Language of document : ECLI:EU:T:2022:817

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

14 décembre 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne figurative CIPRIANI FOOD – Usage sérieux de la marque – Nature de l’usage – Article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 – Importance de l’usage – Article 58, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑358/21,

Hotel Cipriani SpA, établie à Venise (Italie), représentée par Mes M. Rieger-Jansen, D. Op de Beeck et W. Pors, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Ivanauskas, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Altunis-Trading, Gestão e Serviços, Sociedade unipessoal, Lda, établie à Funchal (Portugal), représentée par Mes M. Pomares Caballero, E. Salis et T. Barber Giner, avocats,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé, lors des délibérations, de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva et T. Perišin (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Hotel Cipriani SpA, demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 27 avril 2021 (affaire R 1599/2020-4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 21 novembre 1997, l’un des prédécesseurs en droit de l’intervenante, Altunis-Trading, Gestão e Serviços, Sociedade unipessoal, Lda, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO, des classes 29 et 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes séchés, œufs ; lait ; huiles et graisses comestibles » ;

–        classe 30 : « Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café ; préparations faites de céréales, pain ; miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel ; vinaigre ; épices ; glace à rafraîchir ».

5        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 002/1999, du 11 janvier 1999. Cette marque a été enregistrée le 9 janvier 2002 sous le numéro 683250.

6        Le 24 janvier 2019, la requérante a présenté auprès de l’EUIPO une demande en déchéance de la marque en cause en vertu de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 pour l’ensemble des produits visés au point 4 ci-dessus.

7        Le 3 juin 2019, l’intervenante a présenté des preuves de l’usage de la marque contestée.

8        Par décision du 16 juin 2020, la division d’annulation a partiellement accueilli la demande en déchéance. Elle a cependant conclu que l’enregistrement de la marque contestée devait être maintenu pour les produits « huiles comestibles » relevant de la classe 29 et « riz ; préparations faites de céréales, pain ; vinaigre » relevant de la classe 30 (ci-après les « produits en cause »).

9        Le 31 juillet 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

10      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours.

11      En substance, la chambre de recours a estimé que l’intervenante avait apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits en cause du fait d’éléments de preuve démontrant, notamment, son usage sous sa forme enregistrée aux fins de la commercialisation desdits produits ainsi que la vente de ces produits de façon continue et régulière tout au long de la période pertinente, et ce pour des montants suffisamment élevés.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        réformer la décision attaquée en prononçant la déchéance de la marque contestée dans son intégralité ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés dans le cadre des procédures devant le Tribunal et la chambre de recours.

 En droit

 Observations liminaires sur le droit applicable

15      Compte tenu de la date d’introduction de la demande en déchéance en cause, en l’occurrence le 24 janvier 2019, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, le présent litige est régi par les dispositions matérielles du règlement 2017/1001 (voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2019, Deichmann/EUIPO, C‑223/18 P, EU:C:2019:471, point 2). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

16      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient de comprendre les références faites par la requérante à l’article 15 du règlement no 207/2009, comme visant l’article 18 d’une teneur identique du règlement 2017/1001.

 Sur la recevabilité de certaines annexes à la requête

17      L’EUIPO soutient que les documents figurant en annexe A.10 et A.11 de la requête sont produits pour la première fois devant le Tribunal et, partant, doivent être déclarés irrecevables.

18      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’un recours porté devant le Tribunal en vertu de l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours. Dans le cadre dudit règlement, en application de son article 95, ce contrôle doit se faire au regard du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [voir arrêt du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, EU:T:2005:29, point 17 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit que le Tribunal ne saurait annuler ou réformer la décision objet du recours pour des motifs qui apparaîtraient postérieurement à son prononcé (arrêts du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 55, et du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 53).

19      Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’admission de ces preuves est contraire à l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. Partant, les preuves produites pour la première fois devant le Tribunal doivent être déclarées irrecevables, sans qu’il soit nécessaire de les examiner [voir arrêt du 14 mai 2009, Fiorucci/OHMI – Edwin (ELIO FIORUCCI), T‑165/06, EU:T:2009:157, point 22 et jurisprudence citée].

20      En l’espèce, en produisant en annexe A.10 un échantillon des factures de vente, telles qu’elle les estime déposées par l’intervenante, la requérante attire l’attention du Tribunal sur le fait que, hormis pour quatre d’entre elles, lesdites factures apparaissent avec une partie de la marge supérieure rognée. Il en résulte que la marque contestée n’y figurerait pas, mais que seule figurerait la représentation suivante :

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21      Ensuite, l’annexe A.11 contient plusieurs captures d’écran sur lesquelles figurent, en arrière-plan, une facture de vente litigieuse et, en superposition au premier plan, une fenêtre des propriétés du document. En attirant l’attention du Tribunal sur les indications contenues dans la fenêtre de propriété des documents produits en annexe A.11, la requérante cherche à prouver que les factures litigieuses sont contenues dans un document qui a été référencé par l’EUIPO sous le numéro « 167724726.pdf » du dossier de la marque contestée, accessible via le portail de recherche « eSearch plus ».

22      Par la production de ces deux annexes, la requérante vise en substance à corroborer l’allégation avancée dans le cadre de son premier moyen, selon laquelle, parmi les éléments de preuve qui lui sont parvenus, seules quatre factures de vente comprenaient la marque sous sa forme enregistrée.

23      À cet égard, tout d’abord, ainsi que le précise l’EUIPO, il est possible de vérifier dans le portail de recherche de l’EUIPO « eSearch plus » les communications des parties, telles que contenues dans le dossier d’une marque contestée. Or, l’annexe A.10 consiste effectivement en une reproduction de certaines factures de vente telles qu’elles apparaissent dans l’un des fichiers contenus dans le portail de recherche de l’EUIPO « eSearch plus ». De même, l’annexe A.11 permet d’identifier le fichier en cause, à savoir celui référencé sous le numéro « 167724726.pdf » en date du 3 juin 2019.

24      Ensuite, il convient de relever que le dossier d’une marque contestée figurant sur le portail de recherche de l’EUIPO « eSearch plus » comprend, notamment, les communications entre les parties à un litige visant ladite marque. Par voie de conséquence, de telles communications font partie du cadre factuel et juridique du litige qui a été porté devant la chambre de recours.

25      Enfin, force est de constater que les documents contenus en annexe A.10 reproduisent des factures de vente contenues dans le dossier de la marque contestée sur le portail de recherche « eSearch plus » et, plus précisément, dans le document référencé sous le numéro « 167724726.pdf » en date du 3 juin 2019. De même, les documents contenus en annexe A.11 indiquent des informations relatives aux propriétés informatiques sur le portail de recherche « eSearch plus » desdites factures de vente.

26      Partant, lesdits documents n’étant pas nouveaux, ils sont recevables.

 Sur le fond

27      À l’appui de son recours, la requérante invoque quatre moyens. Par le premier moyen, elle reproche à la chambre de recours une violation de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 du fait d’une motivation insuffisante. Par le deuxième moyen, la requérante avance que la chambre de recours a violé l’article 18 du même règlement en considérant que les éléments de preuve permettraient d’établir l’usage de la marque contestée sous sa forme enregistrée. Par le troisième moyen, la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir commis une erreur, en violation dudit article, dans son appréciation de l’importance de l’usage de la marque contestée. Par le quatrième moyen, la requérante allègue que la chambre de recours a commis une erreur au regard de l’article 58, paragraphe 2, dudit règlement, en considérant que les « pâtes alimentaires » ne sont pas une sous-catégorie autonome des « préparations faites de céréales ».

