Language of document : ECLI:EU:T:2023:576

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

20 septembre 2023 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant des dispositifs de cuisson – Demande de renouvellement de l’enregistrement – Requête en restitutio in integrum – Article 67 du règlement (CE) no 6/2002 »

Dans l’affaire T‑616/22,

Breville Pty Ltd, établie à Alexandria (Australie), représentée par Mes F. Caruso, G. Grippiotti et M. Pozzi, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. T. Klee, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, M. P. Zilgalvis et Mme E. Tichy‑Fisslberger (rapporteure), juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 7 juin 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Breville Pty Ltd, demande l’annulation de la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 20 juin 2022 (affaire R 613/2022-3) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Au plus tard en 2016, la requérante a mandaté le cabinet de propriété intellectuelle australien Spruson & Ferguson Pty Limited (ci-après « S&F ») pour la gestion de son portefeuille de dessins ou modèles.

3        Le 5 janvier 2016, la requérante a, par l’intermédiaire de S&F, désigné la Società Italiana Brevetti SpA (ci‑après « SIB », une société établie en Italie, afin qu’elle dépose, en son nom, une demande d’enregistrement de dessin ou modèle communautaire en vertu du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), auprès de l’EUIPO. SIB est une association de représentants professionnels inscrite sur la liste des mandataires agréés en matière de dessins ou modèles visée à l’article 78, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002.

4        Le 12 janvier 2016, SIB a déposé, auprès de l’EUIPO, une demande d’enregistrement de dessin ou modèle communautaire au nom et pour le compte de la requérante. Dans cette demande, SIB apparaissait comme étant la représentante de cette dernière. Le dessin ou modèle communautaire demandé a été enregistré sous le numéro 1444467‑0001.

5        Par lettre du 16 juin 2020 adressée à SIB, l’EUIPO a informé cette société sur le fait que le dessin ou modèle en cause expirerait le 12 janvier 2021 et que la demande de renouvellement ainsi que la taxe correspondante devraient lui parvenir au plus tard le 1er février 2021, un renouvellement tardif étant possible, moyennant une taxe supplémentaire, dans un délai supplémentaire de six mois.

6        Le 5 novembre 2020, S & F a informé SIB que la société CPA Global, devenue Clarivate (ci-après « CPA/Clarivate »), serait, désormais, en tant que « fournisseur de services de renouvellement spécialisé », chargée de la gestion de taxes, notamment des taxes de renouvellement, concernant le dessin ou modèle en cause.

7        Le 9 novembre 2020, SIB a informé S & F qu’elle avait pris bonne note de la communication du 5 novembre 2020.

8        N’ayant pas reçu de réponse à la lettre mentionnée au point 5 ci-dessus, ni perçu le paiement de la taxe de renouvellement, l’EUIPO a, le 13 août 2021, envoyé à SIB une communication selon laquelle le dessin ou modèle en cause serait arrivé à expiration conformément à l’article 22, paragraphe 5, et à l’article 40, paragraphe 1, du règlement (CE) no 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement n6/2002 (JO 2002, L 341, p. 28).

9        Le 18 août 2021, SIB a pris connaissance de la communication de l’EUIPO du 13 août 2021 quant à l’expiration du dessin ou modèle en cause.

10      Le 7 octobre 2021, SIB a envoyé une copie de la communication de l’EUIPO du 13 août 2021 à S & F. Cette dernière a, par la suite, informé la requérante du contenu de ladite communication.

11      Le 2 décembre 2021, l’EUIPO a notifié à SIB que, le dessin ou modèle en cause n’ayant pas été renouvelé, l’EUIPO avait procédé à sa radiation du registre conformément à l’article 22, paragraphe 5, et à l’article 69, paragraphe 3, sous n), du règlement no 2245/2002. L’EUIPO a également communiqué que l’annulation avait pris effet au 12 janvier 2021.

12      Le 7 décembre 2021, SIB a présenté, au nom de la requérante, une requête en restitutio in integrum au titre de l’article 67, paragraphe 1, du règlement n6/2002 et a demandé que la requérante soit rétablie dans ses droits. La taxe de renouvellement, la taxe de restitutio in integrum et la taxe supplémentaire ont été acquittées en même temps.

