Language of document : ECLI:EU:T:2021:436

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

14 juillet 2021 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Rémunération – Indemnité de dépaysement – Article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut – Refus d’octroi de l’indemnité de dépaysement – Résidence habituelle – Période de stage »

Dans l’affaire T‑389/20,

KO, représentée par Mes S. Rodrigues et A. Champetier, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. T. Bohr et Mme A.-C. Simon, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission du 18 octobre 2019 refusant à la requérante l’octroi de l’indemnité de dépaysement,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni (rapporteur), président, L. Madise et Mme R. Frendo, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 69 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), applicable par analogie aux agents temporaires en vertu de l’article 20 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, dispose :

« L’indemnité de dépaysement est égale à 16 % du total du traitement de base et de l’allocation de foyer ainsi que de l’allocation pour enfant à charge, auxquelles le fonctionnaire a droit. L’indemnité de dépaysement ne peut être inférieure à 538,87 EUR par mois. »

2        L’article 4 de l’annexe VII du statut, également applicable par analogie aux agents temporaires en vertu de l’article 21 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, est ainsi libellé :

« 1. L’indemnité de dépaysement égale à 16 % du montant total du traitement de base ainsi que de l’allocation de foyer et de l’allocation pour enfant à charge, versées au fonctionnaire, est accordée :

a) Au fonctionnaire :

–        qui n’a pas et n’a jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation et,

–        qui n’a pas, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État. Pour l’application de cette disposition, les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération ; [...]

2. Le fonctionnaire qui, n’ayant pas et n’ayant jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation, ne remplit pas les conditions prévues au paragraphe 1 a droit à une indemnité d’expatriation égale à un quart de l’indemnité de dépaysement. »

 Antécédents du litige

3        La requérante, KO, de nationalité bulgare, occupe depuis le 1er septembre 2019 des fonctions au sein de la direction générale « Migration et affaires intérieures » de la Commission européenne à Bruxelles (Belgique), en qualité d’agent temporaire.

4        La requérante a quitté la Bulgarie en septembre 2010 pour poursuivre ses études à Bruges (Belgique).

5        Depuis ses études à Bruges et jusqu’à son entrée en fonctions susmentionnée à la Commission, la requérante, tout en restant inscrite sur les registres communaux de plusieurs villes en Belgique, a exercé les activités suivantes et résidé dans les lieux suivants :

–        de septembre 2010 à juin 2011 : études à Bruges ;

–        de juillet à septembre 2011 : retour en Bulgarie ;

–        d’octobre 2011 à février 2012 : stage à la Commission à Bruxelles ;

–        de mars à septembre 2012 : stage auprès de la société A à Bruxelles ;

–        de janvier à septembre 2013 : stage auprès de la société B à Bruxelles ;

–        de septembre 2013 à septembre 2014 : travail intérimaire auprès de la société C à Bruxelles ;

–        d’octobre 2014 à mars 2016 : travail intérimaire auprès de la Commission à Bruxelles ;

–        d’avril 2016 à mars 2018 : agent contractuel à la Commission à Bruxelles ;

–        d’avril 2018 à août 2019 : recherche d’emploi à Bruxelles, qui est le lieu de résidence déclaré par la requérante lors de son entrée en fonctions le 1er septembre 2019.

6        À la suite de cette entrée en fonctions, l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission a, par décision du 18 octobre 2019, refusé à la requérante l’octroi de l’indemnité de dépaysement (ci-après la « décision attaquée »).

7        Le 25 novembre 2019, la requérante a introduit une réclamation contre la décision attaquée.

8        La Commission a rejeté cette réclamation par décision du 20 mars 2020.

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 juin 2020, la requérante a introduit le présent recours. La Commission a déposé le mémoire en défense le 9 septembre 2020. La réplique et la duplique ont été déposées, respectivement, le 12 novembre 2020 et le 7 janvier 2021.

10      Saisi d’une demande présentée par la requérante sur le fondement de l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier a omis le nom de cette partie dans la version publique du présent arrêt.

11      Le Tribunal (quatrième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et la décision ayant rejeté sa réclamation ;

–        condamner la Commission aux dépens, y compris en cas de rejet du recours.

13      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont, dans le cas où cette décision est dépourvue de contenu autonome, pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (arrêts du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, EU:T:2006:110, point 43).

