Language of document : ECLI:EU:T:2015:858

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

18 novembre 2015 (*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire verbale TRILOBULAR – Motif absolu de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 207/2009 – Article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑558/14,

Research Engineering & Manufacturing, Inc., établie à Middletown, Rhode Island (États-Unis), représentée par MM. S. Malynicz, G. Hollingworth, barristers, Mme K. Gilbert et M. M. Gilbert, solicitors,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme M. Rajh, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Nedschroef Holding BV, établie à Helmond (Pays-Bas),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 12 mai 2014 (affaire R 442/2013‑4), relative à une procédure de nullité entre Nedschroef Holding BV et Research Engineering & Manufacturing, Inc.,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur), président, MM. S. Gervasoni et L. Madise, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 24 juillet 2014,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 7 novembre 2014,

à la suite de l’audience du 15 juillet 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 30 octobre 1997, la requérante, Research Engineering & Manufacturing, Inc., a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal TRILOBULAR.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 6 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Attaches métalliques filetées ».

4        La marque a été enregistrée le 26 avril 1999 et publiée le 21 juin 1999.

5        Le 30 décembre 2011, Nedschroef Holding BV, a formé une demande en nullité de la marque communautaire au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009. Les motifs invoqués étaient ceux visés par l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), dudit règlement.

6        Par décision du 18 janvier 2013, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité et a condamné Nedschroef Holding aux dépens.

7        Le 5 mars 2013, Nedschroef Holding a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation.

8        Par décision du 12 mai 2014 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours a fait droit au recours et a déclaré la nullité de la marque communautaire. Elle a, en substance, considéré, d’abord, au point 14 de la décision attaquée, que le public pertinent se composait des consommateurs en général et des professionnels germanophones, mais également anglophones. Ensuite, aux points 15 et 16 de cette décision, elle a relevé que les pièces produites par Nedschroef Holding montraient que, dès 1982, le mot « trilobular » décrivait la nature et la fonction technique des « attaches métalliques filetées », qui était une expression plus générique pour désigner des vis, ainsi que le fait que la section transversale d’une attache ou d’une vis était pourvue d’une forme triangulaire, donc trilobée. Elle a estimé, au point 18 de la même décision, que, même si le mot « trilobular » pouvait évoquer la marque contestée dans l’esprit de certains consommateurs, cela ne saurait rendre ledit mot non descriptif au regard des produits en cause. Par ailleurs, dans les spécifications des brevets, ledit mot serait toujours utilisé dans un sens totalement descriptif. La chambre de recours a également observé, dans ce même point, que l’utilisation par la requérante de la marque contestée ne pourrait être prise en compte que dans le cadre de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 52, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 (caractère distinctif acquis) ou dans celui de l’article 51, paragraphe 1, sous b), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous d), dudit règlement, dans un effort pour empêcher que le mot ne devienne générique, ce qui ne serait pas non plus pertinent en l’espèce, étant donné que la demande en nullité n’était pas fondée sur ces motifs. Enfin, au point 19 de la décision attaquée, en réponse à l’argument de la requérante selon lequel l’existence de la racine « trilobular » n’avait pas été démontrée au motif que les documents allemands fournis ne faisaient référence qu’aux mots « Trilobulare », « trilobularen » ou « Trilobularität », mais pas au mot « trilobular », la chambre de recours a indiqué que lesdits documents faisaient toujours référence à la même signification du mot « trilobular », à savoir le diamètre d’une vis, et avaient essentiellement recours à l’adjectif « trilobular » selon les règles syntaxiques allemandes concernant les adjectifs.

9        La chambre de recours a, au point 21 de la décision attaquée, considéré que, dès lors que la marque contestée était descriptive des caractéristiques des produits en cause, celle-ci était nécessairement dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, en sorte qu’elle a déclaré la nullité de la marque contestée.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

11      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      Au soutien de sa demande en annulation de la décision attaquée, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009.

13      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ». En outre, l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 énonce que « [l]e paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté ».

