est rédigé comme suit :

« Comme prévu dans la télécopie de la Federacciai du 25 novembre 1994, une nouvelle réunion s’est tenue le 1er décembre 1994 à Brescia , au cours de laquelle ont été prises les décisions précisées dans une autre télécopie de la Federacciai reçue par les entreprises le 5 décembre 1994. Ces décisions avaient pour objet :

–        les prix des ronds à béton (320 ITL/kg, base au départ de Brescia, avec effet immédiat) ;

–        les paiements (à partir du 1er janvier 1995, le délai maximum sera de 60/90 jours fin de mois ; à partir du 1er mars 1995, le délai sera limité à 60 jours) et les rabais ;

–        la production (obligation, pour chacune des entreprises, de communiquer à la Federacciai, avant le 7 décembre 1994, les poids en tonnes de ronds à béton produits en septembre, octobre et novembre 1994).

Alfa Acciai Srl a adopté le nouveau prix de base le 7 décembre 1994. Le 21 décembre 1994, Acciaieria di Darfo SpA l’a également adopté, et Alfa Acciai Srl a confirmé à nouveau le même prix. Le prix de base de [Lucchini-SP] relatif à janvier 1995 était aussi de 320 ITL/kg. »

78      À cet égard, il doit être souligné que les tableaux visés dans la note en bas de page n° 198 de la première décision ont été mentionnés par la Commission au soutien de son affirmation selon laquelle « Alfa Acciai Srl a[vait] adopté le nouveau prix de base le 7 décembre 1994 », « [l]e 21 décembre 1994, Acciaieria di Darfo SpA l’a[vait] également adopté, et Alfa Acciai Srl a[vait] confirmé à nouveau le même prix ». Or, le « nouveau prix de base » et le « même prix » auxquels il était fait référence étaient le prix de 320 lires italiennes par kilo (ITL/kg), mentionné au premier tiret dudit considérant. Les éventuelles données figurant dans les tableaux 22 et 23 de la première décision, relatives aux prix de base pour la période comprise entre 1993 et le 7 décembre 1994, sont dès lors sans pertinence pour la compréhension des griefs de la Commission figurant au considérant 145 de la première décision.

79      Quatrièmement, pour ce qui concerne les tableaux 24 et 25, mentionnés dans la note en bas de page n° 264 de la première décision, il y a lieu de constater qu’ils comportent, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents (et, pour Lucchini Siderurgica, également les données relatives à la situation mensuelle) concernant 1995, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ces tableaux sont mentionnés par la Commission au soutien du considérant 174 de la première décision, qui est rédigé comme suit :

« Par la suite, dans un document remontant aux premiers jours d’octobre 1995, en possession de la Federacciai (manuscrit de la secrétaire du directeur général faisant fonction), il est affirmé que :

–        la clientèle remettait en discussion les paiements (d’où la nécessité d’une communication qui réaffirme la fermeté sur les paiements) ;

–        depuis la semaine précédente, le prix des ronds à béton avait encore diminué de 5/10 ITL/kg, se situant ainsi autour de 260/270 ITL/kg dans la zone de Brescia, avec des cotations inférieures à 250 ITL/kg en dehors de cette zone ;

–        la situation du marché plutôt confuse rendait difficile la tâche de donner des chiffres précis pour le prix ; et

–        il fallait demander aux entreprises les données relatives aux commandes des semaines 39 (du 25 au 29 septembre 1995) et 40 (du 2 au 6 octobre 1995). »

80      Il doit ainsi être relevé que, au considérant 174 de la première décision, la Commission s’est limitée à rendre compte du contenu d’un document manuscrit de la secrétaire du directeur général faisant fonction, établi en octobre 1995. À cet égard, la Commission ne s’est référée aux tableaux 24 et 25 qu’au soutien de l’affirmation figurant dans ce document selon laquelle « la situation du marché plutôt confuse rendait difficile la tâche de donner des chiffres précis pour le prix ». Les tableaux 24 et 25 apparaissent dès lors sans pertinence pour la compréhension des griefs de la Commission figurant au considérant 174 de la première décision.

81      Cinquièmement, s’agissant du tableau 26, mentionné dans la note en bas de page n° 312 de la première décision, il y a lieu de constater qu’il comporte, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents (et, pour Lucchini Siderurgica, également les données relatives à la situation mensuelle) concernant 1996, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ce tableau est mentionné par la Commission à l’appui de l’affirmation figurant au considérant 200 de la première décision, selon laquelle, « [d]urant la période qui va du 22 octobre 1996 au 17 juillet 1997, il y a[vait] eu au moins douze réunions des responsables commerciaux des entreprises, qui [s’étaient] déroulées [… en particulier le] mardi 22 octobre 1996, où a[vaient] été confirmé[s] pour le mois de novembre 1996 le prix de 230 ITL/kg base départ Brescia et le maintien de la cotation de 210 ITL/kg exclusivement pour les livraisons d’octobre ».

82      Force est partant de constater que, nonobstant l’absence du tableau 26 de la première décision, la Commission a expressément mentionné, au considérant 200 de celle-ci, les prix de base de la période en cause ainsi que le moment de leur entrée en vigueur.

83      Sixièmement, pour ce qui concerne le tableau 27, mentionné dans la note en bas de page n° 362 de la première décision, il comporte, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents (et, pour Lucchini Siderurgica, également les données relatives à la situation mensuelle) concernant 1997, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ce tableau est mentionné par la Commission au soutien de l’affirmation figurant au considérant 216 de la première décision, lequel est libellé comme suit :

« Quoi qu’il en soit, [Lucchini-SP …], Acciaieria di Darfo SpA, Alfa Acciai Srl, Feralpi Siderurgica Srl, IRO, Riva Prodotti Siderurgici SpA et (l’ancienne) Ferriera Valsabbia SpA sont les sept entreprises auxquelles est destinée une communication (datée du 24 novembre 1997) de M. Pierluigi Leali, ayant pour objet l’‘Accord prix-livraisons’ […]. ‘Le prix de 270 ITL/kg n’a été demandé que par peu d’entreprises, en vain – continuait la communication –, alors qu’en réalité, la cotation s’est stabilisée à 260 ITL/kg, avec quelques pics inférieurs, comme beaucoup l’ont confirmé lors de la dernière réunion des responsables commerciaux. Nous notons toutefois avec une satisfaction partielle que la chute s’est arrêtée grâce au contingentement des livraisons que nous respectons tous et qui, conformément aux accords, sera vérifié par des inspecteurs externes nommés à cet effet.’ ‘En cette fin de mois – poursuivait encore la communication –, qui se traîne désormais par inertie, il est indispensable d’intervenir par un durcissement immédiat sur la cotation minimum de 260 ITL/kg (qui n’aura certainement pas d’influence sur les acquisitions peu nombreuses de cette période). Avec la planification des livraisons de décembre convenues (- 20 % par rapport à novembre), nous sommes certainement en mesure de maintenir le niveau de prix convenu ; il est toutefois indispensable – concluait M. Pierluigi Leali – que personne n’accepte de dérogations sur le prix minimum établi (260 ITL/kg)’. »

84      Il résulte ainsi du libellé dudit considérant que la Commission s’est limitée à reproduire les termes de la communication du 24 novembre 1997 qui y est mentionnée. Le tableau 27 apparaît dès lors sans pertinence pour la compréhension du grief de la Commission figurant au considérant 216 de la première décision.

85      Septièmement, s’agissant du tableau 28, mentionné dans la note en bas de page n° 405 de la première décision, il y a lieu de constater qu’il comporte, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents (et, pour Lucchini/Siderpotenza, également les données relatives à la situation mensuelle) concernant 1998, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ce tableau est mentionné par la Commission au soutien de l’affirmation figurant au considérant 241 de la première décision, lequel est libellé comme suit :

« Le 11 septembre 1998, M. Pierluigi Leali a envoyé une communication […] dans laquelle, en référence à l’intention exprimée (au cours d’une rencontre le 9 septembre 1998) de maintenir la cotation minimum à ‘ 170 ITL base départ ’ ???, on notait ‘ des comportements anormaux, à savoir de cotations inférieures en moyenne de 5 ITL/kg au niveau établi, et qui étaient encore plus importantes dans certaines zones du Sud ’. ‘ Pour notre part – écrivait M. Pierluigi Leali – le niveau minimum convenu est maintenu grâce à une réduction en conséquence du flux de commandes ’. ‘ Nous espérons – concluait la communication – que, lors de la réunion des responsables commerciaux de ce mardi 15, l’on pourra observer une bonne tenue des prix, en mesure de faire remonter éventuellement la cotation’. »

86      Il ressort donc des termes mêmes dudit considérant que la Commission s’est limitée à reproduire le contenu de la communication du 11 septembre 1998 qui y est mentionnée. Le tableau 28 apparaît dès lors sans pertinence pour la compréhension du grief de la Commission figurant au considérant 241 de la première décision.

87      Huitièmement, s’agissant des tableaux 29 et 30, mentionnés dans la note en bas de page n° 448 de la première décision, il y a lieu de constater qu’ils comportent, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents (et, pour Lucchini/Siderpotenza, également les données relatives à la situation mensuelle) concernant 1999, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ces tableaux sont mentionnés par la Commission au soutien de l’affirmation figurant au considérant 276 de la première décision, lequel se lit comme suit :

« Des informations supplémentaires sur la situation du marché des ronds à béton en Italie durant cette période sont contenues dans un document rédigé par Leali le 10 novembre 1999, et en particulier dans la section intitulée ‘ Bénéfices et limites de l’accord commercial de 1999 ’ où l’on peut lire : ‘L’accord de base conclu entre les producteurs nationaux a permis, durant l’année 1999, d’inverser la situation de faiblesse des prix qui avait caractérisé les deux exercices précédents (1997 et 1998) et de récupérer plus de 50 ITL/kg brut de marge. Durant l’année 1998, la marge brute moyenne (prix de vente – coût des matières premières) était de 70 ITL/kg, et pendant cinq mois, elle était descendue sous ce seuil’. ‘L’accord obtenu a permis de stabiliser les prix de vente en cours d’année, et les producteurs ont pu bénéficier de la situation des coûts de la matière première, en accroissant la marge brute de plus de 50 ITL/kg, pour la porter à 122 ITL/kg net.’ »

88      Il ressort donc du libellé du considérant 276 de la première décision que la Commission s’est limitée à reproduire le contenu de la communication du 10 novembre 1999 qui y est mentionnée. L’absence des tableaux 29 et 30 est dès lors sans incidence sur la compréhension du grief de la Commission figurant au considérant 276 de la première décision.

89      Neuvièmement, le tableau 13, mentionné au considérant 451 de la première décision, est cité au soutien de l’affirmation selon laquelle, « [e]n ce qui concerne l’année 1997, il convient de constater qu’elle a[vait] été caractérisée, au cours de son premier semestre, par une augmentation constante du prix de base fixé par l’entente anticoncurrentielle : 190 ITL/kg, fixé lors de la réunion du 30 janvier ; 210 ITL/kg, fixé lors de la réunion du 14 février ; 250 ITL/kg, fixé lors de la réunion du 10 juillet (considérant 200) » et selon laquelle, « [a]u cours de la même période, le prix de base moyen de marché a[vait], lui aussi, augmenté constamment, passant des 170 ITL/kg de janvier aux 240 ITL/kg de juillet (tableau 13 en annexe) ; en septembre de la même année, le prix de base moyen de marché a encore augmenté, pour atteindre les 290 ITL/kg (tableau 13 en annexe) ». Il y a dès lors lieu de constater que la Commission a expressément indiqué, audit considérant, les augmentations du prix de base relatives à l’année 1997, en sorte que ledit tableau n’apparaît pas indispensable à la compréhension du raisonnement de la Commission.

90      Dixièmement, il doit être relevé que, au considérant 496 de la première décision (note en bas de page n° 563 de la première décision), la Commission s’est référée, de manière globale, aux « tableaux annexés à la présente décision », aux fins de soutenir l’affirmation selon laquelle « [s]es informations […] montr[ai]ent que toutes les entreprises impliquées dans la présente procédure [avaie]nt publié des barèmes durant la période en cause ». Il y a toutefois lieu de souligner que le considérant 496 de la première décision fait également référence aux considérants 419 à 433 de celle-ci, qui « dressent la liste de toutes les occasions avérées où le prix de base a fait l’objet de discussions entre les entreprises (y compris l’association) ». À cet égard, la Commission a précisé que, « [p]armi ces occasions, certaines [avaie]nt déjà été mentionnées lorsque le concours de volontés a[vait] été évoqué (considérants 473 à 475) », que, « [p]our les autres occasions, entre 1993 et 2000, il [fallait] recourir à la notion de concertation » et que « [l]’objet de cette concertation était d’influer sur le comportement des producteurs sur le marché et de rendre public le comportement que chacun d’entre eux se proposait d’adopter concrètement en matière de détermination du prix de base ». L’ensemble des tableaux annexés à la première décision n’apparaissent donc pas indispensables à la compréhension du grief de la Commission.

91      Onzièmement, pour ce qui concerne les références aux tableaux 1 à 3, 9, 11 à 14 et 16 aux considérants 513, 515, 516 et 518 de la première décision, il doit être souligné que lesdits considérants s’insèrent dans la subdivision de la première décision relative aux effets sur le marché des pratiques restrictives et qu’il résulte de l’analyse de leur contenu que les tableaux qui y sont mentionnés soit ne font que reprendre les données chiffrées qui y sont mentionnées, soit ne sont pas indispensables à la compréhension du raisonnement de la Commission s’agissant des effets de l’entente.

92      Eu égard aux considérations qui précèdent, il ne saurait être considéré que l’absence des tableaux visés au point 69 ci-dessus dans l’annexe de la première décision a empêché les requérantes de comprendre les griefs figurant dans la première décision.

93      En second lieu, les requérantes soutiennent que, eu égard à l’absence des tableaux précités, il est permis de considérer que le collège des membres de la Commission a été appelé à se prononcer sans la connaissance pleine et entière des éléments sur la base desquels la mesure reposait, en sorte que la première décision devrait être annulée.

94      Il y a lieu de considérer que l’absence, en annexe de la première décision, des tableaux mentionnés au point 69 ci-dessus ne saurait entraîner l’illégalité de celle-ci que si une telle absence n’avait pas permis au collège des membres de la Commission de sanctionner la conduite visée à l’article 1er de la première décision en pleine connaissance de cause, c’est-à-dire sans avoir été induit en erreur sur un point essentiel par des inexactitudes ou des omissions (voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 10 juillet 1991, RTE/Commission, T‑69/89, Rec. p. II‑485, points 23 à 25 ; du 27 novembre 1997, Kaysersberg/Commission, T‑290/94, Rec. p. II‑2137, point 88, et du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 742).

95      Dès lors que, indépendamment de l’absence des tableaux précités, les éléments sur lesquels la première décision est fondée sont exposés à suffisance de droit dans le texte même de celle-ci (voir points 61 à 92 ci-dessus), il ne saurait être affirmé que le collège des membres de la Commission ne disposait pas, lors de l’adoption de la première décision, d’une connaissance pleine et entière des éléments sur la base desquels la mesure reposait. Une telle omission n’est dès lors pas susceptible d’avoir vicié le processus d’adoption de la première décision et de mettre ainsi en cause la légalité de celle-ci.

96      Le grief des requérantes ne saurait dès lors prospérer. Le premier moyen doit donc être rejeté.

 Sur le moyen tiré de l’incompétence de la Commission, d’une erreur de droit quant à la base juridique de l’infraction et de l’amende, d’un excès de pouvoir et d’un détournement de la procédure (deuxième et quatrième moyens dans l’affaire T‑489/09 ainsi que deuxième moyen dans l’affaire T‑490/09)

97      Il convient d’examiner ensemble le deuxième moyen dans les affaires T‑489/09 et T‑490/09, tiré de l’incompétence de la Commission et d’une erreur de droit quant à la base juridique de l’infraction et de l’amende, et le quatrième moyen dans l’affaire T‑489/09, tiré d’un excès de pouvoir et d’un détournement de la procédure, lesquels soulèvent en substance la question de la compétence de la Commission pour adopter la première décision.

98      Les requérantes font valoir, dans le deuxième moyen de leurs recours, que la première décision doit être annulée, en ce que la Commission aurait infligé dans celle-ci une amende sans fondement juridique, qui serait contraire tant au principe de légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) qu’à l’architecture institutionnelle sur laquelle reposeraient les traités et en vertu de laquelle la Commission n’aurait de pouvoir autonome que dans le cadre précis des compétences qui lui auraient été attribuées. Le traité CECA aurait expiré le 23 juillet 2002 et la Commission aurait dès lors perdu sa compétence, non seulement pour imposer des sanctions en vertu de l’article 65 CA, mais également pour constater des violations de cette disposition, celle-ci n’étant plus en vigueur.

99      Tout d’abord, conformément au principe de légalité des délits, nul ne pourrait être puni pour un acte qui ne serait plus illicite au jour du jugement. Ainsi, ce principe impliquerait qu’il ne pourrait y avoir de sanction que si l’acte en cause était illicite non seulement au moment de sa commission, mais également au moment de sa sanction formelle. La Commission n’aurait dès lors pas pu sanctionner les requérantes sur la base de l’article 65 CA.

100    Ensuite, en vertu du principe de légalité des peines et, selon la requérante dans l’affaire T‑490/09, en vertu du principe de la compétence d’attribution énoncé à l’article 5, premier alinéa, CE, la Commission ne pourrait fonder l’imposition d’amendes sur la base de l’application « asymétrique » de l’article 23 du règlement n° 1/2003 et de l’article 65 CA, cette dernière disposition n’étant pas mentionnée dans ledit règlement.

101    Enfin, la légalité des actes de l’Union devrait être appréciée à la lumière du droit international, et notamment de l’article 70 de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969, en vertu de laquelle une convention entre États ne pourrait plus générer d’obligations pour ceux qui y étaient parties ou soumis, ni fonder une compétence pour ses organes. Partant, la Commission n’aurait pu appliquer rétroactivement l’article 65 CA qu’en présence d’une disposition transitoire sur les règles de concurrence du traité CECA, laquelle ferait défaut. Contrairement à ce que soutiendrait la Commission, les traités CE et CECA constitueraient des ordres juridiques distincts.

102    Par ailleurs, la Commission ne saurait se fonder sur le « principe juridique général de hiérarchie de la lex generalis sur la lex specialis », pas plus que sur la communication du 18 juin 2002.

103    Dans le quatrième moyen de son recours, la requérante dans l’affaire T‑489/09 soutient que la procédure ayant abouti à l’adoption de la première décision a été poursuivie sur la base du règlement n° 17, puis du règlement n° 1/2003. Toutefois, ces règlements n’encadreraient d’aucune manière l’hypothèse de la continuation d’une procédure fondée sur le traité CECA dans le cadre d’une procédure fondée sur le traité CE et ne permettraient pas l’adoption d’une décision fondée sur des infractions au traité CECA, lesquelles ne seraient pas visées par ces règlements. En l’absence de toute règle de droit à cet effet, la poursuite de la procédure de même que l’utilisation dans le cadre d’une procédure fondée sur le traité CE de documents acquis sur la base des dispositions du traité CECA seraient constitutives d’un excès de pouvoir et d’un détournement de procédure.

–       Sur le choix de la base juridique de la première décision

104    Il y a lieu de rappeler que les traités communautaires ont instauré un nouvel ordre juridique au profit duquel les États ont limité, dans des domaines de plus en plus étendus, leurs droits souverains et dont les sujets sont non seulement les États membres, mais également leurs ressortissants (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 5 février 1963, van Gend & Loos, 26/62, Rec. p. 1, et du 15 juillet 1964, Costa, 6/64, Rec. p. 1141, 1159 ; avis de la Cour 1/91, du 14 décembre 1991, Rec. p. I‑6079, point 21 ; arrêts du Tribunal SP e.a./Commission, point 21 supra, point 70, et du 1er juillet 2009, ThyssenKrupp Stainless/Commission, T‑24/07, Rec. p. II‑2309, point 63).

105    Au sein de cet ordre juridique, les institutions ne disposent que de compétences d’attribution. Pour cette raison, les actes communautaires mentionnent dans leur préambule la base juridique qui habilite l’institution concernée à agir dans le domaine en cause. Le choix de la base juridique appropriée revêt en effet une importance de nature constitutionnelle (voir arrêts SP e.a./Commission, point 21 supra, point 71, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 104 supra, point 64, et la jurisprudence citée).

106    En l’espèce, il doit être constaté que le préambule de la première décision comporte des références à des dispositions du traité CECA, à savoir les articles 36 CA, 47 CA et 65 CA, mais également la mention du traité CE, du règlement n° 17, en particulier de son article 11, du règlement n° 1/2003, à savoir de son article 7, paragraphe 1, de son article 18 et de son article 23, paragraphe 2, et celle du règlement (CE) n° 2842/98 de la Commission, du 22 décembre 1998, relatif à l’audition dans certaines procédures fondées sur les articles [81 CE] et [82 CE] (JO L 354, p. 18).

107    Il importe de relever en outre que, dans les motifs de la première décision, la Commission a indiqué, au considérant 1, que « [l]a présente décision constat[ait] une infraction à l’article 65, paragraphe 1, [CA] et [qu’elle était] adoptée sur la base de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 ». Au considérant 3 de la première décision, la Commission a ajouté que, « [p]ar la présente décision, […elle] inflige[ait] des amendes aux entreprises destinataires au titre de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 ».

108    Au considérant 350 de la première décision, la Commission a ainsi indiqué qu’elle estimait que « l’article 7, paragraphe 1, et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 constitu[aient] les bases juridiques appropriées qui l’autoris[aient] à adopter la présente décision » et que, « [s]ur la base de l’article 7, paragraphe 1, [elle…] constat[ait] une infraction à l’article 65, paragraphe 1, [CA] et oblige[ait] les destinataires de la présente décision à y mettre fin, tandis qu’en vertu de l’article 23, paragraphe 2, elle leur inflige[ait] des amendes » (voir également considérant 361 de la première décision).

109    Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la première décision, par laquelle la Commission a constaté une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA et infligé une amende aux requérantes, trouve sa base juridique dans l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 pour la constatation de l’infraction et dans l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 pour l’imposition de l’amende.

–       Sur la compétence de la Commission pour constater et sanctionner une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA, après l’expiration du traité CECA, sur la base du règlement n° 1/2003

110    En premier lieu, il convient de rappeler que la disposition constituant la base juridique d’un acte et habilitant l’institution de l’Union à adopter l’acte en cause doit être en vigueur au moment de l’adoption de celui-ci (arrêts de la Cour du 4 avril 2000, Commission/Conseil, C‑269/97, Rec. p. I‑2257, point 45 ; du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C‑201/09 P et C‑216/09 P, Rec. p. I‑2239, point 75, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C‑352/09 P, Rec. p. I‑2359, point 88 ; arrêts SP e.a./Commission, point 21 supra, point 118, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 104 supra, point 74), ce qui est incontestablement le cas de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, qui constituent la base juridique de la première décision.

111    En second lieu, il importe de souligner, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, que les traités communautaires ont institué un ordre juridique unique, dans le cadre duquel, ainsi que cela est reflété à l’article 305, paragraphe 1, CE, le traité CECA constituait un régime spécifique dérogeant aux règles à vocation générale établies par le traité CE (voir arrêts du Tribunal du 31 mars 2009, ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, T‑405/06, Rec. p. II‑771, point 57, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 104 supra, point 75, et la jurisprudence citée).

112    Contrairement aux affirmations des requérantes, le traité CECA constituait ainsi, en vertu de l’article 305, paragraphe 1, CE, une lex specialis dérogeant à la lex generalis qu’était le traité CE (arrêt de la Cour du 24 octobre 1985, Gerlach, 239/84, Rec. p. 3507, points 9 à 11 ; avis de la Cour 1/94, du 15 novembre 1994, Rec. p. I‑5267, points 25 à 27 ; arrêts SP e.a./Commission, point 21 supra, point 111, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 104 supra, point 76, confirmé sur pourvoi par arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 110 supra, points 70 et 73).

113    Il en résulte que, en ce qui concerne le fonctionnement du marché commun, les règles du traité CECA et l’ensemble des dispositions prises pour son application sont demeurées en vigueur, nonobstant l’intervention du traité CE (arrêts de la Cour Gerlach, point 112 supra, point 9, et du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, Rec. p. I‑7869, point 100 ; arrêt ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 104 supra, point 77, confirmé sur pourvoi par arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 110 supra, points 70 et 73).

114    Toutefois, dans la mesure où des questions ne faisaient pas l’objet de dispositions du traité CECA ou de réglementations adoptées sur la base de ce dernier, le traité CE et les dispositions prises pour son application pouvaient, même avant l’expiration du traité CECA, s’appliquer à des produits relevant du traité CECA (arrêts de la Cour du 15 décembre 1987, Deutsche Babcock, 328/85, Rec. p. 5119, point 10, et Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, point 113 supra, point 100 ; arrêts du Tribunal du 25 octobre 2007, Ferriere Nord/Commission, T‑94/03, non publié au Recueil, point 83, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 104 supra, point 78, confirmé sur pourvoi par arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 110 supra, points 70 et 73).