15      En l’espèce, la décision de rejet de la réclamation est dépourvue de contenu autonome, dès lors qu’elle ne fait que confirmer la décision attaquée et préciser sa motivation en répondant aux critiques de la requérante à son égard. Les conclusions en annulation doivent donc être regardées comme étant dirigées contre la seule décision attaquée, dont la légalité doit toutefois être examinée en prenant en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation, qui est censée coïncider avec celle de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêts du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 58 et 59, et du 16 janvier 2018, SE/Conseil, T‑231/17, non publié, EU:T:2018:3, point 22).

16      La requérante invoque deux moyens au soutien de ses conclusions en annulation de la décision attaquée. Le premier est tiré de la violation de l’article 69 du statut ainsi que de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de l’annexe VII du statut et le second est tiré de la méconnaissance du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 69 du statut ainsi que de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de l’annexe VII du statut

17      Selon une jurisprudence constante, l’octroi de l’indemnité de dépaysement a pour objet de compenser les charges et les désavantages particuliers résultant de la prise de fonctions auprès de l’Union européenne pour les agents qui sont de ce fait obligés de transférer leur résidence de l’État de leur domicile à l’État d’affectation et de s’intégrer dans un nouveau milieu (voir arrêt du 24 janvier 2008, Adam/Commission, C‑211/06 P, EU:C:2008:34, point 38 et jurisprudence citée ; arrêt du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission, T‑273/17, EU:T:2018:480, point 44).

18      Si l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut se fonde, pour déterminer les cas de dépaysement, sur les notions de résidence habituelle et d’activité professionnelle principale de l’agent sur le territoire de l’État du lieu d’affectation pendant une certaine période de référence, c’est en vue d’établir des critères simples et objectifs pour appréhender la situation des agents qui sont obligés, du fait de leur prise de fonctions auprès de l’Union, de changer de résidence et de s’intégrer dans leur nouveau milieu (arrêts du 31 mai 1988, Nuñez/Commission, 211/87, EU:C:1988:275, point 10 ; du 8 avril 1992, Costacurta Gelabert/Commission, T‑18/91, EU:T:1992:56, point 42, et du 30 juin 2005, Olesen/Commission, T‑190/03, EU:T:2005:264, point 61).

19      Selon la jurisprudence, il suffit qu’un seul des critères visés à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, à savoir la résidence habituelle ou l’activité professionnelle principale, soit rempli dans le lieu d’affectation de l’agent pour que celui‑ci ne puisse pas bénéficier de l’indemnité de dépaysement (voir arrêt du 28 février 2019, Pozza/Parlement, T‑216/18, non publié, EU:T:2019:118, point 29 et jurisprudence citée). En effet, il ressort tant du libellé de la disposition en cause que de son objet que l’indemnité de dépaysement ne doit être accordée que lorsqu’aucune des situations qui y sont visées n’est constatée. L’agent ne peut donc prétendre à cette indemnité que s’il n’a, de façon habituelle, ni habité ni exercé son activité professionnelle principale sur le territoire de son État d’affectation pendant la période de référence (voir arrêt du 28 février 2019, Pozza/Parlement, T‑216/18, non publié, EU:T:2019:118, point 30 et jurisprudence citée).

20      La jurisprudence a par ailleurs précisé que l’indemnité de dépaysement n’est refusée que lorsque la résidence habituelle ou l’activité professionnelle principale dans le pays d’affectation a duré pendant la totalité de la période quinquennale de référence (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 1995, Diamantaras/Commission, T‑72/94, EU:T:1995:212, point 48, et du 28 novembre 2019, Wywiał-Prząda/Commission, T‑592/18, EU:T:2019:820, point 23).

21      Il est en outre de jurisprudence constante qu’il appartient à l’agent concerné de démontrer que les conditions visées à l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut sont remplies (voir, en ce sens, arrêts du 27 septembre 2000, Lemaître/Commission, T‑317/99, EU:T:2000:218, point 48, et du 13 septembre 2005, Recalde Langarica/Commission, T‑283/03, EU:T:2005:315, point 142).

22      Il convient de rappeler que la Commission a refusé en l’espèce l’octroi de l’indemnité de dépaysement à la requérante en se fondant sur les motifs suivants :

–        la requérante est de nationalité bulgare et son lieu d’affectation se trouve en Belgique, ce qui implique la vérification des conditions posées par l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut ;

–        la période quinquennale de référence s’étend du 1er mars 2012, compte tenu de la neutralisation de la période d’activité de deux ans en qualité d’agent contractuel au service de la Commission (voir point 5, avant-dernier tiret, ci-dessus), au 1er mars 2019, soit six mois avant l’entrée en fonctions litigieuse ;

–        la requérante a résidé de manière continue en Belgique pendant la période de référence et y a exercé des activités professionnelles rémunérées.

