Language of document : ECLI:EU:T:2015:302

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

21 mai 2015(*)

 « Marque communautaire – Procédure de nullité – Marques communautaires figuratives représentant une surface avec des pois noirs – Motif absolu de refus – Signe constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique – Article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement (CE) n° 207/2009 » 

Dans les affaires jointes T‑331/10 RENV et T‑416/10 RENV,

Yoshida Metal Industry Co. Ltd, établie à Tsubame-shi (Japon), représentée par Mes S. Verea, K. Muraro et M. Balestriero, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

les autres parties à la procédure devant la chambre de recours, intervenant devant le Tribunal, étant

Pi-Design AG, établie à Triengen (Suisse),

Bodum France, établie à Neuilly-sur-Seine (France),

Bodum Logistics A/S, établie à Billund (Danemark),

représentées par Mes H. Pernez et R. Löhr, avocats,

ayant pour objet des recours formés contre les décisions de la première chambre de recours de l’OHMI du 20 mai 2010 (affaires R 1235/2008-1 et R 1237/2008-1), relatives à des procédures de nullité entre Pi-design AG, Bodum France et Bodum Logistics A/S, d’une part, et Yoshida Metal Industry Co. Ltd, d’autre part,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude (rapporteur), président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 janvier 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige 

1        Les 3 et 5 novembre 1999, la requérante, Yoshida Metal Industry Co. Ltd, a présenté des demandes d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        Les marques dont l’enregistrement a été demandé sont les signes reproduits ci-après :

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3        Les produits pour lesquels les enregistrements ont été demandés relèvent des classes 8 et 21 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

–        classe 8 : « Coutellerie, ciseaux, couteaux, fourchettes, cuillers, queux à faux, coffins, fusils à aiguiser, pinces pour arêtes de poisson » ;

–        classe 21 : « Ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine (ni en métaux précieux, ni en plaqué), mélangeurs, spatules pour la cuisine, blocs à couteaux, pelles à tartes, pelles à gâteaux ».

4        Par décisions des 14 septembre et 23 novembre 2000, l’examinateur a rejeté lesdites demandes d’enregistrement au motif que les signes en cause étaient dépourvus de tout caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 (devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009).

5        À la suite de l’annulation, le 31 octobre 2001, par la deuxième chambre de recours de l’OHMI de l’une des décisions de refus susmentionnées, l’examinateur a levé, le 11 juillet 2002, l’objection concernant l’autre demande d’enregistrement. Les marques en cause ont été enregistrées les 25 septembre 2002 et 16 avril 2003.

6        Le 10 juillet 2007, les intervenantes, Pi-design AG, Bodum France et Bodum Logistics A/S, ont demandé que la nullité de ces marques soit déclarée en vertu de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 (devenu article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009), au motif qu’elles avaient été enregistrées en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), de ce règlement (devenu article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009). Dans leurs observations du 17 décembre 2007, les intervenantes ont ajouté que l’enregistrement devrait également être déclaré nul en raison de l’absence de caractère distinctif desdites marques.

7        Par décisions des 15 et 21 juillet 2008, la division d’annulation de l’OHMI a rejeté les demandes en nullité dans leur intégralité.

8        Le 25 août 2008, les intervenantes ont formé un recours contre chacune des décisions de la division d’annulation.

9        Par ses décisions du 20 mai 2010 dans les affaires R 1235/2008-1 et R 1237/2008-1 (ci-après les « décisions attaquées »), la première chambre de recours de l’OHMI, sur le fondement du motif absolu de refus posé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009, a accueilli les recours et annulé les décisions de la division d’annulation.

10      Aux points 24 à 28 des décisions attaquées, la chambre de recours a d’abord observé que, lors du dépôt des demandes d’enregistrement, les signes étaient simplement qualifiés de « figuratifs », aucune description n’y étant jointe. À la suite des objections soulevées par l’examinateur, la requérante aurait indiqué que le signe était une représentation bidimensionnelle de la « forme d’un produit », à savoir un manche de couteau [affaire R 1235/2008-1] ou qu’il représentait le « motif de manches de couteaux » [affaire R 1237/2008-1]. Dans la correspondance postérieure à la demande de nullité introduite par les intervenantes, le signe aurait pourtant été décrit par la requérante comme « une figure géométrique aléatoire » ou un « motif constitué par des points » [affaire R 1235/2008-1].