14      L’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 prévoit que « [l]a nullité de la marque communautaire est déclarée, sur demande présentée auprès de l’Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, lorsque la marque communautaire a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 ».

15      Selon la jurisprudence, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 empêche que les signes ou indications visés par lui soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque. Cette disposition poursuit ainsi un but d’intérêt général, lequel exige que de tels signes ou indications puissent être librement utilisés par tous [voir arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, Rec, EU:C:2003:579, point 31 et jurisprudence citée, et du 7 novembre 2014, Kaatsu Japan/OHMI (KAATSU), T‑567/12, EU:T:2014:937, point 27 et jurisprudence citée].

16      En outre, des signes ou des indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques du produit ou du service pour lequel l’enregistrement est demandé sont, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix, si l’expérience s’avère positive, ou de faire un autre choix, si elle s’avère négative (arrêt OHMI/Wrigley, point 15 supra, EU:C:2003:579, point 30, et KAATSU, point 15 supra, EU:T:2014:937, point 28).

17      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, il faut qu’il présente avec les produits ou services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques (voir arrêt KAATSU, point 15 supra, EU:T:2014:937, point 29 et jurisprudence citée).

18      Il convient également de rappeler que l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport à la perception qu’en a le public concerné et, d’autre part, par rapport aux produits ou aux services visés [arrêts du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec, EU:T:2002:41, point 38, et KAATSU, point 15 supra, EU:T:2014:937, point 30].

19      En premier lieu, la requérante estime que la chambre de recours a commis une erreur en ce que, en ayant identifié le public pertinent comme étant à la fois le consommateur ordinaire et le professionnel spécialisé, celle-ci a limité son raisonnement à des lecteurs de publications professionnelles ainsi qu’à des demandes de brevets et de modèles d’utilité. Par ailleurs, il existerait un principe selon lequel, lorsque les produits sont destinés à l’ensemble des consommateurs, le public pertinent serait constitué du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, que la chambre de recours n’aurait pas appliqué en l’espèce.

20      À cet égard, force est de constater que, ainsi d’ailleurs que le relève à juste titre l’OHMI, si, ainsi qu’il ressort du point 14 de la décision attaquée, les produits en cause s’adressent aux professionnels et aux consommateurs en général, en particulier à ceux qui bricolent, les premiers représentent une partie du public pertinent plus importante que celle représentée par les seconds, dans la mesure où l’utilisation de ces produits est pour eux quotidienne et fait nécessairement partie du cadre normal et régulier de leur activité professionnelle.

21      En effet, il ne saurait être prétendu que les professionnels n’utilisent que rarement des produits tels que les attaches métalliques filetées, qui entrent, au contraire, dans la composition de toute construction ou dans toute activité de production en général.

22      Dès lors, c’est sans commettre d’erreur de droit que la chambre de recours a examiné si une partie du public pertinent, à savoir les professionnels, et non les consommateurs en général, considéreraient que la marque contestée était descriptive, notamment, d’une qualité ou d’une caractéristique des produits couverts par ladite demande de marque [arrêt du 16 décembre 2010, Fidelio/OHMI (Hallux), T‑286/08, Rec, EU:T:2010:528, point 56 ; voir également, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2008, Prana Haus/OHMI (PRANAHAUS), T‑226/07, EU:T:2008:381, points 26 et 35].

23      En outre, il convient de rappeler que l’OHMI, en vue de garantir l’effet utile de l’interdiction d’enregistrement des marques descriptives édictée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, laquelle vise à assurer la possibilité, pour tous les opérateurs économiques, d’utiliser librement les termes, même techniques, qu’ils commercialisent, est en droit de tenir compte de la présence, au sein du grand public, d’une catégorie plus restreinte, composée de personnes auxquels les produits ou services visés par la marque dont l’enregistrement est demandé sont particulièrement destinés [voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 2013, Heede/OHMI (Matrix-Energetics), T‑313/11, EU:T:2013:603, point 42 et jurisprudence citée].

24      La requérante conteste cette analyse et prétend, en se fondant sur l’arrêt du 12 mars 2008, Compagnie générale de diététique/OHMI (GARUM) (T‑341/06, EU:T:2008:70), que le caractère descriptif aurait dû être examiné au regard du seul consommateur moyen, normalement informé et avisé, et non du professionnel.

25      Toutefois, les circonstances de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt GARUM, point 24 supra (EU:T:2008:70), se distinguent des faits de la présente affaire en ce que, d’une part, l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 était concerné, et, d’autre part, le caractère descriptif du terme « garum » à l’égard du public professionnel avait été fondé sur une simple présomption.

26      Dans l’arrêt GARUM, point 24 supra (EU:T:2008:70), le Tribunal a, en effet, annulé la décision de la chambre de recours, laquelle avait considéré que le mot « garum » n’était pas distinctif, au motif que, selon lui, ce mot ne serait pas compris du grand public. Il a, ainsi, considéré, au point 36 dudit arrêt, que la chambre de recours avait commis une erreur en effectuant une analyse au regard du seul public spécialisé et professionnel, alors même que ce public spécialisé, constitué des restaurateurs, faisait également partie du public pertinent.

27      Toutefois, il ressort également de l’arrêt GARUM, point 24 supra (EU:T:2008:70) que, même à l’égard des restaurateurs professionnels, la marque GARUM ne pouvait pas être considérée comme étant dépourvue de caractère distinctif, puisque ces restaurateurs n’étaient pas familiarisés avec le mot « garum », la chambre de recours s’étant contentée, selon le point 41 dudit arrêt, de déduire la prétendue connaissance du sens dudit mot par les restaurateurs de la présomption purement conjecturale, générale et abstraite, selon laquelle il serait « légitime d’exiger une certaine familiarité [de la part des restaurateurs] avec des termes spécialisés relativement peu connus du grand public ».

28      Ainsi, le Tribunal a reproché à la chambre de recours, dans l’arrêt GARUM, point 24 supra (EU:T:2008:70), d’avoir refusé l’enregistrement, alors même que, selon le point 41 dudit arrêt, il n’était même pas avéré que les restaurateurs étaient effectivement familiarisés avec le terme « garum » et que ni la chambre de recours ni l’OHMI en cours d’instance n’avaient avancé des éléments concrets permettant d’établir que ce terme était connu et employé dans le secteur européen de la gastronomie dans sa signification d’origine.

29      Dès lors, contrairement à ce que prétend la requérante, en ne fondant pas son analyse sur une simple présomption, mais sur des données précises et objectives, la chambre de recours ne s’est pas départie de ce précédent jurisprudentiel.

30      Dès lors, il y a lieu, aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, d’examiner, sur la base d’une signification donnée du signe verbal en cause, s’il existait, au moment de l’enregistrement, du point de vue du public ciblé, un rapport suffisamment direct et concret entre la marque contestée et les produits pour lesquels l’enregistrement a été octroyé (voir, en ce sens, arrêt KAATSU, point 15 supra, EU:T:2014:937, point 32 et jurisprudence citée).

31      S’agissant du mot « trilobular », qui est composé de l’élément « tri », à savoir un préfixe provenant du latin et du grec, et de l’élément « lobular », à savoir un mot provenant du latin, il fait référence, au regard des produits en cause, au fait que la vis est constituée de trois lobes. Cela est d’autant plus vrai que, dans la langue allemande, ce que ne conteste pas la requérante et qu’elle a d’ailleurs confirmé lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, les mots « trilobularen », « Trilobularität » et « Trilobulare » existent avec la même acception que le terme « trilobular », à savoir « constitué de trois lobes » ou « tri lobulaire ».

32      Dès lors, le mot « trilobular » pourrait être compris non seulement de professionnels germanophones, mais également de professionnels d’autres États membres pour lesquels ledit mot pourrait faire référence à l’expression « tri lobulaire » et décrire donc l’une des caractéristiques ou qualités des produits en cause. Ainsi, à l’égard de ces professionels, ce mot serait immédiatement perçu comme décrivant le fait que la vis est composée de trois lobes, et donc décrit une qualité ou une caractéristique, au demeurant essentielle, desdits produits.

33      Ainsi qu’il ressort des points 16 et 17 de la décision attaquée, Nedschroef Holding a, par des éléments tangibles, qui n’ont, au demeurant pas été contestés quant à leur matérialité par la requérante, établi que, dès 1982, le mot « trilobular » pouvait être utilisé de façon descriptive au regard d’une vis présentant une géométrie trilobée du corps fileté.

34      Même si la chambre de recours n’a pas considéré nécessaire de citer l’ensemble des sources dont elle disposait quant au caractère descriptif de la marque contestée comme cela ressort de la dernière phrase du point 16 de la décision attaquée, force est de constater que l’ensemble des données figurant dans ladite décision mettent effectivement en exergue que, avant l’enregistrement de ladite marque, cette dernière présentait déjà un caractère descriptif.

35      Par ailleurs, il convient d’observer que, davantage que la « fonction » ou la « nature » que décrirait la marque contestée, ainsi que l’a relevé la chambre de recours au point 15 de la décision attaquée, ladite marque décrit plutôt une caractéristique, une qualité ou même la forme des produits en cause, à savoir le fait que les vis sont composées de trois lobes.

36      En deuxième lieu, s’agissant du degré d’attention du public pertinent, la requérante prétend que ce dernier ne portera pas une grande attention lors de l’achat des produits en cause.

37      À cet égard, il suffit de constater que, à supposer même que le grand public porte une attention normale lors de l’achat des produits en cause, une partie du public pertinent, à savoir le public spécialisé pourrait faire preuve d’un degré d’attention plus élevé en raison de l’achat en grandes quantités de tels produits qui se révéleraient être inutilisables, dès lors que des vis trilobées ne pourraient pas être intégrées dans tout type de pas de vis, ainsi qu’il ressort de l’illustration figurant au point 17 de la décision attaquée. Il s’ensuit que, ainsi que l’a d’ailleurs souligné l’OHMI lors de l’audience, les professionnels feront d’autant plus attention que ledit achat portera sur des quantités très importantes. Par ailleurs, il convient d’ajouter que le public qui a connaissance des mots « Trilobulare », « trilobularen » ou « Trilobularität » pourrait être amené à faire, confronté auxdits produits, immédiatement un lien entre la marque contestée et une caractéristique essentielle de ces produits, à savoir le fait, justement décrit par la chambre de recours au point 17 de la décision attaquée, que la vis, vue du dessus, n’est pas exactement circulaire, mais comporte des lobes.

38      C’est donc sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré que la marque contestée décrivait le fait que la section transversale d’une attache ou d’une vis avait une forme triangulaire, c’est-à-dire trilobée.

39      En troisième lieu, la requérante prétend que la chambre de recours a, à tort, examiné l’utilisation du terme « trilobular » dans des publications techniques, telles que des demandes de brevets et des modèles d’utilité, dans lesquelles étaient présentés des éléments de preuve de quelques cas isolés de l’utilisation dudit terme.

40      À cet égard, il convient de rappeler que la présomption de validité dont bénéficie la marque contestée limite l’obligation de l’OHMI, figurant à l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, d’examiner d’office les faits pertinents qui pourraient l’amener à appliquer les motifs absolus de refus à l’examen de la demande d’une marque communautaire mené par les examinateurs et, sur recours, par les chambres de recours lors de la procédure d’enregistrement de ladite marque. Or, dans le cadre d’une procédure de nullité, la marque communautaire enregistrée étant présumée valide, il appartient à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’OHMI les éléments concrets qui mettraient en cause sa validité [arrêt du 13 septembre 2013, Fürstlich Castell’sches Domänenamt/OHMI – Castel Frères (CASTEL), T‑320/10, Rec (Extraits), EU:T:2013:424, point 28].

41      Toutefois, si cette présomption de validité de l’enregistrement limite l’obligation de l’OHMI d’examiner les faits pertinents, elle ne saurait, pour autant, l’empêcher, notamment au vu des éléments invoqués par la partie qui conteste la validité de la marque contestée, de se fonder sur ces arguments ainsi que sur les éventuels éléments de preuve joints par cette partie à sa demande en nullité [voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2013, Welte-Wenu/OHMI – Commission (EUROPEAN DRIVESHAFT SERVICES), T‑413/11, EU:T:2013:12, point 24 et jurisprudence citée].

42      Ainsi, dès lors que, comme en l’espèce, Nedschroef Holding a contesté la validité de la marque concernée en avançant divers éléments au soutien de la demande en nullité, il incombait à la chambre de recours, ainsi qu’elle l’a fait, d’examiner ces éléments.

43      Par ailleurs, il y a lieu de constater que les éléments avancés à l’appui de la demande en nullité établissent, ainsi qu’il ressort des points 15 à 17 de la décision attaquée, notamment, que, dès 1982, le mot « trilobular » décrivait, notamment, ainsi qu’il résulte du point 35 ci-dessus, la nature et la fonction technique des produits en cause, qui est une expression plus générique pour désigner des vis. Ainsi, c’est sur le fondement de ces preuves que la chambre de recours a pu, à juste titre, relever que le mot « trilobular » décrivait le fait que la section transversale d’une attache ou d’une vis avait une forme triangulaire, c’est-à-dire trilobée.

44      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la marque contestée n’est pas descriptive, dans la mesure où les éléments avancés à l’appui de la demande en nullité ne seraient pas connus d’un public très large, ni même par un public spécialisé, il ne saurait être accueilli.

45      En effet, il convient de rappeler qu’il n’est pas nécessaire que les signes et les indications composant la marque visés à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 soient effectivement utilisés, au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives des produits ou des services pour lesquels la demande est présentée ou des caractéristiques de ces produits ou services. Il suffit, comme l’indique la lettre même de cette disposition, que ces signes et indications puissent être utilisés à de telles fins (arrêt OHMI/Wrigley, point 15 supra, point 32 ; voir également, par analogie, arrêt du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, Rec, EU:C:2004:86, point 97).

46      Or, les éléments du dossier devant l’OHMI permettent effectivement de constater que la marque contestée décrivait déjà, à la date de la demande d’enregistrement, une caractéristique ou une qualité des produits en cause, en sorte que cette désignation peut être utilisée à des fins descriptives.

47      En quatrième lieu, la requérante prétend, en se fondant sur le point 36 de l’arrêt du 5 novembre 2008, Neoperl Servisys/OHMI (HONEYCOMB) (T‑256/06, EU:T:2008:475), que le fait qu’un terme puisse avoir une signification technique n’est pas une indication de ce que la marque est descriptive.

48      Force est de constater que l’interprétation de l’arrêt HONEYCOMB, point 47 supra (EU:T:2008:475) à laquelle s’est livrée la requérante est manifestement erronée.

49      En effet, dans l’arrêt HONEYCOMB, point 47 supra (EU:T:2008:475), la requérante prétendait que l’absence de signification concrète sur le plan technique de la marque demandée avait nécessairement pour conséquence son absence de caractère descriptif. Or, au point 36 dudit arrêt, le Tribunal a simplement considéré que l’absence de signification concrète sur le plan strictement technique n’était pas pertinente dans le cadre de l’appréciation du caractère descriptif, ce qui ne signifie pas que l’existence d’une signification technique ne puisse avoir pour corollaire l’existence d’un caractère descriptif.

50      En tout état de cause, force est de constater que, en l’espèce, la marque contestée a une signification concrète sur le plan technique au regard des produits en cause et que cela a nécessairement pour conséquence que ladite marque est descriptive desdits produits.

51      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen unique ne saurait être accueilli, en sorte que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

52      Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Research Engineering & Manufacturing, Inc., est condamnée aux dépens.

Martins Ribeiro

Gervasoni

Madise

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 novembre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.