23      Il y a lieu d’approuver la fixation de la période de référence comme s’étendant du 1er mars 2012 au 1er mars 2019. La requérante ne la conteste pas au demeurant et ne conteste pas davantage la continuité de sa résidence en Belgique au cours de cette période. Elle reconnaît par ailleurs avoir exercé une activité en Belgique en qualité de travailleur intérimaire entre septembre 2013 et mars 2016, dont plusieurs mois au service de la Commission par le biais de contrats de travail avec des agences d’intérim (voir point 5, septième tiret, ci-dessus), cette situation d’employé de sociétés de travail intérimaire mis à la disposition d’une institution de l’Union ayant, à juste titre, été considérée comme ne correspondant pas à une situation « résultant de services effectués pour une organisation internationale » au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission, T‑273/17, EU:T:2018:480, point 68).

24      La requérante conteste en revanche que les stages effectués auprès des sociétés A et B entre mars 2012 et septembre 2013 (ci-après, pris ensemble, les « deux stages litigieux ») puissent être pris en compte au titre d’une résidence habituelle ou d’une activité professionnelle principale en Belgique. Elle fait valoir, à cet égard, que ces périodes de stage faisaient suite et étaient liées à sa formation et, dès lors, ne permettraient pas de présumer qu’elle avait l’intention de déplacer le centre de ses intérêts en Belgique.

25      Il y a lieu de relever, à cet égard, que, dans la décision de rejet de la réclamation, la Commission a fait état de manière générale de la résidence et du travail de la requérante en Belgique (voir point 22, troisième tiret, ci-dessus), sans spécifier si les deux stages litigieux avaient été pris en compte au titre de sa résidence habituelle ou comme attestant de son activité professionnelle principale dans cet État. Il reste que la Commission a principalement évoqué, dans cette décision, le critère de la résidence habituelle, notamment en rappelant la jurisprudence pertinente à cet égard, et a conclu que la requérante avait de façon habituelle habité en Belgique pendant la période de référence avant de confirmer le refus de l’indemnité de dépaysement. Il convient, dès lors, de commencer par examiner si la Commission a considéré, à juste titre, que la requérante avait sa résidence habituelle en Belgique au cours de la période de référence.

26      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion de résidence habituelle correspond au lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts, étant entendu que, aux fins de la détermination de la résidence habituelle, il importe de tenir compte de tous les éléments de fait constitutifs de celle-ci et, notamment, de la résidence effective de l’intéressé (arrêts du 15 septembre 1994, Magdalena Fernández/Commission, C‑452/93 P, EU:C:1994:332, point 22, et du 3 mai 2001, Liaskou/Conseil, T‑60/00, EU:T:2001:129, point 53). Ainsi, comme le souligne pertinemment la requérante, la notion de résidence implique, outre le fait physique de demeurer en un certain lieu, l’intention de conférer à ce fait la continuité résultant d’une habitude de vie et du déroulement de rapports sociaux normaux (arrêts du 16 mai 2007, F/Commission, T‑324/04, EU:T:2007:140, point 48, et du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission, T‑273/17, EU:T:2018:480, point 48).

27      Il convient, dès lors, de déterminer en l’espèce si les deux stages litigieux effectués par la requérante à Bruxelles permettent d’établir, conjointement avec sa résidence effective dans cette ville nullement contestée et d’ailleurs établie par un certificat de résidence, qu’elle y a installé le centre permanent ou habituel de ses intérêts.