 Sur le premier moyen, tiré d’une insuffisance de motivation

28      La requérante allègue que la chambre de recours n’a pas motivé, conformément à l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, son rejet de l’argument selon lequel les factures de vente produites ne présentaient pas la marque contestée telle qu’enregistrée. Selon la requérante, seulement quatre pages sur les 954 pages de factures de vente produites présentent la marque contestée telle qu’enregistrée. Au soutien d’une telle affirmation, ainsi qu’il a été exposé aux points 20 et 21 ci-dessus, elle produit la représentation, en annexe A.10, qui figurerait sur les factures de vente litigieuses telles qu’elles lui seraient parvenues, ce que l’annexe A.11 attesterait.

29      La requérante ajoute que, bien qu’elle ait fait remarquer à l’EUIPO et à l’intervenante que les factures de vente litigieuses ne contenaient pas la marque contestée, aucune autre copie desdites factures ne lui a été transmise par l’intervenante.

30      L’EUIPO et l’intervenante contestent ces allégations.

31      À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation de motivation a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Elle a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits, et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [arrêt du 7 juin 2017, Mediterranean Premium Spirits/EUIPO – G-Star Raw (GINRAW), T‑258/16, non publié, EU:T:2017:375, point 88].

32      En outre, l’obligation de motivation n’impose pas aux chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. Il suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [arrêts du 15 janvier 2015, MEM/OHMI (MONACO), T‑197/13, EU:T:2015:16, point 19, et du 7 juin 2017, GINRAW, T‑258/16, non publié, EU:T:2017:375, point 89].

33      Tout d’abord, s’agissant de l’argument de l’EUIPO selon lequel ce ne serait que devant le Tribunal que la requérante explicite les raisons pour lesquelles elle estimait que la marque contestée ne figurait pas sur les factures de vente litigieuses, il y a lieu de relever que, certes, la requérante a présenté dans les écrits produits devant la division d’annulation et la chambre de recours la façon dont lesdites factures lui apparaissaient. Cependant, la requérante n’a pas précisé qu’il s’agissait d’une capture d’écran du document référencé sous le numéro « 167724726.pdf » en date du 3 juin 2019 contenu dans le dossier de la marque contestée accessible sur le portail de recherche de l’EUIPO « eSearch plus ».

34      Or, force est de constater que cette omission revêtait une importance décisive aux fins de la bonne compréhension de l’argumentation de la requérante devant la chambre de recours et la division d’annulation.

35      Ensuite, l’EUIPO affirme, dans son mémoire en réponse, que ce ne serait que lorsque la requérante a étayé devant le Tribunal une telle argumentation qu’il a pu constater l’existence d’une erreur technique lors du téléchargement du document référencé sous le numéro « 167724726.pdf » du 3 juin 2019. Une telle erreur serait passée inaperçue durant la procédure, car les éléments de preuve déposés par l’intervenante ont fait l’objet de plusieurs communications sur lesquelles les factures litigieuses ne comportent pas de défauts.

36      Cette hypothèse se confirme par le fait, d’une part, que, dans le dossier administratif de l’EUIPO, qui a été transmis au Tribunal et à partir duquel l’EUIPO et la chambre de recours ont analysé l’affaire, la marque contestée figure bien en haut à gauche de l’en-tête des factures de vente litigieuses. D’autre part, ainsi que le fait valoir à juste titre l’intervenante, lorsque, dans une lettre du 17 mai 2021, la requérante a demandé au greffe de la chambre de recours de vérifier que les factures de vente comprennent la marque contestée dans son ensemble, celui-ci a répondu par l’affirmative en se référant au dossier administratif de l’EUIPO.

37      Enfin et en tout état de cause, il y a lieu de constater que le fichier auquel la requérante fait référence ne lui était pas destiné. En effet, il est constant que, au soutien de son allégation selon laquelle la marque contestée ne figure pas sur les factures de vente, la requérante se réfère au document contenu dans le portail de recherche de l’EUIPO « eSearch plus », qui est référencé sous le numéro « 167724726.pdf ». Cependant, ce document correspond à la communication du 3 juin 2019 de l’intervenante à l’EUIPO des éléments de preuve, dont les factures de vente litigieuses. En revanche, l’EUIPO a transmis à la requérante lesdits éléments de preuve le 18 juin 2019 dans un document qui, dans le portail de recherche de l’EUIPO « eSearch plus », est référencé sous le numéro « 258666.pdf ». Or, dans ce fichier à destination de la requérante, la marque contestée figure bien en haut à gauche de l’en-tête de l’ensemble des factures de vente litigieuses.

38      Ainsi, il convient de constater que, comme l’avance en substance l’EUIPO, le fait qu’il y ait eu une erreur technique lors du téléchargement par l’intervenante des éléments de preuve sur le portail de recherche de l’EUIPO « eSearch plus », ayant eu pour effet d’altérer l’affichage à l’écran des factures de vente dans leur version transmise le 3 juin 2019, n’a pas eu d’incidence en l’espèce pour la requérante. En effet, une version de ces éléments de preuve dépourvue de défauts, à savoir comprenant des factures de vente sur lesquelles figure l’ensemble de la marque contestée en haut à gauche de leur en-tête, lui a été expressément et régulièrement transmise le 18 juin 2019.

39      Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir manqué à son obligation de motivation, non seulement car celle-ci ne pouvait raisonnablement pas avoir connaissance des raisons sous-tendant l’affirmation portée devant elle selon laquelle les factures de vente ne représentaient pas la marque contestée, mais aussi car une version dépourvue de défauts avait initialement été transmise à la requérante.

40      Dans ce contexte, la requérante ne peut, par ailleurs, raisonnablement et utilement alléguer qu’aucune autre copie des éléments de preuve ne lui a été communiquée.

41      Partant, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, tirés d’une erreur d’appréciation de l’usage de la marque contestée

42      La requérante soutient que la chambre de recours a violé l’article 18, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 et l’article 58 dudit règlement en concluant que la marque contestée a fait l’objet d’un usage sérieux.

43      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

44      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et s’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.

45      En ce qui concerne les critères d’appréciation de l’usage sérieux, en vertu de l’article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), applicable aux procédures de déchéance conformément à l’article 19, paragraphe 1, de ce même règlement, la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque contestée et se limite à la production de pièces justificatives, comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001.

46      Il convient de rappeler que, dans le cadre d’une procédure de déchéance d’une marque, c’est au titulaire de cette dernière qu’il incombe, en principe, d’établir l’usage sérieux de ladite marque (voir arrêt du 23 janvier 2019, Klement/EUIPO, C‑698/17 P, non publié, EU:C:2019:48, point 57 et jurisprudence citée).

47      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque [voir arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 39 et jurisprudence citée].

48      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43).

49      Pour examiner le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement (voir arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 42 et jurisprudence citée).

50      L’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêts du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, EU:T:2002:316, point 47, et du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 28].