13      Le 13 décembre 2021, l’EUIPO a informé SIB que la requête en restitutio in integrum était réputée ne pas avoir été déposée, parce que la taxe pertinente n’avait pas été acquittée dans le délai prévu à l’article 67, paragraphe 2, du règlement n6/2002.

14      Le 20 décembre 2021, SIB a demandé que soit adoptée une « décision susceptible de recours au titre de l’article 40, paragraphe 2, du règlement (CE) no 2245/2002 ».

15      Par décision du 17 février 2022, le service « Opérations » de l’EUIPO a rejeté la requête en restitutio in integrum.

16      Le 12 avril 2022, SIB a, toujours au nom de la requérante, formé un recours, au titre des articles 55 à 60 du règlement n6/2002, contre la décision du département « Opérations » de l’EUIPO du 17 février 2022, demandant que cette décision soit annulée. Le même jour, SIB a fait parvenir à l’EUIPO le mémoire exposant les motifs du recours.

17      Par la décision attaquée, dont la motivation comporte deux volets d’argumentation principaux distincts, la chambre de recours a rejeté le recours.

18      Dans le cadre du premier volet de la décision attaquée (voir les points 17 à 39 de cette décision), la chambre de recours a relevé, en substance, que la requête en restitutio in integrum n’avait pas été présentée dans le délai de deux mois prévu à l’article 67, paragraphe 2, du règlement no 6/2002. En particulier, selon la chambre de recours, le point de départ de ce délai correspondrait à la date à laquelle l’empêchement pour introduire une requête en restitutio in integrum avait cessé d’exister. Cette date serait, en l’espèce, le 18 août 2021, à savoir la date à laquelle SIB, en tant que représentant de la requérante, aurait pris connaissance de la perte, par cette dernière, du dessin ou modèle en cause (voir points 22, 23, 29 et 33 de la décision attaquée). Par conséquent, le délai de deux mois pour présenter une requête en restitutio in integrum aurait expiré le 18 octobre 2021 (voir point 25 de la décision attaquée). SIB aurait, par ailleurs, conservé sa qualité de représentant de la requérante tout au long de la procédure de renouvellement aussi longtemps que la fin de sa mission n’aurait pas été notifiée à l’EUIPO [voir point 36, sous d), de la décision attaquée]. C’est compte tenu du fait que la requête en restitutio in integrum n’aurait été présentée que le 7 décembre 2021 (voir point 26 de la décision attaquée), qu’il y aurait lieu de conclure que la requête en restitutio in integrum avait été introduite hors délai (voir point 39 de la décision attaquée). En outre, la référence faite par la requérante dans son recours, à la décision de la troisième chambre de recours du 17 mars 2021 dans l’affaire R 2134/2020-3, dans laquelle cette même chambre aurait également fait des observations sur une requête en restitutio in integrum et que la requérante avait mentionnée à l’appui de ses arguments concernant le respect du délai de deux semaines prévu à l’article 67, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, ne serait, en substance, pas pertinente en l’espèce (voir point 38 de la décision attaquée).

19      Dans le cadre du second volet de la décision attaquée (voir points 40 à 55 de cette dernière), la chambre de recours a, en substance, estimé que les circonstances invoquées devant elle par la requérante pour justifier l’inobservation des délais de renouvellement de l’enregistrement du dessin ou modèle en cause n’étaient pas de nature à permettre de conclure que la requérante ou les entreprises auxquelles la gestion du dessin ou modèle en cause avait été confiée par la requérante, à savoir S & F et CPA/Clarivate, avaient agi avec « toute la vigilance nécessitée », au sens de l’article 67, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. En effet, la requérante aurait, certes, soutenu que, en raison d’un concours de circonstances survenu en 2021, CPA/Clarivate aurait été victime d’une « mauvaise interprétation » de certaines instructions données par la requérante ou par S & F au sujet du renouvellement du dessin ou modèle communautaire en cause (voir points 44 et 46 de la décision attaquée). Néanmoins, ladite « mauvaise interprétation » des instructions ne constituerait pas un événement à caractère exceptionnel et imprévisible, à savoir un événement intervenu indépendamment du fait ou malgré le fait que CPA/Clarivate ait, quant à elle, respecté « toute la vigilance » requise en l’espèce en ce qui concerne le renouvellement du dessin ou modèle en cause et justifiant, ainsi et finalement, la demande en restitutio in integrum (voir point 48 de la décision attaquée). La requérante elle-même n’aurait pas non plus fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances au cas d’espèce. En effet, les éléments de preuve versés au dossier n’auraient pas démontré que la requérante avait vérifié si ses instructions avaient été correctement suivies et si le dessin ou modèle en cause avait été dûment renouvelé (voir point 49 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