28      Il ressort de la jurisprudence que, dans la mesure où, à l’époque actuelle, une formation universitaire comporte ou est fréquemment suivie d’une période de formation additionnelle ou de stage à l’étranger, le seul fait de résider dans un pays étranger en tant que stagiaire ne permet pas de présumer l’existence d’une volonté de déplacer le centre permanent ou habituel de ses intérêts. En revanche, lorsqu’une telle période d’études et de stage est suivie d’une période d’emploi au même endroit, la présence continue de l’intéressé à l’étranger peut créer la présomption d’une éventuelle volonté de celui-ci d’y déplacer le centre permanent ou habituel de ses intérêts et ainsi sa résidence habituelle. Toutefois, cette présomption est susceptible d’être renversée lorsque d’autres éléments tirés des circonstances professionnelles ou personnelles relatives à l’intéressé montrent que celui-ci a conservé le centre permanent ou habituel de ses intérêts dans son pays d’origine (voir, en ce sens, arrêts du 25 octobre 2005, Salvador García/Commission, T‑205/02, EU:T:2005:368, points 71 et 72 ; du 15 octobre 2020, Karpeta-Kovalyova/Commission, T‑249/19, non publié, sous pourvoi, EU:T:2020:490, point 78, et du 20 janvier 2016, Proia/Commission, F‑61/15, EU:F:2016:2, point 50).

29      En premier lieu, la requérante conteste qu’une telle présomption se soit formée en l’espèce. Elle fait observer, à cet égard, qu’elle est retournée en Bulgarie entre la fin de ses études en Belgique et le début des deux stages litigieux pour y chercher un emploi. Elle précise également, d’une part, que son lieu de résidence antérieur au début de la période de référence ne serait pas pertinent, et ce d’autant que cette résidence correspondait à un stage auprès de la Commission, dont la prise en compte est exclue aux fins de l’octroi de l’indemnité de dépaysement et, d’autre part, qu’elle a changé plusieurs fois de logement entre 2011 et 2013. La requérante souligne, enfin, que son intention de transférer le centre permanent de ses intérêts en Belgique pendant la période d’études ne peut être appréciée a posteriori à la lumière des faits s’étant produits à l’issue de cette période.

30      Il convient de rappeler, tout d’abord, que, avant le début de la période de référence, la requérante a effectué ses études à Bruges (jusqu’en juin 2011), puis a séjourné en Bulgarie pendant environ trois mois, avant d’entamer un stage à la Commission à Bruxelles (entre octobre 2011 et février 2012), dont la fin marque le début de la période de référence (1er mars 2012). Ont suivi, au cours de cette période de référence, les deux stages litigieux à Bruxelles espacés d’une période d’environ trois mois au cours de laquelle la requérante est restée en Belgique, puis diverses périodes d’emploi à Bruxelles (voir point 5 ci-dessus).

31      Il importe de souligner, ensuite, que, si les données relatives à une période antérieure à celle de référence ne sauraient jouer un rôle déterminant quant à la question de savoir si l’intéressé est en droit de bénéficier de l’indemnité de dépaysement, elles constituent des éléments de fait importants qui doivent être pris en considération avec d’autres faits pertinents. Elles peuvent notamment contribuer à démontrer que la période de référence s’inscrit dans une continuité en ce qui concerne la présence et l’activité professionnelle de la partie requérante dans un État donné (voir arrêts du 16 mai 2007, F/Commission, T‑324/04, EU:T:2007:140, point 67 et jurisprudence citée, et du 15 mars 2011, Mioni/Commission, F‑28/10, EU:F:2011:23, point 23 et jurisprudence citée). D’ailleurs, la requérante elle-même argue de son retour en Bulgarie entre la fin de ses études à Bruges et le début de ses stages à Bruxelles, retour intervenu avant le début de la période de référence, pour nier la présomption de déplacement du centre de ses intérêts en Belgique.

32      Or, précisément en l’espèce, à l’exception d’un séjour estival en Bulgarie à la suite de la fin de ses études (voir point 33 ci-après), la requérante a séjourné, était inscrite sur les registres communaux et a été stagiaire puis employée dans le pays de ses études de façon ininterrompue après la fin de celles-ci, dès avant le début de la période de référence et jusqu’à l’engagement ayant donné lieu au refus de l’indemnité de dépaysement, soit depuis septembre 2010, ce dont il peut être présumé, conformément à la jurisprudence rappelée au point 28 ci-dessus, sa volonté d’établir le centre permanent ou habituel de ses intérêts en Belgique, y compris au moment des deux stages litigieux.