51      Dans le cadre de l’appréciation des preuves de l’usage sérieux d’une marque, il ne s’agit pas d’analyser chacune des preuves de façon isolée, mais conjointement, afin d’en identifier le sens le plus probable et le plus cohérent. Ainsi, même si la valeur probante d’un élément de preuve est limitée dans la mesure où, pris isolément, il ne démontre pas avec certitude si les produits concernés ont été mis sur le marché et comment ils l’ont été et si cet élément n’est dès lors pas décisif à lui seul, il peut néanmoins être pris en compte dans l’appréciation globale du caractère sérieux de l’usage de la marque concernée. Il en va ainsi, par exemple, lorsque cet élément vient s’ajouter à d’autres éléments de preuve [voir, en ce sens, arrêts du 9 décembre 2014, Inter-Union Technohandel/OHMI – Gumersport Mediterranea de Distribuciones (PROFLEX), T‑278/12, EU:T:2014:1045, points 64 à 69, et du 7 septembre 2016, Victor International/EUIPO – Ovejero Jiménez et Becerra Guibert (VICTOR), T‑204/14, non publié, EU:T:2016:448, point 74].

52      En l’espèce, ainsi que cela figure dans la décision attaquée, afin de prouver l’usage sérieux de la marque contestée, l’intervenante a produit les éléments de preuve suivants :

–        des déclarations sous serment de détaillants d’Allemagne, d’Espagne et du Portugal ;

–        955 pages de factures de vente émises par Cipriani Industria S.p.A. et Cipriani Industria Srl, sociétés liées à l’intervenante, à l’attention de différents détaillants dans seize États membres de l’Union à l’époque (Danemark, Allemagne, Estonie, Irlande, Grèce, Espagne, France, Lettonie, Luxembourg, Malte, Autriche, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Suède et Royaume-Uni) ainsi qu’en Suisse, et datées de 2014 à 2019 ;

–        des catalogues, brochures et factures, en anglais, en allemand et en italien, de 2014 à 2018 ;

–        des autorisations sanitaires, datées du 22 avril 2003, autorisant Cipriani Industria Srl à produire et à emballer des pâtes sèches aux œufs et à vendre en gros des produits alimentaires, des vins et des spiritueux, et du 6 avril 2005, autorisant l’activité d’emballage de biscuits et produits de pâtisserie ;

–        une déclaration sous serment signée par le directeur de l’intervenante et de Cipriani Industria S.p.A., datée de mai 2019, indiquant que ces sociétés utilisent la marque contestée depuis le milieu des années 1980 pour divers produits alimentaires (différents types de pâtes alimentaires ainsi que des huiles d’olive, du vinaigre, du riz, des sauces et des panettone) ; ce document inclut le chiffre d’affaires annuel relatif à ces produits pour les années 2014-2019 dans 23 États membres de l’Union (par pays et par année) et comprend également une liste de 28 pages intitulée « Liste des marques mondiales Cipriani dans les classes 29 et 30 »;

–        une déclaration de licence, datée du 29 mai 2013, émise par le directeur de l’intervenante, dans laquelle il déclare que cette dernière est détenue par Cipriani International Group SA, et explique ses liens commerciaux avec d’autres sociétés Cipriani, dont Cipriani Industria Srl ; l’intervenante a autorisé ses sociétés liées à utiliser les marques Cipriani.

53      En l’espèce, vu la date d’introduction de la demande en déchéance, à savoir le 24 janvier 2019, c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que la période pertinente aux fins de l’appréciation de l’usage sérieux de la marque contestée s’étendait du 24 janvier 2014 au 23 janvier 2019 inclus.

54      Il convient de relever que, sous l’intitulé « conclusion » de sa requête, la requérante soutient que la marque contestée n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire pertinent au cours de la période pertinente en relation avec les produits en cause. Cependant, les moyens avancés par la requérante visent uniquement à remettre en cause les considérations de la chambre de recours relatives à l’usage de la marque contestée sous sa forme enregistrée, à son importance et à l’égard des produits pour lesquels elle a été enregistrée. Ainsi, il y a lieu de constater que les autres critères de l’usage sérieux ne font l’objet d’aucun commencement d’argumentation et ne sauraient dès lors être examinés.

–       Sur le deuxième moyen, tiré d’une appréciation erronée de l’usage de la marque contestée sous sa forme enregistrée

55      La requérante soutient, en substance, que c’est en violation de l’article 18 du règlement 2017/1001 que la chambre de recours a conclu que la marque contestée a fait l’objet d’un usage sous sa forme enregistrée.

56      En particulier, elle fait valoir que la chambre de recours aurait manqué de déterminer les éléments distinctifs et dominants de la marque contestée afin d’apprécier correctement si celle-ci avait fait l’objet d’un tel usage eu égard aux éléments de preuve. De ce fait, ladite chambre aurait fondé son appréciation de l’usage de la marque contestée sous sa forme enregistrée à partir de constatations lacunaires.

57      Notamment, premièrement, la requérante avance, en substance, que la chambre de recours aurait considéré à tort que l’occurrence du terme « cipriani » parmi les éléments de preuve contribuait à concourir à l’usage de la marque contestée sous sa forme enregistrée.

58      Deuxièmement, s’agissant des catalogues et des brochures, la requérante estime que la chambre de recours aurait seulement tenu compte d’une illustration exposée aux pages 6 et 10 de la décision de la division d’annulation. En particulier, la requérante estime qu’un examen limité à cette illustration aurait eu pour effet d’écarter d’autres éléments de preuve dont l’examen aurait conduit la chambre de recours à considérer que le signe utilisé par l’intervenante sous la marque contestée était fondamentalement différent de ladite marque.

59      Troisièmement, la requérante ajoute que la chambre de recours aurait également manqué d’établir l’usage de la marque contestée sous sa forme enregistrée en fonction de chacun des produits en cause. Elle produit, à titre d’exemple, plusieurs images issues des éléments de preuve afin de démontrer l’usage d’un signe différent de celui de la marque contestée en ce qui concerne la commercialisation de panettone, d’huile, de vinaigre et de riz. Au vu de ces images, la requérante soutient que la composition et le positionnement des signes utilisés ne sont pas identiques à la marque contestée sous sa forme enregistrée et que la chambre de recours a fait abstraction de telles différences.

60      L’EUIPO et l’intervenante contestent ces allégations.

61      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001, est également considéré comme un usage au sens du premier alinéa dudit article 18, paragraphe 1, l’usage d’une marque de l’Union européenne sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée.

62      L’objet de cette disposition, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque de l’Union européenne et celle sous laquelle cette marque a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Conformément à son objet, le champ d’application matériel de cette disposition doit être considéré comme limité aux situations dans lesquelles le signe concrètement utilisé par le titulaire d’une marque pour désigner les produits ou les services pour lesquels celle-ci a été enregistrée constitue la forme sous laquelle cette même marque est commercialement exploitée. Dans de pareilles situations, lorsque le signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susvisée prévoit que l’obligation d’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce [voir arrêt du 23 octobre 2017, Galletas Gullón/EUIPO – O2 Holdings (Forme d’un paquet de biscuits), T‑404/16, non publié, EU:T:2017:745, point 27 et jurisprudence citée].

63      Le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque telle qu’elle a été enregistrée requiert l’examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque [voir arrêt du 20 juillet 2017, Cafés Pont/EUIPO – Giordano Vini (Art’s Cafè), T‑309/16, non publié, EU:T:2017:535, point 16 et jurisprudence citée].

64      En l’espèce, au point 28 de la décision attaquée, la chambre de recours a tout d’abord constaté que toutes les factures de vente produites représentaient la marque contestée telle qu’enregistrée, en haut à gauche de leur en-tête. De même, elle a relevé que lesdites factures indiquaient l’élément verbal le plus distinctif du signe, à savoir le terme « cipriani », dans la description du produit vendu.