115    En vertu de son article 97, le traité CECA est venu à expiration le 23 juillet 2002. En conséquence, le 24 juillet 2002, le champ d’application du régime général issu du traité CE s’est étendu aux secteurs qui étaient régis initialement par le traité CECA (arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 111 supra, point 58, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 104 supra, point 79, confirmés sur pourvoi par les arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 110 supra, points 59 et 63, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 110 supra, points 70 et 73).

116    Si le passage du cadre juridique du traité CECA à celui du traité CE a entraîné, à compter du 24 juillet 2002, une modification des bases juridiques, des procédures et des règles de fond applicables, celle-ci s’inscrit dans le contexte de l’unité et de la continuité de l’ordre juridique communautaire et de ses objectifs (arrêts du Tribunal du 12 septembre 2007, González y Díez/Commission, T‑25/04, Rec. p. I‑3121, point 55 ; ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 111 supra, point 59, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 104 supra, point 80, confirmés sur pourvoi par arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 110 supra, points 60 et 63, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 110 supra, points 71 et 73).

117    À cet égard, il y a lieu de relever que l’instauration et le maintien d’un régime de libre concurrence, au sein duquel les conditions normales de concurrence sont assurées et qui est notamment à l’origine des règles en matière d’aides d’État et d’ententes entre entreprises, constituent l’un des objectifs essentiels tant du traité CE que du traité CECA (voir arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 111 supra, point 60, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 104 supra, point 81, et la jurisprudence citée, confirmés sur pourvoi par arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 110 supra, points 60 et 63, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 110 supra, points 71 et 73).

118    Dans ce contexte, quoique les règles des traités CECA et CE régissant le domaine des ententes divergent dans une certaine mesure, il convient de souligner que les notions d’accord et de pratiques concertées sous l’empire de l’article 65, paragraphe 1, CA répondent à celles d’accord et de pratiques concertées au sens de l’article 81 CE et que ces deux dispositions sont interprétées de la même manière par le juge de l’Union. Ainsi, la poursuite de l’objectif d’une concurrence non faussée dans les secteurs relevant initialement du marché commun du charbon et de l’acier n’est pas interrompue du fait de l’expiration du traité CECA, cet objectif étant également poursuivi dans le cadre du traité CE et par la même institution, la Commission, autorité administrative chargée de la mise en œuvre et du développement de la politique de la concurrence dans l’intérêt général de la Communauté européenne (voir arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 111 supra, point 61, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 104 supra, point 82, et la jurisprudence citée, confirmés sur pourvoi par les arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 110 supra, points 61 et 63, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 110 supra, points 71 et 73).

119    La continuité de l’ordre juridique communautaire et des objectifs qui président à son fonctionnement exige ainsi que, en tant qu’elle succède à la Communauté européenne du charbon et de l’acier, et dans le cadre procédural qui est le sien, la Communauté assure, à l’égard des situations nées sous l’empire du traité CECA, le respect des droits et des obligations qui s’imposaient eo tempore tant aux États membres qu’aux particuliers en vertu du traité CECA et des règles prises pour son application. Cette exigence s’impose d’autant plus dans la mesure où la distorsion de la concurrence résultant du non-respect des règles en matière d’ententes est susceptible d’étendre ses effets dans le temps après l’expiration du traité CECA, sous l’empire du traité CE (voir arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 111 supra, point 63, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 104 supra, point 83, et la jurisprudence citée, confirmés sur pourvoi par arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 110 supra, points 62 et 63, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 110 supra, points 72 et 73).

120    La Cour a ainsi également rappelé que la succession des traités CECA, CE et TFUE assurait, en vue de garantir une libre concurrence, que tout comportement correspondant à l’état de fait prévu à l’article 65, paragraphe 1, CA, qu’il ait eu lieu avant ou après le 23 juillet 2002, ait pu être sanctionné par la Commission et puisse continuer de l’être (arrêts ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 110 supra, points 65 à 67 et 77, et ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 110 supra, points 55 à 57 et 65).

121    Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence, d’une part, que, conformément à un principe commun aux systèmes juridiques des États membres, dont les origines peuvent être retracées jusqu’au droit romain, il y a lieu, en cas de changement de législation, d’assurer, sauf expression d’une volonté contraire par le législateur, la continuité des structures juridiques et, d’autre part, que ce principe s’applique aux modifications du droit primaire de l’Union (voir arrêts de la Cour du 25 février 1969, Klomp, 23/68, Rec. p. 43, point 13, et ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 110 supra, point 63).

122    Or, il n’existe aucun indice de ce que le législateur de l’Union aurait souhaité que les comportements collusoires interdits sous l’empire du traité CECA puissent échapper à l’application de toute sanction après l’expiration de ce dernier (arrêt ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 110 supra, point 74).

123    En effet, d’une part, la Cour a relevé que le Conseil et les représentants des gouvernements des États membres avaient indiqué être prêts à adopter toutes les mesures nécessaires pour faire face aux conséquences de l’expiration dudit traité. D’autre part, elle a souligné que la Commission avait précisé qu’elle ne devait soumettre des propositions de dispositions transitoires que si une telle démarche était jugée nécessaire et que, au regard des principes généraux de droit applicables, elle considérait qu’une telle nécessité faisait défaut dans le domaine du droit des ententes (arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 110 supra, point 75).

124    Par conséquent, les requérantes ne sauraient tirer aucun argument valable de l’absence de dispositions transitoires en la matière (voir, en ce sens, arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 110 supra, point 76).

125    Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le règlement n° 1/2003 et, plus particulièrement, son article 7, paragraphe 1, et son article 23, paragraphe 2, doivent être interprétés en ce sens qu’ils permettent à la Commission de constater et de sanctionner, après le 23 juillet 2002, les ententes réalisées dans les secteurs relevant du champ d’application du traité CECA ratione materiae et ratione temporis, et ce quand bien même les dispositions précitées dudit règlement ne mentionnent pas expressément l’article 65 CA (voir arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 111 supra, point 64, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 104 supra, point 84, et la jurisprudence citée, confirmés sur pourvoi par arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 110 supra, point 74, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 110 supra, points 72, 73 et 87).

126    À cet égard, il y a lieu de considérer que l’argumentation des requérantes relative à la communication du 18 juin 2002, qui n’aurait pas été de nature à fonder la compétence de la Commission pour appliquer l’article 65 CA, est dépourvue de pertinence, dans la mesure où la compétence de la Commission n’est pas fondée, en l’espèce, sur ladite communication, mais sur les articles précités du règlement n° 1/2003 (voir, en ce sens, arrêt ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 104 supra, point 71). Par ailleurs, les arguments formulés par la requérante dans l’affaire T‑489/09 et visant à établir que la « continuation automatique et informelle […] d’une procédure C[EC]A dans le cadre d’une procédure CE » constituerait un excès de pouvoir et un détournement de procédure doivent partant également être rejetés.

127    En outre, il convient de relever que l’application, au sein de l’ordre juridique de l’Union, des règles du traité CE dans un domaine initialement régi par le traité CECA doit intervenir dans le respect des principes gouvernant l’application de la loi dans le temps. À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que, si les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur, il n’en est pas de même des règles de fond. En effet, ces dernières doivent être interprétées, en vue de garantir le respect des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, finalités ou économie qu’un tel effet doit leur être attribué (arrêts de la Cour du 12 novembre 1981, Meridionale Industria Salumi e.a., 212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, point 9, et du 10 février 1982, Bout, 21/81, Rec. p. 381, point 13 ; arrêts du Tribunal du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission, T‑42/96, Rec. p. II‑401, point 55 ; ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 111 supra, point 65, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 104 supra, point 85, confirmé sur pourvoi par arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 110 supra, point 79).

128    Dans cette perspective, s’agissant de la question des dispositions matérielles applicables à une situation juridique définitivement acquise antérieurement à l’expiration du traité CECA, la continuité de l’ordre juridique de l’Union et les exigences relatives aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime imposent l’application des dispositions matérielles prises en application du traité CECA aux faits relevant de leur champ d’application ratione materiae et ratione temporis. La circonstance selon laquelle, en raison du fait que le traité CECA a expiré, le cadre réglementaire en question n’est plus en vigueur au moment où l’appréciation de la situation factuelle est opérée ne modifie pas cette considération, dès lors que cette appréciation porte sur une situation juridique définitivement acquise à une époque où étaient applicables les dispositions matérielles prises en application du traité CECA (arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 111 supra, point 66, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 104 supra, point 86, confirmé sur pourvoi par arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 110 supra, point 79 ; voir également, en ce sens, arrêt Ferriere Nord/Commission, point 114 supra, point 96).

129    En l’espèce, s’agissant des règles de fond, il convient d’observer que la première décision concerne une situation juridique définitivement acquise antérieurement à l’expiration du traité CECA le 23 juillet 2002, la période infractionnelle allant du 6 décembre 1989 au 4 juillet 2000 (voir point 35 ci-dessus). En l’absence de tout effet rétroactif du droit matériel de la concurrence applicable depuis le 24 juillet 2002, il y a lieu de constater que l’article 65, paragraphe 1, CA constitue la règle de fond applicable et effectivement appliquée par la Commission dans la première décision, étant rappelé qu’il résulte précisément de la nature de lex generalis du traité CE par rapport au traité CECA, consacrée à l’article 305 CE, que le régime spécifique issu du traité CECA et des règles prises pour son application est, en vertu du principe lex specialis derogat legi generali, seul applicable aux situations acquises avant le 24 juillet 2002 (voir, en ce sens, arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 111 supra, point 68, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 104 supra, point 89, confirmés sur pourvois par arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 110 supra, point 77, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 110 supra, point 79).

130    Ainsi, les requérantes ne sauraient soutenir que, conformément au principe de légalité des délits et des peines, il ne pourrait y avoir de sanction que si l’acte en cause était illicite non seulement au moment de sa commission, mais également au moment de sa sanction formelle. Elles ne sauraient davantage prétendre que la Commission aurait pu éventuellement sanctionner les entreprises en cause en application de l’article 81 CE, après avoir démontré que les conditions d’application de cette disposition étaient réunies en fait et en droit.

131    Par ailleurs, la Cour a rappelé que le principe de légalité des délits et des peines, tel que consacré notamment à l’article 49, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, exigeait qu’une réglementation de l’Union définît clairement les infractions et les sanctions (voir arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 110 supra, point 80, et la jurisprudence citée).

132    Dans la mesure où les traités définissaient clairement, dès avant la date des faits, les infractions ainsi que la nature et l’importance des sanctions qui pouvaient être infligées à leur titre, lesdits principes ne visent pas à garantir aux entreprises que des modifications ultérieures des bases juridiques et des dispositions procédurales leur permettent d’échapper à toute sanction relative à leurs comportements infractionnels passés (arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 110 supra, point 70, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 110 supra, point 83).

133    Il convient de relever qu’une entreprise diligente se trouvant dans la situation des requérantes ne pouvait à aucun moment ignorer les conséquences de son comportement, ni compter sur le fait que le passage du cadre juridique du traité CECA à celui du traité CE aurait pour conséquence de la faire échapper à toute sanction pour les infractions à l’article 65 CA commises dans le passé (voir arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 110 supra, point 73, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 110 supra, point 86, et la jurisprudence citée).

134    Par ailleurs, la première décision a été adoptée sur la base de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, à la suite d’une procédure conduite conformément au règlement n° 17 et au règlement n° 1/2003. Les dispositions relatives à la base juridique et à la procédure suivie jusqu’à l’adoption de la première décision relèvent des règles de procédure au sens de la jurisprudence visée au point 127 ci-dessus. Dès lors que la première décision a été adoptée après l’expiration du traité CECA, c’est à bon droit que la Commission a fait application des règles contenues dans le règlement n° 1/2003 (voir arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 111 supra, point 67, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 104 supra, point 87, et la jurisprudence citée, confirmés sur pourvoi par arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 110 supra, points 74 et 77, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 110 supra, point 90).

135    Il s’ensuit que les présents moyens doivent être rejetés, sans qu’il y ait lieu de faire droit à la demande de mesures d’organisation de la procédure et d’instruction formulée par la requérante dans l’affaire T‑490/09.

 Sur le moyen tiré de l’absence de « légitimation passive » de la requérante dans l’affaire T‑489/09 (troisième moyen dans l’affaire T‑489/09)

136    La requérante dans l’affaire T‑489/09 soutient que, dans la première décision, la Commission a omis de considérer qu’elle n’avait pas de « légitimation passive » avant sa constitution. La motivation figurant aux considérants 535 et suivants de la première décision serait à cet égard « manifestement erronée et illogique ».

137    Selon la requérante dans l’affaire T‑489/09, c’est à tort que la Commission a considéré que AFLL et elle-même, qui sont nées de la scission des anciennes Acciaierie e Ferriere Leali Luigi, constituaient une entreprise unique, dès lors qu’aucune des deux entreprises n’aurait contrôlé l’autre. La requérante dans l’affaire T‑489/09 n’aurait pas repris la totalité des activités des anciennes Acciaierie e Ferriere Leali Luigi, AFLL ayant conservé, puis démantelé, plus de 50 % des sites, et ne pourrait être considérée comme l’ayant cause de cette société.

138    En pareille hypothèse, selon l’article 2504 decies du code civil italien, chaque société serait solidairement responsable, dans la limite de la valeur effective du patrimoine net transmis ou restant, des dettes de la société scindée non honorées pas la société qui en est le débiteur. En outre, si la finalité de la jurisprudence du juge de l’Union, selon laquelle doit être vérifiée une continuité entre les sujets sur un plan juridique, caractérisée par une communauté de ressources matérielles et humaines, était d’éviter que les auteurs d’infraction échappent à la sanction, il serait évident que l’application de ce principe présuppose de vérifier concrètement l’intention frauduleuse. Or, en l’espèce, une telle intention n’aurait manifestement pas caractérisé la scission intervenue en 1998.

139    La requérante dans l’affaire T‑489/09 soutient également que, dans l’hypothèse où le Tribunal retiendrait l’existence d’une continuité entre les entreprises et que la première décision serait confirmée, sa solidarité passive avec AFLL devrait être circonscrite aux relations et aux activités auxquelles elle a succédé, et non porter sur l’ensemble des activités d’AFLL.

140    À titre liminaire, il y a lieu de considérer que l’argument tiré de l’article 2504 decies du code civil italien est dépourvu de pertinence en l’espèce, dès lors que, ainsi que le relève à juste titre la Commission, le droit de la concurrence de l’Union ne saurait dépendre, sans que l’application uniforme de ses principes soit remise en cause, des règles de droit national (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Mme Rozès sous l’arrêt de la Cour du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, 1718).

141    Il y a lieu de rappeler que le droit de la concurrence de l’Union vise les activités des entreprises et la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (arrêts de la Cour du 11 décembre 2007, ETI e.a., C‑280/06, Rec. p. I‑10893, point 38 ; du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237, points 54 et 55, et Elf Aquitaine/Commission, point 67 supra, point 53).

142    Le juge de l’Union a également précisé que la notion d’entreprise, placée dans ce contexte, devait être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique était constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (arrêts de la Cour du 14 décembre 2006, Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio, C‑217/05, Rec. p. I‑11987, point 40, et Elf Aquitaine/Commission, point 67 supra, point 53).

143    Il a ainsi souligné que, aux fins de l’application des règles de la concurrence, la séparation formelle entre deux sociétés, résultant de leur personnalité juridique distincte, n’était pas déterminante, ce qui s’impose étant l’unité ou non de leur comportement sur le marché. Il peut donc s’avérer nécessaire de déterminer si deux sociétés ayant des personnalités juridiques distinctes forment ou relèvent d’une seule et même entreprise ou entité économique qui déploie un comportement unique sur le marché (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission, 48/69, Rec. p. 619, point 140, et arrêt du Tribunal du 15 septembre 2005, DaimlerChrysler/Commission, T‑325/01, Rec. p. II‑3319, point 85).

144    Lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (voir arrêts ETI e.a., point 141 supra, point 39 ; Akzo Nobel e.a./Commission, point 141 supra, point 56, et Elf Aquitaine/Commission, point 67 supra, point 53, et la jurisprudence citée).

145    Ainsi, selon une jurisprudence constante, il incombe, en principe, à la personne physique ou morale qui dirigeait l’entreprise en cause au moment où l’infraction a été commise de répondre de celle-ci, même si, au jour de l’adoption de la décision constatant l’infraction, l’exploitation de l’entreprise n’est plus placée sous sa responsabilité (arrêts de la Cour du 16 novembre 2000, KNP BT/Commission, C‑248/98 P, Rec. p. I‑9641, point 71 ; Cascades/Commission, C‑279/98 P, Rec. p. I–9693, point 78 ; Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C‑286/98 P, Rec. p. I‑9925, point 37, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 110 supra, point 143).

146    S’agissant de la question de savoir dans quelles circonstances une entité qui n’est pas l’auteur de l’infraction peut néanmoins être sanctionnée pour celle-ci, il y a d’abord lieu de constater que relève d’une telle hypothèse la situation dans laquelle l’entité ayant commis l’infraction a cessé d’exister juridiquement ou économiquement. À cet égard, il y a lieu de considérer qu’une sanction infligée à une entreprise qui continue à exister juridiquement, mais n’exerce plus d’activités économiques, risque d’être dépourvue d’effet dissuasif (arrêt ETI e.a., point 141 supra, point 40, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 110 supra, point 143).

147    Il convient de relever ensuite que, si aucune autre possibilité d’imposition de la sanction à une entité autre que celle ayant commis l’infraction n’était prévue, des entreprises pourraient échapper à des sanctions par le simple fait que leur identité ait été modifiée par suite de restructurations, de cessions ou d’autres changements juridiques ou organisationnels. L’objectif de réprimer les comportements contraires aux règles de la concurrence et d’en prévenir le renouvellement au moyen de sanctions dissuasives serait ainsi compromis (voir arrêt ETI e.a., point 141 supra, point 41, et la jurisprudence citée).

148    C’est ainsi que, d’une part, lorsque, entre le moment où l’infraction est commise et le moment où l’entreprise en cause doit en répondre, la personne responsable de l’exploitation de cette entreprise a cessé d’exister juridiquement, il convient de localiser, dans un premier temps, l’ensemble des éléments matériels et humains ayant concouru à la commission de l’infraction pour identifier, dans un second temps, la personne qui est devenue responsable de l’exploitation de cet ensemble, afin d’éviter que, en raison de la disparition de la personne responsable de son exploitation au moment de la commission de l’infraction, l’entreprise puisse ne pas répondre de celle-ci (arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, point 953 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, SCA Holding/Commission, C‑297/98 P, Rec. p. I‑10101, point 27).

149    D’autre part, en cas de transfert de tout ou partie des activités économiques d’une entité juridique à une autre, la responsabilité de l’infraction commise par l’exploitant initial, dans le cadre des activités en question, peut être imputée au nouvel exploitant si celui-ci constitue avec celui-là une même entité économique aux fins de l’application des règles de concurrence, et ce même si l’exploitant initial existe encore en tant qu’entité juridique (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, points 354 à 359 ; du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, Rec. p. II‑3435, points 131 à 133, et ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 111 supra, point 109).

150    Une telle mise en œuvre de la sanction est en particulier admissible lorsque ces entités ont été sous le contrôle de la même personne et ont, eu égard aux liens étroits qui les unissent sur le plan économique et organisationnel, appliqué pour l’essentiel les mêmes directives commerciales. Cela concerne tout particulièrement les cas de restructurations à l’intérieur d’un groupe d’entreprises, lorsque l’exploitant initial ne cesse pas nécessairement d’avoir une existence juridique, mais qu’il n’exerce plus d’activité économique notable sur le marché concerné. En effet, s’il existe, entre l’exploitant initial et le nouvel exploitant de l’entreprise impliquée dans l’entente, un lien structurel, les intéressés peuvent se soustraire – que ce soit ou non leur intention – à leur responsabilité au regard du droit des ententes en tirant parti des possibilités de reconfiguration juridique dont ils disposent (voir arrêt ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 111 supra, point 110, et la jurisprudence citée).

151    Contrairement à ce que soutient la requérante dans l’affaire T‑489/09, une telle mise en œuvre ne requiert pas l’établissement d’une intention frauduleuse. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, s’il existe, entre l’exploitant initial et le nouvel exploitant de l’entreprise impliquée dans l’entente, un lien structurel, les intéressés peuvent se soustraire – que ce soit ou non leur intention – à leur responsabilité au regard du droit des ententes en tirant parti des possibilités de reconfiguration juridique dont ils disposent. Ainsi l’exploitant initial pourrait-il par exemple devenir une « coquille vide » à la suite d’une restructuration interne au groupe (voir arrêt ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 111 supra, point 110, et la jurisprudence citée).

152    En l’espèce, tout d’abord, il est constant que Leali et AFLL sont les deux sociétés nées de la scission, en 1998, des anciennes Acciaierie e Ferriere Leali Luigi, qui ont poursuivi l’activité de cette dernière société dans le secteur des ronds à béton. D’une part, AFLL a poursuivi cette activité uniquement pour certaines unités de production de ronds à béton et uniquement dans le but de démanteler les installations de production en question. D’autre part, Leali a continué l’activité en ce qui concerne les autres unités de production de ronds à béton, dans des installations qui ont continué et, lors de l’adoption de la première décision, continuaient d’être actives (considérant 535 de la première décision) (voir point 28 ci-dessus).

153    Ensuite, ainsi que le relève la Commission, sans être contredite par la requérante dans l’affaire T-489/09, cette dernière a absorbé toute la capacité contributive qui n’avait pas été retirée du marché, ainsi que les membres clés du personnel des anciennes Acciaierie e Ferriere Leali Luigi, en sorte qu’il y a eu continuité des ressources humaines.

154    Enfin, il doit être souligné que, ainsi qu’il ressort du considérant 92 de la première décision, la requérante dans l’affaire T‑489/09 a poursuivi les activités de fabrication des ronds à béton des anciennes Acciaierie e Ferriere Leali Luigi, que ses actionnaires sont les mêmes que ceux de cette dernière société tandis que le siège de la société est également resté inchangé.

155    Eu égard à ces éléments, c’est à juste titre que, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 141 à 151 ci-dessus, la Commission a estimé, aux considérants 535 et 536 de la première décision, que Leali et AFLL avaient continué, avec des objectifs différents (respectivement la poursuite de l’activité de production ou le démantèlement des installations), à gérer les unités de production de ronds à béton des anciennes Acciaierie e Ferriere Leali Luigi et, partant, qu’elles étaient solidairement responsables des agissements de ces dernières jusqu’à leur mise en liquidation.

156    Dès lors qu’il ressort des points 152 à 155 ci-dessus que c’est à bon droit que la Commission a considéré que la requérante dans l’affaire T‑489/09 était également responsable des agissements des anciennes Acciaierie e Ferriere Leali Luigi jusqu’à leur mise en liquidation, et qu’il ressort du considérant 536 de la première décision que ladite requérante n’a pas été tenue pour responsable des comportements adoptés par Leali à compter de la date de sa constitution, celle-ci ne saurait soutenir que sa responsabilité solidaire avec AFLL devrait être circonscrite aux relations et aux activités auxquelles elle a succédé. La solidarité apparaît en effet comme une conséquence normale de l’imputation de responsabilité du comportement d’une société à une autre, en particulier lorsque ces deux sociétés constituent une même entreprise (arrêt ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 110 supra, point 117).

157    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le troisième moyen dans l’affaire T‑489/09 doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré de la violation de l’article 65 CA et de l’absence de motivation (cinquième moyen dans l’affaire T‑489/09)

158    La requérante dans l’affaire T‑489/09 prétend que la première décision est entachée d’une violation de l’article 65 CA et d’un défaut de motivation.

159    En premier lieu, la requérante dans l’affaire T‑489/09 fait valoir que, en dépit des analogies existant entre l’article 65 CA et l’article 81 CE, ces dispositions ne sont pas interchangeables. Tandis qu’un accord anticoncurrentiel pourrait, en vertu de l’article 81 CE, faire l’objet de poursuites pour autant qu’il y ait à tout le moins une tentative d’accord, un accord qui ne se refléterait pas sur le marché, même sous la forme d’une simple tendance, ne semblerait pas relever de l’article 65 CA. Or, dans la première décision, la Commission n’aurait pas apporté de preuves d’effets objectifs sur le marché des ronds à béton.

160    Une telle argumentation doit être rejetée. Il ressort en effet de la jurisprudence que l’article 65, paragraphe 1, CA interdit les accords qui « tendraient » à empêcher, à restreindre ou à fausser le jeu normal de la concurrence. Il s’ensuit qu’est interdit, au sens de cette disposition, un accord ayant pour objet de restreindre la concurrence, mais dont les effets anticoncurrentiels n’auraient pas été établis. Dès lors que la Commission a constaté, au considérant 399 de la première décision, que l’entente avait pour objet la fixation des prix en fonction de laquelle a également été décidée la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes, elle n’était pas tenue de démontrer l’existence d’un effet préjudiciable sur la concurrence pour établir une violation de l’article 65, paragraphe 1, CA (arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Ensidesa/Commission, C‑198/99 P, Rec. p. I‑11111, points 59 et 60, et arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, Rec. p. II‑347, point 277) (voir également considérant 463 de la première décision). En tout état de cause, contrairement à ce que soutient la requérante dans l’affaire T‑489/09, la Commission a examiné, dans un souci d’exhaustivité, les effets de l’entente et a considéré, sur la base d’un ensemble d’éléments exposés aux considérants 513 à 524 de la première décision, que l’entente avait eu des effets concrets. Or, pour contester cette conclusion, la requérante dans l’affaire T‑489/09 se limite à faire valoir, dans le présent moyen, que les acheteurs de ronds à béton, en particulier l’association nationale des entreprises de façonnage de fer (ci-après l’« Ansfer »), n’ont jamais constaté, ni suspecté, une telle entente. L’absence de connaissance de l’entente par les acheteurs de ronds à béton n’est toutefois pas de nature à démontrer la prétendue absence d’effets de l’entente sur le marché, alléguée par la requérante dans l’affaire T‑489/09.

161    En second lieu, la requérante dans l’affaire T‑489/09 soutient, tout d’abord, que, dans la première décision, la Commission ne s’est pas prononcée sur la distinction entre un accord et une pratique concertée. Cette distinction serait de première importance, puisque, s’il était superflu de prendre en considération les effets concrets d’un accord anticoncurrentiel identifié, il en irait différemment en ce qui concerne une pratique concertée, laquelle présupposerait que la concertation se traduise par des éléments de fait rattachables aux entreprises suspectées d’être parties à une entente sur le marché.

162    Ensuite, les prétendus accords invoqués dans la première décision ne sauraient en aucun cas être considérés comme des accords reflétant une volonté commune et fidèle des participants à l’entente, en ce compris la requérante dans l’affaire T‑489/09, de se comporter d’une manière déterminée et prédéfinie dans l’accord même. Ainsi, aucun élément du dossier de la Commission ne permettrait d’établir l’existence d’un accord, signé ou non, qui impliquerait, même indirectement, également la requérante dans l’affaire T‑489/09.

163    Enfin, s’agissant des pratiques concertées, pour qu’une infraction soit constituée, un élément objectif serait requis, à savoir un comportement concerté des entreprises participant à l’entente sur le marché commun. Il conviendrait de distinguer les deux éléments constituant la pratique concertée, à savoir le comportement, la conduite ou la pratique sur le marché et la concertation préalable. À cet égard, l’infraction ne serait constituée que si les effets restrictifs de l’accord se manifestaient sur la concurrence, à défaut de quoi il n’y aurait qu’une tentative de pratique concertée, qui ne relèverait ni de l’article 81 CE ni de l’article 65 CA.

164    Dans la première décision, la Commission ne se serait pas intéressée au comportement concret des entreprises sur le marché, comme si elle avait été en présence d’un accord formel et non d’une prétendue concertation informelle. Or, en l’espèce, il n’y aurait ni accord écrit ni preuves indirectes de l’existence du cartel.

165    Premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante dans l’affaire T‑489/09 selon lequel la Commission ne se serait pas prononcée sur la distinction, selon elle « de première importance », entre un accord et une pratique concertée, il y a lieu de relever que, dans la première décision, la Commission a indiqué que l’entente s’était articulée essentiellement autour des accords ou pratiques concertées relatifs au prix de base pendant la période allant du 15 avril 1992 au 4 juillet 2000 (et, jusqu’en 1995, autour de ceux relatifs aux délais de paiement) et autour des accords ou pratiques concertées relatifs aux « suppléments » pendant la période allant du 6 décembre 1989 au 1er juin 2000 (considérant 400 de la première décision).

166    Aux considérants 403 et 405 de la première décision, elle a expliqué les notions d’« accord » et de « pratique concertée » au sens de l’article 65, paragraphe 1, CA, tout en précisant, au considérant 407 de celle-ci, qu’il n’était pas nécessaire, surtout dans le cas d’une infraction longue et complexe, que la Commission qualifiât le comportement de relevant exclusivement de l’une ou de l’autre forme de comportement illégal. Se fondant sur la jurisprudence, la Commission a conclu, aux considérants 409 et 410 de la première décision, qu’une entente pouvait donc constituer en même temps un accord et une série de pratiques concertées et que l’article 65 CA n’établissait aucune catégorie particulière pour une infraction complexe telle que celle constatée en l’espèce.

167    La Commission a également rappelé la possibilité que des comportements ayant le même objet anticoncurrentiel – et que chacun de ceux-ci, pris individuellement, rentre dans la notion d’« accord », de « pratique concertée » ou de « décision d’association d’entreprises » – soient qualifiés de constitutifs d’une seule infraction (considérant 437 de la première décision).

168    En tout état de cause, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence, si les notions d’accord et de pratique concertée comportent des éléments constitutifs partiellement différents, elles ne sont pas réciproquement incompatibles. Partant, la Commission n’avait pas l’obligation de qualifier d’accord ou de pratique concertée chacun des comportements constatés, mais a pu qualifier à bon droit certains de ces comportements, à titre principal, d’« accords » et d’autres, à titre subsidiaire, de « pratiques concertées » (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 132).

169    Il résulte des considérations qui précèdent que la première décision est motivée à suffisance de droit s’agissant de la distinction entre les notions d’« accord » et de « pratique concertée ».

170    Deuxièmement, la requérante dans l’affaire T‑489/09 soutient qu’aucun élément du dossier de la Commission ne permet d’établir l’existence d’un accord, signé ou non, qui l’impliquerait, même indirectement. Pour ce qui concerne l’existence de pratiques concertées, la Commission ne se serait pas non plus intéressée au comportement concret des entreprises sur le marché.

171    Il y a lieu de rappeler que la notion d’accord au sens de l’article 65, paragraphe 1, CA résulte de l’expression, par les entreprises participantes, de la volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée (voir, s’agissant de l’article 81, paragraphe 1, CE, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 168 supra, point 130 ; voir, s’agissant de l’article 65, paragraphe 1, CA, arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 160 supra, point 262) (voir également considérant 403 de la première décision).

172    Par ailleurs, ainsi que la Commission l’a relevé aux considérants 491 et 492 de la première décision, la notion de pratique concertée au sens de cette même disposition vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (arrêts de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, point 26 ; du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, Rec. p. I‑1307, point 63 ; Commission/Anic Partecipazioni, point 168 supra, point 115, et du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, point 158 ; arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 160 supra, point 266).

173    La Cour a ajouté que les critères de coordination et de coopération devaient être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché commun (arrêts Suiker Unie e.a./Commission, point 172 supra, point 173 ; Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, point 172 supra, point 63 ; Commission/Anic Partecipazioni, point 168 supra, point 116, et arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C‑199/99 P, Rec. p. I‑11177, point 106).

174    Selon cette jurisprudence, si cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s’oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement qu’il a été décidé de, ou qu’il est envisagé de, adopter soi-même sur le marché, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché (arrêts Suiker Unie e.a./Commission, point 172 supra, point 174 ; Commission/Anic Partecipazioni, point 168 supra, point 117 ; Hüls/Commission, point 172 supra, point 160, et Corus UK/Commission, point 173 supra, point 107).

175    Il y a en outre lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Il en sera d’autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d’une longue période (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 168 supra, point 121 ; voir également, en ce sens, arrêt Hüls/Commission, point 172 supra, point 162, et la jurisprudence citée).

176    Par ailleurs, il convient de rappeler que la comparaison entre la notion d’accord et celle de pratique concertée fait apparaître que, du point de vue subjectif, elles appréhendent des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 168 supra, point 131).

177    En l’espèce, s’agissant de l’existence d’accords, la requérante dans l’affaire T‑489/09 ne saurait soutenir qu’aucun élément du dossier de la Commission ne permettrait d’établir l’existence d’un quelconque accord qui l’impliquerait, même indirectement.

178    Ainsi que le relève à juste titre la Commission, cette dernière a souligné, au considérant 473 de la première décision, qui rappelle les réunions pour lesquelles un accord entre les participants a donné lieu à l’établissement de documents et les considérants pertinents de la première décision, l’existence d’accords exprimés par les participants à des réunions et attestés par des documents pour ce qui concerne 27 réunions s’étant tenues entre le 6 décembre 1989 et le 4 juillet 2000. Or, la requérante dans l’affaire T‑489/09 ne présente dans son moyen aucun élément visant à infirmer les éléments de preuve retenus par la Commission dans lesdits considérants (voir notamment considérants 126, 142, 146 et 147, 154, 158, 160, 165, 168, 183, 200, 212 à 214, 216, 283 à 287, 290 à 296, 299, 300 et 305 de la première décision).

179    Une conclusion identique s’impose s’agissant des réunions, mentionnées au considérant 474 de la première décision, pour lesquelles l’existence d’un accord résulte du fait que, selon Federacciai, un prix déterminé aurait « émergé » (voir notamment considérants 137, 141, 201, 210, 282 de la première décision) ainsi que s’agissant des cas dans lesquels un prix a été « indiqué » (voir notamment considérants 138, 200, 210 et 289 de la première décision).

180    En outre, au considérant 475 de la première décision, la Commission a également mentionné neuf accords pour lesquels elle disposait de projets ou de propositions d’accords à propos desquels des éléments concrets prouvaient qu’ils étaient entrés en vigueur ou que les entreprises les avaient approuvés après discussion.

181    À titre exemplatif, ainsi qu’il ressort du dossier, l’implication de la requérante dans l’affaire T‑489/09 s’agissant de ces derniers résulte, tout d’abord, du projet d’accord d’avril-mai 1992, ayant principalement pour objet le respect des prix minimaux de vente (considérants 129 à 132 de la première décision), qui mentionne spécifiquement Leali, qui, selon la première décision, constitue une seule entreprise avec ladite requérante. Ainsi que la Commission l’a souligné à juste titre au considérant 130 de la première décision, le fait que huit entreprises qui n’avaient pas adhéré à cet accord aient souhaité adhérer, à partir du 1er juin 1992, « à l’esprit et aux conditions de l’accord existant » démontre que ce projet d’accord était effectivement entré en vigueur (voir également considérant 314 de la première décision).

182    Ensuite, s’agissant de l’accord des 27-30 septembre 1996, ayant pour objet la répartition du marché italien des ronds à béton pour les mois d’octobre, de novembre et de décembre 1996 (et, éventuellement, pour les mois de janvier, de février et de mars 1997) (considérant 196 de la première décision), l’implication de la requérante dans l’affaire T‑489/09 résulte également du projet d’accord lui-même, celui-ci mentionnant également spécifiquement Leali, ainsi que la date et l’heure de son adhésion à celui-ci. Ainsi qu’il a été indiqué au même considérant, l’adhésion effective à l’accord des entreprises en cause est confirmée par l’existence de deux tableaux en possession d’AFLL qui concernent lesdites entreprises, où sont contenues les données relatives à la part de marché d’octobre et de novembre 1996 pour chacune d’entre elles (identiques à celles qui avaient été établies dans l’accord), le carnet de commandes et les stocks à la fin de septembre et à la fin d’octobre 1996 et les commandes reçues par chacune de ces entreprises pour chaque semaine d’octobre et de novembre 1996. Au considérant 555 de la première décision, la Commission a également souligné que, en 1996, Leali avait continué à participer à l’entente et à jouer un rôle de coordination de celle-ci qui a culminé avec la désignation, qui a même été de nature formelle, de son membre délégué du conseil d’administration comme coordinateur de l’accord de septembre 1996 (voir également considérant 196 de la première décision).

183    Enfin, pour ce qui concerne l’accord de septembre-novembre 1998, portant sur le respect des quotas de vente sur le marché italien (considérants 245 à 254 de la première décision), la participation de la requérante dans l’affaire T‑489/09 ressort de plusieurs documents parmi lesquels le projet d’accord lui-même, qui mentionne spécifiquement Leali. La mise en œuvre de l’accord résulte quant à elle, premièrement, de la télécopie envoyée le 23 novembre 1998 par Valsabbia à Leali, par laquelle Valsabbia a demandé l’attribution d’une part de marché supérieure à celle indiquée dans l’accord, deuxièmement, des tableaux trouvés chez Ferriere Nord relatifs aux prévisions pour février 1999 et à l’évolution au cours du dernier quadrimestre, ainsi que chez Leali, qui indiquent pour chaque entreprise le pourcentage des quotas de livraison attribué ainsi que les « récupérations », qui correspond au système des compensations prévu dans l’accord (voir également considérant 251 de la première décision) et, troisièmement, des télécopies du 22 février et du 15 juin 1999 (voir également le considérant 248 de la première décision).

184    La requérante dans l’affaire T‑489/09 ne saurait non plus valablement soutenir qu’aucun des comportements auxquels elle aurait participé ne pourrait être qualifié de pratique concertée.

185    D’une part, s’agissant des augmentations de suppléments, ainsi qu’il résulte du considérant 493 de la première décision, les informations qui sont en possession de la Commission montrent que, au cours de la période en cause, ce sont au moins 19 augmentations des suppléments qui ont été réalisées et que, pour 9 d’entre elles, il existe des preuves directes sur les accords ou pratiques concertées relatives à ces augmentations (voir considérant 439 de la première décision). Selon ledit considérant, l’existence d’une pratique concertée s’agissant de la fixation des suppléments de prix pour les ronds à béton a été observée également dans les dix autres cas d’augmentation, dès lors qu’il existait une conviction commune que, si un producteur augmentait les prix des suppléments de dimension, tous les autres producteurs en feraient de même automatiquement (voir considérants 440 et 489 de la première décision).

186    D’autre part, pour ce qui concerne les prix de base, il ressort des considérants 494 et 495 de la première décision que les entreprises ont publié des barèmes de prix de base pendant la période en cause. La Commission a également souligné, au considérant 496 de la première décision, que les considérants 419 à 433 de celle-ci dressaient la liste de toutes les occasions avérées où le prix de base avait fait l’objet de discussions entre les entreprises (voir également point 90 ci-dessus). Elle a également relevé que, pour les autres occasions, entre 1993 et 2000, il fallait recourir à la notion de concertation, dont l’objet était d’influer sur le comportement des producteurs sur le marché et de rendre public le comportement que chacun d’entre eux se proposait d’adopter concrètement en matière de détermination du prix de base.

187    Du reste, quant à l’argument de la requérante dans l’affaire T‑489/09 selon lequel la notion de « pratique concertée » au sens de l’article 65, paragraphe 1, CA suppose que les entreprises se soient livrées aux pratiques qui ont fait l’objet de leur concertation et que les effets des pratiques se manifestent sur la concurrence, il ressort de la jurisprudence que, pour conclure à l’existence d’une pratique concertée, il n’est pas nécessaire que la concertation se soit répercutée, au sens où l’entend la requérante dans l’affaire T‑489/09, sur le comportement des concurrents sur le marché. Il suffit de constater, le cas échéant, que chaque entreprise a nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations obtenues lors de ses contacts avec ses concurrents. Il n’est à cet égard pas nécessaire que la Commission démontre que les échanges d’informations en cause ont abouti à un résultat spécifique ou à une mise à exécution sur le marché concerné (arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 160 supra, points 269 à 271).

188    Il s’ensuit que c’est à juste titre que la Commission a considéré que les entreprises en cause avaient substitué aux risques de la concurrence normale visée par le traité une coopération pratique entre elles et qualifié les pratiques en cause de « pratiques concertées ».

189    Troisièmement, la requérante dans l’affaire T‑489/09 affirme que le fait que les barèmes de prix aient différé pour toutes les entreprises concurrentes (ce qui ressortirait des tableaux annexés à la décision de 2002) et que les factures qu’elle a produites montrent que des prix différents auraient été pratiqués les mêmes jours pour de mêmes quantités de ronds à béton pour différents clients, à des conditions différentes, démontre l’absence d’entente.

190    Toutefois, eu égard à la jurisprudence figurant au point 175 ci-dessus, un tel argument ne saurait prospérer. En effet, les factures produites ne sauraient constituer la preuve du fait que la requérante dans l’affaire T‑489/09 n’a pas tenu compte des informations échangées avec les autres opérateurs, puisque, ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 494 de la première décision, sur la base d’échantillons, il n’est pas possible de vérifier si le prix moyen pratiqué correspond au prix de barème ou diverge de celui-ci, puisqu’il n’est pas possible de déterminer, par exemple, quelles factures correspondent à des clients normaux ou privilégiés. Ainsi, il peut seulement être affirmé que, pour les transactions attestées par des documents, les prix était différents, mais cela ne démontre en rien que les prix pratiqués pour l’ensemble des transactions réalisées durant les jours ou les périodes suivant les augmentations aient été différents de ceux des barèmes. Du reste, ainsi qu’il a été souligné au point 160 ci-dessus, les accords et pratiques concertées sont interdits par l’article 81 CE et l’article 65 CA, indépendamment de tout effet, lorsqu’ils ont un objet anticoncurrentiel (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 168 supra, points 122 et 123).

191    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

 Sur le moyen tiré d’une dénaturation des faits, de l’absence de motivation et de l’absence de prise en considération des spécificités du marché sidérurgique et des règles du traité CECA [septième moyen, première branche, dans l’affaire T‑489/09 et quatrième moyen, sous a), dans l’affaire T‑490/09]

192    Les requérantes soutiennent que la Commission a procédé à une lecture partielle des faits concernant la spécificité du marché sidérurgique dans le cadre des règles du traité CECA et des conditions du marché. Elle n’aurait pas suffisamment indiqué les motifs pour lesquels les comportements reprochés auraient différé de la pratique imposée par l’article 60, paragraphe 2, CA, qui prévoyait explicitement que les barèmes de prix et les conditions de vente pratiqués par les entreprises sur le marché sidérurgique devaient être rendus publics et être le plus transparents possible, sous peine de sanctions prévues par l’article 64 CA.

193    La requérante dans l’affaire T‑490/09 ajoute que le secteur sidérurgique aurait été caractérisé, dans les années 70 et 80, par une politique régulatrice de la Commission, en considération de la crise économique grave que traversait cette industrie. À cet égard, les programmes prévisionnels établis par la Commission pour la période en cause en l’espèce auraient fait apparaître des données alarmantes concernant le secteur des ronds à béton. À la lumière de ces éléments, la Commission aurait dû examiner si les comportements reprochés aux entreprises en cause avaient été imposés par un état de nécessité, afin de permettre auxdites entreprises de demeurer sur le marché. Or, la Commission aurait omis de développer, dans la première décision, une quelconque argumentation concernant ces considérations. En outre, la Commission n’aurait jamais invité les entreprises en cause à respecter le système de publicité prévu à l’article 60 CA.

194    En premier lieu, il convient de rejeter l’argument des requérantes tiré de l’absence de prise en compte des spécificités du régime prévu par le traité CECA, applicable durant les années faisant l’objet de la présente procédure, et d’une insuffisance de motivation de la première décision à cet égard. Il convient en effet de constater que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission a tenu compte du contexte juridique découlant du traité CECA et a spécifiquement souligné, aux considérants 67 à 74 et 442 de la première décision, les différences existant entre les pratiques interdites au titre de l’article 65 CA et les obligations édictées à l’article 60, paragraphe 2, CA.

195    Ainsi, la Commission a tout d’abord indiqué que, même si le traité CECA a créé des conditions de concurrence particulières dans les secteurs qui relèvent de son champ d’application, les dispositions qu’il contient ne sont pas contradictoires entre elles. En particulier, l’obligation de publicité des prix prévue à l’article 60, paragraphe 2, CA n’autorise aucune entreprise à adopter des comportements contraires à l’article 65, paragraphe 1, CA (considérant 70 de la première décision).

196    Ensuite, la Commission a souligné que, selon la jurisprudence, les prix qui figurent dans les barèmes devaient être fixés par chaque entreprise de façon indépendante, sans accord, même tacite, entre elles. En particulier, le fait que les dispositions de l’article 60 CA aient tendance à restreindre la concurrence n’empêche pas l’application de l’interdiction des ententes prévue à l’article 65, paragraphe 1, CA. En outre, elle a rappelé que l’article 60 CA ne prévoyait aucun contact entre les entreprises, préalablement à la publication des barèmes, aux fins d’une information mutuelle sur leurs prix futurs (considérant 71 de la première décision).

197    Enfin, la Commission a souligné que des accords entre producteurs ne sauraient être assimilés au système de l’article 60 CA, ne serait-ce que parce qu’ils ne permettent pas aux acheteurs de se renseigner exactement sur les prix, ni de participer au contrôle des discriminations (considérant 73 de la première décision).

198    La Commission a conclu, au considérant 442 de la première décision, que, lorsque, dans le cadre d’une concertation régulière, des entreprises concurrentes adoptent un comportement continu tendant à éliminer, tant à travers des accords qu’à travers des pratiques concertées, l’incertitude relative, en particulier, aux prix qu’elles appliqueront sur le marché, ce comportement constitue une entente interdite au sens de l’article 65 CA.

199    Il s’ensuit qu’il ressort de la première décision que la Commission a tenu compte des spécificités du régime prévu par le traité CECA et que, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 66 à 68 ci-dessus, la première décision est suffisamment motivée s’agissant des raisons pour lesquelles les comportements litigieux différaient de la pratique imposée par l’article 60, paragraphe 2, CA. Dès lors que les requérantes n’exposent pas davantage les raisons pour lesquelles la Commission aurait procédé à une lecture partielle des faits concernant la spécificité du marché sidérurgique, leur grief ne saurait être retenu.

200    En second lieu, il convient de rejeter l’argument de la requérante dans l’affaire T‑490/09 selon lequel la Commission aurait omis de tenir compte de la grave crise économique ayant touché le marché sidérurgique durant la période en cause, ainsi que la circonstance que le régime de publication obligatoire n’était plus respecté par les entreprises concernées, avec l’assentiment de la Commission.

201    Premièrement, son argument tiré du fait que la Commission n’aurait pas exposé, dans la première décision, les raisons pour lesquelles les comportements en cause n’avaient pas été justifiés par un état de nécessité en raison des conditions économiques difficiles du secteur ne saurait prospérer.

202    D’une part, si, en vertu de l’article 15 CA, la Commission est tenue de mentionner les éléments de fait dont dépend la justification de la décision et les considérations juridiques qui l’ont amenée à prendre celle-ci, cette disposition n’exige pas que la Commission discute tous les points de fait et de droit qui auraient été traités au cours de la procédure administrative, à supposer que tel ait été le cas en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 160 supra, point 119).

203    D’autre part, en tout état de cause, la Commission a indiqué, au considérant 64 de la première décision, qu’elle connaissait le contexte économique du secteur de l’acier dans l’Union et du rond à béton en particulier. Au considérant 68 de la première décision, la Commission a également considéré, s’agissant des conditions de crise manifeste dans le secteur de la sidérurgie, que les ronds à béton, qui n’entrent plus dans le champ d’application du système de quotas depuis le 1er janvier 1986, avaient été exclus du « régime de surveillance » en raison du fait que les ronds à béton étaient pour plus de 80 % fabriqués par de petites entreprises à faibles coûts qui ne connaissent normalement pas de difficultés. L’argument de la requérante dans l’affaire T‑490/09, fondé sur un prétendu état de nécessité causé par la prétendue grave crise économique ayant caractérisé le marché italien des ronds à béton, ne saurait dès lors être retenu.

204    Deuxièmement, pour ce qui concerne le prétendu assentiment tacite de la Commission à l’absence de publication des barèmes, il y a lieu de considérer que, même à le supposer fondé, un tel argument serait inopérant, dès lors que, ainsi que la Commission l’a souligné à juste titre au considérant 70 de la première décision, l’obligation de publicité des prix prévue à l’article 60, paragraphe 2, CA n’autorise aucune entreprise à adopter des comportements contraires à l’article 65, paragraphe 1, CA (voir point 195 ci-dessus). Il doit également être rappelé à cet égard qu’une tolérance ou un laxisme administratif ne saurait affecter le caractère infractionnel d’une violation de l’article 65, paragraphe 1, CA (voir arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 160 supra, point 554, et la jurisprudence citée).

205    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

 Sur le moyen tiré de l’absence de prise en considération adéquate des facteurs fondamentaux propres au marché pertinent [quatrième moyen, sous a), dans l’affaire T‑490/09]

206    La requérante dans l’affaire T-490/09 soutient que, dans la première décision, la Commission n’a pas pris adéquatement en considération les facteurs fondamentaux propres au marché pertinent, tels que la substituabilité des produits et le marché géographique, ce qui lui aurait permis d’apprécier différemment le contexte en cause.

207    En premier lieu, la requérante dans l’affaire T‑490/09 fait valoir que la Commission a sous-évalué la substituabilité, du côté de la demande, de produits tels que les treillis soudés, les poutrelles, les ronds à béton en rouleaux et les ronds à béton rectifiés. Elle souligne également la possibilité de recourir à des solutions telles que les structures en fer avec poutrelles en acier.

208    Un tel argument ne saurait être retenu. D’une part, ainsi que le souligne à juste titre la Commission, il ressort de la première décision que les ronds à béton en rouleaux et les ronds à béton rectifiés font partie du marché de produit retenu par la Commission (considérant 28 de la première décision). D’autre part, la requérante dans l’affaire T‑490/09 n’a avancé aucun élément visant à contester les motifs, exposés dans la première décision (considérants 29 à 46 de la première décision), dans lesquels la Commission a considéré que les treillis soudés, les poutrelles et les structures en fer avec poutrelles en acier ne faisaient pas partie du même marché de produit. Elle n’a par ailleurs étayé son argument par aucun moyen de preuve.

209    En deuxième lieu, la requérante dans l’affaire T‑490/09 soutient que la Commission n’a pas non plus tenu compte de la substituabilité du côté de l’offre, ni du fait qu’il n’existerait pas de barrière à l’entrée sur le marché. En outre, la Commission aurait omis de prendre en considération la forte élasticité du prix des ronds à béton, qui empêche toute entreprise isolée d’augmenter le prix de vente au-delà de sa valeur concurrentielle.

210    Un tel argument doit également être rejeté. D’une part, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la Commission a effectivement tenu compte de la substituabilité du côté de l’offre au considérant 34 de la première décision, et notamment du fait que les différents diamètres de la section circulaire des ronds à béton crantés en barres ou en rouleaux, bien qu’ils caractérisent des produits non substituables du point de vue du consommateur, doivent être considérés comme appartenant au même marché en raison de leur conditions de production très semblables. D’autre part, s’agissant de l’absence de prise en compte, par la Commission, de la prétendue forte élasticité des prix des ronds à béton, il doit être souligné qu’un tel argument est sans pertinence s’agissant de l’évaluation de la substituabilité du côté de l’offre [voir également, à cet égard, les paragraphes 20 à 23 de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5, ci-après la « communication sur la définition du marché »)].

211    En troisième lieu, la requérante dans l’affaire T‑490/09 souligne que la Commission n’a pas correctement défini le marché géographique pertinent. Ainsi, aux fins de déterminer que le marché géographique pertinent correspond au territoire italien, la Commission se serait uniquement fondée, et sans s’appuyer sur des éléments de preuve, sur le fait que les coûts de production des ronds à béton y auraient été nettement inférieurs à ceux pratiqués dans d’autres pays.

212    Force est toutefois de constater que l’argument de la requérante dans l’affaire T‑490/09 est fondé sur une prémisse erronée. Ainsi qu’il ressort des considérants 47 à 60 de la première décision, aux fins de la définition du marché géographique, la Commission s’est référée au fait que le produit provenant d’autres zones géographiques avait représenté, sur la base des données d’Eurostat (office statistique des Communautés européennes) (considérant 26 de la première décision), entre 0 et 6 % du total des ventes sur le territoire italien, en sorte que les flux du produit vers l’Italie ont été très limités au cours de la période en cause, et au manque structurel d’intérêt économique pour les entreprises des autres États membres à vendre des ronds à béton en Italie (considérant 50 de la première décision).

213    Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante dans l’affaire T‑490/09, le critère déterminant sur lequel s’est appuyée la Commission aux fins de la délimitation du marché géographique n’est pas l’infériorité des coûts de production des ronds à béton en Italie, mais le fait que, durant la période considérée, les flux du produit vers l’Italie ont été très limités (considérants 47 et 48 de la première décision). Si, certes, la Commission a avancé l’hypothèse de coûts de production plus bas en Italie, il n’en demeure pas moins que celle-ci n’a pas constitué un élément déterminant dans la délimitation du marché géographique pertinent.

214    En quatrième lieu, la requérante dans l’affaire T‑490/09 soutient que, alors même que la Commission a identifié le marché géographique pertinent comme étant le territoire italien, elle a affirmé que les comportements reprochés aux entreprises impliquées avaient porté atteinte aux échanges entre États membres. Or, une telle motivation serait contradictoire.

215    Un tel argument est sans fondement, dès lors que le fait que l’entente a affecté le commerce entre États membres n’est pas en contradiction avec la définition du marché géographique pertinent comme étant le territoire italien. À cet égard, d’une part, la définition du marché géographique permet d’identifier le périmètre à l’intérieur duquel s’exerce la concurrence entre les entreprises et de déterminer s’il existe des concurrents réels, capables de peser sur le comportement des entreprises en cause ou de les empêcher d’agir indépendamment des pressions qu’exerce une concurrence effective (paragraphe 2 de communication sur la définition du marché). D’autre part, selon une jurisprudence constante, rappelée au considérant 374 de la première décision, pour qu’un accord soit susceptible d’affecter le commerce entre États membres, il doit, sur la base d’un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres dans un sens qui pourrait nuire à la réalisation des objectifs d’un marché unique entre États.

216    Or, ainsi que la Commission l’a indiqué aux considérants 373 à 375 de la première décision, a) l’entente en cause a concerné l’ensemble du territoire italien sur lequel, pendant la période qu’a duré l’entente, ont été produits entre 29 et 43 % des ronds à béton produits dans la Communauté, b) l’incidence des exportations (à partir de l’Italie) par rapport aux livraisons totales (livraisons Italie et exportations) a toujours été importante (entre 6 et 34 % pendant la période infractionnelle), c) au moins deux entreprises importantes parties à l’entente ont été également actives comme producteurs sur au moins un autre marché géographique des ronds à béton et d) l’entente a également été caractérisée par le fait qu’elle avait pour objet, comme mesure équivalente à la réduction temporaire et concertée de la production, l’exportation concertée en dehors du territoire italien.

217    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

 Sur le caractère non fondé des griefs formulés à l’égard de Leali (septième moyen, deuxième à quatrième branche, dans l’affaire T‑489/09)

218    La requérante dans l’affaire T‑489/09 rappelle que la Commission lui reproche d’avoir participé à une entente anticoncurrentielle unique jusqu’au 27 juin 2000, portant sur les suppléments de dimension (à compter du 6 décembre 1989), sur les prix de base (à compter du 15 avril 1992), sur la limitation de la production (probablement à compter du 13 juin 1995, avec une suspension du 9 juin au 30 novembre 1998) (considérants 560 et 606 de la première décision) ainsi qu’une entente sur les conditions de paiement.

–       Sur la « nature » de l’infraction

219    En premier lieu, la requérante dans l’affaire T‑489/09 soutient que la Commission n’a pas établi que les entreprises en cause avaient mis à exécution les accords présumés des 7 février (considérant 138 de la première décision), 30 août (considérant 140 de la première décision), 13 septembre (considérant 142 de la première décision) et 25 novembre 1994 (considérant 143 de la première décision), des 13 juin (considérant 153 de la première décision), 4 juillet (considérant 160 de la première décision) et 29 août 1995 (considérant 168 de la première décision), des 23 février (considérant 186 de la première décision), 2 avril (considérant 191 de la première décision), 25 juillet (considérant 192 de la première décision) et 22 octobre 1996, des 30 janvier, 14 février et 10 juillet 1997 (considérant 200 de la première décision), des 18 février (considérants 220 et 222 de la première décision) et 9 juin 1998 (considérant 233 de la première décision).

220    Ainsi qu’il a été rappelé au point 160 ci-dessus, l’article 65, paragraphe 1, CA interdit les accords qui « tendraient » à empêcher, à restreindre ou à fausser le jeu normal de la concurrence. Il s’ensuit qu’est interdit, au sens de cette disposition, un accord ayant pour objet de restreindre la concurrence. En conséquence, dans le cas d’accords se manifestant lors de réunions d’entreprises concurrentes, une infraction à cette disposition est constituée lorsque ces réunions ont un tel objet et visent, ainsi, à organiser artificiellement le fonctionnement du marché. Dans un tel cas, la responsabilité d’une entreprise déterminée pour l’infraction est valablement retenue lorsqu’elle a participé à ces réunions en ayant connaissance de leur objet, même si elle n’a pas, ensuite, mis en œuvre l’une ou l’autre des mesures convenues lors de celles-ci. L’assiduité plus ou moins grande de l’entreprise aux réunions ainsi que la mise en œuvre plus ou moins complète des mesures convenues ont des conséquences non pas sur l’existence de sa responsabilité, mais sur l’étendue de celle-ci et donc sur le niveau de la sanction (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, points 508 à 510, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 145). La prétendue absence de mise à exécution d’accords ayant un objet anticoncurrentiel, tels que ceux visés au point 219 ci-dessus, est partant dépourvue de pertinence.

221    En tout état de cause, s’agissant de la fixation du prix de base, ainsi que la Commission l’a souligné aux considérants 419 à 433 et 460 à 462 de la première décision, sans être contredite à cet égard de manière spécifique par la requérante dans l’affaire T‑489/09, il ressort du dossier administratif que Leali a adhéré à l’accord d’avril-mai 1992 et au volet de l’entente ayant pour objet la fixation du prix de base jusqu’en juin 2000. Cette adhésion est prouvée par la réunion du 25 janvier 1993, par la télécopie de la même date de Federacciai (considérant 135 de la première décision) et par le prix de base adopté par les entreprises en cause, et notamment par Leali (considérant 316 de la première décision). Ainsi que le souligne la Commission, Leali a poursuivi sa participation à ce volet de l’entente en recevant des communications de Federacciai (considérants 138, 140, 142, 143, 145, 149 et 160 de la première décision) et en y jouant également un rôle de coordination.

222    En outre, ainsi que la Commission le souligne dans ses écritures, sans être contredite par la requérante dans l’affaire T‑489/09, elle a rassemblé des preuves documentaires démontrant la participation des entreprises en cause aux réunions du 13 février 1996 (considérant 183 de la première décision), du 16 octobre 1997 (considérants 204 à 210 de la première décision), du 9 juin 1998 (considérant 233 de la première décision), des 11 (considérant 280 de la première décision)et 25 janvier (considérant 282 de la première décision), 1er (considérant 283 de la première décision) et 9 février (considérant 285 de la première décision), 10 mars (considérant 289 de la première décision), 8 (considérant 297 de la première décision), 16 (considérant 298 de la première décision)et 23 mai (considérant 299 de la première décision)et 27 juin 2000 (considérant 304 de la première décision). Elle a par ailleurs établi que Leali avait participé au moins à dix de ces réunions, qui se sont tenues de 1996 à 1998 et en 2000 (considérants 183, 204, 205, 233, 280, 282, 283, 289, 297 et 304 de la première décision).

223    Or, selon une jurisprudence constante, pour prouver à suffisance la participation d’une entreprise à une entente, il suffit de démontrer que l’entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, sans s’y être manifestement opposée. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d’avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur (arrêts de la Cour Commission/Anic Partecipazioni, point 168 supra, point 96 ; Aalborg Portland e.a./Commission, point 149 supra, point 81, et du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑510/06 P, Rec. p. I‑1843, point 119). La requérante dans l’affaire T‑489/09 n’avance pas d’indices crédibles en ce sens. Au contraire, au-delà de sa participation à ces réunions, ladite requérante a joué le rôle de coordinateur de plusieurs d’entre elles (considérants 183, 204, 205, 233 et 304 de la première décision).

224    En ce qui concerne les autres réunions, organisées par Federacciai sur les prix et sur les délais de paiement, pour lesquelles les preuves disponibles ne permettaient pas d’identifier clairement les participants, tous les producteurs italiens de ronds à béton y étaient invités et recevaient le compte rendu rédigé par Federacciai qui les informait des résultats de ces réunions (considérants 465 et 466 de la première décision).

225    La Commission a également souligné, sans être contredite par la requérante dans l’affaire T‑489/09, que ces réunions étaient liées entre elles, dès lors que, à plusieurs reprises, il y avait eu des réunions où les effets de ce qui avait été décidé précédemment avaient été évalués, sur la base d’une surveillance constante du marché, ou des réunions au cours desquelles des mesures avaient été adoptées, modifiant ce qui avait été décidé précédemment (considérant 468 de la première décision).

226    En second lieu, la requérante dans l’affaire T‑489/09 fait valoir que la pratique systématique de prix différenciés de la part des entreprises concernées réfuterait la théorie de la mise en œuvre de la concertation entre entreprises. Un tel argument doit toutefois être rejeté, pour les motifs figurant au point 190 ci-dessus.

–       Sur les suppléments de dimension

227    S’agissant de la fixation des suppléments de dimension, la requérante dans l’affaire T‑489/09 soutient que la fixation par la Commission de prix minimaux pour les suppléments de dimension et la publication de prix d’orientation et de prix conseillés, également valables pour les ronds à béton, auraient contribué à ôter ou à diminuer l’autonomie décisionnelle des entreprises quant à leur prix de vente. Les suppléments de dimension, ainsi que les autres suppléments, seraient en substance identiques dans l’Union, en vue de faciliter les négociations entre producteurs et acheteurs. Par ailleurs, le fait qu’il y ait un alignement normal sur les suppléments constituerait une « réalité imparable du marché, consolidée dans le temps et à tous endroits ».

228    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la publicité obligatoire des prix prévue à l’article 60, paragraphe 2, CA avait pour but, tout d’abord, d’empêcher autant que possible les pratiques interdites, ensuite, de permettre aux acheteurs de se renseigner exactement sur les prix et de participer également au contrôle des discriminations et, enfin, de permettre aux entreprises de connaître exactement les prix de leurs concurrents, pour leur donner la possibilité de s’aligner (voir arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 160 supra, point 308, et la jurisprudence citée).

229    Il est également de jurisprudence constante que les prix qui figurent dans les barèmes doivent être fixés par chaque entreprise de façon indépendante, sans accord, même tacite, entre elles. En particulier, le fait que les dispositions de l’article 60 CA ont tendance à restreindre la concurrence n’empêche pas l’application de l’interdiction des ententes prévue à l’article 65, paragraphe 1, CA. Par ailleurs, l’article 60 CA ne prévoit aucun contact entre les entreprises, préalable à la publication des barèmes, aux fins d’une information mutuelle sur leurs prix futurs. Or, dans la mesure où de tels contacts empêchent que ces mêmes barèmes soient fixés de façon indépendante, ils sont susceptibles de fausser le jeu normal de la concurrence, au sens de l’article 65, paragraphe 1, CA (voir arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 160 supra, points 312 et 313, et la jurisprudence citée).

230    Eu égard à cette jurisprudence, c’est à juste titre que la Commission a estimé, au considérant 442 de la première décision, que, lorsque, dans le cadre d’une concertation régulière, des entreprises concurrentes adoptent un comportement continu tendant à éliminer, tant à travers des accords qu’à travers des pratiques concertées, l’incertitude relative, en particulier, aux suppléments de dimension qu’elles appliqueront sur le marché, ce comportement constituait une entente interdite au sens de l’article 65 CA. Or, de tels comportements ont été identifiés par la Commission notamment aux considérants 438 à 441 de la première décision.

231    La requérante dans l’affaire T‑489/09 ne saurait à cet égard soutenir que cette uniformité résulterait de la spécificité du marché et de la production, en vertu de laquelle, premièrement, la concurrence sur le marché reposerait sur les différences des prix de base pratiqués par les différentes entreprises, deuxièmement, les entreprises moins importantes suivraient systématiquement le cours des suppléments fixé de manière autonome par les entreprises sidérurgiques plus représentatives et plus importantes et, troisièmement, tous les opérateurs conviendraient de la nécessité de suppléments uniformes pour faciliter les négociations entre producteurs et acheteurs, qui se concentreraient sur le seul prix de base d’un produit déterminé, lequel permettrait de percevoir immédiatement les avantages respectifs des différents producteurs.

232    Il doit en effet être souligné que l’alignement à la hausse des prix des suppléments de dimension dérive d’un commun accord, parfois tacite, parfois explicite, à ne pas se faire concurrence (considérant 440 de la première décision) et que, du 6 décembre 1989 jusqu’en 2000, au moins 19 augmentations desdits suppléments ont été décidées et appliquées (considérant 439 de la première décision). Ainsi, la thèse d’un alignement intelligent à la suite de l’initiative d’un producteur important ne saurait être retenue, dès lors que la Commission a apporté la preuve de concertations en matière d’augmentation des suppléments de prix et qu’il existait une conviction commune concernant la condition selon laquelle les suppléments devaient toujours être uniformes parmi les producteurs (considérants 441, 489 et note en bas de page n° 542 de la première décision). Par ailleurs, ainsi que la Commission l’a souligné à juste titre au considérant 440 de la première décision, si l’alignement des prix des suppléments de dimension avait été le résultat de l’évolution normale du marché, il serait difficile de comprendre pourquoi les parties à l’entente auraient éprouvé la nécessité de se réunir régulièrement pour s’accorder sur ces augmentations.

–       Sur les conditions de vente et les délais de paiement

233    La requérante dans l’affaire T‑489/09 rappelle que, aux considérants 435 et suivants de la première décision, la Commission a considéré que les entreprises en cause avaient conclu une entente concernant les conditions et les délais de paiement, à tout le moins entre le 15 avril 1992 et le 30 septembre 1995. Or, Leali ne se serait jamais entendue avec les autres producteurs et sa politique aurait sur ce point été totalement autonome. Par ailleurs, les délais de paiement indiqués (de 60 à 90 jours) seraient courants dans les ventes entre opérateurs professionnels dans le secteur sidérurgique.

234    Il convient de relever qu’il ressort de la première décision que l’entente a également concerné les délais de paiement à tout le moins jusqu’au 30 septembre 1995 (considérant 435 de la première décision). Pour fonder cette conclusion, la Commission a souligné que la règle générale du paiement à 90 jours, assortie d’exceptions limitées et réglementées, avait été fixée dans l’accord d’avril 1992, relatif à la fixation des prix de base minimaux (considérants 129 et 130 de la première décision). De nouvelles décisions relatives aux délais de paiement ont été adoptées en 1993 (considérant 135 de la première décision), en 1994 (considérant 145 de la première décision) et en 1995 (considérants 161, 163 à 168 et 174 de la première décision).

235    À cet égard, la requérante ne saurait soutenir qu’elle n’est jamais convenue de la fixation de délais de paiement avec les autres producteurs et que sa politique a sur ce point été totalement autonome.

236    Premièrement, ainsi que le relève à juste titre la Commission, il ressort du dossier que Leali a adhéré à l’accord d’avril 1992 qui établissait notamment la règle du paiement à 90 jours fin de mois (considérants 129 et 130 de la première décision).

237    Deuxièmement, même à supposer que la requérante n’ait pas participé à la réunion du 25 janvier 1993, il doit être souligné que Federacciai a informé tous les producteurs de ronds à béton que, durant ladite réunion, le paiement à 60 jours fin de mois avait été institué à partir du 26 janvier 1993 (considérant 135 de la première décision).

238    Troisièmement, lors d’une réunion du 1er décembre 1994, faisant suite à une télécopie de Federacciai du 25 novembre 1994, ont notamment été prises des décisions ayant pour objet les délais de paiement et les rabais (considérant 145 de la première décision). Or, il ressort également du dossier que le contenu de ces décisions a été adressé à Leali.

239    Quatrièmement, par télécopie du 21 juillet 1995, Federacciai a envoyé aux producteurs de ronds à béton un formulaire à signer contenant l’engagement d’appliquer, à partir des livraisons du 1er septembre 1995, des délais de paiement, pour toute la clientèle, de 60 à 90 jours au maximum à dater du jour d’expédition et des limites de paiement au 10, au 20, au 30 ou au 31 de chaque mois, en fonction de la date d’expédition effective. Ce formulaire était précédé d’une déclaration du directeur général faisant fonction de Federacciai, visant à confirmer la volonté de réduire les délais de paiement et d’appliquer la nouvelle répartition dans le temps de ces mêmes délais (considérant 164 de la première décision). Par ailleurs, le 26 juillet 1995, Federacciai avait envoyé une télécopie aux anciennes Acciaierie e Ferriere Leali Luigi pour lesinformer que, pour ce qui concernait le système des « 60-90 jours fin de mois », l’accord était unanime tandis que, pour ce qui était des trois échéances mensuelles, Riva et Lucchini y auraient été opposées à ce moment (considérant 165 de la première décision). Le 28 juillet 1995, les anciennes Acciaierie e Ferriere Leali Luigi ont diffusé une communication par laquelle elles informaient que, pour les livraisons de ronds à béton, la condition de paiement à 60-90 jours fin de mois, d’ailleurs déjà en vigueur, serait appliquée à partir du 1er septembre 1995, sans aucune exception (considérant 166 de la première décision).

240    Cinquièmement, le 31 juillet 1995, Federacciai a élaboré une communication à l’attention des producteurs de ronds à béton dans laquelle il était affirmé que les conditions étaient réunies pour une application rigoureuse des conditions de paiement à « 60-90 jours fin de mois » (considérant 167 de la première décision). Au cours d’une réunion du 29 août 1995 a été décidée la confirmation unanime de l’application du paiement à « 60-90 jours » aux commandes passées à partir du 1er septembre 1995 (considérant 168 de la première décision).

241    Eu égard à l’ensemble de ces éléments, la requérante dans l’affaire T‑489/09 ne saurait faire valoir qu’elle a déterminé sa politique commerciale en ce qui concerne les conditions de vente et les délais de paiement de manière autonome, ni que les délais de paiement indiqués (de 60 à 90 jours) sont courants dans les ventes entre opérateurs professionnels dans le secteur sidérurgique.

242    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

 Sur le moyen tiré de la violation du principe de bonne administration et d’un défaut de motivation [sixième moyen, première branche, dans l’affaire T‑489/09 et quatrième moyen, sous b), dans l’affaire T‑490/09]

243    Les requérantes soutiennent que la Commission a violé le principe de bonne administration et a fait preuve de partialité. Elles reprochent ainsi à la Commission de n’avoir pas tenu compte de certaines circonstances qui se seraient avérées essentielles pour vérifier le bien-fondé des griefs formulés à l’égard des entreprises ayant participé à l’entente. Elles font également valoir un défaut de motivation de la première décision.

244    À titre liminaire, il convient de rappeler que le considérant 37 du règlement n° 1/2003 précise que celui-ci « respecte les droits fondamentaux et les principes reconnus en particulier par la charte des droits fondamentaux » et qu’il « doit être interprété et appliqué dans le respect de ces droits et principes ».

245    L’article 41 de la charte des droits fondamentaux, intitulé « Droit à une bonne administration », dispose, en son paragraphe 1, que « [t]oute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union ».

246    Selon la jurisprudence du juge de l’Union relative au principe de bonne administration, dans les cas où les institutions de l’Union disposent d’un pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14 ; arrêts du Tribunal du 15 décembre 2010, E.ON Energie/Commission, T‑141/08, Rec. p. II‑5761, point 65, et du 22 mars 2012, Slovak Telekom/Commission, T‑458/09 et T‑171/10, non encore publié au Recueil, point 68).

247    Par ailleurs, ainsi que l’a relevé à juste titre la Commission au considérant 468 de la première décision, les preuves doivent être appréciées dans leur ensemble en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes (voir arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 160 supra, point 175, et la jurisprudence citée).

248    En premier lieu, les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas tenu compte de trois circonstances objectives et établies qui s’avéreraient essentielles pour vérifier le bien-fondé des griefs formulés à l’égard des entreprises ayant participé au prétendu cartel, ce qui démontrerait la partialité qui aurait caractérisé son enquête. Tout d’abord, l’Ansfer, qui représenterait près de 65 % des acheteurs de ronds à béton en Italie, n’aurait jamais eu connaissance du fait que les entreprises de préfaçonnage auraient constaté des comportements anticoncurrentiels (considérant 63 de la première décision). Ensuite, les entreprises en cause auraient volontairement produit plusieurs factures de vente afin de permettre à la Commission de vérifier l’absence de similitude des prix des différents producteurs. Par ailleurs, la requérante dans l’affaire T‑490/09 ajoute que, lorsqu’il y a homogénéité des prix, celle-ci résulterait souvent du fait qu’un producteur a adapté ses prix à ceux d’un autre, ce qui serait licite. Ainsi, s’agissant du mécanisme d’adaptation des prix pratiqués, visé aux considérants 149 à 151 de la première décision, il serait plus conforme à la réalité de considérer qu’il y a eu un échange licite d’informations, à la suite duquel les entreprises auraient librement aligné leurs prix. Enfin, la Commission n’aurait pas tenu compte de l’étude Lear (Laboratorio di Economia, Antitrust, Regolamentazione), intitulée « L’industrie du rond à béton armé en Italie de 1989 à 2000 », commandée par les entreprises Alfa, Feralpi, IRO, SP et Valsabbia (ci-après l’« étude Lear »), qui démontrerait l’absence d’effets sur le marché du prétendu cartel. Dans la première décision, la Commission n’aurait tenu aucun compte de ces éléments et n’aurait fourni aucune explication à cet égard, ce qui démontrerait la partialité de son enquête. Selon la requérante dans l’affaire T‑489/09, en vertu du principe de bonne administration, la Commission aurait également été tenue de demander aux autres entreprises ayant participé au prétendu cartel leurs factures pour les ventes pour les mêmes quantités aux mêmes périodes.

249    Premièrement, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission a dûment tenu compte de la position de l’Ansfer aux considérants 55, 63 à 66 et 524 de la première décision. Elle a ainsi souligné, au considérant 524 de la première décision, que la déclaration de l’Ansfer ne pouvait pas effacer une donnée incontestable, consistant en des preuves documentaires de l’infraction.

250    Deuxièmement, la Commission a effectivement pris en compte, aux considérants 481 à 487 et 494 à 496 de la première décision, les factures de vente qui ont été produites par les entreprises en cause pour démontrer l’absence d’alignement sur les prix convenus.

251    S’agissant des accords en cause, au considérant 481 de la première décision, la Commission a notamment rappelé la jurisprudence du Tribunal selon laquelle le fait qu’une entreprise ne se plie pas aux résultats des réunions ayant un objet manifestement anticoncurrentiel n’est pas de nature à la priver de sa pleine responsabilité du fait de sa participation à l’entente, dès lors qu’elle ne s’est pas distanciée publiquement du contenu des réunions. Elle a ajouté que le fait que la Commission ne démontrait pas que toutes les entreprises impliquées aient mis l’accord en application ou que toutes l’aient appliqué de la même façon était sans pertinence. Au considérant 486 de la première décision, la Commission a également souligné que, dans le cas d’un accord, la question d’un comportement divergent, non identique ou non simultané, par rapport à la volonté commune exprimée d’adopter un comportement déterminé sur le marché, apparaissait sans importance, mais qu’elle pourrait éventuellement être examinée dans le cadre de l’appréciation de l’existence d’une pratique concertée. Par ailleurs, au considérant 487 de la première décision, la Commission a indiqué que le fait que les arrêts de production aient lieu en périodes de fêtes pour tous les producteurs et que cela constituait une pratique habituelle ou que les délais de paiement étaient ceux normalement pratiqués serait seulement pertinent en l’absence d’une concertation préalable.

252    En ce qui concerne les pratiques concertées visées par la première décision, la Commission a relevé, aux considérants 494 à 496 de la première décision, en ce qui concerne les prix de base, que la jurisprudence exigeait qu’un comportement fût effectivement mis en œuvre. Or, la publication de barèmes serait considérée comme un comportement au sens de la jurisprudence. Elle a ajouté que l’objet de la concertation était d’influer sur le comportement des producteurs sur le marché et de rendre public le comportement que chacun d’eux se proposait d’adopter concrètement en matière de détermination du prix de base. À cet égard, la distinction entre les barèmes de prix et les prix effectivement appliqués sur le marché, soulignée par les parties à l’entente, ne serait pas apparue déterminante, dès lors que les échantillons de factures relatives aux périodes pendant lesquelles les augmentations de prix étaient décidées, fournies par les parties à l’entente, n’auraient pas permis de vérifier si le prix moyen pratiqué correspondait au barème de prix ou divergeait de celui-ci. Par ailleurs, même dans les cas où les prix moyens auraient été fournis, il ne pourrait être exclu que la divergence ait été liée à la conjoncture du marché ou à la volonté d’exploiter l’entente à son propre avantage.

253    À cet égard, il a également été rappelé au point 175 ci-dessus que c’est aux opérateurs intéressés qu’il incombe de renverser la présomption selon laquelle les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Il s’ensuit que la requérante dans l’affaire T-489/09 ne saurait non plus valablement prétendre qu’il incombait à la Commission, en vertu du principe de bonne administration, de demander aux autres entreprises ayant participé au prétendu cartel leurs factures pour les ventes pour les mêmes quantités aux mêmes périodes.

254    La requérante dans l’affaire T‑490/09 ne saurait à cet égard valablement soutenir que, lorsqu’il y a homogénéité des prix, celle-ci résulterait souvent du fait qu’un producteur a adapté ses prix à ceux d’un autre, ce qui serait licite, ni que, s’agissant du mécanisme d’adaptation des prix pratiqués, visé aux considérants 149 à 151 de la première décision, il serait plus conforme à la réalité de considérer qu’il y a eu un échange licite d’informations, à la suite duquel les entreprises auraient librement aligné leurs prix. En effet, un tel argument est fondé sur la prémisse selon laquelle les entreprises auraient librement aligné leurs prix, laquelle est erronée dès lors que la Commission a recueilli de nombreux éléments de preuve que les hausses de prix constatées en l’espèce ont résulté de contacts collusoires entre les entreprises concernées. Il doit à cet égard être souligné que la requérante dans l’affaire T‑490/09 n’a pas contesté lesdits éléments de preuve, qui figurent dans le dossier administratif et ont été produits par la Commission en annexe de son mémoire en défense, lesquels établissent une telle chronologie entre les contacts collusoires et les augmentations de prix.

255    Troisièmement, la Commission a dûment tenu compte de l’étude Lear aux considérants 42, 50 à 56, 62, 513, 521 et 585 de la première décision. S’agissant en particulier des conclusions de l’étude Lear sur les effets de l’entente, la Commission a notamment relevé, au considérant 513 de la première décision, que, « ayant comme points de référence les prix moyens des suppléments de décembre 1989-janvier 1990 et mai-juin 2000 [… elle] estim[ait] une augmentation du prix des suppléments d’au moins 40 % en termes réels ». Selon la Commission, « [c]ela signifi[ait] que, même si on voulait considérer importantes les réductions du prix de base en termes réels, les données ne sembl[ai]ent pas supporter la thèse de l’étude Lear d’une réduction du prix total du 32 % en termes réels » et que, « [d]e toute façon, l’étude Lear se bas[ait] sur des hypothèses nécessaires à la reconstruction d’une partie des données (relatives à la première période) qui n’étaient pas disponibles ». En outre, au considérant 521 de la première décision, la Commission a rappelé la jurisprudence du Tribunal selon laquelle une analyse économique ne pouvait pas effacer la réalité incontournable de preuves documentaires (arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, point 94 supra, point 1088).

256    Eu égard aux considérations développées aux points 249 à 255 ci-dessus, la requérante dans l’affaire T‑489/09 ne saurait valablement prétendre que la Commission s’est abstenue de tenir compte des éléments mentionnés au point 243 ci-dessus, ni que la Commission s’est abstenue de fournir une explication à cet égard.

257    En deuxième lieu, la requérante dans l’affaire T‑489/09 fait valoir que même les éléments de preuve figurant dans la décision de 2002 et dans ses annexes sur les barèmes, lesquels feraient défaut dans la première décision, n’ont pas été correctement pris en compte par la Commission. Les ronds à béton constitueraient une matière première (commodity), pour laquelle la seule possibilité de concurrence résiderait dans les prix. Or, les prix annoncés par les différents producteurs, outre qu’ils étaient presque toujours indiqués en tant qu’« objectif », auraient souvent varié de 10 à 15 ITL/kg, voire de 10 à 20 ITL/kg, ce qui s’avérerait être une différence importante. À cet égard, la publication de barèmes de prix différents par les producteurs de ronds à béton en Italie aurait dû constituer pour la Commission la preuve évidente d’une distanciation substantielle de la part de chaque entrepreneur dans l’hypothèse éventuelle d’une prétendue entente.

258    Un tel argument doit toutefois être rejeté, dès lors qu’il ressort de la jurisprudence du Tribunal, rappelée au considérant 481 de la première décision (voir point 250 ci-dessus), que le fait qu’une entreprise ne se plie pas aux résultats des réunions ayant un objet manifestement anticoncurrentiel n’est pas de nature à la priver de sa pleine responsabilité du fait de sa participation à l’entente, dès lors qu’elle ne s’est pas distanciée publiquement du contenu des réunions. À supposer même que le comportement sur le marché de la requérante et des autres producteurs, qui auraient annoncé des objectifs de prix différents, naient pas été conformes au comportement convenu, cela n’affecte en rien leur responsabilité (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Sarrió/Commission, T‑334/94, Rec. p. II‑1439, point 118, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, C‑291/98 P, Rec. p. I‑9991, points 43 et 49), dès lors qu’elles ont simplement pu tenter d’utiliser l’entente à leur profit (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, point 74, et la jurisprudence citée).

259    La requérante dans l’affaire T-490/09 ajoute que, en omettant les annexes de la première décision, la Commission aurait eu la volonté de réduire ou même d’éliminer tous les éléments qui auraient pu, de quelque manière, aller à l’encontre de ses accusations. Un tel argument ne saurait toutefois être retenu, dès lors que l’omission des annexes a été corrigée par la décision modificative.

260    En troisième lieu, la requérante dans l’affaire T‑489/09 prétend qu’un grand nombre de considérants de la première décision consacrés aux faits (considérants 124 à 341 de la première décision) sont des appréciations subjectives qui ne peuvent être présentées comme des faits sur la base desquels il a été procédé à l’appréciation de l’affaire.

261    D’une part, au considérant 130 de la première décision, la Commission aurait indiqué qu’« [i]l ne fai[sai]t pas de doute que l’accord décrit au considérant 129 [était] effectivement entré en vigueur ». En effet, selon la Commission, « huit entreprises qui n’avaient pas adhéré à cet accord [… avaie]nt souhaité adhérer, à partir du 1er juin 1992, ‘à l’esprit et aux conditions de l’accord existant’ », ce qui constituerait une appréciation de la Commission et non un fait.

262    Il convient de souligner que la Commission a fait état, au considérant 129 de la première décision, de l’accord d’avril-mai 1992 visant à fixer les prix minimaux de vente de ronds à béton. Cet accord est attesté par le document qui a été retrouvé par la Commission dans les locaux de Federacciai. Au considérant 130 de la première décision, la Commission a considéré que, en raison du fait que huit entreprises avaient souhaité adhérer à l’accord le 1er juin 1992, l’accord était donc « certainement en vigueur au 31 mai 1992 (date précédant immédiatement celle à partir de laquelle les huit entreprises supplémentaires déjà citées [avaie]nt souhaité y adhérer) ». Or, une telle déduction, factuelle, fondée sur des documents figurant dans le dossier, ne saurait être considérée comme une appréciation subjective de la Commission. Il doit d’ailleurs être relevé que l’appréciation juridique dudit accord ne figure pas sous le titre « Contexte factuel » de la première décision, mais bien sous le titre « Appréciation juridique » de celle-ci, et notamment aux considérants 419, 478 et 479 de ladite décision.

263    D’autre part, la Commission aurait considéré comme un fait avéré que certaines entreprises entendaient adhérer à un accord sur les prix, entre avril et juillet 1992, avec la prévision d’arrêts de production, sur la seule base d’un document retrouvé, qui ne mentionnerait aucune entreprise en particulier. L’origine de ce document serait inconnue et si un tel document avait pu constituer un projet établi en vue de l’élaboration d’un autre document, il n’aurait été ni signé ni paraphé. Toutefois, force est de constater que le document auquel se réfère la Commission au considérant 132 de la première décision, qui a été retrouvé dans les locaux de Federacciai, mentionne, outre 19 entreprises concernées, certaines dates qui attestent de son adoption entre le 13 avril 1992 et le mois de juillet 1992 ainsi que des arrêts de production d’une durée de trois semaines aux mois de juillet et d’août et d’une semaine par mois de septembre 1992 à février 1993. Eu égard notamment au contexte décrit aux considérants 124 à 134 de la première décision, l’argument de la requérante selon lequel ledit projet ne serait ni paraphé ni signé est dépourvu de pertinence. En effet, l’interdiction de participer à des pratiques et à des accords anticoncurrentiels ainsi que les sanctions que les contrevenants peuvent encourir étant notoires, il est usuel que la documentation qui y est afférente soit réduite au minimum (voir, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 149 supra, point 55).

264    Les arguments de la requérante dans l’affaire T‑489/09 ne sauraient dès lors être retenus.

265    En quatrième lieu, dans la réplique, la requérante dans l’affaire T‑489/09 a souligné que, d’une part, aucune considération n’avait été accordée par la Commission au fait que, nonobstant un cartel ayant duré plus de dix ans, le nombre d’entreprises initialement participantes se serait réduit de quatre cinquièmes, avec la fermeture et le démantèlement de nombreux sites, et, d’autre part, les prix, en termes réels, des ronds à béton armé auraient chuté de 30 % durant cette période.

266    Dès lors que le grief mentionné au point 265 ci-dessus a uniquement été soulevé au stade de la réplique et ne constitue pas non plus l’ampliation d’un moyen énoncé dans la requête, il doit être déclaré irrecevable, conformément à la jurisprudence rappelée au point 62 ci-dessus.

267    En tout état de cause, force est de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante dans l’affaire T‑489/09, la Commission d’une part, a effectivement pris en considération, aux considérants 551, 552 et 585, la réduction du nombre d’entreprises actives sur le marché et, d’autre part, a réfuté l’argument tiré de la prétendue chute des prix réels au considérant 513 de la première décision. L’argument de la requérante dans l’affaire T‑489/09 ne saurait dès lors prospérer.

268    Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré de la violation des droits de la défense des requérantes [huitième moyen dans l’affaire T‑489/09 et quatrième moyen, sous c), dans l’affaire T‑490/09]

–       Observations liminaires

269    Il doit être rappelé qu’il ressort d’une jurisprudence constante que le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, constitue un principe fondamental du droit de l’Union, qui doit être observé, même s’il s’agit d’une procédure ayant un caractère administratif (arrêts de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 9, et du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, Rec. p. I‑7191, point 34).

270    Il convient de rappeler que ce sont la communication des griefs, d’une part, et l’accès au dossier, d’autre part, qui permettent aux entreprises faisant l’objet d’une enquête de prendre connaissance des éléments de preuve dont dispose la Commission et de conférer aux droits de la défense leur pleine effectivité (arrêts de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 220 supra, points 315 et 316 ; Aalborg Portland e.a./Commission, point 149 supra, points 66 et 67, et du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C‑328/05 P, Rec. p. I‑3921, point 55).

271    Corollaire du principe du respect des droits de la défense, le droit d’accès au dossier implique que la Commission doit donner à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense. Ceux-ci comprennent tant les pièces à conviction que celles à décharge, sous réserve des secrets d’affaires d’autres entreprises, des documents internes de la Commission et d’autres informations confidentielles (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 149 supra, point 68).

272    L’absence de communication d’un document à charge ne constitue une violation des droits de la défense que si l’entreprise concernée démontre, d’une part, que la Commission s’est fondée sur ce document pour étayer son grief relatif à l’existence d’une infraction et, d’autre part, que ce grief ne pourrait être prouvé que par référence audit document. S’il existait d’autres preuves documentaires dont les parties à l’entente ont eu connaissance au cours de la procédure administrative qui appuient spécifiquement les conclusions de la Commission, l’élimination en tant que moyen de preuve du document à conviction non communiqué n’infirmerait pas le bien-fondé des griefs retenus dans la décision contestée. Il incombe ainsi à l’entreprise concernée de démontrer que le résultat auquel la Commission est parvenue dans sa décision aurait été différent si devait être écarté comme moyen de preuve à charge un document non communiqué sur lequel la Commission s’est fondée pour incriminer cette entreprise (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 149 supra, points 71 à 73).

273    En revanche, s’agissant de l’absence de communication d’un document à décharge, l’entreprise concernée doit seulement établir que son absence de divulgation a pu influencer, au détriment de cette dernière, le déroulement de la procédure et le contenu de la décision de la Commission. Il suffit que l’entreprise démontre qu’elle aurait pu utiliser lesdits documents à décharge pour sa défense, en ce sens que, si elle avait pu s’en prévaloir lors de la procédure administrative, elle aurait pu invoquer des éléments qui ne concordaient pas avec les déductions opérées à ce stade par la Commission et aurait donc pu influencer, de quelque manière que ce soit, les appréciations portées par cette dernière dans la décision éventuelle, au moins en ce qui concerne la gravité et la durée du comportement qui lui était reproché, et, partant, le niveau de l’amende (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 149 supra, points 74 et 75).

274    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de répondre aux arguments des requérantes.

–       Sur la première branche, tirée de l’absence de communication de nouveaux griefs

275    Les requérantes font valoir que la première décision n’a pas été précédée d’une communication des griefs supplémentaires, à la suite de l’annulation de la décision de 2002, mais n’a été précédée que d’une simple lettre du 30 juin 2008. Or, dans cette lettre, il aurait été fait référence à des faits nouveaux et à une jurisprudence postérieure à la communication des griefs. Dès lors que les entreprises intéressées n’auraient pas eu la possibilité de prendre position de manière appropriée sur les nouveaux éléments de fait et jurisprudentiels cités par la Commission, leurs droits de la défense auraient été violés. Par ailleurs, certains griefs qui étaient formulés dans la décision de 2002 ne figureraient plus dans la première décision.

276    À titre liminaire, la Commission soutient que, dans la mesure où ce moyen se fonde sur le contenu prétendument nouveau de la lettre du 30 juin 2008, il doit être jugé irrecevable, dès lors que les requérantes n’indiqueraient pas quels seraient les faits nouveaux et la jurisprudence postérieure à la communication des griefs à laquelle elles se réfèrent.

277    Force est de constater que, si certes, dans leurs requêtes, les requérantes ont avancé, de manière générale, une violation de leurs droits de la défense en raison du défaut d’une communication des griefs supplémentaires, elles se sont également expressément fondées sur les éléments nouveaux figurant aux considérants 134 in fine, 208, 214, 473 et 478 de la première décision et sur la suppression des considérants 98, 175 et 176 de la décision de 2002, du texte de la première décision. Partant, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 62 ci-dessus, et pour autant qu’elles visent les éléments précités, figurant expressément dans les requêtes, la présente branche doit être déclarée recevable.

278    S’agissant du bien-fondé des allégations des requérantes, il doit être rappelé que la communication des griefs constitue la garantie procédurale appliquant le principe fondamental du droit de l’Union qui exige le respect des droits de la défense dans toute procédure. Ce principe exige notamment que la communication des griefs adressée par la Commission à une entreprise à l’encontre de laquelle elle envisage d’infliger une sanction pour violation des règles de concurrence contienne les éléments essentiels retenus à l’encontre de cette entreprise, tels que les faits reprochés, la qualification qui leur est donnée et les éléments de preuve sur lesquels la Commission se fonde, afin que cette entreprise soit en mesure de faire valoir utilement ses arguments dans le cadre de la procédure administrative engagée à son égard (arrêt de la Cour du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec. p. I‑7415, points 26 à 28 ; voir également, en ce sens, arrêt Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, point 269 supra, points 34 à 36, et la jurisprudence citée).

279    Le respect des droits de la défense exige en effet que l’entreprise intéressée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction à son égard (voir arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 149 supra, point 66, et la jurisprudence citée).

280    Il doit en outre être rappelé que, selon une jurisprudence constante, l’annulation d’un acte de l’Union n’affecte pas nécessairement les actes préparatoires, la procédure visant à remplacer l’acte annulé pouvant en principe être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue (arrêts de la Cour du 12 novembre 1998, Espagne/Commission, C‑415/96, Rec. p. I‑6993, points 31 et 32, et du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 220 supra, point 73 ; arrêt du Tribunal du 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑66/01, Rec. p. II‑2631, point 125).

281    Par ailleurs, selon la jurisprudence, lorsque, à la suite de l’annulation d’une décision en matière de concurrence, la Commission choisit de réparer la ou les illégalités constatées et d’adopter une décision identique qui n’est pas entachée de ces illégalités, cette décision concerne les mêmes griefs, sur lesquels les entreprises se sont déjà prononcées (arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 220 supra, point 98).

282    En l’espèce, force est de constater que, au moment de l’annulation de la décision de 2002, les actes préparatoires accomplis par la Commission permettaient une analyse exhaustive du comportement des entreprises en cause au regard de l’article 65, paragraphe 1, CA.

283    Dès lors que, ainsi qu’il a été rappelé au point 21 ci-dessus, la décision de 2002 a été annulée en raison du fait que l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA avait expiré le 23 juillet 2002 et que la Commission ne pouvait dès lors plus tirer de compétence desdites dispositions éteintes au moment de l’adoption de ladite décision pour constater une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA et pour imposer des amendes aux entreprises qui auraient participé à ladite infraction, l’exécution de l’arrêt SP e.a./Commission, point 21 supra, imposait à la Commission de reprendre la procédure au point précis où l’illégalité était intervenue, à savoir au moment de l’adoption de la décision de 2002. La Commission n’avait dès lors pas l’obligation d’adresser aux requérantes une nouvelle communication des griefs.

284    S’agissant des prétendues modifications opérées entre la décision de 2002 et la première décision, il doit être souligné que l’annulation de la décision de 2002 par l’arrêt SP e.a./Commission, point 21 supra, a entraîné la disparition de celle-ci de l’ordre juridique de l’Union. En outre, ainsi qu’il a été rappelé au point 270 ci-dessus, ce sont la communication des griefs, d’une part, et l’accès au dossier, d’autre part, qui confèrent aux droits de la défense leur pleine effectivité, en sorte que les comparaisons opérées par les requérantes entre la décision de 2002 et la première décision sont dépourvues de toute pertinence.

285    Premièrement, les requérantes prétendent que la première décision a formulé des griefs nouveaux. À cet égard, tout d’abord, l’argument des requérantes selon lequel le considérant 134 in fine de la première décision, qui énonce que, « [p]ar la suite, une limitation de la production de ce produit a également été envisagée », ajouterait un élément factuel nouveau par rapport à la décision de 2002 et déterminant pour qualifier l’entente de « très grave » est dénué de fondement, dès lors que cette affirmation a été formulée au point 63 de la communication des griefs.

286    Ensuite, les requérantes soutiennent que le considérant 208 de la première décision, qui précise que « [l]e terme ‘supplémentaire’ montre que la limitation prévue pour novembre a bien eu lieu » et que « [c]ette décision (la limitation supplémentaire) a été prise », semble comporter des éléments nouveaux par rapport au considérant 193 de la décision de 2002, sur lesquels les requérantes n’auraient jamais pu se prononcer. Toutefois, force est de constater que la mention du terme « supplémentaire » figurait déjà au point 139 de la communication des griefs et y avait même été souligné par la Commission.

287    Par ailleurs, les requérantes affirment que le considérant 214 de la première décision introduirait un élément nouveau par rapport au considérant 199 de la décision de 2002, en ce qu’il serait fait référence au fait que « Lucchini-Siderpotenza avait informé le 13 novembre 1997 M. Pierluigi Leali que son représentant […] ne pourrait pas participer à la réunion ». Toutefois, ainsi que le relève la Commission, cette affirmation figurait déjà au point 139 de la communication des griefs.

288    En outre, le considérant 473 de la première décision introduirait un élément nouveau, selon lequel, « le 29 août 1995, des décisions ont été prises sur les délais de paiement et la communication de données prévisionnelles sur la production ». Il y a néanmoins lieu de relever que cette indication figurait déjà notamment aux points 97 et 284 de la communication des griefs.

289    Enfin, le considérant 478 de la première décision ferait référence à un « protocole d’adhésion », qui n’aurait jamais été mentionné auparavant, à tout le moins dans un tel contexte. Force est toutefois de constater que ledit protocole était déjà mentionné à la note en bas de page n° 35 de la communication des griefs.

290    Deuxièmement, les requérantes affirment que certains griefs ne sont plus formulés. Toutefois, outre l’absence de pertinence des comparaisons effectuées par les requérantes entre la décision de 2002 et la première décision (voir point 284 ci-dessus), les requérantes n’indiquent nullement les raisons pour lesquelles la prétendue absence de formulation dans la première décision de griefs qui auraient figuré dans la décision de 2002 a pu constituer une violation de leurs droits de la défense. Les requérantes n’ont pas non plus contesté, dans leurs écritures, l’affirmation de la Commission selon laquelle ces considérants ne contenaient aucun élément à décharge des entreprises en cause, en sorte que leur grief ne saurait être accueilli.

291    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la première branche du présent moyen doit être rejetée.

–       Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de respect « dans leur intégralité » des droits de la défense de la requérante dans l’affaire T‑490/09

292    La requérante dans l’affaire T-490/09 fait observer que, au cours de la procédure qui a abouti à l’adoption de la première décision, la Commission n’a pas suffisamment respecté ses droits de la défense dans leur intégralité. Tout d’abord, lorsque la Commission a notifié la communication des griefs aux entreprises, elle aurait omis d’y joindre le CD-ROM contenant l’ensemble des documents accessibles relatifs au comportement en cause. Ensuite, la Commission n’aurait pas fait droit aux demandes de prorogation des délais impartis pour présenter des observations, notamment à l’occasion de la communication des griefs supplémentaires. Enfin, la Commission aurait commis plusieurs erreurs et omissions dans la transmission des pièces du dossier aux entreprises impliquées. Ainsi, il y aurait eu de nombreuses imprécisions s’agissant du classement des documents en fonction de leur degré d’accessibilité, lesquelles « auraient eu pour conséquence d’empêcher la requérante [dans l’affaire T-490/09] d’exercer effectivement son droit de défense ».

293    En premier lieu, s’agissant de l’omission du CD-ROM des documents notifiés aux entreprises en cause avec la communication des griefs, il doit être rappelé que, selon la jurisprudence, la circonstance selon laquelle un document est mentionné dans une communication des griefs sans y être annexé ne constitue pas, en principe, une violation des droits de la défense pour autant que les destinataires de ladite communication y ont accès avant qu’ils ne soient obligés de répondre à celle-ci (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec. p. II‑2395, point 60).

294    En l’espèce, la communication des griefs, notifiée le 26 mars 2002 (voir point 18 ci-dessus), est parvenue à ses destinataires le 28 mars 2002, tandis que le CD-ROM contenant les pièces du dossier a été transmis à ceux-ci le 4 avril 2002. Le délai qui avait été fixé par la Commission aux entreprises en cause pour présenter leurs observations, initialement fixé à six semaines, a été prorogé de quatre jours supplémentaires (ainsi que de trois jours additionnels pour tenir compte du fait que la période ainsi prorogée comportait des jours fériés) (considérant 116 de la première décision). Il ne saurait dès lors être considéré que les droits de la défense de la requérante dans l’affaire T‑490/09 ont été violés du fait d’une communication tardive du CD-ROM comportant le dossier d’instruction.

295    En deuxième lieu, pour ce qui concerne l’argument de la requérante dans l’affaire T-490/09 tiré de l’absence de prorogation des délais qui lui ont été impartis pour présenter ses observations, il a été souligné au point 294 ci-dessus qu’une première prorogation du délai pour répondre à la communication des griefs avait été accordée à la suite du retard dans la communication du CD-ROM en cause. Il ressort en outre du considérant 116 de la première décision, qui n’a pas été contesté par la requérante dans l’affaire T-490/09, que, contrairement à d’autres entreprises, elle n’a pas demandé au conseiller-auditeur une deuxième prolongation du délai qui lui avait été octroyé pour présenter ses éventuelles observations écrites à la Commission. À la suite de la rectification par la Commission de la communication des griefs en raison de la présence de renvois inexacts et du fait que certains documents du dossier étaient inaccessibles, celle-ci a accordé à ses destinataires un délai supplémentaire pour se prononcer sur lesdits griefs. S’agissant de la communication des griefs supplémentaires, adressée à ses destinataires le 13 août 2002, le délai qui avait été fixé pour permettre aux entreprises de présenter leurs observations et qui expirait le 13 septembre 2002 a été prorogé par le conseiller-auditeur au 20 septembre 2002. Une deuxième audition a en outre été organisée, en présence des représentants des États membres, le 30 septembre 2002 (considérant 119 de la première décision). Eu égard à ces éléments, l’argument de la requérante dans l’affaire T-490/09 tiré du prétendu refus de « toute demande de prorogation » est sans fondement.

296    En troisième lieu, pour ce qui concerne les prétendues imprécisions et erreurs dans le classement, en fonction de leur degré d’accessibilité, des documents transmis aux entreprises concernées, il suffit de constater que la requérante dans l’affaire T‑490/09 reste en défaut de citer les documents auxquels elle n’aurait pas eu accès ou les documents confidentiels la concernant qui auraient été divulgués et d’exposer les raisons pour lesquelles ces circonstances ont pu constituer une violation de ses droits de la défense.

297    Il s’ensuit que la deuxième branche du présent moyen doit être rejetée.

–       Sur la troisième branche, tirée de la « saisie » illégale de documents

298    La requérante dans l’affaire T‑490/09 allègue que, au cours de la procédure administrative, la Commission a violé ses droits de la défense en raison du fait que, lors de la vérification menée au siège de Leali, les agents de la Commission auraient « saisi » des documents relatifs aux AFLL, qui se trouvaient audit siège, alors même que AFLL n’aurait pas été destinataire de la décision de la Commission, du 16 octobre 2000, enjoignant à Leali et à Sideria Srl et à l’ensemble des sociétés qu’elles contrôlent de se soumettre à une vérification conformément à l’article 47 CA (affaire COMP/E-1/37.956 – Ronds à béton armé) (ci-après la « décision de vérification »). Or, la décision de vérification n’aurait pas autorisé la recherche ou la saisie de documents relatifs à d’autres entreprises que les destinataires de celle-ci. À cet égard, ce ne serait que par lettre du 14 février 2002 que la Commission aurait demandé à la requérante dans l’affaire T‑490/09 des informations au sens de l’article 47 CA.

299    Aux termes de l’article 47 CA :

« La Commission peut recueillir les informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Elle peut faire procéder aux vérifications nécessaires. »

300    Il doit être rappelé que, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision n° 379/84/CECA de la Commission, du 15 février 1984, définissant les pouvoirs des agents et mandataires de la Commission chargés des vérifications prévues par le traité CECA et les décisions prises pour son application (JO L 46, p. 23), « [l]es agents et mandataires de la Commission chargés d’exécuter à l’égard des entreprises les vérifications prévues à l’article 47, premier alinéa, [CA], sont investis des pouvoirs ci-après : a) effectuer les contrôles des livres et autres documents professionnels et financiers nécessaires à l’accomplissement du but de la vérification […] ; b) prendre copie, photocopie ou extrait des livres et documents professionnels et financiers ». La Commission pouvait dès lors, à bon droit, prendre copie de documents au siège des entreprises expressément visées à l’article 3 de la décision de vérification.

301    La requérante dans l’affaire T‑490/09 ne saurait à cet égard soutenir que la décision de vérification n’autorisait pas la Commission à rechercher ou à saisir des documents relatifs à des sociétés autres que Leali, Sideria et les sociétés contrôlées par elles. D’une part, il ressort du dixième considérant de la décision n° 379/84 que « la collecte des informations nécessaires ne doit être limitée que par le but de la vérification ». D’autre part, ainsi qu’il ressort de l’article 1er, premier alinéa, de la décision de vérification, Leali, Sideria et leurs filiales ont été tenues de se soumettre à une vérification « portant à la fois sur l’existence d’éventuels accords, pratiques concertées et/ou décisions d’associations d’entreprises contraires à l’article 65 [CA] dans le secteur des ronds à béton et ayant pour objet, notamment, la fixation des prix, l’attribution de quotas et la réduction de la production, et sur l’identité de toutes les entreprises et associations d’entreprises intéressées ».

302    Il s’ensuit que la Commission pouvait, à bon droit, effectuer des contrôles et prendre copie de documents relatifs à la requérante dans l’affaire T‑490/09, qui étaient entreposés dans les locaux de Leali, relatifs à l’existence d’éventuels accords, pratiques concertées ou décisions d’associations d’entreprises contraires à l’article 65 CA dans le secteur des ronds à béton et ayant pour objet, notamment, la fixation des prix, l’attribution de quotas et la réduction de la production, et sur l’identité de toutes les entreprises intéressées, conformément à l’article 1er de la décision de vérification.

303    Il s’ensuit que la troisième branche du présent moyen doit être rejetée.

–       Sur la quatrième branche, tirée de l’absence de communication des documents relatifs à la coopération de Ferriere Nord

304    La requérante dans l’affaire T‑489/09 fait valoir que ses droits de la défense ont été violés en raison du fait que la Commission ne lui aurait pas permis de prendre connaissance des documents qui lui avaient été présentés par Ferriere Nord dans le cadre de sa coopération au titre de la communication sur la coopération de 1996.

305    Selon le considérant 636 de la première décision, « Ferriere Nord a fourni à la Commission des indications utiles qui lui ont permis de mieux comprendre le fonctionnement de l’entente ». Au considérant 637 de la première décision, la Commission a ajouté que « Ferriere Nord a[vait] été la seule à [lui] communiquer […] des informations qui lui [avaie]nt permis de mieux comprendre le fonctionnement de l’entente ». La Commission a précisé, dans la note en bas de page n° 685 de la première décision, que « Ferriere Nord a[vait] fourni des précisions sur les documents retrouvés en son siège » et qu’elle lui avait communiqué spontanément le tableau visé au considérant 251 de la première décision, qu’elle avait complété en y ajoutant les noms des entreprises, codés dans le document en sa possession. Ainsi, selon la Commission, la contribution de Ferriere Nord lui a permis d’établir un lien avec le document « Hypothèse de travail », visé au considérant 247 de la première décision, en confirmant que le code et la clé de lecture étaient identiques. Elle a également souligné que l’acceptation partielle des demandes des deux entreprises qui avaient demandé une augmentation de leurs quotas, objets de l’accord de la fin de 1998, avait contribué à démontrer que l’hypothèse de travail n’était pas restée en l’état et que l’accord de septembre-novembre 1998 avait été mis à exécution.

306    La requérante dans l’affaire T‑489/09 relève que Ferriere Nord a coopéré avec les services de la Commission, en produisant les mémoires des 14 février et 13 juillet 2001 et un corrigendum du 30 juillet 2001 (considérant 114 de la première décision), lesquels auraient permis à la Commission de mieux comprendre le fonctionnement de l’entente. Ferriere Nord aurait ainsi bénéficié d’une réduction de 20 % du montant de son amende. La Commission n’aurait toutefois pas indiqué aux autres entreprises impliquées dans l’entente qu’elle considérait la coopération de Ferriere Nord comme utile pour mieux comprendre le fonctionnement de l’entente (point 152 de la communication des griefs) et n’aurait pas rendu ces mémoires accessibles auxdites entreprises avant l’adoption de la première décision, violant ainsi leurs droits de la défense. La requérante dans l’affaire T‑489/09 fait valoir que, dès lors que Ferriere Nord semble reconnaître des faits pour la période postérieure à 1997, se pose la question de savoir comment la Commission pourrait maintenir des griefs pour une période antérieure à 1997, à défaut de coopération décisive pour comprendre le fonctionnement de l’entente.

307    À titre liminaire, il doit être souligné que, au point 52 de la communication des griefs, la Commission a clairement identifié les mémoires qui lui avaient été communiqués par Ferriere Nord ainsi que les numéros des pages correspondantes de son dossier.

308    En premier lieu, il convient de rejeter l’argument de la requérante dans l’affaire T‑489/09 tiré du fait que la Commission n’aurait pas indiqué aux autres entreprises impliquées dans l’entente, jusqu’à la communication des griefs, qu’elle considérait la coopération de Ferriere Nord comme utile. Il ressort en effet du point E, paragraphe 2, de la communication sur la coopération de 1996 que ce n’est qu’au moment de l’adoption de la décision que la Commission apprécie une telle utilité.

309    En second lieu, la requérante dans l’affaire T‑489/09 ne saurait soutenir que la Commission a violé ses droits de la défense en ne rendant pas accessibles les mémoires visés au point 306 ci-dessus. En effet, l’argument de la requérante dans l’affaire T‑489/09 selon lequel la Commission ne pouvait maintenir des griefs pour une période antérieure à 1997, à défaut de coopération décisive pour comprendre le fonctionnement de l’entente, ne saurait être retenu, puisque, ainsi qu’il a été rappelé au point 305 ci-dessus, la contribution de Ferriere Nord a seulement permis à la Commission d’établir un lien avec le document « Hypothèse de travail », visé au considérant 247 de la première décision, relatif à l’accord de septembre-novembre 1998. Il ressort en outre de l’ensemble des éléments visés notamment aux considérants 419 à 459 de la première décision que la Commission ne s’est pas uniquement fondée sur la demande de coopération de Ferriere Nord pour établir l’infraction au cours de la période antérieure à 1997.

310    En tout état de cause, d’une part, il doit être souligné que, par le biais du mémoire du 14 février 2001, Ferriere Nord a communiqué à la Commission des informations et des documents relatifs au procès-verbal de vérification d’octobre 2000, ainsi qu’une copie d’un tableau saisi lors de la vérification, dûment complété en y ajoutant le nom des entreprises concernées, qui étaient codés dans le document détenu par la Commission. Ce document fait partie du dossier de la Commission et était accessible.

311    D’autre part, s’agissant du mémoire du 13 juillet 2001, il doit être relevé qu’il s’agit du document confidentiel par lequel Ferriere Nord a formellement demandé à pouvoir bénéficier de la communication sur la coopération de 1996. L’existence de ce mémoire (ainsi que du corrigendum du 30 juillet 2001) était connue de la requérante dans l’affaire T‑489/09, puisqu’il en a été fait mention au point 52 de la communication des griefs et que le contenu dudit mémoire et du corrigendum du 30 juillet 2001 avait été brièvement décrit dans un document versé au dossier, qui était également accessible.

312    Interrogée sur ce point lors de l’audience, la requérante dans l’affaire T‑489/09 a d’ailleurs confirmé au Tribunal qu’elle n’avait pas demandé, lors de la procédure administrative, l’accès aux documents présentés à la Commission par Ferriere Nord dans le cadre de sa coopération au titre de la communication sur la coopération de 1996, qui figuraient dans le dossier d’instruction et qu’elle ne s’était pas non plus plainte du caractère confidentiel du mémoire du 13 juillet 2001 et de son corrigendum, soulevé par Commission. Son grief ne saurait dès lors être accueilli.

313    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter la quatrième branche du présent moyen ainsi que le moyen dans son ensemble et, partant, de rejeter les conclusions visant à obtenir l’annulation de la première décision.

 Sur les conclusions visant à obtenir une réduction du montant de l’amende

 Sur le moyen tiré d’un défaut de motivation, de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et de la violation du principe d’égalité de traitement dans l’imposition d’une amende à la requérante dans l’affaire T‑490/09 (troisième moyen dans l’affaire T‑490/09)

314    La requérante dans l’affaire T‑490/09 fait valoir que l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 ne permet pas de sanctionner des entreprises qui n’ont pas de chiffre d’affaires, ce qui serait son cas , carelle aurait été mise en liquidation et n’aurait réalisé aucun chiffre d’affaires ni eu aucune activité durant l’année ayant précédé l’adoption de la première décision. La Commission n’aurait aucunement motivé le non-respect de l’obligation visée dans cette disposition, puisqu’elle se serait contentée de se référer, au considérant 632 de la première décision, au chiffre d’affaires total des sociétés composant l’entreprise unique afin de contourner l’interdiction énoncée à l’article 23, paragraphe 2, par la voie artificielle de la responsabilité solidaire.

315    En premier lieu, eu égard à la jurisprudence constante rappelée au point 66 ci-dessus, il convient de rejeter le grief de la requérante dans l’affaire T‑490/09 tiré d’une violation de l’obligation de motivation.

316    En effet, au considérant 632 de la première décision, la Commission a indiqué que, « [s]’agissant plus particulièrement de SP SpA en liquidation et des Acciaierie e Ferriere Leali en liquidation, il y a[vait] lieu de noter que le fait que l’une [ait alors été] inactive et l’autre en liquidation n[e l]’empêch[ait] pas […] de leur infliger des amendes dans la mesure où elles [étaie]nt solidairement responsables avec, respectivement, Lucchini et Leali ». La Commission a rappelé à ce propos que, « ces sociétés constituant une seule et unique entreprise, en vertu de la jurisprudence constante, c’[était] le chiffre d’affaires total des sociétés qui compos[ai]ent cette entreprise unique qui d[evait] être pris en compte aux fins de l’application du plafond imposé par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 ». La Commission a également expliqué les raisons pour lesquelles la requérante dans l’affaire T‑490/09 faisait partie de la même entreprise que Leali aux considérants 535 à 537 de la première décision. Il s’ensuit que la première décision est motivée à suffisance de droit s’agissant de la prise en compte du chiffre d’affaires total de l’entreprise unique constituée par la requérante dans l’affaire T‑490/09 et Leali aux fins du calcul du montant maximal de l’amende.

317    En deuxième lieu, la requérante dans l’affaire T-490/09 soutient que la Commission ne pouvait pas la sanctionner, en raison du fait qu’elle n’aurait pas eu de chiffre d’affaires ou d’activité durant l’année ayant précédé l’adoption de la première décision.

318    À cet égard, d’une part, selon une jurisprudence constante, la circonstance selon laquelle plusieurs sociétés sont solidairement tenues au paiement d’une amende au motif qu’elles forment une entreprise au sens de l’article 65 CA n’implique pas, en ce qui concerne l’application du plafond prévu par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, que l’obligation de chacune se limite à 10 % du chiffre d’affaires qu’elle a réalisé durant le dernier exercice social. En effet, le plafond de 10 %, au sens de cette disposition, doit être calculé sur la base du chiffre d’affaires cumulé de toutes les sociétés constituant l’entité économique unique agissant en tant qu’entreprise au sens de l’article 65 CA, puisque seul le chiffre d’affaires cumulé de ces sociétés peut constituer une indication de la taille et de la puissance économique de l’entreprise en question (voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, points 528 et 529, et du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑112/05, Rec. p. II‑5049, point 90).

319    D’autre part, il ressort également de la jurisprudence que les amendes infligées en raison de violations de l’article 65 CA, telles que prévues à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, ont pour objet de réprimer les actes illégaux des entreprises concernées ainsi que de dissuader tant les entreprises en question que d’autres opérateurs économiques de violer, à l’avenir, les règles du droit de la concurrence de l’Union. Or, le lien entre, d’une part, la taille et les ressources globales des entreprises et, d’autre part, la nécessité d’assurer un effet dissuasif à l’amende ne saurait être contesté. Ainsi, la Commission, lorsqu’elle calcule le montant de l’amende, peut prendre en considération, notamment, la taille et la puissance économique de l’entreprise concernée (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, Rec. p. I‑5361, point 102, et la jurisprudence citée).

320    Dès lors que la requérante dans l’affaire T‑490/09 n’a pas valablement contesté les conclusions de la Commission figurant aux considérants 535 à 537 de la première décision (voir également points 136 à 157 ci-dessus), selon lesquelles Leali et elle font partie de la même entreprise, elle ne saurait prétendre que le plafond de 10 % visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 aurait dû être calculé sur la base de son seul chiffre d’affaires réalisé durant l’exercice social précédent.

321    En troisième lieu, la requérante dans l’affaire T‑490/09 allègue qu’elle a subi une inégalité de traitement, dès lors que la Commission aurait décidé, pour des raisons d’opportunité, de ne pas sanctionner d’autres sociétés en liquidation dans la présente affaire.

322    Il y a lieu de rappeler que, selon l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T‑352/94, Rec. p. II‑1989, point 333).

323    En l’espèce, la formulation du grief de la requérante est trop imprécise, dès lors que ne sont mentionnés ni les sociétés en liquidation en cause, ni les considérants pertinents de la première décision. Ce grief est partant irrecevable.

324    En tout état de cause, selon une jurisprudence constante, la circonstance qu’un opérateur qui se trouvait dans une situation semblable à celle de la requérante dans l’affaire T‑490/09 n’a fait l’objet d’aucune constatation d’infraction de la part de la Commission ne saurait permettre d’écarter l’infraction retenue à l’encontre de ladite requérante, dès lors que celle-ci a été correctement établie (voir, en ce sens, arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, point 172 supra, point 146 ; arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, KE KELIT/Commission, T‑17/99, Rec. p. II‑1647, point 101, et Tokai Carbon e.a./Commission, point 258 supra, point 397).

325    Il y a dès lors lieu de rejeter le troisième moyen soulevé dans l’affaire T‑490/09.

 Sur le moyen tiré d’erreurs de droit et d’excès de pouvoir dans la détermination du montant de l’amende [neuvième moyen dans l’affaire T‑489/09 et quatrième moyen, sous d), dans l’affaire T‑490/09]

326    Le présent moyen comporte cinq branches, dont quatre ne sont invoquées que par la requérante dans l’affaire T‑489/09. La première est relative à l’appréciation de la gravité de l’infraction et est tirée du défaut de prise en considération du contexte économique et de l’absence d’impact économique de l’entente. La deuxième est tirée de la répartition erronée des entreprises concernées par catégories. La troisième est tirée de l’application « illogique » de la majoration de 105 % au titre de la durée de l’infraction. La quatrième est tirée de l’absence de prise en compte de la circonstance atténuante fondée sur la spécificité du marché sidérurgique. Enfin, la cinquième est tirée de la scission des anciennes Acciaierie e Ferriere Leali Luigi.

327    Tandis que, dans ses écritures, la requérante dans l’affaire T‑489/09 avait également soulevé une branche tirée de l’absence de prise en considération de sa propre incapacité de payer, elle s’est désistée de celle-ci lors de l’audience.

–       Observations liminaires

328    Il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul du montant des amendes. Cette méthode, circonscrite par les lignes directrices de 1998, comporte différents éléments de flexibilité permettant à la Commission d’exercer son pouvoir d’appréciation en conformité avec les dispositions de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 (voir, en ce sens, arrêt Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, point 269 supra, point 112, et la jurisprudence citée).

329    La gravité des infractions au droit de la concurrence de l’Union doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être prise en compte (arrêts Archer Daniels Midland/Commission, point 223 supra, point 72, et Prym et Prym Consumer/Commission, point 278 supra, point 54).

330    Ainsi qu’il a été exposé au point 31 ci-dessus, la Commission a, en l’espèce, déterminé le montant des amendes en faisant application de la méthode définie dans les lignes directrices de 1998.

331    Si les lignes directrices de 1998 ne sauraient être qualifiées de règle de droit à l’observation de laquelle l’administration serait, en tout cas, tenue, elles énoncent toutefois une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont l’administration ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 220 supra, point 209, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Carbone-Lorraine/Commission, T‑73/04, Rec. p. II‑2661, point 70).

332    En adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 220 supra, point 211, et la jurisprudence citée, et arrêt Carbone-Lorraine/Commission, point 331 supra, point 71).

333    En outre, les lignes directrices de 1998 déterminent, de manière générale et abstraite, la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 220 supra, points 211 et 213).

334    Conformément aux lignes directrices de 1998, la méthodologie applicable pour la fixation du montant de l’amende repose sur la fixation d’un montant de base auquel s’appliquent des majorations, pour tenir compte des circonstances aggravantes, et des diminutions, pour tenir compte des circonstances atténuantes.

335    Selon le point 1 des lignes directrices de 1998, le montant de base est déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction.

336    S’agissant de l’appréciation de la gravité de l’infraction, les lignes directrices de 1998 indiquent, au point 1 A, premier et deuxième alinéas, ce qui suit :

« [L]’évaluation du caractère de gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné. Les infractions seront ainsi classées en trois catégories permettant de distinguer les infractions peu graves, les infractions graves et les infractions très graves. »

337    Il ressort des lignes directrices de 1998 que les infractions peu graves pourront, par exemple, consister en des « restrictions, le plus souvent verticales, visant à limiter les échanges, mais dont l’impact sur le marché reste limité, ne concernant en outre qu’une partie substantielle, mais relativement étroite du marché communautaire » (point 1 A, deuxième alinéa, premier tiret, des lignes directrices de 1998). Quant aux infractions graves, la Commission précise qu’« il s’agira le plus souvent de restrictions horizontales ou verticales de même nature que dans le cas [des infractions peu graves], mais dont l’application est plus rigoureuse, dont l’impact sur le marché est plus large et qui peuvent produire leurs effets sur des zones étendues du marché commun ». Elle indique également qu’il pourrait « s’agir de comportements abusifs de position dominante » (point 1 A, deuxième alinéa, second tiret, des lignes directrices de 1998). S’agissant des infractions très graves, la Commission indique qu’il s’agit « pour l’essentiel de restrictions horizontales de type ‘cartels de prix’ et de quotas de répartition des marchés, ou autres pratiques portant atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur, telles que celles visant à cloisonner les marchés nationaux ou d’abus caractérisés de position dominante d’entreprise en situation de quasi-monopole » (point 1 A, deuxième alinéa, troisième tiret, des lignes directrices de 1998).

338    La Commission précise également que, d’une part, à l’intérieur de chacune de ces catégories, et notamment pour les catégories dites « graves » et « très graves », l’échelle des sanctions retenues permettra de différencier le traitement qu’il convient d’appliquer aux entreprises selon la nature des infractions commises et, d’autre part, il est nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs d’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif (point 1 A, troisième et quatrième alinéas, des lignes directrices de 1998).

339    Selon les lignes directrices de 1998, pour les infractions « très graves », le montant de départ envisageable des amendes va au-delà de 20 millions d’euros ; pour les infractions « graves », celui-ci peut varier entre 1 et 20 millions d’euros ; enfin, pour les infractions « peu graves », le montant de départ envisageable des amendes est compris entre 1 000 euros et 1 million (point 1 A, deuxième alinéa, premier à troisième tiret, des lignes directrices de 1998).

340    Pour ce qui concerne la durée de l’infraction, selon le point 1 B des lignes directrices de 1998, celle-ci devrait être prise en considération de manière à distinguer :

–        les infractions de courte durée (en général inférieure à un an), pour lesquelles aucun montant additionnel n’est prévu ;

–        les infractions de moyenne durée (en général de un à cinq ans), pour lesquelles un montant pouvant aller jusqu’à 50 % du montant retenu pour la gravité de l’infraction est prévu ;

–        les infractions de longue durée (en général au-delà de cinq ans), pour lesquelles un montant pouvant être fixé pour chaque année à 10 % du montant retenu pour la gravité de l’infraction est prévu.