33      Premièrement, cette considération n’est pas remise en cause par le court séjour de la requérante en Bulgarie, correspondant à la période estivale faisant suite à la fin de ses études (juillet à septembre 2011). En effet, ce séjour peut être considéré comme ayant dès le départ été prévu à titre provisoire, dès lors que la requérante s’est vu offrir dès le début de ce séjour estival, le 8 juillet 2011, le stage auprès de la Commission à Bruxelles qu’elle a entamé en octobre 2011 et pour lequel elle a ainsi postulé dès avant son départ pour la Bulgarie. En outre, un tel séjour en Bulgarie atteste des liens sociaux et familiaux conservés par la requérante avec son pays natal, lesquels sont des liens usuels que les personnes gardent avec le pays où vivent leurs parents et dans lequel ils ont habité (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2007, F/Commission, T‑324/04, EU:T:2007:140, point 87). Il ne saurait ainsi suffire à remettre en cause la continuité entre la période d’études et le stage à la Commission entamé en octobre 2011 ainsi que les deux stages litigieux qui ont suivi, et ce d’autant plus que les stages à la Commission sont conçus comme une période de spécialisation venant compléter soit une formation universitaire, soit les connaissances nécessaires à l’exercice d’un emploi (arrêt du 30 janvier 2014, Ohrgaard/Commission, F‑151/12, EU:F:2014:8, point 43).

34      Il y a lieu de préciser, à cet égard, que la circonstance que le premier stage ayant suivi la fin des études de la requérante a été effectué auprès de la Commission et correspond ainsi à un service accompli pour une organisation internationale ne devant pas être pris en considération aux fins de l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut ne saurait empêcher le Tribunal d’apprécier le degré d’intégration de la requérante en Belgique, parmi d’autres éléments, à la lumière de cette situation (voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2001, Liaskou/Conseil, T‑60/00, EU:T:2001:129, point 61) et, en l’occurrence, de le prendre en compte au titre de la continuité susvisée des périodes d’études, de stages et d’emplois en Belgique.

35      En outre, quand bien même la requérante serait retournée en Bulgarie pour y chercher un emploi, ainsi qu’elle l’affirme, il y a lieu de relever qu’elle ne fournit aucun élément pour le démontrer, que cette affirmation est contredite par l’offre de stage datant de juillet 2011 (voir point 33 ci-dessus) et que, en tout état de cause, ces démarches infructueuses pour trouver un emploi en Bulgarie correspondent tout au plus à une perspective très hypothétique de déplacement du centre permanent des intérêts de la requérante dans ce pays devant être confortée par d’autres éléments pour établir un tel déplacement (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2011, Mioni/Commission, F‑28/10, EU:F:2011:23, point 33), ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

36      Il importe également de souligner que, contrairement à ce que prétend la requérante en se fondant sur l’arrêt du 20 janvier 2016, Proia/Commission (F‑61/15, EU:F:2016:2, point 61), ainsi qu’il ressort des points 32 à 35 ci-dessus, les considérations qui précèdent sont fondées sur des éléments de fait permettant de déduire une continuité des périodes d’études et de stages aux fins de déterminer le lieu de résidence habituelle de la requérante au cours des deux stages litigieux et ne visent pas, ainsi qu’il était reproché à la Commission dans cet arrêt, à établir la résidence habituelle de la requérante en Belgique dès le début de ses études à la lumière de faits et de circonstances s’étant produits à l’issue de la période d’études.

37      Deuxièmement, la formation de la présomption de résidence habituelle dans l’État dans lequel se sont succédées les périodes d’études, de stages et d’emplois de la requérante n’est pas davantage remise en cause par la pluralité des logements qu’elle a occupés en Belgique. Une telle pluralité a certes pu être considérée, dans certaines circonstances, comme attestant de l’absence de volonté de donner un caractère stable à la résidence dans ledit État (voir, en ce sens, arrêts du 18 juin 2015, Pondichie/Commission, F‑50/14, EU:F:2015:62, point 41, et du 20 janvier 2016, Proia/Commission, F‑61/15, EU:F:2016:2, points 52 à 54). Toutefois, les circonstances de l’espèce ne caractérisent pas le caractère temporaire et précaire des logements successifs retenu par le juge de l’Union pour opérer une telle déduction.

38      En effet, au cours de la période pendant laquelle elle a effectué les deux stages litigieux, soit entre mars 2012 et septembre 2013, la requérante a changé de résidence une première fois entre les deux stages. Cependant, dans la mesure où ce changement est intervenu alors qu’elle occupait le précédent logement depuis plus d’un an et qu’elle avait des perspectives de poursuivre ses activités à Bruxelles, ainsi qu’en atteste la signature de la convention pour le second stage avant le déménagement en cause, il n’introduit pas d’élément d’instabilité dans sa résidence à Bruxelles. La requérante a déménagé une seconde fois environ quatre mois plus tard, tandis que son second stage n’était pas terminé, pour louer un logement qu’elle a d’ailleurs occupé ensuite pendant plus de cinq ans, ce qui ne permet pas, en tant que tel, de relier ce déménagement à une incertitude quant à la pérennisation de sa présence à Bruxelles. En outre, en l’absence de production des baux concernés (voir point 21 ci-dessus), il ne peut en être déduit ni leur courte durée, ni que ceux-ci correspondraient à un logement précaire, notamment du fait des conditions d’occupation dudit logement.