65      Ensuite, elle a considéré que les catalogues et les brochures produits montraient des exemples suffisants dans lesquels la marque contestée est représentée sous sa forme enregistrée, non seulement sur les pages du catalogue, mais aussi sur les produits eux-mêmes, notamment pour l’emballage de riz, de pâtes alimentaires, d’huile, de vinaigre, de panettone et de focaccia. Pour chacun de ces produits, elle a précisé, à titre d’exemple, la page à laquelle les documents présentés montraient l’usage de la marque contestée sous sa forme enregistrée.

66      Enfin, la chambre de recours a conclu que, même si certains des produits représentés dans les catalogues et les brochures présentaient « la marque contestée dans une composition légèrement différente comme l’élément figuratif avec l’élément verbal séparé », il existait également suffisamment d’éléments prouvant que les produits sont commercialisés sous la forme enregistrée de la marque figurative contestée.

67      En substance, la requérante allègue que, étant donné que la chambre de recours n’aurait pas procédé à l’examen des éléments distinctifs et dominants de la marque contestée, elle aurait nécessairement apprécié de façon erronée l’usage de la marque contestée sous sa forme enregistrée, et ce pour chacun des produits en cause.

68      À cet égard, il convient, tout d’abord, de relever que, s’agissant des factures de vente, la chambre de recours a constaté que l’ensemble d’entre elles « représent[aient] la marque contestée telle qu’enregistrée en haut à gauche de l’en-tête ». De même, il y a lieu de relever que, concernant les quatre factures de vente pour lesquelles la requérante n’alléguait aucune insuffisance de motivation dans le cadre de son premier moyen, celle-ci a indiqué qu’y était présentée la marque contestée telle qu’enregistrée. Or, une telle représentation est identique pour le restant des factures de vente. Dès lors, la constatation de la chambre de recours ne saurait être remise en cause.

69      Ensuite, s’agissant des descriptions de produits parmi les factures de vente, la chambre de recours a considéré que l’emploi du signe CIPRIANI concourait à démontrer l’usage de la marque contestée, puisqu’il s’agit de l’élément verbal le plus distinctif de la marque contestée.

70      À cet égard, d’une part, force est de constater que le second élément verbal de la marque contestée est le terme « food » et que le caractère descriptif de ce terme eu égard aux produits en cause, à savoir des aliments, ne fait pas de doute. En effet, compte tenu de sa signification en anglais, le terme « food » renvoie directement aux produits en cause. Dès lors, parmi les éléments verbaux de la marque contestée, l’élément « cipriani » est manifestement celui qui est le plus distinctif, notamment car celui-ci est sans lien avec les caractéristiques des produits en cause.

71      D’autre part, et en tout état de cause, il convient de rappeler que les factures de vente, dans lesquelles figurent des descriptions de produits contenant l’élément « cipriani », contiennent en en-tête la marque contestée sous sa forme enregistrée. Or, comme l’indique à juste titre l’EUIPO, le fait que l’élément verbal « cipriani » figure seul parmi la description des produits ne saurait avoir pour effet d’exclure les éléments figurant dans l’en-tête de l’appréciation de l’usage sérieux de la marque contestée. Ainsi qu’il résulte du principe d’appréciation globale des éléments de preuve exposé au point 51 ci-dessus, ceux-ci doivent être appréciés conjointement. Dans ces conditions, il convient de constater que la mention du terme « cipriani » dans la description des produits figurant sur les factures de ventes corrobore le fait que lesdits produits ont été commercialisés sous la marque contestée.

72      Enfin, s’agissant des catalogues et des brochures, la chambre de recours a estimé que ceux-ci « montr[aient] des exemples suffisants dans lesquels la marque contestée est représentée sous sa forme enregistrée non seulement sur les pages du catalogue, mais aussi sur les produits eux-mêmes ».

73      À l’encontre de cette appréciation, la requérante avance, en substance, que, faute d’avoir effectué un examen du caractère distinctif de la marque contestée, la chambre de recours n’aurait pas vérifié si les éléments de preuve démontraient un usage conforme à la marque contestée sous sa forme enregistrée en relation avec l’ensemble des produits en cause.

74      Cependant, au point 28 de la décision attaquée, la chambre de recours renvoie, à titre d’exemple et pour chacun des produits en cause, à des illustrations spécifiques d’emballage des produits qui sont contenues dans les catalogues et les brochures. Ces renvois lui permettent d’établir l’usage de la marque contestée sous sa forme enregistrée.

75      Or, l’examen de ces renvois montre le bien-fondé des constatations de la chambre de recours. En effet, les exemples à partir desquels la chambre de recours a constaté l’usage de la marque contestée sont avérés et visent l’ensemble des produits en cause. De plus, ces exemples ne sont pas des cas isolés, puisqu’ils figurent à plusieurs reprises dans les brochures et les catalogues.

76      Par conséquent, l’allégation selon laquelle la chambre de recours n’a pas procédé à l’examen exprès des éléments distinctifs et dominants de la marque contestée est dénuée de pertinence car, pour fonder sa conclusion, il a suffi à la chambre de recours de relever les usages de la marque contestée identiques à la forme sous laquelle elle a été enregistrée.

77      Partant, contrairement à ce qu’allègue la requérante, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a conclu à l’usage de la marque contestée sous sa forme enregistrée, et ce pour chacun des produits en cause.

78      Les autres arguments de la requérante ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

79      Premièrement, la requérante fait valoir que, compte tenu de la prétendue absence d’examen de l’usage de la marque contestée sous sa forme enregistrée pour chacun des produits en cause, la chambre de recours a manqué à son obligation de motivation lorsqu’elle a affirmé, au point 28 de la décision attaquée, qu’« il exist[ait] suffisamment d’éléments prouvant que les produits sont commercialisés sous la forme enregistrée de la marque figurative contestée ».

80      À cet égard, il suffit de constater qu’il résulte du point 28 de la décision attaquée que la chambre de recours a explicitement fondé ses conclusions sur l’analyse des en-têtes des factures de vente, des descriptions de produits contenues dans lesdites factures ainsi que des brochures et des catalogues. S’agissant de ces derniers documents, elle a mentionné les pages auxquelles elle se référait afin de constater un usage de la marque contestée sous sa forme enregistrée, et ce pour chacun des produits en cause. Ainsi, à l’instar du Tribunal, la requérante était en mesure de comprendre les motifs de la décision attaquée et, dès lors, de faire valoir ses droits.

81      Partant, la chambre de recours ayant suffisamment motivé lesdites conclusions conformément à la jurisprudence mentionnée au point 31 ci-dessus, un tel argument doit être écarté comme étant non fondé.

82      Deuxièmement, la requérante souligne que la chambre de recours n’a pas justifié l’appréciation selon laquelle l’élément verbal « cipriani » était l’élément verbal le plus distinctif du signe. Elle allègue que cette constatation contredit la décision de la division d’annulation, laquelle aurait déclaré que la silhouette et les mots « cipriani » et « food » étaient tous des éléments clés de la marque contestée qui permettent au consommateur d’identifier le titulaire enregistré.

83      À cet égard, il suffit de constater, d’une part, que cette affirmation repose sur une lecture erronée de la décision de la division d’annulation. En effet, dans le cadre de son examen, la division d’annulation n’a pas considéré que chacun des éléments constituant la marque contestée devait être qualifié d’« éléments clés ». En revanche, il ressort de cette décision que la division d’annulation a constaté, à l’instar de la chambre de recours, que, dans de nombreux éléments de preuve, ces trois éléments constituant l’ensemble de la marque contestée figuraient dans la même composition et les mêmes positions, et ce de façon proéminente et discernable.