20      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        faire droit à sa requête en restitutio in integrum.

21      L’EUIPO conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité des preuves présentées par la requérante lors de l’audience

22      Lors de l’audience, la requérante a offert de verser au dossier de l’affaire une série de copies de documents contenant des citations de textes légaux, une copie d’un article de presse datant de 2009, une copie d’un extrait d’un site Internet ainsi que des copies de certaines pages d’un rapport publié par l’Office européen des brevets de 2019.

23      Ayant été entendu à l’égard de la demande de la requérante visée au point 22 ci-dessus, l’EUIPO a excipé de l’irrecevabilité des preuves produites par la requérante.

24      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, à titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

25      Dans la mesure où la requérante n’a pas expliqué quel rapport lesdits éléments de preuve pourraient avoir avec la requête – et ce en reliant chaque document à des arguments figurant dans la requête –, et où la requérante n’a fourni aucune explication convaincante quant à la raison pour laquelle ces éléments de preuve n’ont pas été déposés antérieurement, il y a lieu de les rejeter comme étant irrecevables.

26      En tout état de cause, les éléments de preuve visés au point 22 ci-dessus doivent être rejetés comme étant irrecevables pour une raison autre que celle mentionné au point 25 ci-dessus. En effet, en vertu de l’article 61, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, le Tribunal est appelé à apprécier la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO en contrôlant l’application du droit de l’Union européenne effectuée par celles-ci eu égard, notamment, aux éléments de fait qui ont été soumis auxdites chambres. La fonction du Tribunal n’est pas celle de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 octobre 2016, August Storck/EUIPO – Chiquita Brands (Fruitfuls), T‑367/14, non publié, EU:T:2016:615, point 13 et jurisprudence citée]. Or, les documents présentés lors de l’audience n’ont pas fait l’objet d’un examen par la chambre de recours aux fins de l’adoption de la décision attaquée.

 Sur le fond

27      La requérante soulève un moyen unique tiré d’une violation de l’article 67, paragraphes 1 et 2, du règlement no 6/2002. Afin de répondre de manière utile à ce moyen, qui se subdivise en deux branches, il convient de rappeler les éléments suivants.

28      Aux termes de l’article 67, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, le demandeur ou le titulaire d’un dessin ou modèle communautaire enregistré ou toute autre partie à une procédure devant l’EUIPO qui, bien qu’ayant fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances, n’a pas été en mesure d’observer un délai à l’égard de l’EUIPO est, sur requête, rétabli dans ses droits si l’empêchement a eu pour conséquence directe, en vertu dudit règlement, la perte d’un droit ou celle d’un moyen de recours. Il ressort de cette disposition que la restitutio in integrum est subordonnée à deux conditions, la première étant que la partie ait agi avec toute la vigilance nécessaire au regard des circonstances et la seconde que l’empêchement de la partie ait eu pour conséquence directe la perte d’un droit ou celle d’un moyen de recours [arrêt du 21 avril 2021, Lee/EUIPO (Couteaux, fourchettes et cuillères de table), T‑382/20, non publié, EU:T:2021:210, point 11].

29      Il ressort également de l’article 67, paragraphe 1, du règlement n6/2002 que le devoir de vigilance incombe d’abord au demandeur ou au titulaire d’un dessin ou modèle communautaire ou à toute autre partie à une procédure devant l’EUIPO. Toutefois, si ces personnes se font représenter, le représentant est, tout autant que ces personnes, soumis au devoir de vigilance. En effet, le représentant agissant au nom et pour le compte du demandeur ou du titulaire d’un dessin ou modèle communautaire ou de toute autre partie à une procédure devant l’EUIPO, ses actes doivent être considérés comme étant ceux de ces personnes [voir, en ce sens, arrêt du 31 janvier 2019, Thun/EUIPO (Poisson), T‑604/17, non publié, EU:T:2019:42, points 18 et 19 et jurisprudence citée].

30      Enfin, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 67, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, la requête en restitutio in integrum doit être présentée par écrit dans un délai de deux mois à compter de la cessation de l’empêchement. Le respect des délais est d’ordre public et la restitutio in integrum est susceptible de nuire à la sécurité juridique. Par conséquent, les conditions d’application de la restitutio in integrum doivent être interprétées de façon stricte (arrêt du 21 avril 2021, Couteaux, fourchettes et cuillères de table, T‑382/20, non publié, EU:T:2021:210, point 14).

 Sur la première branche du moyen unique, tirée d’une violation de l’article 67, paragraphe 2, du règlement no 6/2002

31      Par la première branche de son moyen unique, la requérante remet en cause la conclusion, exposée par la chambre de recours au point 39 de la décision attaquée, selon laquelle, en substance, la requête en restitutio in integrum en cause n’aurait pas été déposée dans le délai prévu à l’article 67, paragraphe 2, du règlement no 6/2002.

32      Premièrement, selon la requérante, la communication du 13 août 2021 aurait dû être adressée à la requérante elle-même. La notification de la communication de l’EUIPO du 13 août 2021 à SIB, intervenue le 18 août 2021, n’aurait pas déclenché l’écoulement du délai visé audit article 67, paragraphe 2, puisque, à cette date, SIB n’était plus le représentant dûment agréé de la requérante pour ce qui est de la procédure de renouvellement. En effet, le pouvoir accordé par la requérante à SIB n’aurait été valable que pour la procédure spécifique d’enregistrement qui avait été entamée et avait fini en 2016. Ce pouvoir relèverait d’une « situation exceptionnelle » en ce qu’il n’aurait pas été octroyé par écrit, mais aurait été uniquement indiqué sur le formulaire de demande d’enregistrement. Or, un tel pouvoir ne s’étendrait pas à tous les actes accomplis pendant la durée de validité de l’enregistrement du dessin ou modèle communautaire concerné. Certes, la Cour aurait, en matière de droit des marques, jugé, au point 38 de son arrêt du 30 septembre 2010, Evets/OHMI (C‑479/09 P, non publié, EU:C:2010:571), que « le pouvoir du représentant du titulaire d’une marque devant l’OHMI comprend[rait] tous les actes de procédure en matière de marques, y compris les actes de renouvellement de l’enregistrement d’une marque communautaire ». Mais la Cour n’aurait pas expliqué si elle avait pris en compte la « situation exceptionnelle » dans laquelle le pouvoir en cause n’avait pas été octroyé par écrit. De toute façon, les règlements nos 6/2002 et 2245/2002 ne contiendraient aucune disposition prévoyant que le pouvoir qui a été simplement déclaré dans le formulaire de demande d’enregistrement s’étendrait à toute procédure ou acte relatif à l’enregistrement qui en découle ou à toute autre procédure de demande concernant cet enregistrement. Enfin, même si l’on admettait l’interprétation de l’EUIPO, selon laquelle la mention du représentant dans la première demande équivaudrait à un pouvoir couvrant tous les actes réalisés au cours de la durée de vie du dessin ou modèle subséquent, lorsque l’EUIPO a adressé à SIB la communication relative à la perte de droits, le droit en cause avait déjà expiré, de sorte que, conformément à cette interprétation de l’EUIPO, il aurait dû être considéré que cela était également le cas du pouvoir du représentant.

33      Deuxièmement, la chambre de recours aurait dû, en l’espèce, rendre une décision similaire à celle donnée dans l’affaire R 2134/2020-3, faute de quoi il devrait être considéré qu’elle a enfreint le principe d’égalité de traitement. En effet, dans cette affaire, la troisième chambre de recours aurait considéré que la date de cessation de l’empêchement n’était pas la date à laquelle le représentant avait reçu la communication de l’EUIPO concernant la perte des droits, mais la date beaucoup plus tardive à laquelle la titulaire du droit avait été informée de la perte de son enregistrement de dessin ou modèle par la société à laquelle elle avait donné instruction de procéder au paiement des taxes de renouvellement. Or, dans la présente affaire, les circonstances factuelles seraient les mêmes ou, à tout le moins, parfaitement comparables à celles étant à la base de ladite affaire. Comme dans l’affaire R 2134/2020-3, SIB aurait considéré que l’expiration communiquée par l’EUIPO était la conséquence de la décision de la titulaire d’abandonner l’enregistrement.

34      Troisièmement, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir interprété l’article 67 du règlement no 6/2002 à la lumière de la finalité des dispositions légales relatives à la protection des droits de propriété intellectuelle, à savoir, notamment, du maintien et du développement de la créativité dans l’intérêt des auteurs, de la garantie d’un rendement satisfaisant de l’investissement, ainsi que de la création d’un marché performant au bénéfice de la croissance et de la compétitivité. Selon la requérante, l’article 67 du règlement no 6/2002 ne devrait pas être interprété d’une manière qui reviendrait à refuser aux titulaires de droits de propriété intellectuelle le droit de jouir des fruits de leur ingéniosité, de leur travail ou de leurs investissements. En effet, l’octroi d’une restitutio in integrum en cas de non-respect des délais en ce qui concerne les droits de propriété intellectuelle n’aurait pas d’effets négatifs sur les concurrents, les consommateurs et le grand public. En l’espèce, la « sanction punitive » associée à la perte du titulaire de droits découragerait les investissements et serait contraire aux objectifs des lois sur la protection de la propriété intellectuelle et à l’intérêt du grand public.

35      L’EUIPO réfute les arguments de la requérante.

36      En l’espèce, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré au point 39 de la décision attaquée que la requête en restitutio in integrum déposée par SIB au nom de la requérante n’avait pas été présentée dans le délai de « deux mois à compter de la cessation de l’empêchement », prévu à l’article 67, paragraphe 2, du règlement no 6/2002.

37      En effet, en premier lieu, dans un cas tel que celui en cause, c’est-à-dire lorsqu’un titulaire d’un dessin ou modèle communautaire se fait représenter devant l’EUIPO par quelqu’un d’autre et que ledit dessin ou modèle a expiré, la date à laquelle il y a eu « cessation de l’empêchement », au sens de l’article 67, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, est, en général, la date à laquelle l’EUIPO a notifié, au représentant dudit titulaire, la communication visée à l’article 22, paragraphe 5, et à l’article 40, paragraphe 1, du règlement no 2245/2002, c’est-à-dire la communication selon laquelle le dessin ou modèle en cause est arrivé à expiration (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 septembre 2010, Evets/OHMI, C‑479/09 P, non publié, EU:C:2010:571, point 42). Tel est le cas, puisque, conformément à l’article 63, premier alinéa, du règlement no 2245/2002, toute notification ou autre communication adressée par l’EUIPO à un représentant dûment agréé a le même effet que si elle était adressée à la personne représentée.

38      En deuxième lieu, en l’espèce, la date à laquelle le titulaire du dessin ou modèle en cause, c’est-à-dire la requérante, est réputé avoir pris connaissance de la perte de ses droits correspond à la date à laquelle la communication de l’EUIPO du 13 août 2021 a été notifiée à SIB, soit le 18 août 2021. En effet, le 18 août 2021, SIB était la représentante de la requérante, devant l’EUIPO, à l’égard du dessin ou modèle en cause, ce qui peut être déduit des éléments suivants.

39      Premièrement, il est utile de rappeler que, du fait qu’elle n’a pas son siège dans l’Union, la requérante doit, en application de l’article 77, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, être représentée dans toute procédure auprès de l’EUIPO par une des personnes physiques ou morales visées à l’article 78, paragraphe 1, de ce règlement.

40      Deuxièmement, le 18 août 2021, SIB figurait dans le dossier de l’EUIPO comme étant la représentante de la requérante qui avait, le 12 janvier 2016, déposé la demande d’enregistrement du dessin ou modèle en cause au nom de la requérante. De plus, à la date du 18 août 2021, SIB était inscrite sur la liste des mandataires agréés en matière de dessins ou modèles visée à l’article 78, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002. Par ailleurs, il y a lieu de constater que, ainsi qu’il ressort du dossier devant le Tribunal, à la page 3 de sa notification du 16 juin 2020, adressée à SIB (voir point 5 ci-dessus), l’EUIPO a expressément invité SIB à lui communiquer les éventuels changements de nom ou d’adresse du destinataire de la notification relative à l’expiration du dessin ou modèle en cause.

41      À aucun moment avant le 18 août 2021, l’EUIPO ne s’est vu communiquer une déclaration selon laquelle la mission de représentation de la requérante assumée par SIB aurait pris fin avant le 18 août 2021. Or, conformément à l’article 62, paragraphe 6, du règlement no 2245/2002, tout représentant dont la mission de représentation a pris fin conserve sa qualité de représentant aussi longtemps que la fin de sa mission n’a pas été notifiée à l’EUIPO.

42      Troisièmement, il y a lieu de souligner que la capacité de SIB d’agir au nom de la requérante, c’est-à-dire le pouvoir de SIB, couvrait tous les actes de procédure relatifs au dessin ou modèle en cause, à savoir, en particulier, tous les actes nécessaires pour mener à bien la procédure de renouvellement dudit dessin ou modèle communautaire dont il s’agit en l’espèce (voir, par analogie, arrêt du 30 septembre 2010, Evets/OHMI, C‑479/09 P, non publié, EU:C:2010:571, point 38).

43      En troisième lieu, du fait qu’il avait commencé à courir le 18 août 2021, le délai de deux mois dont il est question à l’article 67, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 a, en l’espèce, expiré le 18 octobre 2021. La requête en restitutio in integrum n’a, en revanche, été déposée que cinquante jours après cette date, soit le 7 décembre 2021.

44      Ni la conclusion mentionnée au point 36 ci-dessus, ni les appréciations figurant aux points 37 à 43 ci-dessus ne sont remises en cause par les arguments de la requérante.

45      Premièrement, la requérante invoque, en substance, que, le 18 août 2021, SIB n’était plus la représentante de la requérante. Cela serait dû au fait que le pouvoir accordé par la requérante à SIB au cours de l’année 2016 relèverait d’une « situation exceptionnelle » en ce qu’il n’aurait pas été octroyé par écrit, mais uniquement indiqué sur le formulaire de demande d’enregistrement. En raison de cette « situation exceptionnelle », plus précisément, faute d’une indication expresse quand à une éventuelle étendue générale, ledit pouvoir se serait étendu uniquement à la seule procédure d’enregistrement du dessin ou modèle en cause (à l’exclusion donc d’autres actes procéduraux relatifs au même dessin ou modèle ; voir point 32 ci-dessus). Cet argument ne peut toutefois qu’être rejeté comme étant non fondé.

46      En effet, il est vrai que la réglementation en matière de dessin ou modèle communautaire connaît la possibilité qu’un pouvoir soit accordé par écrit à un mandataire agrée inscrit sur la liste visée à l’article 78, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002 et que ce pouvoir soit signé et versé au dossier de l’EUIPO, pour tenir compte de ce qui ressort de l’article 62 du règlement no 2245/2002. Néanmoins, rien ne permet de conclure que la situation dans laquelle le pouvoir accordé à un mandataire agréé figurant sur la liste visée à l’article 78, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002 a été simplement indiqué dans le formulaire de demande d’enregistrement, sans pour autant avoir été mis par écrit dans un document particulier par la partie représentée, constituerait une « situation exceptionnelle » permettant de lui conférer une étendue autre que celle d’un pouvoir général accordé par écrit. En principe, tout pouvoir, donné par écrit ou non, est réputé avoir une étendue générale, à moins qu’il n’existe une indication expresse, par écrit ou non, quant à ses limites. Cette interprétation s’impose en raison de la nécessité de protéger les tiers qui ont affaire à un représentant, tel que SIB. Le silence des dispositions des règlements nos 6/2002 et 2245/2002 sur la question de savoir si le pouvoir qui a été déclaré dans le formulaire de demande d’enregistrement s’étend ou non à tous les actes de procédure relatifs à un certain dessin ou modèle communautaire n’a, par ailleurs, aucune incidence sur cette interprétation. À cet égard, il y a lieu de souligner que l’interprétation du « pouvoir » retenue par la Cour dans l’arrêt du 30 septembre 2010, Evets/OHMI (C‑479/09 P, non publié, EU:C:2010:571), cité au point 42 ci-dessus, s’applique, par analogie, au domaine des dessins ou modèles.

47      De même, doit être rejeté comme étant non fondé l’argument de la requérante selon lequel, en substance, du fait que, le 18 août 2021, le dessin ou modèle en cause était déjà expiré, et ce depuis le 12 janvier 2021, il aurait dû être considéré que cela était également le cas du pouvoir du représentant (voir point 32 ci‑dessus). En effet, qu’il soit accordé par écrit ou non, un pouvoir, en tant qu’acte juridique unilatéral opéré par la partie donnant pouvoir, doit être distingué, notamment, de tous les droits au regard desquels un tel pouvoir peut être utilisé, de sorte que la disparition d’un tel droit n’entraîne nullement la disparition du pouvoir. En l’espèce, le pouvoir de SIB doit donc être distingué du sort à réserver au dessin ou modèle communautaire en cause en tant que tel, si bien que l’expiration de ce droit ne peut avoir pour conséquence la disparition du pouvoir donné à SIB.

48      Une autre raison pour laquelle la thèse de la requérante quant à la prétendue disparition du pouvoir de SIB en raison de l’expiration du dessin ou modèle en cause ne saurait être admise est qu’elle est en contradiction avec l’énoncé de l’article 77, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, ainsi que l’a fait valoir l’EUIPO en substance à juste titre. Pour rappel, selon cette disposition, les personnes qui n’ont pas leur siège dans l’Union doivent être représentées dans toutes les procédures auprès de l’EUIPO par un mandataire agréé, conformément à l’article 78, paragraphe 1, de ce règlement, sauf pour le dépôt d’une demande d’enregistrement. Or, ne serait-ce que pour s’acquitter des obligations d’information qui incombent à l’EUIPO en vertu de l’article 22, paragraphe 5, et de l’article 40, paragraphe 1, du règlement no 2245/2002, cette agence devait être en mesure de continuer à s’adresser à un représentant tel que SIB, à savoir le seul mandataire agréé en l’espèce.

49      En tout état de cause, l’interprétation que fait la requérante de la disparition du pouvoir de SIB n’est aucunement conciliable avec l’énoncé de l’article 62, paragraphe 6, du règlement no 2245/2002, selon lequel tout représentant dont la mission de représentation a pris fin conserve sa qualité de représentant aussi longtemps que la fin de sa mission n’a pas été notifiée à l’EUIPO. À la date pertinente, à savoir le 18 août 2021, l’EUIPO était tenu de continuer à communiquer avec SIB au regard du dessin ou modèle en cause, puisque, tel que cela a déjà été mentionné au point 38 ci-dessus, avant le 18 août 2021 il n’avait pas reçu de notification expresse du fait que la mission de représentation de SIB avait pris fin, et ce indépendamment de la question de savoir si le droit en cause avait expiré ou non.

50      Deuxièmement, il y a lieu de rejeter, comme étant inopérants, les arguments développés par la requérante pour démontrer une violation, par la chambre de recours, du principe d’égalité de traitement en ce qu’elle se serait écartée de ce qu’elle aurait décidé dans l’affaire R 2134/2020-3 (voir point 33 ci-dessus).

51      En effet, conformément à une jurisprudence bien établie, l’EUIPO est, certes, tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union. Eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’EUIPO doit prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens. Mais, lorsque l’EUIPO procède à un tel examen, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité [voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2015, Aic/OHMI – ACV Manufacturing (Échangeurs de chaleur), T‑615/13, non publié, EU:T:2015:31, point 28 et jurisprudence citée]. Enfin, il y a lieu de rappeler que la légalité des décisions de la chambre de recours, lesquelles relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire, doit être appréciée uniquement sur le fondement du règlement étant d’application en cause, tel qu’il est interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO, laquelle ne saurait, en tout état de cause, lier le juge de l’Union (arrêts du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, EU:C:2005:547, point 47 ; du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, EU:C:2006:20, point 48, et du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65).

52      Or, les conditions de l’article 67 du règlement no 6/2002, en particulier la question du calcul du délai visé au paragraphe 2 de cette disposition, relèvent d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire, si bien que la décision adoptée par la chambre de recours dans l’affaire R 2134/2020-3 au regard des faits propres à cette affaire en tant que telle n’était aucunement déterminante aux fins du contrôle de la légalité de la décision attaquée, laquelle doit être soumise à un examen au regard des faits propres au présent cas d’espèce.

53      Troisièmement, les arguments, tirés du fait que l’interprétation qu’a donnée la chambre de recours, en l’espèce, à l’article 67 du règlement no 6/2002 équivaudrait à une « sanction punitive » infligée à la requérante et ayant pour effet la perte de ses droits et qui devrait être évitée sauf à vouloir se situer en dehors des objectifs visés par la législation en matière de propriété intellectuelle (voir point 34 ci-dessus), ne peuvent qu’être rejetés.

54      En effet, d’une part, la perte d’un droit de propriété intellectuelle en raison du non-respect des règles concernant la procédure de restitutio in integrum n’a rien de « punitif » ; il ne s’agit pas d’une sanction. D’autre part, à y regarder de plus près, ces arguments se révèlent comme étant de nature très générale. Or, au vu de l’obligation de la requérante de démontrer l’existence d’une erreur de droit ou d’appréciation des faits précise qui entacherait la décision attaquée, des déclarations générales du genre que profère la requérante ne sauraient suffire pour remettre en cause l’application dudit article 67 du règlement no 6/2002. En tout état de cause, ainsi que l’a fait valoir l’EUIPO à bon droit dans son mémoire en réponse, au moment où il a créé l’article 67 du règlement no 6/2002, le législateur de l’Union était bien conscient des objectifs liés à la protection des investissements qui figuraient dans la législation sur les droits de propriété intellectuelle, qu’il avait, d’ailleurs, adoptée lui-même. Les mêmes arguments de la requérante sont, d’ailleurs, également en contradiction avec la jurisprudence du juge de l’Union qui a établi que le respect des délais était une question d’ordre public et que la restitutio in integrum d’un enregistrement après sa radiation était susceptible de nuire à la sécurité juridique, si bien que les conditions d’application de la restitutio in integrum doivent être interprétées de façon stricte (voir la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus).

55      Il résulte de ce qui précède que la première branche du moyen unique de la requérante est vouée au rejet.

 Sur la seconde branche du moyen unique, tirée d’une violation de l’article 67, paragraphe 1, du règlement no 6/2002

56      Dans le cadre de la seconde branche de son moyen unique, la requérante soutient que la conclusion de la chambre de recours, exposée en substance aux points 40 à 55 de la décision attaquée, selon laquelle la requérante n’aurait pas « fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances », équivaudrait à une mauvaise application et donc à une violation de l’article 67, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

57      À cet égard, il convient de rappeler que la condition liée au respect du délai de deux mois pour l’introduction d’une requête en restitutio in integrum, figurant à l’article 67, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, et la condition relative à la démonstration de la « vigilance nécessitée par les circonstances », visée à l’article 67, paragraphe 1, du même règlement, et dont il est question dans le cadre de la seconde branche du moyen de la requérante, sont cumulatives. L’absence de l’une d’entre elles suffit donc à rendre inapplicable l’article 67 dudit règlement et à refuser l’octroi de la restitutio in integrum.

58      Dès lors que, ainsi qu’il résulte des considérations précédentes, la requérante n’a pas démontré avoir respecté le délai de deux mois pour l’introduction d’une requête en restitutio in integrum, figurant à l’article 67, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé des arguments visant à faire valoir une mauvaise application, par la chambre de recours, de l’article 67, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 et de la prétendue mauvaise interprétation qu’aurait faite ladite chambre de la notion de « vigilance nécessitée par les circonstances », visée audit article 67, paragraphe 1.

59      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

60      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Breville Pty Ltd est condamnée aux dépens.

Costeira

Zilgalvis

Tichy-Fisslberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 septembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.