39      Troisièmement, il est indifférent que la requérante ait été inactive entre le 1er mars 2012 et le début de son stage chez A le 26 mars 2012 et que les deux stages litigieux n’aient pas été suivis d’emplois dans les sociétés concernées au cours de la période de référence, comme elle le fait valoir dans la réplique.

40      En effet, il peut être relevé que la requérante est restée en Belgique au cours de cette période d’inactivité et qu’elle n’invoque pas, ni a fortiori n’établit, avoir entamé des démarches pour quitter ce pays, notamment en cherchant du travail en dehors de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2020, Karpeta-Kovalyova/Commission, T‑249/19, non publié, sous pourvoi, EU:T:2020:490, point 76). Par ailleurs, la présomption de résidence habituelle dans le pays où se suivent des périodes d’études, de stages et d’emplois est fondée sur la continuité temporelle entre ces différentes périodes, laquelle est susceptible d’attester d’une stabilité du centre des intérêts d’un agent, et non sur leur corrélation matérielle qui résulterait de l’obtention d’un emploi dans l’entité dans laquelle un stage a été préalablement effectué.

41      En second lieu, la requérante soutient que plusieurs éléments permettraient en l’espèce de renverser la présomption de résidence habituelle en Belgique pendant les deux stages litigieux, dont les circonstances qu’elle est restée inscrite au registre administratif bulgare des droits civiques et électoraux et qu’elle était affiliée au régime public d’assurance maladie bulgare jusqu’à la fin de l’année 2012.

42      Quant au maintien de l’inscription de la requérante au registre administratif bulgare des droits civiques et électoraux, il est de jurisprudence constante qu’un tel lien d’un agent avec son pays natal correspond aux liens usuels que les personnes gardent avec le pays où elles ont longtemps habité, mais qu’il ne permet pas, en tant que tel, de démontrer que la résidence habituelle se situe dans ce pays (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2005, De Bustamante Tello/Conseil, T‑368/03, EU:T:2005:372, point 62 et jurisprudence citée).

43      Quant au maintien de l’affiliation de la requérante au régime d’assurance maladie bulgare, il ressort de la jurisprudence que la conservation du bénéfice du régime d’assurance maladie dans son pays d’origine ne suffit pas à établir, à elle seule, que le centre permanent des intérêts d’un agent se situe encore dans ce pays. Tout en révélant des liens durables avec ledit pays, cet élément purement formel ne permet pas en effet d’y démontrer la résidence effective (voir, en ce sens, arrêts du 3 mai 2001, Liaskou/Conseil, T‑60/00, EU:T:2001:129, point 63, et du 16 mai 2007, F/Commission, T‑324/04, EU:T:2007:140, points 75 et 76). Il peut être relevé, au surplus, que cette affiliation a pris fin au début du second stage, ce qui constitue un indice de la volonté de la requérante de déplacer le centre de ses intérêts en Belgique.

44      Il résulte de tout ce qui précède que la Commission a estimé, à bon droit, que la requérante avait fixé en Belgique le centre habituel de ses intérêts, y compris pendant les deux stages litigieux, et qu’ainsi sa résidence habituelle y était établie au cours de la période de référence.

45      Cette conclusion n’est pas remise en cause par la circonstance, alléguée par la requérante, que la Commission lui a octroyé l’indemnité de dépaysement lors de sa première entrée en fonctions à la Commission en 2016, ce qui attesterait de son absence de résidence habituelle en Belgique avant cette date. En effet, en l’absence de continuité des différents contrats conclus entre un agent et les institutions et organismes de l’Union qui l’emploient successivement, la détermination des droits pécuniaires de l’intéressé, y compris le bénéfice de l’indemnité de dépaysement, doit se faire à chaque entrée en service auprès d’un nouvel employeur. Par conséquent, la période de référence ainsi que les faits pertinents pour examiner les conditions prévues par l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut sont différents à chaque contrat. Dans ces circonstances, lors de son entrée en service auprès d’une institution, la personne concernée ne saurait se prévaloir des décisions précédentes concernant l’indemnité de dépaysement (arrêt du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission, T‑273/17, EU:T:2018:480, point 112). Or, précisément en l’espèce, comme le souligne pertinemment la Commission, la période de référence prise en compte en 2016, différente de celle retenue en 2019, incluait notamment une période au cours de laquelle la requérante résidait en Bulgarie avant le début de ses études en Belgique (voir également point 36 ci-dessus).