84      D’autre part, le fait que la division d’annulation ait constaté la présence sur les éléments de preuve des trois éléments constituant la marque contestée afin d’aboutir à ses conclusions n’est pas incompatible avec l’analyse de la chambre de recours selon laquelle l’élément « cipriani » est, parmi les éléments verbaux, celui qui est le plus distinctif.

85      Dès lors, un tel argument doit être écarté comme étant non fondé.

86      Troisièmement, la requérante avance que la chambre de recours aurait à tort considéré qu’il était possible de se fonder sur l’emploi du terme « cipriani » dans les éléments de preuve afin d’établir l’usage sérieux de la marque contestée. En particulier, la requérante affirme que, au point 28 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que « l’utilisation du mot “cipriani” sur les factures ou les emballages suffisait à soutenir que la marque [contestée] avait été utilisée [dans sa forme] telle qu’enregistrée ».

87      À cet égard, d’une part, force est de constater que ladite affirmation ne correspond pas au point 28 de la décision attaquée, ni à sa lettre ni à l’interprétation qui peut en être donnée. Il y a donc lieu de relever que l’affirmation de la requérante procède d’une compréhension erronée de cette décision.

88      D’autre part, si, par un tel argument, il devait être compris que la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir pris en compte la mention du terme « cipriani » dans les descriptions des produits contenues dans les factures de vente, celui-ci ne saurait prospérer. En effet, ainsi qu’il résulte des motifs exposés aux points 68 à 76 ci-dessus, aux fins de l’appréciation de l’usage de la marque sous la forme enregistrée, la chambre de recours a analysé la représentation de la marque contestée sur l’ensemble des éléments de preuve et conformément au principe d’appréciation globale tel qu’exposé au point 51 ci-dessus. La mention du terme « cipriani » dans les descriptions de produits contenues dans les factures de vente n’est qu’un indice de ce que la commercialisation des produits en cause s’effectue sous la marque contestée, ce que l’examen des brochures et des catalogues confirme.

89      Dès lors, un tel argument doit être écarté comme étant non fondé.

90      Partant, le deuxième moyen doit être écarté.

–       Sur le troisième moyen, tiré d’une appréciation erronée de l’importance de l’usage

91      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a violé l’article 18 du règlement 2017/1001 en concluant que les preuves présentées permettent d’établir que la marque contestée a fait l’objet d’un usage suffisamment important pour être qualifié de sérieux.

92      Ses arguments s’articulent en substance autour de trois griefs.

93      Par un premier grief, la requérante avance qu’il incombait à l’intervenante de définir la taille du marché des produits en cause et que la chambre de recours a, à tort, renversé la charge de la preuve à cet égard en considérant qu’il revenait à la requérante d’établir la taille dudit marché.

94      Par un deuxième grief, la requérante allègue que la chambre de recours a, à tort, considéré que la marque contestée avait fait l’objet d’un usage suffisamment important, car ladite chambre n’aurait pas analysé le volume commercial des ventes sous ladite marque au regard de la taille du marché des produits en cause dans l’Union.

95      Par un troisième grief, la requérante avance, en substance, que la chambre de recours a conclu à un usage suffisamment important de la marque contestée à l’issue d’un raisonnement contradictoire.

96      L’EUIPO et l’intervenante réfutent ces allégations.

97      À titre liminaire, s’agissant de l’appréciation de l’importance de l’usage qui a été fait d’une marque contestée, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle les actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [voir arrêt du 8 novembre 2007, Charlott/OHMI – Charlo (Charlott France Entre Luxe et Tradition), T‑169/06, non publié, EU:T:2007:337, point 36 et jurisprudence citée].

98      Il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux, car une telle qualification dépend des caractéristiques du produit ou du service concerné sur le marché correspondant (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 42 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 39). Toutefois, plus le volume commercial de l’exploitation de la marque est limité, plus il est nécessaire que le détenteur de la marque apporte des indications supplémentaires permettant d’écarter d’éventuels doutes quant au caractère sérieux de l’usage de la marque concernée [voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2011, Advance Magazine Publishers/OHMI – Capela & Irmãos (VOGUE), T‑382/08, non publié, EU:T:2011:9, point 31].

99      Ainsi, un faible volume de produits ou de services commercialisés sous la marque contestée peut être compensé par une forte intensité ou une certaine constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement [voir arrêt du 15 septembre 2011, centrotherm Clean Solutions/OHMI – Centrotherm Systemtechnik (CENTROTHERM), T‑427/09, EU:T:2011:480, point 28 et jurisprudence citée].

100    En l’espèce, la chambre de recours a tout d’abord fait remarquer que les nombreuses factures de vente adressées à des détaillants dans toute l’Union, appréciées conjointement avec les autres éléments de preuve, tels que les déclarations sous serment de certains desdits détaillants, montrent des ventes continues et importantes des produits en cause. Ensuite, la chambre de recours a constaté que la marque contestée avait fait l’objet d’un usage intensif pour les pâtes alimentaires et que la requérante ne s’opposait pas à ce constat. Enfin, la chambre de recours a étayé son raisonnement en ce qui concerne les autres produits en cause, à savoir l’huile d’olive, le riz, les panettones, les focaccias et les biscottis. Elle a estimé que l’argument de la requérante selon lequel ces produits avaient seulement fait l’objet de ventes de moins de 100 ou 120 unités ou pour des montants de moins de 500 euros manquait en fait. En prenant appui, à titre illustratif, sur certaines factures, elle a relevé que celles-ci montraient au contraire des ventes continues de ces produits pour des montants élevés.

101    Ainsi, la chambre de recours a conclu que, même en partant de l’hypothèse – au soutien de laquelle la requérante ne lui a apporté aucune preuve – que le marché des aliments et des boissons dans l’Union a une taille et une valeur importantes, les factures de vente démontraient un usage suffisamment important de la marque contestée pour l’ensemble des produits en cause.

102    À l’appui de cette conclusion, la chambre de recours a retenu, d’une part, que l’exigence d’un usage sérieux ne visait pas à évaluer la réussite commerciale d’une entreprise et, d’autre part, que, malgré l’absence de ventilation du chiffre d’affaires par produit dans les déclarations sous serment des détaillants et de l’intervenante, celles-ci permettaient de constater l’usage de la marque contestée dans de nombreux États membres de l’Union.

103    Par son premier grief, la requérante allègue que la chambre de recours a, à tort, renversé la charge de la preuve aux fins de la définition de la taille du marché en cause, à savoir, selon la requérante, le marché alimentaire. En particulier, la requérante conteste la considération formulée au point 26 de la décision attaquée, selon laquelle ses prétentions visant à réfuter l’importance de l’usage de la marque contestée étaient dépourvues de pertinence, car elle « n’a produit aucun élément de preuve » afin de définir la taille dudit marché. Au contraire, la requérante estime qu’il incombait à l’intervenante, en tant que titulaire de la marque contestée, d’établir la taille de ce marché afin de démontrer son usage sérieux.

104    À cet égard, il suffit de constater que, au point 26 de la décision attaquée, la chambre de recours a explicitement fondé son analyse sur l’hypothèse alléguée par la requérante selon laquelle le marché des aliments et des boissons avait une taille et une valeur importantes dans l’Union. Par conséquent, la considération par laquelle la chambre de recours a indiqué, à ce même point de la décision attaquée, que la requérante n’avait produit aucun élément de preuve afin de définir le marché des produits en cause n’a eu aucune incidence sur l’examen effectué par ladite chambre.