341    À cet égard, ainsi que la Cour l’a rappelé dans ses arrêts du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission (C‑389/10 P, non encore publié au Recueil, point 129), et KME e.a./Commission (C‑272/09 P, non encore publié au Recueil, point 102), il appartient au juge de l’Union d’effectuer le contrôle de légalité qui lui incombe sur la base des éléments apportés par la partie requérante au soutien des moyens invoqués. Lors de ce contrôle, le juge ne saurait s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission ni en ce qui concerne le choix des éléments pris en considération lors de l’application des critères mentionnés dans les lignes directrices de 1998, ni en ce qui concerne l’évaluation de ces éléments pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait.

342    C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’examiner le présent moyen.

–       Sur l’appréciation de la gravité de l’infraction et sur le défaut de prise en considération du contexte économique et de l’absence d’impact économique de l’entente

343    La requérante dans l’affaire T‑489/09 souligne qu’il résulte des orientations et de la pratique décisionnelle de la Commission et de la jurisprudence du Tribunal que, aux fins d’apprécier la gravité d’une infraction, il y a lieu de tenir compte de son impact concret sur le marché ainsi que du contexte économique dans lequel opèrent les entreprises.

344    À titre liminaire, s’agissant de l’obligation ou non pour la Commission d’établir, aux fins du calcul du montant de l’amende, l’existence d’un impact concret de l’infraction sur le marché, il convient de rappeler que, si cet impact est un élément à prendre en considération pour évaluer la gravité de l’infraction, il s’agit d’un critère parmi d’autres, tels que la nature propre de l’infraction et l’étendue du marché géographique. De même, il ressort du point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices de 1998 que cet impact est à prendre en considération uniquement lorsqu’il est mesurable (arrêts de la Cour du 9 juillet 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑511/06 P, Rec. p. I‑5843, point 125, et Prym et Prym Consumer/Commission, point 278 supra, point 74 ; arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T‑224/00, Rec. p. II‑2597, point 143, et du 13 juillet 2011, ThyssenKrupp Liften Ascenseurs/Commission, T‑144/07, T‑147/07 à T‑150/07 et T‑154/07, Rec. p. II‑5129, point 207).

345    S’agissant de la prise en compte des effets de l’entente pour la détermination du montant de l’amende infligée aux entreprises en cause, premièrement, la Commission a rappelé, aux considérants 589 et 595 de la première décision, que l’effet qu’a pu avoir un accord ou une pratique concertée sur le jeu normal de la concurrence n’était pas un critère déterminant dans l’appréciation du montant adéquat de l’amende et que des éléments relevant de l’aspect intentionnel, et donc de l’objet d’un comportement, pouvaient en effet avoir plus d’importance que ceux relatifs à ses effets, surtout lorsqu’ils ont trait à des infractions intrinsèquement graves, telles que la fixation des prix et la répartition des marchés. Or, l’infraction constatée en l’espèce constituerait une infraction particulièrement « très grave » au droit de l’Union (considérant 591 de la première décision).

346    Deuxièmement, la Commission a considéré, au considérant 520 de la première décision, que l’affirmation des parties à l’entente selon laquelle l’entente n’avait eu aucun effet ne pouvait pas être retenue. La Commission s’est à cet effet référée aux considérants 513 à 524 de la première décision, dans lesquels elle a examiné les effets concrets de l’entente et a conclu que celle-ci avait influencé le prix de vente pratiqué par les producteurs de ronds à béton en Italie, même si les mesures prises au sein de l’entente n’avaient pas toujours immédiatement produit les résultats espérés par les entreprises qui y participaient. La Commission a également relevé que l’incidence insuffisante de certaines initiatives concernant les prix avait également conduit les entreprises en cause à les combiner avec d’autres mesures sur les volumes ou à modifier les mesures prises sur les prix. Par ailleurs, la Commission a souligné que les entreprises en cause représentaient environ 21 % du marché italien des ronds à béton en 1989, 60 % en 1995 et 83 % en 2000, ce qui a rendu l’effet sur le marché d’augmentations de prix concertées de plus en plus important. Enfin, la Commission a ajouté que le fait que les initiatives prises en cette matière étaient, dès 1989, communiquées à l’ensemble des producteurs de ronds à béton accroissait l’importance de ces effets durant les premières années de l’entente (considérant 519 de la première décision).

347    Troisièmement, la Commission a souligné que la circonstance que l’entente avait eu des effets sur une partie limitée du marché commun, en l’occurrence la totalité du territoire italien, n’atténuait pas la gravité de l’infraction, eu égard à l’importance de la production italienne (considérant 592 de la première décision). La Commission a toutefois tenu compte, lors de la détermination du montant de base de l’amende, du fait que l’entente avait porté sur un marché national qui était soumis, à l’époque des faits, à une réglementation particulière du traité CECA et sur lequel les entreprises en cause détenaient, dans les premiers temps de l’infraction, des parts limitées (considérant 599 de la première décision) (voir point 32 ci-dessus).

348    En premier lieu, la requérante dans l’affaire T‑489/09 fait valoir que, dès lors que l’entente aurait consisté à fixer des prix inférieurs ou, à tout le moins, dans la moyenne de ceux pratiqués dans les zones limitrophes de celle dans laquelle était intervenue l’infraction présumée, la Commission aurait dû réduire le montant de l’amende eu égard à son impact limité.

349    Il doit être relevé que, si la requérante dans l’affaire T‑489/09 affirme que les prix des ronds à béton en Italie pendant la durée de l’entente ont été inférieurs ou, à tout le moins, dans la moyenne de ceux pratiqués dans les zones limitrophes, elle ne fournit aucun élément de preuve à l’appui de cette affirmation. Son argument ne saurait dès lors prospérer.

350    En tout état de cause, ainsi que la Commission l’a souligné au considérant 591 de la première décision (voir points 32 et 345 ci-dessus), l’infraction constatée en l’espèce constitue une infraction très grave au droit de l’Union. En outre, c’est à juste titre qu’elle a considéré que la limitation des effets au marché italien ne permettait pas de réduire la gravité de l’infraction de très grave à grave, eu égard à l’importance de la production italienne, au fait que le chiffre d’affaires des entreprises destinataires de la première décision représentait près de 80 % du marché (en 2000) et était de l’ordre de 900 millions d’euros en 2000-2001 (considérant 592 de la première décision).

351    En deuxième lieu, la requérante dans l’affaire T‑489/09 souligne le caractère régional de l’entente.

352    Un tel argument ne saurait prospérer. Ainsi que la Commission l’a indiqué au considérant 592 de la première décision, sans que la requérante dans l’affaire T‑489/09 le conteste, l’Italie était le premier producteur de ronds à béton de la Communauté. En outre, le chiffre d’affaires des entreprises destinataires de la première décision représentait plus de 80 % du marché en 2000.

353    À cet égard, il résulte de la jurisprudence que l’étendue du marché géographique ne représente qu’un des trois critères pertinents, selon les lignes directrices de 1998, aux fins de l’appréciation globale de la gravité de l’infraction. Parmi ces critères interdépendants la nature de l’infraction joue un rôle primordial. En revanche, l’étendue du marché géographique n’est pas un critère autonome en ce sens que seules des infractions concernant plusieurs États membres seraient susceptibles de recevoir la qualification de « très graves ». Ni le traité CE, ni le règlement nº 1/2003, ni les lignes directrices de 1998, ni la jurisprudence ne permettent de considérer que seules des restrictions géographiquement très étendues peuvent être qualifiées ainsi (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, point 311, et la jurisprudence citée). En outre, le territoire entier d’un État membre, même s’il est, en comparaison avec les autres États membres, relativement petit, constitue, en tout état de cause, une partie substantielle du marché commun (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 28 ; voir arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, précité, point 312, et la jurisprudence citée).

354    En troisième lieu, la requérante dans l’affaire T‑489/09 affirme que le montant de l’amende qui lui a été infligée est disproportionné, dès lors que l’infraction aurait été qualifiée de « très grave » alors que, selon le considérant 597 de la première décision, pendant la période 1989-1995, l’entente aurait seulement été « grave ».

355    Force est toutefois de constater que, au considérant 597 de la première décision, la Commission a considéré que, si, certes, alors qu’avant 1995, il pouvait être considéré que l’entente était « relativement moins grave », puisque les comportements étaient moins structurés et donc relativement moins dangereux pour la concurrence, la gravité de l’infraction s’est accrue par la suite, lorsque de nouvelles mesures restrictives, telles que le contrôle ou la réduction de la production ou des ventes, ont été introduites. Ce comportement, qui, dans les faits, était toujours lié à l’augmentation du prix, a rendu l’entente encore plus structurée. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante dans l’affaire T‑489/09, la Commission n’a pas qualifié l’infraction de seulement « grave » audit considérant. En outre, ainsi qu’il a été rappelé au point 337 ci-dessus, l’échelle des sanctions retenues par la Commission permet de différencier le traitement qu’il convient d’appliquer aux entreprises selon la nature des infractions commises. Or, en l’espèce, la Commission a jugé opportun de fixer le montant de départ de l’amende infligée à la requérante à 3,5 millions d’euros, soit moins d’un cinquième du seuil minimal de 20 millions d’euros qui est normalement prévu par les lignes directrices de 1998 pour ce type d’infraction très grave (voir point 1 A, deuxième alinéa, troisième tiret, des lignes directrices de 1998). Le grief tiré de l’absence de proportionnalité du montant de départ de l’amende de la requérante ne saurait dès lors être retenu.

356    En quatrième lieu, la requérante dans l’affaire T‑489/09 fait valoir que la Commission n’a pas pris en compte le contexte économique de l’infraction. Force est de constater que ce grief n’est nullement explicité dans les écritures et est partant irrecevable, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 322 ci-dessus.

357    En tout état de cause, il y a lieu de souligner que la Commission a indiqué, au considérant 64 de la première décision, qu’elle connaissait le contexte économique du secteur de l’acier dans l’Union, et du rond à béton en particulier. Au considérant 68 de la première décision, la Commission a également considéré, sans être contredite par la requérante dans l’affaire T‑489/09, que, s’agissant des conditions de crise manifeste dans le secteur de la sidérurgie, les ronds à béton, qui ne rentrent plus dans le champ d’application du système de quotas depuis le 1er janvier 1986, avaient été exclus du « régime de surveillance » en raison du fait que les ronds à béton étaient pour plus de 80 % fabriqués par de petites entreprises à faibles coûts qui ne connaissent normalement pas de difficultés. L’argument de la requérante dans l’affaire T‑489/09 ne saurait dès lors prospérer.

358    Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter la première branche du présent moyen.

–       Sur la répartition erronée des entreprises concernées par catégories

359    La requérante dans l’affaire T‑489/09 conteste la répartition des entreprises en cause en catégories aux fins de la fixation du montant de départ de l’amende. Selon elle, une telle catégorisation ne serait licite que « si l’on ne peut faire autrement ou du moins sans mettre en œuvre des efforts d’enquête ou intellectuels intenses ».

360    Il ressort des lignes directrices de 1998 que, en premier lieu, celles-ci prévoient l’appréciation de la gravité de l’infraction en tant que telle, sur la base de laquelle un montant de départ général peut être fixé (point 1 A, deuxième alinéa, des lignes directrices de 1998). En second lieu, la gravité est analysée par rapport à la nature des infractions commises et aux caractéristiques de l’entreprise concernée, notamment sa taille et sa position sur le marché pertinent, ce qui peut donner lieu à la pondération du montant de départ, au classement des entreprises en catégories et à la fixation d’un montant de départ spécifique (point 1 A, troisième à septième alinéas, des lignes directrices de 1998).

361    En premier lieu, les requérantes affirment qu’une catégorisation des entreprises n’est licite « que si l’on ne peut faire autrement ou du moins sans mettre en œuvre des efforts d’enquête [ou des efforts] intellectuels intenses ».

362    Un tel argument doit être rejeté. Il y a lieu de rappeler en effet que, dans le cadre du calcul du montant des amendes infligées au titre de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, un traitement différencié entre les entreprises concernées est inhérent à l’exercice des pouvoirs qui incombent à la Commission en vertu de cette disposition. En effet, dans le cadre de sa marge d’appréciation, la Commission est appelée à individualiser la sanction en fonction des comportements et des caractéristiques propres aux entreprises concernées afin de garantir, dans chaque cas d’espèce, la pleine efficacité des règles de la concurrence de l’Union (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 109, et du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C‑76/06 P, Rec. p. I‑4405, point 44).

363    C’est ainsi que les lignes directrices de 1998 disposent que, pour une infraction de gravité donnée, il peut convenir, dans les cas impliquant plusieurs entreprises comme les cartels, de pondérer le montant de départ général pour établir un montant de départ spécifique tenant compte du poids, et donc de l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature (point 1 A, sixième alinéa, des lignes directrices de 1998). En particulier, il est nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs de l’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs (point 1 A, quatrième alinéa, des lignes directrices de 1998).

364    Les lignes directrices de 1998 précisent également que le principe d’égalité de sanction pour un même comportement peut conduire, lorsque les circonstances l’exigent, à l’application de montants différenciés pour les entreprises concernées sans que cette différenciation obéisse à un calcul arithmétique (point 1 A, septième alinéa, des lignes directrices de 1998).

365    En deuxième lieu, les requérantes font valoir qu’elles ont été sanctionnées par une amende d’un montant disproportionné par rapport à leur part de marché moyenne durant la durée prétendue du cartel, figurant au considérant 94 de la première décision. La requérante dans l’affaire T‑489/09 fait également valoir une disproportion du montant de l’amende par rapport à son chiffre d’affaires.

366    Tout d’abord, s’agissant de la prétendue disproportion du montant de départ de l’amende de la requérante dans l’affaire T‑489/09 par rapport à son chiffre d’affaires, force est de constater qu’il n’est nullement étayé, ladite requérante n’ayant d’ailleurs pas communiqué au Tribunal ledit chiffre d’affaires. Un tel grief est partant irrecevable, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 322 ci-dessus.

367    Ensuite, les requérantes affirment que la Commission aurait dû opérer une réduction plus cohérente et plus proportionnelle aux parts de marché détenues par chacune des sept autres entreprises par rapport au montant de départ le plus élevé fixé pour Feralpi, leader sur le marché, à savoir 5 millions d’euros. Il s’ensuivrait que, selon les données de la Commission relatives aux parts de marché, le montant de l’amende de Leali aurait dû être fixé à 3,10 millions au titre de la gravité. En outre, la part de marché de Leali n’aurait pas été de 6,4 %, comme l’a indiqué la Commission, mais de 5,99 %, en sorte que le montant de départ de son amende aurait dû être de 2,905 millions d’euros.

368    Un tel argument doit également être rejeté. Conformément au point 1 A, septième alinéa, des lignes directrices de 1998, la différenciation entre entreprises ayant participé à une même infraction ne doit pas obéir à un calcul arithmétique (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 220 supra, point 266, et arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑497, point 149).

369    Dès lors, pour vérifier si une répartition des membres d’une entente en catégories est conforme aux principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, il y a lieu de vérifier si la répartition opérée par la Commission est cohérente et objectivement justifiée (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, points 406 et 416 ; BASF/Commission, point 368 supra, point 157, et du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T‑69/04, Rec. p. II‑2567, point 184).

370    En l’espèce, ainsi qu’il a été relevé au point 33 ci-dessus, la Commission a distingué trois groupes d’entreprises sur la base des parts de marché moyennes au cours de la période 1990-1999, lesquelles ont été calculées comme suit (considérants 79, 82, 85, 87, 89, 94, 98 à 100, 104, 107, 599 à 602 de la première décision) : Feralpi (10,31 %) et Valsabbia (10,03 %) ont été placées dans le premier groupe, Lucchini (7,92 %), Alfa (7,87 %), Riva (7 %) et Leali (6,4 %) ont été placées dans le deuxième groupe (avec une part de marché moyenne représentant environ 70 % de la part de marché moyenne des entreprises du premier groupe) et IRO (4,99 %) et Ferriere Nord (3,65 %) ont été placées dans le troisième groupe (avec une part de marché moyenne représentant environ 35 % de la part de marché moyenne des entreprises du premier groupe).

371    Il doit être constaté que la première catégorie comprend les entreprises avec une part de marché moyenne supérieure à 10 % ; la deuxième catégorie comprend les entreprises ayant une part de marché moyenne située entre 6 et 8 % ; enfin, la troisième catégorie comprend les entreprises ayant une part de marché inférieure à 5 %. La répartition opérée par la Commission apparaît dès lors cohérente et objectivement justifiée.

372    À cet égard, l’argument avancé par la requérante dans l’affaire T‑489/09 selon lequel la part de marché de Leali sur le marché en cause n’aurait pas été de 6,4 %, mais de 5,99 %, ne convainc pas. Outre que ladite requérante s’est limitée à produire un tableau réalisé par ses soins sur la base de certaines données qui proviendraient d’Eurostat sans toutefois produire les données qui y figurent, elle ne fournit pas la moindre explication sur les raisons pour lesquelles les données la concernant, utilisées par la Commission et qu’elle ne conteste pas avoir communiquées elle-même à Federacciai, et qui figuraient déjà au point 36 de la communication des griefs, seraient erronées.

–       Sur l’application « illogique » de la majoration de 105 % au titre de la durée de l’infraction

373    La requérante dans l’affaire T‑489/09 rappelle que la Commission a considéré que l’infraction avait été continue pendant une durée de dix ans et demi, d’où une majoration du montant de l’amende de 105 %. Toutefois, ce n’est pas l’entente qui aurait été continue, mais bien les tentatives stériles de réaliser une harmonisation du marché. En tout état de cause, même selon la Commission, seul le volet de l’entente sur les suppléments de dimension aurait remonté à 1989, en sorte que la majoration de 105 % au titre de la durée ne devrait être applicable que pour la partie de la sanction de base calculée pour le seul volet de l’entente sur les suppléments, à l’exclusion des deux autres volets de l’entente.

374    Ainsi qu’il a été rappelé au point 335 ci-dessus, conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, la durée de l’infraction constitue l’un des éléments à prendre en considération pour déterminer le montant de l’amende à infliger aux entreprises coupables d’infractions aux règles de concurrence. En l’espèce, il ressort du considérant 606 de la première décision que Leali a participé à l’entente pendant la période allant du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000, soit une période infractionnelle de dix ans et six mois, correspondant à une infraction de longue durée. C’est donc en application des règles que la Commission s’est imposées dans les lignes directrices de 1998 que celle-ci a augmenté de 105 % le montant de l’amende au titre de la durée de l’infraction (voir point 340 ci-dessus).

375    Force est de constater que l’argument de la requérante dans l’affaire T‑489/09, en substance, ne vise pas à contester la durée de l’infraction qui a été sanctionnée, mais se fonde sur la prétendue absence d’effets sur le marché de l’entente et sur l’absence de caractère unique, complexe et continu de l’infraction constatée à son égard.

376    Or, d’une part, s’agissant de l’absence d’effets sur le marché de l’entente, l’argumentation de ladite requérante se confond, en substance, avec les griefs qui ont été rejetés aux points 218 à 242 et 343 à 357 ci-dessus.

377    D’autre part, la requérante dans l’affaire T‑489/09 se limite à affirmer que seul le volet de l’entente sur les suppléments de dimension aurait remonté à 1989, mais ne formule aucun argument visant spécifiquement à mettre en cause la nature unique, complexe et continue de l’entente.

378    À cet égard, ainsi que la Commission l’a rappelé à juste titre aux considérants 414 et 415 de la première décision, une violation de l’article 81 CE (et, par analogie, de l’article 65 CA), peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu. Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu’un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes une violation de ces dispositions (voir, par analogie, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 168 supra, point 81).

379    Or, il ressort de la première décision que les comportements relatifs à la fixation du prix de base et des délais de paiement sont apparus comme des épisodes de la mise en pratique d’un seul et même dessein visant la fixation d’un prix minimal convenu, dès lors que chacun de ces comportements (à l’exception de l’accord initial d’avril 1992) s’est concrétisé sous forme de modalités, plus ou moins semblables dans le temps, à travers lesquelles le prix minimal convenu a été fixé (considérant 437 de la première décision). S’agissant des suppléments de dimension, la Commission a relevé, au considérant 442 de la première décision, la nature complète de l’objet des comportements infractionnels répétés dans le temps, qui a consisté en la fixation de prix uniformes pour lesdits suppléments, ce qui confirme que tous les comportements décrits étaient l’exécution d’un même dessein.

380    Par ailleurs, ainsi que la Commission l’a souligné au considérant 510 de la première décision, les mêmes comportements ont été adoptés en matière de prix de base, de suppléments, de délais de paiement et de contrôle ou de limitation de la production ou des ventes, et ce pendant de longues années. Il existe en outre des preuves de réunions de contrôle des comportements concertés, ce qui montre que la situation sur le marché était surveillée en permanence et que de nouvelles initiatives étaient adoptées lorsque les entreprises impliquées le jugeaient nécessaire.

381    Il s’ensuit que c’est à bon droit que la Commission a majoré le montant de départ de l’amende de 105 % au titre de la durée de l’infraction et qu’elle n’a pas considéré que la majoration était uniquement applicable pour la partie de la sanction de base calculée pour le seul volet de l’entente sur les suppléments, à l’exclusion des deux autres volets de l’entente.

–       Sur la circonstance atténuante fondée sur la spécificité du marché sidérurgique

382    Les requérantes soutiennent que l’amende devrait être réduite eu égard à la circonstance atténuante tenant à la spécificité du marché sidérurgique dans le cadre du traité CECA, avec l’institutionnalisation de pratiques et de comportements commerciaux qui auraient souvent résulté de l’activisme de la Commission elle-même.

383    Ainsi qu’il a déjà été relevé au point 32 ci-dessus, il ressort de la première décision que, sans préjudice du caractère très grave de l’infraction, la Commission a effectivement tenu compte, lors de la détermination du montant de base de l’amende, des caractéristiques spécifiques de la présente affaire, en l’occurrence le fait qu’elle porte sur un marché national qui était soumis, à l’époque des faits, à une réglementation particulière du traité CECA et sur lequel les entreprises destinataires de ladite décision détenaient, dans les premiers temps de l’infraction, des parts limitées (considérant 599 de la première décision).

384    Or, les requérantes ne formulent aucun argument tenant à démontrer que cette circonstance devrait également être en prise en considération au titre d’une circonstance atténuante.

385    Il y a dès lors lieu de rejeter la présente branche du moyen.

–       Sur la scission des anciennes Acciaierie e Ferriere Leali Luigi

386    La requérante dans l’affaire T-489/09 demande que le Tribunal procède, en application du principe de proportionnalité, à une réduction substantielle du montant de l’amende eu égard aux activités reprises à la suite de la scission des anciennes Acciaierie e Ferriere Leali Luigi.

387    Un tel argument ne saurait être retenu, dès lors qu’il est fondé sur la prémisse erronée selon laquelle AFLL et Leali ne forment pas une unité économique. Il doit partant être rejeté, pour les motifs exposés aux points 152 à 155 ci-dessus.

 Sur l’appréciation de la coopération de Leali et sur l’inégalité de traitement par rapport à Ferriere Nord (sixième moyen, seconde branche, dans l’affaire T‑489/09)

388    Dans le cadre du présent moyen, la requérante dans l’affaire T‑489/09 fait valoir que, en fixant le montant de l’amende, la Commission a omis de prendre dûment en considération le fait que, durant son audition du 4 mars 2002, elle lui avait communiqué des informations de première importance, figurant dans un mémoire produit à cette occasion, et l’aurait informée de faits indubitablement nouveaux, relatifs à l’existence de suppléments de prix uniformes pour les ronds à béton dans d’autres pays de l’Union (considérant 59 de la première décision).

389    À titre liminaire, il doit être relevé que, ainsi que la Commission l’a indiqué au considérant 633 de la première décision, bien qu’elle ait publié, le 19 février 2002 (JO C 45, p. 3) et le 8 décembre 2006 (JO C 298, p. 17), de nouvelles communications sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes, c’est la communication sur la coopération de 1996 qui a été appliquée en l’espèce.

390    Dans la communication sur la coopération de 1996, la Commission a défini les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente pourront être exemptées d’amende ou bénéficier d’une réduction du montant qu’elles auraient autrement dû acquitter (point A, paragraphe 3, de la communication sur la coopération de 1996).

391    Conformément au point D, paragraphe 1, de la communication sur la coopération de 1996, « [l]orsqu’une entreprise coopère sans que les conditions exposées aux titres B [relatif à la non-imposition d’amende ou à la réduction très importante de son montant] et C [relatif à la réduction importante du montant de l’amende] soient toutes réunies, elle bénéficie d’une réduction de 10 à 50 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération ». Selon le paragraphe 2 de cette disposition, « [t]el peut être le cas si : avant l’envoi d’une communication des griefs, une entreprise fournit à la Commission des informations, des documents ou d’autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l’existence de l’infraction commise, [ou] après avoir reçu la communication des griefs, une entreprise informe la Commission qu’elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations ».

392    Ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 634 de la première décision, aucune des entreprises en cause en l’espèce n’a pu prétendre à la non-imposition, à une réduction très importante ou à une réduction importante du montant de l’amende, conformément aux points B et C de la communication sur la coopération de 1996.

393    S’agissant de l’application du point D de la communication sur la coopération de 1996, la Commission a examiné les cas de Ferriere Nord et de Leali, qui ont demandé à bénéficier de cette communication avant l’envoi de la communication des griefs (considérant 635 de la première décision).

394    D’une part, s’agissant de la coopération de Leali, le 4 mars 2002, cette entreprise a transmis un mémoire à la Commission, dans lequel elle a notamment indiqué, selon le considérant 115 de la première décision, que, de 1996 à 2000, plusieurs rencontres avaient eu lieu entre certaines entreprises productrices de ronds à béton, au cours desquelles ces entreprises se communiquaient mutuellement les barèmes de prix et les conditions de vente que chacune entendait appliquer, en s’engageant à respecter les prix de base du barème des ronds à béton annoncés et que, dans le cadre de ces réunions, les entreprises en cause ont parfois évoqué des ententes sur les prix et les quantités produites, qu’elle-même avait systématiquement respecté les suppléments liés au diamètre pratiqués en Italie par les producteurs de ronds à béton, qu’elle avait donné son accord, en 1998, à l’intervention de consultants, afin de vérifier s’il était possible de rationaliser la production d’autres entreprises et qu’elle avait participé à deux accords qui avaient impliqué la fermeture de deux concurrents et la reprise d’une partie des clients de ceux-ci (considérant 115 de la première décision).

395    S’agissant de l’appréciation de la coopération de Leali par la Commission, cette dernière a indiqué, au considérant 639 de la première décision, que, au cours de la rencontre du 4 mars 2002, ses services, après avoir examiné le matériel remis par celle-ci, avaient informé la société que leur soumission était très insuffisante pour bénéficier d’une réduction du montant de l’amende significative, puisqu’elle était déjà en possession d’éléments de preuve démontrant la participation de cette société à des comportements infractionnels que celle-ci ne reconnaissait pas dans son mémoire ou qui avaient eu lieu bien avant les dates mentionnées dans ledit mémoire. Leali a ainsi été invitée à soumettre, dans un délai de deux semaines, une contribution plus complète. Selon la Commission, elle n’a toutefois pas donné suite à cette demande.

396    Au considérant 640 de la première décision, la Commission a ajouté que, dans la meilleure des hypothèses, il pouvait être estimé que Leali avait reconnu de manière générale certains faits, ne concernant que la période postérieure à 1996. Leali n’aurait toutefois fourni aucun élément matériel pour étayer sa position et n’aurait pas confirmé le contenu des documents déjà en possession de la Commission. La Commission a dès lors conclu que Leali ne satisfaisait pas aux exigences du point D de la communication sur la coopération de 1996. Elle n’a dès lors pas bénéficié d’une réduction du montant de son amende.

397    D’autre part, pour ce qui concerne la coopération de Ferriere Nord, la Commission a indiqué, au considérant 636 de la première décision, que cette dernière lui « a[vait] fourni […] des indications utiles qui lui [avaie]nt permis de mieux comprendre le fonctionnement de l’entente ». Au considérant 637 de la première décision, la Commission a ajouté que « Ferriere Nord a[vait] été la seule à [lui] communiquer […] des informations qui lui [avaie]nt permis de mieux comprendre le fonctionnement de l’entente ». La Commission a précisé, dans la note en bas de page n° 685 de la première décision, que « Ferriere Nord a[vait] fourni des précisions sur les documents retrouvés en son siège » et qu’elle lui avait communiqué spontanément le tableau visé au considérant 251 de la première décision, qu’elle a complété en y ajoutant les noms des entreprises, cryptés dans le document en sa possession. Ainsi, selon la Commission, la contribution de Ferriere Nord lui a permis d’établir un lien avec le document « Hypothèse de travail », visé au considérant 247 de la première décision, en confirmant que le code et la clé de lecture étaient identiques. Elle a également souligné que l’acceptation partielle des demandes des deux entreprises qui avaient sollicité une augmentation de leurs quotas, objets de l’accord de la fin de 1998, avait contribué à démontrer que l’hypothèse de travail n’était pas restée en l’état et que l’accord de septembre-novembre 1998 avait été mis à exécution. Cette entreprise a dès lors bénéficié d’une réduction de 20 % du montant de son amende (considérant 638 de la première décision).

398    En premier lieu, la requérante dans l’affaire T‑489/09 soutient que l’invitation qui lui a été adressée durant l’audition (voir point 395 ci-dessus) était manifestement contradictoire, dès lors que la Commission aurait indiqué que les informations qui lui avait été fournies s’avéreraient insuffisantes pour « bénéficier d’une réduction significative de l’amende », tout en refusant de lui octroyer une réduction quelconque de son montant. Un tel argument doit être rejeté, dès lors que l’affirmation de la Commission ne saurait être interprétée comme une indication, même implicite, de ce que la coopération de ladite requérante aurait justifié une réduction, même non significative, du montant de son amende.

399    En deuxième lieu, la requérante dans l’affaire T‑489/09 estime que l’affirmation figurant au considérant 639 de la première décision, selon laquelle Leali n’aurait pas estimé opportun de donner suite à la demande de description plus précise des comportements en cause (voir point 395 ci-dessus), est contredite par le fait qu’elle aurait adressé à la Commission, le 14 mars 2002, une communication dans laquelle elle aurait à nouveau reconnu l’existence de suppléments pour diamètres pratiqués de manière uniforme dans de nombreux pays de l’Union.

400    Force est toutefois de constater que, dans cette lettre, la requérante dans l’affaire T‑489/09 a minimisé son rôle de coordinateur des réunions. Par ailleurs, ladite requérante n’explique pas en quoi la reconnaissance de l’existence de suppléments pour diamètres pratiqués de manière uniforme dans de nombreux pays de l’Union a contribué à confirmer l’existence de l’infraction commise en l’espèce, conformément au point D de la communication sur la coopération de 1996, et n’a en tout état de cause pas communiqué d’éléments de nature à démontrer que cette uniformité était le fruit d’un accord ou d’une pratique concertée.

401    À cet égard, il doit être rappelé que ne constitue pas une coopération relevant du champ d’application de la communication sur la coopération de 1996, ni, à plus forte raison, du point D de celle-ci, le fait pour une entreprise de mettre à la disposition de la Commission, dans le cadre de son enquête sur une entente, des informations relatives à des actes pour lesquels, en tout état de cause, elle n’aurait pas dû acquitter d’amende au titre du règlement n° 1/2003 (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, point 344 supra, point 297, et du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 452).

402    La requérante dans l’affaire T‑489/09 ne saurait non plus affirmer que la motivation exposée au considérant 640 de la première décision est illogique et erronée, en raison du fait que la Commission aurait reconnu qu’elle avait fait preuve de coopération tout en affirmant que cela ne constituait pas un motif justifiant l’application d’une sanction réduite, en ce que les informations communiquées étaient générales et partielles.

403    En effet, selon la jurisprudence, la simple volonté d’une entreprise de coopérer est dépourvue de signification. Le point D, paragraphe 2, premier tiret, de la communication sur la coopération de 1996 ne prévoit de réduction que pour l’entreprise qui « fournit à la Commission des informations, des documents ou d’autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l’existence de l’infraction commise » et non pour l’entreprise qui a seulement la volonté de coopérer ou se borne à coopérer avec la Commission (arrêt du Tribunal du 18 juillet 2005, Scandinavian Airlines System/Commission, T‑241/01, Rec. p. II‑2917, point 212). Ainsi, une entreprise qui ne fournit qu’un exposé des faits incomplet, confirmatif et ne présentant pas de valeur ajoutée ne peut se prévaloir d’un tel comportement (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 283).

404    En troisième lieu, la requérante dans l’affaire T‑489/09 souligne le caractère incompréhensible des affirmations de la Commission relatives au caractère prétendument général des informations qu’elle a communiquées, eu égard aux faits spécifiquement reconnus par celle-ci et exposés au considérant 115 de la première décision. Selon ladite requérante, il ressortirait dudit considérant que sa coopération a été importante et qu’elle aurait dû bénéficier d’une réduction significative du montant de son amende.

405    Il doit être rappelé que, si la Commission est tenue de motiver les raisons pour lesquelles elle estime que des éléments fournis par des entreprises dans le cadre de la communication sur la coopération de 1996 constituent une contribution justifiant ou non une réduction de l’amende infligée, il incombe en revanche aux entreprises souhaitant contester la décision de la Commission à cet égard de démontrer que celle-ci, en l’absence de telles informations fournies volontairement par ces entreprises, n’aurait pas été en mesure de prouver l’essentiel de l’infraction et donc d’adopter une décision infligeant des amendes (arrêt Erste Group Bank e.a./Commission, point 403 supra, point 297).

406    À cette fin, la requérante dans l’affaire T‑489/09 affirme qu’il résulte du considérant 115 de la première décision que sa coopération a été importante, de sorte que la Commission aurait dû lui octroyer une réduction significative du montant de l’amende. Ainsi, outre le fait que, selon elle, ses déclarations auraient permis à la Commission de connaître des faits nouveaux dépassant le marché italien (voir points 399 à 401 ci-dessus), celles-ci auraient également permis à la Commission « de pouvoir certainement corroborer certains éléments issus de son enquête » et de découvrir des faits nouveaux et pertinents concernant les ententes entre certains producteurs dans le cadre de l’« accord Darfo », auquel il serait fait référence aux considérants 245 et suivants de la première décision.

407    Il doit être rappelé qu’une réduction du montant de l’amende au titre d’une coopération lors de la procédure administrative n’est justifiée que si le comportement de l’entreprise en cause a permis à la Commission de constater l’existence de l’infraction avec moins de difficulté et, le cas échéant, d’y mettre fin (arrêt SCA Holding/Commission, point 148 supra, point 36 ; arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, Rec. p. II‑1129, point 325 ; voir également, en ce sens, arrêt Erste Group Bank e.a./Commission, point 403 supra, point 305).

408    Selon une jurisprudence constante, la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation pour évaluer si les renseignements ou les documents volontairement fournis par les entreprises ont facilité sa tâche et s’il y a lieu de reconnaître aux entreprises une réduction au titre du point D, paragraphe 2, de la communication sur la coopération de 1996 (arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 220 supra, point 394, et Erste Group Bank e.a./Commission, point 403 supra, point 248).

409    À cet égard, une réduction sur le fondement de la communication sur la coopération de 1996 ne saurait être justifiée que lorsque les informations fournies et, plus généralement, le comportement de l’entreprise concernée peuvent à cet égard être considérés comme démontrant une véritable coopération de sa part (arrêts de la Cour Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 220 supra, point 395 ; du 29 juin 2006, Commission/SGL Carbon, C‑301/04 P, Rec. p. I‑5915, point 68, et Erste Group Bank e.a./Commission, point 403 supra, point 281).

410    En l’espèce, d’une part, ainsi que la Commission l’a souligné au considérant 639 de la première décision, celle-ci était déjà en possession d’éléments de preuve démontrant la participation de Leali à des comportements infractionnels qu’elle ne reconnaissait pas dans son mémoire et qui avaient eu lieu bien avant les dates mentionnées dans celui-ci. Or, selon la jurisprudence, la Commission ne peut faire abstraction de l’utilité de l’information fournie, laquelle est nécessairement fonction des éléments de preuve déjà en sa possession (voir, en ce sens, arrêt Carbone-Lorraine/Commission, point 331 supra, point 279).

411    D’autre part, il y a lieu de considérer que, dans son mémoire du 4 mars 2002, la requérante dans l’affaire T‑489/09 [confidentiel](1).

412    Eu égard à ces éléments, il y a lieu de considérer que les éléments produits par la requérante dans l’affaire T‑489/09 n’ont pas contribué à confirmer l’existence de l’infraction commise et que c’est partant à juste titre que la Commission a estimé, au considérant 640 de la première décision, que, dans la meilleure des hypothèses, Leali avait reconnu certains faits de manière partielle, mais n’avait toutefois fourni aucun élément matériel pour étayer sa position et qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences du point D de la communication sur la coopération de 1996.

413    En quatrième lieu, la requérante dans l’affaire T‑489/09, qui a indiqué lors de l’audience qu’elle ne contestait pas la réduction du montant de l’amende qui avait été accordée à Ferriere Nord, soutient qu’elle a subi une inégalité de traitement par rapport à cette entreprise. À cet égard, selon ladite requérante, il semblerait ressortir de la décision de 2002 [considérant 98, sous a), b) et c)] que la Commission était déjà en possession de toutes les informations communiquées par Ferriere Nord dans le cadre de son mémoire en coopération.

414    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission ne saurait, dans le cadre de son appréciation de la coopération fournie par les membres d’une entente, méconnaître le principe d’égalité de traitement (arrêts du Tribunal Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 66 supra, point 237 ; du 20 mars 2002, ABB Asea Brown Boveri/Commission, T‑31/99, Rec. p. II‑1881, point 240, et Groupe Danone/Commission, point 401 supra, point 453).

415    Il doit être souligné, ainsi qu’il résulte du considérant 636 de la première décision, que Ferriere Nord a été la seule à communiquer à la Commission, spontanément et avant la communication des griefs, des informations qui lui ont permis de mieux comprendre le fonctionnement de l’entente et, en particulier, lui a communiqué spontanément le tableau visé au considérant 251 de la première décision, qu’elle a complété en y ajoutant les noms des entreprises, codés dans le document en possession de la Commission, ce qui a permis à cette dernière d’établir un lien avec le document « Hypothèse de travail », visé au considérant 247 de la première décision. Elle a également souligné que l’acceptation partielle des demandes des deux entreprises qui avaient sollicité une augmentation de leurs quotas, objets de l’accord de la fin de 1998, avait contribué à démontrer que l’hypothèse de travail n’était pas restée en l’état et que l’accord de septembre-novembre 1998 avait été mis à exécution. Contrairement à la requérante dans l’affaire T‑489/09, cette entreprise a donc effectivement communiqué à la Commission des informations qui lui ont permis de mieux comprendre le fonctionnement de l’entente.

416    Dès lors que c’est à bon droit que la Commission a estimé que la requérante dans l’affaire T‑489/09 ne pouvait pas bénéficier d’une réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération de 1996, les situations de cette dernière et de Ferriere Nord ne sont pas comparables.

417    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

 Sur le moyen tiré de la prescription de l’infraction (dixième moyen dans l’affaire T‑489/09)

418    La requérante dans l’affaire T‑489/09 fait valoir que la thèse du caractère continu de l’infraction est démentie par le fait que les réunions répétées entre producteurs, à supposer qu’elles aient eu lieu, n’auraient eu aucun résultat concret sur le marché, le prix de base au cours de la décennie ayant baissé en termes réels de 30 %. Dès lors que l’infraction ne présenterait pas de caractère continu, l’ensemble des faits reprochés antérieurs au 19 octobre 1996 seraient prescrits.

419    Force est de constater que le seul argument invoqué par la requérante dans l’affaire T‑489/09 aux fins de démentir le caractère continu de l’infraction est non fondé (voir point 160 ci-dessus), en sorte que son moyen doit être rejeté.

420    En tout état de cause, ainsi que le souligne la Commission, le délai de prescription de cinq ans prévu à l’article 25, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, et à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision n° 715/78/CECA de la Commission, du 6 avril 1978, relative à la prescription en matière de poursuites et d’exécution dans le domaine d’application du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (JO L 94, p. 22), n’a pas expiré.

421    Il résulte en effet de l’article 25, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 (et de l’article 1er, paragraphe 2, de la décision n° 715/78) que, pour les infractions continues ou répétées, la prescription commence à courir à compter du jour où l’infraction a pris fin, soit, en l’espèce, le 5 juillet 2000, date à laquelle a cessé l’infraction (considérant 606 de la première décision).

422    Conformément à l’article 25, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 et à l’article 2, paragraphe 3, de la décision n° 715/78, la prescription est notamment interrompue par tout acte de la Commission visant à l’instruction ou à la poursuite de l’infraction. Il s’ensuit que la prescription dans la présente affaire a été interrompue par l’envoi de la communication des griefs, en mars 2002 ainsi que par l’envoi de la communication des griefs supplémentaires, en août 2002.

423    En outre, selon l’article 25, paragraphe 6, du règlement n° 1/2003, qui correspond à l’article 3 de la décision n° 715/78, la prescription est suspendue aussi longtemps que la décision de la Commission fait l’objet d’une procédure pendante devant la Cour, c’est-à-dire, en l’espèce, jusqu’au 25 octobre 2007.

424    C’est partant à juste titre que la Commission a souligné, au considérant 572 de la première décision, que sept mois seulement s’étaient écoulés entre la notification de la communication des griefs supplémentaires, en août 2002, et l’ouverture de la procédure devant le Tribunal, tandis qu’un an et onze mois s’étaient écoulés entre le prononcé des arrêts du 25 octobre 2007 et la date de notification de la première décision. Il s’ensuit que le délai de prescription de cinq ans n’avait pas expiré au moment où la première décision a été adoptée.

425    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter le présent moyen.

426    Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation dans leur intégralité. En outre, en ce qui concerne les demandes, présentées à titre subsidiaire, tendant à la réformation du montant de l’amende imposée aux requérantes, eu égard notamment aux considérations qui précèdent, il n’y a pas lieu, dans l’exercice du pouvoir de pleine juridiction du Tribunal, de faire droit à cette demande.

2.     Affaire T‑56/10

427    Le recours dans l’affaire T‑56/10 a pour objet une demande d’annulation de la décision modificative.

428    Au soutien de leur recours dans l’affaire T‑56/10, les requérantes invoquent trois moyens dans leurs écritures. Le premier est tiré de l’illégalité de la régularisation ex post d’un acte entaché de graves vices. Le deuxième est tiré de la violation du principe de bonne administration. Enfin, le troisième est tiré de l’absence de base juridique appropriée de la décision modificative.

429    Lors de l’audience, les requérantes se sont désistées du premier moyen de leur recours dans l’affaire T‑56/10.

430    Il y a lieu, à titre liminaire, de statuer sur la recevabilité du recours dans l’affaire T‑56/10.

431    Selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où la partie requérante a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques (arrêt de la Cour du 24 juin 1986, AKZO Chemie et AKZO Chemie UK/Commission, 53/85, Rec. p. 1965, point 21 ; voir également arrêt du Tribunal du 14 septembre 1995, Antillean Rice Mills e.a./Commission, T‑480/93 et T‑483/93, Rec. p. II‑2305, points 59 et 60, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 20 juin 2001, Euroalliages/Commission, T‑188/99, Rec. p. II‑1757, point 26) ou, selon une autre formule, que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (arrêts de la Cour du 13 juillet 2000, Parlement/Richard, C‑174/99 P, Rec. p. I‑6189, point 33, et du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, point 21 ; arrêt du Tribunal du 28 septembre 2004, MCI/Commission, T‑310/00, Rec. p. II‑3253, point 44).

432    En l’espèce, il y a lieu de constater que, par la décision modificative, la Commission a ajouté à la première décision plusieurs tableaux, qui ne figuraient pas en annexe de celle-ci, et elle a corrigé les renvois numérotés auxdits tableaux dans plusieurs notes en bas de page de celle-ci.

433    Toutefois, ainsi qu’il a été exposé aux points 43 et 44 ci-dessus et qu’il résulte de l’examen du premier moyen dans les affaires T‑489/09 et T‑490/09 (voir points 60 à 96 ci-dessus), la décision modificative se limite à ajouter à la première décision plusieurs tableaux, qui ne figuraient pas en annexe de celle-ci, et à corriger les renvois numérotés auxdits tableaux dans plusieurs notes en bas de page de celle-ci, sans que cette modification des motifs de la première décision change la substance de ce qui a été décidé dans son dispositif. Il s’ensuit que les requérantes ne sauraient tirer aucun bénéfice de la seule annulation de la décision modificative. Du reste, si les requérantes cherchent à obtenir, dans le cadre du recours dans l’affaire T‑56/10, une décision du Tribunal qui affecte en réalité la première décision, il doit être constaté qu’une telle demande se confond en substance avec celles formulées dans les recours dans les affaires T‑489/09 et T‑490/09.

434    Dès lors, le recours dans l’affaire T‑56/10 est irrecevable et, partant, doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

435    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

436    Les requérantes ayant succombé en leurs conclusions, il y a lieu de les condamner aux dépens dans les présentes affaires, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T‑489/09, T‑490/09 et T‑56/10 sont jointes aux fins du présent arrêt.

2)      Les recours sont rejetés.

3)      Dans l’affaire T‑489/09, Leali SpA est condamnée aux dépens.

4)      Dans l’affaire T‑490/09, les Acciaierie e Ferriere Leali Luigi SpA sont condamnées aux dépens.

5)      Dans l’affaire T-56/10, Leali et les Acciaierie e Ferriere Leali Luigi sont condamnées aux dépens.

Martins Ribeiro

Popescu

Berardis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 décembre 2014.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

1.  Dispositions du traité CECA

2.  Dispositions du traité CE

3.  Règlement n° 1/2003

4.  Communication de la Commission sur certains aspects du traitement des affaires de concurrence résultant de l’expiration du traité CECA

Objet des litiges

Présentation des requérantes

Antécédents du litige

Première décision

Développements postérieurs à la notification de la première décision

Décision modificative

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Affaires T-489/09 et T‑490/09

Sur les conclusions visant à obtenir l’annulation de la première décision

Sur le moyen tiré de la violation des formes substantielles (premier moyen dans l’affaire T‑489/09 et premier moyen dans l’affaire T‑490/09)

Sur le moyen tiré de l’incompétence de la Commission, d’une erreur de droit quant à la base juridique de l’infraction et de l’amende, d’un excès de pouvoir et d’un détournement de la procédure (deuxième et quatrième moyens dans l’affaire T‑489/09 ainsi que deuxième moyen dans l’affaire T‑490/09)

–  Sur le choix de la base juridique de la première décision

–  Sur la compétence de la Commission pour constater et sanctionner une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA, après l’expiration du traité CECA, sur la base du règlement n° 1/2003

Sur le moyen tiré de l’absence de « légitimation passive » de la requérante dans l’affaire T‑489/09 (troisième moyen dans l’affaire T‑489/09)

Sur le moyen tiré de la violation de l’article 65 CA et de l’absence de motivation (cinquième moyen dans l’affaire T‑489/09)

Sur le moyen tiré d’une dénaturation des faits, de l’absence de motivation et de l’absence de prise en considération des spécificités du marché sidérurgique et des règles du traité CECA [septième moyen, première branche, dans l’affaire T‑489/09 et quatrième moyen, sous a), dans l’affaire T‑490/09]

Sur le moyen tiré de l’absence de prise en considération adéquate des facteurs fondamentaux propres au marché pertinent [quatrième moyen, sous a), dans l’affaire T‑490/09]

Sur le caractère non fondé des griefs formulés à l’égard de Leali (septième moyen, deuxième à quatrième branche, dans l’affaire T‑489/09)

–  Sur la « nature » de l’infraction

–  Sur les suppléments de dimension

–  Sur les conditions de vente et les délais de paiement

Sur le moyen tiré de la violation du principe de bonne administration et d’un défaut de motivation [sixième moyen, première branche, dans l’affaire T‑489/09 et quatrième moyen, sous b), dans l’affaire T‑490/09]

Sur le moyen tiré de la violation des droits de la défense des requérantes [huitième moyen dans l’affaire T‑489/09 et quatrième moyen, sous c), dans l’affaire T‑490/09]

–  Observations liminaires

–  Sur la première branche, tirée de l’absence de communication de nouveaux griefs

–  Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de respect « dans leur intégralité » des droits de la défense de la requérante dans l’affaire T‑490/09

–  Sur la troisième branche, tirée de la « saisie » illégale de documents

–  Sur la quatrième branche, tirée de l’absence de communication des documents relatifs à la coopération de Ferriere Nord

Sur les conclusions visant à obtenir une réduction du montant de l’amende

Sur le moyen tiré d’un défaut de motivation, de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et de la violation du principe d’égalité de traitement dans l’imposition d’une amende à la requérante dans l’affaire T‑490/09 (troisième moyen dans l’affaire T‑490/09)

Sur le moyen tiré d’erreurs de droit et d’excès de pouvoir dans la détermination du montant de l’amende [neuvième moyen dans l’affaire T‑489/09 et quatrième moyen, sous d), dans l’affaire T‑490/09]

–  Observations liminaires

–  Sur l’appréciation de la gravité de l’infraction et sur le défaut de prise en considération du contexte économique et de l’absence d’impact économique de l’entente

–  Sur la répartition erronée des entreprises concernées par catégories

–  Sur l’application « illogique » de la majoration de 105 % au titre de la durée de l’infraction

–  Sur la circonstance atténuante fondée sur la spécificité du marché sidérurgique

–  Sur la scission des anciennes Acciaierie e Ferriere Leali Luigi

Sur l’appréciation de la coopération de Leali et sur l’inégalité de traitement par rapport à Ferriere Nord (sixième moyen, seconde branche, dans l’affaire T‑489/09)

Sur le moyen tiré de la prescription de l’infraction (dixième moyen dans l’affaire T‑489/09)

2.  Affaire T‑56/10

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.


1 Données confidentielles occultées