46      Il s’ensuit par ailleurs que, dans la mesure où la Commission a correctement considéré que la requérante avait sa résidence habituelle dans le lieu de son affectation au cours de la période de référence, il n’y a pas lieu d’examiner si celle-ci y avait aussi exercé son activité professionnelle principale au cours de ladite période, compte tenu du caractère alternatif du critère de la résidence habituelle et de celui de l’activité professionnelle principale visés à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut (voir point 19 ci-dessus).

47      Le premier moyen doit, par conséquent, être écarté, sans qu’il soit besoin, en tout état de cause, d’examiner les arguments relatifs à l’exercice d’une activité professionnelle principale de la requérante en Belgique au cours de la période de référence et, en particulier, à la qualification comme telle des deux stages litigieux.

 Sur le second moyen, tiré de la méconnaissance du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude

48      La requérante estime que, contrairement aux exigences posées par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Commission n’a pas pris en considération tous les éléments pertinents susceptibles de déterminer l’octroi de l’indemnité de dépaysement, dont le fait que les deux stages litigieux correspondaient à des périodes de formation et non à des périodes d’activité professionnelle. Elle fait valoir, en outre, que le changement de position de la Commission, qui lui a octroyé l’indemnité de dépaysement en 2016 et qui la lui a refusée en 2019, en prenant en considération les mêmes périodes de stage, ne reflète pas un traitement équitable de son dossier.

49      Il convient de rappeler, à titre liminaire, qu’il ressort de l’examen du premier moyen que la Commission a pu, sans méconnaître l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, refuser l’octroi de l’indemnité de dépaysement à la requérante en 2019 en se fondant sur sa résidence habituelle en Belgique au cours de la période de référence, et ce même si elle la lui avait accordée en 2016.

50      Or, il est de jurisprudence constante que la mise en balance entre intérêt du service et intérêt de l’agent concerné impliquée par le devoir de sollicitude de l’administration ne peut trouver à s’appliquer lorsque cette dernière a une compétence liée et applique à bon droit une disposition fixant des droits pécuniaires (voir, en ce sens, arrêts du 16 mai 2007, F/Commission, T‑324/04, EU:T:2007:140, points 168 à 170, et du 19 décembre 2019, Wehrheim/BCE, T‑100/18, non publié, EU:T:2019:882, point 87). Ainsi, la requérante ne peut invoquer le devoir de sollicitude afin d’obtenir des avantages que la disposition statutaire susvisée ne permet pas de lui octroyer. Il convient de souligner, à cet égard, que, compte tenu du caractère alternatif des critères pris en compte par ladite disposition et de la constatation à juste titre de la résidence habituelle de la requérante en Belgique au cours de la période de référence, la Commission n’était pas tenue de vérifier au surplus si celle-ci y avait exercé son activité professionnelle principale au cours de ladite période et, en particulier, si les deux stages litigieux correspondaient à une telle activité professionnelle principale.

51      Par ailleurs, ainsi qu’il a été dit au point 45 ci-dessus, compte tenu des périodes de référence différentes prises en compte en 2016 et en 2019, il ne saurait être reproché à la Commission un changement de position inéquitable en méconnaissance de l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux.

52      Il s’ensuit que le second moyen doit être écarté.

53      Il s’ensuit également qu’il y a lieu de rejeter le présent recours.

 Sur les dépens

54      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de faire application de cette disposition en la condamnant aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission, et non de faire supporter à cette dernière l’ensemble des dépens en application de l’article 135, paragraphe 2, du règlement de procédure, comme le réclame la requérante. En effet, la naissance du présent litige n’a pas été favorisée par le comportement adopté par la Commission, celle-ci s’étant conformée à la réglementation de l’Union, ainsi qu’il ressort de ce qui précède (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2018, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑752/15, non publié, EU:T:2018:233, points 175 à 178 et jurisprudence citée).

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      KO est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Madise

Frendo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juillet 2021.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.