105    Dès lors, le premier grief du troisième moyen n’est pas de nature à remettre en cause la légalité de la décision attaquée.

106    Par son deuxième grief, la requérante allègue que la chambre de recours n’a pas correctement évalué l’importance de l’usage de la marque contestée au regard de la taille du marché des produits en cause dans l’Union.

107    En particulier, à l’appui de ce grief, la requérante souligne que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 octobre 2016, August Storck/EUIPO – Chiquita Brands (Fruitfuls) (T‑367/14, non publié, EU:T:2016:615), la chambre de recours a pu déterminer elle-même la taille du marché des confiseries dans l’Union. Ainsi, la requérante fait valoir qu’il résulterait de la jurisprudence ainsi que des décisions de la chambre de recours et de la division d’annulation de l’EUIPO que l’importance de l’usage doit être examiné au regard de la taille du marché pour les produits en cause. Ceux-ci étant des produits alimentaires, de faible valeur et destinés au « marché de la grande consommation », l’importance de l’usage de la marque devrait être démontrée par un volume de vente proportionnel à la taille « globale » du marché que ces produits constituent dans l’Union.

108    À cet égard, il convient tout d’abord de rappeler que la chambre de recours a fondé son analyse en tenant compte de l’hypothèse alléguée par la requérante selon laquelle le marché alimentaire est un marché important dans l’Union. Dès lors, en supposant que la chambre de recours ait pu, dans sa pratique, déterminer elle-même la taille du marché des produits en cause dans le cadre de l’examen d’une demande en déchéance, force est de constater qu’une telle circonstance n’a aucune incidence en l’espèce.

109    Ensuite, il convient de constater que les allégations de la requérante reposent sur une prémisse inexacte.

110    En effet, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence exposée aux points 97 à 99 ci-dessus, dans l’appréciation de l’usage d’une marque de l’Union européenne, il convient de tenir compte de plusieurs facteurs, qui doivent être analysés de façon interdépendante.

111    Certes, les caractéristiques du marché en cause font partie des facteurs dont il convient de tenir compte, et lorsque, comme en l’espèce, il s’agit de produits de grande consommation, il importe d’apprécier le volume commercial des ventes sous la marque contestée au regard de l’importance du marché en cause [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 7 juin 2018, Sipral World/EUIPO – La Dolfina (DOLFINA), T‑882/16, non publié, EU:T:2018:336, point 75].

112    Toutefois, lesdits facteurs comprennent également la durée de la période pendant laquelle les actes d’usage ont été accomplis ainsi que la fréquence de ces actes. En définitive, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence mentionnée au point 47 ci-dessus, l’examen de ces critères doit permettre d’établir que la marque contestée a été utilisée conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque.

113    Enfin, en l’espèce, s’il ne fait aucun doute que le marché alimentaire est un marché important dans l’Union, force est également de constater, à l’instar de la chambre de recours au point 26 de la décision attaquée, que l’intervenante a produit un nombre considérable de factures attestant de la vente des produits en cause sous la marque contestée de façon continue tout au long de la période pertinente auprès de multiples détaillants, situés dans seize États membres de l’Union, et ce à une fréquence soutenue.

114    Dès lors, il convient de conclure que, d’une part, la chambre de recours a tenu compte des différents critères visant à établir l’importance de l’usage d’une marque, dont les caractéristiques du marché des produits en cause, et, d’autre part, elle a correctement appliqué lesdits critères en l’espèce.

115    Partant, le deuxième grief du troisième moyen est non fondé.

116    Par son troisième grief, la requérante allègue que la chambre de recours a conclu à un usage suffisamment important de la marque contestée à l’issue d’un raisonnement contradictoire.

117    En particulier, d’une part, la requérante estime que la chambre de recours a reconnu, au point 26 de la décision attaquée, l’exactitude de certains chiffres qu’elle avait portés à sa connaissance, à savoir que des factures de moins de 100 unités et représentant un montant de moins de 500 euros ont été produites pour la vente, respectivement, d’huile d’olive, de riz, de panettones, de focaccias et de biscottis, et de moins de 120 unités s’agissant de la vente de vinaigre. D’autre part, la requérante fait valoir que la chambre de recours a reconnu au point 27 de la décision attaquée que le chiffre d’affaires mentionné dans les déclarations sous serment du directeur de l’intervenante et de plusieurs détaillants n’est pas ventilé par produit.

118    À cet égard, tout d’abord, il convient d’écarter comme relevant d’une compréhension erronée de la décision attaquée l’argumentation de la requérante selon laquelle la chambre de recours aurait considéré, au point 26 de la décision attaquée, que l’intervenante a pu seulement apporter la preuve de la vente de moins de 100 unités d’huile d’olive, de riz, de panettones, de focaccias et de moins de 120 unités de vinaigre, et ce pour un montant de moins de 500 euros.

119    En effet, force est de constater que les allégations de la requérante se fondent sur un relevé erroné des montants que la chambre de recours a exposés au point 25 de la décision attaquée. Non seulement ceux-ci sont exposés à titre illustratif, mais ils sont en majorité bien supérieurs à 500 euros. Par exemple, la chambre de recours mentionne une facture pour la vente de panettones en Espagne d’un montant de 2 869,26 euros, une autre pour la vente de foccacias au Royaume-Uni d’un montant de 1 231,20 euros, ou une autre pour la vente d’huile d’olive en Estonie d’un montant de 10 423,28 euros.

120    Ensuite, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la chambre de recours n’a pas fondé sa décision sur une seule facture pour chacun des produits en cause, mais bien, ainsi qu’elle l’explicite au point 26 de la décision attaquée, sur l’ensemble des factures produites durant la période pertinente.

121    Or, l’examen desdites factures permet d’aboutir à la même conclusion que la chambre de recours, à savoir que les nombreuses factures produites par l’intervenante font état de la vente des produits en cause tout au long de la période pertinente, à une fréquence soutenue et dans des volumes qui, à tout le moins, ne sauraient être qualifiés de symboliques.

122    Enfin, certes, les déclarations produites par l’intervenante ne contiennent pas une ventilation du chiffre d’affaires par produit. Cependant, force est de constater que de tels éléments de preuve sont secondaires, en l’espèce. En effet, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a examiné l’importance de l’usage de la marque contestée prioritairement en fonction des factures de vente. En revanche, elle a considéré, à juste titre, que lesdites déclarations étaient uniquement de nature à corroborer les circonstances de l’exploitation de la marque contestée, en particulier, son exploitation dans plusieurs États membres de l’Union.

123    Dès lors, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en tenant compte desdites déclarations.

124    Au vu de ce qui précède, le troisième grief du troisième moyen doit être écarté comme étant non fondé.

125    Partant, le troisième moyen doit être écarté.

–       Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation de l’usage de la marque contestée pour les produits enregistrés

126    La requérante soutient, en substance, que c’est en violation de l’article 58, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 que la chambre de recours a considéré que la marque enregistrée avait fait l’objet d’un usage pour la catégorie des « préparations faites de céréales ».