11      Selon la chambre de recours, cette dernière description aurait été élaborée avec le but précis d’éviter l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009, les photographies des couteaux commercialisés par le titulaire confirmant que le cadre entourant les pois noirs représentait le contour d’un manche de couteau et que ces pois représentaient des creux.

12      La chambre de recours a fait valoir à cet égard, au point 29 des décisions attaquées, « qu’une marque doit être examinée en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Parmi ces facteurs figurent naturellement les informations et les documents volontairement produits par le titulaire de la marque à l’appui de sa demande. »

13      Ensuite, aux points 30 et 31 des décisions attaquées, la chambre de recours a relevé que « le signe est une marque figurative consistant en une représentation bidimensionnelle du manche des produits pour lesquels l’enregistrement est sollicité ». Néanmoins, selon elle, la classification d’une marque comme figurative n’excluait pas d’office l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009.

14      Enfin, la chambre de recours a examiné, aux points 33 à 41 des décisions attaquées, si les pois noirs représentant des creux répondaient à une fonction technique. En s’appuyant sur les données relatives aux brevets existants, elle a conclu que les creux étaient nécessaires à l’obtention d’un effet antidérapant et que le fait qu’il était possible d’obtenir le même résultat avec d’autres formes n’excluait pas l’application du motif de refus en cause.

15      Ayant déclaré les enregistrements nuls sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009, la chambre de recours n’a pas jugé nécessaire de statuer sur l’autre motif de nullité invoqué par les intervenantes, dont la requérante contestait la recevabilité.

 Procédures devant le Tribunal et la Cour

16      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal les 12 août et 15 septembre 2010, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation, respectivement, de chacune des décisions attaquées.

17      À l’appui de ces recours, la requérante invoquait un moyen unique tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009. Ce moyen s’articulait en trois branches, tirées, la première, d’une interprétation erronée de la portée de cette disposition, la deuxième, de l’appréciation erronée de l’objet des marques en cause et, la troisième, d’une application erronée du motif de refus posé par cette disposition.

18      Le Tribunal a d’abord rejeté, aux points 22 à 28 de ses arrêts du 8 mai 2012, Yoshida Metal Industry/OHMI – Pi-Design e.a. (Représentation d’une surface triangulaire avec des pois noirs) (T‑331/10, EU:T:2012:220) et Yoshida Metal Industry/OHMI – Pi-Design e.a. (Représentation d’une surface avec des pois noirs) (T‑416/10, EU:T:2012:222) (ci-après les « arrêts du 8 mai 2012 »), la première branche du moyen unique invoqué par la requérante, en jugeant, aux points 27 des arrêts du 8 mai 2012, que, « [e]u égard au libellé de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009 et à l’objectif d’intérêt général qu’il poursuit, il y a[vait] lieu de conclure qu’il s’appliqu[uait] à tout signe, bi- ou tridimensionnel, dès lors que toutes les caractéristiques essentielles du signe répond[ai]ent à une fonction technique ».

19      Ensuite, le Tribunal a constaté, aux points 30 des arrêts du 8 mai 2012, ce qui suit :

« [L]e caractère creux des pois noirs ne fait pas partie de la marque contestée telle que déposée et enregistrée. En effet, rien dans la représentation graphique de la marque contestée ne suggère que les pois noirs en cause représentent des creux plutôt que des motifs figuratifs. De même, l’enregistrement de la marque contestée n’est assorti d’aucune description en ce sens. Pour conclure au caractère concave des pois, la chambre de recours ne s’est pas donc pas référée au signe déposé, mais à des représentations des produits effectivement commercialisés par la requérante ».

20      Enfin, le Tribunal, aux points 31 des arrêts du 8 mai 2012, a jugé que, lors de l’appréciation des caractéristiques des signes litigieux, « seule la forme telle que reproduite dans la demande d’enregistrement d[evai]t faire l’objet de l’examen de la marque », à l’exclusion d’autres éléments tels que des représentations des produits effectivement commercialisés.

21      Dans ces conditions, le Tribunal a conclu, au point 35 des arrêts du 8 mai 2012, que « c’[était] à tort que la chambre de recours s’[était] écartée de la représentation graphique de la marque contestée lorsqu’elle s’[était] référée aux représentations des produits effectivement commercialisés par la requérante pour conclure au caractère concave des pois noirs figurant dans cette dernière marque. »

22      Partant, le Tribunal a accueilli la deuxième branche du moyen unique invoqué par la requérante et annulé les décisions attaquées.

23      Par requêtes déposées au greffe de la Cour le 16 juillet 2012, les intervenantes ont introduit des pourvois par lesquels elles demandaient à la Cour d’annuler les arrêts du 8 mai 2012, de déclarer la nullité des marques communautaires contestées, de renvoyer les affaires devant le Tribunal avec obligation pour celui-ci de renvoyer les affaires devant la chambre de recours en cas d’annulation des décisions de cette dernière et de condamner la requérante aux dépens. À l’appui de leurs pourvois, les intervenantes ont invoqué un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009.

24      Par requêtes déposées au greffe de la Cour le 16 juillet 2012, l’OHMI a introduit des pourvois par lesquels il demandait à la Cour d’annuler les arrêts du 8 mai 2012 et de condamner la requérante aux dépens. L’OHMI a invoqué deux moyens au soutien de ses pourvois, tirés, le premier, de la violation par le Tribunal de l’obligation de motivation qui lui incombe en vertu des articles 36 et 53 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et, le second, à l’instar des intervenantes, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009.

25      Par arrêt du 6 mars 2014, Pi-Design e.a./Yoshida Metal Industry (C‑337/12 P à C‑340/12 P, EU:C:2014:129, ci-après l’« arrêt de la Cour »), la Cour a annulé les arrêts du 8 mai 2012, a renvoyé les affaires devant le Tribunal et a réservé les dépens.

26      Aux points 54 à 65 de son arrêt, la Cour a relevé ce qui suit :

« 54      […] [I]l ressort de l’arrêt Lego Juris/OHMI, que l’autorité compétente peut effectuer un examen approfondi dans le cadre duquel sont pris en compte, outre la représentation graphique et les éventuelles descriptions déposées lors du dépôt de la demande d’enregistrement, des éléments utiles à l’identification convenable des caractéristiques essentielles d’un signe.

55      Cette possibilité offerte, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt Lego Juris/OHMI, à l’autorité compétente lors de l’examen d’un signe tridimensionnel peut été étendue à l’examen de tout signe constitué par la forme d’un produit au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94 (voir par analogie, s’agissant de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement, notamment, arrêts Henkel/OHMI, point 38, et du 6 septembre 2012, Storck/OHMI, C‑96/11 P, point 33).

56      En effet, il importe de veiller à ce que les opérateurs économiques ne puissent s’approprier indûment certains signes qui ne font qu’incorporer une solution technique et dont l’enregistrement en tant que marque gênerait l’utilisation de cette solution technique par d’autres entreprises (voir, en ce sens, arrêt Lego Juris/OHMI, précité, point 48).

57      Certes, il ressort de la jurisprudence de la Cour, rappelée aux points 31 et 32 des arrêts [du 8 mai 2012], d’une part, que la représentation graphique d’une marque doit être complète par elle-même, facilement accessible et intelligible afin qu’un signe puisse faire l’objet d’une perception constante et sûre qui garantisse la fonction d’origine de ladite marque. Il découle, d’autre part, de la jurisprudence de la Cour que l’exigence de la représentation graphique a pour fonction notamment de définir la marque elle-même afin de déterminer l’objet exact de la protection conférée par la marque enregistrée à son titulaire (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2002, Sieckmann, C‑273/00, Rec. p. I‑11737, points 48 à 52, et du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys, C‑307/10, non encore publié au Recueil, point 37).

58      Toutefois, les conditions que la représentation graphique doit remplir pour assurer sa fonction, lesquelles concernent l’aptitude générale d’un signe à constituer une marque au sens de l’article 4 du règlement n° 40/94, ne sauraient restreindre l’examen de l’autorité compétente dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du même règlement, d’une façon qui serait susceptible de porter atteinte à l’intérêt général qui sous-tend cette dernière disposition.

59      En second lieu, ainsi que l’a rappelé le Tribunal au point 33 des arrêts [du 8 mai 2012], la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque communautaire est la date pertinente pour l’examen du motif de nullité allégué (voir ordonnances du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, Rec. p. I‑8993, point 40, et du 16 mai 2011, Torresan/OHMI, C‑5/10 P, point 84).

60      Cependant, tel que le souligne l’OHMI dans le cadre de la deuxième branche de son second moyen, la Cour a jugé à maintes reprises que des éléments qui, bien que postérieurs à la date du dépôt de la demande d’enregistrement, permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date peuvent, sans erreur de droit, être pris en considération (voir ordonnances précitées Alcon/OHMI, point 41, et Torresan/OHMI, point 84).

61      Il en résulte que, en concluant que les dispositions en cause excluent la prise en compte de l’utilisation effective de la marque après son enregistrement, le Tribunal a commis une erreur de droit.

62      En outre, il convient de rappeler que, par la seconde branche de leur moyen unique, Pi-Design e.a. invoquent la dénaturation par le Tribunal des éléments de preuve figurant aux dossiers soumis à ce dernier, dans la mesure où il en ressortirait que l’OHMI aurait, en réalité, pris en compte l’utilisation effective des signes à la date du dépôt des demandes d’enregistrement.

63      Or, il importe de constater qu’il ressort de la lecture des pièces des dossiers soumis au Tribunal, notamment des annexes 2 et 4 aux mémoires en réponse de Pi-Design e.a. en première instance, que, à la date du dépôt des demandes d’enregistrement, Yoshida commercialisait déjà, y compris sur le marché de l’Union, des produits portant les signes litigieux.

64      Il s’ensuit que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé, la prise en compte par l’OHMI des représentations des produits effectivement commercialisés par Yoshida n’entraînait pas nécessairement une analyse fondée sur l’utilisation des signes litigieux postérieurement à la date des enregistrements.

65      Au vu de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu d’accueillir le moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94 et de déclarer les pourvois fondés. »

27      Dans ces conditions, la Cour a annulé les arrêts du 8 mai 2012, renvoyé les affaires devant le Tribunal.

 Procédure et conclusions des parties

28      Les présentes affaires ont été attribuées à la septième chambre du Tribunal.

29      Conformément à l’article 119, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la requérante, l’OHMI et les intervenantes ont chacun déposé un mémoire d’observations écrites.

30      Les affaires T‑331/10 RENV et T‑416/10 RENV ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt, par ordonnance du président de la septième chambre du Tribunal du 11 décembre 2014.

31      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        confirmer intégralement les décisions de la division d’annulation des 15 et 21 juillet 2008 ;

–        confirmer la pleine validité des enregistrements des marques communautaires n° 1371244 et n° 1372580 ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

32      L’OHMI et les intervenantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal : [Obs. Pi-Design, page 9]

–        rejeter la demande de la requérante ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

33      Au soutien de ses recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009. Ainsi qu’il a été rappelé au point 17 ci-dessus, ce moyen s’articule en trois branches, tirées, la première, d’une interprétation erronée de la portée de cette disposition, la deuxième, de l’appréciation erronée de l’objet des marques en cause et, la troisième, d’une application erronée du motif de refus posé par cette disposition.

 Sur l’applicabilité de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009 à des signes figuratifs

34      Il convient d’observer que l’article 4 du règlement n° 207/2009 donne une définition relativement large des signes qui sont susceptibles de constituer une marque communautaire et que cette définition inclut les formes du produit ou son conditionnement. Selon cette définition, ce n’est pas l’apparence du signe qui est décisive pour le retenir comme marque communautaire, mais son aptitude à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.

35      Il ressort de l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 207/2009 que toutes les formes ne sont pas enregistrables en tant que marque communautaire. L’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), dudit règlement prévoit ainsi que « [s]ont refusés à l’enregistrement […] les signes constitués exclusivement […] par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ».

36      L’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 207/2009 ne définit cependant pas les signes qui doivent être considérés comme forme au sens de cette disposition. Il ne fait aucune distinction entre des formes tridimensionnelles, des formes bidimensionnelles ou encore des représentations bidimensionnelles d’une forme tridimensionnelle. Force est donc de constater que l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 207/2009 peut donc s’appliquer à des formes bidimensionnelles.

37      De plus, il ressort de la jurisprudence que le motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 207/2009 a pour objet d’éviter que la protection du droit de la marque aboutisse à conférer à son titulaire un monopole sur des solutions techniques ou des caractéristiques utilitaires d’un produit, susceptibles d’être recherchées par l’utilisateur dans les produits des concurrents. L’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 207/2009 entend ainsi éviter que la protection conférée par le droit de marque ne s’étende, au-delà des signes permettant de distinguer un produit ou service de ceux offerts par les concurrents, pour s’ériger en obstacle à ce que ces derniers puissent offrir librement des produits incorporant lesdites solutions techniques ou lesdites caractéristiques utilitaires en concurrence avec le titulaire de la marque (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2002, Philips, C‑299/99, Rec, EU:C:2002:377, point 78).

38      En ce qui concerne, en particulier, les signes constitués exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique mentionnés à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009, il convient de constater que cette disposition s’oppose à l’enregistrement des formes dont les caractéristiques essentielles répondent à une fonction technique, de sorte que l’exclusivité inhérente au droit des marques ferait obstacle à la possibilité pour les concurrents d’offrir un produit incorporant une telle fonction, ou du moins à leur libre choix de la solution technique qu’ils souhaitent adopter pour incorporer une telle fonction dans leur produit (arrêt Philips, point 37 supra, EU:C:2002:377, point 79).

39      Eu égard au libellé de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009 et à l’objectif d’intérêt général qu’il poursuit, il y a lieu de conclure qu’il s’applique à tout signe, bi- ou tridimensionnel, dès lors que toutes les caractéristiques essentielles du signe répondent à une fonction technique.

40      Il convient dès lors de rejeter les arguments de la requérante en ce qu’ils contestent la possibilité pour la chambre de recours d’appliquer l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009 à des marques figuratives bidimensionnelles.

 Sur l’examen de la nature des signes litigieux

41      La requérante soutient que l’arrêt de la Cour ne réfute pas les appréciations du Tribunal dans les arrêts du 8 mai 2012, mais implique uniquement d’entreprendre un examen plus complet. Elle soutient qu’elle cherchait à enregistrer des marques figuratives représentant des figures géométriques abstraites incluant des pois colorés en noir. Selon la requérante, les marques contestées n’étant représentées dans un cadre ressemblant au manche d’un couteau que pour montrer comment les pois colorés en noir étaient généralement apposés sur les produits, elles étaient donc similaires à des marques de position. De tels signes ne sauraient donc constituer une « forme » au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009. La requérante fonde notamment son argumentation sur ses demandes de brevets américain et européen, ainsi que sur les marques communautaires tridimensionnelles n° 1369594 et n° 1373430 qu’elle détient.

42      À cet égard, il convient de souligner que, dans son arrêt, la Cour a précisé qu’une application correcte de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009 implique que les caractéristiques essentielles d’un signe, dont l’enregistrement en tant que marque est demandé, soient dûment identifiées par l’autorité statuant sur cette demande (voir arrêt de la Cour, point 46 et jurisprudence citée).

43      L’identification desdites caractéristiques essentielles doit être opérée au cas par cas, sans qu’il existe aucune hiérarchie systématique entre les différents types d’éléments qu’un signe peut comporter. Dans sa recherche des caractéristiques essentielles d’un signe, l’autorité compétente peut soit se fonder directement sur l’impression globale dégagée par le signe, soit procéder, dans un premier temps, à un examen successif de chacun des éléments constitutifs du signe (voir arrêt de la Cour, point 47 et jurisprudence citée).

44      En particulier, l’identification des caractéristiques essentielles d’un signe en vue d’une éventuelle application du motif de refus d’enregistrement énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009 peut, selon le cas, et en particulier eu égard au degré de difficulté de ce signe, être effectuée par une simple analyse visuelle dudit signe ou, au contraire, être fondée sur un examen approfondi dans le cadre duquel sont pris en compte des éléments utiles à l’appréciation, tels que des enquêtes et des expertises, ou encore des données relatives à des droits de propriété intellectuelle conférés antérieurement en rapport avec le produit concerné (voir arrêt de la Cour, point 48 et jurisprudence citée).

45      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, aux points 23 à 30 des décisions attaquées, que les marques litigieuses étaient des marques figuratives consistant en la représentation bidimensionnelle du manche des produits pour lesquels l’enregistrement est sollicité. Selon la chambre de recours, les pois noirs des marques litigieuses représentent des éléments tridimensionnels, à savoir des creux. Elle souligne que les pois sont représentés en noir pour mettre en valeur le relief. La teinte sombre apparaitrait en noir, notamment, lorsque le motif est photocopié.

46      Il convient dès lors d’examiner si la chambre de recours a correctement apprécié les caractéristiques essentielles des signes concernés, à la lumière de l’ensemble des éléments pertinents, en particulier les brevets américain et européen détenus par la requérante, ainsi que les représentations des produits de la requérante, dans la mesure où cette dernière commercialisait déjà sur le marché de l’Union européenne des produits portant les signes litigieux (arrêt de la Cour, points 58, 60, 61 et 63).

47      Cet examen implique notamment de s’interroger sur la nature et le caractère essentiel des deux éléments constitutifs des signes concernés, à savoir, d’une part, les contours de forme trapézoïde, et, d’autre part, les ensembles de pois noirs.

48      En premier lieu, il y a lieu de constater, à la lumière, en particulier, des représentations des produits de la requérante, que le contour des signes litigieux, de forme trapézoïde, représente bien la forme du manche de certains ustensiles commercialisés par cette dernière, en particulier des couteaux.

49      Contrairement à ce qu’affirme la requérante, les contours des signes litigieux font bien l’objet de la protection sollicitée et en constituent une caractéristique essentielle. En effet, il ne saurait être considéré que cet élément constitutif des signes litigieux n’a qu’un but d’illustration visant à montrer comment l’ensemble de pois sera appliqué. À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, que les contours du manche n’apparaissent pas en pointillé, ce qui tendrait en effet à conforter l’assertion de la requérante, et, d’autre part, que la demande d’enregistrement ne contient aucune précision en ce sens. Les marques litigieuses ne sauraient donc être qualifiées de marques de position, contrairement à ce qu’affirme la requérante.

50      En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier des représentations des produits de la requérante, que les pois noirs figurant sur les signes litigieux représentent effectivement des creux. Ce constat est confirmé par la lecture des brevets européen et américain détenus par la requérante. Il convient d’ajouter, ainsi que l’ont relevé à juste titre les intervenantes, que la requérante a expliqué dans ses écritures le procédé utilisé pour noircir ces creux. Ces pois noirs ne sont donc pas de simples colorations bidimensionnelles peintes sur des manches, mais des creux, noircis, apparaissant à la surface des manches. Il n’est pas contesté que ces pois noirs sont une caractéristique importante du signe.

51      En troisième lieu, il convient de relever que, dans ses observations, la requérante fait valoir, eu égard au fait qu’elle avait préalablement obtenu l’enregistrement des marques communautaires tridimensionnelles n° 1369594 et n° 1373430, que, d’une part, sa marque était nécessairement une marque bidimensionnelle, et, d’autre part, elle n’avait aucun intérêt à enregistrer une nouvelle fois les mêmes formes.

52      À cet égard, il suffit de constater que la chambre de recours a bien estimé que les marques litigieuses étaient des marques figuratives bidimensionnelles. Or, la protection conférée par une marque bidimensionnelle représentant une forme tridimensionnelle, qui ne dépend pas, en toute hypothèse, de l’intention du détenteur de la marque concernée, est différente de la protection conférée par des marques tridimensionnelles telles que les marques n° 1369594 et n° 1373430. En effet, des marques bidimensionnelles telles que les marques litigieuses peuvent, par exemple, être utilisées comme logo. La requérante conservait donc, en tout état de cause, un intérêt à obtenir l’enregistrement des marques litigieuses.

53      Il s’ensuit que la chambre de recours pouvait, à bon droit, estimer que les marques litigieuses étaient des marques figuratives bidimensionnelles représentant des formes tridimensionnelles, à savoir les manches de certains couteaux ou ustensiles commercialisés par la requérante, et, partant, considérer, à la lumière de l’ensemble des éléments pertinents, que les pois noirs apposés sur lesdits manches correspondaient à des creux. La chambre de recours n’a donc pas commis d’erreurs en considérant que les marques contestées étaient constituées de formes de produits, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009.

 Sur la fonction technique des caractéristiques essentielles des signes litigieux

54      En premier lieu, la requérante souligne qu’elle a déposé ses demandes de marques communautaires en même temps que ses demandes de brevets américain et européen, ce qui indiquerait qu’elle n’avait pas l’intention, par l’enregistrement des marques contestées, d’étendre le monopole reconnu par ses brevets. Elle cherchait à obtenir une protection pour un aspect différent de ses produits par le biais d’un autre type de droit de propriété intellectuelle.

55      En deuxième lieu, la requérante souligne que, dans la mesure où les marques contestées sont des marques figuratives représentant des figures géométriques abstraites et décoratives, elles sont dépourvues de fonctions pratiques. Il ressortirait des brevets européen et américain que l’objectif principal de l’invention brevetée est de fournir un couteau d’excellence en termes de durabilité, de facilité d’utilisation et d’équilibre général du poids. La structure antidérapante ne représenterait pas une innovation technique. Selon la requérante, la caractéristique de structure antidérapante du manche fait partie de l’état général de la technique, c’est-à-dire que cette caractéristique est évidente et ne peut pas faire l’objet d’un monopole. Elle souligne, par ailleurs, que la structure antidérapante n’est qu’une caractéristique secondaire du couteau contribuant à la facilité d’utilisation du produit.

56      En troisième lieu, la requérante souligne que la fonction antidérapante du manche est principalement assurée par les contours du manche. Elle fournit, à cet égard, un nombre important d’exemples de couteaux de cuisine montrant, selon elle, que des creux ne sont pas nécessaires pour qu’un couteau ait un caractère antidérapant. La requérante souligne que, pour que l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009 s’applique en l’espèce, il faudrait que l’ensemble des couteaux soient nécessairement pourvus d’un tel système antidérapant et que ledit système soit nécessaire à l’obtention du résultat recherché, ce qui ne serait pas le cas.

57      Il ressort des points 36 à 41 des décisions attaquées que la chambre de recours a considéré que les creux étaient nécessaires à l’obtention d’un résultat technique, à savoir celui d’éviter que la main tenant le manche ne glisse accidentellement. La chambre de recours a considéré, d’une part, que l’argumentation des intervenantes, selon laquelle les pois représentaient un ensemble de creux nécessaire pour atteindre un résultat technique, était convaincante. Elle a considéré, d’autre part, que le caractère antidérapant de cet ensemble de creux était confirmé par les différents brevets d’invention détenus par la requérante.

58      En premier lieu, il y a lieu de souligner qu’il ressort sans ambiguïté des différents brevets détenus par la requérante que ces creux visent effectivement à incorporer une solution technique, à savoir une structure antidérapante. D’ailleurs, la requérante ne remet pas en cause le fait que de tels ensembles de creux puissent avoir une fonction antidérapante.

59      À cet égard, premièrement, il convient également de relever que le fait que cette structure antidérapante ne soit pas brevetable ou que ce soit une caractéristique secondaire du produit breveté, ainsi que le soutient la requérante, est sans importance pour le présent litige. En effet, le fait que les creux en cause ne soient pas essentiels à l’invention brevetée ne saurait impliquer que les pois noirs qui les représentent ne seraient pas une caractéristique essentielle des signes litigieux, ni qu’ils ne serviraient pas un objectif technique. Il y a d’ailleurs lieu de constater que l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009 vise à protéger les formes de produit nécessaires à l’obtention d’un résultat technique, et non les seuls résultats techniques innovants susceptibles d’être brevetés. En l’espèce, ces brevets sont pertinents en ce qu’ils font partie des éléments permettant à l’autorité concernée d’examiner la nature des marques litigieuses, ainsi que le soulignent à juste titre les intervenantes.

60      Deuxièmement, il convient de relever qu’est également sans pertinence le fait que les demandes de brevets et les demandes d’enregistrement des marques litigieuses ont été déposées concomitamment, plutôt que successivement, dans la mesure où, en tout état de cause, dans le système des droits de propriété intellectuelle tel que développé dans l’Union, les solutions techniques innovantes sont susceptibles d’une protection de durée limitée, de sorte qu’elles puissent être librement utilisées par la suite par l’ensemble des opérateurs économiques, tandis que le droit des marques confère une protection ne connaissant pas de limitation dans le temps. Quelles que soient les dates des demandes de brevet et d’enregistrement, le droit des marques est toujours susceptible de conférer à une entreprise un monopole sur des solutions techniques ou des caractères utilitaires d’un produit. Le fait que la requérante a déposé ses demandes de brevets et d’enregistrement au même moment est donc sans conséquence pour la solution du litige (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, Rec, EU:C:2010:516, points 43 à 46).

61      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la forme du manche est susceptible de contribuer, autant voire plus que l’ensemble de creux, à l’obtention d’un effet antidérapant, il suffit de constater que, en toute hypothèse, cet argument ne remet pas en cause le fait que l’ensemble de creux, au même titre que la forme du manche, vise l’obtention d’un résultat technique. Cet argument de la requérante vient également confirmer le caractère fonctionnel de la forme du manche elle-même. De plus, il convient de rappeler à cet égard que les formes de manche enregistrées par la requérante n’ont aucune caractéristique antidérapante évidente. En outre, il ressort du brevet américain détenu par la requérante que le caractère antidérapant de ses couteaux est due à la conjonction de la forme des manches et de l’ensemble de creux, sans mentionner de hiérarchie entre les deux.

62      En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel des creux ne sont pas nécessaires à l’obtention du caractère antidérapant, il convient de souligner que la Cour a déjà dit pour droit que l’existence d’autres formes permettant d’obtenir le même résultat technique ne constitue pas, pour l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009, une circonstance de nature à écarter le motif de refus d’enregistrement. Dans le cadre de l’examen de la fonctionnalité d’un signe constitué par la forme d’un produit, il importe seulement d’apprécier, après que les caractéristiques essentielles dudit signe ont été identifiées, si ces caractéristiques répondent à la fonction technique du produit concerné. Cet examen doit, de toute évidence, être fait en analysant le signe déposé en vue de son enregistrement en tant que marque, et non les signes constitués d’autres formes de produit (voir, en ce sens, arrêt Lego Juris/OHMI, point 60 supra, EU:C:2010:516, points 83 et 84). Dans ces conditions, le fait que d’autres couteaux remplissent une fonction antidérapante par d’autres moyens ou que des creux ne soient pas nécessairement incorporés dans l’ensemble des couteaux de cuisine est sans pertinence.

63      En quatrième lieu, il convient de relever que la requérante affirme que les signes litigieux, en particulier l’ensemble de pois, n’ont pas de caractère fonctionnel évident et sont, en réalité, caractérisés par leur nature ornementale et fantaisiste. Par ailleurs, les marques litigieuses ne restreindraient pas injustement l’utilisation par les tiers d’autres motifs, telles que des saillies circulaires ou triangulaires, ayant une prétendue fonction antidérapante.

64      À cet égard, il convient de constater que la forme des manches est ordinaire et peut être qualifiée de forme la plus probable pour de tels produits. La requérante n’allègue d’ailleurs pas l’existence d’un quelconque caractère fantaisiste concernant la forme des manches. De plus, s’il n’est pas possible d’écarter tout caractère ornemental concernant la configuration de l’ensemble de pois noirs, ladite configuration, ainsi que la forme des pois noirs eux-mêmes, ne présente aucune caractéristique significative et couvre la quasi-totalité des manches représentés. De même, la couleur noire des pois, de par son caractère uniforme et monochrome, sans être totalement dénuée de caractère ornemental, ne saurait faire de ces pois un élément non fonctionnel majeur des signes litigieux.

65      Dans ces conditions, les signes litigieux n’ayant aucun caractère ornemental évident, leur enregistrement réduirait indûment les possibilités pour les concurrents de mettre sur le marché des formes de produits alternatives incorporant la même solution technique antidérapante. À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que, en vertu de l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, l’enregistrement d’une forme exclusivement fonctionnelle d’un produit en tant que marque est susceptible de permettre au titulaire de cette marque d’interdire aux autres entreprises non seulement l’utilisation de la même forme, mais aussi l’utilisation de formes similaires. Un nombre important de formes alternatives risquent ainsi de devenir inutilisables pour les concurrents dudit titulaire. Il en irait particulièrement ainsi en cas de cumul d’enregistrements de diverses formes exclusivement fonctionnelles d’un produit, cumul qui risquerait d’empêcher complètement d’autres entreprises de fabriquer et de commercialiser certains produits ayant une fonction technique donnée. (voir, en ce sens, arrêt Lego Juris/OHMI, point 60 supra, EU:C:2010:516, points 56 et 57).

66      Eu égard aux constatations énoncées aux points 59 à 65 ci-dessus, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant, aux points 42 des décisions attaquées, que les enregistrements des marques litigieuses devaient être déclarés nuls, au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009, dans la mesure où les caractéristiques essentielles des signes litigieux étaient exclusivement constituées par une forme de produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique.

67      Dès lors, il convient de rejeter le moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009.

68      Il résulte de ce qui précède que les recours doivent être rejetés dans leur ensemble.

 Sur les dépens

69      Dans l’arrêt de la Cour, cette dernière a réservé les dépens. Il appartient donc au Tribunal de statuer, dans le présent arrêt, sur l’ensemble des dépens afférents aux différentes procédures, conformément à l’article 121 du règlement de procédure.

70      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombée, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par l’OHMI et les intervenantes, afférents aux procédures devant le Tribunal et devant la Cour.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      Yoshida Metal industry Co. Ltd supportera ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) et par Pi-Design AG, Bodum France et Bodum Logistics A/S, devant le Tribunal et devant la Cour.

Van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 mai 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.