Language of document : ECLI:EU:T:2023:165

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

29 mars 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale DECOTEC – Cause de nullité absolue – Absence de caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑308/22,

celotec GmbH & Co. KG, établie à Sendenhorst (Allemagne), représentée par Mes E. Warnke et J. Römelt, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. R. Raponi, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Decotec Printing, SA, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Me K. Guridi Sedlak, avocate,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. D. Spielmann, président, Mme M. Brkan et M. T. Tóth (rapporteur), juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 7 février 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, celotec GmbH & Co. KG, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 21 mars 2022 (affaire R 1025/2021-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 17 décembre 2019, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande de nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande de marque déposée par Decotec Printing, SA, le 7 juin 2012, pour le signe verbal DECOTEC.

3        Les produits couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient des classes 16, 19 et 27 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la liste des produits suivants, telle que limitée le 13 mai 2013 :

–        classe 16 : « Papier, carton et produits en ces matières, non compris dans d’autres classes ; produits de l’imprimerie ; articles pour reliures ; photographies ; papeterie ; adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage ; matériel pour les artistes ; pinceaux ; machines à écrire et articles de bureau (à l’exception des meubles) ; matériel d’instruction ou d’enseignement (à l’exception des appareils) ; matières plastiques pour l’emballage (non comprises dans d’autres classes) ; caractères d’imprimerie ; clichés ; papier pour doubler les armoires et/ou les meubles, papier de bois, papier décoratif imprimé, papier à doubler » ;

–        classe 19 : « Papier pour construction, à l’exception de l’utilisation de celui-ci avec des infrastructures telles que routes et voies de chemins de fer, ainsi que conduites ; papier ciré pour construction, à l’exception de l’utilisation de celui-ci avec des infrastructures telles que routes et voies de chemins de fer, ainsi que conduites ; papier imperméabilisé pour construction, à l’exception de l’utilisation de celui-ci avec des infrastructures telles que routes et voies de chemins de fer, ainsi que conduites ; carton pour construction, à l’exception de l’utilisation de celui-ci avec des infrastructures telles que routes et voies de chemins de fer, ainsi que conduites ; feutre goudronné pour toitures ; laizes de toiture goudronnées ; feuilles de parement en bois ; matériaux en polyéthylène sous forme de panneaux utilisés comme succédanés du bois ; tous les produits précités à base de fibres de cellulose, non en bitume ou matériaux bitumeux et non pour être utilisés avec des infrastructures telles que routes et voies de chemins de fer, ainsi que conduites » ;

–        classe 27 : « Tapis, paillassons, nattes, linoléum et autres revêtements de sols ; tentures murales non en matières textiles ; papiers peints, revêtement mural en papier, papier pour murs et plafonds, papier pour recouvrir les murs et plafonds, papiers peints doublés de matières textiles ».

4        Les causes invoquées à l’appui de la demande en nullité étaient celles visées à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du même règlement.

5        Le 28 mai 2021, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son intégralité sur le fondement de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), dudit règlement.

6        Le 8 juin 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

7        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que la marque contestée avait été enregistrée sans qu’il y ait violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001.

8        À cet égard, la chambre de recours a, notamment, relevé que le public pertinent était le public de l’Union européenne, qui se compose à la fois des consommateurs moyens, considérés comme normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés, et des professionnels, faisant preuve d’un niveau d’attention élevé.

9        La chambre de recours a ensuite rejeté le moyen tiré du caractère descriptif de la marque contestée après avoir, notamment, relevé que ce signe ne revêtait, en tant que tel, aucune signification déterminée et que la requérante ne prouvait pas l’usage de ce signe à des fins descriptives. La chambre de recours a enfin rejeté le moyen tiré de l’absence de caractère distinctif de la marque contestée, au motif que la requérante n’apportait pas d’autre argument que celui tiré du caractère descriptif de ladite marque.

  Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À titre liminaire, il convient de souligner que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 7 juin 2012, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p.1) [voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2021, Apologistics/EUIPO – Kerckhoff (APO), T‑282/20, non publié, EU:T:2021:212, point 12].

13      Par conséquent, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties aux dispositions du règlement 2017/1001 comme visant les dispositions, d’une teneur identique, du règlement no 207/2009.

14      Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

15      À l’appui de son recours, la requérante soulève trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001], le deuxième, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] et, le troisième, de la violation de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001.

16      Dès lors que le troisième moyen porte sur des griefs tirés d’un défaut de motivation et que les deux premiers contestent le bien-fondé de cette motivation, il convient d’analyser en premier lieu le troisième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001

17      Par son troisième moyen, la requérante fait valoir, en substance, premièrement, que la chambre de recours n’a pas tenu compte du fait que les annexes A 32 à A 53 des annexes du dossier de la chambre de recours dont elle s’est prévalue devant elle étaient destinées à prouver que les produits en cause pouvaient être décorés ou étaient fondés sur la technologie et que, en conséquence, la marque contestée les décrivait ; deuxièmement, que cette chambre n’a pas « apprécié le caractère descriptif du signe “DECOTEC” au regard des produits en cause, mais s’est contentée d’affirmer, sans aucune motivation, qu’il n’exist[ait] aucun lien direct entre la signification [de ce signe] et les produits pertinents » ; troisièmement, que la décision attaquée ne comporte aucune motivation sur les raisons pour lesquelles la combinaison des deux éléments composant le signe verbal DECOTEC ne devrait pas donner lieu à une expression significative, à savoir « technologie de la décoration », ni sur celles pour lesquelles l’expression « technologie de la décoration » est en soi dénuée de signification ; quatrièmement, que la chambre de recours n’a donné aucune explication sur les raisons pour lesquelles il faudrait plusieurs étapes mentales pour considérer le signe verbal DECOTEC comme descriptif et, cinquièmement, qu’elle n’a pas motivé les raisons pour lesquelles elle estimait que la marque contestée n’était pas dépourvue de caractère distinctif.

18      L’EUIPO, soutenu par l’intervenante, conclut au rejet de ce moyen.

19      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation de motivation a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Elle a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En outre, l’obligation de motivation n’impose pas aux chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements que les parties ont articulés devant elles. Il suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision. Par ailleurs, la motivation peut être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle [voir arrêt du 4 mai 2022, Deichmann/EUIPO – Munich (Représentation de deux rayures croisées sur le côté d’une chaussure), T‑117/21, non publié, EU:T:2022:271, point 17 et jurisprudence citée].

20      Il convient encore d’ajouter que l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien‑fondé de la motivation, celui‑ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de cette décision, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés. Il s’ensuit que les griefs et les arguments visant à contester le bien‑fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation (voir arrêt du 22 octobre 2020, EKETA/Commission, C‑274/19 P, non publié, EU:C:2020:853, point 79 et jurisprudence citée).

21      À cet égard, s’agissant des quatre premiers arguments de la requérante, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il résulte des points 62 et 63 ainsi que des points 69 à 73 de la décision attaquée, la chambre de recours, sans dénier que les annexes A 32 à A 53 du dossier de la chambre de recours avaient pour objet de démontrer que les produits pertinents pouvaient à la fois être décorés et servir à décorer, a toutefois considéré que l’ensemble des éléments de preuve dont se prévalait la requérante étaient insuffisants pour établir le caractère descriptif de la marque contestée. En effet, selon elle, cette marque ne revêtait, en tant que telle, aucune signification déterminée, sauf à procéder à une approche analytique, et ce par étapes mentales. De plus, elle a relevé que la requérante ne prouvait ni que le public pertinent pourrait percevoir dans la marque contestée une signification descriptive des produits en cause, ni que cette marque était couramment utilisée de manière descriptive. Au vu de l’ensemble de ces éléments, la chambre de recours en a tiré la conclusion, d’une part, que « les consommateurs ne déduir[aie]nt pas du mot “DECOTEC” une information spécifique ou une indication suffisamment claire en ce qui concerne les caractéristiques des produits contestés, étant donné qu’il rest[ait] difficile de savoir ce qui [était] effectivement censé être décrit et à quelle fin », et, d’autre part, que la requérante n’avait pas prouvé qu’il existait un lien direct entre la signification de la marque contestée et les produits pertinents.

22      S’agissant du cinquième argument dont se prévaut la requérante, il y a lieu de souligner que, aux points 85 à 91 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que la requérante ne se fondait que sur la signification descriptive de la marque contestée pour alléguer son absence de caractère distinctif. Elle a considéré que cet argument devait être rejeté et que la marque contestée devait être considérée comme non dépourvu de caractère distinctif.

23      Il résulte des éléments mentionnés aux points 21 et 22 ci-dessus que les motifs exposés dans la décision attaquée sont suffisants pour permettre à la requérante de comprendre les raisons pour lesquelles la chambre de recours a rejeté ses moyens moyens et au Tribunal d’exercer son contrôle sur cette décision.

24      Il en résulte que le troisième moyen, tiré du défaut de motivation, doit être rejeté.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 

25      Par son premier moyen, qui comporte, en substance, deux branches, la requérante fait valoir que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que la marque contestée n’était pas descriptive des produits en cause, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

26      Par la première branche, la requérante fait valoir que la chambre de recours a fait une application erronée de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. Par la seconde branche de ce moyen, elle soutient que la chambre de recours a incorrectement évalué les éléments de preuve et, en conséquence, dénaturé les faits qui lui étaient soumis.

27      L’EUIPO, soutenu par l’intervenante, conteste les arguments de la requérante.

28      À titre liminaire, il convient de relever que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 52, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci.

29      L’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche dès lors que ces signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque [voir arrêt du 15 janvier 2013, BSH/OHMI (ecoDoor), T‑625/11, EU:T:2013:14, point 14 et jurisprudence citée].

30      Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêts du 12 janvier 2005, Deutsche Post EURO EXPRESS/OHMI (EUROPREMIUM), T‑334/03, EU:T:2005:4, point 25 et jurisprudence citée, et du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, EU:T:2005:247, point 25 et jurisprudence citée].

31      Par ailleurs, pour que l’EUIPO oppose un refus d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, il n’est pas nécessaire que le signe en cause soit effectivement utilisé à des fins descriptives, mais uniquement que, dans le futur, il puisse être utilisé à de telles fins. Un signe verbal doit ainsi se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de cette disposition, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés [voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2010, Deutsche Steinzeug Cremer & Breuer/OHMI (CHROMA), T‑281/09, EU:T:2010:537, point 28 et jurisprudence citée].

32      En outre, pour qu’une marque constituée d’un néologisme ou d’un mot résultant d’une combinaison d’éléments soit considérée comme descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, il ne suffit pas qu’un éventuel caractère descriptif soit constaté pour chacun de ces éléments. Un tel caractère doit également être constaté pour le néologisme ou le mot lui-même (voir arrêt du 22 juin 2005, PAPERLAB, T‑19/04, EU:T:2005:247, point 26 et jurisprudence citée).

33      Une marque constituée d’un néologisme ou d’un mot composé d’éléments dont chacun est descriptif des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé est elle‑même descriptive des caractéristiques de ces produits ou de ces services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, sauf s’il existe un écart perceptible entre le néologisme ou le mot et la simple somme des éléments qui le composent. Cela suppose que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, le néologisme ou le mot crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, de sorte qu’il prime la somme desdits éléments. À cet égard, l’analyse du terme en cause au vu des règles lexicales et grammaticales appropriées est également pertinente (voir arrêt du 22 juin 2005, PAPERLAB, T‑19/04, EU:T:2005:247, point 27 et jurisprudence citée).

34      Enfin, en vertu d’une jurisprudence constante, la seule date pertinente aux fins de l’examen d’une demande en nullité est celle du dépôt de la demande de marque contestée. Toutefois, la jurisprudence admet la prise en compte d’éléments postérieurs à cette date, à condition que ceux-ci concernent la situation à la date du dépôt de la demande de marque [voir arrêt du 3 juin 2009, Frosch Touristik/OHMI – DSR touristik (FLUGBÖRSE), T‑189/07, EU:T:2009:172, point 19 et jurisprudence citée].

35      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner, au vu de l’appréciation exposée par la chambre de recours dans la décision attaquée, l’argumentation de la requérante.

 Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une application erronée des dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009

36      La requérante fait valoir trois griefs, tirés en substance, premièrement, de la prise en compte exclusive de l’utilisation de la marque contestée au détriment de sa faculté à avoir, dans l’avenir, une signification déterminée, deuxièmement, de l’absence de prise en compte des deux abréviations descriptives qui constituent la marque contestée et, troisièmement, de l’absence de prise en compte des produits pertinents dans l’appréciation du caractère descriptif de la marque contestée.

37      L’EUIPO, soutenu par l’intervenante, conclut au rejet de ces arguments.

38      En ce qui concerne le premier grief, la requérante fait valoir que la chambre de recours a, de manière erronée, apprécié si la marque contestée avait un caractère descriptif en se fondant exclusivement sur son usage effectif.

39      À cet égard, il convient de relever que, aux points 62 et 70 de la décision attaquée, la chambre de recours a d’abord analysé si la marque contestée, en tant que telle, était susceptible d’être descriptive. Ce n’est qu’après avoir constaté que tel n’était pas le cas que la chambre de recours a examiné, au point 71 de cette décision, si cette marque était couramment utilisée de manière descriptive.

40      De plus, au point 72 de la décision attaquée, la chambre de recours a employé le futur de l’indicatif pour en tirer la conclusion que le public pertinent ne déduirait pas de la marque contestée une information spécifique ou une indication suffisamment claire en ce qui concerne les caractéristiques des produits en cause.

41      Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la chambre de recours a bien analysé si, à la date pertinente, la marque contestée revêtait, en tant que telle, un caractère descriptif et si, à cette date, il était raisonnable d’envisager que, dans l’avenir, cette marque constituerait une description des caractéristiques des produits en cause, ce à quoi elle a répondu par la négative. Elle ne s’est donc pas exclusivement fondée sur l’utilisation de la marque contestée pour conclure à son absence de caractère descriptif.

42      Il y a, par conséquent, lieu de rejeter ce premier grief.

43      Par son deuxième grief, la requérante conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle seule une approche analytique permettrait de comprendre le sens du terme « decotec ». Elle ajoute que la chambre de recours a, au motif que la marque contestée était un néologisme, à tort, omis d’apprécier si la combinaison des abréviations « deco » et « tec » produisait une impression suffisamment éloignée de la somme de ces deux éléments et a ainsi ignoré que, dans une marque, la combinaison de deux éléments descriptifs est elle-même descriptive. Elle fait enfin valoir que l’appréciation selon laquelle la marque contestée n’avait aucune signification claire n’est pas justifiée et doit être considérée comme la qualification erronée d’un fait qui relève d’une considération arbitraire.

44      À cet égard, il y a d’abord lieu de relever que, pour exclure le caractère descriptif de la marque contestée, la chambre de recours a, en substance, considéré, notamment au point 62 de la décision attaquée, que, certes, les termes « deco » et « tec », pris séparément, étaient susceptibles d’être perçus comme renvoyant aux notions de « décoration » et de « technologie ». Pour autant, ainsi que cela a été relevé au point 70 de cette décision, le signe « decotec », pris dans son ensemble, ne revêtait aucune signification précise, sauf à procéder à une « approche analytique et uniquement par étapes mentales ».

45      Ce faisant, la chambre de recours a considéré que le signe « decotec » créait une impression suffisamment éloignée de celle produite par chacune des deux abréviations le composant prises isolément. Cela l’a amenée à conclure, en substance, au point 72 de la décision attaquée, que la marque contestée ne présentait pas, avec les produits en cause, un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description desdits produits ou d’une de leurs caractéristiques.

46      Or, en procédant ainsi, la chambre de recours a effectivement et correctement apprécié si la somme des deux abréviations que contenait la marque contestée créait une impression différente de celle produite par chacune de ces deux abréviations prises isolément, sans qu’il soit besoin de donner d’autre élément d’explication.

47      Ainsi, dès lors qu’il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir, comme l’affirme la requérante, qualifié de manière erronée un fait ou adopté une « considération arbitraire », il y a lieu de rejeter ce deuxième grief.

48      Par son troisième grief, la requérante fait valoir que la chambre de recours a omis d’examiner la marque contestée dans le contexte spécifique des produits en cause, en se contentant d’affirmer, sans aucune motivation quant au fond, qu’il n’existait pas de lien direct entre la signification de cette marque et les produits en cause, ce qui a aussi amené la chambre de recours à fonder la décision attaquée sur la base de la qualification erronée d’un fait qui constitue une considération arbitraire.

49      À cet égard, il y a lieu de relever que, la lecture des points 48, 49, 66 et 70 à 73 de la décision attaquée met en évidence le fait que la chambre de recours a analysé la question du caractère descriptif de la marque contestée, ainsi que les preuves produites par la requérante non seulement en tenant compte de la marque contestée dans son ensemble, mais aussi en l’évaluant par rapport aux produits qu’elle désignait et aux secteurs commerciaux concernés par ces produits.

50      Or, en procédant ainsi et en considérant en substance, au point 72 de la décision attaquée, que le public pertinent ne déduirait pas de la marque contestée une quelconque information quant aux produits en cause, la chambre de recours n’a commis aucune erreur de droit ou d’appréciation des faits en retenant que, au regard du public pertinent et des produits en cause, cette marque ne revêtait pas de caractère descriptif.

51      Il s’ensuit que ce dernier grief doit être rejeté et, partant, la première branche du premier moyen dans son intégralité.

 Sur la seconde branche du premier moyen, tirée d’une appréciation erronée des éléments de preuve

52      La requérante se prévaut de quatre griefs, tous tirés d’une appréciation erronée des éléments de preuve.

53      Par son premier grief, la requérante fait valoir que, aux points 64 et 65 de la décision attaquée, la chambre de recours a interprété de manière erronée la raison pour laquelle elle lui avait présenté les preuves figurant aux annexes A 1 à A 6 et A 8 à A 23 du dossier de l’EUIPO, ainsi qu’un arrêt du 19 janvier 2005 du Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets, Allemagne), figurant en annexe A 7 du dossier de l’EUIPO, dès lors que ces preuves avaient pour objet d’établir que, bien avant la date pertinente, le public pertinent comprenait les abréviations « deco » et « tec », prises séparément. Elle en conclut que la chambre de recours aurait dû prendre en compte de tels éléments avant d’examiner dans son ensemble la marque contestée.

54      À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi que cela ressort du point 44 ci-dessus, la chambre de recours n’a pas nié que les termes « deco » et « tec » étaient susceptibles d’être perçus comme des abréviations des mots « décoration » et « technologie », ce que la requérante voulait d’ailleurs démontrer par la production de ces preuves.

55      Pour autant et indépendamment de la finalité que la requérante assignait à ces preuves, rien n’empêchait la chambre de recours de relever, en substance, aux points 64 et 70 à 72 de la décision attaquée, que lesdites preuves ne mettaient pas en évidence que la marque contestée, prise dans son ensemble, revêtait une quelconque signification. Partant de cette constatation, rien n’empêchait la chambre de recours de tirer la conclusion selon laquelle, en substance, l’impression d’ensemble produite par cette marque s’éloignait significativement de celle produite par chacune des deux abréviations prises séparément.

56      De même, rien n’empêchait la chambre de recours de considérer l’arrêt mentionné au point 65 de la décision attaquée au regard du terme « decotec » et non au regard de la seule abréviation « deco ». Au demeurant, la requérante ne se prévaut d’aucun élément de nature à démontrer que la chambre de recours a commis une erreur en concluant que les circonstances de cet arrêt différaient de celles dont elle était saisie.

57      Ainsi, dès lors qu’aucun élément ne permet de considérer que la chambre de recours a mal interprété les documents mentionnés aux points 64 et 65 de la décision attaquée, il y a lieu de rejeter ce premier grief.

58      Par son deuxième grief, la requérante affirme que c’est à tort que, au point 66 de la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté les preuves qu’elle avait produites, au motif que leur datation était soit inexistante soit trop éloignée de la date pertinente. Elle indique, en effet, qu’il est possible de tenir compte de circonstances postérieures à cette date pour apprécier la validité d’une marque.

59      À cet égard, il y a lieu de relever que la chambre de recours a, aux points 63 et 70 de la décision attaquée, en substance considéré que, à la date pertinente, le terme « decotec » n’avait, en tant que tel, pas de signification particulière et qu’il n’était pas prouvé que, à cette date, il était utilisé par le grand public ou dans le langage spécialisé comme une indication ou une allusion à la « technologie de la décoration ».

60      Pour arriver à cette conclusion, la chambre de recours a considéré que les documents dont se prévalait la requérante, qui avaient pour objet de démontrer le sens que recouvraient les termes « dekorationstechnik », « decoration technology », « dekotechnik », « deco technology », ne démontraient pas l’existence du caractère descriptif de la marque contestée du fait de leur absence de datation ou d’une datation se situant à une époque postérieure et trop éloignée dans le temps de la date pertinente.

61      Il y a lieu de souligner que, ainsi que cela est mentionné au point 34 ci-dessus, dans le cadre de l’appréciation de la validité d’une marque, s’il est possible de prendre en compte des éléments postérieurs à la date pertinente, ce n’est toutefois qu’à la condition que ceux-ci renseignent sur la situation existante à cette date. Or, la chambre de recours a valablement pu considérer que cette condition n’était pas remplie dès lors que les documents litigieux n’étaient pas de nature à renseigner sur la question de savoir si, à la date pertinente, il était possible de considérer que, aux yeux du public pertinent, la marque contestée avait ou aurait été susceptible d’avoir, dans l’avenir, un caractère descriptif.

62      Ainsi, dès lors qu’il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir commis une erreur en ce qui concerne l’appréciation des faits ou le droit, il y a lieu de rejeter ce grief.

63      Par son troisième grief, la requérante affirme que, aux points 67 à 69 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est, à tort, abstenue d’examiner les preuves qu’elle avait produites ainsi que toutes les significations possibles de la marque contestée du point de vue de son caractère descriptif, notamment s’agissant de la faculté des produits en cause à être à la fois décorés et à servir à décorer d’autres objets.

64      À cet égard, il y a lieu de rappeler que ladite chambre n’est pas tenue, dans le cadre de son devoir de motivation, d’expliquer la valeur probante de chaque élément du faisceau d’indices sur lequel elle fonde sa décision, pour autant que son raisonnement permette à la requérante de connaître les justifications de la décision prise et, dès lors, de se défendre et au Tribunal d’exercer son contrôle (arrêt du 4 mai 2022, Représentation de deux rayures croisées sur le côté d’une chaussure, T‑117/21, non publié, EU:T:2022:271, point 27).

65      Or, en l’espèce, il y a lieu de relever que, pour parvenir, au point 73 de la décision attaquée, à la conclusion selon laquelle la marque contestée ne revêtait pas de caractère descriptif, la chambre de recours s’est référée, aux points 70 et 71 de cette décision, à l’ensemble des éléments de preuve dont se prévalait la requérante, et donc à ceux mentionnés au point 69 de ladite décision. De plus, il y a lieu de souligner que la requérante ne démontre l’existence d’aucune erreur d’interprétation de ces documents qu’aurait commise la chambre de recours.

66      Dès lors, il convient de rejeter ce troisième grief.

67      Par son quatrième grief, la requérante fait valoir que, en retenant, au point 63 de la décision attaquée, qu’elle n’avait pas prouvé que la marque contestée signifiait « technologie de la décoration », la chambre de recours a dénaturé les faits.

68      À cet égard, il suffit de relever que, ainsi qu’il résulte des points 53 à 65 ci-dessus, la chambre de recours a donné les raisons pour lesquelles elle estimait que les documents dont se prévalait la requérante n’étaient pas de nature à prouver le caractère descriptif de la marque contestée, et la requérante ne démontre aucunement une quelconque erreur d’appréciation ou de dénaturation des faits commise par cette chambre.

69      Il résulte de ce qui précède que la seconde branche du premier moyen doit être rejetée et, partant, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

70      Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que, s’agissant de l’absence de caractère distinctif de la marque contestée et de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, c’est à tort que la chambre de recours a, au point 86 de la décision contestée, mentionné que la requérante n’avait pas soulevé d’autre argument que celui tiré de l’absence de caractère distinctif du fait du caractère descriptif de cette marque et que, en procédant ainsi, la chambre de recours a dénaturé les faits qui lui étaient présentés.

71      À cet égard, la requérante affirme que, devant la chambre de recours, elle a notamment fait valoir que l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 avait vocation à s’appliquer en l’absence de tout caractère descriptif de la marque contestée, ainsi qu’en cas d’existence d’un lien indirect entre cette marque et les produits en cause, sans que cet argument reçoive une réponse de la part de la chambre de recours.

72      L’EUIPO, soutenu par l’intervenante, conclut au rejet de ce moyen.

73      À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu d’une jurisprudence constante, le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée, et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée).

74      De plus, il ressort des dispositions des articles 59 et 62 du règlement 2017/1001 que la marque de l’Union européenne est considérée comme étant valide jusqu’à ce qu’elle soit déclarée nulle par l’EUIPO à la suite d’une procédure en nullité et bénéficie en conséquence d’une présomption de validité. Dans le cadre d’une procédure en nullité d’une marque, l’EUIPO n’est ainsi en principe pas tenu d’examiner d’office les faits pertinents et il appartient à la partie ayant introduit la demande en nullité d’invoquer et de prouver les éléments concrets qui mettraient en cause sa validité [voir, en ce sens, arrêt du 30 mars 2022, Perry Street Software/EUIPO – Toolstream (SCRUFFS), T‑720/20, non publié, EU:T:2022:189, points 35 et 36 et jurisprudence citée].

75      En l’espèce, il résulte tant de la lecture du recours de la requérante devant la chambre de recours contre la décision de la division d’annulation que de celle du point 10 de la décision attaquée que, certes, la requérante a invoqué la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, au motif que la division d’annulation n’avait pas tenu compte du fait que ces dispositions s’appliquaient même en l’absence de caractère descriptif du signe, notamment en présence d’un lien indirect entre la marque contestée et les produits en cause.

76      Toutefois, l’argumentation de la requérante, devant la chambre de recours, relative à l’absence de caractère distinctif de la marque contestée du fait d’un lien indirect entre cette marque et les produits en cause était dénuée de toute clarté, de sorte que la chambre de recours a valablement pu relever, au point 86 de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas invoqué d’autres arguments à cet égard. Les réponses de la requérante aux questions du Tribunal lors de l’audience ne viennent pas infirmer ce constat.

77      Partant, dès lors qu’elle n’était pas tenue d’examiner d’office tous les éléments qui auraient pu fonder l’absence de caractère distinctif de la marque contestée, la chambre de recours a valablement rejeté ce moyen.

78      Il convient en conséquence de rejeter le deuxième moyen et le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

79      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

80      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté ;

2)      Celotec GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens.

Spielmann

Brkan

Tóth

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 mars 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.