127    En particulier, la requérante fait valoir que, certes, l’intitulé général « pâtes alimentaires et nouilles » était absent de la septième édition de la classification de Nice lors de la demande d’enregistrement de la marque en cause, à savoir dans sa version de 1997. Cependant, un tel intitulé étant inclus parmi les indications générales de ladite classe lorsque la demande en déchéance a été introduite, les pâtes alimentaires seraient susceptibles d’exister en tant que sous-catégorie à part entière. Par conséquent, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la marque contestée a fait l’objet d’un usage pour les « préparations faites de céréales » reposerait sur un raisonnement erroné.

128     L’EUIPO et l’intervenante contestent ces allégations.

129     À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il résulte des termes de l’article 58, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 que, si la cause de déchéance n’existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, le titulaire n’est déclaré déchu de ses droits que pour les produits ou les services concernés (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2020, Ferrari, C‑720/18 et C‑721/18, EU:C:2020:854, point 36).

130    S’agissant de la notion de « partie des produits ou services » visée audit article, il y a lieu de relever que le consommateur désireux d’acquérir un produit ou un service relevant d’une catégorie de produits ou de services ayant été définie de façon particulièrement précise et circonscrite, mais à l’intérieur de laquelle il n’est pas possible d’opérer des divisions significatives, associera à une marque enregistrée pour cette catégorie de produits ou de services l’ensemble des produits ou des services appartenant à celle-ci, de telle sorte que cette marque remplira sa fonction essentielle de garantir l’origine pour ces produits ou ces services. Dans ces circonstances, il est suffisant d’exiger du titulaire d’une telle marque d’apporter la preuve de l’usage sérieux de sa marque pour une partie des produits ou des services relevant de cette catégorie homogène (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2020, Ferrari, C‑720/18 et C‑721/18, EU:C:2020:854, point 37 et jurisprudence citée). 

131    En revanche, en ce qui concerne des produits ou des services rassemblés au sein d’une catégorie large, susceptible d’être subdivisée en plusieurs sous-catégories autonomes, il est nécessaire d’exiger du titulaire d’une marque enregistrée pour cette catégorie de produits ou de services d’apporter la preuve de l’usage sérieux de sa marque pour chacune de ces sous-catégories autonomes, à défaut de quoi il sera susceptible d’être déchu de ses droits à la marque pour les sous-catégories autonomes pour lesquelles il n’a pas apporté une telle preuve (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2020, Ferrari, C‑720/18 et C‑721/18, EU:C:2020:854, point 38 et jurisprudence citée).

132    En effet, si le titulaire d’une marque a enregistré sa marque pour une large gamme de produits ou de services qu’il pourrait éventuellement commercialiser, mais qu’il ne l’a pas fait pendant une période ininterrompue de cinq ans, son intérêt à bénéficier de la protection de sa marque pour ces produits ou services ne saurait prévaloir sur l’intérêt des concurrents à utiliser un signe identique ou similaire pour lesdits produits ou services, voire à demander l’enregistrement de ce signe en tant que marque (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2020, Ferrari, C‑720/18 et C‑721/18, EU:C:2020:854, point 39 et jurisprudence citée).

133    En ce qui concerne le critère pertinent à appliquer aux fins de l’identification d’une sous-catégorie cohérente de produits ou de services susceptible d’être envisagée de manière autonome, le critère de la finalité et de la destination des produits ou des services en cause constitue le critère essentiel aux fins de la définition d’une sous-catégorie autonome de produits (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2020, Ferrari, C‑720/18 et C‑721/18, EU:C:2020:854, point 40 et jurisprudence citée).

134    Il importe, dès lors, d’apprécier de manière concrète, principalement au regard des produits ou des services pour lesquels le titulaire d’une marque a apporté la preuve de l’usage de sa marque, si ceux-ci constituent une sous-catégorie autonome par rapport aux produits et aux services relevant de la classe de produits ou de services concernée, de manière à mettre en relation les produits ou les services pour lesquels l’usage sérieux de la marque a été prouvé avec la catégorie des produits ou des services couverts par l’enregistrement de cette marque. Seule importe, à cet égard, la question de savoir si le consommateur désireux d’acquérir un produit ou un service relevant de la catégorie de produits ou de services visée par la marque en cause associera à cette marque l’ensemble des produits ou des services appartenant à cette catégorie (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2020, Ferrari, C‑720/18 et C‑721/18, EU:C:2020:854, points 41 et 43 et jurisprudence citée).

135    En l’espèce, tout d’abord, au point 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve avaient démontré l’usage sérieux de la marque contestée pour de nombreux types de pâtes alimentaires ainsi que pour le panettone et la focaccia.

136    Ensuite, la chambre de recours a fait observer que les différents types de pâtes alimentaires pour lesquels l’intervenante a utilisé la marque contestée étaient couverts par l’intitulé de la classe 30 « préparations faites de céréales ». Elle a constaté que, au moment du dépôt de la marque contestée, les « pâtes alimentaires » ne constituaient pas un intitulé de classe distinct. Or, comme les « pâtes alimentaires » sont incluses dans la classe 30, sous l’indication générale « préparations faites de céréales », la chambre de recours a estimé que la marque contestée devait être considérée comme ayant été utilisée pour des « préparations faites de céréales ».

137    Enfin, la chambre de recours a constaté que la marque contestée a fait l’objet d’un usage pour la focaccia, c’est-à-dire un type de pain plat, fabriqué avec de la levure et de l’huile d’olive et parfumé aux herbes, et le panettone, à savoir un pain italien riche, fabriqué avec des œufs, des fruits et du beurre et généralement consommé à Noël. Ainsi, elle a estimé que ces produits pouvaient être qualifiés à la fois de « pain » et de « préparations faites de céréales ».

138    Ainsi, compte tenu des produits pour lesquels la preuve de l’usage de la marque contestée avait été apportée, la chambre de recours a constaté que cette marque avait fait l’objet d’un usage pour les « préparations faites de céréales, pain ».

139    En substance, la requérante allègue que, compte tenu du fait que l’intitulé « pâtes alimentaires » est désormais inclus dans la classe 30 de la classification de Nice, la chambre de recours aurait considéré, à tort, que les « pâtes alimentaires » ne constituaient pas une sous-catégorie autonome des « préparations faites de céréales ».

140    À cet égard, il convient d’emblée de relever qu’une telle allégation repose sur une prémisse erronée.

141    En effet, à titre liminaire, il convient de constater que les « pâtes alimentaires » ne constituaient pas un intitulé de classe distinct au moment de la demande d’enregistrement de la marque contestée.

142    Ensuite, d’une part, ainsi qu’il résulte de l’article 58, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, cité au point 129 ci-dessus, si la cause de déchéance n’existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, le titulaire n’est déclaré déchu de ses droits que pour les produits ou les services concernés. À cet égard, le fait que la classification de Nice a fait l’objet de nouvelles éditions depuis la date d’enregistrement de la marque contestée est dépourvu de pertinence, car celles-ci ne sauraient modifier rétroactivement la liste des produits désignés par une marque enregistrée.

143    D’autre part, compte tenu de la jurisprudence mentionnée au point 134 ci-dessus, la détermination d’une éventuelle sous-catégorie autonome doit s’apprécier de manière concrète, principalement au regard des produits ou des services pour lesquels le titulaire d’une marque a apporté la preuve de l’usage de sa marque. Ainsi, le fait qu’il existe, contrairement à la situation existant à la date d’enregistrement de la marque contestée, une nouvelle entrée intitulée « pâtes alimentaires » dans la classe 30 de la classification de Nice au jour de la demande en déchéance n’a aucune incidence sur la détermination d’une sous-catégorie autonome de « pâtes alimentaires » relativement aux « préparations faites de céréales ».

144    Dès lors, en l’espèce, la seule question pertinente est de savoir si les produits faisant partie de la catégorie des « préparations faites de céréales », pour lesquels l’usage de la marque contestée a été prouvé, constituent une sous-catégorie autonome de ladite catégorie. En l’occurrence, ainsi que le fait remarquer l’EUIPO, la requérante ne conteste pas le fait que la marque contestée a été utilisée pour, notamment, différents types de pâtes, de panettones et de focaccias.

145    Or, conformément à la jurisprudence exposée au point 133 ci-dessus, afin de vérifier si les pâtes alimentaires, le panettone et la focaccia constituent une sous-catégorie de produits susceptible d’être envisagée de manière autonome au regard de l’intitulé de la classe 30 de la classification de Nice « préparations faites de céréales », il convient de vérifier si ceux-ci sont essentiellement différents, à savoir s’ils présentent une finalité et une destination différentes.

146    À cet égard, d’une part, force est de constater que la requérante n’a apporté aucun commencement d’analyse à cette fin. D’autre part, à l’instar de l’EUIPO, il y a lieu de relever que les pâtes alimentaires, le panetonne et la foccacia sont, comme les « préparations faites de céréales », destinés à être consommés par un individu afin de satisfaire ses besoins nutritionnels.

147    Cette appréciation est, de plus, corroborée par la jurisprudence selon laquelle des différences telles que concernant la nature, les caractéristiques ou le lieu de vente ne sont pas pertinentes pour la définition d’une sous-catégorie de produits (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO, C‑714/18 P, EU:C:2020:573, point 53 ; voir, également, arrêt du 18 octobre 2016, Fruitfuls, T‑367/14, non publié, EU:T:2016:615, point 32 et jurisprudence citée).

148    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que, compte tenu de l’usage de la marque contestée pour les pâtes alimentaires, les panettones et les focaccias, il est impossible de considérer que lesdits produitsforment des sous-catégories autonomes par rapport à la catégorie « préparations faites de céréales » pour laquelle ladite marque est enregistrée.

149    Dès lors, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que la marque contestée avait fait l’objet d’un usage pour les « préparations faites de céréales ».

150    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments de la requérante.

151    Premièrement, la requérante allègue que, par la demande d’enregistrement de la marque contestée, l’intervenante visait à ce que celle-ci couvre l’ensemble des produits relevant de la classe 30. À l’appui de cette affirmation, la requérante fait observer, d’une part, que la marque demandée a été enregistrée pour l’ensemble des intitulés généraux de la classe 30. D’autre part, il résulterait de l’arrêt du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys (C‑307/10, EU:C:2012:361), qu’une demande d’enregistrement d’une marque antérieure au prononcé dudit arrêt et indiquant les intitulés généraux d’une classe de produits doit être considérée comme couvrant l’ensemble des produits d’une telle classe.

152    À cet égard, il suffit de constater que la portée du litige présenté devant le Tribunal s’étend tout au plus aux produits pour lesquels la chambre de recours a considéré que la preuve de l’usage de la marque contestée avait été démontrée. Dès lors, la question de savoir quelle était l’intention du titulaire de la marque contestée lorsque celui-ci a indiqué les produits pour lesquels il demandait l’enregistrement de ladite marque est dépourvue de pertinence. Dans ces conditions, au regard des arguments soulevés par la requérante, il incombe uniquement au Tribunal de vérifier le bien-fondé de la conclusion de la chambre de recours selon laquelle l’usage de la marque contestée est prouvé pour la catégorie des « préparations faites de céréales ».

153    Partant, un tel argument doit être écarté comme étant inopérant.

154    Deuxièmement, la requérante estime que la chambre de recours a considéré à tort que les preuves de l’usage de la marque contestée pour le panettone et la focaccia permettaient de concourir à établir l’usage sérieux pour la catégorie générale des « préparations faites de céréales ».

155    À l’appui de cette argumentation, la requérante soutient que, au point 38 de l’arrêt du 18 octobre 2016, Fruitfuls (T‑367/14, non publié, EU:T:2016:615), le Tribunal a jugé que des barres chocolatées et le chocolat ne pouvaient pas, en l’espèce, constituer une sous-catégorie du produit « sucrerie », parce que la marque en cause était également enregistrée pour les « chocolats et produits à base de chocolat » et de tels produits relevaient plutôt de cette dernière catégorie. Par analogie, la requérante estime que les panettones et les focaccias pourraient uniquement établir l’usage sérieux de la marque contestée pour la catégorie de produit « pain », dont les panettones et les focaccias relèveraient, mais pas, conjointement, pour la catégorie des « préparations faites de céréales ». Dès lors, la chambre de recours n’aurait dû tenir compte que des pâtes alimentaires pour apprécier si la marque contestée avait fait l’objet d’un usage sérieux pour la catégorie générale des « préparations faites de céréales ».

156    En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les panettones et les focaccias pouvaient être qualifiés à la fois de « préparations faites de céréales » et de « pain ». Ce faisant, elle a estimé que la preuve de l’usage de la marque contestée pour les panettones et la foccacia concourrait à établir son usage sérieux pour ces deux catégories de produits conjointement.

157    À cet égard, il convient de relever que la classification des produits et des services au titre de l’arrangement de Nice n’est elle-même effectuée qu’à des fins exclusivement administratives. Le champ de la protection du droit des marques n’est donc pas défini par la situation d’un terme dans une arborescence taxonomique, mais par la signification usuelle de ce terme. La classification de Nice ne vise qu’à faciliter la rédaction et le traitement des demandes de marque, en proposant certaines classes et catégories de produits et de services. En revanche, les intitulés des classes ne constituent pas un système dans lequel il serait exclu qu’un produit ou un service contenu dans une classe ou une catégorie puisse également faire partie d’une autre classe ou catégorie [voir, en ce sens, arrêt du 19 avril 2018, Rintisch/EUIPO – Compagnie laitière européenne (PROTICURD), T‑25/17, non publié, EU:T:2018:195, point 70 et jurisprudence citée]. 

158    Ainsi, afin d’établir qu’un produit concourt à l’usage sérieux d’une marque pour une catégorie générale de produits désignée par ladite marque, il suffit de vérifier si ledit produit peut correspondre à la signification usuelle de cette catégorie. Cela étant, contrairement à l’interprétation retenue par la requérante, un produit peut concourir à démontrer l’usage sérieux pour deux catégories de produits relevant de la même classe et désignées par une marque.

159    En l’occurrence, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré que les panettones et la focaccia pouvaient être qualifiés à la fois de « préparations faites de céréales » et de « pain » relevant tous deux de la classe 30, ce que, par ailleurs, la requérante ne conteste pas.

160    Partant, l’argumentation de la requérante est non fondée.

161    Compte tenu de ce qui précède il y a lieu d’écarter le quatrième moyen, et, par conséquent, de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

162    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

163    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

164    S’agissant de la demande de l’intervenante tendant à ce que la requérante soit condamnée aux dépens de la procédure devant la chambre de recours, il suffit de relever que, dès lors que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaquée, c’est le point 2 du dispositif de celle-ci qui continue à régler les dépens en cause.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Hotel Cipriani SpA est condamnée à ses propres dépens ainsi qu’à ceux exposés, dans le cadre de la présente procédure, par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et par Altunis-Trading, Gestão e Serviços, Sociedade unipessoal, Lda.

Costeira

Kancheva

Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais